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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Bundesagentur fur Arbeit - Familienkasse Baden-Wurttemberg West (Travailleurs migrants - Judgment) French Text [2019] EUECJ C-473/18 (04 September 2019)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C47318.html
Cite as: [2019] EUECJ C-473/18, ECLI:EU:C:2019:662, EU:C:2019:662

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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

4 septembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale – Travailleurs migrants – Règles de l’Union européenne sur la conversion des monnaies – Règlement (CE) no 987/2009 – Décision H3 de la commission administrative pour la coordination des affaires sociales – Calcul du complément différentiel des allocations familiales dû à un travailleur résidant dans un État membre et travaillant en Suisse – Détermination de la date de référence du taux de change »

Dans l’affaire C‑473/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Land de Bade-Wurtemberg, Allemagne), par décision du 17 mai 2018, parvenue à la Cour le 20 juillet 2018, dans la procédure

GP

contre

Bundesagentur für Arbeit Familienkasse Baden-Württemberg West,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), président de chambre, M. J. Malenovský et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement allemand, initialement par MM. T. Henze et J. Möller, puis par M. J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 90 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1), ainsi que de la décision H3 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, du 15 octobre 2009, relative à la date à prendre en compte pour établir les taux de change visée à l’article 90 du règlement no 987/2009 (JO 2010, C 106, p. 56, ci-après la « décision H3 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant GP à la Bundesagentur für Arbeit – Familienkasse Baden-Württemberg West (Agence fédérale de l’emploi – Caisse d’allocations familiales de Bade–Wurtemberg Ouest, Allemagne) (ci-après la « caisse d’allocations familiales ») au sujet de l’octroi d’un complément différentiel en Allemagne au regard de prestations pour enfant à charge perçues en Suisse.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        L’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999, approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO 2002, L 114, p. 6, ci-après l’« accord sur la libre circulation des personnes »), prévoit :

« Les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment :

a)      l’égalité de traitement ;

b)      la détermination de la législation applicable ;

[...]

d)      le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes ;

[...] »

4        L’annexe II de l’accord sur la libre circulation des personnes, intitulée « Coordination des systèmes de sécurité sociale », telle que modifiée par l’annexe de la décision no 1/2012 du comité mixte institué par ledit accord, du 31 mars 2012 (JO 2012, L 103, p. 51) (ci-après l’« annexe II de l’accord sur la libre circulation des personnes »), est entrée en vigueur le 1er avril 2012.

5        Aux termes de l’article 1er de l’annexe II de l’accord sur la libre circulation des personnes :

« 1.      Les parties contractantes conviennent d’appliquer entre elles, dans le domaine de la coordination des systèmes de sécurité sociale, les actes juridiques de l’Union européenne auxquels il est fait référence dans la section A de la présente annexe, tels que modifiés par celle-ci, ou des règles équivalentes à ceux-ci.

2.      Le terme “État(s) membre(s)” figurant dans les actes juridiques auxquels il est fait référence à la section A de la présente annexe est réputé s’appliquer, outre les États couverts par les actes juridiques pertinents de l’Union européenne, à la Suisse. »

6        L’article 2, paragraphe 1, de cette annexe II dispose :

« Aux fins de l’application de la présente annexe, les parties contractantes prennent en considération les actes juridiques de l’Union européenne auxquels il est fait référence à la section B de la présente annexe. »

7        La section A de ladite annexe II fait référence au règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 43) (ci-après le « règlement no 883/2004 »), et au règlement no 987/2009. La section B de cette même annexe II fait référence à la décision H3.

 Le droit de l’Union

8        L’article 68, paragraphes 1 et 2, du règlement no 883/2004 prévoit :

« 1.      Si, pour la même période et pour les mêmes membres de la famille, des prestations sont prévues par la législation de plus d’un État membre, les règles de priorité ci-après s’appliquent :

a)      si les prestations sont dues par plus d’un État membre à des titres différents, l’ordre de priorité est le suivant : en premier lieu les droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée, deuxièmement les droits ouverts au titre de la perception d’une pension et enfin les droits ouverts au titre de la résidence ;

[...]

2.      En cas de cumul de droits, les prestations familiales sont servies conformément à la législation désignée comme étant prioritaire selon le paragraphe 1. Les droits aux prestations familiales dues en vertu de la ou des autres législations en présence sont suspendus jusqu’à concurrence du montant prévu par la première législation et servis, le cas échéant, sous forme de complément différentiel, pour la partie qui excède ce montant. [...] »

9        L’article 90 du règlement no 987/2009 est libellé comme suit :

« Aux fins de l’application des dispositions du règlement [no 883/2004] et du règlement [no 987/2009], le taux de change entre deux monnaies est le taux de change de référence publié par la Banque centrale européenne. La date à prendre en compte pour établir les taux de change est fixée par la commission administrative [pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, visée à l’article 71 du règlement no 883/2004]. »

10      Le considérant 1 de la décision H3 énonce :

« De nombreuses dispositions du règlement [no 883/2004] – comme [...] l’article 68, paragraphe 2 [...] – et du règlement [no 987/2009] [...] font référence à des situations où il y a lieu de déterminer le taux de change à utiliser pour verser, calculer ou recalculer une prestation [...] »

11      Les points 2 à 5 de la décision H3 sont rédigés de la manière suivante :

« 2.      Sauf disposition contraire dans la présente décision, le taux de change est le taux publié le jour où l’institution exécute l’opération en question.

3.      L’institution d’un État membre qui, aux fins de l’établissement d’un droit et du premier calcul d’une prestation, doit convertir un montant dans la monnaie d’un autre État membre, utilise :

a)      lorsque, en application de la législation nationale concernée, l’institution doit tenir compte de montants, tels que des revenus ou des prestations, durant une certaine période précédant la date pour laquelle la prestation est calculée : le taux de change publié pour le dernier jour de la période concernée ;

b)      lorsque, en application de la législation nationale concernée, pour le calcul de la prestation, l’institution doit tenir compte d’un montant : le taux de change publié pour le premier jour du mois précédant immédiatement le mois au cours duquel la disposition doit s’appliquer.

4.      Le paragraphe 3 s’applique mutatis mutandis lorsqu’une institution d’un État membre doit convertir un montant dans la monnaie d’un autre État membre pour recalculer la prestation par suite de changements dans la situation de fait ou de droit de la personne concernée.

5.      Pour recalculer une prestation indexée régulièrement en vertu de la législation nationale, l’institution qui sert ladite prestation utilise, lorsque les montants exprimés dans une autre monnaie ont une incidence sur la prestation, le taux de change applicable le premier jour du mois précédant le mois au cours duquel l’indexation doit avoir lieu, sauf disposition contraire dans la législation nationale. »

 Le droit allemand

12      Les règles relatives à l’allocation pour enfant à charge pour les personnes intégralement assujetties à l’impôt sur le revenu en Allemagne sont définies aux articles 62 et suivants de l’Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu, BGBl. 2009 I, p. 3366, ci-après l’« EStG »).

13      En vertu de l’article 65, paragraphe 1, première phrase, point 2, de l’EStG, l’allocation pour enfant à charge n’est pas versée pour un enfant pour lequel les prestations comparables à l’allocation pour enfant à charge sont accordées à l’étranger.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      La requérante au principal, GP, et son époux résident en Allemagne et exercent une activité salariée en Suisse. Ils ont deux enfants. À compter du mois de février 2012, l’époux a perçu en Suisse deux prestations mensuelles pour enfant à charge de 200 francs suisses (CHF) (environ 179 euros) chacune.

15      Le 19 août 2015, GP a introduit une demande auprès de la caisse d’allocations familiales visant au paiement d’un complément différentiel d’allocations pour enfant à charge.

16      Par décision du 8 septembre 2015, confirmée sur réclamation le 14 octobre 2015, la caisse d’allocations familiales a rejeté cette demande en ce qui concerne la période allant du mois d’avril 2012 au mois de décembre 2014. Se référant à l’article 90 du règlement no 987/2009 ainsi qu’à la décision H3, cette institution a considéré que, afin de déterminer l’existence du droit à un tel complément différentiel et, le cas échéant, le montant de celui-ci, il y avait lieu de retenir le taux de change publié le premier jour du mois précédant le mois au cours duquel le calcul était effectué. Ce calcul ayant été opéré le jour de l’adoption de la décision du 8 septembre 2015, le taux de change applicable était celui publié le 1er août 2015. En application de ce taux, le montant de 200 CHF correspondait à 188,71 euros, soit un montant supérieur à celui octroyé au cours des années comprises entre 2012 et 2014 par la République fédérale d’Allemagne au titre de l’allocation pour enfant à charge, à savoir 184 euros par mois pour les deux premiers enfants. Par conséquent, la caisse d’allocations familiales a estimé qu’aucun complément différentiel d’allocations pour enfant à charge n’était dû pour la période en question.

17      GP a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Land de Bade-Wurtemberg, Allemagne), contre les décisions des 8 septembre et 14 octobre 2015 de la caisse d’allocations familiales ainsi que contre une décision ultérieure de celle-ci. GP soutient devant la juridiction de renvoi que le point 3, sous b), de la décision H3 est applicable à son affaire et que les termes « le mois au cours duquel la disposition doit s’appliquer », figurant dans cette disposition, doivent être interprétés en ce sens que, en l’occurrence, ils visent le mois d’avril 2012, soit le mois à partir duquel les règlements nos 883/2004 et 987/2009 sont devenus applicables à sa situation, en vertu de l’entrée en vigueur, à cette date, de l’annexe II de l’accord sur la libre circulation des personnes. Par conséquent, le taux de change applicable en vertu du point 3, sous b), de la décision H3 serait celui publié à la date du 1er mars 2012. Dès lors que l’utilisation de ce taux conduirait à une valeur convertie de 331,90 euros de l’allocation suisse pour enfant à charge pour les deux enfants, soit 165,95 euros par enfant, GP réclame le paiement d’un complément différentiel mensuel de 36,10 euros (18,05 euros par enfant) pour la période allant du mois d’avril 2012 au mois de décembre 2014.

18      La juridiction de renvoi considère que la solution du litige dont elle est saisie dépend de l’interprétation de la décision H3. Elle émet des doutes quant à l’applicabilité du point 3, sous b), de cette décision, dans la mesure où, selon le libellé de celui-ci, il s’agit de la conversion d’un montant, par l’institution concernée d’un État membre, dans la monnaie d’un autre État membre lorsque cette institution doit tenir compte d’un montant en application de la législation nationale, alors que, en l’occurrence, la caisse d’allocations familiales doit convertir en euros une somme libellée en francs suisses, c’est-à-dire une conversion dans la monnaie de son propre État membre, en application du droit de l’Union, à savoir le règlement no 883/2004. Selon la juridiction de renvoi, une telle incertitude concerne également le point 4 de la décision H3.

19      Dans l’hypothèse où il lui faudrait appliquer, à défaut de disposition contraire de la décision H3, les dispositions du point 2 de celle-ci, la juridiction de renvoi se demande, s’agissant des termes « l’institution exécute l’opération en question » y figurant, quel État et quelle opération sont visés.

20      Enfin, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’application éventuelle du point 5 de la décision H3 qui, à son avis, soulève également des problèmes d’interprétation.

21      Dans ces conditions, le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances du Land de Bade-Wurtemberg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Dans des conditions telles que celles de l’affaire au principal, quelle disposition de la décision H3 [...] doit être appliquée lors de la conversion des monnaies dans lesquelles sont libellées des prestations familiales pour enfant servies sous forme d’allocations pour enfant à charge ou de prestations pour enfant à charge ?

2)      Comment la disposition applicable doit-elle être interprétée concrètement pour déterminer le montant du complément différentiel d’allocations pour enfant à charge qui dépend du taux de change ?

a)      Si le point 2 de la décision H3 est applicable : au sens de cette disposition, quel est le jour “où l’institution exécute l’opération en question” ?

b)      Si le point 3, sous b), de la décision H3 est applicable (le cas et échéant, en combinaison avec le point 4 de ladite décision) : au sens de cette disposition, quel est le mois “au cours duquel la disposition doit s’appliquer” ?

c)      Si le point 5 de la décision H3 est applicable : la clause d’ouverture en faveur de la législation nationale est-elle compatible avec l’habilitation qui figure à l’article 90 du [règlement no 987/2009] ? Si tel est le cas : pour qu’il existe une “disposition contraire” dans la législation nationale, faut-il qu’il existe une disposition formellement établie par la loi ou suffit-il qu’il existe une instruction administrative prise par l’autorité administrative nationale ?

3)      La conversion des monnaies s’agissant des allocations suisses pour enfant à charge effectuée par la caisse allemande d’allocations familiales revêt-elle des particularités ?

a)      Aux fins de l’application de la décision H3 à l’égard de la Suisse, est-il pertinent que le droit national allemand prévoit, à l’article 65, paragraphe 1, première phrase, point 2, de [l’EStG], une exclusion de la prestation ?

b)      La date d’octroi ou de versement des prestations familiales par l’institution suisse présente-t-elle une importance pour la conversion des monnaies en application de la décision H3 ?

c)      La date de refus ou d’octroi du complément différentiel d’allocations pour enfant à charge par l’institution allemande présente-t-elle une importance pour la conversion des monnaies en application de la décision H3 ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la troisième question

22      Dans la mesure où la troisième question a trait à l’incidence éventuelle de la conversion, dans la monnaie d’un État membre, de prestations versées en francs suisses par une institution suisse sur l’application et l’interprétation des dispositions du droit de l’Union visées par les deux premières questions, il convient d’y répondre en premier lieu.

23      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en ce qui concerne la conversion monétaire d’une prestation pour enfant à charge en vue de déterminer le montant éventuel d’un complément différentiel au titre de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, l’application et l’interprétation de l’article 90 du règlement no 987/2009 ainsi que de la décision H3 sont affectées par le fait que cette prestation est versée en francs suisses par une institution suisse.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8 de l’accord sur la libre circulation des personnes, les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II de l’accord sur la libre circulation des personnes, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer, notamment, la détermination de la législation applicable et le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes. Or, cette annexe II, section A, prévoit l’application, entre les parties contractantes, des règlements nos 883/2004 et 987/2009. Ainsi, et dès lors que, selon l’article 1er, paragraphe 2, de ladite annexe II, « [l]e terme “État(s) membre(s)” figurant dans les actes juridiques auxquels il est fait référence à la section A de cette annexe est réputé s’appliquer, outre [aux] États couverts par les actes juridiques pertinents de l’Union européenne, à la Suisse », les dispositions de ces règlements couvrent également la Confédération suisse (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2019, Dreyer, C‑372/18, EU:C:2019:206, point 29 et jurisprudence citée). Il en est de même des dispositions de la décision H3, dès lors que l’annexe II, section B, de l’accord sur la libre circulation des personnes prévoit que les parties contractantes prennent en considération cette décision.

25      Dans ces conditions, la situation de GP, qui réside en Allemagne et travaille en Suisse tout comme son époux, lequel perçoit des prestations familiales octroyées par une institution suisse, relève du champ d’application des règlements nos 883/2004 et 987/2009 ainsi que de la décision H3 (voir, par analogie, arrêt du 14 mars 2019, Dreyer, C‑372/18, EU:C:2019:206, point 30).

26      Il en résulte qu’il y a lieu, en application de ces actes de l’Union, de traiter lesdites prestations ainsi que la conversion monétaire de leur montant de la même manière que des prestations perçues dans un État membre de l’Union. En particulier, en ce qui concerne la troisième question, sous a), de la juridiction de renvoi relative à la pertinence de l’exclusion, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, première phrase, point 2, de l’EStG, d’une allocation pour enfant à charge en Allemagne lorsqu’une prestation comparable est accordée à l’étranger, en l’occurrence en Suisse, une règle anticumul prescrite par le droit national d’un État membre ne saurait être appliquée s’il était constaté que cette application est contraire au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2012, Hudzinski et Wawrzyniak, C‑611/10 et C‑612/10, EU:C:2012:339, point 71).

27      Il convient d’ajouter qu’une application différente des règlements nos 883/2004 et 987/2009 ainsi que de la décision H3 dans une situation telle que celle en cause dans le litige au principal serait contraire à l’objectif d’égalité de traitement que la coordination des systèmes de sécurité sociale prévue à l’article 8 de l’accord sur la libre circulation des personnes vise à assurer.

28      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la troisième question que, en ce qui concerne la conversion monétaire d’une prestation pour enfant à charge en vue de déterminer le montant éventuel d’un complément différentiel au titre de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, l’application et l’interprétation de l’article 90 du règlement no 987/2009 ainsi que de la décision H3 ne sont pas affectées par le fait que cette prestation est versée en francs suisses par une institution suisse.

 Sur la première question

29      Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir quelle disposition de la décision H3 est applicable lors de la conversion des monnaies dans lesquelles sont libellées des prestations pour enfant à charge afin de déterminer le montant éventuel d’un complément différentiel au titre de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004.

30      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler, en premier lieu, que la décision H3 constitue un acte d’exécution des règlements nos 883/2004 et 987/2009. Selon une jurisprudence constante de la Cour, un acte d’exécution ou d’application doit faire l’objet, si possible, d’une interprétation conforme aux dispositions de l’acte de base (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 2009, Internationaal Verhuis- en Transportbedrijf Jan de Lely, C‑161/08, EU:C:2009:308, point 38, et du 19 juillet 2012, Pie Optiek, C‑376/11, EU:C:2012:502, point 34).

31      En second lieu, si le considérant 1 de la décision H3 mentionne l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 en tant que disposition qui fait référence à des « situations dans lesquelles il y a lieu de déterminer le taux de change à utiliser pour verser, calculer ou recalculer une prestation », ni le point 2 de cette décision ni les points 3 à 5 de celle-ci, qui précisent les taux de change auxquels il y a lieu de se référer dans certaines situations spécifiques concernant des prestations, n’indiquent expressément à quelles dispositions des règlements nos 883/2004 et 987/2009 ils s’appliquent.

32      Dans ces conditions, la disposition de la décision H3 applicable dans l’hypothèse visée par la première question doit être déterminée en tenant compte de la nature et de l’objectif de la prestation concernée.

33      À cet égard, la prestation en cause au principal, consistant en un complément différentiel éventuellement versé au titre des prestations familiales mensuelles, se fonde sur l’article 68 du règlement no 883/2004. Conformément au paragraphe 1, sous a), de cet article, si, pour la même période et les mêmes membres de la famille, des prestations sont prévues par la législation de plus d’un État membre à des titres différents, les droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée sont dus en priorité par rapport à ceux ouverts au titre de la résidence. Le paragraphe 2 dudit article prévoit que, en cas de cumul de droits, les prestations familiales sont servies selon la législation ainsi désignée comme étant prioritaire, les droits aux prestations familiales dues en vertu d’autres législations étant suspendus jusqu’à concurrence du montant prévu par la première législation et servis, le cas échéant, sous forme de complément différentiel, pour la partie qui excède ce montant.

34      La Cour a jugé qu’une telle règle anticumul vise à garantir au bénéficiaire de prestations versées par plusieurs États membres un montant total des prestations qui est identique au montant de la prestation la plus favorable qui lui est due en vertu de la législation d’un seul de ces États (arrêt du 30 avril 2014, Wagener, C‑250/13, EU:C:2014:278, point 46 et jurisprudence citée).

35      Afin de garantir le versement d’un montant total identique au montant de la prestation la plus favorable lorsqu’il s’agit de comparer des montants exprimés dans différentes monnaies, il y a lieu d’utiliser le taux de change de référence publié par la Banque centrale européenne à une date aussi proche que possible à celle du versement des prestations. Cela implique, en ce qui concerne des prestations versées à intervalles réguliers, en l’occurrence mensuellement, sur une longue période de temps, l’utilisation d’un taux de change différent pour chaque versement.

36      En effet, retenir un taux de change unique pour une telle période, alors même que les taux sont susceptibles de subir des fluctuations importantes au cours de cette période, risquerait soit de priver le bénéficiaire des prestations d’une partie du montant de la prestation la plus favorable, soit de lui octroyer un montant qui excède celui-ci.

37      Si, comme le relève le gouvernement allemand dans ses observations écrites, la nécessité de procéder à un calcul basé sur un nouveau taux de change à chaque échéance constitue une charge administrative supplémentaire pour les institutions de sécurité sociale compétentes, le respect du libellé d’un texte clair ainsi que de l’objectif sur lequel celui-ci repose ne saurait céder à une autre méthode de calcul au motif d’une plus grande commodité (voir, par analogie, arrêt du 30 avril 2014, Wagener, C‑250/13, EU:C:2014:278, point 38).

38      S’agissant des dispositions de la décision H3 éventuellement applicables aux fins du litige au principal, le point 2 de cette décision prévoit que, sauf disposition contraire de celle-ci, le taux de change à utiliser est celui publié le jour auquel l’institution exécute l’opération en question.

39      Il y a lieu de constater que l’application de cette règle à la prestation en cause au principal est susceptible de conduire à l’utilisation d’un nouveau taux de change pour chaque versement de la prestation familiale concernée et, le cas échéant, d’un complément différentiel, ce qui, ainsi que cela découle des points 34 à 36 du présent arrêt, est conforme à l’objectif du paiement d’un complément différentiel au titre de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, consistant à garantir le versement d’un montant total identique au montant de la prestation la plus favorable.

40      Il importe cependant de relever qu’il découle de son libellé que le point 2 de la décision H3 revêt un caractère résiduel, en ce sens qu’il y a lieu de l’appliquer pour déterminer le taux de change à utiliser au regard des dispositions des règlements nos 883/2004 et 987/2009 visées par cette décision, sous réserve de disposition contraire de celle-ci. Par conséquent, il convient d’examiner si les points 3 à 5 de la décision H3, mentionnés par la juridiction de renvoi, sont applicables à une situation telle que celle en cause dans le litige au principal.

41      À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que le libellé même du point 3 de la décision H3 exclut l’application de cette disposition dans une telle situation. En effet, d’une part, ladite disposition a vocation à s’appliquer dans des cas où une institution d’un État membre « doit convertir un montant dans la monnaie d’un autre État membre ». Or, le litige au principal relève de la situation inverse, à savoir la conversion dans sa monnaie, par une institution de sécurité sociale d’un État membre, d’un montant exprimé en monnaie d’un autre État.

42      D’autre part, ledit point 3, sous a) et b), mentionne la prise en compte de montants « en application de la législation nationale », alors que, dans la situation en cause dans le litige au principal, l’obligation de tenir compte du montant des prestations versées en Suisse pour le calcul d’un complément différentiel éventuellement dû en Allemagne résulte de l’application de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 et de l’accord sur la libre circulation des personnes.

43      Ensuite, le point 4 de la décision H3 ne saurait être applicable dès lors qu’il concerne, lui aussi, des situations dans lesquelles l’institution d’un État membre doit convertir un montant dans la monnaie d’un autre État. En outre, il découle de son libellé, et notamment des termes « [l]e [point] 3 s’applique mutatis mutandis lorsqu’un État membre doit convertir un montant [...] pour recalculer la prestation », qu’il constitue une application particulière du point 3 de cette décision.

44      Enfin, le point 5 de la décision H3 s’applique aux fins de recalculer une prestation indexée régulièrement en vertu de la législation nationale, lorsque les montants exprimés dans une autre monnaie ont une incidence sur cette prestation. Le libellé de cette disposition ne s’oppose pas, en principe, à l’application de celle-ci aux fins de déterminer un complément différentiel éventuellement dû lorsque la prestation familiale d’un État membre qui est suspendue jusqu’à concurrence du montant prévu par la législation désignée comme étant prioritaire, en application de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, fait l’objet d’une indexation régulière.

45      Toutefois, la juridiction de renvoi relève que, au cours des années 2010 à 2014, l’allocation pour enfant à charge en Allemagne, de 184 euros pour chacun des deux premiers enfants, est restée inchangée et a, à partir de l’année 2015, augmenté une fois par an. Il en résulte que cette prestation n’a subi aucune augmentation au cours de la période pour laquelle un complément différentiel est réclamé en l’occurrence, à savoir entre le mois d’avril 2012 et le mois de décembre 2014.

46      Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que ladite prestation a été indexée régulièrement, au sens du point 5 de la décision H3. En effet, admettre l’applicabilité de cette disposition conduirait à l’utilisation d’un taux de change publié à une date trop éloignée de la majorité des prestations familiales mensuelles en cause au principal, ce qui heurterait l’objectif de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004 indiqué au point 34 du présent arrêt.

47      Aucun des points 3 à 5 de la décision H3 n’étant applicable dans une situation telle que celle en cause dans le litige au principal, c’est le point 2 qu’il y a lieu d’appliquer, ainsi qu’il ressort du point 40 du présent arrêt.

48      Par conséquent, il doit être répondu à la première question que la décision H3 doit être interprétée en ce sens que qu’il convient d’appliquer le point 2 de celle-ci lors de la conversion des monnaies dans lesquelles sont libellées des prestations pour enfant à charge afin de déterminer le montant éventuel d’un complément différentiel au titre de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004.

 Sur la deuxième question

49      Par sa deuxième question, sous a), posée dans l’hypothèse où il serait jugé que le point 2 de la décision H3 est applicable à une situation telle que celle en cause dans le litige au principal, la juridiction de renvoi demande, en substance, quelle est la portée de la notion de « jour où l’institution exécute l’opération en question », au sens de cette disposition.

50      Il y a lieu de constater que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, cette notion vise le jour auquel l’institution compétente de l’État d’emploi, responsable prioritairement du paiement de la prestation familiale en question, effectue ce paiement. En effet, celui-ci s’effectue en toute hypothèse, alors que le paiement des prestations prévues par l’État de résidence, sous forme d’un complément différentiel, ne s’effectue que dans des conditions précises, et il est donc conditionnel et incertain. Ce n’est qu’à la suite du paiement de la prestation par l’État d’emploi et de la conversion de son montant dans la monnaie de l’État de résidence que l’intéressé peut bénéficier de ce complément dans ce dernier État, dans le cas où le montant converti est inférieur à celui de la même prestation due au titre de la législation de ce même État (voir, par analogie, arrêt du 30 avril 2014, Wagener, C‑250/13, EU:C:2014:278, points 45 et 47).

51      Cette interprétation est d’ailleurs conforme à l’objectif de la règle anticumul prévue à l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, tel qu’indiqué au point 34 du présent arrêt.

52      Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question, sous a), que le point 2 de la décision H3 doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause dans le litige au principal, la notion de « jour où l’institution exécute l’opération en question », au sens de cette disposition, vise le jour auquel l’institution compétente de l’État d’emploi effectue le paiement de la prestation familiale en question.

53      Compte tenu de la réponse à la première question, il n’y a pas lieu d’examiner la deuxième question, sous b) et c).

 Sur les dépens

54      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      En ce qui concerne la conversion monétaire d’une prestation pour enfant à charge en vue de déterminer le montant éventuel d’un complément différentiel au titre de l’article 68, paragraphe 2, du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, l’application et l’interprétation de l’article 90 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004, ainsi que de la décision H3 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, du 15 octobre 2009, relative à la date à prendre en compte pour établir les taux de change visée à l’article 90 du règlement no 987/2009, ne sont pas affectées par le fait que cette prestation est versée en francs suisses par une institution suisse.

2)      La décision H3 du 15 octobre 2009 doit être interprétée en ce sens que le point 2 de celle-ci est applicable lors de la conversion des monnaies dans lesquelles sont libellées des prestations pour enfant à charge afin de déterminer le montant éventuel d’un complément différentiel au titre de l’article 68, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 988/2009.

3)      Le point 2 de la décision H3 du 15 octobre 2009 doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause dans le litige au principal, la notion de « jour où l’institution exécute l’opération en question », au sens de cette disposition, vise le jour auquel l’institution compétente de l’État d’emploi effectue le paiement de la prestation familiale en question.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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