PrivatBank (Free movement of capital - Opinion) French Text [2019] EUECJ C-480/18_O (07 November 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C48018_O.html
Cite as: EU:C:2019:943, [2019] EUECJ C-480/18_O, ECLI:EU:C:2019:943

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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 7 novembre 2019(1)

Affaire C480/18

AS « PrivatBank »

Partie intervenante :

Finanšu un kapitāla tirgus komisija

[demande de décision préjudicielle formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie)]

« Renvoi préjudiciel – Services de paiement dans le marché intérieur – Directive 2007/64/CE – Articles 2, 20, 21, 51, 75 et 80 à 83 – Champ d’application de la directive 2007/64/CE – Services de paiement fournis dans une autre devise que l’euro ou la devise d’un État membre en dehors de la zone euro – Autorités compétentes – Contrôle prudentiel – Procédures de réclamation et de recours extrajudiciaire – Inexécution ou mauvaise exécution d’un ordre de paiement »






1.        Le secteur des services de paiement connaît une évolution rapide et permanente grâce aux innovations technologiques continues, lesquelles constituent des défis importants pour les institutions chargées de définir le cadre réglementaire régissant ce type de services. Ce secteur revêt une importance considérable dans les économies modernes qui reposent sur l’existence de systèmes de paiement efficaces et sûrs.

2.        Dans ce contexte, la demande de décision préjudicielle formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie) porte sur l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur (2), qui a jeté les bases de la création du marché unique des services de paiement ainsi que d’un cadre juridique harmonisé dans l’Union pour ce type de services. Cette directive a été abrogée et remplacée par la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur (3) qui en a toutefois conservé la structure essentielle et a maintenu inchangées plusieurs de ses dispositions.

3.        La présente affaire offre à la Cour la possibilité d’interpréter la portée de certaines des dispositions de la directive 2007/64, dont plusieurs ont été reprises dans la directive 2015/2366, dans le cadre d’un litige opposant une banque lettone à la Finanšu un kapitāla tirgus komisija (Commission des marchés financiers et de capitaux, ci‑après la « Commission des marchés financiers ») et portant sur la légalité d’une décision rendue par cette autorité concernant la non‑exécution d’un ordre de paiement d’un client de cette banque.

I.      Cadre juridique

A.      Droit de l’Union

4.        Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2007/64, les États membres distinguent six catégories de prestataires de services de paiement. Ces catégories, énumérées dans ledit paragraphe, comprennent, entre autres, les « établissements de crédit » (4) ([sous a)] et les       « établissements de paiement » [sous d)], tels que définis à l’article 4, point 4), de la directive 2007/64 (5).

5.        En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2007/64, celle‑ci est applicable aux services de paiement fournis au sein de l’Union. Toutefois, le paragraphe 2 de cet article limite le champ d’application matériel des titres III et IV de la directive (6), et dispose que « [l]es titres III et IV s’appliquent aux services de paiement fournis en euros ou dans la devise d’un État membre en dehors de la zone euro ».

6.        Le titre II de la directive 2007/64 contient les règles relatives aux prestataires de services de paiement et comporte deux chapitres : le chapitre 1, intitulé « Établissements de paiement », contient les dispositions spécifiquement applicables à la catégorie des « établissements de paiement » ; le chapitre 2 contient les dispositions communes applicables aux six catégories de prestataires de services de paiement.

7.        La section 3 dudit chapitre 1, consacré aux établissements de paiement, est intitulée « Autorités compétentes et contrôle » et contient les articles 20 à 25. L’article 20 de la directive 2007/64, intitulé « Désignation des autorités compétentes », dispose en particulier :

« 1. Les États membres désignent comme autorités compétentes chargées de l’agrément et du contrôle prudentiel des établissements de paiement et chargées de la mission prévue dans le cadre du [titre II], soit des autorités publiques, soit des organismes reconnus par le droit national ou par des autorités publiques expressément habilitées à cette fin par le droit national, notamment les banques centrales nationales.

[…]

2. Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes désignées au titre du paragraphe 1 soient dotées de toutes les compétences nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

[…]

5. Le paragraphe 1 n’implique pas que les autorités compétentes soient tenues de contrôler les activités des établissements de paiement, autres que la prestation de services de paiement énumérés dans l’annexe, et les activités énuméré[e]s à l’article 16, paragraphe 1, point a) ».

8.        L’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2007/64, intitulé « Contrôle », dispose que les « [l]es États membres veillent à ce que les contrôles exercés par les autorités compétentes aux fins de vérifier le respect constant des dispositions du présent titre soient proportionnés, adéquats et adaptés aux risques auxquels les établissements de paiement sont exposés ». Le second alinéa de ce paragraphe dispose que « [p]our vérifier le respect des dispositions du [titre II] », lesdites autorités compétentes sont habilitées à prendre certaines mesures spécifiques.

9.        L’article 21, paragraphe 2, de la directive 2007/64 confère aux autorités compétentes susmentionnées un pouvoir de sanction. Il dispose : « Sans préjudice des procédures de retrait de l’agrément et des dispositions de droit pénal, les États membres prévoient que leurs autorités compétentes respectives peuvent prononcer des sanctions contre les établissements de paiement, ou les personnes contrôlant effectivement l’activité des établissements de paiement, qui enfreignent les dispositions législatives, réglementaires ou administratives en matière de contrôle ou d’exercice de leur activité de services de paiement, ou prendre à leur égard des mesures dont l’application vise spécifiquement à mettre fin aux infractions constatées ou aux causes de celles‑ci ».

10.      Le titre IV de la directive 2007/64, intitulé « Droits et obligations liés à la prestation et à l’utilisation de services de paiement » contient les articles 51 à 83. Le premier article de ce chapitre, à savoir l’article 51, en détermine le champ d’application et dispose, en son paragraphe 1, que « [l]orsque l’utilisateur de services de paiement n’est pas un consommateur, les parties peuvent décider que l’article […] 75 ne [s’applique] pas ».

11.      L’article 75 de la directive 2007/64, qui relève également du chapitre IV, énonce les règles régissant les cas d’inexécution ou de mauvaise exécution d’une opération de paiement. Cet article dispose :

« 1. Lorsqu’un ordre de paiement est initié par le payeur, son prestataire de services de paiement est […] responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard du payeur, à moins qu’il ne puisse démontrer au payeur et, le cas échéant, au prestataire de services de paiement du bénéficiaire que le prestataire de services de paiement du bénéficiaire a reçu le montant de l’opération de paiement […] auquel cas c’est le prestataire de services de paiement du bénéficiaire qui est responsable de la bonne exécution de l’opération de paiement à l’égard du bénéficiaire.

Lorsque le prestataire de services de paiement du payeur est responsable au titre du premier alinéa, il restitue sans tarder au payeur le montant de l’opération de paiement non exécutée ou mal exécutée et, si besoin est, rétablit le compte de paiement débité dans la situation qui aurait prévalu si la mauvaise opération de paiement n’avait pas eu lieu.

Lorsque le prestataire de services de paiement du bénéficiaire est responsable au titre du premier alinéa, il met immédiatement le montant de l’opération de paiement à la disposition du bénéficiaire et, si besoin est, crédite le compte de paiement du bénéficiaire du montant correspondant.

[…]

2. […]

Dans le cas d’une opération de paiement non exécutée ou mal exécutée pour laquelle le prestataire de services de paiement du bénéficiaire n’est pas responsable au titre des premier et deuxième alinéas, c’est le prestataire de services de paiement du payeur qui est responsable à l’égard du payeur. Le prestataire de services de paiement du payeur dont la responsabilité est ainsi engagée restitue au payeur, si besoin est et sans tarder, le montant de l’opération de paiement non exécutée ou mal exécutée et rétablit le compte de paiement débité dans la situation qui aurait prévalu si la mauvaise opération de paiement n’avait pas eu lieu ».

12.      Le titre IV de la directive 2007/64 contient, en son chapitre 5, des dispositions relatives aux procédures de réclamation (section I, articles 80 à 82), ainsi que des dispositions relatives aux procédures extrajudiciaires (section II, article 83).

13.      L’article 80 de la directive 2007/64, intitulé « Réclamations », dispose :

« 1. Les États membres veillent à la mise en place de procédures permettant aux utilisateurs de services de paiement et aux autres parties intéressées, y compris les associations de consommateurs, de soumettre des réclamations aux autorités compétentes en cas de violation alléguée, par des prestataires de services de paiement, des dispositions de droit national mettant en œuvre les dispositions de la présente directive.

2. Le cas échéant et sans préjudice du droit de recours devant une juridiction prévu par le droit procédural national, la réponse des autorités compétentes informe le réclamant de l’existence des procédures de réclamation et de recours extrajudiciaires instituées conformément à l’article 83. »

14.      L’article 81 de la directive 2007/64, intitulé « Sanctions », dispose :

« 1. Les États membres arrêtent les règles relatives aux sanctions applicables aux violations des dispositions de droit national adoptées conformément à la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer leur mise en œuvre. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des règles et mesures visées au paragraphe 1 et l’information sur les autorités compétentes visées à l’article 82, au plus tard le 1er novembre 2009, et lui communiquent immédiatement toute modification apportée par la suite auxdites dispositions. »

15.      L’article 82 de la directive 2007/64, intitulé « Autorités compétentes », dispose :

« 1. Les États membres prennent toute mesure nécessaire pour garantir que les procédures de réclamation et les sanctions respectivement prévues à l’article 80, paragraphe 1, et à l’article 81, paragraphe 1, relèvent de la compétence des autorités chargées de veiller au respect des dispositions de droit national adoptées conformément aux exigences fixées dans la présente section.

2. En cas de violation ou de violation supposée des dispositions de droit national adoptées conformément aux titres III et IV, les autorités compétentes visées au paragraphe 1 sont celles de l’État membre d’origine du prestataire de services de paiement, sous réserve que, pour les agents et succursales agissant en vertu du droit d’établissement, les autorités compétentes sont celles de l’État membre d’accueil. »

16.      L’article 83, paragraphe 1, de la directive 2007/64, qui est l’unique article de la section 2 du chapitre 5 du titre IV relative aux procédures extrajudiciaires dispose :

« Les États membres veillent à ce que soient mises en place des procédures appropriées et efficaces de réclamation et de recours aux fins du règlement des litiges opposant les utilisateurs de services de paiement à leurs prestataires de services de paiement quant aux droits et obligations résultant de la présente directive, en recourant, le cas échéant, aux entités existantes. »

17.      L’article 86, paragraphe 1, de la directive 2007/64, intitulé « Harmonisation totale », dispose que, sans préjudice de certaines exceptions qui ne sont pas pertinentes en l’espèce, « dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent maintenir en vigueur ni introduire des dispositions différentes de celles contenues dans la présente directive ».

B.      Le droit letton

18.      Dans le droit letton, c’est le Maksājumu pakalpojumu un elektroniskās naudas likums (loi sur les services de paiement et sur la monnaie électronique, ci‑après la « loi sur les services de paiement ») qui contient les règles relatives aux services de paiement.

19.      L’article 2, paragraphe 3, de cette loi dispose que « [l]es articles […] 99 […] et 104 de la présente loi s’appliquent aux prestataires de services de paiement qui fournissent des services de paiement en Lettonie lorsque tant le prestataire de services de paiement du payeur que celui du bénéficiaire sont situés dans un État membre et fournissent des services de paiement en euros ou dans la devise d’un État membre ».

20.      L’article 99 de la loi sur les services de paiement transpose l’article 75 de la directive 2007/64 dans le droit letton. Le paragraphe 9 de cet article dispose que « [e]n cas d’inexécution ou d’exécution erronée du paiement et si le prestataire de services de paiement du bénéficiaire n’est pas responsable conformément au présent article, le prestataire de services de paiement du payeur est responsable vis-à-vis du payeur ».

21.      L’article 105 de la loi sur les services de paiement met en œuvre les articles 80 à 82 de la directive 2007/64 et, en son paragraphe 2, confère à la Commission des marchés financiers la compétence pour connaître des réclamations, introduites par les utilisateurs de services de paiement qui n’ont pas la qualité de consommateur et portant sur les violations des dispositions de ladite loi (7) et, en son paragraphe 5, le pouvoir de sanctionner les prestataires de services de paiement dans ce cadre.

II.    Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

22.      Le 16 novembre 2011, la société « Forcing Development Limited » (ci‑après la « cliente ») a transmis à la banque AS « PrivatBank » (ci‑après la « banque requérante ») un ordre de paiement d’un montant de 394 138,12 dollars des États‑Unis (USD) (ci‑après l’« ordre de paiement ») de son compte ouvert auprès de la banque requérante vers le compte d’un tiers ouvert auprès de la banque lituanienne « Snoras Bank » (ci‑après la « banque lituanienne »).

23.      Le même jour, à 15 h 24, la banque requérante a débité le compte de sa cliente d’un montant de 394 138,12 USD, et a transmis l’ordre de paiement à la banque lituanienne dans le cadre du système SWIFT. Elle a transféré les fonds vers son compte correspondant auprès de la banque lituanienne, afin qu’ils soient crédités sur le compte du bénéficiaire. Toutefois, bien que reçu à 15 h 24, l’ordre de paiement n’a pas été exécuté immédiatement, en raison du solde insuffisant du compte correspondant de la banque requérante.

24.      Ce même jour, la Banque centrale lituanienne a imposé à la banque lituanienne un moratoire, notifié à cette dernière à 15 h 08, lui interdisant de fournir tout service financier. À 16 h 20, la banque lituanienne a crédité le compte correspondant de la banque requérante. Or, les opérations de paiement n’étant plus possibles en raison du moratoire, ces fonds sont demeurés sur le compte en question et le paiement au tiers n’a pas pu être exécuté.

25.      La banque requérante a rejeté la demande de la cliente de reverser sur le compte de celle‑ci les fonds restés bloqués sur son compte correspondant auprès de la banque lituanienne en conséquence de l’inexécution de l’ordre de paiement.

26.      Face à ce refus, la cliente a saisi la Commission des marchés financiers d’une réclamation.

27.      Par décision du 4 juillet 2013, confirmée le 17 octobre 2013 (ci‑après la « décision litigieuse »), la Commission des marchés financiers a constaté que, conformément à l’article 99, paragraphe 9, de la loi sur les services de paiement, la banque requérante était responsable de l’exécution de l’ordre de paiement de sa cliente, elle a donné instruction à la banque requérante d’évaluer la nécessité d’apporter des modifications à son système et à ses procédures de contrôle interne et elle lui a infligé une amende d’un montant équivalent à environ 140 000 euros.

28.      En novembre 2013, la cliente, invoquant le contrat de compte courant, a saisi un tribunal arbitral afin d’obtenir que la banque requérante lui restitue le montant en cause. Cette demande a toutefois été rejetée par sentence arbitrale du 4 février 2014, au motif que la banque requérante avait satisfait aux obligations lui incombant en vertu des dispositions légales.

29.      Entretemps, la banque requérante a saisi l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) d’un recours en annulation de la décision litigieuse et en indemnisation de son préjudice matériel. Elle a fait valoir que la banque lituanienne, qui avait crédité les fonds sur le compte correspondant après l’annonce du moratoire, devait être considérée comme responsable de l’inexécution du paiement. Elle a en outre soutenu qu’il était impossible de prévoir de telles situations dans les procédures de contrôle interne.

30.      Par arrêt du 5 août 2015, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a rejeté le recours de la banque requérante et confirmé la décision litigieuse. Cette juridiction a estimé que la banque requérante devait être tenue pour responsable de l’inexécution de l’ordre de paiement en vertu de l’article 99, paragraphe 9, de la loi sur les services de paiement. Elle a considéré que l’ordre de paiement n’avait pas été exécuté en temps utile, à savoir avant l’application du moratoire, précisément en raison du solde insuffisant du compte correspondant auprès de la banque lituanienne. Cette dernière ne pouvait en revanche pas être considérée comme responsable de l’inexécution de l’ordre de paiement dès lors qu’elle n’avait pas reçu les fonds aux fins de l’exécution de cet ordre.

31.      La banque requérante s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt susmentionné. Elle fait valoir que la juridiction de première instance a excédé les limites de sa compétence en statuant sur un litige civil portant sur les relations entre l’établissement de crédit et sa cliente, sans tenir compte de la sentence du tribunal arbitral qui avait déjà tranché ce litige. Le tribunal arbitral ayant considéré que l’inexécution du paiement n’était pas imputable à la banque requérante, la Commission des marchés financiers n’aurait pas été fondée à appliquer des sanctions. Selon la banque requérante, l’article 99 de la loi sur les services de paiement ne serait pas applicable au cas d’espèce, dans la mesure où la devise de ce paiement n’était ni l’euro ni la devise officielle d’un État membre et où les parties étaient convenues par contrat privé du régime de responsabilité applicable à de tels paiements.

32.      Dans ce cadre, nourrissant des doutes quant à la compatibilité de ces dispositions de la loi sur les services de paiement avec la directive 2007/64, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes :

« [1]      Une réglementation nationale qui habilite la Commission des marchés [financiers] à examiner également les réclamations d’utilisateurs de services de paiement qui n’ont pas été fournis en euros ou dans la devise nationale d’un État membre et, partant, à constater des infractions à la [loi sur les services de paiement] et à infliger des sanctions, est-elle conforme à l’article 2, paragraphe 2, de la [directive 2007/64] ?

[2]      L’article 20, paragraphes 1 et 5, et l’article 21, paragraphe 2, de la [directive 2007/64] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils prévoient que les autorités compétentes effectuent un contrôle et appliquent des sanctions également s’agissant de services de paiement non fournis en euros ou dans une autre devise officielle d’un État ne relevant pas de la zone euro ?

[3]      En cas de nécessité aux fins de la mise en œuvre de la fonction de contrôle visée aux articles 20 et 21 de la [directive 2007/64] ou de la procédure de réclamation visée aux articles 80 à 82 de la [directive 2007/64], l’autorité compétente est-elle habilitée à régler les litiges opposant le payeur et le prestataire de services de paiement résultant des relations juridiques visées à l’article 75 de la [directive 2007/64] en déterminant le responsable de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’une opération ?

[4]      Dans la mise en œuvre de la fonction de contrôle visée aux articles 20 et 21 de la [directive 2007/64] ou de la procédure de réclamation visée aux articles 80 à 82 de la [directive 2007/64], l’autorité compétente doit-elle tenir compte d’une sentence arbitrale statuant sur un litige opposant un fournisseur de services de paiement à un utilisateur de tels services ? »


III. Analyse juridique

A.      Sur la première question préjudicielle

33.      Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2007/64 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui habilite l’autorité désignée au sens de l’article 82 de la directive 2007/64 et compétente pour examiner les réclamations relatives à des violations alléguées, par des prestataires de services de paiement, des dispositions du droit national mettant en œuvre cette directive, à examiner également des réclamations et, partant, à constater des infractions et à infliger des sanctions, concernant des services de paiement qui n’ont pas été fournis en euros ni dans la devise nationale d’un État membre.

34.      La juridiction de renvoi relève que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2007/64, le titre IV de celle‑ci, dans lequel figurent les articles 80 à 82 relatifs aux procédures de réclamation, s’applique exclusivement aux services de paiement fournis en euros ou dans la devise d’un État membre en dehors de la zone euro. Elle indique toutefois également que la loi sur les services de paiement (8) habilite l’autorité compétente chargée de l’examen de telles réclamations, à savoir la Commission des marchés financiers, à examiner également les réclamations relatives à des services de paiement fournis dans une devise autre que l’euro ou la devise d’un État membre en dehors de la zone euro, telle que, comme dans le litige au principal, le dollar des États‑Unis (USD).

35.      La juridiction de renvoi nourrit ainsi des doutes quant à la compatibilité des dispositions pertinentes du droit letton avec l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2007/64, y compris au regard de l’article 86, paragraphe 1, de cette directive en vertu duquel les États membres sont tenus de procéder à l’harmonisation totale de leur législation nationale avec la directive en question.

36.      À cet égard, il convient de relever que, avec la directive 2007/64, le législateur de l’Union a adopté des dispositions concernant la transparence des conditions et exigences en matière d’informations régissant les services de paiement (titre III) et les droits et obligations liés à la prestation et à l’utilisation de services de paiement (titre IV). En vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2007/64, ces dispositions étaient applicables uniquement aux services de paiement fournis en euros ou dans la devise d’un État membre en dehors de la zone euro. En adoptant la directive 2007/64, le législateur de l’Union n’a donc pas réglementé les aspects susmentionnés des services de paiement fournis dans des devises autres que la devise officielle d’un État membre.

37.      Il en résulte que, dès lors qu’il s’agit là d’un domaine de compétence partagée, conformément à l’article 2, paragraphe 2, TFUE (9), dans la mesure où l’Union n’avait pas exercé sa compétence législative pour réglementer le domaine des services de paiement fournis dans des devises autres que l’euro ou la devise d’un État membre en dehors de la zone euro, lorsque la directive 2007/64 était encore en vigueur, les États membres demeuraient libres de définir le régime juridique applicable à de tels services de paiement en exerçant leur compétence, dans le respect du droit de l’Union, en adoptant des dispositions de droit national (10).

38.      Par conséquent, lorsque la directive 2007/64 était en vigueur, rien n’empêchait un État membre d’étendre aux services de paiement fournis dans une devise autre que l’euro ou la devise d’un État membre en dehors de la zone euro la réglementation de droit de l’Union, et tout particulièrement la réglementation prévue par la directive 2007/64 relative aux services de paiement fournis en euros ou dans la devise d’un État membre en dehors de la zone euro (11).

39.      Le fait que, en vertu de l’article 86 de la directive 2007/64, celle‑ci prévoie une harmonisation totale n’a aucune incidence sur les constatations retenues aux deux points précédents. En effet, l’interdiction de maintenir en vigueur ou d’introduire des dispositions différentes de celles contenues dans la directive 2007/64 énoncée dans cet article ne concernait que le champ d’application de ladite directive et ne pouvait dès lors pas s’appliquer à des services de paiement ne relevant pas dudit champ d’application.

40.      Il convient toutefois de relever que la directive 2015/2366 a modifié la disposition relative au champ d’application des titres III et IV, en l’étendant, dans certaines conditions, aux services de paiement dans une devise qui n’est pas celle d’un État membre (12).

41.      Eu égard à ce qui précède, je propose d’apporter la réponse suivante à la première question préjudicielle : l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2007/64 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui habilite l’autorité compétente, au sens des articles 80 à 82 de la directive 2007/64, pour examiner les réclamations relatives à des violations alléguées, par des prestataires de services de paiement, des dispositions du droit national mettant en œuvre cette directive, à examiner également des réclamations et, partant, à constater des infractions et à infliger des sanctions, concernant des services de paiement qui n’ont pas été fournis en euros ni dans la devise nationale d’un État membre.

B.      Sur la deuxième question préjudicielle

42.      Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 20, paragraphes 1 et 5, et 21, paragraphe 2, de la directive 2007/64 doivent être interprétés en ce sens qu’ils prévoient que l’autorité compétente responsable de l’agrément et du contrôle des établissements de paiement au sens de ces dispositions, effectue un contrôle et applique des sanctions également s’agissant de services de paiement qui ne sont pas fournis en euros ni dans la devise nationale d’un État membre en dehors de la zone euro.

43.      La juridiction de renvoi relève que les articles 20 et 21 de la directive 2007/64 imposent aux États membres l’obligation d’assurer le contrôle des établissements de paiement. Elle indique qu’il semble ressortir de la référence au « présent titre », à savoir le titre II de cette même directive, figurant à l’article 20, paragraphes 1 et 3, et à l’article 21, paragraphe 1, de ladite directive, que les pouvoirs de contrôle et de sanction des autorités compétentes, au sens de ces articles, ne portent que sur les questions relevant de ce titre II, parmi lesquelles figurent, par exemple, le respect des dispositions en matière d’agrément ou de fonds propres. Il découlerait toutefois, selon la juridiction de renvoi, de l’article 20, paragraphe 5, de la directive 2007/64 que ces autorités doivent également contrôler la fourniture de services de paiement et qu’elles pourraient dès lors également effectuer un contrôle et infliger des sanctions en cas de violation des dispositions du droit national qui mettent en œuvre les dispositions des titres III et IV de la directive 2007/64.

44.      Dans ce cas, comme l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2007/64 pour les titres III et IV de cette même directive ne s’applique pas au titre II, il conviendrait, selon la juridiction de renvoi de préciser si l’article 20, paragraphes 1 et 5, et l’article 21, paragraphe 2, de ladite directive doivent être interprétés en ce sens que l’autorité nationale peut conserver sa fonction de contrôle et le droit d’appliquer des sanctions en cas d’infraction à la législation nationale transposant les dispositions des titres III et IV de la directive 2007/64 lorsque les services de paiement n’ont pas été fournis en euros ni dans la devise nationale d’un État membre.

45.      À cet égard, je considère, à titre principal, que les dispositions du droit de l’Union qui sont invoquées dans la deuxième question préjudicielle ne sont pas applicables dans l’affaire au principal et que cette question devrait dès lors être déclarée irrecevable.

46.      En effet, il ressort tant de la teneur des articles 20 et 21 de la directive 2007/64 que de leur place dans la structure de cette dernière – section 3 du chapitre 1er (« Établissements de paiement ») du titre II – que les mesures que prévoient ces articles s’appliquent exclusivement aux établissements de paiement tels que définis à l’article 4, point 4, de la même directive (13).

47.      À ce propos, comme le soulignent le gouvernement de la République tchèque et, indirectement, la Commission européenne dans les observations qu’ils ont présentées à la Cour, il ressort de différents éléments de la décision de renvoi et du dossier de la Cour que les prestataires de services de paiement en cause au principal doivent être qualifiés d’« établissements de crédit » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la directive 2007/64 et non d’« établissements de paiement » au sens de ce même article, paragraphe 1, sous d).

48.      Plus précisément, il est explicitement affirmé dans la décision de renvoi que la banque requérante est un établissement de crédit et que la décision litigieuse a, de ce fait, été adoptée en application de l’article 113 de la loi lettone sur les établissements de crédit. La même décision de renvoi fait également référence à diverses reprises aux obligations incombant à la banque requérante en sa qualité d’établissement de crédit.

49.      Dans ces conditions, je suis d’avis qu’il y a lieu de constater que les articles 20 et 21 de la directive 2007/64 ne sont pas applicables, ratione personae, au litige pendant devant la juridiction de renvoi et qu’ils ne sont donc pas pertinents dans la présente affaire (14). Il convient donc, selon moi, de déclarer la deuxième question préjudicielle irrecevable.

50.      À titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la deuxième préjudicielle n’est pas irrecevable, j’estime que les considérations suivantes seraient pertinentes quant au fond.

51.      Il convient de relever, comme l’a souligné la juridiction de renvoi, qu’il ressort du libellé tant de l’article 20, paragraphe 1 que de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2007/64 que les autorités compétentes visées à la section 3 du chapitre 1 du titre II de cette même directive sont chargées des procédures d’agrément et du contrôle prudentiel des établissements de paiement au regard des exigences prévues par ce titre II dont elles doivent vérifier le respect constant.

52.      À cet égard, j’observe que, puisque le titre II de la directive 2007/64 ne relève pas du champ d’application de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, de la même directive, il ne fait aucun doute que les dispositions de la section 3 du chapitre 1er du titre II de ladite directive (c’est‑à‑dire les articles 20 à 23) s’appliquent à tous les établissements de paiement qui relèvent du pouvoir de contrôle des autorités compétentes, indépendamment de la devise dans laquelle ces établissements fournissent des services de paiement, qu’il s’agisse de l’euro, de la devise nationale d’un État membre en dehors de la zone euro ou de toute autre devise.

53.      La juridiction de renvoi estime par ailleurs que les autorités compétentes, désignées au titre de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2007/64, peuvent également exercer des fonctions de contrôle et disposent également d’un pouvoir de sanction en ce qui concerne les infractions aux règles du droit interne qui mettent en œuvre les dispositions des titres III et IV de cette directive. Comme il a déjà été observé, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la même directive, ces titres s’appliquent exclusivement aux services de paiement fournis en euro ou dans la devise nationale d’un État membre en dehors de la zone euro. C’est sur la base de cette prémisse que la juridiction de renvoi demande si ces autorités peuvent également exercer ces pouvoirs à l’égard de services de paiement fournis dans d’autres devises que celle d’un État membre.

54.      Cependant, ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans ses observations, il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les pouvoirs d’agrément et de contrôle prudentiel des établissements de paiement au regard des exigences prévues au titre II de la directive 2007/64 et, d’autre part, le respect des exigences des titres III et IV de la même directive.

55.      À l’instar de la Commission européenne, je considère que les articles 20 et 21 de la directive 2007/64 n’habilitent pas les autorités compétentes chargées de l’agrément et du contrôle prudentiel des établissements de paiement, que ces articles prévoient, à vérifier également que ces établissements respectent les règles nationales mettant en œuvre les dispositions des titres III et IV de la directive 2007/64 ni, le cas échéant, à en sanctionner les violations.

56.      À cet égard, la juridiction de renvoi fait référence à l’article 20, paragraphe 5, de la directive 2007/64. J’estime toutefois que cette disposition ne saurait fonder l’attribution de ces compétences aux autorités susmentionnées. Le paragraphe 5 se contente en effet de prévoir que le paragraphe 1 du même article n’implique pas que les autorités compétentes soient tenues de contrôler les activités commerciales des établissements de paiement autres que la prestation de services de paiements et que les activités énumérées à l’article 16, paragraphe 1, point a), de la directive 2007/64 (15) que ces établissements sont autorisés à exercer. Cette disposition fixe donc les limites du contrôle prudentiel exercé par les autorités désignées au sens de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2007/64 et ne constitue pas la base d’une extension de ce pouvoir au-delà du contrôle du respect des exigences prévues par le titre II de la même directive et de la sanction de leurs violations éventuelles.

57.      À cet égard, je rappellerai aussi que la Cour a déjà eu l’occasion de déclarer que les autorités compétentes visées aux articles 20 et 21 de la directive 2007/64 sont chargées d’une mission de surveillance des établissements de paiement « afin de contrôler le respect des dispositions du titre II » de cette directive (16).

58.      Certes, si l’autorité désignée, au sens de l’article 20, paragraphe 1, de la directive 2007/64, pour l’agrément et le contrôle prudentiel des établissements de paiement correspond à celle désignée par l’État membre, au titre de l’article 82, paragraphe 1, de la même directive (17), pour examiner les réclamations relatives aux violations, par les prestataires de services de paiement, des dispositions de droit interne mettant en œuvre la même directive, cette autorité sera compétente à la fois pour exercer les pouvoirs de contrôle prudentiel et de sanction au regard du respect par les établissements de paiement des exigences prévues au titre II de la directive 2007/64 et pour constater et sanctionner les violations, par les prestataires de services de paiement, des dispositions du droit interne qui mettent en œuvre les titres III et IV de cette même directive.

59.      Au vu des considérations qui précèdent je considère, à titre principal, que la deuxième question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi est irrecevable. À titre subsidiaire, je propose à la Cour de répondre à cette question que l’article 20, paragraphes 1 et 5, et l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2007/64 doivent être interprétés en ce sens que l’autorité compétente désignée au titre de l’article 20, paragraphe 1, de la même directive effectue un contrôle et applique des sanctions exclusivement concernant le respect des exigences prévues au titre II de ladite directive à l’égard de tous les établissements de paiement qui relèvent de son champ d’application, indépendamment de la devise dans laquelle ces derniers fournissent les services de paiement.

C.      Sur la troisième question préjudicielle

60.      Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour si, aux fins de la mise en œuvre de la fonction de contrôle visée aux articles 20 et 21 de la directive 2007/64 ou du traitement des réclamations visées aux articles 80 à 82 de la même directive, l’autorité compétente peut régler des litiges opposant le payeur et le prestataire de services de paiement et résultant des relations juridiques visées à l’article 75 de ladite directive en déterminant le responsable de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de l’opération.

61.      La juridiction de renvoi considère que si la Cour juge que l’autorité compétente peut examiner les réclamations ou contrôler les services de paiement qui ne sont pas effectués en euros ni dans une autre devise d’un d’État membre, il sera nécessaire de préciser les limites des compétences de cette autorité aux fins de l’application de l’article 75 de la directive 2007/64.

62.      La juridiction de renvoi indique que cette règle régit les relations juridiques réciproques entre le payeur, le bénéficiaire, le prestataire de services de paiement du payeur et le prestataire de services de paiement du bénéficiaire et les limites de leur responsabilité. Elle considère qu’il découle de la nature de cet article que les personnes impliquées dans l’exécution d’un paiement peuvent parvenir au règlement d’une situation déterminée d’un commun accord ou, à défaut, dans le cadre d’une procédure de règlement des litiges impliquant l’ensemble des parties intéressées, dans le cadre de laquelle il est établi, à la lumière de toutes les circonstances factuelles et juridiques de l’affaire, quelle est, parmi les personnes impliquées dans l’opération de paiement, la personne responsable de l’inexécution de ce dernier. C’est l’article 83 de la directive 2007/64, concernant les recours extrajudiciaires, qui prévoit les modalités de règlement des litiges possibles.

63.      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi estime qu’il est nécessaire de clarifier la relation entre, d’une part, lesdites modalités de règlement des litiges prévues à l’article 83 de la directive 2007/64 et, d’autre part, les procédures de réclamation prévues aux articles 80 à 82 de la même directive et l’exercice de la mission de contrôle prévue aux articles 20 et 21 de ladite directive.

1.      Sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la troisième question préjudicielle

64.      La troisième question préjudicielle concerne l’interprétation des articles 20, 21, 75 et 80 à 83 de la directive 2007/64.

65.      En premier lieu, dans la mesure où la troisième question préjudicielle fait référence aux articles 20 et 21 de la directive 2007/64, je considère, pour les raisons déjà exposées aux points 45 à 49 des présentes conclusions, qu’elle doit être déclarée irrecevable (18).

66.      En second lieu, pour ce qui concerne l’interprétation des articles 75 et 80 à 83 de la directive 2007/64, il convient de remarquer que ces articles relèvent tous du titre IV de cette directive. Comme je l’ai déjà indiqué à diverses reprises, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de ladite directive, ce titre ne s’applique pas aux services de paiement fournis dans une autre devise que l’euro ou la devise nationale d’un État membre en dehors la zone euro.

67.      Par conséquent, lorsqu’il a adopté la directive 2007/64, le législateur de l’Union n’a pas envisagé l’application des dispositions en cause aux services de paiement effectués, comme celui en cause dans la procédure au principal, en dollars des États‑Unis (USD).

68.      Les dispositions du droit de l’Union n’étant pas applicables aux faits du litige au principal, la question de la compétence de la Cour pour répondre à la troisième question préjudicielle se pose.

69.      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que celle‑ci est compétente pour statuer sur une demande de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union, dans des situations dans lesquelles, même si les faits au principal ne relèvent pas directement du champ d’application de ce droit, les dispositions dudit droit ont été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles‑ci (19).

70.      En effet, dans de telles situations, il existe un intérêt certain de l’Union européenne à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (20).

71.      Ainsi, une interprétation par la Cour de dispositions du droit de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celles‑ci se justifie lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application desdites dispositions (21).

72.      En l’espèce, la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter le droit national dans le cadre du système de coopération judiciaire établi à l’article 267 TFUE (22), a précisé que les dispositions de la directive 2007/64 mentionnées dans la troisième question préjudicielle ont été rendues applicables par le droit letton à des situations telles que celle en cause dans le litige au principal qui ne relèvent pas du champ d’application de cette directive (23).

73.      Plus précisément, la juridiction de renvoi a relevé que l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 3, de la loi lettone sur les services de paiement, qui limite le champ d’application de plusieurs dispositions de cette loi aux seuls services de paiement fournis en euros ou dans la devise nationale d’un État membre, ne s’applique pas aux articles 105 à 107 de la même loi, lesquels mettent en œuvre les articles 80 à 83 de la directive 2007/64. Elle en a déduit que les réclamations relatives, entre autres, aux violations de l’article 99 de la loi sur les services de paiement qui transpose en droit letton l’article 75 de la directive 2007/64 peuvent également porter sur des services de paiement fournis dans une devise qui n’est pas celle d’un État membre, comme le service de paiement en cause dans le litige au principal qui a été fourni en dollars des États‑Unis (USD).

74.      Au vu des considérations qui précèdent, j’estime que dans la présente affaire, il existe un intérêt certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme (24).

75.      J’estime dès lors que la Cour est compétente pour répondre à la troisième question préjudicielle.

2.      Sur le fond de la troisième question préjudicielle

76.      Sur le fond, il convient, en premier lieu, comme l’a demandé la juridiction de renvoi, de clarifier la relation entre, d’une part, les procédures de réclamation prévues aux articles 80 à 82 de la directive 2007/64 et, d’autre part, les procédures de recours extrajudiciaires prévues à l’article 83 de la même directive, et ceci afin de déterminer si une autorité compétente pour connaître des réclamations en vertu de l’article 82 de la directive 2007/64 peut ou non régler des litiges entre particuliers en appliquant l’article 75 de la même directive.

77.      À cet égard, il faut remarquer que, comme l’ont justement relevé la Commission européenne et le gouvernement de la République tchèque, les procédures de réclamation prévues aux articles 80 à 82 de la directive 2007/64 et les procédures de recours extrajudiciaires de l’article 83 de la même directive poursuivent des objectifs différents.

78.      Les premières, comme il ressort du libellé des dispositions en question ainsi que du considérant 50 de la directive 2007/64, ont pour objet le traitement des réclamations soumises à l’autorité compétente. Ce traitement implique que l’autorité constate que le prestataire de services de paiement concerné a, ou n’a pas, enfreint les dispositions du droit interne transposant la directive 2007/64 et, le cas échéant, applique des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives pour les violations qu’elle aurait constatées.

79.      L’objectif des procédures de réclamation est donc d’assurer que les dispositions nationales susmentionnées soient effectivement respectées par les prestataires de services de paiement. Ces procédures n’ont, en revanche, pas pour objectif de résoudre les différends entre les personnes concernées par la fourniture de ces services, ni d’établir la responsabilité civile pour le préjudice subi, ni d’imposer des solutions pour remédier à la situation résultant de l’infraction.

80.      Ces dernières questions sont en revanche traitées par les instances judiciaires nationales compétentes éventuellement saisies ou par les entités chargées du règlement extrajudiciaire des litiges en vertu de l’article 83 de la directive 2007/64.

81.      Il découle de ce qui précède que l’autorité chargée, au titre de l’article 82 de la directive 2007/64, d’examiner les réclamations ne peut pas régler les litiges entre particuliers dans le cadre des procédures de réclamation, sauf si l’État membre concerné lui a également attribué le rôle d’instance compétente en matière de procédure de recours extrajudiciaire en vertu de l’article 83 de la même directive. Cette possibilité est expressément envisagée au considérant 52 de ladite directive.

82.      Ceci étant précisé, la troisième question préjudicielle suppose, en deuxième lieu, de déterminer la portée des procédures de réclamation prévues aux articles 80 à 82 de la directive 2007/64 et, plus précisément, d’examiner si, dans le cadre de ces procédures, l’autorité compétente peut ou non appliquer l’article 75 de la même directive qui permet d’établir la responsabilité de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’un ordre de paiement.

83.      À cet égard, comme il a été dit au point 78 des présentes conclusions, les autorités compétentes pour le traitement des réclamations doivent constater la violation, ou la non‑violation, par le prestataire de services de paiement en cause, des dispositions du droit interne qui mettent en œuvre la directive 2007/64.

84.      Les prestataires de services de paiement sont tenus de respecter la règlementation nationale et sont soumis au contrôle des autorités compétentes qui s’assurent de ce respect. Il convient de relever, à cet égard, que les articles 80 et 81 de la directive 2007/64 ne prévoient pas d’exception qui exclurait certaines dispositions de cette directive du contrôle exercé par les autorités compétentes. Au contraire, il est prévu, de manière explicite, au paragraphe 2 de l’article 82 de cette même directive, que ces autorités sont compétentes en cas de violation de la législation nationale adoptée conformément, notamment, au titre IV de la directive 2007/64, dans lequel figure l’article 75 de celle‑ci.

85.      À mon avis, il découle des considérations qui précèdent que, lorsqu’une réclamation portant sur l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un ordre de paiement lui est soumise, l’autorité compétente peut, en application de la disposition nationale transposant l’article 75 de la directive 2007/64, vérifier le bien-fondé de cette réclamation et, le cas échéant, déterminer le responsable de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de l’ordre de paiement. Toute autre interprétation priverait, sans aucun fondement juridique, cette autorité de compétences que lui attribue expressément la directive 2007/64.

86.      Il convient toutefois, en troisième lieu, de relever qu’aux termes de l’article 51, paragraphe 1, de la directive 2007/64, qui définit le champ d’application du titre IV de cette directive, lorsque l’utilisateur des services de paiement n’est pas un consommateur, les parties peuvent convenir que certains articles de cette même directive, parmi lesquels figure l’article 75, ne s’appliquent pas, en tout ou en partie.

87.      La logique de cette disposition est exposée au considérant 20 de la directive 2007/64, selon lequel « [l]es consommateurs et les entreprises ne se trouvant pas dans la même situation, ils ne requièrent pas un niveau de protection identique. Alors qu’il importe de garantir les droits des consommateurs au moyen de dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par contrat, il est judicieux de laisser les entreprises et les organisations en décider autrement ».

88.      Dès lors, lorsque l’utilisateur des services de paiement est un consommateur, l’autorité chargée d’examiner les réclamations est toujours compétente pour contrôler le bien-fondé d’une réclamation relative à l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un ordre de paiement en application de la règlementation nationale mettant en œuvre l’article 75 de la directive 2007/64. Toutefois, lorsque l’utilisateur n’est pas un consommateur et que l’applicabilité de cet article est exclue par contrat, les critères prévus par cette disposition ne seront pas applicables, en tout ou en partie, selon l’accord conclu par les parties.

89.      Sur la base des informations figurant dans le dossier de la Cour, il semblerait que telle soit la situation dans la procédure pendante devant la juridiction de renvoi, dans laquelle les parties ont conclu un contrat de gestion du compte-courant qui prévoit des règles particulières en matière de responsabilité du fait de l’inexécution ou de la mauvaise exécution des ordres de paiement.

90.      À cet égard, il convient toutefois de souligner que dans ses observations, le gouvernement letton a soutenu qu’avec les clauses contractuelles insérées dans le contrat de compte-courant conclu entre la cliente et la banque requérante, cette dernière ne se serait pas limitée à déroger aux dispositions de la directive 2007/64, mais aurait créé un régime contractuel qui, outre le fait qu’il serait contraire aux dispositions nationales fondamentales relatives à l’activité des établissements de crédit, serait également totalement contraire aux principes fondateurs de la directive 2007/64, en ce qu’il ferait peser les conséquences négatives de l’inexécution ou de la mauvaise exécution des ordres de paiement exclusivement sur le client.

91.      Il n’appartient évidemment pas à la Cour, mais à la juridiction de renvoi, de vérifier si les clauses contractuelles conclues par les parties sont conformes à la législation nationale. Toutefois, à ce propos, il y a lieu de relever que le bon fonctionnement et l’efficacité des systèmes de paiement et donc, de manière plus générale, le bon fonctionnement du marché unique des services de paiement auquel tend la directive (25), dépendent de la confiance que peut avoir l’utilisateur dans le fait que le prestataire de services de paiement, qui est en général en mesure d’apprécier les risques inhérents à l’opération de paiement, va exécuter cette opération correctement et dans le délai convenu (26).

92.      Au-delà de la situation des consommateurs, qui requièrent un niveau de protection plus élevé, pour ce qui concerne les relations entre les prestataires de services de paiement et d’autres personnes, la directive 2007/64 s’efforce de trouver un équilibre entre l’objectif d’assurer le bon fonctionnement du marché unique des services de paiement et le respect de l’autonomie contractuelle des personnes concernées (27). C’est dans cette optique qu’il convient selon moi d’interpréter l’article 51, paragraphe 1, de la directive 2007/64.

93.      Dans ce contexte, j’estime que ces considérations doivent être prises en compte lors de l’appréciation des clauses contractuelles relatives aux services de paiement, conclues par les parties dans le cadre de l’autonomie que leur reconnaissent les dispositions nationales transposant la directive 2007/64. Dans cette perspective, on peut s’interroger sur la conformité avec les règles du droit interne qui mettent en œuvre la directive 2007/64 – en particulier l’article 51, paragraphe 1, de cette dernière – d’un régime contractuel de responsabilité du prestataire de services de paiement, conclu en application de la disposition de droit interne transposant l’article 51, paragraphe 1, de ladite directive, qui ferait peser les conséquences négatives de l’inexécution ou de la mauvaise exécution des ordres de paiement exclusivement sur le client et qui serait susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement et à l’efficacité des systèmes de paiement et donc, indirectement, du marché unique des services de paiement.

94.      Au vu des considérations qui précèdent, j’estime qu’il convient de répondre à la troisième question préjudicielle en ce sens que l’autorité chargée d’examiner les réclamations en vertu de l’article 82 de la directive 2007/64 ne peut pas régler les litiges entre particuliers dans le cadre des procédures de réclamation, à moins que l’État membre concerné ne lui ait également conféré le rôle d’instance compétente en matière de procédures de recours extrajudiciaires au titre de l’article 83 de la même directive. Lorsqu’une réclamation relative à l’inexécution ou à la mauvaise exécution d’un ordre de paiement lui est soumise, l’autorité compétente peut, en application de la disposition du droit interne mettant en œuvre l’article 75 de la directive 2007/64, vérifier le bien-fondé de cette réclamation et, éventuellement, déterminer le responsable de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de l’ordre de paiement. Ceci n’est cependant pas possible lorsque l’utilisateur des services de paiement n’est pas un consommateur et que les parties ont convenu d’exclure l’application de la disposition du droit interne mettant en œuvre l’article 75 de la directive 2007/64. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier la conformité de cet accord entre les parties avec les dispositions du droit interne, y compris celles qui transposent la directive 2007/64.

D.      Sur la quatrième question préjudicielle

95.      Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si les articles 80 à 83 de la directive 2007/64 doivent être interprétés en ce sens que, dans les procédures de réclamation que ces articles prévoient, l’autorité compétente doit tenir compte de la sentence arbitrale qui règle un litige entre le prestataire de services de paiement et l’utilisateur de ces services (28).

96.      La juridiction de renvoi relève que si l’autorité chargée d’examiner les réclamations au titre des articles 80 à 82 de la directive 2007/64 est habilitée à appliquer les dispositions du droit interne qui mettent en œuvre l’article 75, il faut déterminer si cette autorité doit tenir compte d’une sentence arbitrale, comme celle qui a été rendue en l’espèce, qui règle un litige entre le prestataire de services de paiement et l’utilisateur de ces services.

97.      À cet égard, il convient toutefois de remarquer que ni la directive 2007/64, ni aucune autre disposition du droit de l’Union ne fournissent aucune indication sur cette question.

98.      Selon la jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de règles du droit de l’Union, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent d’un acte du droit de l’Union, tel que la directive 2007/64, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité (29).

99.      Le droit de chaque État membre doit donc, en principe, déterminer la valeur d’une sentence arbitrale dans le cadre des procédures de réclamation visées aux articles 80 à 82 de la directive 2007/64.

100. Lorsqu’ils règlementent ces procédures, les États membres doivent cependant assurer l’effet utile de la directive 2007/64 et, partant, ne peuvent pas porter atteinte aux fonctions, mentionnées aux points 78, 79 et 84 des présentes conclusions, exercées par les autorités compétentes dans le cadre des procédures de réclamation ni aux compétences que les dispositions de la directive 2007/64 attribuent à ces autorités aux fins de l’exercice de ces fonctions.

101. À cet égard, il faut à nouveau considérer, comme il a été observé dans le cadre de la troisième question préjudicielle (30), que les procédures de réclamation et les procédures de résolution des litiges poursuivent des objectifs différents. Il découle, à mon avis, de l’analyse de ces objectifs que, afin de pouvoir garantir l’effet utile de la directive 2007/64 dont il est question au point précédent, l’objectif « de droit civil » poursuivi par les procédures extrajudiciaires, à savoir le règlement des litiges entre prestataires de services de paiement et utilisateurs, ne saurait porter atteinte à l’objectif « de droit public » que poursuivent les procédures de réclamation qui est d’assurer le respect effectif, par les prestataires de services de paiement, des dispositions du droit national transposant la directive 2007/64. Par conséquent, l’autonomie procédurale des États membres ne saurait, à mon avis, aller jusqu’à obliger une autorité compétente à se conformer, dans le cadre d’une procédure de réclamation, à une sentence arbitrale qui serait contraire aux résultats de la procédure de réclamation.

102. À la lumière des considérations qui précèdent, je considère qu’il y a lieu de répondre à la quatrième question préjudicielle en ce sens qu’il appartient, en principe, à chaque État membre de déterminer la valeur d’une sentence arbitrale dans le cadre des procédures de réclamation visées aux articles 80 à 82 de la directive 2007/64. Lorsqu’ils règlementent cette question, les États membres doivent cependant assurer l’effet utile de la directive 2007/64 et, partant, ils ne peuvent porter atteinte aux fonctions exercées par les autorités compétentes dans le cadre des procédures de réclamation. Par conséquent, dans le cadre d’une procédure de réclamation, une autorité compétente ne saurait être obligée de se conformer à une sentence arbitrale qui serait contraire aux résultats de la procédure de réclamation.

IV.    Conclusion

103. À la lumière de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre aux questions soulevée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie) de la manière suivante :

1)      L’article 2, paragraphe 2, de la directive 2007/64 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui habilite l’autorité compétente, au sens des articles 80 à 82 de la directive 2007/64, pour examiner les réclamations relatives à des violations alléguées, par des prestataires de services de paiement, des dispositions du droit national mettant en œuvre cette directive, à examiner également des réclamations et, partant, à constater des infractions et à infliger des sanctions, concernant des services de paiement qui n’ont pas été fournis en euros ou dans la devise nationale d’un État membre.

2)      L’autorité chargée d’examiner les réclamations en vertu de l’article 82 de la directive 2007/64 ne peut pas régler les litiges entre particuliers dans le cadre des procédures de réclamation, à moins que l’État membre concerné ne lui ait également conféré le rôle d’instance compétente en matière de procédures de recours extrajudiciaires au titre de l’article 83 de la même directive. Lorsqu’une réclamation relative à l’inexécution ou à la mauvaise exécution d’un ordre de paiement lui est soumise, l’autorité compétente peut, en application de la disposition du droit interne mettant en œuvre l’article 75 de la directive 2007/64, vérifier le bien-fondé de cette réclamation et, éventuellement, déterminer le responsable de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de l’ordre de paiement. Ceci n’est cependant pas possible lorsque l’utilisateur des services de paiement n’est pas un consommateur et que les parties ont convenu d’exclure l’application de la disposition du droit interne mettant en œuvre l’article 75 de la directive 2007/64. Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier la conformité de cet accord entre les parties avec les dispositions du droit interne, y compris celles qui transposent la directive 2007/64.

3)      Il appartient, en principe, à chaque État membre de déterminer la valeur d’une sentence arbitrale dans le cadre des procédures de réclamation visées aux articles 80 à 82 de la directive 2007/64. Lorsqu’ils règlementent cette question, les États membres doivent cependant assurer l’effet utile de la directive 2007/64 et, partant, ils ne peuvent porter atteinte aux fonctions exercées par les autorités compétentes dans le cadre des procédures de réclamation. Par conséquent, dans le cadre d’une procédure de réclamation, une autorité compétente ne saurait être obligée de se conformer à une sentence arbitrale qui serait contraire aux résultats de la procédure de réclamation.


1      Langue originale : l’italien.


2      Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE (JO 2007, L 319, p. 1).


3      Directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (JO 2015, L 337, p. 35).


4      Au sens de l’article 4, point 1), a), de la directive 2006/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (refonte) (JO 2006, L 177, p. 1).


5      L’article 4, point 4), de la directive définit les « établissements de paiement » comme « une personne morale qui, conformément à l’article 10, a obtenu un agrément l’autorisant à fournir et à exécuter des services de paiement dans toute [l’Union] ».


6      Le titre III concerne la transparence des conditions et exigences en matière d’informations régissant les services de paiement et le titre IV les droits et obligations liés à la prestation et à l’utilisation de services de paiement.


7      Plus précisément, les violations des dispositions des chapitres VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII et XIV de la loi sur les services de paiement.


8      La juridiction de renvoi fait référence aux articles 105 à 107 de la loi sur les services de paiement qui transposent les articles 80 à 83 de la directive 2007/64 dans le droit letton et ne relèvent pas de l’exception énoncée à l’article 2, paragraphe 3, de cette loi (voir point 19 des présentes conclusions).


9      La directive 2007/64 a été adoptée sur le base de l’article 47, paragraphe 2, TCE en matière de liberté d’établissement, ainsi que sur l’article 95 TCE, devenu l’article 114 TFUE (qui constitue la base juridique de la directive 2015/2366), qui concerne les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. En matière de marché intérieur, l’Union dispose d’une compétence partagée avec les États membres [voir article 4, paragraphe 2, sous a), TFUE].


10      Voir, par analogie, arrêt du 25 juillet 2018, Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:583, points 79 et suivants).


11      À cet égard, il ressort du Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 24 juillet 2013 portant sur l’application de la directive 2007/64/CE relative aux services de paiement au sein du marché intérieur et sur le règlement (CE) no 924/2009 relatif aux paiements transfrontaliers au sein de la Communauté [COM(2013) 549 final] que certains États membres ont étendu le régime institué par la directive 2007/64 aux services de paiement fournis dans des devises autres que celles des États membres (voir point 3.1.2., p. 3).


12      Voir article 2 de la directive 2015/2366.


13      Aux termes de cette disposition, aux fins de la directive 2007/64, on entend par « établissements de paiement » une personne morale qui, conformément à l’article 10, a obtenu un agrément l’autorisant à fournir et à exécuter des services de paiement dans toute [l’Union].


14      Cette constatation ne devrait toutefois pas avoir de conséquences concrètes dans la présente affaire puisqu’il est constant qu’en l’espèce, la Commission des marchés financiers s’est prononcée après avoir été saisie d’une réclamation, et donc en vertu des compétences qui lui ont été conférées en application des articles 80 et 81 de la directive 2007/64, lesquels s’appliquent à tous les prestataires de services de paiement, y compris aux établissements de crédit. Ces derniers sont, par ailleurs, soumis à des règles particulières de contrôle prudentiel.


15      Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, point a), de la directive 2007/64, outre la prestation des services de paiement énumérés dans l’annexe, les établissements de paiement sont habilités à exercer les activités de « prestation de services opérationnels et de services auxiliaires étroitement liés, tels que la garantie de l’exécution d’opérations de paiement, des services de change, des services de garde et l’enregistrement et le traitement de données ».


16      Voir arrêt du 10 mars 2016, Safe Interenvíos (C‑235/14, EU:C:2016:154, point 91), Voir également en ce sens le point 107 des conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Safe Interenvíos (C‑235/14, EU:C:2015:530).


17      Selon le considérant 52 de la directive 2007/64, les États membres peuvent faire coïncider en un seul organe les deux autorités prévues respectivement à l’article 20, paragraphe 1, et à l’article 82, paragraphe 1, de cette directive. Ce considérant indique en effet que « [l]es États membres devraient établir si les autorités compétentes désignées pour accorder l’agrément aux établissements de paiement pourraient également être compétentes en ce qui concerne les procédures de réclamation et de recours extrajudiciaires ».


18      Pour les motifs exposés aux points 51 à 57 des présentes conclusions, cette partie de la question préjudicielle est également dépourvue de pertinence parce que, en tout état de cause, elle ne concerne pas la disposition du droit interne qui met en œuvre l’article 75 de la directive 2007/64.


19      Voir, en dernier lieu, arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, point 35) ainsi que, dans le même sens, arrêts du 21 décembre 2011, Cicala (C‑482/10, EU:C:2011:868, point 17) ; du 18 octobre 2012, Nolan (C‑583/10, EU:C:2012:638, point 45), et du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 53).


20      Arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, point 36 et jurisprudence citée).


21      Arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, point 37 et jurisprudence citée).


22      Arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, point 38).


23      Voir, par analogie, arrêt du 19 octobre 2017, Europamur Alimentación (C‑295/16, EU:C:2017:782, point 30).


24      Voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Europamur Alimentación (C‑295/16, EU:C:2017:782, point 32). Dans la présente affaire, cet intérêt se trouve, selon moi, encore renforcé par le fait que, comme il a été indiqué, la directive 2015/2366 qui a abrogé la directive 2007/64, a étendu le champ d’application des dispositions correspondant à celles du titre IV de la directive 2007/64, lesquelles sont désormais, dans certaines conditions, également applicables aux services de paiement fournis dans une devise autre que celle d’un État membre (voir point 40 des présentes conclusions).


25      Voir considérant 1 de la directive 2007/64. À propos des objectifs que poursuit la directive 2007/64, voir également arrêt du 11 avril 2019, Mediterranean Shipping Company (Portugal) – Agentes de Navegação (C‑295/18, EU:C:2019:320, point 45).


26      Sur ce point, voir considérant 46 de la directive 2007/64.


27      Voir, par exemple, considérant 47, in fine, de la directive 2007/64


28      La quatrième question fait elle aussi référence à la « mise en œuvre de la fonction de contrôle visée aux articles 20 et 21 de la Directive [2007/64] ». Pour les motifs déjà exposés aux points 45 à 49 des présentes conclusions, cette partie de la question préjudicielle est, selon moi, irrecevable. Pour les motifs déjà exposés aux points 51 à 57 des présentes conclusions, cette partie de la question préjudicielle est également, en tout cas, sans pertinence pour le litige au principal (voir note 18 des présentes conclusions).


29      Voir, en dernier lieu, par analogie, arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a. (C‑723/17, EU:C:2019:533, point 54).


30      Voir points 76 à 81 des présentes conclusions.

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