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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Rietze v EUIPO - Volkswagen (Vehicule VW Caddy Maxi) (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-191/18 (06 June 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T19118.html Cite as: EU:T:2019:378, ECLI:EU:T:2019:378, [2019] EUECJ T-191/18 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
6 juin 2019 (*)
« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant le véhicule VW Caddy Maxi – Dessin ou modèle communautaire antérieur –Motif de nullité – Caractère individuel – Utilisateur averti – Impression globale différente – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Charge de la preuve incombant au demandeur en nullité – Exigences liées à la reproduction du dessin ou modèle antérieur »
Dans l’affaire T‑191/18,
Rietze GmbH & Co. KG, établie à Altdorf (Allemagne), représentée par Me M. Krogmann, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Volkswagen AG, établie à Wolfsburg (Allemagne), représentée par Me C. Klawitter, avocat,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 11 janvier 2018 (affaire R 1203/2016‑3), relative à une procédure de nullité entre Rietze et Volkswagen,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere, juges,
greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2018,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 31 mai 2018,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2018,
à la suite de l’audience du 24 janvier 2019,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 L’intervenante, Volkswagen AG, est titulaire du dessin ou modèle communautaire déposé le 23 juillet 2007, enregistré le même jour sous le numéro 762851-0001 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 2007/131, du 28 septembre 2007 (ci-après le « dessin ou modèle contesté »).
2 Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué relèvent de la classe 12-08 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Véhicules à moteur ». Le dessin ou modèle contesté est représenté comme suit :
Vue 1 | Vue 2 | Vue 3 |
Vue 4 | Vue 5 | Vue 6 |
Vue 7 |
3 Le 29 décembre 2014, la requérante, Rietze GmbH & Co. KG, qui commercialise des voitures miniatures, a introduit devant l’EUIPO, en vertu de l’article 52 du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), une demande de nullité du dessin ou modèle contesté, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, aux motifs que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de nouveauté, conformément à l’article 5 de ce règlement, et de caractère individuel, conformément à l’article 6 de ce règlement.
4 À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a avancé que le dessin ou modèle contesté était un dessin ou modèle désignant le véhicule VW Caddy Maxi, mis sur le marché par l’intervenante en 2007. Pour attester la divulgation du dessin ou modèle plus ancien, la requérante a invoqué le modèle précèdent de ce véhicule, à savoir le VW Caddy (2K) Life, mis sur le marché par l’intervenante en 2004. Elle a fondé sa demande, notamment, sur le dessin ou modèle communautaire no 49895-0002, dont l’enregistrement, demandé par l’intervenante le 7 juillet 2003, a été publié le 9 décembre 2003 (ci-après le « dessin ou modèle antérieur »).
5 Par décision du 6 juin 2016, la division d’annulation de l’EUIPO a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté au motif de son absence de caractère individuel, conformément à l’article 6 du règlement no 6/2002.
6 Le 30 juin 2016, l’intervenante a introduit un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.
7 Par décision du 11 janvier 2018 (affaire R 1203/2016‑3) (ci‑après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a fait droit au recours, annulant la décision de la division d’annulation et rejetant la demande de nullité du dessin ou modèle contesté. Elle a décidé que le dessin ou modèle contesté était nouveau au sens de l’article 5 du règlement no 6/2002 et présentait un caractère individuel au sens de l’article 6 de ce règlement.
Conclusions des parties
8 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– déclarer la nullité du dessin ou modèle contesté ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
9 L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
10 À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 6 du même règlement. En substance, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le dessin ou modèle contesté avait un caractère individuel au motif que l’impression globale qu’il produisait sur l’utilisateur averti différait de l’impression globale que le dessin ou modèle antérieur produisait sur cet utilisateur.
11 Ce moyen unique s’articule en quatre branches. En premier lieu, la chambre de recours se serait erronément contentée d’une simple énumération des prétendues différences entre les dessins ou modèles en conflit, sans procéder à leur pondération et sans distinguer entre les caractéristiques esthétiques et les caractéristiques techniques. En deuxième lieu, elle aurait retenu un degré d’attention excessivement élevé de la part de l’utilisateur averti et elle aurait, par conséquent, accordé une trop grande importance aux différences entre les dessins ou modèles en conflit. En troisième lieu, elle aurait commis des erreurs concernant l’évaluation de la liberté du créateur. En quatrième et dernier lieu, elle aurait omis de prendre en considération certains éléments de preuve.
12 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
13 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle communautaire doit être déclaré nul s’il ne remplit pas les conditions visées aux articles 4 à 9 du même règlement.
14 Aux termes de l’article 4 du règlement no 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.
15 Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, le caractère individuel doit être apprécié, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti, qui doit être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise que, aux fins de cette appréciation, il doit être tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.
16 Ainsi, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences, bien qu’excédant des détails insignifiants, demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 29 et jurisprudence citée].
17 Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (voir arrêt du 7 novembre 2013, Félin bondissant, T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée).
18 Enfin, il convient de relever que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 6/2002, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non pas sur la base d’une jurisprudence nationale, même fondée sur des dispositions analogues à celles de ce règlement [voir arrêt du 4 juillet 2017, Murphy/EUIPO – Nike Innovate (Bracelet de montre électronique), T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 72 et jurisprudence citée].
19 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.
20 Il convient de se prononcer sur la deuxième branche du moyen unique, concernant le degré d’attention de la part de l’utilisateur averti, avant d’analyser la première branche, concernant l’appréciation, du point de vue de cet utilisateur, de l’impression globale suscitée par les dessins ou modèles en conflit, pour ensuite poursuivre l’examen du moyen unique en ses troisième et quatrième branches.
Sur la deuxième branche du moyen unique, relative au degré d’attention de l’utilisateur averti
21 Selon la requérante, la chambre de recours a retenu un degré d’attention excessivement élevé de la part de l’utilisateur averti et a, par conséquent, accordé une trop grande importance aux différences entre les dessins ou modèles en conflit.
22 Tout d’abord, la requérante affirme que l’utilisateur averti n’est pas en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit incorporant le dessin ou modèle contesté, les aspects de l’apparence dictés par la fonction technique de ceux qui sont arbitraires. Les différences entre les dessins ou modèles en conflit mentionnées par la chambre de recours concerneraient des détails techniques que ne saurait percevoir une personne qui dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que des véhicules automobiles comportent normalement. Il en serait ainsi, notamment, pour les pare‑chocs, les phares, les clignotants et les hayons. À l’appui de cet argument, la requérante se réfère aux comparaisons figurant aux pages 4 à 6 de son mémoire du 11 septembre 2015 adressé à la division d’annulation.
23 Ensuite, la requérante fait valoir que l’utilisateur averti accorde une moins grande importance aux différences entre des modèles de voitures d’un même fabricant qui se succèdent directement qu’aux différences entre des modèles de véhicules de fabricants différents. S’agissant des modèles de voitures d’un même fabricant, l’utilisateur averti serait moins attentif au design qu’aux nouveautés techniques et aux développements apportés en matière de sécurité, de performance et de confort de conduite. Par ailleurs, d’une part, un acheteur ne fonderait pas sa décision d’achat d’un VW Caddy Maxi sur une comparaison avec les séries précédentes, mais sur une comparaison avec les véhicules d’autres fabricants. À l’appui de cet argument, la requérante se réfère à une décision de la division d’annulation du 13 septembre 2016 dans la procédure de nullité enregistrée sous le n° ICD 9742. D’autre part, le succès du VW Caddy ne reposerait pas sur son apparence, mais sur sa fiabilité.
24 Enfin, la requérante s’appuie sur plusieurs articles parus dans la presse automobile allemande ainsi que sur un communiqué de presse de l’intervenante qui soulignent l’absence de différences entre le VW Caddy Maxi et le VW Caddy (2K) Life. Elle fait grief à la chambre de recours d’en avoir méconnu le contenu, en relevant que ces articles et le communiqué de presse comportent des indices concrets sur la perception de l’utilisateur averti.
25 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise [voir arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 59 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, EU:T:2010:248, points 46 et 47].
26 La notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle du consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme du métier, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non pas d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, point 53).
27 Enfin, la Cour a jugé que la nature même de l’utilisateur averti implique que, lorsque cela est possible, il procédera à une comparaison directe du dessin ou modèle antérieur avec le dessin ou modèle contesté (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Neuman et Galdeano del Sel/Baena Grup, C‑101/11 P et C‑102/11 P, EU:C:2012:641, point 54 et jurisprudence citée).
28 En l’espèce, la chambre de recours a décrit, aux points 17 et 19 de la décision attaquée, l’utilisateur averti comme une personne qui, sans être un concepteur ou un expert technique, connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur des véhicules automobiles, dispose d’un certain degré de connaissance quant aux caractéristiques que ces véhicules automobiles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention élevé lorsqu’il les utilise. L’utilisateur averti de véhicules automobiles serait une personne qui s’intéresse à ces véhicules, les conduit et les utilise et, sur la base de la lecture des revues pertinentes ainsi que de la fréquentation d’expositions et de concessionnaires automobiles, est familiarisé avec les modèles disponibles sur le marché. Il serait conscient du fait que les fabricants modernisent régulièrement les modèles bien établis sur le marché, tant sur le plan technique que quant à leur apparence. Il saurait également que cette « maintenance des modèles » sert à mettre en œuvre certaines tendances à la mode sans toutefois abandonner complètement les caractéristiques de l’apparence du modèle de véhicule concerné. Selon la chambre de recours, aucune des différences énumérées aux points 37 à 40 ci‑après n’échappera à l’utilisateur averti ainsi décrit.
29 Il convient de constater que les arguments de la requérante ne remettent pas en cause l’appréciation par la chambre de recours concernant le degré d’attention de l’utilisateur averti reprise ci‑dessus.
30 Il convient de rejeter, tout d’abord, l’argument de la requérante selon lequel l’utilisateur averti est incapable de percevoir les différences identifiées par la chambre de recours relatives aux pare‑chocs, aux phares, aux clignotants et aux hayons au motif qu’elles concerneraient des détails techniques. Il ressort de la décision attaquée que les différences identifiées par la chambre de recours concernent l’apparence de ces éléments et non leurs détails techniques. Partant, l’utilisateur averti est capable de les percevoir. Le fait que la modification apportée à certains de ces éléments pourrait également avoir un effet technique est sans pertinence à cet égard.
31 Dans sa requête, la requérante a fait référence aux pages 4 à 6 de son mémoire du 11 septembre 2015 adressé à la division d’annulation. Il convient de constater que ces pages contiennent uniquement une série de reproductions des véhicules correspondant aux dessins ou modèles en conflit. En soi, ces reproductions ne sont pas de nature à étayer le présent grief. Par ailleurs, un renvoi général opéré par la requérante à son mémoire adressé à la division d’annulation serait irrecevable en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, applicable en matière de propriété intellectuelle en vertu de l’article 171 et de l’article 177, paragraphe 1, de ce même règlement [voir arrêt du 9 mars 2018, Recordati Orphan Drugs/EUIPO – Laboratorios Normon (NORMOSANG), T‑103/17, non publié, EU:T:2018:126, point 24 et jurisprudence citée].
32 Ne saurait ensuite prospérer l’argument de la requérante selon lequel l’utilisateur averti accorde une moins grande importance aux différences entre les modèles de voitures d’un même fabricant qui se succèdent directement qu’aux différences entre des modèles de véhicules de fabricants différents. En effet, la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit à l’appui du présent argument susceptible de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours concernant le degré d’attention de l’utilisateur averti dans le cadre de la comparaison des dessins ou modèles en conflit. La partie de la décision de la division d’annulation du 13 septembre 2016, citée par la requérante à l’appui du présent argument, n’est pas pertinente à cet égard dès lors qu’elle ne concerne pas le degré d’attention que l’utilisateur averti accorde aux modèles successifs d’un même fabricant par rapport à celui accordé aux modèles de fabricants différents. En outre, eu égard à la jurisprudence citée aux points 25 et 26 ci‑dessus, il convient de considérer que l’argument de la requérante concernant la motivation des décisions d’achat et le fait que, selon elle, le succès du VW Caddy ne repose pas sur son apparence mais sur sa fiabilité sont sans pertinence.
33 Enfin, l’argument selon lequel la chambre de recours aurait dû prendre en considération les points de vue exprimés dans la presse automobile allemande et dans le communiqué de presse de l’intervenante doit être rejeté. Il ne saurait être exclu, en principe, que de tels documents puissent être pris en considération, mais la chambre de recours n’y est pas obligée lorsqu’elle estime, comme en l’espèce, que le point de vue exprimé dans ces documents n’est pas pertinent car il ne reflète pas l’impression globale produite sur l’utilisateur averti.
34 Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée comme non fondée.
Sur la première branche du moyen unique, relative à l’impression globale sur l’utilisateur averti
35 La requérante affirme qu’il ressort de la jurisprudence que l’EUIPO doit procéder à une pondération des caractéristiques des dessins ou modèles en conflit dans la mesure où les différentes caractéristiques peuvent influencer plus ou moins fortement l’apparence des dessins ou modèles. Ainsi, d’une part, la chambre de recours aurait dû analyser les points communs entre les dessins ou modèles en conflit. Une telle analyse l’aurait amenée à conclure que les dessins ou modèles en conflit étaient quasiment identiques dans la forme de base de leur carrosserie, la silhouette, la forme et la disposition des fenêtres, le pare‑brise et le capot, la grille de radiateur et les phares. D’autre part, elle aurait dû distinguer entre les caractéristiques esthétiques et les caractéristiques techniques car, eu égard à la fonction principalement technique des phares, ainsi qu’aux différences portant uniquement sur les couleurs des pare‑chocs et des grilles de radiateur, l’utilisateur averti ne leur accorderait qu’une importance mineure dans sa vision d’ensemble. En revanche, une simple énumération des prétendues différences entre les dessins ou modèles en conflit, comme celle effectuée par la chambre de recours aux points 24 et suivants et 31 et suivants de la décision attaquée, ne lui permettrait pas de juger si l’impression d’ensemble différera chez l’utilisateur averti.
36 Il convient de relever que la chambre de recours a apprécié, aux points 22 à 31 de la décision attaquée, le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, à savoir le VW Caddy Maxi, par rapport au dessin ou modèle antérieur. Elle a utilisé comme base d’appréciation les reproductions suivantes des dessins ou modèles en conflit :
Dessin ou modèle contesté | Dessin ou modèle antérieur |
Vue 1/7 Vue 2/7 Vue 3/7 Vue 4/7 Vue 5/7 Vue 6/7 Vue 7/7 | Vue 2/5 Vue 3/5 Vue 4/5 Vue 1/5 Vue 5/5 |
37 La chambre de recours a conclu, aux points 24 à 27 de la décision attaquée, que les dessins ou modèles en conflit présentaient de nettes différences.
38 En premier lieu, la chambre de recours a conclu, sur la base des vues latérales, que le véhicule correspondant au dessin ou modèle contesté est nettement plus long que le véhicule correspondant au dessin ou modèle antérieur. Les vues latérales avant et arrière montrent, dans leur ensemble, que le capot du dessin ou modèle contesté est plus court et que l’impression globale produite par le véhicule donne de lui une apparence plus large et plus trapue, tandis que le véhicule correspondant au dessin ou modèle antérieur semble plus étroit et en forme de caisse. Les différences de longueur des véhicules entraînent d’autres différences en termes de répartition des fenêtres latérales et dans la disposition de la porte arrière. Dans le dessin ou modèle contesté, les vues latérales (vues 2/7 et 6/7) montrent que la porte coulissante arrière est nettement séparée du passage de roue ; la porte coulissante présente une fenêtre carrée, tandis que la fenêtre au-dessus du passage de roue est presque deux fois plus large. Dans le dessin ou modèle antérieur, la porte coulissante déborde au-dessus du passage de roue et les fenêtres respectives de la porte et au-dessus du passage de roue ont la même taille carrée (vue 3/5).
39 En deuxième lieu, la chambre de recours a constaté, sur la base des vues avant, qu’il y a des différences dans la forme et la disposition des phares et du pare‑chocs avant. Dans le dessin ou modèle contesté, la grille de radiateur foncée se distingue nettement des phares et du pare‑chocs de même couleur que la voiture (vue 4/7). Dans le dessin ou modèle antérieur, les phares sont directement rattachés à la grille de radiateur foncée qui, avec le pare‑chocs également foncé, forme une unité compacte qui contraste par ses couleurs avec le reste de la carrosserie (vue 1/5). Ensuite, elle a constaté que d’autres différences existent dans la conception des rétroviseurs latéraux. Dans le dessin ou modèle contesté, ils sont de la même couleur que la voiture, escamotables, comme cela se voit sur le rétroviseur latéral gauche, et globalement de forme bombée, tandis que ceux du dessin ou modèle antérieur sont plats et sombres, et contrastent ainsi avec la couleur de la voiture.
40 En troisième lieu, la chambre de recours a constaté, sur la base des vues arrière, que le dessin ou modèle contesté montrait un hayon d’une seule pièce avec une poignée en-dessous de la plaque d’immatriculation et un pare‑chocs de la même couleur que la voiture. Dans le dessin ou modèle antérieur, le hayon se situe au-dessus de la plaque d’immatriculation et le pare‑chocs foncé se distingue visuellement de la couleur de la voiture. En raison du pare-chocs visuellement intégré à la carrosserie, la vue arrière du dessin ou modèle contesté est globalement plus « musclée » que celle du dessin ou modèle antérieur.
41 La chambre de recours a conclu qu’aucune des différences mentionnées aux points 38 à 40 ci-dessus n’échappera à un utilisateur averti. Elles produisent une impression globale du véhicule correspondant au dessin ou modèle contesté qui diffère de celle produite par le véhicule correspondant au dessin ou modèle antérieur.
42 Il convient de constater que les arguments de la requérante ne remettent pas en cause l’appréciation formulée par la chambre de recours aux points 22 à 31 de la décision attaquée et reprise aux points 37 à 41 ci-dessus.
43 Tout d’abord, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours ne s’est pas contentée de simplement énumérer les différences entre les dessins ou modèles en conflit. D’une part, il ressort du point 23 de la décision attaquée qu’elle a pris en considération la concordance des dessins ou modèles en conflit par la carrosserie en forme de caisse et par le nombre et la disposition des fenêtres, portes, phares, feux arrière et rétroviseurs latéraux. D’autre part, il ressort des points 24 à 31 de la décision attaquée qu’elle a évalué l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit en les analysant selon des vues frontale, latérale et arrière, prises séparément et ensemble.
44 À l’appui de son argument selon lequel la chambre de recours aurait dû analyser les points communs entre les dessins ou modèles en conflit, la requérante se réfère au fait que, au point 73 de l’arrêt du 22 juin 2010, Équipement de communication (T‑153/08, EU:T:2010:248), le Tribunal a considéré qu’un ornement stylisé présent sur le dessin ou modèle contesté dans l’affaire en cause n’était pas susceptible de contrebalancer les similitudes constatées et n’était, par conséquent, pas suffisant pour conférer un caractère individuel audit dessin ou modèle. À cet égard, il convient d’observer que la considération en cause constitue une constatation de fait propre au cas d’espèce et non une exigence légale quant à la manière d’évaluer le caractère individuel d’un dessin ou modèle.
45 Ensuite, il convient de constater que la jurisprudence constante de la Cour citée aux points 16 et 17 ci-dessus n’exige pas une pondération des caractéristiques afin de juger si le dessin ou modèle contesté produit une impression globale sur l’utilisateur averti différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur. Dans les circonstances où, comme en l’espèce, l’évaluation des différences suffisamment marquées entre les dessins ou modèles en conflit indique avec un degré suffisant de clarté que le dessin ou modèle contesté produit, sur l’utilisateur averti, une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur, il ne saurait être exigé de l’EUIPO de procéder à une pondération de chacune des caractéristiques des dessins ou modèles en conflit.
46 Enfin, ne saurait prospérer l’argument selon lequel la chambre de recours aurait dû distinguer entre les caractéristiques esthétiques et les caractéristiques techniques. D’une part, il convient de constater que la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit à l’appui de son affirmation selon laquelle l’utilisateur averti n’accorde qu’une importance mineure, dans sa vision d’ensemble, aux phares, en raison de leur fonction principalement technique, et aux différences quant aux couleurs des pare‑chocs et des grilles de radiateur. D’autre part, même si ces caractéristiques ont une fonction technique, elles ne sont pas purement fonctionnelles et leur apparence est modifiable, de sorte que les éventuelles différences dans leur forme et dans leur positionnement peuvent influencer l’impression globale du produit dans lequel elles ont été incorporées (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2017, Bracelet de montre électronique, T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 61).
47 Il s’ensuit qu’il convient de rejeter la première branche du moyen unique comme non fondée.
Sur la troisième branche du moyen unique, concernant la liberté du créateur
48 La chambre de recours a décrit, au point 16 de la décision attaquée, la liberté du créateur des véhicules de tourisme. Elle a constaté que cette liberté était limitée par la fonction technique d’un véhicule à moteur, qui sert au transport de personnes et de charges. Par ailleurs, il existerait des exigences légales, en particulier dans le domaine de la sécurité routière, concernant, notamment, l’équipement en phares, feux arrière et rétroviseurs latéraux. En revanche, la liberté du créateur ne serait soumise à aucune limitation en ce qui concerne la conception des caractéristiques techniques et légales. Les attentes potentielles du marché ou certaines tendances en matière de design ne représenteraient pas de limitations pertinentes à la liberté du créateur.
49 La requérante fait valoir, d’une part, que les arguments soulevés dans le cadre des deux premières branches du moyen unique valent d’autant plus que le créateur jouit d’une grande liberté. D’autre part, elle affirme que l’existence d’éventuelles limitations imposées au créateur par le marché ne devrait pas être prise en considération lors de l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.
50 L’EUIPO rétorque que la requérante ne fait pas valoir le moindre grief et qu’il ne peut, dès lors, formuler aucune observation à ce sujet.
51 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, toute requête introductive d’instance doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien‑fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir, à tout le moins sommairement, mais de façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir arrêt du 13 mars 2013, Biodes/OHMI – Manasul Internacional (FARMASUL), T‑553/10, non publié, EU:T:2013:126, point 22 et jurisprudence citée].
52 Il convient d’observer que la requérante ne conteste pas les constatations de la chambre de recours selon lesquelles la liberté du créateur est limitée dans la mesure où, d’une part, le but d’une voiture est le transport de personnes ou de produits et, d’autre part, il a des exigences légales, en particulier dans le domaine de la sécurité routière. Par ailleurs, l’EUIPO et la requérante admettent l’un et l’autre que les attentes potentielles du marché ou certaines tendances en matière de design ne constituent pas des limitations pertinentes à la liberté du créateur [voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2014, Sachi Premium-Outdoor Furniture/OHMI – Gandia Blasco (Fauteuil), T‑357/12, non publié, EU:T:2014:55, points 23 et 24 et jurisprudence citée].
53 En outre, il convient de relever que la requérante ne présente aucun élément de fait ou de droit à l’appui de cette branche du moyen unique. Elle n’explique pas en quoi consisterait l’erreur commise par la chambre de recours dans l’évaluation du degré de liberté du créateur.
54 Il s’ensuit que la troisième branche du moyen unique doit être rejetée comme irrecevable.
Sur la quatrième branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours aurait dû prendre en considération certains éléments de preuve
55 La requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû prendre en considération une illustration intitulée « VW Caddy Life (2004-2010) », présentée dans un article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia qu’elle avait annexé à sa demande en nullité. La prise en compte de cette illustration serait importante car le véhicule qui y est reproduit présente un pare‑chocs de même couleur que le reste du véhicule. La différence de couleur au niveau du pare-chocs, mise en exergue à plusieurs reprises dans la décision attaquée, serait donc sans incidence.
56 La requérante fait également grief à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération, d’une part, trois articles en ligne, à savoir les annexes 7 à 9 de sa demande en nullité du 11 septembre 2015, et, d’autre part, les illustrations de voitures figurant aux annexes 10 à 13 de la même demande.
57 Force est de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a écarté de son analyse l’illustration présentée dans un article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Il y a lieu de rappeler que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il convient de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire, ainsi que se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, point 26 et jurisprudence citée]. En l’espèce, eu égard au fait que Wikipédia est une encyclopédie en ligne qui, à tout moment, peut être modifiée par tout internaute, il convient de considérer que ladite illustration a une valeur probante extrêmement limitée [voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2010, O2 (Germany)/OHMI (Homezone), T‑344/07, EU:T:2010:35, point 46].
58 Ensuite, il convient de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours n’a pas pris en considération les articles en ligne, à savoir les annexes 7 à 9 de la demande en nullité du 11 septembre 2015, dès lors que le point de vue qui y était exprimé n’était pas pertinent puisqu’il ne fournissait pas d’informations sur l’impression globale produite sur l’utilisateur averti. Par ailleurs, l’observation, figurant au point 32 de la décision attaquée, selon laquelle les articles en cause n’étaient pas réellement joints aux observations de la demanderesse en nullité, a été formulée à titre surabondant, de sorte que le grief de la requérante tiré de ce que la chambre de recours aurait dû les prendre en compte parce qu’ils étaient bien joints est inopérant.
59 Enfin, le grief reprochant à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération les illustrations de voitures figurant aux annexes 10 à 13 de la demande en nullité du 11 septembre 2015 ne saurait prospérer. Il convient de constater que la requérante, d’une part, n’a pas expliqué en quoi cette omission lui aurait porté préjudice et, d’autre part, a omis d’effectuer le moindre exposé de la raison pour laquelle ces illustrations ne montrent pas des dessins ou modèles correspondant à ceux que la chambre de recours a cités dans la décision attaquée.
60 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de rejeter la quatrième branche du moyen unique et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions, visant à ce que le Tribunal déclare la nullité du dessin ou modèle contesté.
Sur les dépens
61 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Rietze GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.
Collins | Kancheva | De Baere |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juin 2019.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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