Azarov v Council (External relations - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-247/17 (13 December 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T24717.html
Cite as: [2018] EUECJ T-247/17, ECLI:EU:T:2018:931, EU:T:2018:931

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Droit de propriété – Droit à exercer une activité économique – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑247/17,

Mykola Yanovych Azarov, demeurant à Kiev (Ukraine), représenté par Mes G. Lansky et A. Egger, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et F. Naert, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2017/381 du Conseil, du 3 mars 2017, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2017, L 58, p. 34), et du règlement d’exécution (UE) 2017/374 du Conseil, du 3 mars 2017, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2017, L 58, p. 1), dans la mesure où le nom du requérant a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, D. Spielmann et Z. Csehi, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives adoptées à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, à la suite de la répression des manifestations de la place de l’Indépendance à Kiev (Ukraine) en février 2014.

2        Le 5 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2014/119/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26). À la même date, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 208/2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2014 »).

3        Le requérant, M. Mykola Yanovych Azarov, a été Premier ministre de l’Ukraine du 11 mars 2010 au 28 janvier 2014.

4        Les considérants 1 et 2 de la décision 2014/119 précisent :

« (1)      Le 20 février 2014, le Conseil a condamné dans les termes les plus fermes tout recours à la violence en Ukraine. Il a demandé l’arrêt immédiat de la violence en Ukraine et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a demandé au gouvernement ukrainien de faire preuve d’une extrême retenue et aux responsables de l’opposition de se désolidariser de ceux qui mènent des actions extrêmes, et notamment recourent à la violence.

(2)      Le 3 mars 2014, le Conseil a [décidé] d’axer les mesures restrictives sur le gel et la récupération des avoirs des personnes identifiées comme étant responsables du détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, et des personnes responsables de violations des droits de l’homme, en vue de renforcer et de soutenir l’[É]tat de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine. »

5        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119 disposait ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

6        Les modalités de ce gel des fonds sont définies à l’article 1er, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/119.

7        Conformément à la décision 2014/119, le règlement no 208/2014 impose l’adoption de mesures de gel des fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de ladite décision.

8        Les noms des personnes visées par les actes de mars 2014 apparaissent sur la liste, identique, figurant à l’annexe de la décision 2014/119 et à l’annexe I du règlement no 208/2014 (ci-après la « liste ») avec, notamment, la motivation de leur inscription.

9        Le nom du requérant apparaissait sur la liste avec les informations d’identification « Premier ministre de l’Ukraine jusqu’en janvier 2014 » et la motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d’Ukraine. »

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2014, le requérant a introduit un recours, enregistré sous la référence T‑331/14, ayant pour objet notamment une demande d’annulation des actes de mars 2014, en ce qu’ils le visaient.

11      Le 29 janvier 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/143, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 24, p. 16), et le règlement (UE) 2015/138, modifiant le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 24, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de janvier 2015 »).

12      La décision 2015/143 a précisé, à partir du 31 janvier 2015, les critères de désignation des personnes visées par le gel des fonds. En particulier, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119 a été remplacé par le texte suivant :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et aux personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

Aux fins de la présente décision, les personnes identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien incluent des personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes :

a)      pour détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel détournement ; ou

b)      pour abus de pouvoir en qualité de titulaire de charge publique dans le but de se procurer à lui-même ou de procurer à un tiers un avantage injustifié, causant ainsi une perte pour les fonds ou avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel abus. »

13      Le règlement 2015/138 a modifié le règlement no 208/2014 conformément à la décision 2015/143.

14      Le 5 mars 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/364, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 62, p. 25), et le règlement d’exécution (UE) 2015/357, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 62, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2015 »). La décision 2015/364 a modifié l’article 5 de la décision 2014/119, en prorogeant les mesures restrictives, en ce qui concernait le requérant, jusqu’au 6 mars 2016. Le règlement d’exécution 2015/357 a remplacé en conséquence l’annexe I du règlement no 208/2014.

15      Par les actes de mars 2015, le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec les informations d’identification « Premier ministre de l’Ukraine jusqu’en janvier 2014 » et la nouvelle motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics. »

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2015, le requérant a introduit un recours, enregistré sous la référence T‑215/15, ayant pour objet une demande d’annulation des actes de mars 2015, en ce qu’ils le visaient.

17      Par arrêt du 28 janvier 2016, Azarov/Conseil (T‑331/14, EU:T:2016:49), le Tribunal a annulé les actes de mars 2014, en ce qu’ils visaient le requérant.

18      Le 4 mars 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/318, modifiant la décision 2014/119 (JO 2016, L 60, p. 76), et le règlement d’exécution (UE) 2016/311, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2016, L 60, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2016 »).

19      Par les actes de mars 2016, l’application des mesures restrictives a été prorogée, en ce qui concerne, notamment, le requérant, jusqu’au 6 mars 2017, et ce sans que la motivation de sa désignation ait été modifiée par rapport à celle des actes de mars 2015.

20      Par lettre du 16 mars 2016, le Conseil a répondu à une demande présentée par le requérant, en date du 7 mars 2016, en vue d’un accès privilégié aux documents du Conseil et lui a communiqué certains documents.

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 avril 2016, le requérant a introduit un recours, enregistré sous la référence T‑190/16, ayant pour objet une demande d’annulation des actes de mars 2016, en ce qu’ils le visaient.

22      Par courrier du 12 décembre 2016,le Conseil a communiqué au requérant, notamment, deux lettres, l’une datée du 17 août 2016 et l’autre datée du 16 novembre 2016, émanant du bureau du procureur général d’Ukraine (ci-après le « BPG »), adressées au haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, concernant les procédures pénales dont le requérant faisait l’objet en Ukraine, ainsi que des informations fournies par les autorités ukrainiennes, en date du 30 juin 2016, en réponse à des demandes du Conseil, ayant trait à des décisions judiciaires adoptées par des juridictions ukrainiennes. Dans cette lettre, le Conseil informait également le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives le concernant sur le fondement d’une motivation légèrement modifiée, en rappelant quel était le délai fixé pour lui présenter des observations en vue du réexamen annuel des mesures restrictives. Le requérant a présenté de telles observations au Conseil par lettre du 11 janvier 2017.

23      Le 3 mars 2017, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2017/381, modifiant la décision 2014/119 (JO 2017, L 58, p. 34), et le règlement d’exécution (UE) 2017/374, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2017, L 58, p. 1) (ci–après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

24      Par les actes attaqués, l’application des mesures restrictives a été prorogée, en ce qui concerne, notamment, le requérant, jusqu’au 6 mars 2018, et ce sans que la motivation de sa désignation ait été modifiée par rapport à celle des actes de mars 2015 et de mars 2016.

25      Par courrier du 6 mars 2017, le Conseil a informé le requérant du maintien des mesures restrictives à son égard. Il a également répondu aux observations du requérant formulées dans les correspondances précédentes et lui a transmis les actes attaqués. Il a également indiqué le délai pour lui présenter des observations avant la prise de décision concernant l’éventuel maintien de son nom sur la liste en 2018.

26      Le 8 mars 2017, le requérant a présenté une demande en vue d’un accès privilégié à certains documents du Conseil. Par courrier du 24 mars 2017, le Conseil a donné suite à cette demande du requérant.

 Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

27      Par arrêt du 7 juillet 2017, Azarov/Conseil (T‑215/15, EU:T:2017:479), le Tribunal a rejeté le recours en annulation contre les actes de mars 2015, en tant qu’ils concernaient le requérant.

28      Le 7 septembre 2017, le requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt du 7 juillet 2017, Azarov/Conseil (T‑215/15, EU:T:2017:479). Ce pourvoi a été enregistré au greffe de la Cour sous la référence C‑530/17 P.

29      Par arrêt du 26 avril 2018, Azarov/Conseil (T‑190/16, non publié, EU:T:2018:232), le Tribunal a rejeté le recours en annulation contre les actes de mars 2016, en tant qu’ils concernaient le requérant.

30      Le 26 juin 2018, le requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt du 26 avril 2018, Azarov/Conseil (T‑190/16, non publié, EU:T:2018:232). Ce pourvoi a été enregistré au greffe de la Cour sous la référence C‑416/18 P.

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 avril 2017, le requérant a introduit le présent recours.

32      Dans le cadre de la requête, le requérant a demandé au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure, dont il n’a pas précisé le contenu.

33      Le 14 juillet 2017, le Conseil a déposé le mémoire en défense. Le même jour, il a présenté une demande motivée, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, visant à obtenir que certaines annexes de la requête et du mémoire en défense ainsi que leur contenu ne soient pas cités dans les documents afférents à cette affaire auxquels le public a accès.

34      La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 29 août 2017 et le 9 octobre 2017.

35      Le 13 octobre 2017, le Conseil a également présenté une demande motivée, conformément à l’article 66 du règlement de procédure, visant à obtenir que le contenu d’une annexe de la réplique ne soit pas mentionné dans les documents afférents à cette affaire auxquels le public a accès.

36      La phase écrite de la procédure a été close le 9 octobre 2017.

37      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2017, le requérant a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries.

38      Par lettre du 19 décembre 2017, le requérant a produit, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, des preuves nouvelles. Par lettre du 13 février 2018, le Conseil a pris position sur les preuves produites par le requérant.

39      Le 13 février 2018, le Conseil a également présenté une demande motivée, conformément à l’article 66 du règlement de procédure, visant à obtenir que le contenu d’une annexe de ses observations sur les preuves produites par le requérant ne soit pas mentionné dans les documents afférents à cette affaire auxquels le public a accès.

40      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

41      Par lettre du 13 juin 2018, le requérant a produit, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, une décision du tribunal de district de Petschersk (Kiev) du 21 février 2018. Par lettre du 18 juin 2018, le Conseil a pris position sur la preuve produite par le requérant.

42      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 juin 2018.

43      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qu’ils le visent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

44      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, déclarer que les effets de la décision 2017/381 sont maintenus jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement d’exécution 2017/374 ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

45      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens, pris, le premier, d’une violation des droits fondamentaux et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits fondamentaux

46      Ce moyen s’articule, en substance, en trois branches, tirées, respectivement, de la violation du droit de propriété, de la violation de la liberté d’entreprise et du caractère disproportionné des mesures restrictives en cause.

 Sur la première branche, tirée de la violation du droit de propriété

47      Le requérant estime que les actes attaqués portent atteinte à son droit de propriété, consacré par l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Selon lui, le gel des avoirs qui lui a été imposé équivaut à une expropriation de fait, ce qui ressortirait d’ailleurs de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »). Les restrictions imposées par les actes attaqués, reposant sur de simples affirmations, auraient été adoptées sans les garanties procédurales prévues par le droit de l’Union. Selon le requérant, le Conseil n’a pas prouvé que, au moment de l’adoption des actes attaqués, il était déjà poursuivi pour les faits indiqués dans les motifs d’inscription. La limitation de son droit de propriété ne saurait dès lors être considérée comme étant « prévue par la loi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. En outre, le Conseil n’aurait pas prouvé l’existence des conditions permettant de justifier des atteintes aux droits fondamentaux.

48      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

49      Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte :

« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »

50      Selon l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, d’une part, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés et, d’autre part, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

51      Il résulte de la jurisprudence qu’une mesure de gel des fonds comporte incontestablement une restriction à l’usage du droit de propriété (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 358).

52      En l’espèce, le droit de propriété du requérant est restreint, dès lors qu’il ne peut, notamment, pas disposer de ses fonds situés sur le territoire de l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières, et qu’aucun fonds ni aucune ressource économique ne peuvent être mis, directement ou indirectement, à sa disposition.

53      Toutefois, le droit de propriété, tel qu’il est protégé par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, ne constitue pas une prérogative absolue et peut, en conséquence, faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 195 et jurisprudence citée).

54      Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation à l’exercice du droit de propriété doit répondre à une triple condition.

55      Premièrement, la limitation doit être « prévue par la loi ». En d’autres termes, la mesure doit avoir une base légale. Deuxièmement, elle doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Au nombre de ces objectifs figurent ceux poursuivis dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et visés à l’article 21, paragraphe 2, TUE. Troisièmement, la limitation ne doit pas être excessive. D’une part, elle doit être nécessaire et proportionnelle au but recherché. D’autre part, le « contenu essentiel », c’est-à-dire la substance du droit ou de la liberté en cause, ne doit pas être atteint [voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 178 (non publié) et jurisprudence citée].

56      En ce qui concerne la première condition, il convient d’observer que, en l’occurrence, la limitation est « prévue par la loi », puisque le maintien du nom du requérant sur la liste correspond au critère de désignation des personnes visées par les mesures restrictives en cause, mentionné au point 12 ci-dessus (ci-après le « critère pertinent »), que les actes attaqués n’ont pas modifié et qui renvoie notamment à l’existence d’une enquête ouverte à l’encontre de la personne visée pour des faits de détournement de fonds publics.

57      S’agissant de la deuxième condition, il y a lieu de constater que les actes attaqués sont conformes à l’objectif, visé à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE, de « consolider et de soutenir l’État de droit », ainsi que cela ressort du considérant 2 de la décision 2014/119, selon lequel les mesures restrictives en cause visent, notamment, à renforcer et à soutenir l’État de droit en Ukraine. Ce faisant, ces actes s’inscrivent dans le cadre d’une politique de soutien aux autorités ukrainiennes, destinée à favoriser la stabilisation tant politique qu’économique de l’Ukraine et, plus spécialement, à aider les autorités de ce pays dans leur lutte contre le détournement de fonds publics.

58      S’agissant de la troisième condition, il convient de relever que, compte tenu de la nature des motifs ayant justifié le maintien du nom du requérant sur la liste, de la période pendant laquelle ses fonds ont été gelés et du mécanisme dérogatoire prévu par la décision 2014/119, la restriction à l’exercice par celui-ci de son droit de propriété n’apparaît pas, contrairement à ce qu’il prétend, disproportionnée.

59      En effet, le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 181 (non publié) et jurisprudence citée].

60      Or, il ressort de la jurisprudence que les inconvénients générés par les mesures restrictives ne sont pas démesurés par rapport aux objectifs poursuivis, compte tenu, d’une part, du fait que ces mesures présentent, par nature, un caractère temporaire et réversible et ne portent, dès lors, pas atteinte au « contenu essentiel » du droit de propriété et, d’autre part, du fait qu’il peut y être dérogé afin de couvrir les besoins fondamentaux, les frais de justice ou bien encore les dépenses extraordinaires des personnes visées [voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 182 (non publié) et jurisprudence citée].

61      Par ailleurs, les mesures restrictives en cause contribuent de manière efficace à faciliter la constatation de détournements de fonds publics en Ukraine, en plus d’en faciliter la restitution, et complètent ainsi les efforts déployés par les autorités de ce pays pour récupérer les fonds publics détournés. Le requérant n’invoque aucun argument de nature à démontrer que lesdites mesures ne sont pas appropriées ou qu’il existerait d’autres mesures moins contraignantes pour atteindre les objectifs visés.

62      Dès lors, les actes attaqués ne violent pas le droit de propriété du requérant.

63      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de ce dernier.

64      S’agissant, premièrement, de l’allégation, tirée de la jurisprudence de la Cour EDH, selon laquelle les mesures restrictives en cause équivaudraient à une expropriation de fait, il convient de constater, à l’instar du Conseil, que les arrêts invoqués par le requérant sont dénués de pertinence. En effet, l’arrêt de la Cour EDH du 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède (CE :ECHR :1982 :0923JUD 000715175), concernait des permis d’exproprier en liaison avec des interdictions de construire, alors que les arrêts de la Cour EDH du 28 octobre 1999, Brumărescu c. Roumanie (CE :ECHR :1999 :1028JUD 002834295), et du 8 décembre 2009, Henne c. Allemagne (CE :ECHR :2009 :1208DEC002809207), portaient, respectivement, sur un décret de nationalisation d’une maison et sur une obligation légale d’accepter une offre concernant la vente d’une propriété foncière. En l’espèce, en revanche, les effets du gel d’avoirs sont limités dans le temps et les mesures ont pour seul objectif de préserver les avoirs concernés, en ne limitant que temporairement l’exercice du droit de propriété du requérant. S’agissant, en outre, de l’arrêt de la Cour EDH du 11 février 2014, Ziaunys c. République de Moldova (CE :ECHR :2014 :0211JUD 004241606), il convient d’observer que, dans cet arrêt, la Cour EDH a jugé que la saisie d’anciens billets de banque retirés de la circulation constituait une atteinte à la propriété de la partie requérante et que, en l’absence de base juridique, cette atteinte constituait une violation du droit de propriété. Or, de telles circonstances ne sont pas pertinentes au regard d’une prétendue expropriation de fait inhérente à des mesures conservatoires limitées dans le temps adoptées sur le fondement des actes attaqués. La circonstance que ces mesures aient été prorogées plusieurs fois depuis 2014 ne saurait remettre en cause leur nature transitoire.

65      S’agissant, deuxièmement, de l’arrêt du 4 mai 2012, In’t Veld/Conseil (T‑529/09, EU:T:2012:215, point 111), également invoqué par le requérant, il convient d’observer, d’une part, que cet arrêt concernait une demande d’annulation d’une décision refusant l’accès intégral à un document contenant un avis juridique du Conseil, au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), et, d’autre part, que le point de cet arrêt invoqué par le requérant se réfère explicitement à des questions ayant trait à l’application dudit règlement qui ne présentent aucune pertinence au regard de la prétendue violation du droit de propriété de la part du Conseil.

66      S’agissant, troisièmement, de l’argument selon lequel certains préjudices occasionnés par les mesures restrictives, tels que la perte de la réputation ou de la liberté de voyager du requérant, seraient irréversibles, d’une part, il convient de relever que le requérant ne précise pas en quoi sa liberté de circulation serait directement affectée en l’espèce par le gel de ses avoirs.

67      D’autre part, il y a lieu de constater que l’adoption, par le Conseil, des mesures restrictives à l’égard du requérant ne constitue pas une atteinte disproportionnée à sa réputation. En effet, selon une jurisprudence bien établie, tout comme le droit de propriété, le droit à la réputation ne constitue pas une prérogative absolue et son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, l’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour la réputation des personnes ou des entités concernées [voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 187 (non publié) et jurisprudence citée].

68      En l’espèce, ainsi qu’il sera indiqué dans le cadre de l’examen du second moyen, le requérant fait l’objet d’une procédure pénale pour des faits de détournement de fonds et sa situation correspond au critère pertinent.

69      En outre, les motifs de la désignation du requérant ne mentionnent pas les circonstances concrètes des faits qui font l’objet de ladite procédure, mais se bornent à mentionner la qualification pénale de ces faits retenue par les autorités ukrainiennes, et il importe de relever, à cet égard, que les lettres du BPG qui précisent ces faits demeurent confidentielles. En outre, le Conseil a pris soin, dans ces motifs, de préciser qu’une procédure pénale était ouverte à l’encontre du requérant, de sorte qu’il résulte clairement de ces motifs que la culpabilité du requérant n’a pas encore été formellement établie.

70      En tout état de cause, à supposer que le maintien de ces mesures à l’égard du requérant soit de nature à affecter sa réputation, force est de constater que de tels effets n’apparaissent pas comme étant démesurés par rapport aux objectifs poursuivis (voir points 57 à 61 ci-dessus).

71      Enfin, l’argument selon lequel le Conseil n’aurait pas satisfait aux exigences fondamentales du droit de l’Union, étant donné que les mesures restrictives en cause seraient fondées sur de simples affirmations et les procédures pénales mentionnées dans les lettres du BPG ne feraient état d’aucune investigation substantielle, se recoupant largement avec des arguments similaires avancés dans le cadre du second moyen, sera examiné dans le cadre de l’appréciation de celui-ci.

72      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de la violation de la liberté d’entreprise

73      Selon le requérant, les actes attaqués violent l’article 16 de la Charte, qui engloberait la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la libre concurrence. Dans la mesure où ces actes prévoient non seulement le gel des fonds, mais également de toutes ressources économiques, ils rendraient pratiquement impossible l’exercice de toute activité d’entrepreneur au sein de l’Union. Ces mesures seraient aussi disproportionnées au regard des objectifs poursuivis, dès lors que, au moment de l’adoption des actes attaqués, l’État de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine n’étaient plus menacés, notamment, par le requérant, lequel n’exerçait plus de fonctions politiques et se trouvait à l’étranger.

74      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

75      Aux termes de l’article 16 de la Charte, « [l]a liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ».

76      Il ressort de la jurisprudence que, si une mesure restrictive est susceptible d’avoir des conséquences négatives considérables et une incidence importante sur la vie professionnelle de la personne concernée, elle ne tend qu’à geler ses avoirs, et ce à titre conservatoire. Ce faisant, elle n’a pas pour objet immédiat de s’opposer à ce que la personne concernée exerce des activités industrielles ou commerciales à des fins lucratives au sein de l’Union (voir arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 253 et jurisprudence citée). Au demeurant, le requérant n’a produit aucun élément concret pour établir qu’il exerce, ou qu’il a l’intention d’exercer, une activité économique au sein de l’Union ou que le gel de ses fonds nuirait à des activités économiques existantes.

77      S’agissant de l’arrêt du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a. (C‑426/11, EU:C:2013:521), invoqué par le requérant au soutien de son argumentation, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que cet arrêt porte sur l’interprétation conforme à la liberté d’entreprise prévue à l’article 16 de la Charte d’une disposition d’une directive de l’Union. Plus particulièrement, la Cour a considéré qu’un État membre ne peut prévoir, dans le cas d’un transfert d’entreprise, que les clauses de renvoi dynamique aux conventions collectives négociées et adoptées postérieurement à la date du transfert seront opposables au cessionnaire, lorsque celui-ci n’a pas la possibilité de participer au processus de négociation de telles conventions collectives conclues postérieurement au transfert (voir arrêt du 18 juillet 2013, Alemo-Herron e.a., C‑426/11, EU:C:2013:521, point 37). Or, le requérant demeure en défaut d’expliquer en quoi les principes jurisprudentiels dégagés dans cet arrêt seraient pertinents au regard de la question de savoir si les actes attaqués violent sa liberté d’entreprise.

78      En tout état de cause, en ce qui concerne la liberté d’exercer une activité économique, la Cour a jugé que, eu égard au libellé de l’article 16 de la Charte, elle pouvait être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 123 et jurisprudence citée).

79      En l’espèce, à supposer que les mesures litigieuses restreignent en effet les droits économiques invoqués par le requérant, premièrement, il y a lieu de constater qu’une telle restriction, imposée par une disposition de portée générale de la décision 2014/119, est prévue par la loi (voir point 56 ci-dessus).

80      Deuxièmement, cette restriction répond à l’objectif d’intérêt général poursuivi par les mesures litigieuses (voir point 57 ci-dessus).

81      Troisièmement, une telle restriction ne peut pas être considérée comme étant démesurée par rapport à cet objectif. Au demeurant, le requérant ne fait, notamment, pas valoir qu’il existerait une mesure moins contraignante que la mesure litigieuse, qui serait, néanmoins, appropriée pour la réalisation des objectifs poursuivis par les actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 257 et jurisprudence citée). La circonstance que le requérant n’exerce plus de fonctions politiques en Ukraine et se trouve à l’étranger est d’ailleurs dépourvue de pertinence aux fins de l’appréciation du caractère proportionnel de la prétendue ingérence découlant des mesures en cause dans sa liberté d’entreprise (voir, à cet égard, points 58 à 60 ci-dessus).

82      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche, tirée du caractère disproportionné des mesures restrictives

83      Le requérant estime, plus généralement, que l’imposition des mesures restrictives est disproportionnée en l’espèce dans la mesure où le montant des avoirs gelés est sans limites et sans rapport avec leur but. En effet, ni le montant des ressources d’État concernées par l’infraction qui lui est reprochée ni le montant des avoirs ou des ressources économiques gelés n’auraient été déterminés. Par ailleurs, le caractère disproportionné de ces mesures se manifesterait également par le fait que le Conseil les a déjà prolongées trois fois. À cet égard, les considérations du Conseil ayant trait aux difficultés de mise en œuvre d’une limitation des avoirs ne sauraient être justifiées. En effet, le Conseil aurait eu la possibilité de vérifier, avec les autorités ukrainiennes, la couverture par les saisies effectuées par celles-ci des avoirs prétendument détournés.

84       Le Conseil conteste les arguments du requérant.

85      Ainsi qu’il a été rappelé au point 59 ci-dessus, afin de respecter le principe de proportionnalité, les actes des institutions de l’Union ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Plus particulièrement, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés.

86      Or, ainsi que le fait valoir à juste titre le Conseil, il convient de relever que, en l’absence de décision juridictionnelle se prononçant sur le bien-fondé des accusations pesant sur le requérant en Ukraine, le Conseil ne pouvait, à la date d’adoption des actes attaqués, ni connaître la nature des fonds publics prétendument détournés, ni en indiquer lui-même le quantum. Il n’était donc pas en mesure de distinguer les avoirs susceptibles d’être entrés dans le patrimoine du requérant consécutivement à de tels détournements du restant des biens composant le patrimoine de celui-ci. Dans ces conditions, rien ne permettait au Conseil d’adopter une décision imposant, à titre d’exemple, un gel partiel des fonds du requérant.

87      À cet égard, il convient également d’observer, tout d’abord, que, même à supposer que le requérant soutienne qu’un gel des fonds ne se justifierait pas au-delà de la valeur des biens prétendument détournés ou ayant fait l’objet d’une saisie en Ukraine, telle qu’elle résulte des informations dont disposait le Conseil, d’une part, les chiffres mentionnés dans les lettres du BPG, [confidentiel] (1), s’agissant de la procédure [confidentiel], et [confidentiel], s’agissant de la procédure [confidentiel], ne donnent qu’une indication de la valeur des avoirs qui auraient été détournés et, d’autre part, toute tentative visant à délimiter le montant des fonds gelés serait, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, extrêmement difficile, sinon impossible, à mettre en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 86 et jurisprudence citée).

88      En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 60 ci-dessus, d’une part, les mesures litigieuses présentent, par nature, un caractère temporaire et réversible et ne portent, dès lors, pas atteinte au « contenu essentiel » du droit de propriété et, d’autre part, des dérogations auxdites mesures peuvent être autorisées afin de couvrir les besoins fondamentaux, les frais de justice ou bien encore les dépenses extraordinaires des personnes visées.

89      Enfin, ainsi que le fait valoir à juste titre le Conseil, dans les circonstances de l’espèce, eu égard au fait que le requérant s’est soustrait aux autorités chargées des poursuites et compte tenu de la complexité des infractions qui lui sont reprochées, le simple fait qu’il s’agisse d’une troisième prorogation des mesures restrictives en cause ne saurait conférer aux actes attaqués un caractère disproportionné. Par ailleurs, il convient, à cet égard, de rappeler que, si, selon la jurisprudence, la longueur de la période pendant laquelle une mesure restrictive telle que celle en cause est appliquée constitue un des éléments dont le juge de l’Union doit tenir compte aux fins de l’examen de la proportionnalité de ladite mesure, en l’espèce, il ressort du dossier que la mesure restrictive en question a débuté en 2014, peu après l’ouverture des procédures pénales sur lesquelles elle est fondée et dont la durée ne saurait être regardée comme excessivement longue à la date de l’adoption des actes attaqués, à savoir mars 2017 (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2017, Ben Ali/Conseil, T‑149/15, non publié, EU:T:2017:693, points 175 et 176 et jurisprudence citée).

90      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen ainsi que, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

91      Selon le requérant, le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant de proroger les mesures restrictives en cause sur le fondement des lettres du BPG. En effet, ces lettres ne sauraient être considérées comme une base factuelle suffisamment solide à la lumière de la jurisprudence.

92      Premièrement, le requérant rappelle que le contrôle juridictionnel du juge de l’Union s’étend, en principe, à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués par le Conseil pour justifier le maintien de son nom sur la liste, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels se fonde le Conseil. Par ailleurs, l’intensité de ce contrôle serait plus élevée s’agissant des mesures restrictives visant des particuliers.

93      Deuxièmement, il reproche, en substance, au Conseil de ne pas avoir apprécié l’exactitude matérielle des faits allégués à la lumière des observations qu’il a présentées et, de ce fait, de ne pas avoir respecté l’obligation d’établir le bien-fondé des motifs retenus contre lui.

94      Troisièmement, le requérant estime que le Conseil n’a pas tenu compte des faiblesses de l’État de droit en Ukraine. Plus particulièrement, il lui reproche de ne pas avoir respecté les obligations, qui lui incombent en vertu de la jurisprudence, de vérifier avec soin si la réglementation pertinente de l’Ukraine assurait une protection des droits de la défense ainsi qu’une protection juridictionnelle effective équivalente à celle garantie dans l’Union et si l’État de droit était suffisamment établi dans ce pays.

95      Quatrièmement, il fait valoir que le BPG manque de crédibilité et que le Conseil s’est appuyé à tort sur les lettres de celui-ci, lorsqu’il a décidé de maintenir le nom du requérant sur la liste. Plus particulièrement, quatre procureurs généraux se seraient succédé depuis la première lettre du BPG de mars 2014 et ceux-ci auraient aussi fait l’objet de graves reproches concernant leur gestion. Par ailleurs, des décisions de justice constatant la violation des droits procéduraux du requérant auraient été écartées par le BPG. Or, selon le requérant, le Conseil avait connaissance de ces circonstances ou devait en avoir eu connaissance, par le biais du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), et, en tout état de cause, il lui appartenait de se procurer les informations pertinentes. Selon le requérant, le Conseil avait une obligation de vérifier la crédibilité des procureurs ayant signé chaque lettre, dès lors que l’auteur d’une lettre représente un aspect essentiel de celle-ci. À cet égard, le Conseil n’aurait pas tenu compte du fait qu’entre-temps l’inscription sur la liste des personnes recherchées au niveau international établie par l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) (ci-après la « liste des personnes recherchées par Interpol ») avait été annulée.

96      Cinquièmement, les procédures pénales dont le requérant fait l’objet se trouveraient, plus de trois ans après leur ouverture, encore au stade de l’enquête préliminaire. Des procédures de telle nature ne suffiraient pas pour les qualifier de procédures pénales pendantes au sens des actes attaqués.

97      Sixièmement, s’agissant de la procédure [confidentiel], le requérant fait valoir qu’elle ne concerne pas un détournement de fonds publics, mais un abus de pouvoir. À cet égard, il souligne qu’il n’a de lien [confidentiel]. Selon lui, les reproches le concernant n’indiquent aucune activité illégale. En effet, il n’y aurait eu aucune proposition du ministre compétent et, à défaut d’une telle proposition, le gouvernement n’aurait pu prendre aucune décision s’agissant du transfert de propriété de ladite entreprise. Par ailleurs, durant la période de référence, aucune disposition de droit n’aurait interdit à des entreprises publiques de détenir des participations étrangères, ainsi que le confirmerait un arrêt de la cour d’appel de Kiev du 16 octobre 2014, duquel il ressortirait également que le responsable de la comptabilité de l’entreprise susmentionnée aurait agi correctement en ne transférant pas ses dividendes au budget public. Le requérant précise qu’il n’y a eu aucune entrave illégale aux enquêtes du groupe de travail en charge [confidentiel]. En outre, il fait valoir que les dispositions législatives dont la violation lui est reprochée ont été abrogées par une loi entrée en vigueur le 5 août 2016. Aux termes de celle-ci, il ne serait plus interdit que certaines entreprises détiennent des participations étrangères et en perçoivent des dividendes. Cette abrogation aurait pour effet de rendre non punissable la violation reprochée au requérant, et ce avec effet rétroactif, conformément aux dispositions de la constitution ukrainienne. Dans la réplique, le requérant fait valoir que la procédure [confidentiel] a été entre-temps clôturée. Même les informations additionnelles fournies par les autorités ukrainiennes en réponse aux questions du Conseil confirmeraient expressément qu’il n’existait aucune interdiction de détenir des participations étrangères pour les entreprises publiques. Dans de telles circonstances, qui auraient été connues par le Conseil, celui-ci aurait dû effectuer toutes les vérifications nécessaires.

98      Septièmement, s’agissant de la procédure [confidentiel], le requérant fait valoir qu’il ne peut pas avoir commis l’infraction qui lui est reprochée et que, à cet égard, le Conseil n’a pas examiné soigneusement tous les éléments de preuve dont il disposait. En effet, en premier lieu, la décision [confidentiel] aurait été prise conformément au code budgétaire ukrainien. En deuxième lieu, en tant que Premier ministre, le requérant n’aurait pas eu la compétence pour commettre l’infraction dont il est soupçonné. En tout état de cause, il ressortirait notamment de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Kiev du 17 février 2015, ayant force de chose jugée, que l’utilisation des fonds étatiques pour la mise en place [confidentiel] était légale et qu’aucun argent public n’a été dépensé pour les activités [confidentiel]. En troisième lieu, un jugement du tribunal administratif de district de Kiev du 10 octobre 2014 aurait constaté précédemment que [confidentiel] avaient été montées et livrées au service [confidentiel] de l’Ukraine, conformément au protocole de livraison et de prise de possession de l’entreprise d’État concernée. Aucune ressource d’État n’aurait donc fait l’objet d’un détournement et il ne pourrait pas, par conséquent, y avoir de détournement de fonds publics. L’utilisation de fonds publics conformément à leur destination serait, par ailleurs, confirmée par des informations provenant des entreprises concernées elles-mêmes. En quatrième lieu, il n’y aurait eu aucun accord secret, tous les actes ayant été adoptés de manière transparente et compréhensible par le public. En cinquième lieu, il n’y aurait eu ni abus de pouvoir ni agissement par cupidité de la part du requérant, qui met, par ailleurs,en exergue le fait que la version ukrainienne de la lettre du BPG du 17 août 2016 diffère des lettres précédentes, dans la mesure où, dans ces dernières, il était question de détournement avec enrichissement du mandant, alors que, dans celle du 17 août 2016, il est question d’un simple détournement. Dans la réplique, le requérant conteste, en outre, les arguments que le Conseil tire de l’arrêt du tribunal administratif supérieur ukrainien du 11 février 2016, en estimant que cet arrêt ne fait que confirmer que les pertes prétendument infligées à l’État n’ont pas été constatées et que, à aucun moment, les fonds n’ont été utilisés de manière illégale.

99      Huitièmement, s’agissant de la procédure [confidentiel], concernant [confidentiel], tout en contestant les fondements juridiques et factuels de l’enquête menée par le BPG à cet égard, le requérant reconnaît que le Conseil n’a pas fondé les mesures restrictives litigieuses sur cette procédure.

100    Neuvièmement, s’agissant de la procédure [confidentiel], concernant [confidentiel], le requérant, après avoir qualifié, dans la requête, d’artificiel le grief soulevé dans la lettre du BPG du 17 août 2016, tout en reconnaissant, dans la réplique, que le Conseil n’a pas fondé les mesures restrictives litigieuses sur cette procédure, fait néanmoins valoir que cela prouve que le Conseil n’est pas convaincu par tous les griefs soulevés par le BPG.

101    Dixièmement, le requérant soutient, d’une part, que les faits qui lui sont reprochés ne portent pas atteinte à l’État de droit en Ukraine et, d’autre part, que les mesures restrictives prises à son égard ne contribuent pas à renforcer l’État de droit dans ce pays. Au contraire, ce sont les activités du BPG qui porteraient atteinte à l’État de droit en Ukraine. Dans la réplique, le requérant précise que des mesures restrictives prises contre une personne, comme lui, qui ne dispose d’aucun avoir gelé pour cause de détournement ne sauraient être susceptibles d’atteindre les objectifs poursuivis par le Conseil. Par ailleurs, la faiblesse de l’État de droit en Ukraine serait confirmée par le fait que les recherches d’Interpol ont été, entre-temps, annulées.

102    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

103    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, à partir du 3 mars 2017, le requérant a fait l’objet de nouvelles mesures restrictives introduites par les actes attaqués sur la base du critère pertinent (voir point 12 ci-dessus). À cet égard, il y a lieu de relever que la décision attaquée constitue une décision autonome, adoptée par le Conseil au terme d’un réexamen périodique prévu à l’article 5, troisième alinéa, de la décision 2014/119.

104    Il convient également de rappeler, d’une part, que le critère pertinent dispose que des mesures restrictives sont adoptées à l’égard des personnes qui ont été « identifiées comme étant responsables » de faits de détournement de fonds publics – ce qui inclut les personnes « faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes » pour détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens – et, d’autre part, qu’il doit être interprété en ce sens qu’il ne vise pas de façon abstraite tout fait de détournement de fonds publics, mais plutôt des faits de détournement de fonds ou d’avoirs publics susceptibles de porter atteinte au respect de l’État de droit en Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 91).

105    Le nom du requérant a été maintenu sur la liste par les actes attaqués au motif qu’il était une « [p]ersonne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics » (voir point 15 ci-dessus).

106    Il est constant que le Conseil s’est fondé, pour décider du maintien du nom du requérant sur la liste, sur les informations fournies par le BPG le concernant, à savoir, notamment, la lettre du BPG du 17 août 2016, dont le contenu est, en ce qui concerne la procédure [confidentiel], en substance, identique à celui de la lettre du BPG du 16 novembre 2016, sur l’examen des décisions des juridictions ukrainiennes portées à son attention ainsi que sur les réponses fournies par les autorités ukrainiennes, le 30 juin 2016, aux questions posées par le Conseil concernant l’impact de certaines décisions des juridictions ukrainiennes sur les procédures [confidentiel].

107    Sur cette base, il convient de vérifier si, en décidant le maintien du nom du requérant sur la liste, par les actes attaqués, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, au regard des éléments de preuve en sa possession.

108    Or, il doit être rappelé que, si le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux critères généraux à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures restrictives, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur une liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou à tout le moins l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés de façon suffisamment précise et concrète (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 100 et jurisprudence citée).

109    Selon la jurisprudence, le Conseil n’est pas tenu d’entreprendre, d’office et de manière systématique, ses propres investigations ou d’opérer des vérifications en vue d’obtenir des précisions supplémentaires lorsqu’il dispose déjà d’éléments fournis par les autorités d’un pays tiers pour prendre des mesures restrictives à l’égard de personnes qui en sont originaires et qui y font l’objet de procédures judiciaires (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 101 et jurisprudence citée).

110    À cet égard, il convient de relever que le BPG est l’une des plus hautes autorités judiciaires en Ukraine. En effet, il agit, dans cet État, en qualité de ministère public dans l’administration de la justice pénale et il mène des enquêtes préliminaires dans le cadre de procédures pénales visant, notamment, le détournement de fonds publics (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Yanukovych/Conseil, C‑598/16 P, non publié, EU:C:2017:786, point 53).

111    Certes, il peut être déduit, par analogie, de la jurisprudence en matière de mesures restrictives adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qu’il appartenait, en l’espèce, au Conseil d’examiner avec soin et impartialité les éléments de preuve qui lui avaient été transmis par les autorités ukrainiennes, en particulier les lettres du BPG des 17 août et 16 novembre 2016, au regard, en particulier, des observations et des éventuels éléments à décharge présentés par le requérant. Par ailleurs, dans le cadre de l’adoption de mesures restrictives, le Conseil est soumis à l’obligation de respecter le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la Charte, auquel se rattache, selon une jurisprudence constante, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 103 et jurisprudence citée).

112    Toutefois, il résulte également de la jurisprudence que, pour apprécier la nature, le mode et l’intensité de la preuve qui peut être exigée du Conseil, il convient de tenir compte de la nature et de la portée spécifique des mesures restrictives ainsi que de leur objectif (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 104 et jurisprudence citée).

113    Ainsi qu’il ressort des considérants 1 et 2 de la décision 2014/119, celle-ci s’inscrit dans le cadre plus général d’une politique de l’Union de soutien aux autorités ukrainiennes destinée à favoriser la stabilisation politique de l’Ukraine. Elle répond ainsi aux objectifs de la PESC, qui sont définis, en particulier, à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE, en vertu duquel l’Union met en œuvre une coopération internationale en vue de consolider et de soutenir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les principes du droit international (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 105 et jurisprudence citée).

114    C’est dans ce cadre que les mesures restrictives en cause prévoient le gel des fonds et des avoirs notamment des personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien. En effet, la facilitation de la récupération de ces fonds permet de renforcer et de soutenir l’État de droit en Ukraine.

115    Il s’ensuit que les mesures restrictives en cause ne visent pas à sanctionner des agissements répréhensibles qui seraient commis par les personnes visées, ni à les dissuader, par la contrainte, de se livrer à de tels agissements. Ces mesures ont pour seul objet de faciliter la constatation par les autorités ukrainiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer le produit de tels détournements. Elles revêtent donc une nature purement conservatoire (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 107 et jurisprudence citée).

116    Ainsi, les mesures restrictives en cause, qui ont été édictées par le Conseil sur la base des compétences qui lui sont conférées par les articles 21 et 29 TUE, sont dépourvues de connotation pénale. Elles ne sauraient donc être assimilées à une décision de gel d’avoirs d’une autorité judiciaire nationale d’un État membre prise dans le cadre de la procédure pénale applicable et dans le respect des garanties offertes par cette procédure. Par conséquent, les exigences s’imposant au Conseil en matière de preuves sur lesquelles est fondée l’inscription du nom d’une personne sur la liste de celles faisant l’objet de ce gel d’avoirs ne sauraient être strictement identiques à celles qui s’imposent à l’autorité judiciaire nationale dans le cas susvisé (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 108 et jurisprudence citée).

117    En l’espèce, ce qu’il importe au Conseil de vérifier, c’est, d’une part, dans quelle mesure les documents fournis par le BPG, sur lesquels il entend se fonder, permettent d’établir que, comme l’indiquent les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause, rappelés au point 105 ci-dessus, celui-ci fait l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour des faits susceptibles de relever du détournement de fonds publics et, d’autre part, si cette procédure permet de qualifier les agissements du requérant conformément au critère pertinent. Ce n’est que si ces vérifications n’aboutissaient pas que, au regard de la jurisprudence rappelée au point 111 ci-dessus, il appartiendrait au Conseil d’opérer des vérifications supplémentaires (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 109 et jurisprudence citée).

118    Par ailleurs, dans le cadre de la coopération régie par les actes attaqués (voir point 113 ci-dessus), il n’appartient pas, en principe, au Conseil d’examiner et d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels les autorités ukrainiennes se fondent pour conduire des procédures pénales visant le requérant pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 115 ci-dessus, en adoptant les actes attaqués, le Conseil ne cherche pas à sanctionner lui-même les détournements de fonds publics sur lesquels les autorités ukrainiennes enquêtent, mais à préserver la possibilité pour ces autorités de constater lesdits détournements tout en en recouvrant le produit. C’est donc à ces autorités qu’il appartient, dans le cadre desdites procédures, de vérifier les éléments sur lesquels elles se fondent et, le cas échéant, d’en tirer les conséquences en ce qui concerne l’aboutissement de ces procédures. Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du point 116 ci-dessus, les obligations du Conseil dans le cadre des actes en cause ne sauraient être assimilées à celles d’une autorité judiciaire nationale d’un État membre dans le cadre d’une procédure pénale de gel d’avoirs, ouverte notamment dans le cadre de la coopération pénale internationale (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 110 et jurisprudence citée).

119    Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence dont il ressort qu’il appartient au Conseil de vérifier non pas le bien-fondé des enquêtes dont la personne concernée fait l’objet, mais uniquement le bien-fondé de la décision de gel des fonds au regard des documents fournis par les autorités nationales (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 77).

120    Certes, le Conseil ne saurait entériner, en toutes circonstances, les constatations des autorités ukrainiennes figurant dans les documents fournis par ces dernières. Un tel comportement ne serait pas conforme au principe de bonne administration ni, d’une manière générale, à l’obligation, pour les institutions de l’Union, de respecter les droits fondamentaux dans le cadre de l’application du droit de l’Union, en vertu de l’application combinée de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE et de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 112 et jurisprudence citée).

121    Toutefois, il appartient au Conseil d’apprécier, en fonction des circonstances de l’espèce, la nécessité de mener des vérifications supplémentaires et, notamment, de solliciter des autorités ukrainiennes la communication d’éléments de preuve additionnels si ceux déjà fournis se révèlent insuffisants ou incohérents. En effet, il ne pourrait être exclu que des éléments portés à la connaissance du Conseil, soit par les autorités ukrainiennes elles-mêmes, soit d’une autre manière, le conduisent à douter du caractère suffisant des preuves déjà fournies par ces autorités. Par ailleurs, dans le cadre de la faculté qui doit être conférée aux personnes visées de présenter des observations concernant les motifs que le Conseil envisage de retenir pour maintenir leur nom sur la liste en cause, ces personnes sont susceptibles de présenter de tels éléments, voire des éléments à décharge, qui nécessiteraient que le Conseil conduise des vérifications supplémentaires. En particulier, s’il n’appartient pas au Conseil de se substituer aux autorités judiciaires ukrainiennes dans l’appréciation du bien-fondé des procédures pénales mentionnées par les lettres du BPG, il ne peut être exclu que, au regard notamment des observations du requérant, cette institution soit tenue de solliciter auprès des autorités ukrainiennes des éclaircissements concernant les éléments sur lesquels ces procédures sont fondées (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 113 et jurisprudence citée).

122    Enfin, il convient d’ailleurs de rappeler qu’une décision de gel d’avoirs doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont le Conseil pouvait disposer au moment où il l’a arrêtée (arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11, EU:T:2013:273, point 115). En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (voir arrêt du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, EU:T:2012:579, point 19 et jurisprudence citée).

123    En l’espèce, il est constant que les lettres sur lesquelles le Conseil s’est fondé émanent du BPG, qu’elles font état de procédures pénales concernant le requérant et qu’elles indiquent, notamment, la date d’ouverture et le numéro d’enregistrement desdites procédures ainsi que les articles du code pénal ukrainien prétendument enfreints.

124    Les griefs principaux du requérant ont trait au fait que les lettres du BPG des 17 août et 16 novembre 2016 ne contiennent pas d’informations suffisantes ou suffisamment précises.

125    À cet égard, il convient de constater que la lettre du BPG du 17 août 2016 se réfère, notamment, à deux procédures pénales dont le requérant fait l’objet, ayant trait, s’agissant de la procédure [confidentiel], à la violation de l’article 191, paragraphe 5, du code pénal ukrainien, et, s’agissant de la procédure [confidentiel], à la violation de l’article 364, paragraphe 2, du même code. La lettre du BPG du 16 novembre 2016 ne se réfère, en revanche, qu’à la procédure [confidentiel].

126    Plus particulièrement, les faits reprochés au requérant dans le cadre de la procédure [confidentiel] sont décrits, dans les lettres des 17 août et 16 novembre 2016, comme suit :

[confidentiel].

127    Quant aux faits reprochés au requérant dans le cadre de la procédure [confidentiel], ils sont décrits, dans la lettre du 17 août 2016, comme suit :

[confidentiel].

128    Il ressort également de la lettre du 17 août 2016, d’une part, [confidentiel], et, d’autre part, que son nom a été [confidentiel]. En outre, dans le cadre desdites procédures, le tribunal de district de Petschersk a ordonné [confidentiel]. S’agissant, plus particulièrement, de la procédure [confidentiel], la lettre du 16 novembre 2016 indique [confidentiel].

129    Il s’ensuit que les lettres du BPG mentionnées aux points 124 à 128 ci-dessus contiennent des informations permettant de comprendre clairement, d’une part, que le requérant fait, notamment, l’objet [confidentiel] ayant trait à la violation de l’article 191, paragraphe 5, du code pénal ukrainien, qui sanctionne le détournement de fonds publics, et à la violation de l’article 364, paragraphe 2, du même code, qui sanctionne l’abus de pouvoir, et, d’autre part, que, dans le cadre de [confidentiel]. Bien que le résumé des faits à l’origine de ces violations soit synthétique et qu’il ne décrive pas en détail les mécanismes par lesquels le requérant est soupçonné d’avoir détourné des fonds de l’État ukrainien et d’avoir commis un abus de pouvoir, il résulte de ces lettres, avec suffisamment de clarté, que les faits reprochés au requérant concernent, d’une part, un détournement de fonds publics lié [confidentiel] et, d’autre part, un abus de pouvoir [confidentiel]. Or, de tels comportements sont susceptibles d’avoir occasionné des pertes de fonds pour l’État ukrainien et correspondent ainsi à la notion de détournement de fonds publics appartenant à celui-ci, visée par le critère pertinent.

130    Par ailleurs, il convient également de relever que, à la suite des objections soulevées par le requérant, le Conseil a effectué des vérifications supplémentaires auprès des autorités ukrainiennes, visant, en substance, à établir quel avait été l’éventuel impact de certaines décisions des juridictions ukrainiennes, respectivement, sur la procédure [confidentiel] et sur la procédure [confidentiel]. Les autorités ukrainiennes ont répondu aux questions du Conseil le 30 juin 2016 et les lettres du BPG des 17 août et 16 novembre 2016 n’ont pas remis en cause ces réponses.

131    Le maintien des mesures restrictives à l’encontre du requérant était donc fondé sur des éléments de preuve qui permettaient au Conseil d’opérer le constat univoque de l’existence de procédures pénales ouvertes par l’administration judiciaire ukrainienne à l’égard du requérant portant sur un détournement de fonds publics, au sens du critère pertinent.

132    En effet, contrairement à ce que prétend le requérant, la lettre du BPG du 17 août 2016 atteste que les procédures [confidentiel] sont menées pour des faits caractérisés de manière suffisamment concrète et précise, de sorte qu’elles ne laissent subsister aucun doute sur l’implication supposée du requérant, d’autant plus que les éléments factuels décrivant l’infraction dans ladite lettre sont qualifiés juridiquement par les autorités ukrainiennes, respectivement, de détournement de fonds publics et d’abus de pouvoir commis dans le but de procurer à lui-même ou à un tiers un avantage injustifié, relevant tous les deux du détournement de fonds publics appartenant à l’État ukrainien au sens du critère pertinent. Par ailleurs, s’agissant de la procédure [confidentiel], concernant le détournement de fonds publics, les éléments factuels décrivant l’infraction dans la lettre du 17 août 2016 et dans celle du 16 novembre 2016 restent constants et cohérents. À cet égard, la circonstance évoquée par le requérant, selon laquelle, [confidentiel] le BPG n’aurait plus fait référence à l’enrichissement du requérant, n’est pas pertinente, dès lors que, selon la jurisprudence, la notion de « détournement de fonds publics » englobe tout acte qui consiste en l’utilisation illicite de ressources appartenant aux collectivités publiques, ou qui sont placées sous leur contrôle, à des fins contraires à celles auxquelles ces ressources sont destinées, en particulier à des fins privées. Pour relever de ladite notion, une telle utilisation doit avoir comme conséquence une atteinte portée aux intérêts financiers de ces collectivités et doit donc avoir causé un préjudice susceptible d’être évalué en termes financiers (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Arbuzov/Conseil, T‑258/17, EU:T:2018:331, point 94 et jurisprudence citée). Contrairement à ce que prétend le requérant, l’enrichissement de la personne concernée n’est pas nécessaire aux fins de son incrimination pour un détournement de fonds publics.

133    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel le critère pertinent n’aurait pas été satisfait dès lors que son nom a été inscrit sur la liste au regard non pas de poursuites ou de procédures judiciaires, mais d’une enquête préliminaire, il convient de relever que l’effet utile d’une décision de gel des fonds serait compromis si l’adoption de mesures restrictives était subordonnée au prononcé de condamnations pénales à l’encontre des personnes suspectées d’avoir détourné des fonds publics, dès lors que celles-ci auraient dans cette attente disposé du temps nécessaire pour transférer leurs avoirs dans des États ne pratiquant aucune forme de coopération avec les autorités de l’État dont elles sont ressortissantes ou résidentes (voir arrêt du 19 octobre 2017, Yanukovych/Conseil, C‑598/16 P, non publié, EU:C:2017:786, point 63 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dès lors qu’il est établi que la personne en cause fait, comme en l’espèce, l’objet d’investigations, dans le cadre d’une procédure pénale, de la part des autorités judiciaires ukrainiennes, pour des faits de détournement de fonds publics, au sens des actes attaqués, le stade exact auquel se trouve ladite procédure ne saurait constituer un élément susceptible de justifier son exclusion de la catégorie des personnes visées (voir arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 120 et jurisprudence citée).

134    Eu égard à la jurisprudence citée au point 133 ci-dessus et à la marge d’appréciation dont disposent les autorités judiciaires d’un État tiers dans les modalités de mise en œuvre de poursuites pénales, la circonstance que le requérant a fait l’objet d’une enquête préliminaire, diligentée sous l’autorité du BPG, n’est pas, en soi, de nature à conduire à constater une illégalité des actes attaqués, découlant du fait que, dans de telles circonstances, le Conseil aurait dû exiger des vérifications supplémentaires de la part des autorités ukrainiennes quant aux actes reprochés à l’intéressé, étant donné que, ainsi qu’il sera précisé ci-après, le requérant n’a pas avancé d’éléments susceptibles de remettre en cause les motifs visés par les autorités ukrainiennes pour fonder les accusations portées contre lui concernant des faits bien précis ou de démontrer que sa situation particulière aurait été affectée par les problèmes allégués du système judiciaire ukrainien (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Yanukovych/Conseil, C‑598/16 P, non publié, EU:C:2017:786, point 64). Le fait que plusieurs procureurs généraux aient démissionnés et qu’ils fassent l’objet de reproches concernant l’exercice de leurs fonctions n’a d’ailleurs pas d’incidence sur la crédibilité des lettres du BPG, dès lors que, même après l’arrivée de nouveaux procureurs généraux, la substance des violations dont le requérant était soupçonné est restée la même.

135    Enfin, d’une part, il est encore opportun de relever que la poursuite des crimes économiques, tels que le détournement de fonds publics, qui en l’espèce ont trait à des sommes d’argent [confidentiel], est un moyen important pour lutter contre la corruption et que la lutte contre la corruption constitue, dans le contexte de l’action extérieure de l’Union, un principe inscrit dans la notion d’État de droit. D’autre part, il convient d’observer que l’infraction qu’il est reproché au requérant d’avoir commise s’insère dans un contexte plus large où une partie non négligeable de l’ancienne classe dirigeante ukrainienne est soupçonnée d’avoir commis de graves infractions dans la gestion des ressources publiques, menaçant ainsi sérieusement les fondements institutionnels et juridiques du pays et portant notamment atteinte aux principes de légalité, d’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif, du contrôle juridictionnel effectif et d’égalité devant la loi (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 117).

136    Il s’ensuit que, dans leur ensemble et compte tenu des fonctions exercées par le requérant au sein de l’ancienne classe dirigeante ukrainienne, les mesures restrictives en cause contribuent, de manière efficace, à faciliter la poursuite des crimes de détournements de fonds publics commis au détriment des institutions ukrainiennes et permettent qu’il soit plus aisé, pour les autorités ukrainiennes, d’obtenir la restitution du fruit de tels détournements. Cela permet de faciliter, dans l’hypothèse où les poursuites judiciaires se révéleraient fondées, la répression, par des moyens judiciaires, des actes allégués de corruption commis par des membres de l’ancien régime, contribuant ainsi au soutien de l’État de droit dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 118).

137    Le Conseil n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en décidant de maintenir le nom du requérant sur la liste, par les actes attaqués, sur la base des informations, contenues dans les lettres du BPG des 17 août et 16 novembre 2016, concernant notamment les faits de détournement de fonds publics, au sens du critère pertinent, qui justifiaient, selon les autorités ukrainiennes, l’existence d’enquêtes à l’égard du requérant, ainsi que sur la base des réponses des autorités ukrainiennes, en date du 30 juin 2016, aux questions supplémentaires du Conseil visant à clarifier quel était l’impact de certaines décisions des autorités judiciaires ukrainiennes sur lesdites enquêtes.

138    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les éléments à décharge produits par le requérant ou par les autres arguments invoqués par celui-ci.

139    À titre liminaire, en ce qui concerne, premièrement, les preuves produites par le requérant dans la réplique, au titre de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, ayant trait à l’annulation de l’inscription de son nom sur la liste des personnes recherchées par Interpol et à la décision de clôture de la procédure [confidentiel], dont la recevabilité n’a d’ailleurs pas été contestée par le Conseil, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 122 ci-dessus, lesdites preuves ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité des actes attaqués dès lors qu’elles sont postérieures à l’adoption de ceux-ci. En effet, d’une part, le courrier [confidentiel] indiquant que les données concernant le requérant [confidentiel] en date du 25 avril 2017 et, d’autre part, la décision du BPG de classer la procédure [confidentiel], par une ordonnance de non-lieu, date du 5 mai 2017.

140    En outre et en tout état de cause, il convient également de relever que la décision [confidentiel], qui se borne à indiquer que la notice rouge avait été prématurée dans le cas du requérant, étant donné que les décisions [confidentiel] sur lesquelles avait été fondée la demande d’inscription sur la liste des personnes recherchées ne constituaient pas des mandats d’arrêt au sens du règlement d’Interpol sur le traitement des données et que le requérant ne faisait pas encore en Ukraine l’objet de poursuites au sens de ce règlement, est dépourvue de pertinence en l’espèce, de sorte que tout argument ayant trait à celle-ci est inopérant. En effet, le critère pertinent ne fait référence qu’à l’existence d’une procédure pénale en Ukraine, sans mentionner aucunement le fait que la personne concernée soit ou non recherchée au niveau international. Il est vrai que cette précision figurait dans la lettre du BPG du 17 août 2016, mais le fait que le nom du requérant soit inscrit sur ladite liste ne constitue pas un élément dont il fallait tenir compte aux fins d’établir s’il avait été identifié comme étant responsable de détournement de fonds publics.

141    En ce qui concerne, deuxièmement, les preuves nouvelles présentées par le requérant, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, dont la recevabilité a été contestée par le Conseil, en premier lieu, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 122 ci‑dessus, le courrier de l’administration du service de communication spéciale et de protection des informations de l’Ukraine du 1er décembre 2017, la décision rendue par le tribunal de district de Schewtschenkiwskyj le 29 novembre 2017, le recours du requérant du 15 novembre 2017 (voir point 38 ci-dessus) ainsi que la décision du tribunal de district de Petschersk du 21 février 2018 (voir point 41 ci-dessus) ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité des actes attaqués, dès lors qu’ils sont largement postérieurs à l’adoption de ceux-ci. En second lieu, s’agissant du procès-verbal de la session de la commission centrale pour la cession/l’absorption du réseau de télécommunications dans le patrimoine de l’État du 15 avril 2016 et de la copie des rapports sur l’attribution automatisée aux juges du 22 février 2017 (voir point 38 ci-dessus), force est de constater que le requérant n’a aucunement justifié le retard dans la présentation de ces éléments de preuve, lesquels, ainsi que le souligne le Conseil, sont antérieurs au dépôt de la requête et de la réplique. Il convient, dès lors, de rejeter ces éléments de preuve comme étant irrecevables.

142    S’agissant de la procédure [confidentiel], il convient, premièrement, de rejeter l’argument du requérant selon lequel l’enquête dont il fait l’objet en Ukraine ne pourrait aboutir au constat d’une infraction à son égard, au vu de la nature de la décision [confidentiel], ainsi que des dispositions de la loi ukrainienne en la matière et des pouvoirs décisionnels limités dont il disposait. En effet, le requérant ne conteste pas l’authenticité des lettres du BPG susmentionnées. Ainsi, il doit être considéré que le Conseil a apporté la preuve de l’existence d’une procédure pénale en Ukraine visant le requérant.

143    À cet égard, il convient d’observer que les seuls éléments apportés par le requérant au Conseil visaient, en substance, à contester le bien-fondé de l’enquête et avaient trait aux compétences du Premier ministre dans l’ordre juridique ukrainien ainsi qu’aux dispositions budgétaires ukrainiennes. Ces éléments n’étaient donc pas susceptibles de mettre en cause le bien-fondé de la décision de gel des fonds au regard de l’enquête menée par les autorités ukrainiennes.

144    En tout état de cause, aucun des arguments du requérant visant à contester la véracité des accusations portées contre lui et à réfuter les faits constitutifs de l’infraction dont il s’agit n’est pertinent, dans la mesure où, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 115 et 117 à 119 ci-dessus, il n’incombait pas, en principe, au Conseil d’examiner et d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels les autorités ukrainiennes se fondaient pour mener une enquête judiciaire visant le requérant et où il appartenait à ces autorités, dans le cadre de ladite enquête, de vérifier les éléments sur lesquels elles se fondaient et d’en tirer les conséquences en ce qui concerne l’issue à lui donner (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 avril 2016, Ben Ali/Conseil, T‑200/14, non publié, EU:T:2016:216, point 158).

145    En ce qui concerne, en outre, les jugements rendus par des juridictions administratives ukrainiennes, qui, selon le requérant, démontreraient, en substance, que les faits étant à l’origine de l’enquête dont il fait l’objet ne constituent pas des détournements de fonds publics, il convient d’observer, à l’instar du Conseil, qu’ils portent sur des procédures entre deux administrations publiques ukrainiennes, à savoir [confidentiel], et qu’il n’est pas question dans ces jugements des actes reprochés au requérant en l’espèce. Le requérant ne démontre d’ailleurs pas en quoi ces jugements seraient de nature à remettre en cause les accusations portées contre lui par les autorités judiciaires ukrainiennes et dont fait état le BPG dans ses lettres. Il ressort, en effet, de la décision du tribunal administratif supérieur ukrainien du 11 février 2016, qui a, d’une part, annulé l’arrêt de la cour administrative de Kiev du 17 février 2015 et, d’autre part, maintenu, mais modifié, dans la motivation, le jugement du tribunal administratif de Kiev du 10 octobre 2014, que l’autorité publique de contrôle financier avait le droit d’exiger qu’il soit remédié aux irrégularités commises lors des transactions concernant la construction du réseau de télécommunications, mais qu’elle devait faire valoir ses droits à recouvrement dans le cadre de procédures judiciaires distinctes.

146    Deuxièmement, s’agissant de la procédure [confidentiel], à titre liminaire, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, sous b), de la décision 2014/119, tel que modifié, le détournement de fonds publics peut être constitué par un abus de pouvoir commis par le requérant en qualité de titulaire d’une charge publique dans la mesure où il a causé une perte pour les avoirs publics ukrainiens. En tout état de cause, ainsi qu’il a été indiqué au point 144 ci-dessus, aucun des arguments du requérant ayant trait à la contestation de la véracité des accusations portées contre lui et visant à réfuter les faits constitutifs de l’infraction dont il s’agit en Ukraine n’est pertinent, dans la mesure où il n’incombait pas, en principe, au Conseil d’en examiner et d’en apprécier lui-même l’exactitude.

147    À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que le jugement de la cour d’appel de Kiev du 16 octobre 2014 évoqué par le requérant ne comporte aucune appréciation pertinente de la qualification pénale des actes qui lui sont reprochés. Au contraire, cet arrêt, qui a été rendu dans le cadre d’une procédure civile, n’est pas pertinent dans la mesure où, ainsi que le souligne le Conseil, il portait, pour l’essentiel, sur la question de savoir si une sanction disciplinaire infligée au responsable de la comptabilité de l’entreprise A. était justifiée et ne comportait aucune déclaration indiquant qu’il ne serait pas interdit aux entreprises publiques ukrainiennes [confidentiel]. D’ailleurs, à cet égard, le Conseil a posé une question ponctuelle aux autorités ukrainiennes, lesquelles ont précisé, dans leur réponse du 30 juin 2016, que ledit arrêt ne comportait aucune déclaration indiquant qu’il ne serait pas interdit aux entreprises publiques [confidentiel].

148    À cet égard, s’agissant de l’argument tiré de l’abrogation, en août 2016, des dispositions législatives relatives, notamment, à l’interdiction pour les entreprises publiques de détenir des participations étrangères et d’en percevoir les dividendes, qui aurait eu pour effet, en vertu du principe de la rétroactivité in mitius, de faire disparaître le caractère punissable des faits reprochés au requérant, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que, au moment de l’adoption des actes attaqués, la procédure [confidentiel] était encore pendante contre le requérant. En outre, indépendamment de la question de savoir si une telle abrogation avait une portée rétroactive au regard de la situation du requérant, le fait que le Conseil n’ait pas interpelé les autorités ukrainiennes à cet égard ne saurait remettre en cause la validité des actes attaqués, dès lors que, en tout état de cause, était encore pendante contre le requérant une autre procédure pénale pour des faits de détournement de fonds publics, à savoir la procédure [confidentiel].

149    Troisièmement, s’agissant du prétendu manque de crédibilité du BPG découlant du fait qu’il aurait écarté des décisions de justice constatant la violation des droits procéduraux du requérant, il convient de constater, à l’instar du Conseil, d’une part, qu’il ressort de la décision du tribunal de district de Petschersk du 24 juillet 2015, versée au dossier de l’affaire par le requérant, qu’elle ne fait que charger le BPG de l’examen au fond de la demande du requérant concernant l’adoption de certaines mesures prévues par le code de procédure pénale ukrainien, sans pour autant porter une appréciation sur le bien-fondé de cette demande, et, d’autre part, que le requérant ne fait qu’invoquer d’autres irrégularités sans toutefois les détailler de manière concrète et spécifique.

150    Quatrièmement, ainsi qu’il a été précisé par la jurisprudence, dès lors qu’il est établi que la personne en cause fait, comme en l’espèce, l’objet d’investigations, dans le cadre d’une procédure pénale, de la part des autorités judiciaires ukrainiennes, pour des faits de détournement de fonds publics, le stade exact auquel se trouve ladite procédure ne saurait constituer un élément susceptible de justifier son exclusion de la catégorie des personnes visées (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 120 et jurisprudence citée).

151    Cinquièmement, s’agissant de l’allégation tirée, en substance, de la durée excessive des procédures pénales visant le requérant, il convient de préciser qu’il ne relève pas de la compétence du Conseil de se prononcer lui-même sur la durée d’une enquête en Ukraine et de préjuger de ladite durée, alors même que les lettres du BPG énoncent expressément que la procédure est encore en cours (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Lukash/Conseil, T‑210/16, non publié, EU:T:2018:332, point 187). S’agissant des interruptions et des suspensions prétendument abusives qui auraient caractérisé le déroulement des enquêtes concernant le requérant, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que de telles allégations, présentées pour la première fois lors de l’audience, ne sont pas étayées, le requérant n’ayant versé au dossier de l’affaire aucun élément de preuve visant à les confirmer. En tout état de cause, il s’agit d’un moyen nouveau, au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, et, dans la mesure où il ne se fonde pas sur un élément révélé pendant la procédure au sens de la disposition susmentionnée, il doit, dès lors, être écarté comme étant irrecevable.

152    Sixièmement, s’agissant, sur un plan plus général, de la prétendue faiblesse de l’État de droit en Ukraine, il convient de relever que le requérant a fait valoir, en s’appuyant sur l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), confirmé sur pourvoi par l’arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE (C‑599/14 P, EU:C:2017:583), qu’il incombait au Conseil, avant de se fonder sur une décision d’une autorité d’un État tiers, de vérifier avec soin si la réglementation pertinente de cet État assurait une protection des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective équivalente à celle garantie dans l’Union.

153    Cet argument repose sur des prémisses erronées. En effet, l’approche retenue par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), n’est pas transposable au cas d’espèce.

154    Plus particulièrement, dans cette affaire, l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93), laquelle instaure un mécanisme ayant pour effet de permettre au Conseil d’inclure une personne dans une liste de gel des fonds sur le fondement d’une décision prise par une autorité nationale, le cas échéant, d’un État tiers, prévoyait un critère de désignation des personnes visées par les mesures restrictives adoptées par le Conseil qui se lisait comme suit :

« La liste […] est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme lié[s] au terrorisme et à l’encontre desquel[s] il a ordonné des sanctions peuvent être inclu[s] dans la liste. »

155    En l’espèce, l’existence d’une décision préalable des autorités ukrainiennes ne constitue pas un des critères fixés par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, tel que modifié par la décision 2015/143, conditionnant l’adoption des mesures restrictives en cause, les procédures judiciaires ouvertes par lesdites autorités ne constituant que la base factuelle sur laquelle reposent ces mesures. En effet, le critère pertinent se réfère simplement aux personnes « ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien ».

156    À cet égard, il convient encore de relever que le libellé du critère pertinent se rapproche davantage de celui du critère dont il s’agissait dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93). Plus particulièrement, au point 66 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que ce critère incluait les personnes poursuivies pénalement pour des faits de « détournement de fonds publics », et ce sans examiner la question de savoir si l’ordre juridique du pays concerné, en l’occurrence la République arabe d’Égypte, offrait une protection juridique comparable à celle garantie dans l’Union.

157    En tout état de cause, ainsi que l’a fait valoir le Conseil, il existe une différence majeure entre les mesures restrictives, telles que celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil (T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885), qui concernent la lutte contre le terrorisme, et celles qui, comme en l’espèce, se situent dans le cadre d’une coopération entre l’Union et les nouvelles autorités d’un État tiers, en l’occurrence l’Ukraine.

158    En effet, la lutte contre le terrorisme, à laquelle le Conseil contribue par l’adoption de mesures restrictives visant certaines personnes ou entités, ne se situe certainement pas dans le cadre de la coopération avec les autorités d’un État tiers qui a connu un changement de régime et que le Conseil a décidé de soutenir. En revanche, tel est le cas des mesures en cause dans la présente affaire, comme également celles de l’affaire ayant donné lieu aux arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C‑220/14 P, EU:C:2015:147), et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93).

159    Ainsi, si le choix éminemment politique du Conseil, consistant à coopérer avec les nouvelles autorités ukrainiennes – qu’il considère comme étant dignes de confiance – afin de leur permettre notamment de récupérer des fonds publics possiblement détournés « en vue de renforcer et de soutenir l’État de droit » en Ukraine, était subordonné à la condition que, nonobstant le fait que ce pays soit membre du Conseil de l’Europe et ait ratifié la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, l’État ukrainien garantisse, immédiatement après le changement de régime, un niveau de protection des droits fondamentaux équivalent à celui offert par l’Union et ses États membres, il serait porté atteinte, en substance, à la large marge d’appréciation dont bénéficie le Conseil en ce qui concerne la définition des critères généraux délimitant le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures restrictives tendant à soutenir ces nouvelles autorités (voir point 108 ci-dessus).

160    Dans l’exercice de cette large marge d’appréciation, le Conseil doit donc être libre de considérer que, à la suite du changement de régime, les autorités ukrainiennes méritent d’être soutenues dans la mesure où elles améliorent la vie démocratique et le respect de l’État de droit en Ukraine par rapport à la situation qui y prévalait auparavant et qu’une des possibilités de renforcer et de soutenir l’État de droit consiste à geler les avoirs des personnes ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, cette notion incluant, à la suite des actes de janvier 2015, les personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds publics, ou pour complicité dans un tel détournement, et pour abus de pouvoir, ou pour complicité d’un tel abus.

161    Dès lors, ce ne serait que si le choix politique du Conseil de soutenir le nouveau régime ukrainien, y compris par la coopération résultant des mesures restrictives en cause, se révélait être manifestement erroné, notamment du fait que les droits fondamentaux seraient systématiquement violés dans ce pays après le changement de régime, que le prétendu manque de correspondance entre la protection des droits fondamentaux en Ukraine et celle existant dans l’Union pourrait avoir une incidence sur la légalité du maintien de ces mesures à l’égard du requérant. Or, il résulte de l’examen du présent recours que tel n’est pas le cas en l’espèce.

162    En l’espèce, il convient de relever que les éléments avancés par le requérant ne sont ni en mesure de remettre en cause la vraisemblance des accusations portées à son égard concernant des faits de détournement de fonds publics, comme cela a été examiné ci-dessus, ni suffisants pour démontrer que sa situation particulière aurait été affectée par les problèmes qu’il invoque en ce qui concerne le système judiciaire ukrainien au cours de la procédure qui le concerne et qui fonde la décision de maintenir des mesures restrictives à son égard.

163    Par ailleurs, s’agissant des considérations de caractère général que le requérant tire du rapport du Haut-Commissaire des Nations unies chargé de la mission d’observation des droits de l’homme en Ukraine, il doit être observé, à l’instar du Conseil, qu’il ressort dudit rapport que, le 29 février 2016, le gouvernement ukrainien a mis officiellement en place un bureau national d’enquête, chargé d’enquêter sur les infractions commises par des hauts fonctionnaires, des membres des services répressifs, des juges et des membres du bureau national de lutte contre la corruption et du bureau spécial de lutte contre la corruption au sein du BPG. Si ces progrès ne signifient pas que le système ukrainien ne présente pas de défaillances en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux, il n’en reste pas moins que le juge de l’Union, au vu de la large marge d’appréciation dont bénéficie le Conseil, ne peut pas, dans de telles circonstances, considérer comme manifestement erroné le choix politique du Conseil de soutenir le nouveau régime ukrainien en adoptant des mesures restrictives qui s’appliquent, notamment, à des membres du régime antérieur faisant l’objet de procédures pénales pour détournement de fonds publics.

164    Septièmement, s’agissant des procédures pénales concernant, respectivement, [confidentiel], il suffit de constater que, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le requérant a renoncé aux arguments soulevés à l’égard desdites procédures.

165    Le Conseil a donc satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait et n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les lettres du BPG des 17 août et 16 novembre 2016, à la lumière des réponses fournies par ce dernier, en date du 30 juin 2016, aux questions posées par le Conseil, fournissaient une base factuelle suffisante démontrant que, à la date de l’adoption des actes attaqués, le requérant faisait l’objet, à tout le moins, d’une procédure pénale portant sur un détournement de fonds publics et, sur ce fondement, en maintenant le nom du requérant sur la liste.

166    Dans ces conditions, le second moyen doit être rejeté.

167    Dès lors, il convient de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner ni la demande de mesures d’organisation de la procédure du requérant, ni la demande, présentée à titre subsidiaire par le Conseil, de maintenir les effets de la décision 2017/381.

 Sur les dépens

168    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mykola Yanovych Azarov est condamné aux dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits fondamentaux

Sur la première branche, tirée de la violation du droit de propriété

Sur la deuxième branche, tirée de la violation de la liberté d’entreprise

Sur la troisième branche, tirée du caractère disproportionné des mesures restrictives

Sur le second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Données confidentielles occultées.

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