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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Ashworth v Parliament (not supplied - Order) French Text [2019] EUECJ T-132/19_CO (07 October 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T13219_CO.html Cite as: [2019] EUECJ T-132/19_CO, EU:T:2019:742, ECLI:EU:T:2019:742 |
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ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)
7 octobre 2019 (*)
« Recours en annulation – Droit institutionnel – Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen – Modification du régime de pension complémentaire volontaire – Acte réglementaire – Mesures d’exécution – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »
Dans les affaires T‑102/19 et T‑132/19,
Salvador Garriga Polledo, demeurant à Madrid (Espagne), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Mes A. Schmitt et A. Waisse, avocats,
parties requérantes dans l’affaire T‑102/19,
Richard Ashworth, demeurant à Lingfield (Royaume-Uni), représenté par Mes Schmitt et Waisse, avocats,
partie requérante dans l’affaire T‑132/19,
contre
Parlement européen, représenté par M. N. Görlitz, Mmes M. Ecker et Z. Nagy, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du bureau du Parlement du 10 décembre 2018 modifiant les mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2018, C 466, p. 8),
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann (rapporteur), faisant fonction de président, Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Antécédents des litiges
1 Le 12 juin 1990, le bureau du Parlement européen (ci-après le « Bureau ») a, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions prévues à l’article 22, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement, dans sa version alors applicable (JO 2005, L 44, p. 1), adopté la réglementation concernant le régime de pension complémentaire volontaire des députés au Parlement (ci-après la « réglementation du 12 juin 1990 »), figurant à l’annexe VII de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement (ci-après la « réglementation FID »). La réglementation du 12 juin 1990 avait pour objectif d’instaurer un régime de pension provisoire pour les députés en attendant l’adoption d’un statut unique qui leur soit applicable.
2 Le statut des députés au Parlement a été adopté par la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005 portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1) et est entré en vigueur le 14 juillet 2009.
3 Le statut des députés prévoit des mesures transitoires applicables au régime de pension complémentaire. L’article 27 dudit statut dispose, à cet égard :
« 1. Le fonds de pension volontaire institué par le Parlement est maintenu après l’entrée en vigueur du présent statut pour les députés ou les anciens députés qui ont déjà acquis ou sont en train d’acquérir des droits dans ce fonds.
2. Les droits acquis ou en cours d’acquisition sont entièrement maintenus. Le Parlement peut mettre des préalables et des conditions à l’acquisition de nouveaux droits.
3. Les députés qui perçoivent l’indemnité [instaurée par le statut] ne peuvent plus acquérir de nouveaux droits dans le fonds de pension volontaire.
4. Les députés élus pour la première fois au Parlement après l’entrée en vigueur du présent statut ne peuvent pas adhérer au fonds.
[…] »
4 Par décisions des 19 mai et 9 juillet 2008, le Bureau a adopté les mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application »). En vertu de leur article 73, les mesures d’application sont entrées en vigueur le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, à savoir le 14 juillet 2009.
5 L’article 76 des mesures d’application, intitulé « Pension complémentaire », disposait alors :
« 1. La pension de retraite complémentaire (volontaire) attribuée en vertu de l’annexe VII de la réglementation FID continue d’être versée en application de cette annexe aux personnes qui ont bénéficié de cette pension avant la date d’entrée en vigueur du statut [des députés].
2. Les droits à pension acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut [des députés] en application de l’annexe VII précitée restent acquis. Ils sont honorés dans les conditions prévues par cette annexe.
3. Peuvent continuer à acquérir de nouveaux droits après la date d’entrée en vigueur du statut [des députés], et conformément à l’annexe VII précitée, les députés élus en 2009 :
a) qui étaient députés sous une précédente législature ; et
b) qui ont déjà acquis ou étaient en train d’acquérir des droits dans le régime de pension complémentaire ; et
c) pour lesquels l’État membre d’élection a arrêté une réglementation dérogatoire, conformément à l’article 29 du statut [des députés], ou qui, conformément à l’article 25 du statut [des députés], ont opté eux-mêmes en faveur du régime national ; et
d) qui n’ont pas droit à une pension nationale ou européenne découlant de l’exercice de leur mandat de députés européens.
4. Les contributions au fonds de pension complémentaire à charge des députés sont versées à partir de leurs fonds privés. »
6 Les 9 mars et 1er avril 2009, à la suite de la constatation d’une détérioration de la situation financière du fonds de pension complémentaire, le Bureau a adopté des mesures et a modifié la réglementation du 12 juin 1990. Des recours ont été introduits en 2009 par plusieurs députés au Parlement affiliés au régime de pension complémentaire, ainsi que par l’ASBL « Fonds de pension-députés au Parlement européen » constituée par les questeurs du Parlement, ayant pour objet l’annulation des décisions du Bureau des 9 mars et 1er avril 2009, portant modification de la réglementation du 12 juin 1990. Ces recours ont été rejetés par le Tribunal, certains comme irrecevables (ordonnance du 15 décembre 2010, Albertini e.a. et Donnelly/Parlement, T‑219/09 et T‑326/09, EU:T:2010:519), les autres au fond (arrêts du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, EU:T:2011:600, et du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement, T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127). Saisie d’un pourvoi contre l’arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement (T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127), la Cour a rejeté ledit pourvoi par ordonnance du 3 avril 2014, Inglewood e.a./Parlement (C‑281/13 P, non publiée, EU:C:2014:227), conférant ainsi à l’arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement (T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127) un caractère définitif.
7 Le 10 décembre 2018, considérant que, au vu des comptes du fonds de pension complémentaire volontaire, il était nécessaire de prendre « un certain nombre de mesures inévitables sur le plan économique afin d’améliorer la viabilité du fonds de pension complémentaire volontaire, de remédier au problème croissant de liquidité et de réduire le déficit actuariel ainsi que les conséquences négatives pour le contribuable européen », le Bureau a adopté la décision modifiant les mesures d’application (JO 2018, C 466, p. 8, ci-après la « décision attaquée »).
8 Il résulte de l’article 1er, point 7, de la décision attaquée, applicable à partir du 1er janvier 2019, que l’âge de la retraite pour les bénéficiaires du régime de pension complémentaire volontaire a été relevé de 63 ans à 65 ans et qu’un prélèvement de 5 % a été instauré sur tous les paiements de pension pour les pensions établies après le 1er janvier 2019. Le considérant 6 de la décision attaquée a ajouté que ces mesures constituaient les mesures « les moins importunes possible pour les personnes concernées ».
Procédure et conclusions des parties
9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2019, le recours dans l’affaire T‑102/19 a été introduit par 46 députés ou anciens députés affiliés au régime de pension complémentaire volontaire des députés au Parlement.
10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 février 2019, le recours dans l’affaire T‑132/19 a été introduit par un député affilié au régime de pension complémentaire volontaire des députés au Parlement.
11 Le 28 février 2019, le requérant dans l’affaire T‑132/19, M. Richard Ashworth, a demandé la jonction des affaires T‑102/19 et T‑132/19, y compris aux fins de la décision mettant fin à l’instance. Le Parlement a déclaré, le 13 mars 2019, ne pas s’opposer à une telle jonction. Par décision du 29 mars 2019, le président de la sixième chambre du Tribunal a décidé de joindre les affaires T‑102/19 et T‑132/19 aux fins de la phase écrite et de l’éventuelle phase orale de la procédure.
12 À la suite des demandes de désistement de M. Ivo Belet et de Mme Frédérique Ries, requérants dans l’affaire T‑102/19, respectivement les 1er et 6 mars 2019, le Parlement a soumis ses observations sur ces désistements partiels le 13 mars 2019. Par ordonnance du 26 mars 2019, Garriga Polledo e.a./Parlement (T‑102/19, non publiée, EU:T:2019:226), du président de la sixième chambre du Tribunal, les noms desdits requérants ont été radiés de la liste des requérants dans l’affaire T‑102/19.
13 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2019, le Parlement a soulevé, conformément à l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité dans les deux affaires.
14 Les requérants dans les deux affaires ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 21 juin 2019.
15 Dans leurs requêtes, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– en tant que de besoin, à titre de mesures d’organisation de la procédure, condamner le Parlement à produire les avis délivrés par son service juridique avant l’adoption de la décision attaquée ;
– annuler la décision attaquée en tant qu’elle concerne l’article 76 des mesures d’application ou, à titre subsidiaire, la décision attaquée dans son ensemble ;
– condamner le Parlement aux dépens.
16 Dans l’exception d’irrecevabilité, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter les recours comme irrecevables ;
– rejeter les demandes de production de documents comme irrecevables ;
– subsidiairement, lui accorder un nouveau délai pour présenter ses conclusions et arguments de fait et de droit ;
– condamner les requérants aux dépens.
17 Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter l’exception d’irrecevabilité ;
– condamner le Parlement aux dépens.
En droit
18 En application de l’article 68 du règlement de procédure, les parties entendues, les présentes affaires sont jointes aux fins de la décision mettant fin à l’instance.
19 En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Parlement ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.
20 À l’appui de son exception d’irrecevabilité, le Parlement fait valoir, premièrement, que la décision attaquée ne produit ses effets à l’égard des requérants que par l’intermédiaire de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Deuxièmement, il soutient que la condition d’affectation individuelle fait défaut. Troisièmement, à titre subsidiaire, le Parlement fait valoir que les identités et domiciles des requérants dans l’affaire T‑102/19 ne figurent qu’en annexe, en violation de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous a), du règlement de procédure. Quatrièmement, sur la demande de production des avis du service juridique du Parlement, il soutient qu’il s’agit d’une demande irrecevable, puisque accessoire à une demande irrecevable. Cinquièmement, il soutient que l’argument des requérants selon lequel il aurait dû notifier la décision attaquée individuellement à chacun des députés concernés est inopérant, dès lors que, la décision attaquée n’indiquant pas de destinataire, elle a été publiée au Journal Officiel de l’Union européenne, conformément à l’article 297, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE.
21 Les requérants contestent l’argumentation du Parlement. Premièrement, ils font valoir que les recours sont dirigés contre un acte réglementaire qui les concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution. Deuxièmement, ils soutiennent que la décision attaquée les affecte directement et individuellement. Troisièmement, les requérants soutiennent que, dans l’affaire T‑102/19, l’annexe de la requête dans laquelle figurent leurs noms et adresses fait partie intégrante de la requête et contestent l’irrecevabilité du recours à cet égard. Quatrièmement, ils font valoir que la production des avis du service juridique du Parlement est utile à la solution du litige et en requièrent la production en tant que mesure d’organisation de la procédure. Cinquièmement, ils précisent que la nécessité de notifier individuellement la décision attaquée aux députés concernés n’a pas d’incidence sur la recevabilité des présents recours.
22 À titre liminaire, s’agissant du deuxième chef de conclusions formulé dans la requête, il y a lieu de constater que seules les dispositions de la décision attaquée modifiant l’article 76 des mesures d’application, relatif à la pension complémentaire, sont concernées par l’argumentation des requérants et qu’elles sont détachables du reste de ladite décision. L’objet des recours est donc limité à la demande d’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle concerne l’article 76 des mesures d’application.
23 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
24 Partant, cette disposition prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, comme c’est le cas en l’espèce. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19).
25 Dans les présentes affaires, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le second cas de figure.
Sur l’existence d’un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution
Sur l’existence d’un acte réglementaire
26 La notion d’acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, englobe les actes de portée générale, à l’exclusion des actes législatifs (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 58 à 61).
27 En l’espèce, d’une part, la décision attaquée constitue un acte de portée générale, qui s’applique à des situations déterminées objectivement et qui produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 29). D’autre part, ce n’est pas un acte législatif, dès lors qu’il n’a pas été adopté selon la procédure législative ordinaire décrite à l’article 294 TFUE ou selon une procédure législative spéciale, telle que définie à l’article 289, paragraphe 2, TFUE.
28 Dès lors, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties.
Sur l’existence de mesures d’exécution
29 Il convient de rappeler que l’expression « qui ne comportent pas de mesures d’exécution », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours devant le juge de l’Union européenne aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 27 ; voir, également, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 58 et jurisprudence citée).
30 En revanche, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 28 ; voir, également, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 59 et jurisprudence citée).
31 Lorsque la mise en œuvre d’un tel acte appartient aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, les personnes physiques ou morales peuvent introduire un recours direct devant les juridictions de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et invoquer au soutien de ce recours, en application de l’article 277 TFUE, l’illégalité de l’acte de base en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, ces personnes peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de base en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 60 et jurisprudence citée).
32 De plus, aux fins d’apprécier si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables. En outre, dans le cadre de cette appréciation, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 61 et jurisprudence citée).
33 En l’espèce, ainsi que l’indique le Parlement, les députés qui souhaitent bénéficier d’une pension au titre du régime complémentaire volontaire introduisent une demande d’octroi auprès du service compétent du Parlement. Cette demande doit être accompagnée des pièces justificatives, faire l’objet d’une vérification de la part du service compétent, lequel établit ensuite le droit du demandeur à une telle pension par le biais d’une décision individuelle.
34 Ainsi, il ressort des annexes jointes aux observations sur l’exception d’irrecevabilité que, à la suite de demandes d’octroi adressées, respectivement, par un député et par un ancien député figurant dans la liste des requérants dans l’affaire T‑102/19, le chef de l’unité « Rémunérations et droits sociaux des députés » a rejeté ces demandes au motif que les conditions de la décision attaquée n’étaient pas remplies et a suggéré auxdits député et ancien député de reprendre contact avec lui à l’approche de la date à laquelle ils atteindraient 65 ans.
35 Dès lors, les conséquences spécifiques et concrètes de la décision attaquée à l’égard des requérants se matérialisent par des actes individuels, émanant du service compétent du Parlement, contenant pour chaque député concerné la vérification de la réunion des conditions et l’application d’un calcul propre à chaque situation.
36 Même s’il est exact que la décision attaquée détermine elle-même précisément que toute pension qui n’est pas encore exigible au 1er janvier 2019 est fixée et versée sous réserve que le député ait atteint l’âge de 65 ans et qu’elle fait l’objet d’un prélèvement spécial de 5 % du montant nominal de la pension, il n’en demeure pas moins qu’elle n’emporte pas de décision quant à l’octroi en tant que tel de la retraite complémentaire volontaire et quant à son montant exact (voir, par analogie, arrêt du 10 décembre 2015, Kyocera Mita Europe/Commission, C‑553/14 P, non publié, EU:C:2015:805, point 48).
37 En outre, les actes de mise en œuvre de la décision attaquée en l’espèce étant susceptibles d’être contestés devant le Tribunal, les requérants peuvent accéder au juge et invoquer une exception d’illégalité de la décision attaquée, cela sans être contraints d’enfreindre le droit au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus.
38 Ces actes de mise en œuvre de la décision attaquée constituent donc, à l’égard des requérants, des mesures d’exécution de la décision attaquée au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.
39 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérants.
40 Premièrement, les requérants font valoir que la décision attaquée produit des « effets directs », ce qui pourrait permettre de conclure qu’elle ne comporte pas de mesures d’exécution.
41 Toutefois, cet argument doit être rejeté. En effet, ainsi qu’il a été constaté précédemment (points 33 à 37 ci-dessus), la mise en œuvre de la décision attaquée requiert des mesures d’exécution, ce qui suffit pour constater que les requérants ne sont pas dans le cas de figure prévu à l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE et pour écarter l’argument soulevé.
42 Deuxièmement, les requérants soutiennent que les services du Parlement saisis par un député d’une demande de paiement de sa retraite au titre du régime de pension complémentaire volontaire appliqueraient la décision attaquée, annexée à la décision individuelle, de manière automatique et sans aucune marge d’appréciation.
43 À cet égard, il suffit de rappeler que cette question de la marge d’appréciation du service compétent est dépourvue de pertinence pour déterminer si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, points 41 et 42).
44 Dès lors, l’argument tiré de ce que les mesures prises au niveau du service compétent du Parlement sont adoptées en appliquant mécaniquement la décision attaquée doit être écarté comme inopérant pour conclure à l’existence ou non de mesures d’exécution. Le fait que les décisions individuelles comportent, en annexe, la décision attaquée n’infirme pas ce constat.
45 En outre, l’argument selon lequel le recours contre les décisions individuelles prises par le Parlement serait voué à l’échec, dès lors qu’elles appliqueront nécessairement la décision attaquée, doit également être écarté. En effet, le fait que ces décisions individuelles appliquent la décision attaquée en s’y conformant en font précisément des mesures d’exécution. Contrairement à ce qu’affirment les requérants, des recours contre ces décisions individuelles qui appliquent la décision attaquée peuvent être introduits devant le Tribunal en excipant de l’illégalité de ladite décision qui en constitue le fondement légal (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement, T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127, point 27).
46 Troisièmement, les requérants font valoir que les décisions individuelles prises par les services du Parlement concernant les demandes de pension seraient des actes confirmatifs de la décision attaquée, au caractère non attaquable en annulation.
47 Il y a lieu de rappeler qu’une décision est purement confirmative d’une décision antérieure lorsqu’elle ne contient aucun élément nouveau par rapport à celle-ci et qu’elle n’a pas été précédée d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur (ordonnance du 1er juin 2017, Camerin/Parlement, T‑647/16, non publiée, EU:T:2017:373, point 39).
48 Or, en l’espèce, dès lors que les décisions individuelles appliqueraient la décision attaquée après examen de la situation respective de chaque député au regard de la retraite complémentaire volontaire, elles contiendraient un examen de leur situation individuelle et ne seraient donc pas purement confirmatives de la décision attaquée.
49 Dès lors, cet argument ne saurait prospérer.
50 Quatrièmement, les requérants ajoutent qu’exiger qu’ils introduisent des réclamations contre plusieurs dizaines de décisions individuelles défavorables irait à l’encontre des exigences d’économie de procédure « imposées par le principe du respect du délai raisonnable ».
51 Toutefois, l’application du principe d’économie de la procédure, invoqué par les requérants, ne saurait justifier de déclarer recevable un recours ne respectant pas, par ailleurs, les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, sous peine d’excéder les compétences attribuées par le traité aux juridictions de l’Union. En effet, ce principe n’est pas susceptible de servir de fondement à une dérogation à l’attribution des compétences de ces juridictions telle que prévue par le traité (voir, par analogie, ordonnance du 15 décembre 2010, Albertini e.a. et Donnelly/Parlement, T‑219/09 et T‑326/09, EU:T:2010:519, point 54).
52 De même, il ne ressort pas des arguments présentés par les requérants en quoi le principe du délai raisonnable de la procédure pourrait être affecté par le fait qu’ils devront attaquer les actes d’application de la décision attaquée plutôt que directement cette dernière, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure ne pouvant logiquement être apprécié qu’à l’issue de cette dernière (voir, par analogie, ordonnance du 15 décembre 2010, Albertini e.a. et Donnelly/Parlement, T‑219/09 et T‑326/09, EU:T:2010:519, point 55).
53 Il résulte de tout ce qui précède que la condition relative à l’existence d’un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution n’est pas remplie en l’espèce.
54 Il convient donc de vérifier si, conformément au premier cas de figure visé au point 24 ci-dessus les recours pourraient être recevables sur le fondement de l’hypothèse de l’affectation directe et individuelle.
Sur la condition relative à l’affectation directe et individuelle
55 Les requérants soutiennent que la décision attaquée les affecte directement et individuellement.
56 Le Parlement conteste que la condition relative à l’affectation individuelle soit remplie en l’espèce.
57 Il convient d’examiner d’emblée la condition de l’affectation individuelle.
58 Il résulte de la jurisprudence que les sujets autres que les destinataires d’un acte ne sauraient prétendre être individuellement concernés par cet acte, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si celui-ci les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 72, et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 46).
59 En l’espèce, la décision attaquée, en ce qu’elle modifie l’article 76 des mesures d’application, prévoit que la pension complémentaire qui n’est pas exigible au 1er janvier 2019 le sera lorsque le député aura atteint l’âge de 65 ans et qu’un prélèvement de 5 % sera versé directement au fonds de pension complémentaire volontaire.
60 Force est de relever que les conditions de versement de la pension complémentaire volontaire sont formulées en termes généraux et que la décision attaquée s’applique aux requérants en leur qualité objective de députés remplissant les conditions ainsi posées, au même titre que tous les députés dans cette situation.
61 Dans ces conditions, il doit être constaté qu’aucun des requérants n’est individualisé par le règlement litigieux d’une manière analogue à celle d’un destinataire, au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 223).
62 L’argument des requérants selon lequel, au moment où la décision attaquée a été adoptée, il était possible pour le Bureau de déterminer précisément le nombre ainsi que l’identité des intéressés qui seraient affectés par ladite décision, doit être écarté. En effet, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, EU:C:2001:622, point 52, et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 47).
63 En outre, les arguments tirés du fait que la décision attaquée modifierait les droits acquis des requérants et qu’elle aurait un caractère rétroactif impliquant pour le Parlement l’obligation d’identifier les députés concernés constituent des arguments de fond, lesquels sont inopérants pour soutenir que la condition relative à l’affectation individuelle est remplie. Au demeurant, ces arguments ne suffisent pas pour établir que les requérants sont concernés de façon individuelle par la décision attaquée, dès lors qu’il n’est pas établi que la décision attaquée entraînerait des conséquences pour les requérants en raison de qualités les distinguant de tout autre député auquel la décision attaquée serait appliquée.
64 Il s’ensuit que les requérants ne sont pas individuellement concernés par l’article 1er de la décision attaquée, en tant qu’il modifie l’article 76 des mesures d’application, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
65 Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner si les requérants sont directement affectés par la décision attaquée, dans la mesure où les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle par l’acte dont l’annulation est demandée sont cumulatives.
66 Il résulte de tout ce qui précède qu’aucune des conditions prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’étant remplie, les présents recours en annulation doivent être considérés comme irrecevables, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande des requérants, au titre de mesure d’organisation de la procédure, tendant à la production des avis du service juridique du Parlement rendus avant la décision attaquée et sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les autres arguments des parties (points 20 et 21 ci-dessus).
Sur les dépens
67 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
68 Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens, ainsi que ceux exposés par le Parlement, conformément aux conclusions de ce dernier.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
ordonne :
1) Les affaires T‑102/19 et T‑132/19 sont jointes aux fins de la présente ordonnance.
2) Les recours sont rejetés comme irrecevables.
3) M. Salvador Garriga Polledo et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, ainsi que M. Richard Ashworth, supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen.
Fait à Luxembourg, le 7 octobre 2019.
Le greffier | Le président faisant fonction |
E. Coulon | D. Spielmann |
* Langue de procédure : le français.
1 La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.
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