ARFEA v Commission (Competition - Judgment) French Text [2018] EUECJ T-720/16 (29 November 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T72016.html
Cite as: ECLI:EU:T:2018:853, EU:T:2018:853, [2018] EUECJ T-720/16

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

29 novembre 2018 (*)

« Aides d’État – Compensation rétroactive de service public accordée par les autorités italiennes – Service de transport régional de passagers par autobus fourni entre 1997 et 1998 sur la base de concessions – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Arrêt Altmark – Application dans le temps des règles de droit matériel »

Dans l’affaire T‑720/16,

Aziende riunite filovie ed autolinee Srl (ARFEA), établie à Alexandrie (Italie), représentée par Mes M. Chiti, V. Angiolini et L. Formilan, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes L. Armati et D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/2084 de la Commission, du 10 juin 2016, concernant l’aide d’État SA.38132 (2015/C) (ex 2014/NN) – Compensations complémentaires de service public en faveur d’ARFEA (JO 2016, L 321, p. 57),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur) et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

1        Par le présent recours, la requérante, Aziende riunite filovie ed autolinee Srl (ARFEA), demande l’annulation de la décision (UE) 2016/2084 de la Commission, du 10 juin 2016, concernant l’aide d’État SA.38132 (2015/C) (ex 2014/NN) – Compensations complémentaires de service public en faveur d’ARFEA (JO 2016, L 321, p. 57, ci-après la « décision attaquée »). Ce recours s’inscrit dans une série de recours introduits devant le Tribunal concernant des compensations de désavantages économiques versées aux entreprises italiennes de transport de personnes par autobus par les autorités italiennes compétentes en exécution de décisions des juridictions italiennes et qualifiées ultérieurement par la Commission européenne d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ces décisions juridictionnelles ont pour origine une jurisprudence du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) qui, en se fondant directement sur le règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1969, L 156, p. 1), modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991 (JO 1991, L 169, p. 1), a reconnu le droit à ces entreprises à obtenir des compensations des désavantages économiques découlant de l’exécution d’obligations de service public lorsque ces désavantages n’avaient pas été compensés entièrement par des subventions obtenues en vertu de la législation nationale. Dans la présente affaire, une telle compensation a été versée à la requérante à la suite des jugements du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont, Italie) et l’octroi de cette compensation a été notifié par la suite à la Commission. Par la décision attaquée, la Commission a constaté que cette compensation était incompatible avec le marché intérieur et a ordonné sa récupération. Pour plus de clarté et compte tenu, notamment, de la dimension temporelle de l’affaire qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée, le cadre juridique et factuel de celle-ci est présenté ci-après.

 Cadre juridique

 Droit de l’Union

2        Selon l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues dans le traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen des ressources de l’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. L’article 93 TFUE dispose que sont compatibles avec les traités les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public.

3        En vue de mettre en œuvre, à la fois, la politique des transports et la politique de concurrence de l’Union européenne, le Conseil de l’Union européenne a adopté, notamment, le règlement no 1191/69.

4        Le règlement no 1191/69 établissait un cadre harmonisé définissant les conditions dans lesquelles les États membres pouvaient accorder des subventions pour compenser le coût des obligations de service public qu’ils imposaient aux entreprises de transport. Le règlement no 1191/69 concrétisait ainsi les règles du traité relatives aux aides d’État dans le domaine des services publics de transport terrestre.

5        Le règlement no 1191/69 s’appliquait aux entreprises de transport qui exploitaient des services dans le domaine des transports par chemins de fer, par route et par voie navigable. En vertu de son article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, les États membres pouvaient exclure du champ d’application de ce règlement les entreprises dont l’activité était limitée exclusivement à l’exploitation de services de transport urbains, suburbains ou régionaux. La République italienne n’a pas fait usage de cette possibilité.

6        Le régime mis en place par le règlement no 1191/69 visait, en substance, à la suppression des obligations de service public, définies comme les obligations que, si elle considérait son propre intérêt commercial, l’entreprise de transport n’assumerait pas ou n’assumerait ni dans la même mesure ni dans les mêmes conditions. Ces obligations comprenaient l’obligation d’exploiter, l’obligation de transporter et l’obligation tarifaire imposées aux entreprises de transport. Le règlement no 1191/69 prévoyait la possibilité, pour les États membres, de conclure avec les entreprises de transport des contrats de service public, afin de garantir des services de transport suffisants, compte tenu des facteurs sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire ou en vue d’offrir des conditions tarifaires spécifiques en faveur de certaines catégories des voyageurs. Ces contrats étaient régis par la section V de ce règlement.

7        Cependant, conformément à l’article 1er, paragraphe 5, et à l’article 6 du règlement no 1191/69, les États membres pouvaient également décider de maintenir d’anciennes obligations de service public pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs ou d’en imposer de nouvelles, à condition que ces décisions de maintien ou de suppression d’obligations de service public prévoient, pour les charges qui en découlaient, l’octroi d’une compensation qui devait être déterminée conformément aux méthodes établies aux articles 10 à 13 de ce règlement.

8        Les méthodes de calcul des compensations pour les charges découlant des obligations de service public étaient fixées dans la section IV du règlement no 1191/69. En faisait partie, en outre, l’article 1er, paragraphe 5, deuxième alinéa, figurant à la section I de ce règlement, contenant des dispositions générales. Cette disposition exigeait que, dans les cas où une entreprise de transport exploitait à la fois des services soumis à des obligations de service public et d’autres activités, les comptes correspondant à chacune de ces activités soient séparés.

9        Les subventions octroyées à des entreprises de transport conformément aux conditions du règlement no 1191/69 étaient considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur. En vertu de l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement, de telles compensations étaient dispensées de la procédure de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

10      En revanche, lorsque les obligations de service public imposées aux entreprises du transport et les subventions qu’elles recevaient liées à ces obligations ne répondaient pas aux conditions fixées par le règlement no 1191/69, elles étaient considérées comme n’étant pas compatibles avec le droit de l’Union, sans qu’il soit nécessaire de les examiner au regard des dispositions du traité (voir, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, ci-après l’« arrêt Altmark », EU:C:2003:415, point 65).

11      Le règlement no 1370/2007 a abrogé et remplacé le règlement no 1191/69 ainsi que le règlement (CEE) no 1107/70 du Conseil, du 4 juin 1970, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1970, L 130, p. 1), en fusionnant leurs dispositions tout en les modifiant. Il a pour objet de définir comment, dans le respect des règles de droit de l’Union, les autorités compétentes peuvent intervenir dans le domaine des transports publics de voyageurs. Il se concentre sur l’institution du contrat de service public et précise, d’une part, dans son article 4, le contenu obligatoire d’un tel contrat et, d’autre part, dans son article 5, les règles relatives à son attribution, en imposant, notamment, une mise en concurrence des entreprises souhaitant conclure un tel contrat.

12      À l’instar du règlement no 1191/69, le règlement no 1370/2007 prévoit, dans son article 9, qu’une compensation de service public au titre de l’exploitation de services publics de transport de voyageurs ou du respect des obligations tarifaires établies au travers de règles générales versée conformément à ses dispositions est considérée comme compatible avec le marché intérieur et exonérée de l’obligation de la notification préalable visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

 Droit national

13      La legge quadro n. 151 per l’ordinamento, la ristrutturazione ed il potenziamento dei trasporti pubblici locali – Istituzione del Fondo nazionale per il ripiano dei disavanzi di esercizio e per gli investimenti nel settore (loi-cadre no 151 portant organisation, restructuration et renforcement des transports publics locaux – Création du fonds national de comblement des déficits d’exploitation et d’investissement dans le secteur, du 10 avril 1981 (GURI no 113, du 24 avril 1981, ci-après la « loi-cadre no 151 de 1981 »), établit les principes selon lesquels les régions d’Italie doivent exercer leur pouvoir réglementaire et de programmation dans le domaine du transport public local. Les services de transport public local sont définis comme les services de transport collectif de personnes et de biens effectués en mode continu ou périodiquement sur des itinéraires et selon des fréquences et des tarifs préétablis, à l’exclusion de ceux qui relèvent de la compétence de l’État. Ces services peuvent être effectués, selon l’article 4 de la loi-cadre no 151 de 1981, notamment sous le régime de concessions accordées aux entreprises publiques ou privées. La loi-cadre no 151 de 1981 détermine le contenu minimal d’une concession.

14      La loi-cadre no 151 de 1981 prévoit que les régions adoptent les programmes de subvention aux investissements ou à l’exercice des services en cause. Conformément à l’article 6 de cette loi, il est prévu ce qui suit :

« Les subventions d’exploitation […] sont versées par la région sur la base de principes et procédures définis par une loi régionale, dans le but de parvenir à l’équilibre économique des budgets des services de transport ; elles sont déterminées annuellement en calculant :

a)       le coût économique standardisé des services au regard de critères et de paramètres relevant d’une gestion rigoureuse et efficiente, ventilé par catégorie et mode de transport, et compte tenu, au moyen d’analyses comparatives, de la qualité du service offert et des conditions dans lesquelles il est fourni ;

b)       les recettes du trafic supposées dérivées de l’application de tarifs minimaux établis par la région, avec le concours des collectivités locales concernées. Les recettes susmentionnées doivent au moins couvrir le coût effectif du service dans la mesure qui sera établie annuellement dans le cadre d’un programme triennal pour les différentes zones du territoire national […] Les tarifs, les mesures relatives à l’organisation et la restructuration des entreprises et l’adoption de mesures appropriées d’organisation du trafic doivent assurer chaque année un accroissement du rapport “recettes-coûts” devant être défini au niveau régional, en tenant compte également des aides aux investissements versées en vue de la réalisation des programmes d’entreprise ;

c)       le montant des aides qui […] doivent être versées aux entreprises ou exploitations de transport sur la base de paramètres objectifs afin de couvrir la différence entre coûts et recettes tels que définis ci-dessus.

Les pertes et déficits éventuels non couverts par les subventions régionales telles que définies ci-dessus restent à la charge des entreprises ou exploitations de transport individuelles.

Les collectivités locales ou leurs regroupements couvrent les déficits de leurs propres entreprises dépassant les subventions régionales, dans le cadre de leurs budgets, sans possibilité de remboursement par l’État, sur la base d’un plan prévoyant d’atteindre l’équilibre budgétaire dans un délai maximal de cinq ans, à compter de l’exercice financier suivant l’entrée en vigueur de la présente loi […] »

15      En application de la loi-cadre no 151 de 1981, la Giunta regionale del Piemonte (conseil exécutif de la Région Piémont, Italie) a adopté la décision no 658‑2041, du 16 février 1984, intitulée Legge n. 151/81 e legge regionale n. 16/82. Proposta di deliberazione quadro del Consiglio Regionale per la delimitazione dei criteri e dei parametri relativi alla determinazione dei costi economici standardizzati dei servizi di trasporto pubblico di persone (Loi no 151/81 et loi régionale no 16/82. Proposition de décision-cadre du conseil régional définissant des critères et des paramètres relatifs à la détermination des coûts économiques standardisés des services de transport public de voyageurs) (Bulletin officiel régional du Piémont no 11, du 14 mars 1984, p. 1422, ci-après la « décision du 16 février 1984 »).

16      Conformément à l’article 1er de la décision du 16 février 1984, le coût standardisé des services de transport public de personnes, élaboré sur la base de critères et de paramètres propres à une gestion rigoureuse et efficiente, se réfère à différents types de services, en fonction de la zone géographique où ce service est accompli.

17      L’article 4, paragraphe 1, de la décision du 16 février 1984 prévoit ce qui suit :

« Le solde des montants qui reviennent à l’entreprise est défini par rapport aux coûts économiques standardisés évalués lors du bilan définitif, conformément à l’article 3 ci-dessus : lesdits coûts sont considérés comme la limite maximale admissible par rapport au coût effectif admissible de l’entreprise considérée pour l’année de référence, toutefois sans préjudice de la référence aux coûts effectifs supportés par l’entreprise après contrôle des comptes par les services régionaux, si ces coûts devaient se révéler inférieurs aux coûts standardisés. »

18      Enfin, selon l’article 12 de la legge n. 472 – Interventi nel settore dei trasporti (loi no 472 – Interventions dans le secteur du transport), du 7 décembre 1999 (GURI no 294, du 16 décembre 1999, ci-après la « loi no 472 de 1999 »), en vue de l’assainissement et du développement des transports publics locaux, l’État devait participer, à hauteur de 30 % au maximum, à la couverture des déficits d’exploitation des services de transport public local relevant de la compétence des régions et relatifs à l’année 1997.

 Jurisprudence du Consiglio di Stato (Conseil d’État) relative à l’application du règlement no 1191/69

19      La présente affaire s’inscrit dans une série d’affaires relatives aux compensations des désavantages économiques, prétendument subis par des entreprises italiennes de transport local, régional ou interrégional de personnes par autobus, versées à ces entreprises par les autorités italiennes compétentes. Ces affaires ont pour origine la jurisprudence dégagée pour la première fois par le Consiglio di Stato (Conseil d’État) dans l’arrêt no 5043/06, du 29 août 2006 (ci-après l’« arrêt no 5043/06 »), par lequel il a annulé un jugement du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), dans lequel il avait été constaté, en substance, que, à la différence du règlement no 1191/69, qui aurait établi un système de compensation intégrale des surcoûts supportés par les entreprises de transport en ce qui concerne l’exécution des obligations de service public, la législation italienne en vigueur, notamment la loi-cadre no 151 de 1981, ne prévoyait qu’un système de versement de subventions d’exploitation « ayant pour fonction d’assainir la gestion des entreprises de transport selon des critères fondés sur l’efficacité et l’économie ». Selon le Consiglio di Stato (Conseil d’État), le système de subvention établi par la législation italienne n’épuisait pas toutes les formes de soutien dont pouvaient se prévaloir les entreprises italiennes de transport et, surtout, n’excluait pas la possibilité de reconnaître le droit à une compensation fondé directement sur le règlement no 1191/69, notamment sur ses articles 6, 10 et 11, dans le cas où une entreprise prouverait avoir subi un désavantage économique lié à l’exécution d’obligations de service public qui n’aurait pas été compensé entièrement par des subventions obtenues en vertu de la législation nationale.

20      L’arrêt no 5043/06 a été suivi par l’arrêt no 1405/2010, du 9 mars 2010, par lequel le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a annulé le jugement du Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) refusant de reconnaître une pleine compensation à la société de transport interrégional Simet SpA. À la suite de cet arrêt, le ministère des Transports italien a été contraint de verser à Simet une compensation complémentaire dont le montant a été établi par un expert désigné par le Consiglio di Stato (Conseil d’État). Avant de procéder au paiement de cette compensation, l’État italien l’a notifiée à la Commission, qui, par sa décision 2014/201/UE, du 2 octobre 2013, relative à la compensation en faveur de Simet pour des services publics de transport fournis entre 1987 et 2003 [aide d’État SA.33037 (2012/C) – Italie] (JO 2014, L 114, p. 48), a constaté que celle-ci constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. La décision 2014/201 a donné lieu à un recours de Simet, rejeté par l’arrêt du 3 mars 2016, Simet/Commission (T‑15/14, EU:T:2016:124), confirmé sur pourvoi par l’ordonnance du 9 mars 2017, Simet/Commission (C‑232/16 P, non publiée, EU:C:2017:200).

21      En outre, par deux arrêts no 4683/09 et 4684/09, du 27 juillet 2009, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a annulé deux jugements du Tribunale amministrativo regionale de Salerno (tribunal administratif régional de Salerne, Italie) refusant de reconnaître une pleine compensation à deux sociétés de transport local actives dans la région de la Campanie (Italie), respectivement, CSTP – Azienda della Mobilità SpA et Buonotourist Srl. À la suite de ces arrêts, la partie défenderesse, en l’occurrence la Regione Campania (Région Campanie), a été tenue de verser aux deux sociétés susmentionnées des compensations complémentaires dont le montant a été déterminé par un expert désigné par le Consiglio di Stato (Conseil d’État). La Région Campanie s’est exécutée le 21 décembre 2015, peu après la notification du versement des compensations complémentaires à la Commission, effectuée par les autorités italiennes le 5 décembre 2012. Par deux décisions adoptées le 19 janvier 2015, la décision (UE) 2015/1074, relative à l’aide d’État SA.35842 (2014/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Italie – Compensation complémentaire de service public en faveur de CSTP (JO 2015, L 179, p. 112), et la décision (UE) 2015/1075, relative à l’aide d’État SA.35843 (2014/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Italie – Compensation complémentaire de service public en faveur de Buonotourist (JO 2015, L 179, p. 128), la Commission a considéré que ces compensations constituaient des aides d’État versées illégalement, incompatibles avec le marché intérieur, et a ordonné leur récupération. Ces deux décisions ont donné lieu aux recours des sociétés concernées, rejetés par les arrêts du 11 juillet 2018, Buonotourist/Commission (T‑185/15, non publié, EU:T:2018:430), et du 11 juillet 2018, CSTP Azienda della Mobilità/Commission (T‑186/15, non publié, EU:T:2018:431).

22      Par ailleurs, saisi d’un recours de CTP – Compagnia Transporti Pubblici SpA, une entreprise de transport local active dans la Provincia di Napoli (Province de Naples, Italie), dirigé contre cette province et la Région Campanie et concernant le refus de ces dernières de verser à CTP la compensation du désavantage économique qu’elle estimait avoir subi en raison de la fourniture de services de transport régional, le 3 juillet 2012, le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne concernant l’interprétation des articles 4 et 6 du règlement no 1191/69. Cette question visait, en substance, à déterminer les cas dans lesquels la demande de compensation des désavantages économiques provoqués par l’exécution d’une obligation de service public devait être précédée d’une demande de suppression de tout ou partie de cette obligation. La Cour a répondu à cette question par l’arrêt du 3 avril 2014, CTP (C‑516/12 à C‑518/12, EU:C:2014:220).

23      Les juridictions italiennes n’ont cependant jamais interrogé la Cour sur la question de savoir si le règlement no 1191/69 devait être interprété en ce sens qu’il excluait l’application d’une loi telle que la loi-cadre no 151 de 1981, qui, selon l’arrêt no 5043/06, ne permettait pas d’assurer une compensation intégrale des désavantages économiques liés à l’exécution des obligations de service public dans le domaine du transport de personnes et qui, pour ces motifs, n’aurait pas été conforme au système de compensation créé par ce règlement.

 Antécédents du litige

24      La requérante est une société de droit italien qui fournit des services de transport public local de personnes sur la base de concessions. Plus spécifiquement, elle gère un réseau de liaisons par autobus en tant que concessionnaire dans la Provincia di Alessandria (province d’Alexandrie, Italie) et la Provincia di Asti (province d’Asti, Italie). Outre ces services, la requérante fournit d’autres services privés, sous le régime d’entreprise, notamment dans les domaines du tourisme et de la location d’autobus.

25      À la suite du prononcé de l’arrêt no 5043/06, par lettres du 29 décembre 2006 et du 15 novembre 2007, la requérante a demandé à la Région Piémont des compensations pour les désavantages économiques qu’elle aurait subis, respectivement, en 1997 et en 1998 (ci-après la « période concernée »).

26      Les deux demandes de la requérante visaient à obtenir le paiement d’un complément des subventions relatives aux années 1997 et 1998. En effet, la requérante avait déjà perçu des aides publiques de la Région Piémont pour les services de transport public local fournis entre 1997 et 1998 au titre de la décision du 16 février 1984. En 1997, la requérante a également obtenu des aides publiques supplémentaires pour l’année 1997, conformément à l’article 12 de la loi no 472 de 1999.

27      Par deux notes du 14 mai 2007 et du 25 janvier 2008, la Région Piémont a refusé de faire droit à ces demandes, en invoquant la loi-cadre no 151 de 1981. La Région Piémont a indiqué que cette loi-cadre prévoyait non pas une méthode de compensation intégrale des surcoûts supportés par les entreprises de transport en raison de l’exécution des obligations de service public qui leur étaient imposées, mais un régime de contribution financière prenant la forme de subventions régionales visant à couvrir la différence entre, d’une part, les coûts éligibles résultant de la mise en relation avec les coûts économiques standardisés régionaux et, d’autre part, les recettes d’exploitation. Elle a également rappelé que, en vertu de la loi-cadre susmentionnée, les pertes et déficits éventuels non couverts par les subventions régionales restaient à la charge des entreprises ou exploitations de transport individuelles.

28      La requérante a contesté ces notes devant le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont).

 Jugements du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont)

29      Le 18 février 2010, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a rendu deux jugements, les jugements nos 976/2010 et 977/2010, par lesquels il a annulé les notes des 14 mai 2007 et 25 janvier 2008 (ci-après les « jugements nos 976/2010 et 977/2010 »).

30      Dans les jugements nos 976/2010 et 977/2010, substantiellement similaires, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a considéré, premièrement, que la question juridique principale posée par les recours de la requérante était celle de savoir si le règlement no 1191/69 créait un droit à obtenir une compensation économique pour l’exécution des obligations de service public. Il a répondu à cette question par l’affirmative, ayant considéré que tant le texte de ce règlement que la jurisprudence de la Cour le concernant confirmaient l’existence d’un « principe [du droit de l’Union] selon lequel à l’imposition des obligations de service public ne p[ouvai]t pas ne pas être associée une compensation économique adéquate » et que « l’obligation de compensation résultait nécessairement de la simple exécution des obligations de service public ». Le juge national a rappelé à cet égard que, de par sa forme juridique, le règlement no 1191/69 s’appliquait directement, n’appelant aucune mesure de transposition en droit national, et que le législateur italien ne s’était pas prévalu de la possibilité, prévue dans ce règlement, d’exclure son application dans le domaine du transport urbain, suburbain et régional.

31      Deuxièmement, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a observé que la loi-cadre no 151 de 1981, invoquée par la Région Piémont pour refuser le paiement de la compensation à la requérante, poursuivait un objectif différent de celui poursuivi par le règlement no 1191/69. Il n’a pas considéré pour autant nécessaire de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle, suggérée par la Région Piémont, relative à la compatibilité de la réglementation nationale avec le règlement no 1191/69, ayant estimé que la solution du litige pendant devant lui n’impliquait pas l’application de la réglementation nationale, mais des dispositions de ce règlement. Il a considéré que les régimes de compensation prévus au niveau national et au niveau de l’Union pouvaient être considérés comme complémentaires et que le régime résultant du droit de l’Union pouvait être invoqué par les entreprises afin d’obtenir des compensations pour des désavantages qui n’avaient pas pu être compensés dans le cadre du régime national.

32      Troisièmement, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a estimé que la compensation supplémentaire sur la base du règlement no 1191/69 pouvait être versée à la requérante même en l’absence de demande préalable de suppression des obligations de service public, prévue à l’article 4 de ce règlement.

33      Quatrièmement, enfin, s’agissant de la détermination du montant de la compensation complémentaire, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a observé que la méthode de calcul des compensations découlant de la loi-cadre no 151 de 1981 ne correspondait pas exactement à la méthode applicable au niveau de l’Union. Il a rappelé à cet égard que les compensations au sens du règlement no 1191/69 ne devaient pas être excessives et que leur calcul devait être opéré selon les critères dégagés dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415) (ci-après les « conditions Altmark »). Il a conclu ses jugements en constatant que la requérante avait droit à une compensation complémentaire dont le montant devait être déterminé par la Région Piémont en conformité avec les dispositions des articles 10 et suivants du règlement no 1191/69 et avec les conditions Altmark. Le calcul de cette compensation devait être opéré sur la base des données provenant de la comptabilité de la requérante, confirmant l’existence d’une différence entre les coûts nets et les recettes générées par l’exécution des obligations de service public.

34      La Région Piémont ayant refusé de procéder à ce calcul, la requérante a de nouveau saisi le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), qui, dans un premier temps, par les ordonnances d’instruction du 14 février 2013 (nos 198 et 199), a désigné un expert chargé de vérifier si les montants demandés par la requérante – soit 1 446 526 euros pour l’année 1997 et 421 884 euros pour l’année 1998 – avaient été calculés conformément au règlement no 1191/69 ainsi qu’aux conditions Altmark.

35      Le 17 juin 2013, l’expert a rendu deux rapports, l’un pour l’année 1997 et l’autre pour l’année 1998. L’expert a réduit les montants demandés par la requérante et a indiqué que la méthode qu’il avait utilisée pour le calcul de la compensation complémentaire était conforme aux articles 10 et suivants du règlement no 1191/69 ainsi qu’aux conditions Altmark.

36      Dans un second temps, le 10 octobre 2013, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a adopté deux jugements d’exécution nos 1070/2013 et 1071/2013 (ci-après les « jugements nos 1070/2013 et 1071/2013 »), par lesquels il a ordonné à la Région Piémont de verser à la requérante au plus tard le 7 février 2014 les sommes déterminées par l’expert, à savoir 1 196 780 euros pour l’année 1997 et 102 814 euros pour l’année 1998. Le 7 février 2014, la Région Piémont a versé cette compensation à la requérante.

 Procédure administrative devant la Commission

37      Le 9 janvier 2014, les autorités italiennes ont notifié à la Commission l’octroi à la requérante de la compensation complémentaire pour la prestation de services de transport de voyageurs par autobus sur la base des concessions accordées par la Région Piémont au cours de la période concernée (ci-après la « compensation en cause »), en exécution des jugements du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont).

38      Les 7 avril 2014 et 21 mai 2014, les autorités italiennes ont soumis des informations additionnelles à la Commission.

39      Le 24 juillet 2014, la Commission a adressé aux autorités italiennes des demandes de renseignements complémentaires. Les autorités italiennes ont répondu à ces demandes le 20 août 2014.

40      Par lettre du 23 février 2015, la Commission a informé la République italienne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Par la publication de la décision d’ouverture, le 3 juillet 2015, au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2015, C 219, p. 12), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur la compensation en cause.

41      Le 16 avril 2015, les autorités italiennes ont présenté leurs observations sur la décision d’ouverture de la procédure.

42      Le 30 juillet 2015, la requérante a adressé à la Commission ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure, lesquelles ont été transmises aux autorités italiennes le 18 août 2015. Le 24 septembre 2015, les autorités italiennes ont présenté leur point de vue sur les observations de la requérante.

 Décision attaquée

43      Le 10 juin 2016, la Commission a adopté la décision attaquée.

44      Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a considéré que le versement à la requérante de la compensation en cause devait être traité comme une mesure non notifiée, la Région Piémont ayant confirmé, le 11 mars 2014, avoir versé cette compensation à la requérante le 7 février 2014 (considérants 2, 12 et 13 de la décision attaquée).

45      En deuxième lieu, la Commission a indiqué que la compensation en cause était imputable à l’État, impliquait l’utilisation de ressources étatiques, procurait un avantage économique à la requérante, avait un caractère sélectif et pouvait fausser la concurrence au point d’affecter les échanges entre États membres (considérants 45 à 47 et 67 à 71 de la décision attaquée). Dans ce cadre, la Commission a relevé que la compensation en cause ne remplissait pas les conditions Altmark (considérants 48 à 66 de la décision attaquée).

46      En troisième lieu, la Commission a examiné la question de savoir si la compensation en cause pouvait être considérée, au regard de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, comme une compensation exemptée de l’obligation de notification préalable prévue par l’article 108, paragraphe 3, TFUE (considérants 73 à 89 de la décision attaquée).

47      Pour ce faire, premièrement, la Commission a vérifié si les autorités italiennes avaient imposé unilatéralement à la requérante une obligation de service public, au sens de l’article 2 du règlement no 1191/69. Dans ce cadre, elle a considéré que les accords de concession prévoyant une période de validité annuelle et renouvelable sur demande du prestataire des services de transport, sous réserve du versement d’une redevance de concession, n’entraînaient aucune obligation unilatérale de service public. Elle a fait valoir que les cahiers des charges, volontairement signés par la requérante et modifiés à sa demande pour plusieurs concessions, ne pouvaient être considérés comme imposant unilatéralement des obligations de service public. De même, les tableaux fixant les tarifs régionaux, dispositions à caractère général en matière tarifaire, n’imposaient pas unilatéralement d’obligations de service public. Enfin, la Commission a relevé que le fait que la requérante ait demandé le renouvellement des concessions et payé une redevance à cette fin était incompatible avec l’allégation d’imposition unilatérale d’obligations de service public (considérants 76 à 82 de la décision attaquée).

48      Deuxièmement, la Commission a vérifié si la compensation en cause était conforme à la méthode commune de compensation prévue par le règlement no 1191/69 (considérants 83 à 89 de la décision attaquée).

49      À cet égard, la Commission a, d’une part, relevé que, conformément à l’article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1191/69, dans sa version applicable à partir du 1er juillet 1992, les entreprises de transport qui exploitaient à la fois des services soumis à des obligations de service public et d’autres activités, étaient tenues d’assurer ces services en séparant les comptes correspondant à chacune de ces activités d’exploitation et en affectant la part des actifs correspondants selon les règles comptables en vigueur. Or, la Commission a constaté que la requérante n’avait pas adopté un système adéquat de séparation des comptes entre les activités prétendument soumises à des obligations unilatérales de service public et ses autres activités (considérants 84 et 87 de la décision attaquée).

50      D’autre part, elle a considéré que, contrairement à ce que prévoyait l’article 13 du règlement no 1191/69, en vertu duquel le montant de la compensation devait être fixé par avance, la compensation en cause avait été déterminée sur la base d’une évaluation a posteriori (considérant 88 de la décision attaquée).

51      La Commission a, dès lors, constaté que la compensation en cause ne pouvait pas être considérée comme conforme à la méthode commune de compensation prévue par le règlement no 1191/69 (considérant 86 de la décision attaquée). Elle en a conclu que la compensation en cause n’était pas dispensée de l’obligation d’information préalable aux termes de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69 (considérant 89 de la décision attaquée).

52      En quatrième lieu, la Commission a examiné la compatibilité de la compensation en cause avec la législation en vigueur à la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir avec le règlement no 1370/2007. Elle a considéré que la compensation en cause ne respectait pas certaines obligations prévues par l’article 4 de ce règlement et relatives au contenu du contrat de service public et ne satisfaisait pas davantage aux obligations prévues par l’article 6, paragraphe 1, ainsi que par l’annexe du même règlement et relatives à la séparation des comptes du bénéficiaire de la compensation et aux modalités à suivre pour déterminer le montant maximal de la compensation. La Commission en a conclu que la compensation en cause n’était pas versée conformément au règlement no 1370/2007 et, partant, que cette compensation était incompatible avec le marché intérieur (considérants 93 à 102 de la décision attaquée).

53      En cinquième lieu, la Commission a examiné la question de savoir si la compensation en cause constituait des dommages et intérêts pour violation présumée du droit de l’Union. Dans ce cadre, la Commission a relevé que le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), dans ses jugements, avait invoqué le droit de la requérante à percevoir une compensation en vertu des articles 6, 10 et 11 du règlement no 1191/69. La Commission a également constaté que la requérante avait introduit, le 6 juin 2014, un recours devant les juridictions italiennes en vue d’obtenir des dommages et intérêts de la Région Piémont, en plus de la compensation en cause. La Commission a ajouté que, en tout état de cause, l’octroi d’une indemnisation en faveur de la requérante, pour une prétendue imposition unilatérale et illégale d’obligations de service public, visant à compenser les charges financières en résultant, porterait atteinte aux articles 107 et 108 TFUE, en ce qu’elle aboutirait, du point de vue de la requérante, au même résultat qu’une compensation pour obligation de service public pour la période concernée, alors que les accords de concession qui régissaient les services en cause n’étaient pas dispensés de l’obligation d’information préalable et ne satisfaisaient ni aux exigences substantielles du règlement no 1191/69, ni à celles du règlement no 1370/2007 (considérants 103 à 112 de la décision attaquée).

54      Enfin, en sixième lieu, la Commission a conclu à la récupération de la compensation en cause, cette récupération couvrant la période allant du moment où la requérante avait obtenu l’avantage, c’est-à-dire où l’aide avait été mise à sa disposition, jusqu’au remboursement effectif, et les montants à rembourser incluant les intérêts échus jusqu’à la date de remboursement effectif (considérant 116 de la décision attaquée).

55      Le dispositif de la décision attaquée est rédigé comme suit :

« Article premier

L’aide d’État d’un montant de 1 299 594 [euros], que la République italienne a illégalement accordée à ARFEA en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

1. La République italienne est tenue de récupérer l’aide visée à l’article 1er auprès du bénéficiaire.

2. Les montants à récupérer produisent des intérêts à partir du 7 février 2014, jusqu’à la date de leur récupération effective […]

Article 3

[…]

2. La République italienne garantit l’exécution de la présente décision dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

[…]

Article 5

La République italienne est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions des parties

56      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

57      La Commission a déposé un mémoire en défense le 19 décembre 2016.

58      La requérante a déposé une réplique le 28 février 2017. La Commission a déposé une duplique le 12 avril 2017.

59      Par lettre du 16 octobre 2017, le Tribunal a invité les parties, au titre de mesures d’organisation de la procédure adoptées sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, à produire certains documents et à répondre à des questions. Les parties ont déféré à cette invitation dans le délai imparti.

60      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, le cas échéant, tous les actes connexes et antérieurs ;

–        condamner la Commission aux dépens.

61      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

62      À l’appui de son recours, la requérante soulève sept moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, en ce que la Commission a qualifié la compensation en cause d’aide nouvelle. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 107 TFUE. Le troisième moyen est tiré de la violation des principes d’application du droit de l’Union, des principes généraux de la non-rétroactivité des lois et de la sécurité juridique ainsi que des principes dégagés en la matière par la Cour, en ce que la Commission a apprécié la compensation en cause à l’aune du règlement no 1370/2007. Le quatrième moyen est tiré de la violation des principes en matière de prescription, en ce que la Commission a considéré que son pouvoir d’ordonner la récupération de la compensation en cause n’était pas prescrit. Le cinquième moyen est tiré d’une violation des principes dégagés dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), et du principe de l’autonomie procédurale des États membres, en ce que la Commission a considéré que la compensation en cause ne remplissait pas les conditions Altmark. Le sixième moyen est tiré de la violation du règlement no 1191/69, en ce que la Commission a considéré que la compensation en cause ne remplissait pas les conditions établies par ce règlement et ne pouvait donc pas être exonérée de l’obligation de notification, conformément à son article 17, paragraphe 2. Le septième moyen est tiré de l’inapplicabilité du règlement no 1370/2007 ratione temporis et de la violation des principes en matière de succession des règles dans le temps.

63      Le Tribunal estime qu’il y a lieu de modifier l’ordre des moyens et d’examiner d’abord la recevabilité du deuxième moyen et, ensuite, le bien-fondé des autres moyens, en abordant, successivement, la question de la qualification de la compensation en cause d’aide d’État, la question de sa compatibilité avec le marché intérieur, la question de l’existence d’une dérogation à l’obligation de notification de cette compensation et, enfin, la question de la compétence de la Commission pour ordonner la récupération de cette compensation. Ainsi, il conviendra de commencer l’examen du recours au fond par le cinquième moyen. Ensuite seront traités, conjointement, d’une part, les troisième et septième moyens et, d’autre part, les premier et sixième moyens. Le quatrième moyen sera examiné en dernier lieu.

 Sur la recevabilité

64      Il convient de constater d’emblée que le deuxième moyen du recours, tiré de la violation de l’article 107 TFUE, se résume à une présentation du contenu de la décision attaquée et que la requérante ne développe pas dans le cadre de ce moyen d’arguments à l’encontre de cette décision. Or, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que la seule énonciation abstraite de la règle violée ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure du Tribunal (voir arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 93 et jurisprudence citée). Au vu de cette jurisprudence, le deuxième moyen de recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le fond

 Observations liminaires

65      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’arrêt no 5043/06 du Consiglio di Stato (Conseil d’État), invoqué par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) dans ses jugements nos 976/2010 et 977/2010, est à l’origine d’une situation complexe dans laquelle une juridiction nationale a reconnu à une entreprise fournissant des services de transport de passagers par autobus le droit d’obtenir une compensation en vertu du règlement no 1191/69, compensation dont le paiement a d’abord été refusé par les autorités compétentes et qui, une fois versée, a été notifiée à la Commission. Or, la Commission a considéré que cette compensation constituait une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et a ordonné sa récupération.

66      Le contexte général de la présente affaire a fait l’objet d’un débat lors de l’audience, au cours duquel la requérante a soutenu que la décision attaquée enfreignait l’autorité de la chose jugée dont bénéficiaient les jugements nos 976/2010 et 977/2010 et les jugements nos 1070/2013 et 1071/2013 du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont).

67      À cet égard, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ce grief de la requérante soulevé lors de l’audience, il suffit de rappeler une jurisprudence constante relative aux compétences respectives de la Commission et des juridictions nationales en matière d’aides d’État.

68      Les juridictions nationales peuvent, en matière d’aides d’État, être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure de contrôle préalable de l’article 108, paragraphe 3, TFUE devrait ou non y être soumise. En revanche, les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour statuer sur la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur. Il ressort en effet d’une jurisprudence constante que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides ou d’un régime d’aides avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union. Cette règle s’impose dans l’ordre juridique interne en conséquence du principe de la primauté du droit de l’Union (voir arrêts du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, EU:C:2007:434, points 50 à 52 et 62 et jurisprudence citée, et du 15 septembre 2016, PGE, C‑574/14, EU:C:2016:686, points 30 à 32 et jurisprudence citée).

69      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’application des règles de l’Union en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacun agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de prendre celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir arrêt du 15 septembre 2016, PGE, C‑574/14, EU:C:2016:686, point 33 et jurisprudence citée).

70      Il résulte de cette jurisprudence, plus particulièrement de l’arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434), que le principe de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à une décision juridictionnelle nationale ne saurait constituer un obstacle à l’exercice par la Commission de sa compétence exclusive de contrôle de la compatibilité des aides d’État.

71      Il y a donc lieu, en tout état de cause, d’écarter le grief de la requérante tiré de la violation du principe de l’autorité de la chose jugée.

 Sur la qualification de la compensation en cause d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (cinquième moyen)

72      Par le cinquième moyen, pris de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la requérante soutient que la Commission a erronément qualifié la compensation en cause d’aide d’État. La requérante avance que c’est à tort que la Commission a constaté que cette compensation ne satisfaisait pas aux conditions Altmark et que, partant, elle constituait un avantage sélectif. Le cinquième moyen est divisé en quatre branches relatives à l’appréciation de la compensation en cause à la lumière, respectivement, de chacune des quatre conditions Altmark.

73      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la qualification d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une mesure prise à l’égard d’une entreprise requiert la réunion de quatre conditions. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources de l’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activité. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêts du 23 mars 2006, Enirisorse, C‑237/04, EU:C:2006:197, points 38 et 39 et jurisprudence citée, et du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, EU:T:2000:223, point 39 et jurisprudence citée).

74      S’agissant de la troisième condition prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à savoir l’existence d’un avantage consenti à une entreprise bénéficiaire, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêt du 18 février 2016, Allemagne/Commission, C‑446/14 P, non publié, EU:C:2016:97, point 23).

75      Dans ce contexte, à l’égard des entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général, la Cour a précisé que, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie de prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de telle sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que cette intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable au regard des entreprises concurrentes, cette intervention ne relève pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 24 juillet 2003, Altmark, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 87, et du 22 octobre 2015, EasyPay et Finance Engineering, C‑185/14, EU:C:2015:716, point 45). À cet égard, quatre conditions doivent être satisfaites.

76      Premièrement, il ressort du point 89 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), que l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies pour qu’une telle compensation échappe à la qualification d’aide d’État (ci-après la « première condition Altmark »).

77      Deuxièmement, il résulte du point 90 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), que les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente.

78      Troisièmement, en application de la condition posée au point 92 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes s’y rapportant ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

79      Quatrièmement, conformément à la condition mentionnée au point 93 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415), lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public, dans un cas concret, n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes s’y rapportant ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

80      S’agissant de la première branche du cinquième moyen relative au respect de la première condition Altmark, la requérante soutient, premièrement, que la relation à l’origine de la compensation financière qu’elle a obtenue de la Région Piémont, en exécution des jugements nos 976/2010, 977/2010, 1070/2013 et 1071/2013 du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), résulte de concessions administratives qui lui ont été attribuées par la Région Piémont en 1981 et qui ont été renouvelées périodiquement depuis. Le caractère public et unilatéral de cette relation ressortirait des termes de ces concessions, notamment de nombreuses obligations qu’elles lui imposaient ainsi que du fait qu’elles pouvaient être complétées ou modifiées en fonction des besoins du service public.

81      Deuxièmement, la requérante rappelle que, conformément au règlement no 1191/69, les obligations de service public sont l’obligation d’exploiter, l’obligation de transport et l’obligation tarifaire. À cet égard, elle fait valoir que les concessions accordées par la Région Piémont l’obligeaient à effectuer des services sur des parcours préétablis, en respectant des arrêts, des horaires ainsi que des interdictions d’opérer spécifiques, établies notamment en vue de protéger d’autres entreprises. La requérante avance que ces concessions l’obligeaient à transporter uniquement certaines catégories de voyageurs, et notamment des ouvriers, étudiants ou employés, qu’elles imposaient la gratuité des transports pour des catégories particulières de voyageurs ou de produits, qu’elles imposaient les tarifs à appliquer à des catégories spécifiques des personnes ainsi que la réduction de ces tarifs au moyen d’abonnements. En outre, ces concessions auraient exigé d’aligner les rémunérations et cotisations sociales du personnel de l’entreprise sur celles de catégories particulières de travailleurs des services publics et auraient interdit l’achat ou la vente de véhicules. La requérante relève, enfin, que de nombreux itinéraires couverts par les concessions étaient exploités dans des zones à faible demande, dans lesquelles il n’était pas possible d’assurer la rentabilité du service. Elle précise à cet égard que, si elle avait considéré son propre intérêt commercial, elle n’aurait cherché à satisfaire à aucune des exigences susmentionnées selon les mêmes modalités, avec la même intensité ou dans la même mesure que ce qui lui avait été imposé.

82      La requérante illustre ses affirmations par des passages de différentes concessions cités dans la requête. En outre, en annexe à la réplique, elle fournit des copies de nombreux cahiers des charges de concessions sur la base desquelles elle exerçait ses activités et elle identifie, dans la réplique, les clauses relatives aux obligations spécifiques auxquelles elle a été soumise. La requérante reproche à cet égard à la Commission de ne pas avoir examiné d’autres concessions que celles mentionnées dans la décision attaquée, ce qui démontrerait l’insuffisance de l’enquête de la Commission.

83      Troisièmement, la requérante soutient que, contrairement aux affirmations de la Commission, la compensation en cause ne lui a pas été attribuée pour le service de transport fourni dans sa dimension générale, mais pour des prestations particulières soumises à d’importantes obligations de service public.

84      La Commission conteste les arguments de la requérante.

85      Dans la décision attaquée, d’une part, la Commission a indiqué que les autorités italiennes lui avaient fourni des copies de 28 concessions accordées à la requérante pour la prestation de services de transport sur des liaisons régionales et sur une liaison interrégionale. À propos de ces concessions, elle a relevé que certaines d’entre elles étaient en vigueur pendant la période concernée tandis que pour d’autres, il n’existait pas de preuve de leur renouvellement, mais seulement de leurs modifications successives. La Commission a indiqué que toutes ces concessions avaient un caractère annuel et que leur renouvellement était subordonné à la présentation d’une demande dans le délai imparti et le versement d’une redevance de concession. Elle a indiqué, en outre, que plusieurs de ces concessions renvoyaient à des tableaux régionaux fixant des tarifs, que cinq d’entre elles excluaient la possibilité d’obtenir une quelconque compensation ou subvention, alors que les 23 concessions restantes indiquaient que l’accès aux aides publiques était subordonné au respect des stipulations des concessions et que les calculs pertinents devaient être effectués sur la base de la décision du 16 février 1984 (considérants 20 et 21 de la décision attaquée).

86      D’autre part, s’agissant plus précisément de la première condition Altmark, la Commission a observé, tout d’abord, que les autorités italiennes n’avaient pas expliqué quelles obligations de service public justifiées par des considérations d’intérêt général avaient été imposées à la requérante. Au contraire, ces autorités auraient soutenu que la requérante n’avait été chargée de l’exécution d’aucune obligation de service public. Ensuite, elle a fait observer que la requérante n’avait pas été en mesure de préciser les obligations de service public qui lui avaient été imposées, ni de démontrer que ces obligations de service public avaient été clairement définies dans un mandat. Enfin, elle a considéré que les obligations de service public imposées à la requérante ne l’avaient pas été de manière unilatérale (considérants 52, 53 et 77 à 82 de la décision attaquée).

87      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la première condition Altmark vise essentiellement à déterminer si, premièrement, l’entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public et, deuxièmement, si ces obligations sont clairement définies dans le droit national. Cette condition poursuit un objectif de transparence et de sécurité juridique qui exige la réunion de critères minimaux tenant à l’existence d’un ou de plusieurs actes de puissance publique définissant de manière suffisamment précise au moins la nature, la durée et la portée des obligations de service public incombant aux entreprises chargées de l’exécution de ces obligations. En effet, en l’absence de définition claire de tels critères objectifs, il ne serait pas possible de contrôler si une activité particulière est susceptible de relever de la notion de services d’intérêt économique général (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, points 72 et 73).

88      À cet égard, il est de jurisprudence constante que, en l’absence d’une réglementation de l’Union harmonisée dans la matière concernée, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la définition des services d’intérêt économique général, ce qui signifie que la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (voir arrêt du 26 novembre 2015, Comunidad Autónoma del País Vasco et Itelazpi/Commission, T‑462/13, EU:T:2015:902, point 50 et jurisprudence citée).

89      Or, dans le domaine du transport des voyageurs, tant le règlement no 1191/69 que le règlement no 1370/2007, qui l’a abrogé et remplacé, contiennent une définition de l’obligation de service public. Selon l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1191/69, par ces obligations il faut entendre les obligations que, si elle considérait son propre intérêt commercial, l’entreprise de transport n’assumerait pas ou n’assumerait ni dans la même mesure ni dans les mêmes conditions. Elles comprennent l’obligation d’exploiter, l’obligation de transporter et l’obligation tarifaire. Selon l’article 2, sous e), du règlement no 1370/2007, l’obligation de service public est une exigence définie ou déterminée par une autorité compétente en vue de garantir des services d’intérêt général de transport de voyageurs qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait ni dans la même mesure ni dans les mêmes conditions sans contrepartie.

90      En l’espèce, il convient donc de vérifier si la requérante a été chargée de telles obligations. À cette fin, il y a lieu d’examiner les concessions sur la base desquelles la requérante exerçait ses activités et qui lui ont été accordées par la Région Piémont.

91      En effet, selon la jurisprudence, pour qu’une entreprise puisse être considérée comme étant chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général, il faut qu’elle le soit en vertu d’un acte de la puissance publique. Il n’est pas pour autant requis qu’il s’agisse d’un acte législatif ou réglementaire (arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, point 66). En outre, il ressort de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 12 et 47), que les obligations de service public dans le domaine du transport des passagers peuvent être imposées par des licences de services réguliers de transport par autocar, obligeant le transporteur à ne percevoir que le tarif autorisé par l’autorité délivrant la licence, à respecter l’horaire qui a été approuvé et à se conformer aux obligations d’exploitation et de transport qui lui incombent légalement.

92      À cet égard, il convient de rappeler que la Commission s’est opposée à la recevabilité des copies des cahiers des charges des concessions et d’autres documents jointes par la requérante à la réplique. Interrogée lors de l’audience sur l’étendue de son objection, elle a confirmé que l’ensemble de ces documents devrait être écarté des débats.

93      Or, comme la Commission le reconnaît elle-même dans la duplique, la République italienne lui a fourni des copies des cahiers des charges des concessions accordées à la requérante. Sur la base de ces documents, la Commission a dressé une liste des concessions accordées à la requérante. Cette liste prend la forme d’un tableau figurant au considérant 20 de la décision attaquée qui représente 28 lignes exploitées par la requérante et précise les dates auxquelles ces lignes étaient exploitées. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a produit toutes les copies des cahiers des charges de concessions qui lui avaient été transmis par la République italienne et qui figuraient dans le dossier administratif de l’affaire.

94      Il résulte de l’analyse de ces documents, tout d’abord, que les cahiers des charges des concessions figurant aux annexes C.7 à C.9, C.10, C.17, C.22, C.24, C.27 à C.29, C.30, C.32, C.36 et C.38 de la réplique correspondent à ceux qui se trouvent aux annexes E.6 à E.8, E.14, E.15, E.18 à E.20, E.21, E.26, E.28, E.30, E.32 de la réponse de la Commission aux mesures de l’organisation de la procédure. Les annexes de la réplique susmentionnées contiennent exactement les mêmes documents que ceux qui avaient déjà été fournis à la Commission au cours de la procédure administrative et qui faisaient donc partie du dossier administratif de l’affaire. Dans la mesure où ces documents ont été examinés par la Commission et invoqués dans les motifs de la décision attaquée, ils doivent être considérés comme recevables et leur contenu peut être examiné par le Tribunal afin de vérifier si la requérante a été chargée d’obligations de service public qui avaient été clairement définies.

95      Ensuite, il y a lieu de relever que certains cahiers des charges des concessions accordées à la requérante produits par la Commission ne se retrouvent pas parmi les documents fournis par la requérante en annexe à la réplique. Toutefois, compte tenu du fait que ces documents font partie du dossier administratif et que, de surcroit, ils ont été invoqués dans les motifs de la décision attaquée, ils peuvent également faire l’objet d’un examen par le Tribunal.

96      Enfin, il convient de constater que certains documents fournis par la requérante en annexe à la réplique ne correspondent pas aux documents produits par la Commission. Il s’agit, notamment, des copies des cahiers des charges de concessions figurant aux annexes C.5, C.11 à C.16, C.18 à C.21, C.23, C.25, C.26, C.31, C.33 à C.35 et C.37 de la réplique. En effet, ces documents se réfèrent soit à des lignes qui n’ont pas été énumérées par la Commission dans le tableau figurant au considérant 20 de la décision attaquée comme des lignes exploitées par la requérante, soit à des lignes figurant dans ce tableau, mais pour des périodes d’exploitation différentes. Il convient d’en déduire que les documents figurant dans les annexes susmentionnées n’ont été fournis à la Commission lors de la procédure formelle d’examen ni par la République italienne ni par la requérante, qui, pourtant, a présenté ses observations dans le cadre de cette procédure en tant que tiers intéressé.

97      Il s’ensuit, d’une part, que la requérante ne peut utilement reprocher à la Commission des insuffisances de l’enquête. En effet, si la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin de pouvoir disposer, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possibles, il ne saurait pour autant lui être reproché de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été, la Commission n’étant pas dans l’obligation d’examiner d’office et par supputation quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, points 90 et 95 et jurisprudence citée). À cet égard, il convient de relever que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen contient, dans son considérant 17, le même tableau que celui qui figure au considérant 20 de la décision attaquée. Il était donc loisible à la requérante de présenter à la Commission tous les documents qu’elle joint à présent à la réplique et de compléter ainsi les informations en possession de la Commission. D’autre part, dans la mesure où la Commission n’a pas pu examiner les documents figurant dans les annexes susmentionnées au cours de la procédure formelle d’examen, ils doivent être regardés comme étant sans incidence sur la légalité de l’appréciation portée par la Commission dans la décision attaquée au regard des éléments dont elle disposait.

98      En revanche, l’examen des copies des cahiers des charges fournies par la Commission en réponse à la mesure d’organisation de la procédure conduit à la conclusion que, contrairement à ce que soutient la Commission, ces concessions contiennent des obligations de service public. En effet, tout d’abord, chacune de ces concessions, quelle que soit la ligne qu’elle concerne, oblige la requérante à garantir un service de transport de personnes pendant une période et sur un parcours déterminés, en respectant les arrêts fixes et les horaires soumis à l’approbation des autorités régionales. Elles obligent la requérante à commencer l’exercice de ces activités au plus tard 20 jours après l’entrée en vigueur de la concession, sous peine de l’annulation de celle-ci. Toutes ces concessions renvoient à des tarifs qui sont fixés par une décision distincte des autorités régionales et obligent la requérante à garder la preuve du nombre des billets vendus et du prix appliqué. Les concessions obligent également la requérante à transporter gratuitement certaines catégories de passagers, tels que les fonctionnaires de la Région Piémont ou des fonctionnaires du ministère des Transports.

99      Ensuite, les concessions en cause prévoient plusieurs autres obligations. Certaines d’entre elles peuvent être considérées comme des exigences imposées par des considérations fonctionnelles, légales, de sécurité et de contrôle, comme l’obligation de transporter un nombre déterminé de personnes et de ne pas dépasser la charge maximale indiquée dans le permis de circulation, l’obligation de se soumettre à tous les actes de contrôle exécutés par les fonctionnaires de la Région Piémont en vue de vérifier le respect de la concession ou l’obligation de respecter les dispositions légales et les accords collectifs de travail en vigueur dans le secteur du transport public automobile. Il n’en reste pas moins que d’autres obligations n’ont pas cette nature, par exemple l’obligation d’obtenir l’autorisation des autorités régionales pour la vente des véhicules.

100    Enfin, la plupart des concessions en cause contiennent aussi une clause relative à l’accès aux subventions publiques visant à équilibrer les déficits d’exercice dont le montant dépend du service effectivement rendu et prévu dans le plan d’activité de l’entreprise concessionnaire. Cette clause fait référence aux critères de calcul des subventions prévus dans la décision du 16 février 1984.

101    Il résulte de ce qui précède que, en accordant à la requérante les concessions dont les copies ont été fournies au Tribunal par la Commission, la Région Piémont a chargé la requérante de l’exécution d’obligations de service public spécifiques pour le secteur du transport terrestre des personnes, notamment des obligations d’exploitation et de transport (obligation d’assurer un service sur une ligne donnée sous peine de déchéance de la concession) et tarifaires (application des tarifs fixés par les autorités régionales), pouvant donner droit aux subventions publiques.

102    Toutefois, cet élément ne saurait suffire pour considérer que la première condition Altmark est remplie en l’espèce. En effet, comme cela a été rappelé au point 87 ci-dessus, cette condition vise à assurer l’objectif de transparence quant à l’existence d’un ou de plusieurs actes de puissance publique définissant de manière suffisamment précise au moins la nature, la durée et la portée des obligations de service public. Or, les copies des cahiers des charges de concessions fournies par la Commission ne permettent pas d’établir quelle était l’étendue des obligations de service public dont la requérante était effectivement chargée pendant la période concernée.

103    Premièrement, comme la Commission l’a relevé à juste titre dans la décision attaquée, seulement une partie de ces documents (12 sur 24) contient des indications permettant de constater que les concessions étaient effectivement valides pendant la période concernée. La plupart d’entre eux, en revanche, portent des dates de validité ou des mentions de renouvellement précédant la période concernée. La Commission et la requérante s’entendent, certes, sur le fait que les concessions étaient renouvelées annuellement, ce qui rend probable le fait que les 28 lignes énumérées dans le tableau figurant au considérant 20 de la décision attaquée étaient toutes effectivement exploitées par la requérante pendant la période concernée. Toutefois, cette circonstance n’est pas établie à suffisance de droit.

104    Deuxièmement, les jugements du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) ne permettent pas de déterminer l’étendue des obligations de service public dont la requérante était effectivement chargée au cours de la période concernée. En effet, dans ses jugements nos 976/2010 et 977/2010, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) s’est limité à constater que la requérante avait le droit d’obtenir une compensation complémentaire dont le montant devait être calculé en conformité avec les dispositions des articles 10 et suivants du règlement no 1191/69 et avec les conditions Altmark. Il n’a cependant pas donné d’indications relatives à l’interprétation de ces conditions en l’espèce et a ordonné à la Région Piémont d’effectuer le calcul de cette compensation, ce que cette dernière a refusé de faire (voir points 33 à 35 ci-dessus). Par les jugements nos 1070/2013 et 1071/2013, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) n’a fait que condamner la Région Piémont à payer à la requérante la somme déterminée par l’expert.

105    Troisièmement, les rapports de l’expert désigné par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) ne contiennent pas davantage de mentions relatives à l’étendue des obligations de service public dont la requérante était effectivement chargée ou au nombre des lignes qu’elle exploitait effectivement au cours de la période concernée. Au contraire, dans la partie des rapports consacrée à la « vérification du respect des conditions et des critères établis aux points 87 à 95 de [l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark (C‑280/00, EU:C:2003:415)] » l’expert a indiqué que, selon lui, ce point ne se prêtait pas à une vérification du point de vue technique et comptable, dans la mesure où il était susceptible d’interprétation. Ainsi, l’expert a explicitement constaté que la vérification de la première condition Altmark ne relevait pas de sa mission.

106    Quatrièmement, enfin, il convient de relever une importante différence entre les montants de compensations qui ont été réclamés par la requérante et lui ont finalement été octroyés, d’une part, pour l’année 1997 et, d’autre part, pour l’année 1998. En ce qui concerne l’année 1997, sur 1 446 526 euros réclamés par la requérante, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), qui s’est fondé à cet égard sur le rapport de l’expert, a reconnu à la requérante le droit à une compensation dont le montant s’élevait à 1 196 780 euros. En ce qui concerne l’année 1998, les montants de la compensation réclamés et reconnus s’élèvent, respectivement, à 421 884 euros et à 102 814 euros. Interrogée lors de l’audience sur les raisons de cette différence, en particulier sur la question de savoir si cette différence pouvait s’expliquer par une réduction de l’étendue des activités de la requérante ou par une modification des obligations de services publics qui lui avaient été imposées au cours de la période concernée, la requérante s’est limitée à constater que les montants respectifs ressortaient des rapports de l’expert. Or, comme cela a été relevé au point 105 ci-dessus, l’expert s’était déclaré incompétent pour vérifier le respect de la première condition Altmark.

107    En l’absence d’information relative au nombre de lignes exploitées par la requérante, respectivement, au cours de l’année 1997 et de l’année 1998 et de clarification concernant une éventuelle réduction du nombre de ces lignes ainsi que, le cas échéant, de la portée des obligations de service public imposées à la requérante en 1998, l’importante différence entre les montants de compensations octroyés à la requérante, respectivement, pour ces deux années permet de douter que ces montants présentent un lien avec la véritable charge découlant, pour la requérante, des obligations de service public qu’elle était tenue d’exécuter.

108    Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de constater qu’il n’est pas établi que la compensation octroyée à la requérante par la Région Piémont à la suite des jugements du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) nos 976/2010 et 977/2010 remplit la première condition Altmark.

109    En outre, il convient de rappeler que, dans la mesure où les conditions Altmark se rapportent à l’un des quatre éléments constitutifs de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à savoir l’avantage accordé au bénéficiaire (voir points 73 à 75 ci-dessus), l’objectif commun de toutes ces conditions est de vérifier si une compensation accordée à une entreprise pour l’exécution d’une mission de service public comporte ou non un avantage économique susceptible de favoriser cette entreprise par rapport à des entreprises concurrentes. Les quatre conditions Altmark sont donc toutes reliées par cet objectif commun, bien que chacune d’elles joue un rôle indépendant et différent des autres (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, TV2/Danmark/Commission, T‑674/11, EU:T:2015:684, points 99 et 100).

110    Compte tenu de cet objectif commun, et au regard des observations présentées ci-dessus relatives à la première condition Altmark, il y a lieu de constater, sans qu’il soit besoin d’examiner de manière détaillée les arguments de la requérante relatifs à la troisième des conditions Altmark, que celle-ci ne saurait être considérée comme remplie en l’espèce. En effet, dès lors que l’étendue précise des obligations de service public dont la requérante était effectivement chargée pendant la période concernée n’est pas établie, il n’est pas possible de s’assurer que la compensation en cause n’a pas dépassé ce qui était nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés pour la requérante par l’exécution des obligations de service public.

111    Compte tenu du fait que les conditions Altmark sont cumulatives (voir arrêt du 18 février 2016, Allemagne/Commission, C‑446/14 P, non publié, EU:C:2016:97, point 25 et jurisprudence citée), il suffit qu’une seule d’entre elles ne soit pas remplie pour pouvoir considérer que la mesure en cause a procuré à son bénéficiaire un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

112    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de la requérante avancés dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième branches de ce moyen.

 Sur les règles applicables ratione temporis à l’appréciation de la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur (troisième et septième moyens)

113    Les troisième et septième moyens du recours concernent, en substance, la question de la loi applicable ratione temporis à l’appréciation de la compatibilité de la compensation en cause. Il y a donc lieu de les examiner conjointement.

114    Ces moyens sont tirés de la violation des principes généraux de non-rétroactivité des lois et de sécurité juridique ainsi que des principes applicables en matière de succession des règles dans le temps. La requérante soutient que ces principes ont été violés en l’espèce par l’application du règlement no 1370/2007, au lieu du règlement no 1191/69, à l’appréciation de la compensation en cause.

115    Selon la requérante, tout d’abord, il ressort de la jurisprudence de la Cour, en particulier de l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647), que des règles nouvelles, telles que le règlement no 1370/2007, applicable à partir du 3 décembre 2009, ne peuvent être appliquées de manière rétroactive que lorsqu’il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un effet rétroactif doit leur être attribué. Elle relève que, si le règlement no 1370/2007 contient des dispositions transitoires permettant d’en faire une application rétroactive, celles-ci ne seraient pas applicables au cas d’espèce, puisque les événements qui ont entraîné le versement de la compensation en cause ont eu lieu et se sont pleinement achevés au cours des années 1997 et 1998. Elle rappelle à cet égard que les concessions qui étaient à la base de ses activités pendant cette période, avaient un caractère annuel.

116    Ensuite, la requérante fait valoir que, de manière générale, et sans se limiter à des dispositions transitoires spécifiques du règlement no 1370/2007, la jurisprudence de la Cour, en particulier l’arrêt du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer (C‑162/00, EU:C:2002:57), semble accepter l’effet rétroactif des règles nouvelles uniquement en présence de rapports créés au préalable, mais encore en cours, tandis que cet effet doit être exclu dans les situations terminées ou achevées avant l’entrée en vigueur des règles nouvelles, comme en l’espèce.

117    La requérante indique enfin qu’appliquer une règle de l’Union, entrée en vigueur après les faits à l’origine du litige, reviendrait à méconnaître les droits fondamentaux consacrés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tels que les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et du procès équitable. Plus particulièrement, la législation applicable dépendrait alors de la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen et serait soumise à sa volonté, ce qui, au regard de l’arrêt du 13 novembre 2014, Nencini/Parlement (C‑447/13 P, EU:C:2014:2372), serait contraire au principe de sécurité juridique.

118    La requérante ne formule pas d’arguments visant à contester au fond l’analyse de la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur.

119    La Commission conteste les arguments de la requérante.

120    Dans la décision attaquée, la Commission a appliqué à la fois le règlement no 1191/69 et le règlement no 1370/2007. Elle a apprécié au regard du premier règlement la possibilité d’exempter la compensation en cause de l’obligation de notification (voir points 46 à 51 ci-dessus et les considérants 73 à 89 de la décision attaquée). En revanche, elle a appliqué le second règlement à l’examen de la compatibilité de cette compensation avec le marché intérieur (voir point 52 ci-dessus et les considérants 90 à 102 de la décision attaquée). Pour justifier l’application du règlement no 1370/2007 à l’examen de la compatibilité, la Commission a relevé que cette question devait être examinée au regard de la législation en vigueur à la date d’adoption de la décision attaquée. Elle a en outre noté que la compensation en cause avait été versée à la requérante le 7 février 2014.

121    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler les principes généraux élaborés par la Cour en ce qui concerne l’application dans le temps des règles du droit de l’Union.

122    De manière générale, la jurisprudence distingue deux types de situations, à savoir, d’une part, des situations nées sous l’empire des règles anciennes qui continuent à produire des effets après l’adoption des règles nouvelles et, d’autre part, des situations acquises définitivement avant l’entrée en vigueur des règles nouvelles. Ainsi, selon une jurisprudence constante, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne (arrêt du 4 juillet 1973, Westzucker, 1/73, EU:C:1973:78, point 5 ; voir, également, arrêts du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, EU:C:2008:709, point 43 et jurisprudence citée, et du 27 juin 2017, NC/Commission, T‑151/16, EU:T:2017:437, point 35 et jurisprudence citée). Une telle application immédiate d’une règle nouvelle aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la règle ancienne ne constitue pas une application rétroactive de la règle nouvelle.

123    En revanche, l’application d’une règle nouvelle, plus précisément une règle nouvelle de droit matériel, à des situations acquises constitue une application rétroactive, admise seulement lorsque certaines conditions sont remplies. En effet, en ce qui concerne les règles de droit matériel de l’Union, il a été admis dans la jurisprudence que celles-ci devaient être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêts du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer, C‑162/00, EU:C:2002:57, point 49, et du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, EU:C:2008:709, point 44).

124    La Cour a cependant précisé que le principe de protection de la confiance légitime ne saurait être étendu au point d’empêcher, de façon générale, une règle nouvelle de s’appliquer aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la règle ancienne (voir arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, EU:C:2008:709, point 43 et jurisprudence citée).

125    En deuxième lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les règles, principes et critères d’appréciation de la compatibilité des aides d’État en vigueur à la date à laquelle la Commission prend sa décision peuvent, en principe, être considérés comme mieux adaptés au contexte concurrentiel (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, EU:C:2008:709, point 51).

126    En troisième lieu, enfin, il convient de se référer à l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647, points 49 à 59 et jurisprudence citée), dans lequel la Cour a interprété les principes rappelés aux points 122 à 125 ci-dessus dans le contexte de l’application successive des règlements nos 1191/69 et 1370/2007 aux aides accordées à une société danoise de transport de passagers par autobus, Danske Statsbaner SV, sur le fondement de deux contrats de service public relevant du champ d’application du règlement no 1191/69. Les contrats en cause avaient été conclus pour les périodes allant de 2000 à 2004 et de 2005 à 2014, avant l’entrée en vigueur, le 3 décembre 2009, du règlement no 1370/2007. Les aides avaient été versées à la société bénéficiaire partiellement avant et partiellement après cette date.

127    La Cour a considéré alors, tout d’abord, que, s’agissant de la question de savoir si une aide d’État relevait d’une situation acquise antérieurement à la date d’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007 ou d’une situation née sous l’empire du règlement no 1191/69, mais dont les effets se déployaient encore à cette date, il y avait lieu de tenir compte des dispositions transitoires énoncées à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007 prévoyant que les contrats de service public en cours à la date du 3 décembre 2009 pouvaient se poursuivre jusqu’à leur expiration, dans la limite des durées maximales fixées par cette disposition et sous réserve que ces contrats aient été attribués conformément au droit de l’Union et au droit national (arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 51).

128    Ensuite, elle a rappelé que, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, les compensations versées à une entreprise de transport en contrepartie des charges résultant de l’obligation de service public qui lui avait été imposée étaient dispensées de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE lorsqu’elles satisfaisaient aux conditions énoncées aux sections II, III et IV de ce règlement. De telles aides étaient, en effet, considérées par ce règlement comme compatibles avec le marché intérieur (arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 52).

129    La Cour en a conclu que des aides versées à une entreprise de transport public à une date où le règlement no 1191/69 était encore en vigueur et qui respectaient les conditions énoncées aux sections II, III et IV de ce règlement relevaient d’une situation définitivement acquise antérieurement à l’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007 (arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, point 53).

130    Partant, la Cour a considéré que, lors de l’adoption de la décision concernant les aides litigieuses accordées à Danske Statsbaner, la Commission aurait dû examiner au préalable, à l’aune du règlement no 1191/69, les aides versées au titre du premier contrat de service public de transport conclu pour les années 2000 à 2004 et les aides versées avant le 3 décembre 2009 au titre du second contrat de service public de transport conclu pour les années 2005 à 2014, afin de vérifier si ces aides respectaient les conditions énoncées aux sections II, III et IV de ce règlement et étaient ainsi dispensées de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. En revanche, selon la Cour, la Commission aurait dû examiner, à l’aune du règlement no 1370/2007 et sous réserve des règles transitoires figurant à l’article 8 du règlement no 1370/2007, tant la légalité que la compatibilité avec le marché intérieur des aides versées à compter du 3 décembre 2009 au titre du second contrat de service public de transport conclu pour les années 2005 à 2014 (arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen, C‑303/13 P, EU:C:2015:647, points 54 et 55).

131    Au vu de la jurisprudence présentée aux points 122 à 130 ci-dessus, l’argumentation de la requérante qui se fonde, en substance, sur le constat que la compensation en cause relève d’une situation définitivement acquise sous l’empire du règlement no 1191/69, soumise intégralement aux dispositions de ce règlement, doit être écartée.

132    En effet, il résulte de l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647), plus particulièrement de ses points 53 et 54 rappelés aux points 129 et 130 ci-dessus, que, indépendamment de la question de savoir si une aide a été accordée en vertu d’un contrat qui était déjà expiré à la date l’entrée en vigueur de la nouvelle règle ou bien en vertu d’un contrat qui, à la même date, était toujours en cours d’exécution, relève d’une situation définitivement acquise sous l’empire de la règle ancienne une aide qui a été versée avant l’entrée en vigueur de la règle nouvelle et qui, de surcroît, a été versée conformément à la règle ancienne, applicable au moment du versement. Il s’ensuit, à contrario, que ne relèvent pas d’une situation définitivement acquise sous l’empire de la règle ancienne, notamment les aides versées après l’entrée en vigueur de la règle nouvelle.

133    Or, en l’espèce, tout d’abord, il est constant que la compensation en cause a été versée à la requérante seulement le 7 février 2014, soit plus de quatre ans après l’entrée en vigueur, le 3 décembre 2009, du règlement no 1370/2007, bien que les concessions qui constituent le fondement du versement de cette compensation soient annuelles et qu’elles ne soient appliquées qu’au cours de la période concernée.

134    Ensuite, il convient de rappeler que la requérante n’aurait pas pu obtenir le versement de la compensation en cause sans avoir introduit, en 2006 et en 2007, des demandes en ce sens, rejetées par la Région Piémont comme n’ayant aucun fondement dans le droit national applicable en 1997 et en 1998 (voir point 27 ci-dessus) et sans que le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) lui ait reconnu, par ses jugements nos 976/2010 et 977/2010, le droit d’obtenir une compensation complémentaire par rapport aux subventions dont la requérante avait déjà bénéficié en vertu du droit national (voir points 29 à 33 ci-dessus). Il importe de souligner que, afin de reconnaître à la requérante le droit d’obtenir une telle compensation complémentaire, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a invoqué une norme de droit de l’Union directement applicable, en s’appuyant à cet égard sur l’arrêt no 5043/06 du Consiglio di Stato (Conseil d’État). Ainsi, par ses jugements, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) n’a pas condamné la Région Piémont à exécuter une obligation résultant de la législation nationale applicable pendant la période concernée, mais il lui a imposé une nouvelle obligation fondée directement sur le droit de l’Union.

135    Enfin, il y a lieu de tenir compte du fait que, par ses jugements nos 1070/2013 et 1071/2013, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a déterminé le montant total définitif de la compensation en cause. Il convient de relever à cet égard que ce montant total était différent de la somme des montants réclamés par la requérante à la Région Piémont, étant donné que ces derniers avaient été substantiellement réduits par l’expert désigné par le juge (voir points 34 à 36 ci-dessus).

136    Il résulte de ce qui précède que la compensation en cause doit être considérée comme relevant d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne, en l’occurrence le règlement no 1191/69, et produisant des effets futurs étalés dans le temps. Conformément au principe rappelé au point 122 ci-dessus, ces effets futurs doivent être appréciés au regard de la règle nouvelle applicable immédiatement, en l’occurrence le règlement no 1370/2007, applicable dès le 3 décembre 2009.

137    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a décidé d’apprécier la compatibilité de la compensation en cause au regard des dispositions du règlement no 1370/2007.

138    Par ailleurs, dès lors que le règlement no 1370/2007 n’a pas été, en l’espèce, appliqué d’une manière rétroactive, il n’y a pas lieu de vérifier si une telle application rétroactive était possible au regard de ses termes, de sa finalité ou de son économie. Au demeurant, les dispositions transitoires prévues à l’article 8 du règlement no 1370/2007 ne sont pas applicables en l’espèce. Ces dispositions ne font, en effet, qu’introduire une exception à l’application immédiate de l’article 5 du règlement no 1370/2007, établissant les règles d’attribution des contrats de service public, et permettent la poursuite, jusqu’à leur expiration, de certains contrats de service public qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de ce règlement. Or, au moment de l’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007, les concessions en cause en l’espèce étaient déjà expirées.

139    Enfin, d’une part, l’argument que la requérante tire de l’arrêt du 13 novembre 2014, Nencini/Parlement (C‑447/13 P, EU:C:2014:2372), doit être rejeté comme étant dépourvu de pertinence dans le cadre des troisième et septième moyens. En effet, comme le relève la Commission, le passage de cet arrêt cité par la requérante concerne la question de la fixation d’un délai, conforme au principe de sécurité juridique, pour la communication d’une note de débit, question qui ne présente aucun lien avec le présent recours. D’autre part, conformément à la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus, il y a lieu d’écarter les griefs tirés de la violation des principes de sécurité juridique, de la protection de la confiance légitime et du procès équitable, dans la mesure où la requérante se limite à invoquer ces principes et n’avance aucun argument à l’appui de ces griefs.

140    Au regard des considérations qui précèdent, les troisième et septième moyens du recours doivent être écartés.

 Sur l’obligation de notification de l’aide (premier et sixième moyens)

141    Les premier et sixième moyens du recours concernent, en substance, l’existence d’une violation de l’obligation de notifier la compensation en cause en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Il est donc proposé de les examiner conjointement.

142    Le premier moyen du recours est tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Par ce moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément qualifié la compensation en cause d’aide d’État illégale. Elle estime que ce constat de la Commission est fondé sur une conclusion, également erronée, selon laquelle cette compensation constitue une aide nouvelle au sens de l’article 1er, sous c), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9).

143    La requérante soutient, à cet égard, que la compensation en cause ne peut être qualifiée d’aide nouvelle, dans la mesure où elle se réfère aux années 1997 et 1998 et constitue le paiement du solde, intervenu en 2013, des sommes qui lui ont été partiellement versées sur la base de l’article 12 de la loi no 472 de 1999. Cette disposition prévoit, selon la requérante, que l’État devait participer à la couverture des déficits d’exploitation non comblés des services de transport public local relevant de la compétence des régions à hauteur de 30 % au maximum. La requérante affirme que, en vertu de cette disposition, en ce qui concerne les déficits de l’exercice 1997 communiqués par les entreprises de transport de passagers à l’administration régionale, la Région Piémont a déterminé, par une décision de la Giunta regionale (conseil exécutif), du 12 mars 2001, le montant de la créance totale et des déficits d’exploitation des entreprises et entités gérant des services de transport public local, y compris ceux de la requérante. À la suite de cette décision, la Région Piémont aurait procédé au versement de la part de 30 % des compensations dues, mais elle n’aurait jamais versé les 70 % restants du montant dû pour l’année 1997. En ce qui concerne l’année 1998, la situation aurait été la même qu’en 1997, à la différence du fait que la Région Piémont n’aurait procédé à aucun versement des compensations dues pour cette année.

144    Lors de l’audience, la requérante a affirmé que la décision de la Giunta regionale del Piemonte (conseil exécutif de la Région Piémont) du 12 mars 2001 constituait une reconnaissance en sa faveur, par la Région Piémont, de la dette constituée par l’intégralité de ses déficits d’exploitation pour l’année 1997. Les recours introduits par la requérante devant le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) auraient eu pour objet la condamnation de la Région Piémont au paiement de la part de cette dette qui n’aurait jamais été réglée, à savoir 70 %.

145    Le sixième moyen du recours est tiré de la violation de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, selon lequel les compensations qui résultent de l’application de ce règlement sont dispensées de la procédure de notification au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

146    Par ce moyen, en premier lieu, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les concessions que la requérante exploitait ne lui avaient pas été accordées en conformité avec le règlement no 1191/69. Elle soutient, d’une part, que la Commission a, à tort, conclu que les obligations de service public découlant de concessions n’avaient pas été imposées unilatéralement, au motif que la requérante les aurait acceptées et assumées de manière volontaire. Ce raisonnement serait erroné étant donné qu’un facteur d’adhésion serait inévitable dans tout rapport, même un rapport entre concédant et concessionnaire. Au regard de la définition du service public figurant à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1191/69, ce qui importerait pour apprécier l’existence d’une obligation de service public imposée unilatéralement, ne serait pas le fait que l’entreprise a assumé cette obligation « volontairement », mais le fait qu’elle ne l’aurait pas fait, ou ne l’aurait pas fait dans la même mesure, si elle avait considéré son propre intérêt commercial.

147    D’autre part, la requérante fait valoir que les concessions dont elle était bénéficiaire constituaient des actes publics unilatéraux, adoptés par l’administration publique en vue de la poursuite d’intérêts publics en vertu d’un cadre réglementaire ne nécessitant pas la mise en concurrence des entreprises candidates. La requérante relève en outre sa dépendance envers l’administration publique, due au fait que celle-ci était libre d’octroyer ou non la prorogation des concessions et de modifier les conditions d’exploitation d’une ligne ainsi qu’au fait qu’elle avait une position quasi monopolistique dans le secteur du marché de passagers. Un refus de la part de la requérante d’accepter les modifications imposées dans le cadre de prorogation des concessions aurait donc créé un risque que l’administration ne lui accordât plus de concession, et ce ni sur la ligne concernée ni sur d’autres lignes.

148    En second lieu, la requérante conteste la conclusion de la Commission relative à la non-conformité de la compensation en cause avec les méthodes communes de calcul. Elle opère à cet égard un renvoi général à ses arguments concernant les rapports de l’expert désigné par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) avancés dans le cadre du cinquième moyen.

149    Par ces arguments, elle soutient, tout d’abord, que l’activité de vérification dans le cadre d’une procédure judiciaire, en ce qu’elle consiste en un calcul technique et comptable sur la base des paramètres fixés par le juge, relève de la compétence exclusive du juge national. Les conclusions des rapports de l’expert ne pourraient donc plus être remises en cause. Elles seraient reprises par les décisions de la juridiction administrative, qui auraient acquis l’autorité de la chose jugée.

150    Ensuite, la requérante affirme que l’expert désigné par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a tenu compte, d’une part, d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution des obligations de service public, soit des taux moyens du secteur, et, d’autre part, du risque auquel était confrontée la requérante en raison de l’application du système de concessions annuelles.

151    Enfin, en ce qui concerne la séparation ou la différenciation des activités, l’expert désigné par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) aurait considéré que la comptabilité était tenue régulièrement et de manière suffisamment détaillée pour mettre en évidence la séparation entre les diverses activités.

152    La Commission conteste les arguments de la requérante.

153    À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a considéré que la République italienne avait accordé à la requérante une aide d’État illégale, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Cette conclusion était fondée, d’une part, sur le constat, fait aux considérants 12 et 13 de la décision attaquée, selon lequel la compensation en cause constituait une mesure non notifiée (voir point 44 ci-dessus) et, d’autre part, sur l’appréciation effectuée à la section 6.2 de la décision attaquée, consacrée à l’examen de la question de savoir si la compensation en cause pouvait être dispensée de l’obligation de notification en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69 (voir points 46 à 51 ci-dessus).

154    En premier lieu, s’agissant des arguments de la requérante avancés dans le cadre du premier moyen, il convient de constater, premièrement, que l’affirmation selon laquelle la compensation en cause constitue le paiement du solde des sommes qui lui ont été partiellement versées sur la base de l’article 12 de la loi no 472 de 1999 n’est pas fondée en fait. En effet, dans ses jugements nos 976/2010 et 977/2010, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a déclaré que la compensation en cause trouvait son fondement dans le règlement no 1191/69 et non dans la législation nationale qui aurait imposé à la Région Piémont de couvrir intégralement les déficits d’exploitation de la requérante. Le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a également constaté explicitement que le montant de cette compensation n’était pas encore déterminé au moment du prononcé de ces jugements et il n’a aucunement relié ce montant avec les sommes déjà reçues par la requérante en vertu de l’article 12 de la loi no 472 de 1999 ou avec la décision de la Giunta Regionale del Piemonte (conseil exécutif de la Région Piémont) du 12 mars 2001.

155    Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas qualifié explicitement la compensation en cause d’aide nouvelle. Si la Commission a considéré que l’article 108, paragraphe 3, TFUE avait été violé en l’espèce, cette conclusion semble être fondée sur le constat selon lequel la compensation en cause, d’une part, était une aide non notifiée et, d’autre part, n’a pas pu bénéficier d’une dérogation à l’obligation de notification découlant de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69.

156    En tout état de cause, la compensation en cause ne relève d’aucune des hypothèses prévues à l’article 1er, sous b), du règlement 2015/1589, qui énumère les cas dans lesquels une mesure nationale peut être considérée comme une aide existante. Partant, conformément à l’article 1er, sous c), de ce règlement, cette compensation doit être considérée comme étant une aide nouvelle.

157    En second lieu, s’agissant des arguments de la requérante avancés dans le cadre du sixième moyen, il convient de rappeler que, si, dans la décision attaquée, la Commission a apprécié la compatibilité de la compensation en cause au regard du règlement no 1370/2007, elle a choisi d’examiner la question de savoir si cette compensation pouvait bénéficier de l’exemption de l’obligation de notification au regard du règlement no 1191/69.

158    À cet égard, il résulte des points 51 à 55 de l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647), rappelés aux points 127 à 130 ci-dessus, que, lorsqu’une mesure nationale ne peut pas être considérée comme une mesure relevant d’une situation définitivement acquise avant l’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007, puisque, bien qu’elle ait ses origines dans une situation née sous l’empire du règlement no 1191/69, elle a été versée après l’entrée en vigueur du règlement no 1370/2007, c’est non seulement sa compatibilité avec le marché intérieur, mais également sa légalité, qui doit être examinée à l’aune de ce dernier règlement.

159    En dépit de l’enseignement de l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647), les arguments avancés par la requérante dans le cadre du sixième moyen reposent sur la prémisse que la légalité de la compensation en cause, et notamment la question de savoir si cette compensation a pu bénéficier d’une dérogation à l’obligation de notification, doit être examinée au regard du règlement no 1191/69.

160    À supposer même qu’il soit convenu d’apprécier l’existence de l’exemption de l’obligation de notification en vertu du règlement no 1191/69, ces arguments doivent être écartés comme non fondés.

161    Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, sont dispensées de la procédure d’information préalable prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE des compensations qui résultent de l’application de ce règlement. Il ressort de la jurisprudence que l’examen de la conformité au règlement no 1191/69 implique, d’une part, l’examen de la question de savoir si l’acte imposant des obligations de service public, telles qu’une licence ou un contrat de service public, a été accordé en conformité avec ce règlement et, d’autre part, l’examen de la question de savoir si la compensation est conforme aux méthodes communes de compensation établies par ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2003, Altmark, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 65).

162    S’agissant des méthodes communes de compensation, il y a lieu de relever que l’article 1er, paragraphe 5, du règlement no 1191/69 prévoit que, lorsqu’une entreprise de transport exploite à la fois des services soumis à des obligations de service public et d’autres activités, ces services publics doivent faire l’objet de divisions particulières satisfaisant au moins à la condition de la séparation des comptes et des actifs correspondant à chacune de ces activités d’exploitation.

163    Au considérant 87 de la décision attaquée, la Commission a observé à cet égard qu’il n’était pas démontré que la requérante avait adopté un système adéquat de séparation des comptes entre les activités prétendument soumises à des obligations de service public et ses autres activités. Selon la Commission, au contraire, les extraits de comptes de la requérante relatifs à la période concernée, utilisés par l’expert désigné par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) pour déterminer le montant de la compensation, révélaient que les coûts n’avaient pas été séparés sur la base de l’activité.

164    À cet égard, il convient de relever que la Commission a produit, en annexe au mémoire en défense, le rapport déterminant le montant de la compensation complémentaire pour l’année 1997 établi par l’expert désigné par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), avec ses annexes. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, l’examen de ce rapport, du bilan d’exploitation et du compte de résultat de la requérante ne permet pas d’identifier une quelconque séparation comptable entre les opérations découlant des obligations de service public et les autres opérations. En outre, la requérante n’avance aucun argument pour contredire le constat de la Commission selon lequel, durant la phase d’enquête formelle, elle n’a produit aucun élément de preuve permettant de démontrer la séparation de ses comptes et actifs tant en ce qui concerne l’année 1997 qu’en ce qui concerne l’année 1998.

165    En outre, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante tiré de l’autorité de la chose jugée dont bénéficieraient les rapports de l’expert désigné par le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), ainsi que les jugements fondés sur ces rapports. Il résulte, en effet, de l’arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 62), que le principe de l’autorité de la chose jugée ne saurait constituer un obstacle pour l’exécution, par la Commission, de sa compétence exclusive dans le domaine du contrôle de la compatibilité des aides d’État.

166    Il résulte de ce qui précède que le montant de la compensation en cause n’a pas été déterminé conformément aux méthodes communes de calcul établies par le règlement no 1191/69.

167    Il s’ensuit, et ce sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si les conditions d’octroi à la requérante des concessions sur la base desquelles elle exerçait ses activités étaient conformes aux dispositions du règlement no 1191/69, que la compensation en cause n’est pas conforme à ce règlement et ne pouvait pas bénéficier de l’exemption de l’obligation de notification prévue à l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement.

168    Au regard des considérations qui précèdent, les premier et sixième moyens du recours doivent être écartés.

 Sur la prescription des pouvoirs de la Commission en matière de récupération (quatrième moyen)

169    Par le quatrième moyen du recours, la requérante fait valoir que la compensation en cause ne pouvait être récupérée, en raison de l’application des règles de prescription prévues par l’article 15 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), et l’article 17 du règlement 2015/1589, la décision attaquée intervenant plus de 18 ans après que les services à l’origine de la compensation en cause ont été fournis. Selon la requérante, la compensation en cause ne constitue en effet qu’un paiement du solde, intervenu en 2013, des sommes qui lui ont été partiellement versées en 1997.

170    La Commission conteste les arguments de la requérante.

171    À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que le pouvoir de la Commission d’ordonner la récupération de la compensation en cause est régi par l’article 17 du règlement 2015/1589 et que l’article 15 du règlement no 659/1999 invoqué par la requérante n’est pas applicable en l’espèce.

172    En effet, selon la jurisprudence, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur (voir arrêts du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T‑369/00, EU:T:2003:114, point 49 et jurisprudence citée, et du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission, T‑25/04, EU:T:2007:257, point 58 et jurisprudence citée).

173    Or, il ressort de la jurisprudence que l’article 17 du règlement 2015/1589, dont le contenu est d’ailleurs identique à celui de l’article 15 du règlement no 659/1999, est une disposition de nature procédurale. Cette disposition s’applique donc à toutes les procédures administratives en matière d’aides d’État pendantes devant la Commission au moment où le règlement 2015/1589 est entré en vigueur, à savoir le 14 octobre 2015. De plus, l’article 17 du règlement 2015/1589 ne contenant aucune disposition transitoire quant à son application dans le temps, il s’applique à toute action en récupération définitive d’une aide qui intervient après la date d’entrée en vigueur du règlement, y compris d’une aide octroyée avant cette date (voir, par analogie, arrêt du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T‑369/00, EU:T:2003:114, points 50 et 51).

174    En second lieu, il convient de relever que, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. L’article 17, paragraphe 2, du même règlement dispose que le délai de prescription commence à courir le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide, et que toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription.

175    Il s’ensuit que l’examen du bien-fondé du présent moyen nécessite, au préalable, la détermination du moment où la compensation en cause, qui est considérée comme une aide illégale, a été accordée à la requérante.

176    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, contrairement à ce que soutient la Commission, le moment auquel l’aide est accordée ne doit pas nécessairement coïncider avec le versement effectif du montant de l’aide. Par ailleurs, le fait qu’un versement effectif d’une aide n’a pas eu lieu ne signifie pas que cette aide n’a pas été accordée à son bénéficiaire. La compensation complémentaire des obligations de service public accordée à Simet, qui a fait l’objet de la décision de la Commission mentionnée au point 20 ci-dessus constitue un exemple d’une telle aide.

177    En effet, selon l’arrêt du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke (C‑129/12, EU:C:2013:200, point 40), les aides doivent être considérées comme étant accordées au moment où le droit de les recevoir est conféré au bénéficiaire en vertu de la réglementation nationale applicable. La Cour a précisé que, en déterminant ce moment, il convenait de tenir compte de l’ensemble des conditions posées par le droit national pour l’obtention de l’aide en cause.

178    Le Tribunal a adopté une approche similaire dans son arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission (T‑109/01, EU:T:2004:4, point 74), dans lequel il a reconnu comme correcte la thèse adoptée par la Commission dans la décision faisant l’objet du recours, selon laquelle le critère pertinent pour déterminer le moment où l’aide a été accordée devrait être celui de l’adoption de l’acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité nationale compétente s’engage à accorder l’aide. Le critère établi dans cet arrêt a été appliqué ultérieurement notamment dans les arrêts du 6 avril 2017, Saremar/Commission (T‑220/14, EU:T:2017:267, points 139 et 140), et du 19 mai 2015, Diputación Foral de Bizkaia/Commission, (T‑397/12, non publié, EU:T:2015:291, point 33), confirmé sur pourvoi par l’ordonnance du 5 octobre 2016, Diputación Foral de Bizkaia/Commission (C‑426/15 P, non publiée, EU:C:2016:757), dans lequel le Tribunal a indiqué que le moment auquel une aide était réputée accordée n’était pas déterminé par le versement effectif de l’aide consentie par l’autorité nationale compétente.

179    Il existe, certes, une jurisprudence selon laquelle c’est précisément le moment de l’octroi effectif de l’aide, autrement dit de son versement, qui doit être considéré comme le moment auquel l’aide est accordée au sens de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, remplacé par l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.

180    Dans l’arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission (C‑81/10 P, EU:C:2011:811, points 81 et 82), la Cour a considéré que, pour fixer la date à laquelle le délai de prescription prévu dans la disposition en cause commençait à courir, il convenait de se référer à la date d’octroi effectif de l’aide au bénéficiaire et non à la date d’adoption du régime d’aide. Autrement dit, le moment de l’adoption de la réglementation nationale qui prévoit un droit à recevoir une aide n’a pas été considéré dans cet arrêt comme décisif pour la détermination du moment auquel l’aide était accordée.

181    Toutefois, tout en adoptant, dans l’arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission (C‑81/10 P, EU:C:2011:811, points 81 et 82), une solution qui s’écarte de celle retenue dans l’arrêt du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke (C‑129/12, EU:C:2013:200), la Cour a souligné que la détermination de la date d’octroi d’une aide était susceptible de varier en fonction de la nature de l’aide en cause. La solution adoptée dans l’arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission (C‑81/10 P, EU:C:2011:811, points 81 et 82), peut ainsi s’appliquer dans le cas des régimes d’aides pluriannuels, notamment, des régimes d’aides fiscales, puisque dans le cas de ces régimes, qui se traduisent par des versements ou par l’octroi périodique d’avantages, la date d’adoption de l’acte constituant le fondement juridique de l’aide et la date à laquelle les entreprises se voient effectivement attribuer le bénéfice de celle-ci peuvent être séparées par un laps de temps important. Dans un tel cas, aux fins du calcul du délai de prescription, l’aide doit être considérée comme ayant été accordée au bénéficiaire uniquement à la date à laquelle elle est effectivement octroyée à ce dernier.

182    Or, l’aide en cause en l’espèce n’a pas été accordée à la requérante en vertu d’un régime d’aides fiscales ou d’un autre régime qui pourrait être qualifié de régime d’aide pluriannuel.

183    Au contraire, il ressort du dossier, tout d’abord, que, en s’adressant aux juridictions nationales italiennes, la requérante cherchait la reconnaissance de son droit à obtenir le paiement des compensations complémentaires couvrant les surcoûts qu’elle aurait supportés en raison de l’exécution de ses obligations de service public pendant deux années en particulier, à savoir l’année 1997 et l’année 1998 (voir points 25 à 28 ci-dessus). Ensuite, dans les jugements nos 976/2010 et 977/2010, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a de manière univoque invoqué le règlement no 1191/69, et non la législation nationale, comme le fondement du droit à une telle compensation complémentaire et il a ainsi imposé à la Région Piémont une nouvelle obligation fondée directement sur le droit de l’Union (voir points 29 à 33 et 134 ci-dessus). Enfin, en l’espèce, le montant total définitif de l’aide a été déterminé en vertu de décisions juridictionnelles, à savoir les jugements nos 1070/2013 et 1071/2013 du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) (voir points 34 à 36 et 135 ci-dessus). Il ressort de ces éléments que la compensation en cause constitue un exemple, peu habituel dans le domaine des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une aide qui résulte d’une décision d’une juridiction nationale appelée à statuer sur un recours déterminé et qui a un caractère individuel.

184    Selon le Tribunal, dans de telles circonstances, il convient de déterminer le moment où la compensation en cause a été accordée à la requérante, au sens de l’article 17 du règlement 2015/1589, au regard des principes posés dans l’arrêt du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke (C‑129/12, EU:C:2013:200), et dans la jurisprudence qui l’a suivi, citée au point 178 ci-dessus. Ces principes, élaborés dans le contexte des aides accordées sur la base du droit national par les autorités administratives des États membres, doivent être adaptés aux circonstances particulières de la présente espèce, y compris au fait que, bien que, selon le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont), la requérante ait formellement rempli toutes les conditions pour obtenir une compensation complémentaire en vertu du règlement no 1191/69, certaines conditions de l’octroi d’une telle compensation n’ont, en réalité, pas été satisfaites, ainsi qu’il ressort des observations qui précèdent (voir points 163 à 166 ci-dessus).

185    En l’espèce, il y a lieu de considérer que le moment où le droit de recevoir la compensation en cause a été conféré à la requérante doit être fixé au moment du prononcé des jugements nos 1070/2013 et 1071/2013 du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont). En effet, comme cela a été rappelé au point 183 ci-dessus, par ses jugements nos 976/2010 et 977/2010, le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a reconnu le droit de la requérante à obtenir les compensations complémentaires qu’elle avait réclamées auprès de la Région Piémont par lettres des 29 décembre 2006 et 15 novembre 2007, en se fondant non pas sur le droit national, mais sur un fondement nouveau, à savoir le règlement no 1191/69. Il a ainsi imposé à la Région Piémont une nouvelle obligation découlant directement du droit de l’Union. Cependant c’est seulement par ses jugements nos 1070/2013 et 1071/2013, rendus le 10 octobre 2013, que le Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont) a arrêté, sur la base des rapports de l’expert qu’il avait désigné, le montant définitif des compensations complémentaires qui, prises ensemble, constituent la compensation en cause, versée à la requérante par la Région Piémont le 7 février 2014.

186    Il s’ensuit que la compensation en cause a été accordée à la requérante le 10 octobre 2013. Or, la première mesure prise par la Commission à l’égard de cette compensation, mesure qui a interrompu le délai de dix ans prévu à l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, a été prise le 23 février 2015, soit au moment de l’adoption de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le pouvoir de la Commission pour ordonner la récupération de la compensation en cause n’était pas prescrit au moment de l’adoption de la décision attaquée.

187    Il convient donc d’écarter le quatrième moyen de recours.

188    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, tous les moyens soulevés par la requérante ayant été écartés, que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

189    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Aziende riunite filovie ed autolinee Srl (ARFEA) est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2018.

Signatures


Table des matières


Cadre juridique

Droit de l’Union

Droit national

Jurisprudence du Consiglio di Stato (Conseil d’État) relative à l’application du règlement n o 1191/69

Antécédents du litige

Jugements du Tribunale amministrativo regionale del Piemonte (tribunal administratif régional du Piémont)

Procédure administrative devant la Commission

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur le fond

Observations liminaires

Sur la qualification de la compensation en cause d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (cinquième moyen)

Sur les règles applicables ratione temporis à l’appréciation de la compatibilité de la compensation en cause avec le marché intérieur (troisième et septième moyens)

Sur l’obligation de notification de l’aide (premier et sixième moyens)

Sur la prescription des pouvoirs de la Commission en matière de récupération (quatrième moyen)

Sur les dépens



*      Langue de procédure : l’italien.

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