Lavorgna (Freedom of establishment - Judgment) French Text [2019] EUECJ C-309/18 (02 May 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C30918.html
Cite as: ECLI:EU:C:2019:350, [2019] EUECJ C-309/18, EU:C:2019:350

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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

2 mai 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Passation des marchés publics – Directive 2014/24/UE – Coûts de main-d’œuvre – Exclusion automatique du soumissionnaire n’ayant pas indiqué de façon distincte dans l’offre lesdits coûts – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire C‑309/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décision du 20 mars 2018, parvenue à la Cour le 7 mai 2018, dans la procédure

Lavorgna Srl

contre

Comune di Montelanico,

Comune di Supino,

Comune di Sgurgola,

Comune di Trivigliano,

en présence de :

Gea Srl,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. S. Rodin (rapporteur) et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Gea Srl, par Me E. Potena, avvocato,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Santoro, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara et P. Ondrůšek ainsi que par Mme L. Haasbeek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi que des principes du droit de l’Union en matière de marchés publics.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Lavorgna Srl au Comune di Montelanico (commune de Montelanico, Italie), au Comune di Supino (commune de Supino, Italie), au Comune di Sgurgola (commune de Sgurgola, Italie) et au Comune di Trivigliano (commune de Trivigliano, Italie) au sujet de l’attribution d’un marché public à une société ayant omis d’indiquer de façon distincte les coûts de main-d’œuvre dans son offre économique.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 40 et 98 de la directive 2014/24 sont libellés comme suit :

« (40)      Le contrôle du respect [des] dispositions du droit [...] du travail devrait être effectué aux stades pertinents de la procédure de passation de marché, lors de l’application des principes généraux régissant le choix des participants et l’attribution des marchés, lors de l’application des critères d’exclusion et lors de l’application des dispositions concernant les offres anormalement basses. [...]

[...]

(98)      [L]es exigences concernant les conditions de travail de base réglementées par la directive 96/71/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (JO 1997, L 18, p. 1)], telles que les taux minimaux de rémunération, devraient demeurer au niveau établi par le droit national ou par des conventions collectives appliqués conformément au droit de l’Union dans le cadre de ladite directive. »

4        L’article 18 de la directive 2014/24 dispose :

« 1.      Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.

Un marché ne peut être conçu dans l’intention de le soustraire au champ d’application de la présente directive ou de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques.

2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour veiller à ce que, dans l’exécution des marchés publics, les opérateurs économiques se conforment aux obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail établies par le droit de l’Union, le droit national, les conventions collectives ou par les dispositions internationales en matière de droit environnemental, social et du travail énumérées à l’annexe X. »

5        Aux termes de l’article 56, paragraphe 3, de cette directive :

« Lorsque les informations ou les documents qui doivent être soumis par les opérateurs économiques sont ou semblent incomplets ou erronés ou lorsque certains documents sont manquants, les pouvoirs adjudicateurs peuvent, sauf disposition contraire du droit national mettant en œuvre la présente directive, demander aux opérateurs économiques concernés de présenter, compléter, clarifier ou préciser les informations ou les documents concernés dans un délai approprié, à condition que ces demandes respectent pleinement les principes d’égalité de traitement et transparence. »

 Le droit italien

6        L’article 83, paragraphe 9, du decreto legislativo n. 50 – Codice dei contratti pubblici (décret législatif n° 50 portant code des marchés publics), du 18 avril 2016 [supplément ordinaire à la GURI n° 91, du 19 avril 2016, tel que modifié par le decreto legislativo n. 56 (décret législatif n 56), du 19 avril 2017, (supplément ordinaire à la GURI n. 103, du 5 mai 2017) ci-après le « code des marchés publics »], est libellé comme suit :

« Un manquement affectant un élément de forme, quel qu’il soit, de la demande peut faire l’objet d’une régularisation au moyen de la procédure d’assistance à l’établissement du dossier visée au présent paragraphe. En particulier, en cas d’absence ou de caractère incomplet des éléments et du document unique de marché européen visés à l’article 85, ou de toute autre irrégularité substantielle affectant ces éléments ou déclarations, à l’exception des vices afférents à l’offre technique et économique, le pouvoir adjudicateur accorde au soumissionnaire un délai, n’excédant pas dix jours, pour présenter, compléter ou régulariser les déclarations requises, et indique quel doit en être le contenu et quelles sont les personnes tenues de les produire [...] »

7        Selon l’article 95, paragraphe 10, du code des marchés publics :

« Les opérateurs doivent indiquer dans leur offre économique leurs coûts de main-d’œuvre et le montant des charges d’entreprise allouées au respect de leurs obligations en matière de santé et de sécurité sur les lieux de travail, à l’exclusion des fournitures ne nécessitant pas de travaux de pose, des services de nature intellectuelle et des marchés visés à l’article 36, paragraphe 2, point a). En ce qui concerne les coûts de main-d’œuvre, les pouvoirs adjudicateurs vérifient avant l’attribution le respect des dispositions prévues à l’article 97, paragraphe 5, point d). »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        Par un avis du 29 septembre 2017, la commune de Montelanico a lancé une procédure ouverte d’appel d’offres dont la valeur du marché dépassait le seuil prévu à l’article 4 de la directive 2014/24. Cet avis ne rappelait pas expressément l’obligation faite aux opérateurs d’indiquer dans leur offre économique les coûts de main-d’œuvre, prévue à l’article 95, paragraphe 10, du code des marchés publics.

9        Six soumissionnaires, au nombre desquels figuraient Gea Srl et Lavorgna, ont présenté une offre.

10      Après l’expiration du délai fixé pour la présentation des offres, la commission adjudicatrice a, en ayant recours à la procédure d’assistance à l’établissement du dossier (soccorso istruttorio), prévue à l’article 83, paragraphe 9, du code des marchés publics, invité certains des soumissionnaires, parmi lesquels Gea, à indiquer leurs coûts de main-d’œuvre.

11      Par décision du 22 décembre 2017, la commune de Montelanico a attribué le marché public à Gea.

12      Lavorgna, classée deuxième à l’issue de la procédure de sélection, a saisi la juridiction de renvoi d’un recours tendant, notamment, à l’annulation de cette décision, en faisant valoir que Gea aurait dû être exclue de la procédure d’appel d’offres pour avoir omis d’indiquer, dans son offre, les coûts de main-d’œuvre, sans que lui soit offerte la possibilité de bénéficier de la procédure d’assistance à l’établissement du dossier.

13      Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) rappelle que, dans l’arrêt du 2 juin 2016, Pizzo (C‑27/15, EU:C:2016:404) et l’ordonnance du 10 novembre 2016, Edra Costruzioni et Edilfac (C‑140/16, non publiée, EU:C:2016:868), la Cour s’est exprimée sur la question de savoir si des concurrents peuvent être exclus d’une procédure de marché public pour ne pas avoir précisé les coûts relatifs à la sécurité au travail et si une telle omission peut être régularisée a posteriori. À cette occasion, la Cour aurait souligné que, dans l’hypothèse où une condition de participation à la procédure de passation du marché, sous peine d’exclusion du soumissionnaire, n’est pas expressément prévue par les documents du marché et où cette condition ne peut être identifiée que par une interprétation jurisprudentielle du droit national, le pouvoir adjudicateur peut accorder au soumissionnaire exclu un délai suffisant pour régulariser sa situation.

14      La juridiction de renvoi précise que, lorsqu’il a adopté le code des marchés publics aux fins de transposer la directive 2014/24 dans l’ordre juridique italien, le législateur national a expressément prévu l’obligation pour les soumissionnaires d’indiquer dans l’offre économique leurs coûts de main-d’œuvre, tout en excluant la faculté, pour le pouvoir adjudicateur, de recourir à la procédure d’assistance à l’établissement du dossier pour inviter les soumissionnaires n’ayant pas rempli cette obligation à régulariser leur situation.

15      Le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) s’interroge sur la compatibilité de la réglementation nationale en cause au principal avec les principes généraux de la protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de proportionnalité, notamment dans le cas où, comme dans l’affaire dont il est saisi, l’offre économique, qui ne contient pas l’indication des coûts de main-d’œuvre, a été rédigée par l’entreprise participant à l’appel d’offres conformément à la documentation préétablie à cet effet par l’entité adjudicatrice, et où la question du respect matériel des règles concernant les coûts de main-d’œuvre n’est pas en cause.

16      La juridiction de renvoi fait valoir que l’application de cette réglementation nationale pourrait entraîner des discriminations à l’égard des entreprises établies dans d’autres États membres qui voudraient participer à un appel d’offres lancé par une administration italienne, car elles ne pourraient pas se fier au caractère correct du formulaire préétabli fourni par l’entité adjudicatrice.

17      Dans ces circonstances, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les principes du droit de l’Union européenne de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, associés aux principes de libre circulation des marchandises, de liberté d’établissement et de libre prestation des services énoncés dans le [traité FUE], ainsi que les principes qui en découlent tels que l’égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence, visés dans la directive [2014/24], font-ils obstacle à l’application d’une réglementation nationale telle que la réglementation italienne issue des dispositions combinées de [l’article 95, paragraphe 10, et de l’article 83, paragraphe 9, du code des marchés publics], selon laquelle le défaut d’indication séparée des coûts de main-d’œuvre, dans les offres économiques présentées dans une procédure d’adjudication de marché public, entraîne en toute hypothèse l’exclusion de l’entreprise auteure de l’offre sans possibilité d’assistance à l’établissement du dossier (“soccorso istruttorio”), y compris dans le cas où l’obligation d’indiquer ces coûts séparément n’était pas spécifiée dans la documentation de l’appel d’offres, et ce indépendamment du fait que, du point de vue du fond, l’offre respecte bien les coûts minimaux de main-d’œuvre, conformément d’ailleurs à une déclaration spécifique en ce sens de l’entreprise en question ? »

 Sur la question préjudicielle

18      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et de transparence, visés dans la directive 2014/24, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle le défaut d’indication séparée des coûts de main-d’œuvre, dans une offre économique présentée dans une procédure d’adjudication de marché public, entraîne l’exclusion de cette offre sans possibilité d’assistance à l’établissement du dossier, y compris dans le cas où l’obligation d’indiquer ces coûts séparément n’était pas spécifiée dans la documentation de l’appel d’offres.

19      À cet égard, il est de jurisprudence constante de la Cour, d’une part, que le principe d’égalité de traitement impose que les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que ces offres soient soumises aux mêmes conditions pour tous les soumissionnaires. D’autre part, l’obligation de transparence, qui en constitue le corollaire, a pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Cette obligation implique que toutes les conditions et les modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, premièrement, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, deuxièmement, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêt du 2 juin 2016, Pizzo, C‑27/15, EU:C:2016:404, point 36 et jurisprudence citée).

20      Eu égard à ces considérations, la Cour a jugé que le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation d’un marché public à la suite du non-respect, par celui-ci, d’une obligation qui résulte non pas expressément des documents afférents à cette procédure ou de la loi nationale en vigueur, mais d’une interprétation de cette loi et de ces documents ainsi que du comblement des lacunes, de la part des autorités ou des juridictions administratives nationales, présentées par lesdits documents (arrêt du 2 juin 2016, Pizzo, C‑27/15, EU:C:2016:404, point 51 ; voir, en ce sens, ordonnance du 10 novembre 2016, Spinosa Costruzioni Generali et Melfi, C‑162/16, non publiée, EU:C:2016:870, point 32).

21      En revanche, ces mêmes principes ne sauraient, en principe, s’opposer à l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation d’un marché public en raison du non-respect, par celui-ci, d’une obligation expressément imposée, sous peine d’exclusion, par les documents afférents à cette procédure ou les dispositions du droit national en vigueur.

22      Une telle considération s’impose d’autant plus que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans l’hypothèse où des obligations étaient clairement imposées dans les documents relatifs au marché public sous peine d’exclusion, le pouvoir adjudicateur ne peut admettre des rectifications quelconques à des omissions auxdites obligations (voir, par analogie, arrêts du 6 novembre 2014, Cartiera dell’Adda, C‑42/13, EU:C:2014:2345, points 46 et 48 ; du 2 juin 2016, Pizzo, C‑27/15, EU:C:2016:404, point 49, ainsi que du 10 novembre 2016, Ciclat, C‑199/15, EU:C:2016:853, point 30).

23      À cet égard, il convient d’ajouter que l’article 56, paragraphe 3, de la directive 2014/24 autorise les États membres à limiter les cas dans lesquels les pouvoirs adjudicateurs peuvent demander aux opérateurs économiques concernés de présenter, de compléter, de clarifier ou de préciser les informations ou les documents prétendument incomplets, erronés ou manquants dans un délai approprié.

24      Enfin, conformément au principe de proportionnalité, qui constitue un principe général du droit de l’Union, une réglementation nationale concernant les procédures de marché public ayant pour objectif de garantir l’égalité de traitement des soumissionnaires ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2018, Lloyd’s of London, C‑144/17, EU:C:2018:78, point 32 et jurisprudence citée).

25      En l’occurrence, il ressort des éléments fournis par la juridiction de renvoi que l’obligation, sous peine d’exclusion, d’indiquer de manière séparée les coûts de main-d’œuvre découle clairement d’une lecture combinée des dispositions de l’article 95, paragraphe 10, du code des marchés publics et de l’article 83, paragraphe 9, de ce code, en vigueur au moment de la publication de l’avis de marché en cause au principal. Sur le fondement de l’article 56, paragraphe 3, de la directive 2014/24, le législateur italien a décidé, à l’article 83, paragraphe 9, dudit code, d’exclure de la procédure d’assistance à l’établissement du dossier le cas, notamment, où les informations manquantes concernent les coûts de main-d’œuvre.

26      Par ailleurs, si la juridiction de renvoi relève que l’avis de marché en cause au principal ne rappelait pas explicitement l’obligation faite aux soumissionnaires potentiels, prévue à l’article 95, paragraphe 10, du code des marchés publics, d’indiquer, dans l’offre économique, leurs coûts de main-d’œuvre , il ressort néanmoins des éléments du dossier dont dispose la Cour que cet avis précisait que, « pour ce qui n’était pas expressément prévu dans ledit avis, dans les documents et dans le cahier des charges de l’appel d’offres, les règles du [code des marchés publics] » s’appliquent.

27      Il s’ensuit que tout soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent était, en principe, en mesure de prendre connaissance des règles pertinentes applicables à la procédure d’appel d’offres en cause au principal, y compris l’obligation d’indiquer dans l’offre économique les coûts de main-d’œuvre.

28      Dans ces conditions, les principes d’égalité de traitement et de transparence ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle le défaut d’indication des coûts de main-d’œuvre entraîne l’exclusion du soumissionnaire concerné sans qu’il soit possible de recourir à la procédure d’assistance à l’établissement du dossier, et ce même dans le cas où l’avis de marché ne rappelait pas explicitement l’obligation légale de fournir cette indication.

29      Toutefois, il ressort des observations écrites soumises à la Cour par Gea que le formulaire préétabli que les soumissionnaires à l’appel d’offres en cause au principal devaient obligatoirement utiliser ne leur permettait pas matériellement d’y indiquer séparément les coûts de main-d’œuvre. De plus, le cahier des charges relatif à cet appel d’offres précisait que les soumissionnaires ne pouvaient soumettre aucun document qui n’avait pas été spécifiquement demandé par le pouvoir adjudicateur.

30      Il incombe à la juridiction de renvoi, seule compétente pour statuer sur les faits du litige au principal et la documentation afférente à l’avis de marché en cause, de vérifier s’il était, effectivement, matériellement impossible aux soumissionnaires d’indiquer les coûts de main-d’œuvre conformément à l’article 95, paragraphe 10, du code des marchés publics et d’apprécier si, de ce fait, cette documentation créait, en dépit du renvoi explicite aux dispositions claires de ce code, une confusion dans le chef des soumissionnaires.

31      Dans l’hypothèse où cette juridiction parviendrait à la conclusion que tel était effectivement le cas, il convient encore d’ajouter que, dans un tel cas, eu égard aux principes de sécurité juridique, de transparence et de proportionnalité, le pouvoir adjudicateur peut accorder à un tel soumissionnaire la possibilité de régulariser sa situation et de satisfaire aux obligations prévues par la législation nationale en la matière dans un délai fixé par le pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt du 2 juin 2016, Pizzo, C‑27/15, EU:C:2016:404, point 51, ainsi que ordonnance du 10 novembre 2016, Spinosa Costruzioni Generali et Melfi, C‑162/16, non publiée, EU:C:2016:870, point 32).

32      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle que les principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et de transparence, tels que visés dans la directive 2014/24, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle le défaut d’indication séparée des coûts de main-d’œuvre, dans une offre économique présentée dans une procédure d’adjudication de marché public, entraîne l’exclusion de cette offre sans possibilité d’assistance à l’établissement du dossier, y compris dans le cas où l’obligation d’indiquer ces coûts séparément n’était pas spécifiée dans la documentation de l’appel d’offres, dans la mesure où cette condition et cette possibilité d’exclusion sont clairement prévues par la réglementation nationale relative aux procédures de marchés publics à laquelle un renvoi explicite y était effectué. Toutefois, si les dispositions de l’appel d’offres ne permettent pas aux soumissionnaires d’indiquer ces coûts dans leurs offres économiques, les principes de transparence et de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas au fait de permettre aux soumissionnaires de régulariser leur situation et de satisfaire aux obligations prévues par la réglementation nationale en la matière dans un délai fixé par le pouvoir adjudicateur.

 Sur les dépens

33      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

Les principes de sécurité juridique, d’égalité de traitement et de transparence, tels que visés dans la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE,doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, selon laquelle le défaut d’indication séparée des coûts de main-d’œuvre, dans une offre économique présentée dans une procédure d’adjudication de marché public, entraîne l’exclusion de cette offre sans possibilité d’assistance à l’établissement du dossier, y compris dans le cas où l’obligation d’indiquer ces coûts séparément n’était pas spécifiée dans la documentation de l’appel d’offres, dans la mesure où cette condition et cette possibilité d’exclusion sont clairement prévues par la réglementation nationale relative aux procédures de marchés publics à laquelle un renvoi explicite y était effectué. Toutefois, si les dispositions de l’appel d’offres ne permettent pas aux soumissionnaires d’indiquer ces coûts dans leurs offres économiques, les principes de transparence et de proportionnalité doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas au fait de permettre aux soumissionnaires de régulariser leur situation et de satisfaire aux obligations prévues par la réglementation nationale en la matière dans un délai fixé par le pouvoir adjudicateur.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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