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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Hungary v Commission (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-139/15 (12 March 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T13915.html Cite as: [2019] EUECJ T-139/15, ECLI:EU:T:2019:156, EU:T:2019:156 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
12 mars 2019 (*)
« FEOGA – section “Garantie” – FEAGA – Sucre – Régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne – Règlement (CE) no 320/2006 – Règlement (CE) no 968/2006 – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par la Hongrie – Conditions pour l’octroi de l’aide pour démantèlement total et de l’aide pour démantèlement partiel – Notion d’“installations de production” – Appréciation de l’usage des silos à la date d’introduction de la demande d’octroi de l’aide – Notion de “démantèlement total” – Annexe 2 du document VI/5330/97 – Difficultés d’interprétation de la réglementation de l’Union – Coopération loyale »
Dans l’affaire T‑139/15,
Hongrie, représentée initialement par MM. M. Fehér, G. Koós, Mme A. Pálfy, puis par MM. Fehér, Koós, Mmes Zs. Bíró-Tóth et E. Tóth, en qualité d’agents,
partie requérante,
soutenue par
République française, représentée par M. D. Colas, en qualité d’agent,
et par
République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli, avvocato dello Stato,
parties intervenantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. P. Ondrůšek et B. Béres, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2015/103 de la Commission, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 16, p. 33), en ce qu’elle a exclu le montant de 11 709 400 euros du financement, par le FEAGA, des aides à la restructuration dans le secteur de l’industrie sucrière octroyées par la Hongrie,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,
greffier : Mme N. Schall, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 mai 2017,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
Règlement (CE) no 320/2006
1 Le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 320/2006, du 20 février 2006, instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2006, L 58, p. 42). Le règlement no 320/2006 a été modifié à plusieurs reprises et, en dernier lieu, par le règlement (CE) n o 72/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, modifiant les règlements (CE) n o 247/2006, (CE) n o 320/2006, (CE) n o 1405/2006, (CE) n o 1234/2007, (CE) n o 3/2008 et (CE) n o 479/2008 et abrogeant les règlements (CEE) n o 1883/78, (CEE) n o 1254/89, (CEE) n o 2247/89, (CEE) n o 2055/93, (CE) n o 1868/94, (CE) n o 2596/97, (CE) n o 1182/2005 et (CE) n o 315/2007 en vue d’adapter la politique agricole commune (JO 2009, L 30, p. 1). Le règlement no 320/2006, dans sa version modifiée par le règlement n o 72/2009, est applicable aux faits concernés par la présente affaire.
2 Les considérants 1 et 5 du règlement no 320/2006 énoncent ce qui suit :
« (1) […] Afin d’aligner le régime communautaire de production et de commerce du sucre sur les exigences internationales et de garantir sa compétitivité à l’avenir, il est nécessaire de lancer un processus approfondi de restructuration du secteur en vue d’une réduction importante de la capacité de production non rentable dans la Communauté. À cette fin, pour garantir la mise en œuvre d’une nouvelle organisation commune des marchés du sucre au fonctionnement harmonieux, il convient d’abord d’instituer un régime temporaire, distinct et autonome, de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté. […]
(5) Il y a lieu d’instaurer une incitation économique importante, sous la forme d’une aide à la restructuration adéquate, destinée aux entreprises dont la productivité est la plus faible, afin qu’elles abandonnent leur production sous quota. À cet effet, il convient de mettre en place une aide à la restructuration qui incite à abandonner la production de sucre sous quota et à renoncer aux quotas considérés, et qui permette en même temps de tenir compte du respect des engagements sociaux et environnementaux liés à l’abandon de la production. Cette aide devrait être disponible pendant quatre campagnes de commercialisation, afin de réduire la production dans la mesure nécessaire pour parvenir à une situation de marché équilibrée dans la Communauté. »
3 L’article 1er du règlement no 320/2006, intitulé « Fonds de restructuration temporaire », dispose :
« 1. Le présent règlement institue un fonds temporaire pour la restructuration de l’industrie du sucre dans la Communauté […] (ci-après dénommé “fonds de restructuration”). […]
Le fonds de restructuration fait partie du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, section “Garantie”. À compter du 1er janvier 2007, il fait partie du Fonds européen agricole de garantie (ci-après dénommé “FEAGA”).
2. Le fonds de restructuration finance les dépenses liées aux mesures prévues aux articles 3, 6, 7, 8 et 9 du présent règlement.
[…]
4. Le présent règlement ne s’applique pas aux régions ultrapériphériques mentionnées à l’article 299, paragraphe 2, du traité. ».
4 L’article 3 du règlement no 320/2006, intitulé « Aide à la restructuration », prévoit :
« 1. Toute entreprise produisant du sucre, de l’isoglucose ou du sirop d’inuline à laquelle un quota a été attribué avant le 1er juillet 2006 […] peut bénéficier d’une aide à la restructuration par tonne de quota libéré, à condition que, pendant l’une des campagnes de commercialisation suivantes : 2006[/]2007, 2007[/]2008, 2008[/]2009 [et] 2009[/]2010, elle :
a) renonce au quota qu’elle a assigné à une ou plusieurs de ses usines et démantèle totalement les installations de production des usines concernées ;
ou
b) renonce au quota qu’elle a assigné à une ou plusieurs de ses usines et démantèle partiellement les installations de production des usines concernées, et n’utilise pas les installations de production restantes des usines concernées pour la fabrication de produits relevant de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ;
[…]
3. Le démantèlement total des installations de production nécessite :
a) l’arrêt définitif et total de la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline par les installations de production concernées ;
b) la fermeture de l’usine ou des usines et le démantèlement de leurs installations de production au cours de la période visée à l’article 4, paragraphe 2, [sous] d),
et
c) la réhabilitation environnementale du site de l’usine et des mesures visant à faciliter le reclassement de la main-d’œuvre au cours de la période visée à l’article 4, paragraphe 2, [sous] f). […]
4. Le démantèlement partiel des installations de production nécessite :
a) l’arrêt définitif et total de la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline par les installations de production concernées ;
b) le démantèlement des installations de production qui ne seront pas utilisées pour de nouvelles productions et qui étaient destinées à la fabrication des produits visés [sous] a) […] ;
c) la réhabilitation environnementale du site de l’usine et des mesures visant à faciliter le [re]classement de la main-d’œuvre au cours de la période visée à l’article 4, paragraphe 2, [sous] f) […]
5. Le montant de l’aide à la restructuration par tonne de quota libéré est le suivant :
a) dans le cas visé au paragraphe 1, [sous] a) :
– 730 [euros] pour la campagne de commercialisation 2006[/]2007,
– 730 [euros] pour la campagne de commercialisation 2007[/]2008,
– 625 [euros] pour la campagne de commercialisation 2008[/]2009,
– 520 [euros] pour la campagne de commercialisation 2009[/]2010 ;
b) dans le cas visé au paragraphe 1, [sous] b) :
– 547,50 [euros] pour la campagne de commercialisation 2006[/]2007,
– 547,50 [euros] pour la campagne de commercialisation 2007[/]2008,
– 468,75 [euros] pour la campagne de commercialisation 2008[/]2009,
– 390 [euros] pour la campagne de commercialisation 2009[/]2010 […] »
5 Par ailleurs, aux termes de l’article 4 du règlement no 320/2006, intitulé « Demandes d’octroi de l’aide à la restructuration » :
« 1. Les demandes d’octroi de l’aide à la restructuration sont présentées à l’État membre concerné au plus tard le 31 janvier précédant la campagne de commercialisation au cours de laquelle le quota doit être libéré.
[…]
2. Les demandes d’octroi de l’aide à la restructuration comprennent :
a) un plan de restructuration ;
[…]
c) l’engagement de renoncer au quota en question pendant la campagne de commercialisation considérée ;
d) dans le cas visé à l’article 3, paragraphe 1, [sous] a), l’engagement de démanteler totalement les installations de production dans un délai à fixer par l’État membre concerné ;
e) dans le cas visé à l’article 3, paragraphe 1, [sous] b), l’engagement de démanteler partiellement les installations de production dans un délai à fixer par l’État membre concerné et de ne pas utiliser le site de production et les autres installations de production pour la fabrication de produits relevant de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ;
[…]
3. Le plan de restructuration visé au paragraphe 2, [sous] a), comprend au moins les éléments suivants :
[…]
c) une description technique complète des installations de production concernées ;
d) un plan de développement détaillant les modalités, le calendrier et les coûts de la fermeture de l’usine ou des usines ainsi que du démantèlement total ou partiel des installations de production ;
[…]
h) un plan financier détaillant l’ensemble des coûts afférents au plan de restructuration. »
6 L’article 5 du règlement no 320/2006, intitulé « Décision relative à l’aide à la restructuration et aux contrôles y afférents », prévoit :
« 1. Les États membres décident de l’octroi de l’aide à la restructuration au plus tard pour la fin du mois de février précédant la campagne de commercialisation visée à l’article 3, paragraphe 2. Toutefois, la décision relative à la campagne 2006[/]2007 est adoptée pour le 30 septembre 2006 au plus tard.
[…]
2. L’aide à la restructuration est octroyée si l’État membre, après une vérification minutieuse, a établi que :
– la demande contient les éléments visés à l’article 4, paragraphe 2 ;
– le plan de restructuration contient les éléments visés à l’article 4, paragraphe 3 ;
– les mesures et les actions décrites dans le plan de restructuration sont conformes aux législations communautaire et nationale pertinentes ;
– […]
3. Si une ou plusieurs des conditions énoncées aux trois premiers tirets du paragraphe 2 ne sont pas remplies, la demande d’aide à la restructuration est renvoyée au demandeur. Le demandeur est informé des conditions qui ne sont pas remplies. Le demandeur peut alors soit retirer sa demande soit la compléter […] »
Règlement (CE) no 968/2006
7 La Commission européenne a adopté le règlement (CE) no 968/2006, du 27 juin 2006, portant modalités d’exécution du règlement no 320/2006 (JO 2006, L 176, p. 32). Le règlement no 968/2006 a été modifié à plusieurs reprises et, en dernier lieu, par le règlement d’exécution (UE) no 672/2011 de la Commission, du 13 juillet 2011, modifiant le règlement no 968/2006 (JO 2011, L 184, p. 1). Le règlement no 968/2006, dans sa version modifiée par le règlement n o 672/2011, est applicable aux faits concernés par la présente affaire.
8 Le considérant 4 du règlement no 968/2006 dispose :
« En ce qui concerne la libération des quotas, l’article 3 du règlement […] no 320/2006 offre le choix entre un démantèlement total ou un démantèlement partiel des installations de production, qui donne lieu au versement de montants différents au titre de l’aide à la restructuration. Les conditions applicables à ces deux options devraient tenir compte du fait qu’un montant plus élevé de l’aide à la restructuration est octroyé dans le cas d’un démantèlement total en raison des coûts élevés qu’il entraîne. Il est toutefois jugé adéquat d’autoriser la conservation des parties de l’usine qui ne font pas partie de la ligne de production si elles peuvent servir à un autre usage prévu dans le plan de restructuration, en particulier lorsque cet usage crée des emplois. En revanche, il devrait être obligatoire de démanteler les installations qui ne sont pas directement liées à la production de sucre s’il n’existe aucune autre utilisation possible de ces dernières dans un délai raisonnable et que leur conservation porterait préjudice à l’environnement. »
9 L’article 4 du règlement no 968/2006, intitulé « Démantèlement des installations de production », prévoit :
« 1. Dans le cas d’un démantèlement total visé à l’article 3, paragraphe 1, [sous] a), du règlement […] no 320/2006, les obligations de démanteler les installations de production couvrent :
a) l’ensemble des installations nécessaires à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline, notamment les installations destinées à stocker, à analyser, à laver et à couper les betteraves sucrières, la canne à sucre, les céréales ou la chicorée ; l’ensemble des installations nécessaires pour extraire et transformer ou concentrer le sucre provenant de betteraves sucrières ou de cannes à sucre, l’amidon d’origine céréalière, le glucose provenant de l’amidon ou l’inuline provenant de la chicorée ;
b) la partie des installations, autres que celles mentionnées [sous] a), directement liée à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline et nécessaire dans le cadre de la production sous le quota libéré, même si ladite partie peut servir à la production d’autres produits, notamment les installations servant à chauffer ou à traiter l’eau, ou à produire de l’énergie, les installations servant à traiter la pulpe ou la mélasse de betterave sucrière, les installations destinées au transport interne ;
c) toute autre installation, notamment des installations de conditionnement, qui est inutilisée et destinée à être démantelée et enlevée pour des raisons de protection de l’environnement.
2. Dans le cas d’un démantèlement partiel visé à l’article 3, paragraphe 1, [sous] b), du règlement […] no 320/2006, l’obligation de démanteler les installations de production couvre les installations visées au paragraphe 1 du présent article qui ne sont destinées ni à d’autres productions ni à un autre usage du site de l’usine conformément au plan de restructuration. »
10 Aux termes de l’article 6 du règlement no 968/2006, intitulé « Obligations des États membres » :
« 1. Au plus tard vingt jours après avoir reçu la copie de l’invitation à la consultation visée à l’article 2, paragraphe 3, l’État membre informe les parties concernées par le plan de restructuration de sa décision concernant :
[…]
b) la période, prenant fin au plus tard le 30 septembre 2010, fixée pour le démantèlement des installations de production et la mise en conformité avec les exigences sociales et environnementales visées à l’article 3, paragraphe 3, [sous] c), et à l’article 3, paragraphe 4, [sous] c), du règlement […] no 320/2006 ;
[…]
Par dérogation au [paragraphe 1, sous b)], sur demande motivée de l’entreprise concernée, les États membres peuvent accorder une prolongation du délai visé [au paragraphe 1, sous b)] jusqu’au 31 mars 2012 au plus tard. Dans ce cas, l’entreprise présente un plan de restructuration modifié conformément à l’article 11 [du règlement no 968/2006] […] »
11 L’article 9 du règlement no 968/2006, intitulé « Admissibilité à l’aide à la restructuration », dispose :
« […]
2. La demande est réputée recevable pour autant que le plan de restructuration :
a) contienne un résumé des principaux objectifs, des mesures et des actions ainsi que l’évaluation des coûts de ces mesures et actions, le plan financier et les calendriers ;
b) indique, pour chaque usine concernée, la quantité de quotas à libérer, qui doit être inférieure ou équivalente à la capacité de production devant faire l’objet d’un démantèlement total ou partiel ;
c) contienne une attestation stipulant que les installations de production seront totalement ou partiellement démantelées et retirées du site de production ;
[…]
e) détermine clairement l’ensemble des actions et des coûts financés par le fonds de restructuration et, le cas échéant, les autres éléments destinés à être financés par d’autres fonds communautaires.
3. Si les conditions fixées au paragraphe 2 ne sont pas remplies, l’État membre informe le demandeur des motifs de son objection et fixe, dans les délais visés à l’article 4, paragraphe 1, du règlement […] no 320/2006, une date avant laquelle le plan de restructuration peut être adapté en conséquence.
L’État membre se prononce sur la recevabilité de la demande adaptée dans un délai de quinze jours ouvrables après la date visée au premier alinéa, mais au plus tard dix jours ouvrables avant le délai fixé à l’article 5, paragraphe 1, du règlement […] no 320/2006.
Si la demande adaptée n’est pas présentée dans les délais ou si elle est jugée irrecevable, la demande d’octroi de l’aide à la restructuration est rejetée, et l’État membre en informe le demandeur et la Commission dans un délai de cinq jours ouvrables. L’introduction d’une nouvelle demande par le même demandeur sera tributaire de l’ordre chronologique visé à l’article 8 […] »
12 L’article 11 du règlement no 968/2006, intitulé « Modification du plan de restructuration », prévoit :
« 1. Dès que l’aide à la restructuration lui est octroyée, le bénéficiaire est tenu d’exécuter l’ensemble des mesures présentées de manière détaillée dans le plan de restructuration approuvé et de respecter les engagements inclus dans sa demande d’octroi de l’aide à la restructuration.
2. Toute modification d’un plan de restructuration approuvé est soumise à l’approbation de l’État membre sur la base d’une demande introduite par l’entreprise concernée :
a) expliquant les raisons de cette modification et les problèmes de mise en œuvre rencontrés ;
b) présentant les adaptations ou les nouvelles mesures proposées ainsi que leurs effets escomptés ;
c) précisant les conséquences en matière de coûts et de délais.
Ces modifications ne peuvent modifier le montant total de l’aide à la restructuration qui sera octroyé ni les montants temporaires au titre de la restructuration qui doivent être payés en application de l’article 11 du règlement […] no 320/2006.
L’État membre informe la Commission du plan de restructuration modifié. »
13 L’article 16 du règlement no 968/2006, intitulé « Paiement de l’aide à la restructuration », dispose :
« 1. Le versement de chaque tranche de l’aide à la restructuration visée à l’article 10, paragraphe 4, du règlement […] no 320/2006, est subordonné à la constitution d’une garantie d’un montant équivalent à 120 % du montant du versement concerné.
[…] »
14 Aux termes de l’article 22 du règlement no 968/2006, intitulé « Libération des garanties » :
« 1. Les garanties visées à l’article 16, paragraphe 1, […] et à l’article 18, paragraphe 2, sont libérées pour autant que :
a) l’ensemble des mesures et des actions prévues dans le plan de restructuration, dans les programmes de restructuration nationaux et dans le plan d’entreprise ait été mis en œuvre ;
b) le rapport final visé à l’article 23, paragraphe 2, ait été présenté ;
c) les États membres aient effectué les contrôles visés à l’article 25 ;
[…]
3. Sauf en cas de force majeure, la garantie reste acquise si les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont pas remplies, au plus tard le 30 septembre 2012. »
15 L’article 25 du règlement no 968/2006, intitulé « Contrôles », établit ce qui suit :
« 1. Chaque entreprise et site de production qui bénéficie d’une aide au titre du fonds de restructuration est inspecté par l’autorité compétente de l’État membre dans les trois mois qui suivent le délai visé à l’article 23, paragraphe 2.
Au cours de cette inspection, on vérifie que le plan de restructuration ou d’entreprise est respecté et que les informations communiquées par l’entreprise dans le rapport de suivi sont exactes et complètes. Au cours de la première inspection effectuée dans le cadre d’un plan de restructuration, toute information additionnelle communiquée par l’entreprise dans sa demande d’octroi de l’aide à la restructuration est également vérifiée, en particulier la confirmation visée à l’article 4, paragraphe 2, [sous] b), du règlement […] no 320/2006.
2. Dans tous les cas, l’inspection couvre les éléments du plan de restructuration visés à l’article 4, paragraphe 3, du règlement [...] no 320/2006 […] ».
16 Par ailleurs, l’article 26 du règlement no 968/2006, intitulé « Recouvrements », dispose :
« 1. Sans préjudice du paragraphe 3, si un bénéficiaire ne respecte pas une ou plusieurs des obligations qui lui incombent conformément au plan de restructuration, au plan d’entreprise ou au programme de restructuration national, la partie de l’aide accordée conformément à l’obligation ou aux obligations concernées est récupérée, sauf en cas de force majeure […] »
17 Enfin, aux termes de l’article 27 du règlement no 968/2006, intitulé « Sanctions » :
« 1. Si le bénéficiaire ne respecte pas une ou plusieurs de ses obligations conformément au plan de restructuration, au plan d’entreprise ou au programme de restructuration national, il doit s’acquitter d’une sanction financière correspondant à 10 % du montant à récupérer en application de l’article 26 […] »
Antécédents du litige
18 Entre les 16 et 19 mars 2010, les services de la Commission ont effectué une mission de contrôle en Hongrie sur trois des quatre anciens sites de production de sucre ayant bénéficié d’une aide à la restructuration pour démantèlement total en vertu de l’article 3 du règlement no 320/2006, dans sa version applicable à ces dates.
19 À la suite de ce contrôle, la Commission a, par lettre du 20 juillet 2010 (ci-après la « première communication du 20 juillet 2010 »), communiqué aux autorités hongroises le résultat de la mission de contrôle effectuée et a précisé que cette communication était envoyée en application de l’article 11 du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90).
20 Il ressort de la première communication du 20 juillet 2010 que, pour la Commission, les autorités hongroises n’avaient pas totalement respecté les exigences de la réglementation du droit de l’Union concernant les conditions d’octroi des aides à la restructuration de l’industrie sucrière pour les campagnes de commercialisation 2007/2008 et 2008/2009. En effet, elle a constaté que des silos avaient été conservés sur les sites industriels visités, appartenant respectivement à la société Eastern Sugar, à Kaba (Hongrie) et à la société Matra Cukor, à Szolnok (Hongrie) et, partant, que ces sociétés ne pouvaient pas bénéficier d’une aide à la restructuration pour démantèlement total, mais uniquement d’une aide à la restructuration pour démantèlement partiel, dont le montant est inférieur de 25 % à celui de l’aide à la restructuration pour démantèlement total. À cet égard, elle a indiqué que ces sociétés n’étaient pas éligibles à l’aide à la restructuration pour démantèlement total si elles ne mettaient pas totalement en œuvre le plan de restructuration et si les autres bâtiments liés à l’activité de production, dont les silos, n’étaient pas démolis. Enfin, la Commission a demandé aux autorités hongroises de fournir des renseignements sur les bâtiments encore présents sur les sites de production de sucre où ses agents ne s’étaient pas rendus.
21 Par lettre du 20 septembre 2010, les autorités hongroises ont répondu aux objections figurant dans la première communication du 20 juillet 2010 et ont indiqué à la Commission que des silos situés sur le site de production d’Eastern Sugar à Kaba étaient loués pour y stocker du sucre en vrac en vue de son conditionnement.
22 Lors d’une réunion bilatérale entre les services de la Commission et les autorités hongroises qui a eu lieu à Bruxelles (Belgique) le 6 décembre 2010, ces dernières ont déclaré, notamment, qu’il restait encore des silos sur les sites, d’une part, d’Eastern Sugar à Kaba, et, d’autre part, de Magyar Cukor à Petőháza (Hongrie) et que les silos présents sur le site de Matra Cukor à Szolnok étaient en train d’être démolis. Elles ont en outre fait valoir, en substance, qu’il n’existait pas de fondement juridique à l’obligation de démantèlement des silos et que la renonciation au quota de production et le démantèlement des installations de production étaient suffisants pour que les entreprises sucrières hongroises soient éligibles à l’aide à la restructuration pour démantèlement total.
23 La Commission, quant à elle, a admis que, même si les règlements nos 320/2006 et 968/2006 ne faisaient pas état du démantèlement des silos, il découlait de l’économie de la réglementation en cause que ces derniers, en ce qu’ils faisaient partie intégrante des installations de production, devaient être démantelés. En outre, la Commission a observé que les entreprises sucrières ayant sollicité l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement total auraient pu choisir d’opérer un démantèlement partiel, lequel aurait donné lieu à une aide d’un montant de 25 % inférieur à celui octroyé en cas de démantèlement total. Enfin, elle a indiqué aux autorités hongroises qu’elles avaient jusqu’au mois de septembre 2011 pour régulariser la situation et conserver le bénéfice de l’aide à la restructuration pour démantèlement total.
24 Le 3 mars 2011, les autorités hongroises ont présenté leurs observations sur le procès-verbal de la réunion bilatérale du 6 décembre 2010. Elles ont notamment déclaré que seules les entreprises sucrières bénéficiaires de l’aide à la restructuration pour démantèlement total pouvaient demander la prolongation du délai pour l’achèvement du démantèlement, ce qu’elles n’avaient cependant pas fait.
25 Par lettre du 8 novembre 2012, envoyée sur le fondement de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 885/2006, la Commission a informé les autorités hongroises qu’elle envisageait d’écarter un montant de 11 709 400 euros du financement de l’Union, celui-ci ayant été calculé sur la base de la différence entre le montant de l’aide octroyé en cas de démantèlement total et celui accordé en cas de démantèlement partiel.
26 Le 18 décembre 2012, les autorités hongroises ont demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation sur le fondement de l’article 16 du règlement no 885/2006.
27 Le 25 avril 2013, l’organe de conciliation a rendu un rapport dans lequel il a, tout d’abord, constaté que la conciliation entre les parties avait échoué et que la question essentielle faisant l’objet du désaccord entre ces dernières était pendante devant la Cour. Ensuite, il a relevé, en substance, d’une part, que la Commission avait, à plusieurs occasions, manqué d’informer les autorités hongroises de l’obligation de démantèlement des silos et, d’autre part, que plusieurs États membres, ainsi que la Commission elle-même, avaient rencontré des difficultés d’interprétation de la réglementation en cause. Enfin, il a invité la Commission à prendre en considération le fait que, en application du document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document VI/5330/97 »), « si les irrégularités peuvent être imputées à l’interprétation des règles communautaires, […] cette circonstance atténuante peut être prise en considération et un taux de correction plus faible ou une absence de correction peuvent être proposés ».
28 Par arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), la Cour a jugé, en substance, que la notion d’« installations de production », au sens des articles 3 et 4 du règlement no 320/2006 et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 968/2006, couvrait les silos destinés au stockage du sucre du bénéficiaire de l’aide à la restructuration. Toutefois, la Cour a considéré que tel n’était pas le cas dans deux hypothèses : d’une part, lorsqu’il était démontré que les silos étaient employés uniquement aux fins du stockage de sucre, produit sous quota, entreposé par d’autres producteurs ou acheté à ces derniers et, d’autre part, lorsqu’ils étaient uniquement utilisés pour le conditionnement ou l’emballage de sucre produit ailleurs aux fins de sa commercialisation.
29 Par lettre du 8 janvier 2014, les autorités hongroises ont réitéré à la Commission les motifs pour lesquels elles considéraient, à la lumière de l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), que les silos conservés sur les anciens sites de production de sucre d’Eastern Sugar, à Kaba et de Magyar Cukor, à Petőháza (ci-après les « silos litigieux »), ne relevaient pas de la notion d’« installations de production ».
30 Par lettre du 28 mars 2014, la Commission a accordé un délai de deux mois aux autorités hongroises pour produire des preuves convaincantes du fait que, avant les demandes d’aide à la restructuration, les silos litigieux servaient exclusivement au stockage et au conditionnement du sucre produit sous quota par d’autres producteurs.
31 Par lettre du 26 mai 2014, les autorités hongroises ont contesté la position de la Commission selon laquelle, aux fins d’apprécier si les silos litigieux relevaient de la notion d’« installations de production », il y avait lieu de considérer la façon dont ceux-ci étaient utilisés à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration.
32 Estimant que les autorités hongroises n’avaient toujours pas fait état d’éléments dont il aurait été possible de déduire que, à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration, les silos litigieux étaient exclusivement employés aux fins du stockage et du conditionnement de sucre produit sous quota par d’autres producteurs, la Commission a adressé aux autorités hongroises un courrier daté du 6 octobre 2014, dans lequel elle a réitéré la position exprimée dans son précédent courrier du 8 novembre 2012.
33 Dans le rapport de synthèse présenté à la réunion du 18 novembre 2014 du comité des Fonds agricoles, consulté conformément à l’article 31, paragraphe 1, du règlement (CE) n o 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), et à l’article 41, paragraphe 3, du même règlement, la Commission a indiqué que sa position demeurait inchangée au regard des manquements constatés.
34 C’est dans ces conditions que la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2015/103, du 16 janvier 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 16, p. 33, ci-après la « décision attaquée »), dont celles effectuées par la Hongrie pour un montant de 11 709 400 euros au titre des aides à la restructuration dans le secteur de l’industrie sucrière, qui sont en cause dans la présente affaire.
Procédure et conclusions des parties
35 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2015, la Hongrie a introduit le présent recours.
36 Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 22 juin et le 3 juillet 2015, la République française et la République italienne ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Hongrie. Par décision du 21 août 2015, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis ces interventions. La République française a déposé le mémoire en intervention au greffe du Tribunal le 21 octobre 2015.
37 La Commission et la Hongrie ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention de la République française respectivement le 16 décembre 2015 et le 6 janvier 2016.
38 La Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler partiellement la décision attaquée, en ce qu’elle a exclu le montant de 11 709 400 euros du financement, par le FEAGA, des aides à la restructuration dans le secteur de l’industrie sucrière octroyées par la Hongrie ;
– condamner la Commission aux dépens.
39 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la Hongrie aux dépens.
40 La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
41 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé aux parties des questions écrites et les a invitées à déposer certains documents. À l’exception de la République italienne, les parties ont déféré aux mesures d’organisation de la procédure dans les délais.
42 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 mai 2017.
43 La République italienne n’étant pas présente à l’audience, la procédure orale est restée ouverte afin de lui permettre de soumettre ses observations par écrit dans un délai d’une semaine à compter de la signification du procès-verbal d’audience. La République italienne a présenté ses observations écrites dans le délai imparti, dans lesquelles elle a considéré qu’il y avait lieu d’accueillir le recours de la Hongrie.
44 Le 16 juin 2017, la Hongrie et la Commission ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations sur celles présentées par la République italienne après l’audience.
En droit
45 Au soutien de son recours, la Hongrie invoque, en substance, deux moyens tirés, le premier, de la violation des articles 3 et 4 du règlement no 320/2006 et de l’article 4 du règlement no 968/2006 et, le second, de la violation des orientations fixées dans le document VI/5330/97 et du principe de coopération loyale.
Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 3 et 4 du règlement no 320/2006 et de l’article 4 du règlement no 968/2006
46 La Hongrie, soutenue par la République française et par la République italienne, considère, en substance, que la décision attaquée viole les articles 3 et 4 du règlement no 320/2006 et l’article 4 du règlement no 968/2006 en ce que la Commission a estimé que les entreprises sucrières hongroises ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier d’une aide à la restructuration pour démantèlement total au motif qu’elles avaient conservé des silos et, partant, n’avaient pas démantelé la totalité de leurs installations de production. À cet égard, la Hongrie fait valoir que la Commission a commis une erreur en estimant que, aux fins d’apprécier si les silos constituaient des installations de production au sens du règlement no 320/2006 et, partant, s’ils relevaient ou non des exceptions posées par la Cour dans l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), il y avait lieu de s’attacher à l’usage qui en était fait à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration (ci-après le « critère posé par la Commission »). En outre, la Hongrie prétend, en substance, qu’il peut être satisfait à l’obligation de démantèlement total des installations de production même si les silos sont vendus au lieu d’être détruits, à condition qu’il y ait eu renonciation au quota de sucre et que, à l’issue du processus de restructuration, les installations conservées ne puissent plus être utilisées pour la production de sucre par le bénéficiaire de l’aide.
47 La Commission conteste les arguments de la Hongrie, de la République française et de la République italienne.
48 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), après avoir constaté que la notion d’« installations de production » n’était pas définie par les règlements nos 320/2006 et 968/2006, premièrement, la Cour a relevé que la notion de « production » pouvait englober également d’autres étapes de la fabrication d’un produit situées en amont ou en aval du processus chimique ou physique de transformation et, partant, qu’elle pouvait inclure le stockage du sucre qui n’était pas conditionné immédiatement après son extraction de la matière première. Ainsi, elle a conclu que le stockage pouvait être « directement lié à la production de sucre » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 968/2006 (arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, point 26). Deuxièmement, la Cour a considéré que les silos étaient susceptibles d’avoir une incidence directe sur les quantités de sucre pouvant être produites et sur les processus de production qui étaient fonction de la proximité d’une installation de stockage, dans la mesure où ils permettaient notamment de différer, totalement ou partiellement, la vente du produit d’une campagne sucrière donnée et, partant, d’influer sur la situation de marché au sens du considérant 5 du règlement no 320/2006 (arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, points 27 à 29). Troisièmement, la Cour a considéré, en substance, qu’il découlait de l’article 3, paragraphe 3, sous a) et b), du règlement no 320/2006 que, en principe, aux fins de bénéficier d’une aide à la restructuration pour démantèlement total, le complexe industriel concerné devait être mis hors service dans son intégralité et que la faculté de ne pas démanteler ou de continuer à utiliser dans l’avenir les installations autres que celles de production, tout en gardant le droit à l’aide intégrale, constituait une exception devant être interprétée étroitement (arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, point 30).
49 À la lumière des considérations qui précèdent, au point 31 de l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), la Cour a dit pour droit que les silos destinés au stockage du sucre du bénéficiaire de l’aide devaient être qualifiés d’installations de production, et cela indépendamment du fait qu’ils étaient aussi employés pour d’autres usages.
50 Toutefois, la Cour a admis deux exceptions à ce principe. En effet, elle a considéré, en substance, que les silos échappaient à la qualification d’« installations de production » et, partant, à l’obligation de démantèlement, d’une part, lorsqu’il était démontré qu’ils étaient employés uniquement pour le stockage de sucre, produit sous quota, entreposé par d’autres producteurs ou acheté à ces derniers (arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, points 32 et 35) et, d’autre part, lorsqu’ils étaient uniquement utilisés pour le conditionnement ou l’emballage de sucre produit ailleurs aux fins de sa commercialisation (arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, points 33 et 35) (ci-après les « exceptions posées par la Cour »).
51 En l’espèce, il n’est pas contesté par la Hongrie, par la République française et par la République italienne que, à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total, les silos litigieux ne relevaient pas de l’une des exceptions posées par la Cour. En outre, la Hongrie ne conteste pas non plus que, à l’issue du processus de restructuration, les silos litigieux avaient été maintenus sur les sites de production des entreprises sucrières hongroises ayant bénéficié d’une aide à la restructuration pour démantèlement total.
52 La Hongrie considère, cependant, que la Commission a commis une erreur en estimant que les circonstances susmentionnées justifiaient la correction financière de 25 % qui lui a été appliquée. En effet, selon la Hongrie, soutenue par la République française et par la République italienne, l’important est que, à la fin du processus de restructuration, les silos ne constituaient plus des installations liées à la production de sucre. Dès lors, la Commission aurait considéré à tort que c’était à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration qu’il y avait lieu d’apprécier si les silos relevaient de l’une des exceptions posées par la Cour.
53 L’argumentation de la Hongrie, également soutenue par la République française et par la République italienne, n’est toutefois pas conforme à la réglementation en cause.
54 À titre liminaire, il ressort des considérants 1 et 5 du règlement no 320/2006 que l’objectif de la réglementation en cause est de réduire la capacité de production de sucre non rentable dans l’Union en incitant les entreprises dont la productivité est la plus faible à abandonner leur production de sucre sous quota et à renoncer aux quotas considérés.
55 Il découle en outre du considérant 5 du règlement no 320/2006 que le régime de restructuration repose sur une participation volontaire de l’entreprise sucrière en ce qu’il vise à instaurer une incitation économique importante, sous la forme d’une aide à la restructuration adéquate (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, point 44).
56 Afin d’atteindre l’objectif de réduction de la capacité de production de sucre non rentable dans l’Union, poursuivi par la réglementation en cause, le législateur de l’Union a prévu deux régimes de restructuration différents en fonction du type de démantèlement opéré, à savoir le démantèlement total ou le démantèlement partiel, lesquels donnent lieu à un montant d’aide à la restructuration différent, ainsi que cela ressort de l’article 3, paragraphe 5, sous a) et b), du règlement no 320/2006, lu conjointement avec le considérant 4 du règlement no 968/2006.
57 Premièrement, s’agissant des conditions devant être remplies aux fins de l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement total, l’article 3, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 3, sous b), du règlement no 320/2006 exige que l’entreprise sucrière demanderesse renonce au quota qu’elle a assigné à une ou plusieurs de ses usines et qu’elle procède à la fermeture de l’usine et au démantèlement total des installations de production. En revanche, aux fins de l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement partiel, l’article 3, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, sous b), du règlement no 320/2006 exige de l’entreprise sucrière demanderesse qu’elle renonce au quota assigné à une ou plusieurs de ses usines, qu’elle démantèle partiellement les installations de production des usines concernées et qu’elle n’utilise plus les installations de production restantes pour la fabrication de produits relevant de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (ci-après l’« OCM sucre »).
58 Deuxièmement, le périmètre de l’obligation de démantèlement des installations de production a été précisé par l’article 4 du règlement no 968/2006.
59 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 968/2006, l’obligation de démantèlement total, visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 320/2006, concerne les installations nécessaires à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline [article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 968/2006], celles qui sont directement liées à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline et qui sont nécessaires pour la production sous le quota libéré, même si elles peuvent servir à la production d’autres produits [article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 968/2006], ainsi que toute autre installation, notamment les installations de conditionnement, qui est inutilisée et destinée à être démantelée et enlevée pour des raisons de protection de l’environnement [article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006].
60 Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 320/2006 et avec le considérant 4 du règlement no 968/2006, peuvent donc être exceptionnellement conservées, en cas de démantèlement total, toutes les installations qui ne sont pas nécessaires à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline ou qui ne sont pas directement liées à la production de ces produits, telles que les installations de conditionnement, à condition qu’elles soient utilisées et ne soient pas destinées à être démantelées et enlevées pour des raisons de protection de l’environnement.
61 Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 968/2006 prévoit que, en cas de démantèlement partiel, l’obligation de démantèlement couvre les installations visées au paragraphe 1 du même article (voir point 59 ci-dessus) qui ne sont destinées ni à d’autres productions ni à un autre usage du site de l’usine conformément au plan de restructuration. En outre, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 320/2006 que les installations de production pouvant être conservées ne doivent plus être utilisées pour la fabrication de produits relevant de l’OCM sucre. Ainsi, conformément à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 968/2006, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 320/2006, les installations qui sont nécessaires à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline ou qui sont directement liées à la production desdits produits peuvent être conservées, à condition qu’elles ne soient plus utilisées pour la fabrication de produits relevant de l’OCM sucre et qu’elles soient destinées à d’autres productions ou à un autre usage du site de l’usine conformément au plan de restructuration.
62 Troisièmement, le choix entre le démantèlement total et le démantèlement partiel doit être opéré par les entreprises sucrières lors de la demande d’aide à la restructuration.
63 En effet, il découle d’une lecture conjointe de l’article 4, paragraphe 2, sous a), c), d) et e), et paragraphe 3, sous c) et h), du règlement no 320/2006, ainsi que de l’article 9, paragraphe 2, sous a) et c), du règlement no 968/2006, qu’une demande d’aide à la restructuration doit inclure, notamment, l’engagement, d’une part, de renoncer au quota en question et, d’autre part, de démanteler totalement ou partiellement les installations de production dans un délai à fixer par l’État membre concerné, ainsi qu’un plan de restructuration qui contient, notamment, une description technique complète des installations de production concernées, un résumé des mesures et actions, l’évaluation des coûts de ces mesures et actions, le plan financier et le calendrier de réalisation des différentes mesures envisagées.
64 Conformément aux dispositions mentionnées au point 63 ci-dessus, c’est donc au plus tard à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration, pour démantèlement total ou partiel, que le bénéficiaire de l’aide doit avoir identifié l’ensemble des installations de production qu’il s’engage à démanteler conformément au plan de restructuration. Cela suppose donc, s’agissant des silos, de déterminer dès la demande d’octroi de l’aide s’ils constituent des installations de production dont le démantèlement doit être obligatoirement prévu par le plan de restructuration lorsque l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement total est sollicité, ou s’ils relèvent des exceptions posées par la Cour.
65 Toute interprétation contraire priverait de leur substance les exigences posées à l’article 4 du règlement no 320/2006 et à l’article 9 du règlement no 968/2006 et, de surcroît, méconnaîtrait la distinction entre démantèlement partiel et démantèlement total opérée par la réglementation en cause.
66 D’une part, dans l’hypothèse où, à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration, les entreprises sucrières ne sauraient pas si les silos présents sur leurs sites de production constituent ou non des installations de production, ceux-ci ne seraient pas mentionnés dans le plan de restructuration en tant qu’installations de production devant être démantelées, en violation de l’article 4, paragraphe 3, sous c), du règlement no 320/2006.
67 En outre, l’engagement de démanteler l’ensemble des installations de production, qui doit être joint à la demande d’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total (voir point 63 ci-dessus), serait vicié car, par hypothèse, il ne porterait pas sur la totalité des installations de production existantes au jour où cet engagement a été pris.
68 D’autre part, si la qualification des silos en tant qu’installations de production était appréciée à la fin du processus de restructuration, cela permettrait, dans le cas d’un démantèlement total tout comme dans le cas d’un démantèlement partiel, de conserver des silos qui, à la date de la demande d’octroi de l’aide, constituaient des installations de production au motif que, après la restructuration, ils ne seraient plus utilisés en tant qu’installations de production de sucre. Dès lors, la faculté de conservation d’une partie des installations de production ne serait plus caractéristique du démantèlement partiel, mais s’étendrait également au démantèlement total, alors même que, dans ce dernier cas, les opérateurs obtiendront un montant d’aide à la restructuration de 25 % supérieur à celui octroyé en cas de démantèlement partiel compte-tenu des coûts élevés qu’il entraîne, ainsi que cela ressort de l’article 3, paragraphe 5, sous a) et b), du règlement no 320/2006, et du considérant 4 du règlement no 968/2006.
69 À la lumière de ce qui précède, lorsqu’un silo constitue une installation de production à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total, celui-ci doit être mentionné dans cette demande et démantelé conformément au plan de restructuration, à défaut de quoi les conditions pour l’octroi d’une telle aide ne seraient pas remplies.
70 Dès lors, contrairement à ce que prétendent la Hongrie, la République française et la République italienne, la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que c’est à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration qu’il y a lieu d’apprécier la qualification des silos.
71 La conclusion qui précède ne saurait être infirmée par les arguments invoqués par la Hongrie, par la République française et par la République italienne.
72 En premier lieu, la Hongrie soutient, en substance, que le critère posé par la Commission va à l’encontre de l’économie du régime de restructuration de l’industrie sucrière. En effet, selon elle, ce qui est déterminant, aux fins de réaliser l’objectif inhérent aux aides à la restructuration, c’est que, à l’issue du processus de restructuration, il ne subsiste plus d’installations de production pouvant être utilisées pour la production de sucre.
73 À cet égard, il ressort des points 56, 57 et 68 ci-dessus que, aux fins d’atteindre l’objectif de réduction de la capacité de production de sucre non rentable dans l’Union, poursuivi par la réglementation en cause, le législateur de l’Union a prévu deux régimes de restructuration différents en fonction du type de démantèlement opéré, lesquels donnent lieu à un montant d’aide à la restructuration différent. En outre, comme cela est indiqué aux points 62 à 64 ci-dessus, le choix entre le démantèlement partiel et le démantèlement total implique que l’entreprise sollicitant une aide à la restructuration identifie, dès la demande d’octroi de l’aide, l’ensemble des installations de production présentes sur le site concerné qu’elle s’engage à détruire totalement ou partiellement au plus tard à la fin du processus de restructuration.
74 Eu égard à ce qui précède, le critère posé par la Commission s’inscrit dans la logique du système mis en place par le législateur de l’Union et ne va pas à l’encontre de l’économie du régime de restructuration de l’industrie sucrière.
75 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la Hongrie.
76 En deuxième lieu, la République française estime que la Commission ne peut déduire de l’obligation, prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 320/2006, d’inclure, dans les demandes d’octroi de l’aide, l’engagement de démanteler les installations de production dans un délai fixé par l’État membre, que la date à laquelle il y a lieu d’apprécier l’usage des silos serait celle de la demande d’octroi de l’aide. En effet, selon elle, cette disposition ne porte pas sur les conditions d’octroi de l’aide à la restructuration, mais uniquement sur le contenu des demandes d’octroi des aides à la restructuration et la date à laquelle celles-ci doivent être déposées.
77 Il ressort expressément des termes de l’article 9 du règlement no 968/2006 que les conditions posées à l’article 4 du règlement no 320/2006 concernent la recevabilité des demandes d’aide à la restructuration. En outre, force est de constater que ces conditions de recevabilité diffèrent des conditions de fond pour l’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total fixées, quant à elles, à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 320/2006, à savoir, premièrement, la renonciation au quota assigné à une ou plusieurs usines du bénéficiaire de l’aide et, deuxièmement, le démantèlement total des installations de production et la fermeture des usines concernées (voir point 57 ci-dessus).
78 Toutefois, si la demande d’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total n’identifie pas toutes les installations de production qui doivent être démantelées conformément au plan de restructuration, ce n’est pas uniquement la recevabilité de cette demande qui pourrait être contestée, mais également le droit pour l’entreprise demanderesse de percevoir une telle aide. En effet, si une installation ou un bâtiment n’est pas mentionné dans le plan de restructuration en tant qu’installation de production, son démantèlement ne sera pas prévu par le plan de restructuration et, partant, la condition de démantèlement total visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 320/2006 ne sera pas remplie.
79 En tout état de cause, si l’argumentation de la République française était acceptée, cela signifierait que le contrôle des demandes d’octroi des aides à la restructuration exercé par l’État membre ne porterait que sur le respect des conditions de recevabilité desdites demandes, ce qui ne saurait être admis étant donné que, en application de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 320/2006, l’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total est décidé par l’État membre à l’issue de ce premier contrôle. À cet égard, l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 320/2006 précise que, avant d’octroyer l’aide à la restructuration, l’État membre doit effectuer « une vérification minutieuse » du contenu de la demande d’aide et du plan de restructuration, ainsi que de la conformité des mesures et actions décrites dans le plan de restructuration avec le droit de l’Union et les législations nationales pertinentes. Ainsi, lorsqu’il étudie une demande d’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total, l’État membre ne saurait se borner à un simple contrôle formel limité au constat de la réunion des différents éléments devant figurer, d’une part, dans la demande d’octroi de l’aide et, d’autre part, dans le plan de restructuration, mais doit également vérifier si ces éléments permettent de conclure, à tout le moins à première vue, que les conditions pour l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement total sont remplies et, partant, que, à l’issue de la restructuration, il ne restera plus d’installations de production sur le site démantelé.
80 Au demeurant, il ressort d’une lecture conjointe des articles 25 et 26 du règlement no 968/2006 que les contrôles effectués à l’issue du processus de restructuration en application de l’article 25 de ce règlement visent à vérifier la correcte mise en œuvre du plan de restructuration et non le respect des conditions de fond pour l’octroi de l’aide à la restructuration, ces dernières étant vérifiées ex ante, c’est-à-dire avant l’octroi de l’aide.
81 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la République française.
82 En troisième lieu, la Hongrie fait valoir, en substance, que le critère posé par la Commission prive d’effet l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006, car il empêche la conservation des silos destinés à entreposer du sucre à emballer s’ils ont été utilisés auparavant par le bénéficiaire de l’aide pour y stocker sa propre production.
83 D’une part, comme cela est indiqué aux points 59 et 60 ci-dessus, il découle de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 320/2006 et avec le considérant 4 du règlement no 968/2006, que, en cas de démantèlement total, toutes les installations autres que celles nécessaires à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline ou qui sont directement liées à la production de ces produits, comme par exemple les installations de conditionnement, peuvent être exceptionnellement conservées, à condition qu’elles soient utilisées et ne soient pas destinées à être démantelées et enlevées pour des raisons de protection de l’environnement.
84 D’autre part, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), la Cour a jugé qu’un silo ayant servi au stockage du sucre du bénéficiaire de l’aide constituait une installation directement liée à la production de sucre au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 968/2006 (arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, points 26 et 31) et ne relevait donc pas des autres installations, notamment de conditionnement, visées à l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006, dont la conservation pouvait être admise en cas de démantèlement total à condition qu’elles soient utilisées et ne soient pas destinées à être démantelées et enlevées pour des raisons de protection de l’environnement.
85 Partant, contrairement à ce que prétend la Hongrie, l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006 ne saurait permettre la conservation d’un silo qui était utilisé pour le stockage de la production du bénéficiaire de l’aide, une telle conservation ne pouvant avoir lieu qu’en cas de démantèlement partiel et à condition que, à l’issue de la restructuration, le silo en cause ne soit plus utilisé pour la fabrication de produits relevant de l’OCM sucre.
86 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’argument de la Hongrie et également celui qu’elle a invoqué dans sa réponse à la question écrite du Tribunal, selon lequel le considérant 4 du règlement no 968/2006 distinguerait, au sein des installations de production, un sous-groupe d’installations « qui ne font pas partie de la ligne de production », lequel comprendrait les silos de stockage de sucre, et dont la conservation serait admise indépendamment du caractère total ou partiel du démantèlement.
87 En quatrième lieu, la Hongrie, soutenue par la République française, fait valoir, en substance, que le critère posé par la Commission ne ressort pas de l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), et ne découle pas davantage du raisonnement retenu par la Cour dans cet arrêt.
88 Tout d’abord, il convient de relever que, dans l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), la Cour n’a pas pris position sur la question de savoir à quel moment il y avait lieu d’apprécier si les silos constituaient des installations de production relevant de l’obligation de démantèlement. En effet, dans cette affaire, la Cour s’est limitée à répondre aux questions qui lui étaient posées par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), lesquelles portaient, d’une part, sur les critères permettant de déterminer si les silos constituaient des installations de production et, d’autre part, sur la validité des articles 3 et 4 du règlement no 320/2006 et de l’article 4 du règlement no 968/2006 au regard des normes supérieures et des principes du droit primaire de l’Union.
89 Cela étant, le fait que, dans l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), la Cour n’ait pas tranché la question du moment auquel il convient d’apprécier l’usage des silos ne saurait affecter la légalité du critère posé par la Commission, étant rappelé, à cet égard, que ce critère découle implicitement, mais nécessairement, d’une lecture conjointe de l’article 3, paragraphes 1, 3, 4 et 5, du règlement no 320/2006, de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 320/2006, de l’article 5, paragraphes 2 et 3, du même règlement, de l’article 4 du règlement no 968/2006 et de l’article 9, paragraphes 2 et 3, de ce dernier règlement (voir points 57 à 68 ci-dessus).
90 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la Hongrie et de la République française.
91 En cinquième lieu, la République italienne fait valoir, en substance, que le critère posé par la Commission porte atteinte à l’objectif de préservation de l’emploi poursuivi par la réglementation en cause, en ce qu’il conduirait à détruire des silos qui, avant la demande d’octroi de l’aide à la restructuration, étaient aussi légalement utilisés pour l’emballage et le conditionnement du sucre produit sur place et, partant, à supprimer des emplois.
92 À cet égard, il y a lieu de relever que plusieurs dispositions des règlements nos 320/2006 et 968/2006 attestent de l’importance que le législateur de l’Union a accordée à la situation de l’emploi dans les régions concernées par la restructuration de l’industrie sucrière. À titre d’exemple, il découle de l’article 3, paragraphe 3, sous c), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 320/2006 que le démantèlement total et le démantèlement partiel des installations de production nécessitent l’adoption de mesures visant à faciliter le reclassement de la main-d’œuvre. En outre, en cas de démantèlement partiel, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 968/2006, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 320/2006, autorise la conservation des installations de production aux fins de les réaffecter à la fabrication de produits autres que ceux relevant de l’OCM sucre (voir point 61 ci-dessus), permettant ainsi le maintien des emplois sur les anciens sites de production de sucre. De la même manière, l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006, lu à la lumière du considérant 4 du même règlement, autorise, en cas de démantèlement total, le maintien des installations autres que celles nécessaires à la production de sucre, d’isoglucose ou de sirop d’inuline ou qui sont directement liées à la production de ces produits, comme par exemple les installations de conditionnement, qui sont utilisées et ne sont pas destinées à être démantelées et enlevées pour des raisons de protection de l’environnement (voir point 60 ci-dessus).
93 Cela étant, l’objectif de protection de l’emploi et de l’activité des entreprises concernées par la restructuration doit être apprécié ensemble avec l’objectif principal poursuivi par la réglementation en cause, à savoir la réduction de la capacité de sucre non rentable dans l’Union, conformément aux considérants 1 et 5 du règlement no 320/2006 (voir point 54 ci-dessus).
94 En outre, les considérations d’ordre social invoquées par la République italienne ne sauraient justifier l’interprétation que celle-ci propose de la réglementation en cause, laquelle porte atteinte à la distinction essentielle que le législateur de l’Union a entendu instaurer entre démantèlement partiel et démantèlement total (voir points 56, 57 et 68 ci-dessus) et, partant, est contraire à cette réglementation.
95 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la République italienne.
96 En sixième lieu la Hongrie, soutenue par la République française, fait valoir que le critère posé par la Commission ne tient pas compte du caractère saisonnier de la production de sucre et remet en question l’applicabilité pratique des exceptions posées par la Cour. À cet égard, elle rappelle que les demandes d’octroi d’une aide à la restructuration devaient être présentées à l’État membre au plus tard le 31 janvier précédant la campagne de commercialisation au cours de laquelle le quota aurait dû être libéré, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 320/2006. Or, puisque cette date se situait dans le cycle saisonnier de production de sucre, il aurait été très probable que les silos fussent encore, à ce moment, engagés dans la production de sucre sous quota du demandeur de l’aide à la restructuration, compte tenu de leurs caractéristiques de fonctionnement et d’utilisation. Ainsi, la Hongrie soutient que, pour bénéficier d’une aide à la restructuration pour démantèlement total tout en conservant les silos pour les utiliser, à l’avenir, aux fins du stockage de sucre produit ailleurs, les entreprises devraient soit stocker dans les silos du sucre produit ailleurs, et ce dès la campagne précédant la libération du quota, soit mettre les silos hors service, le cas échéant en mettant fin à la production de leur propre sucre avant même d’avoir renoncé au quota de production. La République française ajoute, à cet égard, qu’il est rare qu’une entreprise dispose, à un même endroit, d’une installation de production de sucre sous son quota et des silos qui servent au stockage, au conditionnement ou à l’emballage de sucre produit sous quota par d’autres producteurs.
97 D’une part, le fait que les conditions fixées par les exceptions posées par la Cour soient difficilement réunies à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration ne signifie pas que ces conditions ne puissent pas être réunies. La Commission a d’ailleurs produit l’arrêt no 2966, du 15 juin 2015, du Consiglio di Stato (Conseil d’État), d’où il ressort que, sur trois silos présents le jour de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total concernée, un silo était utilisé pour le stockage de sucre produit sur le site de production de l’entreprise bénéficiaire de l’aide, tandis que les deux autres silos servaient au stockage et à l’emballage de sucre produit par d’autres producteurs.
98 D’autre part, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission, le maintien des silos qui ne constituent pas des installations de production est une exception à la règle, rappelée par la Cour au point 30 de l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), selon laquelle le complexe industriel concerné doit, aux fins de l’octroi de l’aide à la restructuration pour démantèlement total, être mis hors service dans son intégralité. Dès lors, le fait que l’appréciation de l’usage des silos au jour de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration conduise rarement à exclure leur qualification d’installations de production n’est que la conséquence du fait que la faculté de ne pas démanteler ou même de continuer à utiliser dans l’avenir des installations autres que celles de production, tout en gardant le droit à l’aide à la restructuration pour démantèlement total, constitue une exception à la règle rappelée par la Cour devant être interprétée étroitement (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a., C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737, point 30).
99 Dès lors, il y a lieu de rejeter les arguments de la Hongrie et de la République française.
100 En septième lieu, la Hongrie, soutenue par la République italienne, prétend que l’argument de la Commission selon lequel il serait inapproprié de prendre en considération l’usage des silos à la fin du processus de restructuration, car, par hypothèse, à cette date la restructuration serait achevée et il n’y aurait donc plus de production de sucre sous le quota libéré, n’est pas logique : en effet, il présupposerait, en substance, que l’objectif de la restructuration ait été atteint avant même que celle-ci n’ait débuté.
101 Comme cela est expliqué aux points 57 à 68 ci-dessus, la vérification de l’usage des silos à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration vise à déterminer si ces derniers constituent des installations liées à la production qui doivent impérativement être démantelées aux fins de l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement total ou des installations non liées à la production de sucre pour lesquelles le bénéficiaire de l’aide dispose du choix entre la conservation et le démantèlement. Contrairement à ce que prétend la Hongrie, le fait d’effectuer la vérification de l’usage des silos à la date de la demande d’octroi de l’aide ne présuppose aucunement que l’objectif de la restructuration ait été d’ores et déjà atteint et que les silos aient été déjà démantelés à cette date. Au demeurant, aux termes de l’article 6 du règlement no 968/2006, le délai pour la réalisation du démantèlement des installations de production expirait au plus tard le 31 mars 2012. Partant, si un silo constituait une installation de production de sucre au jour de la demande d’octroi de l’aide, son démantèlement effectif n’était pas immédiatement exigé, mais il pouvait intervenir à une date ultérieure et, au plus tard, le 31 mars 2012.
102 En tout état de cause, il ressort des points 57 à 60 ci-dessus que, à la fin de la restructuration, il ne peut pas subsister d’installations de production sur un site démantelé totalement, y compris des silos qui étaient affectés au stockage du sucre produit par le bénéficiaire de l’aide, sauf dans l’hypothèse où le plan de restructuration n’aurait pas été correctement exécuté, ce qui exposerait alors le bénéficiaire au recouvrement de l’aide conformément à l’article 26 du règlement no 968/2006, ainsi qu’aux sanctions fixées à l’article 27 de ce règlement.
103 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la Hongrie.
104 Compte tenu de ce qui a été exposé aux points 101 et 102 ci-dessus, il y a également lieu de rejeter l’argument de la République française selon lequel il n’est pas non plus certain que, à la fin de la restructuration, les silos maintenus relèvent nécessairement des exceptions posées par la Cour.
105 En huitième lieu, la Hongrie prétend, en substance, que le critère posé par la Commission est contraire à la marge de manœuvre dans l’établissement et la mise en œuvre des plans de restructuration dont disposeraient les entreprises sucrières en vertu de la réglementation applicable et, en particulier, de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 968/2006. La République française, quant à elle, prétend qu’il découle de la possibilité de modifier le plan de restructuration prévue à l’article 11 du règlement no 968/2006 que l’utilisation précise des silos qui sont maintenus serait susceptible d’évoluer au cours du processus de démantèlement. Ainsi, selon elle, le caractère évolutif du processus de démantèlement s’oppose à une appréciation de l’usage des silos à la date de la demande d’octroi de l’aide.
106 D’une part, la marge de manœuvre dans l’établissement du plan de restructuration dont disposent les bénéficiaires de l’aide et la faculté de modifier ce plan conformément à l’article 11 du règlement no 968/2006 ne sauraient porter atteinte aux dispositions des règlements nos 320/2006 et 968/2006 et, en particulier, à l’obligation essentielle de démantèlement des installations de production fixée à l’article 3, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 320/2006, laquelle, en cas de démantèlement total, implique la destruction de toute installation de production existant au jour de la demande d’octroi de l’aide.
107 D’autre part, les arguments de la Hongrie et de la République française ne tiennent pas compte de la distinction entre démantèlement total et démantèlement partiel, qui est pourtant consubstantielle à la réglementation en cause (voir points 56, 57 et 68 ci-dessus). Or, la possibilité de conserver des installations de production, dont les silos, ne peut avoir lieu que dans le cas d’un démantèlement partiel et moyennant un montant d’aide inférieur à celui qui serait perçu dans le cas où toutes les installations de production seraient démantelées.
108 Dès lors, il y a lieu de rejeter les arguments de la Hongrie et de la République française.
109 En neuvième lieu, la République française soutient, en substance, qu’il découle de l’emploi du futur de l’indicatif dans la version française de l’expression « les installations de production qui ne seront pas utilisées », employée à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement no 320/2006, que la condition tenant à l’usage des installations maintenues sur un site de production ne peut pas être appréciée à la date de la demande d’octroi de l’aide à la restructuration.
110 Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement no 320/2006, en cas de démantèlement partiel, il est permis de maintenir une partie des installations de production et de démanteler celles qui, par hypothèse, ne seront plus utilisées par le bénéficiaire de l’aide à l’issue de la restructuration. En outre, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 968/2006 précise, à cet égard, que doivent être démantelées toutes les installations « qui ne sont destinées ni à d’autres productions ni à un autre usage du site de l’usine conformément au plan de restructuration ».
111 Il ressort donc d’une lecture conjointe des dispositions mentionnées au point 110 ci-dessus que le bénéficiaire d’une aide à la restructuration pour démantèlement partiel doit savoir, dès la demande d’octroi de l’aide à la restructuration, quelles sont les installations de production qu’il n’entend plus utiliser à l’issue de la restructuration et les mentionner dans le plan de restructuration.
112 Dans ce contexte, l’emploi du futur de l’indicatif dans la version française de l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement no 320/2006 ne saurait faire obstacle au critère posé par la Commission.
113 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la République française.
114 En dixième et dernier lieu, la Hongrie prétend que l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), laisse subsister une incertitude quant à la possibilité de stocker, dans un silo, du sucre produit par le bénéficiaire de l’aide sous un quota autre que celui libéré, sans tomber dans la qualification d’installation de production. À cet égard, en substance, elle fait valoir que les conclusions de la Cour énoncées aux points 32 et 40 de l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), ne sont pas cohérentes entre elles sauf à considérer que les silos conservés puissent être utilisés pour la fabrication de produits relevant de l’OCM sucre, par exemple en ce qu’ils seraient affectés à l’entreposage du sucre produit par le bénéficiaire de l’aide sur un autre site de production et sous le couvert d’un autre quota.
115 D’une part, les conclusions de la Cour qui figurent aux points 32 et 40 de l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), sont parfaitement cohérentes. En effet, au point 32 de cet arrêt, la Cour envisage le cas où les silos ne constituent pas des installations de production en ce qu’ils sont affectés uniquement au stockage du sucre produit sous quota par d’autres producteurs ou acheté à ces derniers. En revanche, au point 40 de cet arrêt, la Cour vise l’hypothèse dans laquelle un silo, qui constitue une installation de production à la date de la demande d’octroi de l’aide, continue d’être utilisé pour le stockage de sucre produit par le bénéficiaire dans ses autres sites de production en vertu d’un autre quota. À cet égard, la Cour a indiqué que le producteur n’avait « normalement pas droit à l’aide à la restructuration » en raison de l’interdiction, prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 320/2006, d’utiliser, en cas de démantèlement partiel, les installations de production non démantelées pour la fabrication de produits relevant de l’OCM sucre.
116 D’autre part, la question de savoir si la notion d’« installations de production » couvre des silos affectés au stockage du sucre produit par le bénéficiaire dans ses autres sites de production en vertu d’un autre quota de production n’a aucune incidence sur la détermination du moment auquel il convient d’apprécier l’usage des silos.
117 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la Hongrie.
118 Aucun des arguments invoqués par la Hongrie, par la République française et par la République italienne n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le premier moyen.
Sur le second moyen, tiré de la violation des orientations fixées dans le document VI/5330/97 et du principe de coopération loyale
119 Le second moyen de la Hongrie se divise, en substance, en deux branches, tirées, la première, de la violation des orientations fixées dans le document VI/5330/97 et, la seconde, de la violation du principe de coopération loyale.
120 D’emblée, il convient de préciser que, dans le cadre de la première branche du second moyen, la Hongrie fait valoir, en substance, que, eu égard aux difficultés d’interprétation soulevées par la réglementation en cause, la Commission aurait dû s’abstenir d’appliquer une correction financière ou aurait dû appliquer un taux de correction plus faible conformément au document VI/5330/97. En revanche, dans le cadre de la seconde branche, elle fait grief à la Commission de ne pas lui avoir communiqué, au cours de la mise en œuvre du régime de restructuration de l’industrie sucrière, son interprétation de la réglementation en cause, en particulier au regard de l’obligation de démantèlement des silos aux fins de l’obtention d’une aide à la restructuration pour démantèlement total, en violant ainsi le principe de coopération loyale.
Sur la première branche, tirée de la violation des orientations fixées dans le document VI/5330/97
121 La Hongrie, soutenue par la République française, fait grief à la Commission d’avoir violé les orientations fixées dans le document VI/5330/97 au motif, en substance, que, eu égard, d’une part, aux difficultés d’interprétation des règlements nos 320/2006 et 968/2006 sur la question du traitement devant être réservé aux silos en cas de démantèlement total d’un site de production ainsi qu’à celles de l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), et, d’autre part, à l’absence d’information donnée en temps utile par la Commission en ce qui concerne son interprétation de la réglementation en cause, celle-ci aurait dû réduire le montant de la correction financière afférente à la restructuration de l’industrie sucrière, voire même s’abstenir de toute correction financière conformément aux orientations fixées dans le document VI/5330/97.
122 La Commission conteste les arguments de la Hongrie.
123 Selon l’annexe 2 du document VI/5330/97, intitulée « Conséquences financières, pour l’apurement des comptes de la section [« Garantie »] du FEOGA, des carences des contrôles effectués par les États membres », des corrections financières doivent être appliquées lorsque la Commission constate que les États membres n’ont pas effectué les contrôles spécifiquement exigés par les règlements applicables ou, en tout état de cause, essentiels pour garantir la régularité de la dépense effectuée au titre de la section « Garantie » du FEOGA.
124 L’annexe 2 du document VI/5330/97, sous le titre « Cas limites », deuxième alinéa (ci-après le « cas limite prévu à l’annexe 2 du document VI/5330/97 »), prévoit ce qui suit :
« Lorsque les carences proviennent de difficultés d’interprétation des textes communautaires, sauf dans les cas où il est raisonnablement permis de penser que l’État membre soulèvera ces difficultés avec la Commission, et lorsque les autorités nationales ont fait le nécessaire pour remédier aux carences dès que celles-ci ont été décelées, ces facteurs de pondération peuvent être pris en compte et donner lieu à l’application d’un taux plus bas ou à l’absence de correction ».
125 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en adoptant des règles de conduite administrative visant à produire des effets externes, telles que les orientations faisant l’objet du document VI/5330/97, et en annonçant par leur publication ou par leur communication aux États membres, comme en l’espèce, qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question, en l’occurrence, dans la présente affaire, la Commission, s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que les principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime. Il ne saurait dès lors être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, de telles règles de conduite ayant une portée générale puissent déployer des effets juridiques et que, notamment, l’administration ne saurait s’en écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec les principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime, à condition qu’une telle approche ne soit pas contraire à d’autres règles supérieures du droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑344/05, non publié, EU:T:2011:440, point 192 ; du 16 septembre 2013, Espagne/Commission, T‑3/07, non publié, EU:T:2013:473, point 84 et jurisprudence citée, et du 10 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑376/12, EU:T:2014:623, point 106 (non publié)].
126 Par ailleurs, il y a lieu d’observer, à l’instar de la Commission, que le cas limite prévu à l’annexe 2 du document VI/5330/97 est un facteur de pondération qui n’ouvre pas automatiquement droit à ce qu’il soit appliqué. En effet, comme en atteste le libellé du document VI/5330/97 le prévoyant, son application est subordonnée à la condition, d’une part, que la carence constatée par la Commission, lors de la procédure d’apurement, découle de difficultés d’interprétation de la réglementation de l’Union et, d’autre part, que les autorités nationales aient fait le nécessaire pour remédier à la carence dès que celle-ci a été décelée par la Commission.
127 S’agissant de la première condition d’application du cas limite prévu à l’annexe 2 du document VI/5330/97, tout d’abord, il convient de relever que l’allégation de la République française, selon laquelle neuf États membres ont connu des difficultés au regard de l’interprétation de la notion d’« installations de production » et de la question du maintien des silos de stockage dans le cadre du démantèlement total d’un site de production de sucre, n’est pas contestée par la Commission. Ensuite, dans son rapport du 25 avril 2013, l’organe de conciliation a expressément reconnu l’existence de problèmes d’interprétation de la réglementation en cause auxquels devaient faire face non seulement les États membres, mais également les services de la Commission (voir point 27 ci-dessus). Enfin, force est de constater que, dans l’arrêt du 14 novembre 2013, SFIR e.a. (C‑187/12 à C‑189/12, EU:C:2013:737), la Cour a statué uniquement sur la question de savoir dans quelles conditions un silo échappait à la qualification d’installation de production relevant de l’obligation de démantèlement, mais ne s’est prononcée ni sur la question du moment auquel il y avait lieu d’apprécier l’usage des silos, ni sur celle de savoir si l’obligation de démantèlement impliquait nécessairement la destruction des installations de production.
128 Eu égard aux circonstances rappelées au point 127 ci-dessus, et contrairement à ce que prétend la Commission, force est de constater que la réglementation en cause soulevait des difficultés d’interprétation au regard de la question de la conservation des silos en cas de démantèlement total.
129 Ce constat ne saurait être infirmé par l’argument de la Commission selon lequel elle a toujours fourni des informations parfaitement cohérentes concernant l’obligation de démantèlement des silos aux États membres qui lui avaient posé la question. En effet, non seulement l’argument de la Commission n’est pas étayé, mais il est, en tout état de cause, erroné en fait, car, dans la duplique, la Commission a reconnu n’avoir jamais répondu au courrier qui lui avait été adressé par les autorités hongroises en novembre 2006, et qu’elle avait reçu le 15 décembre 2006, dans lequel celles-ci l’interrogeaient précisément sur la question du maintien des silos en cas de démantèlement total.
130 En l’espèce, la première condition pour l’application du cas limite prévu à l’annexe 2 du document VI/5330/97 est donc remplie.
131 S’agissant de la seconde condition d’application du cas limite prévu à l’annexe 2 du document VI/5330/97, selon laquelle l’État membre doit avoir adopté des mesures visant à remédier à la carence dès que celle-ci a été décelée, dans ses écrits la Hongrie soutient, en substance, que, en l’absence de certitude quant à la correcte interprétation de la réglementation en cause, il ne pouvait être attendu d’elle qu’elle prît d’emblée des mesures correctrices.
132 En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la Hongrie a confirmé ne pas avoir adopté de mesures pour remédier à la carence constatée par la Commission dans la première communication du 20 juillet 2010.
133 Pour que soit remplie la seconde condition d’application du cas limite prévu à l’annexe 2 du document VI/5330/97, la Hongrie n’avait pas à procéder nécessairement à la destruction des silos litigieux, mais elle aurait pu coopérer avec la Commission, en adoptant des mesures à l’égard des bénéficiaires des aides à la restructuration permettant de remédier à la carence ou, à tout le moins, de prévenir une aggravation du préjudice causé au Fonds par cette carence, notamment en refusant de libérer les garanties constituées par les bénéficiaires des aides à la restructuration conformément à l’article 16 du règlement no 968/2006, ce qu’elle n’a pas fait.
134 La seconde condition d’application du cas limite prévu par l’annexe 2 du document VI/5330/97 n’étant pas remplie, la Commission n’était pas tenue, contrairement aux conclusions de la Hongrie, soutenue par la République française, de s’abstenir de toute correction financière ou d’en réduire le montant.
135 Dès lors, il y a lieu de rejeter la première branche du second moyen.
Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe de coopération loyale
136 La Hongrie, soutenue par la République française, fait valoir que, compte tenu des difficultés d’interprétation de la réglementation en cause, la Commission aurait dû, en application du principe de coopération loyale, faire connaître clairement sa position à tous les États membres, notamment en répondant aux questions soulevées dans la phase de démarrage du régime de restructuration et attirer leur attention sur l’existence d’un risque possible de non-conformité du maintien des silos avec l’obligation de démantèlement total, ce qu’elle n’a pourtant pas fait. En outre, la Hongrie fait grief à la Commission de ne jamais avoir répondu au courrier qu’elle lui avait adressé en novembre 2006 aux fins de savoir si l’obligation de démantèlement concernait les silos.
137 La Commission conteste les arguments de la Hongrie. À cet égard, premièrement, elle indique que la plupart des États membres n’avait pas rencontré de problèmes d’interprétation de la réglementation en cause et que ceux qui en avaient rencontrés, et qui l’avaient interrogée à cet égard, avaient toujours reçu une réponse claire et cohérente de sa part. Deuxièmement, s’agissant du courrier que la Hongrie lui avait adressé en novembre 2006, elle soutient que celui-ci n’a pas été reçu par l’unité administrative compétente et que, même si le fait de ne pas répondre à une lettre qu’elle aurait reçue serait constitutif d’une « omission inexcusable » de sa part, la Hongrie aurait dû faire preuve de prudence en lui exprimant de nouveau ses doutes.
138 Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, TUE, en vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.
139 Le principe de coopération loyale revêt par nature un caractère réciproque. En effet, il oblige les États membres à prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union et impose aux institutions de l’Union des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres (arrêts du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, EU:C:2003:545, points 71 et 72, et du 6 novembre 2014, Grèce/Commission, T‑632/11, non publié, EU:T:2014:934, point 34).
140 En premier lieu, il découle de la jurisprudence rappelée au point 139 ci-dessus que, en vertu du principe de coopération loyale, il incombait aux États membres de veiller à lever toute incertitude au regard de la correcte application de la réglementation en cause, le cas échéant, en interrogeant la Commission sur la possibilité d’octroyer une aide à la restructuration pour démantèlement total à des entreprises qui entendaient conserver des silos.
141 Par ailleurs, la Commission a indiqué, sans être contredite par la Hongrie, que, sur 23 États membres ayant participé au régime de restructuration, seuls six États membres, dont la Hongrie, lui avaient posé des questions concernant les silos. Dès lors, la Commission pouvait raisonnablement estimer que la grande majorité des États membres avait compris que la réglementation en cause imposait la destruction des silos aux fins de l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement total et, partant, qu’il n’était pas nécessaire qu’elle communique son interprétation de la réglementation en cause à tous les États membres.
142 Dès lors, contrairement à ce que prétendent la Hongrie et la République française, il ne pouvait être exigé de la Commission, conformément au principe de coopération loyale, qu’elle communiquât sa position concernant l’obligation de démantèlement des silos à tous les États membres.
143 En deuxième lieu, s’il peut être regrettable que la Commission n’ait pas répondu au courrier de la Hongrie de novembre 2006, cette absence de réaction, que la Commission qualifie elle-même d’« omission inexcusable », ne saurait caractériser une violation du principe de coopération loyale dans les circonstances de l’espèce.
144 En effet, conformément au principe de coopération loyale, il incombait à la Hongrie de veiller à lever toute incertitude concernant l’obligation de démantèlement des silos aux fins de l’obtention de l’aide à la restructuration pour démantèlement total, le cas échéant en interrogeant une nouvelle fois la Commission soit par écrit, soit lors des réunions mensuelles du comité de gestion compétent, ce qu’elle n’a pourtant pas fait.
145 En tout état de cause, l’absence de réaction de la Commission à la suite de la lettre de la Hongrie de novembre 2006 ne saurait être assimilée à une prise de position de l’institution approuvant l’interprétation de la réglementation en cause retenue par les autorités hongroises. Seule une manifestation expresse et claire de la part de la Commission aurait pu permettre aux autorités hongroises de conclure que cette institution avait approuvé le maintien des silos litigieux en cas de démantèlement total (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2011, Espagne/Commission, T‑106/10, non publié, EU:T:2011:740, point 69 et jurisprudence citée).
146 En troisième lieu, d’une part, force est de constater que, dans la première communication du 20 juillet 2010, la Commission a indiqué à la Hongrie que les silos étaient directement liés à la production de sucre et, partant, qu’ils devaient être démantelés des sites industriels pour lesquels l’octroi d’une aide à la restructuration pour démantèlement total avait été sollicité.
147 D’autre part, dans la première communication du 20 juillet 2010, la Commission a expressément rappelé à la Hongrie que les entreprises sucrières hongroises n’étaient pas éligibles à l’aide à la restructuration pour démantèlement total si les plans de restructuration n’étaient pas intégralement mis en œuvre et si les bâtiments liés aux activités de production de sucre et, en particulier les silos, n’étaient pas détruits. À cet égard, elle a rappelé que le délai pour l’achèvement des opérations de démantèlement prévu à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 968/2006, dans sa version alors applicable, expirait le 30 septembre 2011.
148 Dès lors, après réception de la première communication du 20 juillet 2010, la Hongrie avait encore la possibilité d’éviter la correction contestée en exigeant des entreprises sucrières hongroises qu’elles respectent la réglementation en cause, telle qu’interprétée par la Commission.
149 Toutefois, alors même qu’elle connaissait désormais la position de la Commission sur la question du démantèlement des silos, la Hongrie n’a pris aucune mesure pour s’y conformer. Au contraire, ainsi que cela ressort du point 3.2.2 du rapport de synthèse présenté à la réunion du comité des Fonds agricoles du 18 novembre 2014 (voir point 33 ci-dessus), la Hongrie a persisté à appliquer la réglementation en cause selon sa propre interprétation de celle-ci, puisque, deux jours après la réunion bilatérale qui a eu lieu entre la Commission et la Hongrie le 6 décembre 2010 (voir point 22 ci-dessus), cette dernière a, en application de l’article 22 du règlement no 968/2006, libéré les deux dernières garanties constituées par les bénéficiaires des aides à la restructuration pour démantèlement total, alors même que des silos étaient toujours présents sur les anciens sites de production de sucre leur appartenant.
150 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du second moyen, tirée de la violation par la Commission du principe de coopération loyale.
151 Aucun des moyens invoqués par la Hongrie n’étant fondé, le recours est rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
152 En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
153 Toutefois, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie. En outre, selon l’article 135, paragraphe 2, de ce même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela paraît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance.
154 La Hongrie a succombé en ses conclusions. Toutefois, au point 143 ci-dessus, a été constatée l’absence de réponse de la Commission à la lettre de la Hongrie de novembre 2006. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il est juste et équitable de condamner la Hongrie à supporter, outre ses propres dépens, uniquement la moitié des dépens exposés par la Commission et de condamner la Commission à supporter la moitié de ses propres dépens.
155 Enfin, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.
156 Dès lors, la République française et la République italienne supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Hongrie supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la Commission européenne.
3) La Commission supportera la moitié de ses propres dépens.
4) La République française et la République italienne supporteront leurs propres dépens.
Kanninen | Schwarcz | Iliopoulos |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2019.
Signatures
Table des matières
Cadre juridique
Règlement (CE) n o 320/2006
Règlement (CE) n o 968/2006
Antécédents du litige
Procédure et conclusions des parties
En droit
Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 3 et 4 du règlement n o 320/2006 et de l’article 4 du règlement no 968/2006
Sur le second moyen, tiré de la violation des orientations fixées dans le document VI/5330/97 et du principe de coopération loyale
Sur la première branche, tirée de la violation des orientations fixées dans le document VI/5330/97
Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe de coopération loyale
Sur les dépens
* Langue de procédure : le hongrois.
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