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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> RF v Commission (Competition - Judgment) French Text [2019] EUECJ C-660/17P (19 June 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C66017P.html Cite as: EU:C:2019:509, [2019] EUECJ C-660/17P, ECLI:EU:C:2019:509 |
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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
19 juin 2019 (*)
« Pourvoi – Recours en annulation – Envoi de la requête par télécopieur – Dépôt hors délai de l’original de la requête au greffe du Tribunal – Retard dans l’acheminement du courrier – Notion de “force majeure ou de cas fortuit” »
Dans l’affaire C‑660/17 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 novembre 2017,
RF, établie à Gdynia (Pologne), représentée par Me K. Komar-Komarowski, radca prawny,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par MM. J. Szczodrowski, G. Meessen et I. Rogalski, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (première chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme C. Toader, MM. A. Rosas (rapporteur), L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,
avocat général : M. N. Wahl,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 janvier 2019,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, RF demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 13 septembre 2017, RF/Commission (T‑880/16, non publiée, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2017:647), par laquelle ce dernier a rejeté comme étant irrecevable son recours ayant pour objet l’annulation de la décision C(2016) 5925 final de la Commission, du 15 septembre 2016, rejetant sa plainte dans l’affaire COMP AT.40251 – Transport ferroviaire, expédition de marchandises (ci–après la « décision litigieuse »).
Le cadre juridique
Statut de la Cour de justice de l’Union européenne
2 Sous le titre III, intitulé « Procédure devant la Cour de justice », l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose :
« Des délais de distance seront établis par le règlement de procédure.
Aucune déchéance tirée de l’expiration des délais ne peut être opposée lorsque l’intéressé établit l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure. »
3 Sous le titre IV de ce statut, portant sur le Tribunal, l’article 53, premier et deuxième alinéas, dudit statut prévoit :
« La procédure devant le Tribunal est régie par le titre III.
La procédure devant le Tribunal est précisée et complétée, en tant que de besoin, par son règlement de procédure. [...] »
Règlement de procédure du Tribunal
4 Le titre troisième, intitulé « Des recours directs », du règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015 (JO 2015, L 105, p. 1), entré en vigueur le 1er juillet 2015, contient un chapitre premier, lui-même intitulé « Dispositions générales ». Ce chapitre est subdivisé en cinq sections, la quatrième d’entre elles, consacrée aux délais, comprenant les articles 58 à 62 de ce règlement.
5 L’article 58 du règlement de procédure du Tribunal, portant sur le calcul des délais, énonce :
« 1. Les délais de procédure prévus par les traités, le statut et le présent règlement sont calculés de la façon suivante :
[...]
b) un délai exprimé [...] en mois [...] prend fin à l’expiration du jour qui, [...] dans le dernier mois [...], porte la même dénomination ou le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l’événement ou a été effectué l’acte à partir duquel le délai est à compter ; si, dans un délai exprimé en mois [...], le jour déterminé pour son expiration fait défaut dans le dernier mois, le délai prend fin à l’expiration du dernier jour de ce mois ;
[...] »
6 L’article 60 de ce règlement, intitulé « Délai de distance », dispose :
« Les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. »
7 L’article 73 dudit règlement, intitulé « Dépôt au greffe d’un acte de procédure en version papier », prévoyait, à son paragraphe 3 :
« Par dérogation à l’article 72, paragraphe 2, seconde phrase, la date et l’heure à laquelle une copie intégrale de l’original signé d’un acte de procédure [...] parvient au greffe par télécopieur sont prises en considération aux fins du respect des délais de procédure, à condition que l’original signé de l’acte [...] soit déposé au greffe au plus tard dix jours après. L’article 60 n’est pas applicable à ce délai de dix jours. »
8 Cet article 73 a été supprimé à l’occasion des modifications du règlement de procédure du Tribunal du 11 juillet 2018 (JO 2018, L 240, p. 68), par lesquelles l’utilisation de l’application informatique « e-Curia » a été rendue obligatoire pour le dépôt des actes de procédure.
9 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
Dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal
10 Sous la partie III.A.2, portant sur le dépôt des actes de procédure et de leurs annexes par télécopieur, les points 79 à 81 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal (JO 2015, L 152, p. 1) prévoyaient :
« 79. La date de dépôt d’un acte de procédure par télécopieur n’est prise en considération aux fins du respect d’un délai que si le document original comportant la signature manuscrite du représentant qui a fait l’objet de la transmission par télécopieur est déposé au greffe au plus tard dix jours après, ainsi que le prévoit l’article 73, paragraphe 3, du règlement de procédure.
80. Le document original comportant la signature manuscrite du représentant doit être expédié sans retard, immédiatement après son envoi par télécopieur, sans y apporter de corrections ou modifications, mêmes mineures.
81. En cas de divergence entre le document original comportant la signature manuscrite du représentant et la copie précédemment parvenue au greffe par télécopieur, la date de réception prise en considération est celle du dépôt de ce document original signé. »
Les antécédents du litige et l’ordonnance attaquée
11 Le recours de RF étant un recours en annulation, celui-ci devait, conformément à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de la décision contre laquelle le recours était dirigé, de la notification de celle-ci ou du jour où RF en avait eu connaissance.
12 En l’espèce, la décision litigieuse a été notifiée à RF le 19 septembre 2016. Le délai de recours de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours prévu à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, expirait donc le 29 novembre 2016 à minuit.
13 Le 18 novembre 2016, RF a fait parvenir au greffe du Tribunal, par télécopie, la requête en annulation. Toutefois, l’original signé de cette requête n’est parvenu au greffe du Tribunal que le 5 décembre 2016, c’est-à-dire après l’expiration du délai de dix jours à compter de la réception de la télécopie, prévu à l’article 73, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.
14 Par lettres des 20 décembre 2016, 7 mars 2017 et 19 juin 2017, le greffe du Tribunal a demandé à la requérante des renseignements concernant la date à laquelle la décision litigieuse lui avait été communiquée et des explications relatives au dépôt tardif de la requête.
15 Par lettres des 28 décembre 2016, 28 avril 2017 et 27 juin 2017, la requérante a fourni les explications demandées.
16 En particulier, dans sa lettre du 28 décembre 2016, RF a fait valoir que la requête en version papier avait été envoyée le jour même où elle a été transmise au Tribunal par télécopie et, dès lors, le plus tôt possible par rapport à cette dernière date. Selon la requérante, il était raisonnable de considérer que la requête en version papier allait parvenir au Tribunal avant l’expiration du délai de dix jours. Le fait que le Tribunal ne l’a reçue que le 5 décembre 2016 devait être considéré comme étant un retard exceptionnel, relevant de l’article 45, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Cela serait confirmé par le fait que le délai de dix jours a également été considéré comme raisonnable tant par le règlement de procédure du Tribunal que par les dispositions pratiques d’exécution de ce règlement de procédure (point 80). RF a conclu que la requête devait être considérée comme ayant été présentée dans le délai.
17 Dans sa lettre du 27 juin 2017, RF a joint les documents attestant que le colis contenant l’original signé de la requête avait été déposé auprès de Poczta Polska, principal opérateur postal en Pologne, le 18 novembre 2016. Cette circonstance attesterait que RF a fait preuve de la diligence requise afin de déposer la requête en version papier dans le délai de dix jours à compter de sa transmission par télécopie. Le fait que le colis se serait trouvé encore en Pologne le 2 décembre 2016 et n’a été livré au greffe du Tribunal que le 5 décembre 2016, soit 17 jours après l’envoi par télécopie, ne lui serait pas imputable.
18 Dans cette lettre, RF a également souligné que l’envoi de la requête en version papier avait été confié à Poczta Polska en raison des garanties offertes par cet opérateur public. RF a en outre fait observer que, dès le moment du dépôt de l’envoi contenant la requête, celui-ci s’était trouvé entièrement en dehors de son contrôle.
19 Après avoir rappelé, au point 15 de l’ordonnance attaquée, le caractère d’ordre public des délais de recours visés à l’article 263 TFUE, le Tribunal a relevé, au point 16 de ladite ordonnance, qu’il ne peut être dérogé à ces délais que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles de cas fortuit ou de force majeure.
20 Aux points 17 et 18 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour, les notions de « force majeure » ou de « cas fortuit » comportent un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à la partie requérante, et un élément subjectif tenant à l’obligation, pour celle-ci, de se prémunir contre les conséquences d’un événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, la partie requérante doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus. Ainsi, les notions de « force majeure » et de « cas fortuit » ne s’appliqueraient pas à une situation où une personne diligente et avisée aurait objectivement été en mesure d’éviter l’expiration d’un délai de recours.
21 Le Tribunal a souligné, au point 19 de ladite ordonnance, que, pour être qualifié de « cas fortuit » ou de « force majeure », un événement doit présenter un caractère inévitable, de sorte que cet événement devienne la cause déterminante de la forclusion.
22 Au point 20 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que la circonstance que l’article 73, paragraphe 3, de son règlement de procédure prévoit un délai de dix jours n’implique pas que l’acheminement du courrier contenant l’original signé de la requête dans un délai supérieur à dix jours constitue un cas fortuit ou de force majeure. Au point 21 de cette ordonnance, il a souligné que la seule lenteur dans l’acheminement du courrier, en dehors d’autres circonstances particulières, telles qu’un dysfonctionnement administratif, une catastrophe naturelle ou une grève, ne saurait constituer, en soi, un cas fortuit ou un cas de force majeure contre lequel la requérante ne pouvait se prémunir.
23 Au point 26 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté que la requérante s’était bornée à indiquer, en réponse à une demande de renseignements par le Tribunal, d’une part, qu’elle avait envoyé le colis contenant l’original signé de la requête par lettre recommandée avec accusé de réception et, d’autre part, que, compte tenu de ses connaissances, elle avait estimé que, normalement, le document envoyé parviendrait au greffe du Tribunal avant l’écoulement du délai de dix jours. Le Tribunal a considéré que, alors qu’il lui incombait de surveiller soigneusement la procédure d’acheminement du courrier, la requérante n’avait apporté aucun élément à cet égard.
24 Par ailleurs, le Tribunal a relevé, au point 27 de ladite ordonnance, que RF n’avait invoqué aucune autre circonstance particulière, telle qu’un dysfonctionnement administratif, une catastrophe naturelle ou une grève.
25 Au point 28 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a donc constaté que la requérante n’avait pas apporté la preuve, qui lui incombait, que la durée d’acheminement du courrier avait été la cause déterminante de la forclusion, au sens où il se serait agi d’un événement présentant un caractère inévitable contre lequel la requérante n’aurait pu se prémunir.
26 Le Tribunal a conclu, au point 29 de cette ordonnance, que RF n’avait pas établi l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure en l’espèce et, par conséquent, a rejeté le recours en annulation comme étant manifestement irrecevable.
Les conclusions des parties devant la Cour
27 RF demande à la Cour :
– d’annuler l’ordonnance attaquée et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, afin que celui‑ci examine l’affaire et adopte un arrêt sur le fond, susceptible de faire l’objet d’un pourvoi ;
– dans le cas où la Cour considèrerait que les conditions sont réunies pour statuer définitivement sur le litige, d’annuler l’ordonnance attaquée et de tenir compte, dans leur totalité, des conclusions présentées en première instance ;
– de condamner la Commission européenne aux dépens.
28 RF demande en outre l’admission de certains documents en tant que nouvelles preuves.
29 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi ;
– de condamner RF aux dépens.
Sur la demande d’admission de nouvelles preuves
30 Il y a lieu de rejeter la demande d’admission de nouvelles preuves. En effet, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit, à l’exclusion de toute appréciation des faits, de sorte que de nouveaux éléments de preuve sont irrecevables au stade d’un pourvoi [voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1995, Henrichs/Commission, C‑396/93 P, EU:C:1995:280, point 14, ainsi que ordonnance du président de la Cour du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C‑464/07 P(I), non publiée, EU:C:2008:49, point 12].
Sur le pourvoi
31 RF soulève quatre moyens à l’appui de son pourvoi.
Sur les premier et deuxième moyens
Argumentations des parties
32 Par son premier moyen, tiré d’une violation des articles 45 et 53 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, RF reproche au Tribunal d’avoir erronément assimilé, aux points 17 à 22 de l’ordonnance attaquée, la notion de « force majeure » à celle de « cas fortuit ». Se référant au point 22 de l’ordonnance du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission (C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256), RF rappelle que le délai de distance de dix jours prévu par le règlement de procédure du Tribunal correspond au laps de temps dans lequel tout courrier, en provenance de tout point de l’Union, devrait normalement pouvoir parvenir au greffe du Tribunal, sans qu’il puisse être exclu que ce laps de temps soit dépassé. Elle en conclut que le dépassement de ce délai pour des raisons imputables à l’opérateur postal relève incontestablement du cas fortuit, c’est-à-dire de circonstances imprévisibles.
33 Cet argument serait conforté par le point 80 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel le document original comportant la signature du représentant doit être expédié sans retard, immédiatement après son envoi par télécopieur.
34 RF fait enfin valoir que l’interprétation de la notion de « cas fortuit » donnée par le Tribunal dans l’ordonnance attaquée crée une discrimination, car une partie domiciliée en Pologne ne pourrait pas bénéficier de la réglementation qui permet aux parties dont la résidence est éloignée géographiquement du siège du Tribunal d’envoyer une requête par télécopieur. En effet, pour ces parties, dans la mesure où l’original signé risque de ne parvenir au Tribunal qu’après l’écoulement du délai de dix jours, il ne leur serait d’aucune utilité d’envoyer la requête par télécopieur. Or, il ne saurait être exigé d’elles qu’elles aillent déposer leur requête au greffe du Tribunal en personne.
35 Par son deuxième moyen, RF considère que le Tribunal a violé l’article 126 de son règlement de procédure, en considérant que le recours était manifestement irrecevable.
36 La Commission conteste le bien-fondé de ces moyens.
Appréciation de la Cour
37 Il y a lieu de constater que, selon une jurisprudence constante relative au respect des délais de recours, les notions de « cas fortuit » et de « force majeure » comprennent les mêmes éléments et ont les mêmes conséquences juridiques. Le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en rappelant, au point 17 de l’ordonnance attaquée, que ces notions comportent un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à la partie requérante, et un élément subjectif tenant à l’obligation, pour celle-ci, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs (arrêt du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, EU:C:1994:412, point 32 ; ordonnances du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, EU:C:2007:672, point 17, et du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 19).
38 La Cour a souligné que la partie requérante doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (arrêt du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, EU:C:1994:412, point 32 ; ordonnances du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, EU:C:2007:672, point 17, et du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 19), et que les notions de « cas fortuit » et de « force majeure » ne s’appliquent pas à une situation où une personne diligente et avisée aurait objectivement été en mesure d’éviter l’expiration d’un délai de recours (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 1984, Ferriera Valsabbia/Commission, 209/83, EU:C:1984:274, point 22, et ordonnance du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 20).
39 Or, en l’occurrence, la requérante se limite à affirmer que le dépassement du délai de distance de dix jours prévu par le règlement de procédure du Tribunal était dû à des raisons imputables à l’opérateur postal, sans prouver, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 71 de ses conclusions, qu’elle avait pris toutes les mesures appropriées pour se prémunir contre un tel événement, l’envoi de l’original signé immédiatement après la transmission de la copie par télécopie n’étant qu’une parmi les mesures à prendre à cette fin.
40 Une telle conclusion est confortée par la jurisprudence de la Cour, selon laquelle la circonstance que le règlement de procédure du Tribunal prévoit un délai forfaitaire de dix jours pour l’envoi d’un original après un envoi par communication électronique n’implique pas que l’acheminement du courrier dans un délai supérieur à dix jours constitue un cas fortuit ou de force majeure. À l’instar du délai de distance forfaitaire prévu à l’article 60 du règlement de procédure du Tribunal, le délai de dix jours qui figurait à l’article 73, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal permettait de tenir compte des distances plus ou moins longues à parcourir et de la rapidité variable des opérateurs postaux. Ce délai correspond ainsi non pas au temps maximal garanti pour l’acheminement du courrier, mais au laps de temps dans lequel tout courrier, en provenance de tout point de l’Union, devrait normalement pouvoir parvenir au greffe du Tribunal, sans qu’il puisse être exclu que ce laps de temps soit dépassé (voir, par analogie, ordonnance du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 22).
41 Contrairement à ce que soutient la requérante, un délai de livraison du courrier supérieur à dix jours n’est pas un événement imprévisible, mais constitue une possibilité qui peut se réaliser malgré les indications des opérateurs postaux.
42 Ainsi, la seule lenteur dans l’acheminement du courrier ne saurait constituer, en dehors d’autres circonstances particulières, un cas fortuit ou un cas de force majeure contre lequel la requérante ne pouvait se prémunir (voir, en ce sens, ordonnance du 30 septembre 2014, Faktor B. i W. Gęsina/Commission, C‑138/14 P, non publiée, EU:C:2014:2256, point 23).
43 Pour les mêmes motifs, il ne saurait être déduit du point 80 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal que, lorsque le document original comportant la signature du représentant a été expédié sans retard, immédiatement après son envoi par télécopieur, toute réception de ce document au-delà du délai de dix jours doit être considérée comme relevant d’un cas fortuit ou de force majeure. En effet, ces dispositions pratiques, qui contiennent des explications et des conseils aux parties, afin de les inciter à être attentives au respect des délais, ne sauraient être, en tout état de cause, opposées à l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour.
44 Quant à l’existence d’une prétendue discrimination résultant de la jurisprudence relative à la notion de « cas fortuit », la Cour a jugé à maintes reprises qu’il ne peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (ordonnance du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, EU:C:2007:672, point 16 et jurisprudence citée).
45 Le fait de ne pas admettre qu’une lenteur des services postaux puisse elle-même constituer un cas fortuit ou de force majeure est une règle qui s’applique à tous les justiciables, indépendamment du lieu de leur résidence ou du lieu d’envoi du document concerné. L’application de cette règle permet d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire des justiciables, aucun d’entre eux n’étant favorisé lorsqu’il invoque et prouve la survenance inattendue d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure.
46 Par conséquent, il y a lieu de rejeter les deux premiers moyens.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
47 Par le troisième moyen, RF reproche au Tribunal d’avoir considéré erronément qu’elle n’avait pas établi l’existence d’un cas fortuit, au sens de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, et critique à cet égard les constatations figurant au point 26 de l’ordonnance attaquée. Elle fait valoir qu’il est difficile d’imaginer quelles « mesures supplémentaires » elle aurait pu prendre pour éviter des retards dans la livraison du colis, dès lors qu’elle a examiné le parcours de l’envoi dans le cadre du service « Suivi de l’envoi – Tracking », même si, à partir d’un certain moment, elle a perdu le contrôle ultérieur de l’envoi. Elle considère que la thèse du Tribunal selon laquelle elle aurait pu avoir une influence sur le délai de livraison de l’envoi est clairement non fondée.
48 La Commission estime que le troisième moyen doit être écarté comme étant irrecevable, dans la mesure où la requérante, sans alléguer une dénaturation des éléments de preuve soumis au Tribunal, conteste l’appréciation que celui-ci en a fait.
Appréciation de la Cour
49 Il y a lieu de constater que, au point 26 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rappelé que la requérante avait elle-même indiqué avoir envoyé le colis contenant l’original signé de la requête par lettre recommandée avec accusé de réception, mais n’avait fait état d’aucune autre démarche. Au point 27 de ladite ordonnance, le Tribunal a relevé que RF n’avait invoqué aucune autre circonstance particulière, telle qu’un dysfonctionnement administratif, une catastrophe naturelle ou une grève. Au point 28, il a conclu que la requérante n’avait pas apporté la preuve, qui lui incombait, que la durée d’acheminement du courrier avait été la cause déterminante de la forclusion, au sens où il se serait agi d’un événement présentant un caractère inévitable contre lequel la requérante n’aurait pu se prémunir.
50 Or, de tels éléments constituent des constatations de fait et des appréciations de preuve qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler, sous réserve d’une dénaturation, qui n’est pas alléguée en l’espèce. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi est limitée aux questions de droit.
51 Eu égard à ces conclusions factuelles, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en concluant, au point 29 de l’ordonnance attaquée, que la requérante n’avait pas établi l’existence d’un cas fortuit ou d’une force majeure en l’espèce.
52 Dans ces conditions, le troisième moyen doit être écarté.
Sur le quatrième moyen
Argumentation des parties
53 Par le quatrième moyen, RF estime que l’interprétation donnée par le Tribunal de l’article 45 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle le retard de l’opérateur postal entraînant le dépassement du délai de distance ne relève pas de la notion de « cas fortuit », constitue une violation de l’article 1er, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Elle fait valoir que cette interprétation entraîne une inégalité de traitement selon le lieu de domicile et, par suite, est discriminatoire. Selon RF, la restriction ainsi apportée aux droits fondamentaux en cause n’est ni indispensable ni proportionnée au but visé.
54 La Commission soutient que le quatrième moyen est irrecevable, car trop vague, et, en tout état de cause, non fondé.
Appréciation de la Cour
55 Il y a lieu de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union qui est maintenant exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lequel correspond dans le droit de l’Union à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 40 ainsi que jurisprudence citée).
56 Ce principe, qui consiste à assurer à toute personne un procès équitable, ne fait pas obstacle à ce qu’un délai pour l’introduction d’un recours en justice soit prévu (ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 48 et jurisprudence citée).
57 La Cour a également jugé que le droit à une protection juridictionnelle effective n’est nullement affecté par l’application stricte de la réglementation de l’Union concernant les délais de procédure, laquelle, selon une jurisprudence constante, répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 49 et jurisprudence citée).
58 Il ressort en outre de la jurisprudence qu’une dérogation à ladite réglementation ne saurait être justifiée par la circonstance que des droits fondamentaux sont en jeu. En effet, les règles concernant les délais de recours sont d’ordre public et doivent être appliquées par le juge de manière à assurer la sécurité juridique ainsi que l’égalité des justiciables devant la loi (ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 50 et jurisprudence citée).
59 Enfin, ainsi qu’il ressort du point 45 du présent arrêt, l’application de la règle selon laquelle une lenteur des services postaux ne peut être à elle seule à l’origine de l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure permet d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire des justiciables, puisqu’aucun d’entre eux ne doit être favorisé lorsqu’il invoque et prouve la survenance inattendue d’un cas fortuit ou d’un cas de force majeure.
60 Il s’ensuit que le quatrième moyen est non fondé.
61 Aucun des moyens du pourvoi n’ayant été accueilli, il convient de rejeter celui-ci.
Sur les dépens
62 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
63 La Commission ayant conclu à la condamnation de RF aux dépens et celle-ci ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :
1) La demande d’admission de nouvelles preuves est rejetée.
2) Le pourvoi est rejeté.
3) RF est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.
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