Unareti (Internal market - Principles - Judgment) French Text [2019] EUECJ C-702/17 (21 March 2019)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Unareti (Internal market - Principles - Judgment) French Text [2019] EUECJ C-702/17 (21 March 2019)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C70217.html
Cite as: EU:C:2019:233, [2019] EUECJ C-702/17, ECLI:EU:C:2019:233

[New search] [Contents list] [Help]


ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

21 mars 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Marché intérieur du gaz naturel – Concessions de service public de distribution – Cessation anticipée de concessions au terme d’une période de transition – Remboursement dû par le concessionnaire entrant au concessionnaire sortant – Principe de sécurité juridique »

Dans l’affaire C‑702/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 15 juin 2017, parvenue à la Cour le 14 décembre 2017, dans la procédure

Unareti SpA

contre

Ministero dello Sviluppo Economico,

Presidenza del Consiglio dei Ministri – Dipartimento per gli Affari Regionali,

Autorità Garante per l’Energia Elettrica il Gas e il Sistema Idrico – Sede di Milano,

Presidenza del Consiglio dei Ministri – Conferenza Stato Regioni ed Unificata,

Ministero per gli affari regionali – Dipartimento per gli affari regionali e le autonomie,

Conferenza Unificata Stato Regioni e Enti Locali,

en présence de :

Lucia Sanfilippo,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader, MM. A. Rosas, L. Bay Larsen et M. Safjan, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Unareti SpA, par Mes G. Caia, A. Clarizia, M. Midiri et S. Colombari, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Sclafani, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par Mme O. Beynet ainsi que par MM. G. Gattinara et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du droit de l’Union en matière de concessions de service public et du principe de sécurité juridique.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Unareti SpA au Ministero dello Sviluppo Economico (ministère du Développement économique, Italie), à la Presidenza del Consiglio dei Ministri – Dipartimento per gli Affari Regionali (présidence du conseil des ministres – département des affaires régionales, Italie), à l’Autorità Garante per l’Energia Elettrica il Gas e il Sistema Idrico – Sede di Milano (autorité de l’électricité, du gaz et du réseau hydrique – siège de Milan, Italie), à la Presidenza del Consiglio dei Ministri – Conferenza Stato Regioni ed Unificata (présidence du conseil des ministres – conférence État-régions et unifiée, Italie), au Ministero per gli affari regionali – Dipartimento per gli affari regionali e le autonomie (ministère des Affaires régionales – département des affaires régionales et des autonomies, Italie) et à la Conferenza Unificata Stato Regioni e Enti Locali (conférence unifiée État-régions et collectivités locales, Italie) au sujet d’un recours tendant à l’annulation, d’une part, du decreto ministeriale n. 74951 recante « Approvazione del documento “Linee Guida su criteri e modalità applicative per la valutazione del valore del rimborso degli impianti di distribuzione del gas naturale” » (décret ministériel n° 74951 portant approbation du document « Lignes directrices sur les critères et modalités d’application pour l’évaluation de la valeur du remboursement des installations de distribution du gaz naturel »), du 22 mai 2014 (GURI n° 129, du 6 juin 2014), et, d’autre part, du decreto interministeriale n. 106, regolamento recante modifica al decreto del 12 novembre 2011, n. 226, concernente i criteri di gara per l’affidamento del servizio di distribuzione del gas naturale (décret interministériel n° 106, règlement portant modification du décret n° 226 du 12 novembre 2011 concernant les critères d’appel d’offres pour le marché du service de distribution du gaz naturel), du 20 mai 2015 (GURI n° 161, du 14 juillet 2015).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 24 de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94), prévoit :

« Les États membres désignent, ou demandent aux entreprises propriétaires ou responsables de réseaux de distribution de désigner, pour une durée à déterminer par les États membres en fonction de considérations d’efficacité et d’équilibre économique, un ou plusieurs gestionnaires de réseau de distribution, [...] »

 Le droit italien

4        L’article 14 du decreto legislativo n. 164, attuazione della direttiva n. 98/30/CE recante norme comuni per il mercato interno del gas naturale, a norma dell’articolo 41 della legge 17 maggio 1999, n. 144 (décret législatif n° 164, mettant en œuvre la directive 98/30/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, conformément à l’article 41 de la loi n° 144 du 17 mai 1999), du 23 mai 2000 (GURI n° 142, du 20 juin 2000), prévoit que l’activité de distribution du gaz naturel est en principe une activité de service public concédée par les communes à des concessionnaires choisis exclusivement au moyen d’appels d’offres, pour une durée qui ne peut excéder douze ans.

5        À l’égard des concessions de distribution du gaz naturel en cours qui n’ont pas été attribuées par une procédure publique, l’article 15, paragraphe 5, dudit décret législatif précise :

« Pour l’activité de distribution de gaz, les concessions existant à la date de l’entrée en vigueur du présent décret, ainsi que celles attribuées aux sociétés découlant de la transformation des gestionnaires actuels, sont maintenues jusqu’à l’échéance fixée, si celle-ci intervient avant l’échéance de la période transitoire prévue au paragraphe 7. Les concessions en cours qui ne prévoient pas d’échéance, ou dont l’échéance doit intervenir après la période transitoire, sont maintenues jusqu’à la fin de cette période transitoire. Dans ce dernier cas, les titulaires des marchés et concessions en cours se voient reconnaître le bénéfice d’un remboursement, pris en charge par le nouveau gestionnaire [...], calculé conformément aux modalités stipulées dans les conventions ou contrats et, dans la mesure où ces modalités ne peuvent pas être déduites de la volonté des parties, aux critères visés à l’article 24, sous a) et b), du regio decreto n. 2578 [approvazione del testo unico della legge sull’assunzione direta dei pubblici servizi da parte dei comuni e delle province (décret royal n° 2578, approbation du texte unique de la loi sur l’exécution directe des services publics par les communes et les provinces), (GURI n° 52, du 4 mars 1926)], du 15 octobre 1925. L’évaluation du manque à gagner découlant de la rupture anticipée du rapport de gestion est toujours exclue. »

6        L’article 24 du décret royal no 2578, du 15 octobre 1925, dispose que, dans le cadre de la législation relative au rachat par les communes des concessions de services, il y a lieu de prendre les critères suivants en considération :

« a)      [L]a valeur industrielle de l’installation et du matériel meuble et immeuble, compte tenu du temps écoulé depuis le début effectif de l’exploitation et les éventuels travaux de remise en état intervenus sur l’installation ou le matériel, ainsi que des clauses éventuellement contenues dans le contrat de concession relatives à la propriété du matériel en question, à l’expiration de la concession en cause ;

b)      les avances ou subsides versés par les communes, ainsi que le montant des taxes d’enregistrement proportionnelles payées par anticipation par les concessionnaires et les primes éventuelles versées aux communes concédantes, en tenant toujours compte des éléments contenus dans le point précédent. »

7        L’article 5, paragraphes 2 et 3, du decreto n. 226 del ministro dello sviluppo economico et del ministre per i rapporti con le regioni e la coesione territoriale recante regolamento per i criteri di gara e per la valutazione dell’offerta per l’affidamento del servizio della distribuzione del gas naturale, in attuazione dell’articolo 46‑bis del decreto legge 1° ottobre 2007 n. 159, convertito in legge, con modificazioni, dalla legge 29 novembre 2007, n. 222 (décret n° 226 du ministre du Développement économique et du ministre chargé des rapports avec les régions et de la cohésion territoriale portant règlement pour les critères d’appel d’offres et pour l’évaluation de l’offre relative à l’octroi du service public de distribution du gaz naturel, en exécution de l’article 46 bis du décret-loi n° 159 du 1er octobre 2007, converti en loi, avec modifications, par la loi n° 222, du 29 novembre 2007), du 12 novembre 2011 (supplément ordinaire à la GURI n° 22, du 27 janvier 2012), dans sa version initiale, énonce :

« 2.      La valeur du remboursement versé aux titulaires des marchés et concessions qui doivent prendre fin et pour lesquels aucune échéance n’est prévue, ou dont l’échéance conventionnelle intervient après la date de fin de service prévue dans le nouvel avis de marché, est calculée sur la base des stipulations des conventions ou contrats, conformément aux dispositions de l’article 15, paragraphe 5, du décret législatif no 164, du 23 mai 2000, tel que modifié, en particulier en cas de résiliation anticipée du contrat, à savoir avant son échéance conventionnelle.

3.      Dans le cas où la méthodologie de calcul de la valeur du remboursement aux titulaires visés au paragraphe 2 ne peut pas être déduite des documents contractuels, y compris lorsque ceux-ci indiquent de manière générale que le remboursement doit se faire aux prix du marché, les critères visés à l’article 24, paragraphe 4, sous a) et b), du décret royal no 2578, du 15 octobre 1925, s’appliquent, selon les modalités précisées aux paragraphes 5 à 13, uniquement à la partie de l’installation qui est la propriété du gestionnaire et dont il n’est pas prévu, à l’échéance conventionnelle de la concession, qu’elle sera cédée à titre gratuit à la collectivité locale concédante. »

8        L’article 4, paragraphe 6, du decreto-legge n. 69 convertito, con modificazioni, dalla legge 9 agosto 2013 n. 98, disposizioni urgenti per il rilancio dell’economia (décret-loi n° 69, converti en loi, avec modifications, par la loi n° 98, du 9 août 2013, portant dispositions urgentes pour la relance de l’économie), du 21 juin 2013 (supplément ordinaire à la GURI n° 144, du 21 juin 2013), prévoit que, afin de faciliter le déroulement des appels d’offres pour l’attribution du marché de distribution de gaz et de réduire les coûts pour les collectivités locales et les entreprises, « le ministère du Développement économique peut émettre des lignes directrices sur les critères et modalités pratiques d’évaluation de la valeur du remboursement des installations de distribution du gaz naturel, conformément à l’article 5 du décret no 226, du 12 novembre 2011 ».

9        Les « lignes directrices sur les critères et modalités d’application pour l’évaluation de la valeur du remboursement des installations de distribution du gaz naturel » mentionnées par le décret-loi n° 69, du 21 juin 2013, ont été approuvées par le décret ministériel n° 74951, du 22 mai 2014.

10      L’article 1er, paragraphe 16, du decreto-legge n. 145 convertito, con modificazioni, dalla legge 21 febbraio 2014 n. 9, interventi urgenti di avvio del piano « destinazione Italia » per il contenimento delle tariffe elettriche e del gas, per l’internazionalizzazione, lo sviluppo e la digitalizzazione delle imprese, nonché misure per la realizzazione di opere pubbliche ed EXPO 2015 (décret-loi no 145, converti en loi, avec modifications, par la loi n° 9, du 21 février 2014, portant mesures urgentes de lancement du plan « destination Italie » en vue de contenir les tarifs de l’électricité et du gaz, pour l’internationalisation, le développement et la numérisation des entreprises, ainsi que des mesures pour la réalisation des travaux publics et l’EXPO 2015), du 23 décembre 2013 (GURI n° 300, du 23 décembre 2013), a modifié l’article 15, paragraphe 5, du décret législatif no 164, du 23 mai 2000, en remplaçant, à des fins de réglementation des aspects non régis par les conventions et les contrats concernés, la référence aux critères visés à l’article 24, sous a) et b), du décret royal no 2578, du 15 octobre 1925, par la référence « aux lignes directrices sur les critères et modalités pratiques d’évaluation de la valeur du remboursement visées à l’article 4, paragraphe 6, du décret-loi no 69, du 21 juin 2013 ».

11      Le decreto-legge del 24 giugno 2014, n. 91 convertito con modificazioni, dalla legge 11 agosto 2014 n. 116, disposizioni urgenti per il settore agricolo, la tutela ambientale e l’efficientamento energetico dell’edilizia scolastica e universitaria, il rilancio e lo sviluppo delle imprese, il contenimento dei costi gravanti sulle tariffe elettriche, nonché per la definizione immediata di adempimenti derivanti dalla normativa europea (décret-loi no 91, converti en loi, avec modifications, par la loi no 116, du 11 août 2014, portant dispositions urgentes pour le secteur agricole, la protection de l’environnement et l’efficacité énergétique des bâtiments scolaires et universitaires, la relance et le développement des entreprises, la limitation des coûts pesants sur les tarifs électriques, ainsi que pour la définition immédiate des formalités dérivant de la réglementation européenne), du 24 juin 2014 (GURI n° 144, du 24 juin 2014), a apporté une modification supplémentaire à l’article 15, paragraphe 5, du décret législatif no 164, du 23 mai 2000, énonçant que le remboursement est calculé conformément aux dispositions des conventions et des contrats « pourvu qu’elles aient été stipulées avant la date d’entrée en vigueur » du décret no 226, du 12 novembre 2011.

12      L’article 5, paragraphe 2, du décret n° 226, du 12 novembre 2011, tel que modifié par le décret interministériel no 106, du 20 mai 2015, prévoit que le critère de détermination conventionnelle opère « pourvu que les documents contractuels aient été établis avant le 11 février 2012 et qu’ils contiennent tous les éléments méthodologiques, tels que la liste des prix applicables aux différentes typologies d’équipements à appliquer à l’inventaire des biens actualisé et la gestion de la dégradation physique, y compris la durée de vie des divers types d’équipements, pour le calcul et la vérification de la valeur de remboursement, y compris par l’autorité ». Cet article ajoute, à son paragraphe 3, que, dans le cas où la méthodologie de calcul de la valeur de remboursement « ne peut pas se déduire des documents contractuels établis avant le 11 février 2012, y compris lorsque ceux-ci indiquent de manière générale que la valeur de remboursement doit être calculée sur la base du décret royal no 2578, du 15 octobre 1925, sans préciser la méthodologie, ou évaluée aux prix du marché », les modalités spécifiées aux paragraphes 5 à 13 de l’article 5 du décret n° 226, du 12 novembre 2011, s’appliquent « uniquement aux parties de l’installation qui sont la propriété du gestionnaire et dont il n’est pas prévu que, à l’échéance conventionnelle de la concession, elles seront cédées à titre gratuit à la collectivité locale concédante, selon les modalités pratiques précisées dans les lignes directrices sur les critères et modalités pratiques d’évaluation de la valeur du remboursement ».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

13      Il ressort de la décision de renvoi qu’Unareti assure le service public de distribution du gaz naturel dans 213 communes d’Italie, pour la plupart situées en Lombardie, sur un réseau d’environ 7650 kilomètres (km) et pour un volume de distribution annuel de près de 2 milliards de mètres cubes de gaz.

14      Elle a demandé au Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Lazio, Italie) l’annulation des « lignes directrices sur les critères et modalités d’application pour l’évaluation de la valeur du remboursement des installations de distribution du gaz naturel » approuvées par le décret ministériel n° 74951, du 22 mai 2014.

15      Elle a ultérieurement complété sa requête par des conclusions tendant à l’annulation du décret interministériel n° 106, du 20 mai 2015.

16      Unareti a, notamment, soutenu que les décrets attaqués étaient contraires au principe de sécurité juridique en ce qu’elle pourrait se trouver rétroactivement privée de la possibilité de se référer, pour le calcul du remboursement auquel elle a droit en tant que concessionnaire sortant, aux clauses contractuelles ou au décret royal no 2578, du 15 octobre 1925, et contrainte de se référer aux « lignes directrices sur les critères et modalités d’application pour l’évaluation de la valeur du remboursement des installations de distribution du gaz naturel » approuvées par le décret ministériel n° 74951, du 22 mai 2014, ce qui lui serait défavorable.

17      Par jugement du 14 octobre 2016, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Lazio) a rejeté la requête.

18      Unareti a interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

19      Cette juridiction expose qu’elle est appelée à concilier l’ouverture du marché en cause à la concurrence et la protection des relations contractuelles déjà nées. À cette fin, elle estime nécessaire que la Cour interprète les « normes de l’Union  pertinentes » et le principe de sécurité juridique, notamment au regard des arrêts du 17 juillet 2008, ASM Brescia (C‑347/06, EU:C:2008:416, point 71), et du 12 décembre 2013, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (C‑362/12, EU:C:2013:834, point 44), afin de savoir s’ils s’opposent aux modifications introduites par les décrets attaqués.

20      C’est dans ces conditions que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Ces principes et normes font-ils obstacle à une réglementation nationale [...] qui prévoit une application rétroactive des critères de détermination du montant des remboursements dus aux concessionnaires sortants, ce qui a une incidence sur les rapports commerciaux existants, ou une telle application est-elle justifiée, y compris au regard du principe de proportionnalité, par l’exigence de protéger d’autres intérêts publics d’importance européenne relatifs à la nécessité de mieux protéger la structure concurrentielle du marché concerné tout en assurant davantage de protection aux utilisateurs du service, qui sont susceptibles de subir, indirectement, les effets d’une éventuelle majoration des montants dus aux concessionnaires sortants ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

21      Il convient, d’emblée, d’écarter l’argumentation par laquelle le gouvernement italien soutient que la demande de décision préjudicielle est irrecevable en ce qu’elle ne satisfait pas aux exigences de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour.

22      En vertu de cet article, outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, une demande de décision préjudicielle doit contenir, premièrement, un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées, deuxièmement, la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente et, troisièmement, l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal [arrêt du 26 mai 2016, NN (L) International, C‑48/15, EU:C:2016:356, point 22].

23      Or, il ressort des termes de la décision de renvoi que celle-ci satisfait à ces conditions, en ce qu’elle expose à suffisance les données factuelles du litige au principal, reprises aux points 13 à 15 du présent arrêt, en ce qu’elle porte à la connaissance de la Cour le cadre juridique national pertinent, rappelé aux points 4 à 12 du présent arrêt, et en ce qu’elle permet à la Cour de comprendre les raisons, mentionnées aux points 16 et 19 du présent arrêt, qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union en matière de concessions de service public et du principe de sécurité juridique dans le cadre du litige au principal.

24      Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

 Sur la question préjudicielle

25      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union en matière de concessions de service public, lu à la lumière du principe de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui modifie les normes de référence pour le calcul du remboursement auquel ont droit les titulaires de concessions de distribution de gaz naturel attribuées sans mise en concurrence du fait de la cessation anticipée desdites concessions en vue de les réattribuer après mise en concurrence.

26      Il convient de rappeler que, en matière de concessions de service public, le droit dérivé de l’Union applicable au principal, à savoir l’article 24 de la directive 2009/73, se borne à prévoir que les États membres désignent un ou plusieurs gestionnaires de réseau de distribution pour une certaine durée qu’ils déterminent en fonction de considérations d’efficacité et d’équilibre économique.

27      La Cour a, par ailleurs, jugé que, même si une concession de service public n’entre pas dans le champ d’application des directives relatives aux différentes catégories de marchés publics (voir, notamment, arrêt du 21 juillet 2005, Coname, C‑231/03, EU:C:2005:487, point 16), il résulte du droit primaire de l’Union que les autorités publiques sont tenues, lorsqu’elles envisagent d’attribuer une telle concession, de respecter les règles fondamentales du traité FUE en général et le principe de non‑discrimination en raison de la nationalité en particulier (voir en ce sens, notamment, arrêt du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, EU:C:2000:669, point 60).

28      Plus particulièrement, dans la mesure où une telle concession présente un intérêt transfrontalier certain, son attribution, en l’absence de toute transparence, à une entreprise située dans l’État membre dont relève le pouvoir adjudicateur est constitutive d’une différence de traitement au détriment des entreprises susceptibles d’être intéressées par celle-ci qui sont situées dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, ASM Brescia, C‑347/06, EU:C:2008:416, point 59 et jurisprudence citée).

29      À moins qu’elle ne se justifie par des circonstances objectives, une telle différence de traitement, qui, en excluant toutes les entreprises situées dans un État membre autre que celui dont relève le pouvoir adjudicateur, joue principalement au détriment de celles-ci, est constitutive d’une discrimination indirecte selon la nationalité, interdite en application des articles 49 et 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, ASM Brescia, C‑347/06, EU:C:2008:416, point 60).

30      Cela étant rappelé, il y a lieu de relever que les règles mentionnées aux points 26 à 29 du présent arrêt sont relatives aux obligations qui s’imposent au pouvoir adjudicateur lors de l’attribution d’une concession de service public de distribution de gaz naturel, notamment dans le cas où celle-ci présente un intérêt transfrontalier certain.

31      Or, tel n’est ni l’objet ni l’effet des décrets attaqués au principal, qui concernent seulement les normes de référence pour le calcul du remboursement prévu par le droit national, à savoir l’article 15, paragraphe 5, du décret législatif n° 164, du 23 mai 2000, dans sa version applicable au litige au principal, au profit du titulaire d’une concession en cours attribuée sans mise en concurrence préalable et résiliée de façon anticipée en vue de sa réattribution au terme d’une procédure d’appel d’offres en vertu du seul droit national, à savoir l’article 14 du même décret législatif, la directive 2009/73 ne prévoyant pas de remise en cause des concessions de distribution du gaz existantes.

32      Il s’ensuit que la remise en cause des concessions existantes, dont les conséquences sont pour partie déterminées par les décrets attaqués au principal, ne découle pas du droit de l’Union en matière de concessions de service public de distribution de gaz.

33      En outre, la modification des normes de référence introduite par ces décrets, qui vise à limiter dans certaines hypothèses la possibilité pour le bénéficiaire du remboursement de se référer aux clauses du contrat de concession ou au décret royal no 2578, du 15 octobre 1925, ne saurait par elle-même être constitutive d’une différence de traitement au détriment d’entreprises susceptibles d’être intéressées par un service tel que celui exploité par Unareti et situées sur le territoire d’un État membre autre que l’Italie. En effet, une telle modification des normes de référence est indistinctement applicable aux entreprises ayant leur siège en Italie et à celles ayant leur siège dans un autre État membre.

34      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, si le principe de sécurité juridique s’impose, en vertu du droit de l’Union, à toute autorité nationale, ce n’est qu’en tant que celle-ci est chargée d’appliquer le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, ASM Brescia, C‑347/06, EU:C:2008:416, point 65 et jurisprudence citée).

35      Or, ainsi qu’il a été dit aux points 32 et 33 du présent arrêt, les autorités italiennes n’ont pas, en mettant fin de façon anticipée aux concessions existantes et en adoptant les décrets attaqués au principal, agi au titre de leur obligation d’application du droit de l’Union.

36      Cette caractéristique de l’affaire au principal la différencie à cet égard de celles, mentionnées par la juridiction de renvoi, ayant donné lieu aux arrêts du 17 juillet 2008, ASM Brescia (C‑347/06, EU:C:2008:416, point 71), et du 12 décembre 2013, Test Claimants in the Franked Investment Income Group Litigation (C‑362/12, EU:C:2013:834), dans lesquelles le principe de sécurité juridique a trouvé à s’appliquer eu égard à l’existence d’obligations découlant du droit de l’Union, en vertu desquelles il incombait aux autorités nationales compétentes, respectivement, de justifier une différence de traitement dérogeant aux règles mentionnées aux points 27 à 29 du présent arrêt et de rembourser des impôts perçus en violation du droit de l’Union.

37      Il convient, par suite, de répondre à la question posée que le droit de l’Union en matière de concessions de service public, lu à la lumière du principe de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui modifie les normes de référence pour le calcul du remboursement auquel ont droit les titulaires de concessions de distribution de gaz naturel attribuées sans mise en concurrence du fait de la cessation anticipée desdites concessions en vue de les réattribuer après mise en concurrence.

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

Le droit de l’Union en matière de concessions de service public, lu à la lumière du principe de sécurité juridique, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui modifie les normes de référence pour le calcul du remboursement auquel ont droit les titulaires de concessions de distribution de gaz naturel attribuées sans mise en concurrence du fait de la cessation anticipée desdites concessions en vue de les réattribuer après mise en concurrence.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C70217.html