Agrarminiszter (Agriculture and Fisheries - Judgment) French Text [2019] EUECJ C-490/18 (16 October 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C49018.html
Cite as: [2019] EUECJ C-490/18, ECLI:EU:C:2019:863, EU:C:2019:863

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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

16 octobre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique agricole commune – Secteur de l’apiculture – Règlement (UE) no 1308/2013 – Règlement délégué (UE) 2015/1366 – Demande d’aide – Conditions – Nombre minimal de colonies d’abeilles – Fixation avec effet rétroactif – Principe de sécurité juridique – Principe de protection de la confiance légitime »

Dans l’affaire C‑490/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Budapest Környéki Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-agglomération, Hongrie), par décision du 17 juillet 2018, parvenue à la Cour le 26 juillet 2018, dans la procédure

SD

contre

Agrárminiszter,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. D. Šváby, faisant fonction de président de chambre, Mme K. Jürimäe et M. N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme A. Pokoraczki, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. G. Kanellopoulos, Mme A. Vasilopoulou et Mme E.-E. Krompa, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. L. Havas et B. Hofstötter, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 du règlement délégué (UE) 2015/1366 de la Commission, du 11 mai 2015, complétant le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’aide dans le secteur de l’apiculture (JO 2015, L 211, p. 3, ci-après le « règlement 2015/1366 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SD à l’Agrárminiszter (ministre de l’Agriculture, Hongrie) au sujet de la décision de ce dernier rejetant une demande d’octroi d’une aide pour l’acquisition de nouveaux outils destinés à la migration des abeilles.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement (UE) no 1308/2013

3        L’article 55 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), intitulé « Programmes nationaux et financement », dispose, à son paragraphe 1 :

« Afin d’améliorer les conditions générales de production et de commercialisation des produits de l’apiculture, les États membres peuvent établir des programmes nationaux dans ce secteur pour une période de trois ans (ci-après dénommés “programmes apicoles”). [...] »

4        En vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 227 de ce règlement en ce qui concerne « la base de l’attribution de la participation financière de l’Union à chaque État membre participant en fonction notamment du nombre total de ruches dans l’Union ».

5        Aux termes de l’article 57, premier alinéa, sous c), dudit règlement, la Commission peut adopter des actes d’exécution fixant les mesures nécessaires en ce qui concerne « l’approbation des programmes apicoles présentés par les États membres, y compris l’attribution de la participation financière de l’Union à chaque État membre participant et le niveau maximal de financement par les États membres. »

 Le règlement 2015/1366

6        Les considérants 2 à 4 et 11 du règlement 2015/1366 sont libellés comme suit :

« (2)      L’article 55 du règlement (UE) no 1308/2013 dispose que les États membres peuvent établir des programmes nationaux dans le secteur de l’apiculture pour une période de trois ans [...] Il est nécessaire d’établir la base de l’attribution de la participation financière de l’Union aux État membres participants. »

(3)      Le nombre de ruches dans chaque État membre participant est un indicateur de l’importance de son secteur apicole. La part de chaque État membre participant dans le nombre total de ruches dans l’Union constitue une base simple pour attribuer la participation de l’Union au financement des programmes apicoles.

(4)      Afin d’assurer une bonne répartition des fonds de l’Union, il convient que les États membres participants utilisent une méthode fiable de détermination du nombre de ruches sur leur territoire.

[...]

(11)      Il est indispensable de prévoir des mesures transitoires pour l’attribution de la participation de l’Union au financement des programmes apicoles pour la période 2017-2019. Afin d’assurer la continuité avec les programmes apicoles pour la période 2014–2016 et de laisser suffisamment de temps à tous les États membres pour mettre en place une méthode fiable de détermination, entre le 1er septembre et le 31 décembre, du nombre de ruches prêtes pour l’hivernage, il convient que l’attribution des fonds de l’Union aux programmes apicoles pour la période 2017-2019 soit effectuée sur la base du nombre de ruches communiqué en 2013 par les États membres dans le cadre de leurs programmes apicoles respectifs pour la période 2014-2016. »

7        L’article 1er du règlement 2015/1366, intitulé « Ruches », dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par “ruche” l’unité contenant une colonie d’abeilles utilisée pour la production de miel, d’autres produits de l’apiculture ou de matériel de reproduction des abeilles, ainsi que tous les éléments nécessaires à la survie de la colonie. »

8        L’article 2 dudit règlement, intitulé « Méthode de détermination du nombre de ruches », énonce :

« Les États membres soumettant des programmes nationaux pour le secteur de l’apiculture visés à l’article 55 du règlement (UE) no 1308/2013 (ci-après dénommés “programmes apicoles”) disposent d’une méthode fiable pour déterminer, chaque année entre le 1er septembre et le 31 décembre, le nombre de ruches prêtes pour l’hivernage présentes sur leur territoire. »

 Le droit hongrois

9        L’article 4 du a Magyar Méhészeti Nemzeti Program alapján a 2016-2019 közötti végrehajtási időszakokban a központi költségvetés, valamint az Európai Mezőgazdasági Garancia Alap társfinanszírozásában megvalósuló támogatások igénybevételének szabályairól szóló 4/2017. (I. 23.) FM rendelet (règlement no 4/2017 du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, relatif aux règles d’utilisation des aides, sur la base du programme national hongrois pour le secteur de l’apiculture, accordées avec le cofinancement du budget central et du Fonds européen agricole de garantie pour les périodes de mise en œuvre de 2016-2019), du 23 janvier 2017 (Magyar Közlöny 2017/8.), dispose :

« [...]

10)      Pour les mesures visées à l’article 2, paragraphe 2, sous a), ae), sous b), ba) et bb), sous c), cb), en outre, pour la mesure visée sous c), ca), en cas d’aide à l’acquisition de dispositifs d’identification par radiofréquence, ainsi que pour la mesure visée sous e), en cas d’aide au repeuplement du cheptel apicole à l’aide de matériaux d’élevage appropriés tant sous l’angle de la santé animale que d’un point de vue génétique, le droit au paiement se fonde sur le nombre de colonies d’abeilles

a)      constaté lors du contrôle sanitaire d’automne réalisé sur les abeilles au cours de la période de mise en œuvre considérée,

b)      notifié conformément aux dispositions du a tartási helyek, a tenyészetek és az ezekkel kapcsolatos egyes adatok országos nyilvántartási rendszeréről szóló 119/2007. (X. 18.) FVM rendelet [règlement no 119/2007 du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, relatif au système national d’enregistrement des lieux et établissements d’élevage ainsi que de différentes données y relatives, du 18 octobre 2007] et enregistré dans le système d’information des élevages (TIR) visé par le règlement no 119/2007 FVM, sur la base de la notification adressée et parvenue au bureau territorialement compétent de l’administration d’État dans les comitats dans un délai de trente jours à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement, pour la période de mise en œuvre I, jusqu’au 15 novembre 2017 pour la période de mise en œuvre II, et jusqu’au 15 novembre 2018 pour la période de mise en œuvre III,

c)      dont le demandeur demeure propriétaire au jour du dépôt de la demande de payement. »

10      Aux termes de l’article 22 du règlement no 4/2017 :

« [...]

3)      Peut bénéficier de l’aide tout producteur disposant d’une adhésion à jour à l’Országos Magyar Méhészeti Egyesület [Union nationale de l’apiculture hongroise (OMME)], en fonction du nombre de colonies d’abeilles déterminé à l’article 4, paragraphe 10.

[...]

5)      Pour bénéficier d’une aide, le demandeur doit disposer d’au moins soixante colonies d’abeilles pour l’aide relative aux outils visés au paragraphe 4, sous a), b) et e), d’au moins trente colonies d’abeilles pour l’aide relative aux outils visés au paragraphe 4, sous h), et d’au moins cent colonies d’abeilles pour l’aide relative aux outils visés au paragraphe 4, sous c), d), f) et g). »

11      Le programme apicole hongrois pour la période 2014-2016 contenait des aides à la transhumance dans le secteur apicole prévues par le a Magyar Méhészeti Nemzeti Program alapján a 2013–2016 közötti végrehajtási időszakokban a központi költségvetés, valamint az Európai Mezőgazdasági Garancia Alap társfinanszírozásában megvalósuló támogatások igénybevételének szabályairól szóló 118/2013. (XII. 16.) VM rendelet (règlement n° 118/2013 du ministre du Développement rural, du 16 décembre 2013, relatif aux règles d’utilisation des aides, sur la base du programme national hongrois pour le secteur de l’apiculture, accordées avec le cofinancement du budget central et du Fonds européen agricole de garantie pour les périodes de mise en œuvre de 2013-2016). L’octroi de celles‑ci était soumis à la condition que l’apiculteur dispose d’au moins trente colonies d’abeilles enregistrées dans le TIR. Ce programme a été clôturé le 31 août 2016.

12      Pour la période 2017-2019, le règlement no 4/2017, entré en vigueur le 24 janvier 2017, a soumis l’octroi de ces aides à la condition que l’apiculteur dispose d’au moins 60 colonies d’abeilles enregistrées dans le TIR. Comme à la date de l’entrée en vigueur de ce règlement, le nombre de colonies d’abeilles figurant dans le TIR était celui qui avait été communiqué pendant l’enquête annuelle de 2016, il a été prévu que les apiculteurs puissent modifier rétroactivement ces données, dans un délai de 30 jours à compter de la date d’entrée en vigueur dudit règlement.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Le 13 mars 2017, SD a introduit auprès du vice-président du Magyar Államkincstár (Trésor public hongrois, ci-après le « Trésor public »), chargé des aides à l’agriculture et au développement rural, une demande d’aide pour l’acquisition de nouveaux outils nécessaires à la migration des abeilles. À ce titre, il a déclaré posséder 62 colonies d’abeilles.

14      Par une décision du 5 mai 2017, le Trésor public a rejeté cette demande d’octroi de l’aide concernée, au motif que SD ne répondait pas à l’exigence relative au nombre minimum de colonies d’abeilles enregistrées dans le TIR. En effet, seules 36 colonies d’abeilles y étaient enregistrées, alors que, en vertu du règlement no 4/2017, entré en vigueur le 24 janvier 2017, l’octroi de cette aide était soumis à la condition que 60 colonies d’abeilles au moins soient mentionnées dans le TIR.

15      SD a introduit une réclamation auprès du ministre de l’Agriculture, lequel a, par une décision du 21 août 2017, confirmé la décision du Trésor public rejetant ladite demande.

16      SD a introduit un recours contre cette décision du ministre de l’Agriculture devant le Budapest Környéki Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-agglomération, Hongrie).

17      Cette juridiction nourrit des doutes quant à la question de savoir si « la disposition du règlement no 4/2017 [...] qui double le nombre de colonies d’abeilles requises pour bénéficier d’une aide, sans accorder une période d’adaptation suffisante, est conforme au droit de l’Union. »

18      C’est dans ce contexte que le Budapest Környéki Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-agglomération) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La méthode fiable visée à l’article 2 du règlement [2015/1366] pour déterminer, chaque année entre le 1er septembre et le 31 décembre, le nombre de ruches doit-elle s’entendre en ce sens qu’il appartient au demandeur d’une aide de notifier le nombre de colonies d’abeilles et, dans l’affirmative, cela constitue-t-il une méthode fiable ?

2)      S’il convient, selon l’article 2 du règlement [2015/1366], de déterminer, chaque année entre le 1er septembre et le 31 décembre, le nombre de ruches – lequel constitue la base de l’attribution des aides au secteur apicole – en raison des caractéristiques physiologiques des abeilles, cette disposition peut-elle être interprétée en ce sens que les États membres peuvent y déroger ?

3)      Dans l’affirmative, la législation nationale peut-elle prévoir une disposition qui fixe en janvier, de manière rétroactive, le nombre de colonies d’abeilles requises ?

4)      Le fait qu’il convient d’attribuer les fonds aux programmes apicoles pour la période 2017-2019 sur la base du nombre de ruches communiqué en 2013 par les États membres dans le cadre des programmes pour la période 2014-2016 peut-il être compris en ce sens qu’il est aussi possible de fixer le nombre de ruches requises en vue de l’attribution d’une aide différemment après la période qui s’est clôturée le 31 décembre 2016 et sert de période de référence aux fins de l’attribution des aides en 2017 ?

5)      Le règlement [2015/1366] peut-il être interprété en ce sens qu’il permet l’adoption d’une réglementation nationale qui subordonne le versement d’une aide de minimis à une condition non conforme audit règlement ? L’aide déterminée par l’Union européenne doit-elle être de nature, en pratique, à faciliter l’exercice d’une activité apicole ? »

 Sur la recevabilité

19      Dans leurs observations écrites, le gouvernement hongrois et la Commission font valoir que l’article 2 du règlement 2015/1366, dont l’interprétation est demandée par la juridiction de renvoi, ne porte que sur la base de l’attribution de la participation financière de l’Union aux États membres et que, par conséquent, cet article n’est pas pertinent aux fins de la détermination des conditions auxquelles est soumis l’octroi de l’aide perçue individuellement par chaque apiculteur au niveau national.

20      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 25 juillet 2018, AY (Mandat d’arrêt – Témoin), C‑268/17, EU:C:2018:602, point 24 et jurisprudence citée].

21      Il s’ensuit que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 25 juillet 2018, AY (Mandat d’arrêt – Témoin), C‑268/17, EU:C:2018:602, point 25 et jurisprudence citée].

22      Il résulte également d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour en vertu de l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. La Cour peut, le cas échéant, reformuler les questions qui lui sont soumises et, dans ce contexte, fournir tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin pour statuer sur les litiges qui leur sont soumis (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 45 et jurisprudence citée, ainsi que du 19 septembre 2018, González Castro, C‑41/17, EU:C:2018:736, point 54).

23      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal porte sur la validité d’une décision du Trésor public, confirmée par le ministre de l’Agriculture, qui a rejeté la demande d’aide présentée par SD, au motif que ce dernier ne remplissait pas les conditions fixées pour l’octroi de cette aide, à savoir le nombre de 60 ruches requis par le programme apicole national relatif à la période 2017-2019, établi par le règlement no 4/2017.

24      C’est dans ce contexte que, par ses première, deuxième, quatrième et cinquième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, l’interprétation du règlement 2015/1366, afin d’apprécier si les conditions d’octroi de l’aide en cause au principal, fixées par le règlement no 4/2017, sont conformes au règlement 2015/1366, en particulier, à l’article 2 de celui-ci.

25      À cet égard, il y a lieu de relever, en premier lieu, que, afin d’améliorer les conditions générales de production et de commercialisation des produits de l’apiculture dans l’Union, l’article 55 du règlement no 1308/2013 prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres peuvent établir des programmes nationaux apicoles pour une période de trois ans et que ces programmes peuvent bénéficier de la participation de l’Union dans les conditions prescrites aux paragraphes 2 et 3 de cet article.

26      Il importe de constater, en second lieu, que le législateur de l’Union a entendu, à l’article 56, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, habiliter la Commission à adopter des actes délégués portant sur la base de l’attribution de la participation financière de l’Union à chaque État membre participant au regard notamment du nombre total de ruches dans l’Union.

27      Dans ce contexte, le règlement 2015/1366, qui a pour base juridique l’article 56, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, fixe les critères relatifs à la participation financière de l’Union aux programmes apicoles des États membres, établis tous les trois ans.

28      Tandis que l’article 4 du règlement 2015/1366 énonce que la participation de l’Union au financement des programmes apicoles est attribuée aux États membres soumettant ces programmes proportionnellement au nombre total moyen de ruches notifié par ces États membres, l’article 2 de ce règlement, qu’il convient de lire à la lumière des considérants 2 à 4 de ce dernier, impose aux États membres d’établir une méthode fiable sur la base de laquelle doit être déterminé chaque année, entre le 1er septembre et le 31 décembre, le nombre de ruches présentes sur leur territoire, ce qui constitue le critère essentiel pour la répartition de l’aide de l’Union entre les États membres, aux fins du financement des programmes apicoles nationaux.

29      Par conséquent, ledit article 2 se limite à organiser la répartition de la participation de l’Union au financement de ces programmes nationaux et ne porte pas sur les conditions d’octroi de l’aide aux apiculteurs dans le cadre de ces programmes.

30      Or, le litige au principal porte précisément sur l’une de ces conditions, dont la fixation relève de la compétence des États membres en vertu de l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013. Lorsque ceux-ci exercent cette compétence, ils ne sont pas tenus par cette disposition de répartir l’aide concernée en fonction d’un critère donné, tel que le nombre de ruches, ni, dans le cas où ils retiennent ce critère, de prendre comme référence la période allant du 1er septembre au 31 décembre.

31      Il s’ensuit que l’interprétation de l’article 2 du règlement 2015/1366, demandée par la juridiction de renvoi dans ses première, deuxième, quatrième et cinquième questions, est dénuée de pertinence pour la solution du litige au principal.

32      En revanche, par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si, au regard du droit de l’Union, la réglementation nationale – qui a retenu le nombre de colonies d’abeilles comme critère aux fins de l’octroi des aides dans le cadre d’un programme apicole – peut « prévoir une disposition qui fixe en janvier, de manière rétroactive, le nombre de colonies requises », en tant que condition pour l’octroi de cette aide. Cette question relevant, comme le font observer le gouvernement hongrois et la Commission, des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, consacrés, en tant que principes généraux du droit, dans l’ordre juridique de l’Union, il y a lieu d’interpréter ces principes afin de répondre à ladite question.

 Sur le fond

33      Il convient de comprendre la troisième question posée par la juridiction de renvoi comme visant à savoir, en substance, si les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en application de l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, établit le programme dans le secteur de l’apiculture pour une nouvelle période de trois ans, d’une part, fixe des conditions d’octroi de l’aide dans ce secteur distinctes de celles prévues dans les programmes précédents et, d’autre part, permette aux apiculteurs de bénéficier de cette aide à compter d’une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur de cette réglementation, s’ils remplissent les nouvelles conditions prévues par celle-ci.

34      À cet égard, il convient de rappeler que la large marge d’appréciation dont les États membres disposent, en vertu de l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, pour établir des programmes nationaux pour des périodes de trois ans, afin d’améliorer les conditions générales de production et de commercialisation dans le secteur de l’apiculture, y compris pour établir et modifier les conditions d’octroi d’une aide à cette fin aux opérateurs dudit secteur, doit respecter les exigences découlant des principes généraux reconnus dans l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2004, Gerekens et Procola, C‑459/02, EU:C:2004:454, point 21), parmi lesquels figurent, selon une jurisprudence constante de la Cour, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20 ; du 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma, C‑107/97, EU:C:2000:253, point 65 ; du 20 juin 2013, Agroferm, C‑568/11, EU:C:2013:407, point 47, et du 10 décembre 2015, Veloserviss, C‑427/14, EU:C:2015:803, point 30).

35      S’agissant du principe de sécurité juridique, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2015, Veloserviss, C‑427/14, EU:C:2015:803, point 31 et jurisprudence citée).

36      Pour ce qui est du principe de protection de la confiance légitime, il ressort également d’une jurisprudence constante de la Cour que la possibilité de se prévaloir de ce principe est ouverte à tout opérateur économique à l’égard duquel une autorité nationale a fait naître des attentes fondées. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est à même de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. De plus, les opérateurs économiques ne sont pas fondés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (voir, notamment, arrêts du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 53, et du 10 décembre 2015, Veloserviss, C‑427/14, EU:C:2015:803, point 39).

37      Ces principes s’imposent avec une rigueur particulière en présence d’une réglementation susceptible d’entraîner des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qui en découlent (voir en ce sens, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Sudholz, C‑17/01, EU:C:2004:242, point 34, ainsi que du 13 mars 2008, Vereniging Nationaal Overlegorgaan Sociale Werkvoorziening e.a., C‑383/06 à C‑385/06, EU:C:2008:165, point 52).

38      Il incombe à la seule juridiction de renvoi d’examiner si une réglementation nationale est conforme aux principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union. La Cour, statuant sur renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, est uniquement compétente pour fournir à cette juridiction tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union, qui peuvent lui permettre d’apprécier cette conformité (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, EU:C:2009:539, point 45 et jurisprudence citée).

39      En l’occurrence, il convient de relever, d’une part, que l’établissement des conditions d’octroi de l’aide concernée résultant du nouveau programme apicole pour la période 2017-2019, aménagé par le règlement no 4/2017, s’est traduit par une augmentation du nombre de colonies d’abeilles requis pour l’obtention de cette aide et, d’autre part, que le programme antérieur dans ce secteur a été clôturé le 31 août 2016.

40      Ainsi, afin d’apprécier, au regard du principe de sécurité juridique, tant le caractère prévisible de l’établissement des conditions d’octroi de l’aide concernée pour la nouvelle période, distinctes de celles prévues dans les programmes précédents, que l’application de ces conditions, à partir de la date de clôture du programme apicole précédent, aux apiculteurs qui, à cette date, remplissaient les nouvelles conditions fixées, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 34 du présent arrêt, que l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013 accorde aux États membres un large pouvoir d’appréciation pour établir les programmes apicoles pour une période de trois ans, « afin d’améliorer les conditions générales de production et de commercialisation des produits de l’apiculture ».

41      Il s’ensuit que les États membres peuvent, en principe, établir des conditions d’octroi de ladite aide pour une nouvelle période, distinctes de celles prévues dans les programmes précédents, notamment en ce qui concerne le nombre de colonies d’abeilles requis, ainsi que déterminer la date à compter de laquelle les apiculteurs peuvent bénéficier des aides prévues par le nouveau programme apicole, s’ils remplissent les conditions prévues par celui-ci.

42      À cet égard, il y a lieu d’ajouter que l’établissement de conditions d’octroi de l’aide concernée pour une nouvelle période distinctes de celles prévues par les programmes précédents, afin d’« améliorer les conditions générales de production et de commercialisation des produits de l’apiculture », conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, ne saurait constituer un événement imprévisible pour les demandeurs de cette aide.

43      Pour ce qui est du principe de protection de la confiance légitime, les apiculteurs concernés ne pouvaient légitimement s’attendre à ce que les conditions requises pour l’octroi d’une aide au titre des programmes apicoles précédents soient maintenues par le programme adopté pour la nouvelle période.

44      Par suite, les apiculteurs qui ne remplissaient pas ces nouvelles conditions ne pouvaient légitimement s’attendre à pouvoir continuer à bénéficier de l’aide octroyée par un programme national qui n’était plus en vigueur.

45      Au demeurant, étant donné que lesdites nouvelles conditions permettent aux apiculteurs qui les remplissent de se voir octroyer les aides correspondantes à compter d’une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur du programme fixant ces conditions, celles-ci peuvent être considérées comme étant de nature à permettre que soit atteint l’objectif consistant à « améliorer les conditions générales de production et de commercialisation des produits de l’apiculture », énoncé à l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013.

46      Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la troisième question que, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en application de l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 1308/2013, établit le programme dans le secteur de l’apiculture pour une nouvelle période de trois ans, d’une part, fixe des conditions d’octroi de l’aide dans ce secteur distinctes de celles prévues dans les programmes précédents, et, d’autre part, permette aux apiculteurs de bénéficier de ladite aide à compter d’une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur de cette réglementation, s’ils remplissent les nouvelles conditions prévues par celle-ci.

 Sur les dépens

47      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

Sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en application de l’article 55, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil, établit le programme dans le secteur de l’apiculture pour une nouvelle période de trois ans, d’une part, fixe des conditions d’octroi de l’aide dans ce secteur distinctes de celles prévues dans les programmes précédents, et, d’autre part, permette aux apiculteurs de bénéficier de ladite aide à compter d’une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur de cette réglementation, s’ils remplissent les nouvelles conditions prévues par celle-ci.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.

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