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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Hrvatska radiotelevizija (non-discrimination - Order) French Text [2019] EUECJ C-657/18_CO (11 April 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C65718_CO.html Cite as: [2019] EUECJ C-657/18_CO |
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ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
11 avril 2019 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (CE) n° 805/2004 – Titre exécutoire européen – Notaires agissant dans le cadre des procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un document faisant foi – Procédures non contradictoires – Article 18 TFUE – Discrimination à rebours – Absence de rattachement au droit de l’Union – Incompétence manifeste de la Cour »
Dans l’affaire C‑657/18,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb, Croatie), par décision du 9 octobre 2018, parvenue à la Cour le 19 octobre 2018, dans la procédure
Hrvatska radiotelevizija
contre
TY,
LA COUR (sixième chambre),
composée de Mme C. Toader (rapporteure), présidente de chambre, MM. L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,
avocat général : M. Y. Bot,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »), de l’article 18 TFUE ainsi que des arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Hrvatska radiotelevizija, un établissement public de droit croate, à TY, ressortissant croate, domicilié à Zagreb (Croatie), au sujet d’une demande de recouvrement d’une créance impayée.
Le cadre juridique
La CEDH
3 L’article 6 de la CEDH, intitulé « Droit à un procès équitable », énonce, à son paragraphe 1 :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [...] »
Le droit de l’Union
4 L’article 3 du règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO 2004, L 143, p. 15), prévoit, à son paragraphe 1 :
« Le présent règlement s’applique aux décisions, transactions judiciaires et actes authentiques portant sur des créances incontestées.
Une créance est réputée incontestée :
a) si le débiteur l’a expressément reconnue en l’acceptant ou en recourant à une transaction qui a été approuvée par une juridiction ou conclue devant une juridiction au cours d’une procédure judiciaire ; ou
b) si le débiteur ne s’y est jamais opposé, conformément aux règles de procédure de l’État membre d’origine, au cours de la procédure judiciaire ; ou
c) si le débiteur n’a pas comparu ou ne s’est pas fait représenter lors d’une audience relative à cette créance après l’avoir initialement contestée au cours de la procédure judiciaire, pour autant que sa conduite soit assimilable à une reconnaissance tacite de la créance ou des faits invoqués par le créancier en vertu du droit de l’État membre d’origine ; ou
d) si le débiteur l’a expressément reconnue dans un acte authentique. »
Le droit croate
5 L’article 1er de l’Ovršni zakon (loi sur l’exécution forcée, Narodne novine, br. 112/12, 25/13, 93/14, 55/16 et 73/17, ci‑après la « loi sur l’exécution forcée ») habilite les notaires à réaliser le recouvrement forcé de créances sur le fondement d’un « document faisant foi », en délivrant une ordonnance d’exécution qui vaut titre exécutoire, sans l’accord exprès du défendeur.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
6 Hrvatska radiotelevizija est titulaire d’une créance sur TY correspondant au montant de la redevance due au titre de la loi relative à la radiotélévision croate. Cet établissement public a introduit, le 16 décembre 2016, auprès d’un notaire exerçant en Croatie, une procédure d’exécution forcée contre TY, fondée sur un « document faisant foi » attestant de l’existence de cette créance.
7 Le même jour, le notaire a rendu une ordonnance d’exécution par laquelle il ordonnait à TY de payer le montant de ladite créance dans un délai de huit jours. La demande d’exécution forcée et l’ordonnance d’exécution ont été notifiées à TY le 9 février 2017.
8 TY a formé opposition à cette ordonnance dans le délai imparti devant l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb, Croatie). Au soutien de son opposition, TY a contesté tant le montant de la créance que son fondement et a soulevé, par exception, un moyen tiré de la prescription de celle-ci.
9 Par ordonnance du 22 mai 2017, sans examiner au fond l’opposition, l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb) a annulé l’ordonnance d’exécution du notaire et a prononcé le rejet de la demande d’exécution, au motif de l’incompétence de l’auteur de cette ordonnance d’exécution.
10 Cette juridiction a considéré qu’il ressortait des arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193), que, en Croatie, les notaires, agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans les procédures d’exécution forcée sur le fondement d’un « document faisant foi », ne relevaient pas de la notion de « juridiction », au sens du règlement n° 805/2004 et du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).
11 Ladite juridiction a également précisé que la procédure qui précédait la délivrance de l’ordonnance d’exécution n’était pas une procédure contradictoire et que, selon la jurisprudence citée, cette ordonnance était délivrée par un notaire, et non pas par une juridiction. Elle a, dès lors, estimé être dans l’impossibilité de poursuivre la procédure d’opposition dont elle était saisie, au motif que l’ordonnance d’exécution avait été adoptée par un organe dont l’incompétence était manifeste.
12 Hrvatska radiotelevizija a interjeté appel de l’ordonnance du 22 mai 2017 devant le Županijski sud u Puli (tribunal de comitat de Pula, Croatie). La juridiction d’appel a annulé cette ordonnance, au motif que le droit de l’Union n’était pas applicable en l’espèce, dès lors que l’affaire concernait une situation purement interne et a renvoyé l’affaire devant la même juridiction de première instance pour qu’elle se prononce à nouveau.
13 Saisi à la suite de ce renvoi, l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb) considère que les ressortissants croates sont désavantagés par rapport aux ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les ordonnances d’exécution délivrées par les notaires en Croatie ne sont pas reconnues dans les autres États membres de l’Union européenne ni en tant que titres exécutoires européens, au regard du règlement n° 805/2004, ni en tant que décisions judiciaires, au regard du règlement n° 1215/2012. Cette différence de traitement entre les ressortissants croates et ceux des autres États membres serait constitutive d’une discrimination.
14 Dans ces conditions, l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une disposition de la législation nationale, telle que l’article 1er de [la loi sur l’exécution forcée], qui habilite les notaires à procéder au recouvrement forcé de créances sur le fondement d’un document faisant foi en délivrant une ordonnance d’exécution, en tant que titre exécutoire, sans accord exprès du défendeur, est-elle conforme à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et à l’article 18 TFUE, compte tenu des arrêts de la Cour du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193) ?
2) L’interprétation donnée dans les arrêts de la Cour du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193), peut-elle être appliquée dans la présente affaire [...] ? »
Sur la compétence de la Cour
15 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
16 Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.
17 Par ses deux questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et l’article 18 TFUE, lus à la lumière des arrêts du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199), et du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193), doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que la loi sur l’exécution forcée, qui habilite les notaires à réaliser le recouvrement forcé de créances sur le fondement d’un « document faisant foi », en délivrant une ordonnance d’exécution qui vaut titre exécutoire.
18 S’agissant, d’abord, des affaires ayant donné lieu à ces arrêts, il y a lieu de rappeler que la Cour, aux fins de se prononcer sur l’interprétation des règlements nos 805/2004 et 1215/2012 qui lui était demandée, a examiné la procédure d’exécution forcée croate, qui permet aux notaires de statuer sur les demandes d’exécution forcée formées sur le fondement d’un « document faisant foi » en adoptant des ordonnances d’exécution. Elle a considéré que l’examen par les notaires de ces demandes ne répondait pas aux exigences découlant du principe du contradictoire et que les notaires agissant dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues par le droit national dans de telles procédures d’exécution ne relevaient pas de la notion de « juridiction », au sens desdits règlements.
19 Il y a également lieu de faire observer que si, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 mars 2017, Zulfikarpašić (C‑484/15, EU:C:2017:199), le litige était cantonné à l’intérieur d’un seul État membre, la juridiction de renvoi était saisie d’une demande de certification en tant que titre exécutoire européen, au regard du règlement n° 805/2004, d’une ordonnance d’exécution rendue par un notaire sur le fondement d’un document faisant foi, devenue définitive à défaut d’opposition du débiteur.
20 Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2017:193), l’élément d’extranéité qui a justifié l’application du règlement n° 1215/2012 et, par conséquent, la compétence de la Cour pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi était lié au domicile du défendeur.
21 En revanche, dans l’affaire au principal, selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, aucune circonstance similaire ne peut être relevée.
22 En effet, d’une part, en ce qui concerne l’application du règlement n° 805/2004, cette juridiction n’est pas saisie d’une demande de certification en tant que titre exécutoire européen de l’ordonnance d’exécution rendue par le notaire le 16 décembre 2016 et la créance en cause au principal n’est pas une créance incontestée, au sens de l’article 3 de ce règlement, dès lors qu’elle a fait l’objet d’une contestation de la part du défendeur au principal.
23 D’autre part, en ce qui concerne l’application du règlement n° 1215/2012, l’existence d’un élément d’extranéité quelconque, susceptible de rendre cet instrument applicable à l’affaire au principal, ne ressort pas de la décision de renvoi.
24 En ce qui concerne, ensuite, l’article 18 TFUE, dont l’interprétation est également demandée par la juridiction de renvoi, il y a lieu de faire observer que cet article interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité, dans le domaine d’application des traités.
25 À cet égard, il convient de mentionner que la juridiction de renvoi allègue l’existence d’une inégalité de traitement des ressortissants croates par rapport aux ressortissants des autres États membres qu’elle estime être constitutive d’une discrimination à rebours au titre de l’article 18 TFUE. Néanmoins, les règlements nos 805/2004 et 1215/2012 ne sont pas applicables à l’affaire au principal et cette juridiction ne fournit aucun autre motif permettant d’identifier les raisons pour lesquelles l’affaire dont elle est saisie présenterait un lien avec le doit de l’Union. Des perspectives purement hypothétiques liées à la libre circulation des décisions judiciaires ne suffisent pas à fonder la compétence de la Cour pour examiner la présente demande de décision préjudicielle au regard de l’article 18 TFUE.
26 De surcroît, il y a lieu d’ajouter que si, dans une situation alléguée de discrimination à rebours, la Cour a procédé à une interprétation d’un instrument de droit de l’Union dans une situation purement interne, cette interprétation était soumise à la condition que le droit national impose à la juridiction de renvoi de faire bénéficier des ressortissants nationaux des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre tirerait du droit de l’Union dans la même situation (arrêt du 21 février 2013, Ordine degli Ingegneri di Verona e Provincia e.a., C‑111/12, EU:C:2013:100, point 35).
27 Or, en l’occurrence, la certification en tant que titre exécutoire européen d’une ordonnance d’exécution émise par un notaire ne s’effectue pas de manière automatique en vertu du règlement n° 805/2004, mais est soumise à certaines exigences dont il incombe à chaque État membre, en vertu de son propre ordre juridique, d’assurer qu’elles sont satisfaites. De la même manière, une telle ordonnance ne relève pas per se du champ d’application du règlement n° 1215/2012. Partant, les ressortissants des autres États membres ne tirent pas de ces deux règlements un droit de se voir certifier, en tant que titre exécutoire européen, une ordonnance d’exécution émise par un notaire en application du droit croate ni de bénéficier de la libre circulation d’une telle ordonnance en tant que décision judiciaire.
28 S’agissant, enfin, de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, il est constant que la Cour n’est pas compétente, en vertu de l’article 267 TFUE, pour statuer sur l’interprétation de dispositions de droit international qui lient des États membres en dehors du cadre du droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 27 novembre 1973, Vandeweghe e.a., 130/73, EU:C:1973:131, point 2, ainsi que ordonnance du 25 février 2016, Aiudapds, C‑520/15, non publiée, EU:C:2016:124, point 22). S’il est acquis, par ailleurs, que l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH correspond, en substance, à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), il importe de rappeler que le champ d’application de la Charte, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.
29 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, eu égard aux faits tels qu’ils ressortent du dossier soumis à la Cour, une situation telle que celle en cause au principal ne présente aucun élément de rattachement au droit de l’Union.
30 Par conséquent, il y a lieu de constater, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, que la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb).
Sur les dépens
31 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :
La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par l’Općinski sud u Novom Zagrebu (tribunal municipal de Novi Zagreb, Croatie).
Signatures
* Langue de procédure : le croate.
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