Mas Que Vinos Global v EUIPO - JESA (EL SENORITO) (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-576/17 (17 January 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T57617.html
Cite as: ECLI:EU:T:2019:16, [2019] EUECJ T-576/17, EU:T:2019:16

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

17 janvier 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale EL SEÑORITO – Marque nationale verbale antérieure SEÑORITA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑576/17,

Mas Que Vinos Global S.L., établie à Dosbarrios (Espagne), représentée par Me M. J. Sanmartín Sanmartín, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Palmero Cabezas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Jose Estevez, SA (JESA), établie à Jerez de la Frontera (Espagne), représentée par Me M. de Justo Bailey, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 9 juin 2017 (affaire R 1775/2016‑4), relative à une procédure d’opposition entre JESA et Mas Que Vinos Global,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 août 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 14 décembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2017,

à la suite de l’audience du 6 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 novembre 2014, la requérante, Mas Que Vinos Global S.L., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal EL SEÑORITO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vins bruts, boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2014/0729, du 17 décembre 2014.

5        Le 20 mars 2015, l’intervenante, Jose Estevez, SA (JESA), a formé opposition au titre de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 46, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque espagnole no 25 037 SEÑORITA (ci-après la « marque antérieure »), enregistrée le 27 novembre 1914 et renouvelée jusqu’en 2024 pour les produits « vins et apéritifs » compris dans la classe 33.

7        Les motifs de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Par requête du 9 octobre 2015, la requérante a demandé à l’intervenante d’apporter la preuve de l’usage sérieux de ses droits antérieurs, conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001).

9        Le 28 janvier 2016, l’intervenante a produit des éléments de preuve visant à démontrer l’usage de ses droits antérieurs.

10      Par décision du 27 juillet 2016 (ci-après la « décision de la division d’opposition »), la division d’opposition a accueilli l’opposition dans son intégralité, au motif que, premièrement, les preuves produites par l’intervenante attestaient d’un usage sérieux de la marque antérieure pour la « manzanilla », un vin produit en Andalousie, et deuxièmement, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public concerné, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

11      Par requête du 27 septembre 2016, la requérante a demandé que la portée de la marque demandée soit limitée aux produits suivants relevant de la classe 33 : « Vins bruts (à l’exception de la manzanilla en provenance de Sanlúcar de Barrameda) ; boissons alcoolisées (à l’exception de la bière et à l’exception de la manzanilla en provenance de Sanlúcar de Barrameda) ».

12      Le même jour, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001) contre la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 9 juin 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

14      En premier lieu, au point 10 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la limitation de produits demandée par la requérante et décrite ci-dessus au point 11 était acceptée, conformément à l’article 43, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001).

15      En deuxième lieu, au point 13 de la décision attaquée, la chambre de recours a mentionné qu’elle « ne partage[ait] pas la position adoptée par la division d’opposition lorsque cette dernière affirm[ait] qu’un usage sérieux a été attesté pour la “manzanilla”, étant donné que ce produit constitu[ait] une sous-catégorie objective des vins ». Elle a considéré ainsi, au point 19 de ladite décision, que « les produits pour lesquels un usage sérieux de la marque antérieure a[vait] été prouvé au cours de la période pertinente étaient les “vins” et pas seulement la “manzanilla” ».

16      En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que « les produits contestés après la limitation qui a[vait] été réalisée, “vins bruts (à l’exception de la manzanilla en provenance de Sanlucar de Barrameda)” étaient identiques aux “vins” de l’opposante pour lesquels un usage sérieux a[vait] été établi » et que les produits visés par la marque demandée étaient donc identiques à ceux couverts par la marque antérieure (point 22 de la décision attaquée).

17      En quatrième lieu, dans la décision attaquée, la chambre des recours a constaté un risque de confusion important pour le public espagnol pour tous les produits contestés (point 37), étant donné la similitude visuelle de degré moyen (point 25), la similitude phonétique importante (point 27) et la similitude conceptuelle de degré élevé (point 28) entre les deux signes en conflit.

 Conclusion des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

19      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens tirés, premièrement, d’une violation de l’article 42 du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec les articles 60, 75 et 76 du même règlement (devenus articles 68, 94 et 95 du règlement 2017/1001), ainsi qu’avec les règles 50 et 52 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) [devenus articles 27 et 32 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], deuxièmement, d’une violation des principes généraux du droit de l’Union et en particulier des principes de bonne administration, de respect des droits de la défense, de l’obligation de motivation, de la confiance légitime et de la sécurité juridique, du droit d’être entendu, du « droit à l’égalité et à la formulation de demandes dans les procédures entre parties en ce qui concerne les motifs de refus d’enregistrement communautaire », ainsi que des dispositions des articles 60, 75, 76 et 83, du règlement no 207/2009 (devenus articles 68, 94, 95 et 107 du règlement 2017/1001), troisièmement, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

22      Le Tribunal estime opportun d’examiner, dans un premier temps, le troisième moyen, puis, dans un second temps, les premier et deuxième moyens conjointement.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, point b, du règlement no 207/2009

23      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

24      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

25      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner l’appréciation par la chambre de recours du risque de confusion.

26      À l’appui du présent moyen, la requérante fait valoir quatre griefs tirés, premièrement, d’une erreur concernant l’appréciation du degré d’attention du public pertinent, deuxièmement, d’une erreur concernant la comparaison des produits couverts par les marques en conflit, troisièmement, d’une erreur concernant la comparaison des signes en conflit et, quatrièmement, d’une erreur portant sur l’appréciation globale du risque de confusion.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

 Sur le public pertinent

28      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

29      Il convient tout d’abord de constater, comme l’a précisé la chambre de recours, que le public pertinent est constitué des consommateurs moyens de vin en Espagne, appréciation non contestée par les parties.

30      La chambre de recours affirme, au point 36 de la décision attaquée, qu’il convient de qualifier de moyen le degré d’attention du public lors de l’achat du vin et qu’il n’y a pas lieu de présumer que celui-ci est élevé.

31      La requérante fait valoir, en revanche, que, dans le cadre d’une consommation usuelle, les vins sont achetés, surtout s’il s’agit de vins de marque, après un processus de réflexion préalable ou après l’obtention de conseils, ainsi qu’après un examen visuel de l’étiquetage. Elle sous-entend donc que le degré d’attention apporté à l’achat des produits concernés est élevé.

32      L’EUIPO conteste cette argumentation.

33      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, en ce qui concerne le degré d’attention du public pertinent lors de l’achat de vins, ces produits sont des produits de consommation courante, pour lesquels le public pertinent est le consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46].

34      En outre, il convient de relever, ainsi que le souligne l’EUIPO, que les produits visés par la marque antérieure, d’une part, et la marque demandée, d’autre part, ne se limitent pas à des produits hauts de gamme ou de prix élevés, de sorte qu’il n’est pas possible de supposer que les produits en cause sont uniquement consommés après un processus de réflexion ou l’obtention de conseils.

35      Ainsi, le Tribunal fait sienne l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le degré d’attention du public pertinent est moyen.

36      Partant, le grief doit être rejeté comme non-fondé.

 Sur la comparaison des produits

37      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

38      En l’espèce, la chambre de recours a retenu, en substance, au point 21 de la décision attaquée, que, à la suite de la limitation des produits effectuée par la requérante, les produits en cause étaient constitués, s’agissant de la marque antérieure, par les « vins » et, s’agissant de la marque contestée, par les « vins bruts, à l’exception de la manzanilla en provenance de Sanlúcar de Barrameda ». Elle a conclu, au point 22 de ladite décision, que lesdits produits étaient identiques.

39      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur en comparant, d’une part, la catégorie des « vins », pour la marque antérieure, avec la catégorie des « vins bruts, à l’exception de la manzanilla en provenance de Sanlúcar de Barrameda » pour la marque demandée, d’autre part. À cet égard, elle estime que ladite chambre aurait plutôt dû comparer, d’une part, la « manzanilla », produit pour lequel l’usage sérieux a été prouvé devant la division d’opposition pour la marque antérieure, et, d’autre part, après la limitation réalisée et décrite ci-dessus au point 11, la catégorie des vins et des boissons alcoolisées, excepté les bières et la manzanilla en provenance de Sanlúcar de Barrameda, pour ce qui est de la marque contestée. Selon elle, le résultat de cette comparaison aurait dû amener cette chambre à considérer que les produits comparés étaient très différents les uns des autres dans la mesure où le produit « manzanilla » est un produit si particulier qu’aucun consommateur n’est susceptible de le confondre avec un autre type de vin et que ce produit dispose d’une appellation d’origine spécifique, d’une réglementation propre, d’une méthode d’élaboration particulière et de canaux de distribution spécifiques.

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

41      À cet égard, il convient tout d’abord de constater que la requérante ne conteste pas la conclusion de la division d’opposition selon laquelle un usage sérieux de la marque antérieure a été établi pour la « manzanilla », un produit relevant de la classe 33, et estime donc que la marque antérieure est réputée enregistrée pour ce produit.

42      En outre, il apparaît que les « vins » constituent une catégorie de produits relevant de la classe 33 (boissons alcoolisées sauf les bières) et que cette catégorie de produits englobe tous les types de vins.

43      Or, force est de constater que la « manzanilla » est un vin. Cet élément est corroboré, en particulier, par plusieurs affirmations figurant dans la requête. Ainsi, au point 40 de la requête, la requérante mentionne que « la manzanilla est un produit si particulier qu’aucun consommateur ne pourrait la confondre avec un autre type de vin », ce qui signifie que la requérante estime que la manzanilla est un type de vin. De même, au point 40 de la requête, elle mentionne que la Real Academia Espanola (Académie royale espagnole) définit, dans son Diccionario de la lengua española (DLE, dictionnaire de la langue espagnole) la « manzanilla » comme étant un vin blanc produit et élaboré à Sanlúcar de Barrameda, dans la province de Cadiz en Espagne, ce qui confirme que la manzanilla est un vin.

44      La circonstance que la manzanilla constituerait un type particulier de vin eu égard à son appellation d’origine spécifique, à sa réglementation propre, à sa méthode d’élaboration particulière et à ses canaux de distribution spécifiques, ne remettent pas en cause le fait que la manzanilla est un vin.

45      De surcroît, selon la jurisprudence, la prise en compte de l’appellation d’origine d’un vin par le consommateur à l’occasion de son acquisition ne saurait être considérée comme revêtant une importance systématique telle que des vins d’appellations d’origine différentes puissent constituer des sous-catégories de produits susceptibles d’être envisagées de manière autonome [arrêt du 30 juin 2015, La Rioja Alta/OHMI – Aldi Einkauf (VIÑA ALBERDI), T‑489/13, EU:T:2015:446, point 37].

46      Ainsi, le fait que la manzanilla soit reconnue comme une appellation d’origine protégée par la législation de l’Union européenne n’implique pas que ce vin doive être considéré comme constituant une sous-catégorie suffisamment définie parmi la catégorie des « vins ».

47      Il découle des considérations précédentes que, à supposer établie l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur en comparant, d’une part, la catégorie des « vins », pour la marque antérieure, avec la catégorie des « vins bruts et des boissons alcoolisées, excepté les bières et la manzanilla en provenance de Sanlúcar de Barrameda » pour la marque demandée, d’autre part, alors qu’elle aurait dû comparer d’une part, la « manzanilla », produit pour lequel l’usage sérieux a été prouvé devant la division d’opposition pour la marque antérieure, et, d’autre part, la catégorie des « vins bruts et des boissons alcoolisées, excepté les bières et la manzanilla en provenance de Sanlúcar de Barrameda », pour la marque demandée, il apparaît que, quelle que soit l’hypothèse retenue, le résultat de la comparaison des produits conduit à la même conclusion, à savoir que les produits couverts par la marque demandée et la marque antérieure sont identiques.

48      Ainsi, il résulte de ce qui précède que le grief doit être rejeté comme inopérant.

 Sur la comparaison des signes

49      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas convenablement procédé à la comparaison des signes en conflit, sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

50      En particulier, selon la requérante, la chambre de recours n’a pas suffisamment tenu compte du fait que la marque demandée contient l’article défini « el », contrairement à la marque antérieure. Or, l’usage de cet article serait important dans la langue espagnole dans la mesure où il définirait un concept et qu’il permettrait d’indiquer le genre du nom commun qu’il définit.

51      De plus, la requérante affirme que les marques en conflit ne recouvrent pas les mêmes concepts. Ainsi, le terme « señorita » est généralement le terme utilisé pour s’adresser à une demoiselle en Europe. En revanche, le terme « señorito », qui se traduirait en anglais par l’expression « young gentleman », désignerait, dans le domaine des arts, un jeune aristocrate débauché et fortuné ou un individu raffiné et snob, généralement propriétaire de terres, de domaine et de caves en Andalousie.

52      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

53      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23).

54      Les signes en conflit sont tous deux de nature verbale et sont respectivement constitués par l’expression « el señorito » et le terme « señorita ».

55      Le Tribunal fait sienne l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit ont en commun la suite de lettres « señorit » et ne diffèrent que par la lettre finale des termes « señorito » et « señorita », ainsi que par la présence, dans la marque demandée, de l’article défini « el ».

56      Dans la mesure où le terme « señorito » présent dans la marque demandée est beaucoup plus long que le terme « el » de ladite marque et que le public espagnol attachera peu d’importance à l’article défini « el », peu distinctif par rapport au substantif « señorito » [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Bodegas Williams & Humbert/EUIPO – Central Hisumer (BOTANIC WILLIAMS & HUMBERT LONDON DRY GIN), T‑193/15, non publié, EU:T:2016:266, point 59], il y a lieu de conclure que, bien qu’il existe des différences entre les signes en conflit, les éléments par lesquels lesdits signes se différencient ne sont pas suffisamment importants pour éviter l’existence d’une similitude visuelle de degré moyen et phonétique de degré élevé.

57      En particulier, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas suffisamment tenu compte de la présence de l’article défini « el » dans la marque contestée doit être rejeté, à la lumière de la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus.

58      Sur le plan conceptuel, et eu égard au fait que l’article défini « el » de la marque demandée revêt une importance mineure pour les besoins de la présente analyse, il convient de constater que, comme le relèvent la chambre de recours et l’intervenante, le DLE attribue des définitions similaires aux termes « señorito » et « señorita », soit « enfant d’un monsieur, au sens de notable, ou d’une personne jouissant d’une certaine autorité » ou « personne, en particulier si elle est jeune, servie par un domestique ».

59      À cet égard, le fait que la marque antérieure ou la marque demandée puisse véhiculer d’autres concepts, ainsi que le fait valoir la requérante, n’est pas de nature à écarter la similitude conceptuelle entre les signes en conflit, à tout le moins pour la partie du public pertinent qui comprendra lesdits signes comme étant les versions masculine et féminine d’un même substantif [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 131 et 132].

60      Il découle des considérations précédentes que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours a, à juste titre, considéré qu’il existait une similitude conceptuelle de degré élevé entre les signes en conflit.

61      Partant, le grief tiré du fait que la chambre de recours n’a pas convenablement procédé à la comparaison des signes en conflit, sur les plans visuel, phonétique et conceptuel doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le risque de confusion

62      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

63      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel et à un degré élevé sur les plans phonétique et conceptuel pour le public espagnol et qu’il existait donc un risque de confusion pour tous les produits concernés.

64      La requérante fait valoir que les particularités de la « manzanilla » sont telles que le risque de confusion doit être écarté, contrairement aux conclusions de la chambre de recours en ce sens.

65      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

66      En l’espèce, force est de constater que le degré d’attention porté par le consommateur moyen de vin est moyen, que les produits désignés sont identiques et que les signes en conflit ont une similitude de degré moyen sur le plan visuel et de degré élevé sur les plans phonétique et conceptuel. Partant, à la lumière de la jurisprudence citée ci-dessus au point 62, il existe un risque de confusion.

67      Pareille conclusion n’est pas contredite par l’argument de la requérante selon lequel les particularités de la « manzanilla », s’agissant du cadre réglementaire et plus particulièrement des règles d’étiquetage, rendraient improbable le risque de confusion.

68      En effet, selon la jurisprudence, le fait que les étiquettes des vins commercialisés sous les marques en cause comportent des dénominations d’origines différentes n’est pas pertinent. Il est vrai que de telles indications évitent effectivement toute confusion quant à l’origine géographique des vins concernés. Toutefois, celles-ci ne suffisent pas à écarter en l’espèce le risque que le public concerné puisse croire que les produits désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées. En effet, il ne peut être exclu qu’une même entreprise soit active dans la production de plusieurs vins, portant des dénominations d’origines différentes (arrêt du 25 octobre 2006, ODA, T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 65).

69      Il découle de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel les particularités de la « manzanilla » sont telles que le risque de confusion doit être écarté doit être rejeté comme non fondé et, partant, le moyen dans sa totalité.

 Sur les deux premiers moyens

70      Les deux premiers moyens, lus ensemble, doivent être interprétés en ce sens que la requérante invoque quatre griefs distincts.

71      Dans le cadre du premier grief, la requérante invoque une violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec les articles 42, paragraphe 2, et 60 du même règlement, avec la règle 50 du règlement no 2868/95. Elle fait valoir que la chambre de recours a erronément procédé à la révision d’office, sans qu’une partie l’ait demandé, des motifs de la décision de la division d’opposition portant sur l’usage sérieux de la marque antérieure.

72      Dans le cadre du deuxième grief, la requérante invoque une violation de l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec la règle 52 du règlement no 2868/95, en ce que la chambre de recours n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée à cet égard.

73      Dans le cadre du troisième grief, la requérante invoque une violation de l’article 75, deuxième phrase, du règlement no 207/2009, du droit d’être entendu et plus généralement des droits de la défense, et de l’article 63 du même règlement, en ce qu’elle n’a pas été mise en mesure par la chambre de recours de prendre position sur la question de l’usage sérieux de la marque antérieure.

74      Dans le cadre du quatrième grief, la requérante invoque une violation des principes de bonne administration, de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique, lus en combinaison avec le « droit à l’égalité et à la formulation de demandes dans les procédures entre parties en ce qui concernent les motifs de refus d’enregistrement communautaire », ainsi qu’avec les dispositions des articles 60, 75, 76 et 83 du règlement no 207/2009.

75      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

 Sur le premier grief

76      S’agissant du premier grief, tiré du fait que la chambre de recours a erronément procédé à la révision d’office, sans qu’une partie l’ait demandé, des dispositions de la décision de la division d’opposition portant sur l’usage sérieux de la marque antérieure, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 42, paragraphe 2, et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, une opposition formée à l’encontre de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne est rejetée si le titulaire de la marque antérieure en cause n’apporte pas la preuve que celle-ci a fait l’objet d’un usage sérieux au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque de l’Union européenne. En revanche, si le titulaire de la marque antérieure apporte cette preuve, l’EUIPO procède à l’examen des motifs de refus avancés par la partie opposante.

77      À cet égard, force est de constater que la requérante n’a pas contesté ni devant la chambre de recours, ni devant le Tribunal, les preuves apportées par l’intervenante, attestant que celle-ci a utilisé la marque antérieure pour commercialiser la « manzanilla ».

78      Or, il découle des considérations exposées aux points 47 et 66 ci-dessus, que l’analyse du risque de confusion n’est pas affectée par la circonstance que l’usage sérieux ait été prouvé uniquement pour la « manzanilla », comme le soutient la requérante, ou qu’il ait été prouvé pour la catégorie entière des « vins », comme l’a estimé la chambre de recours.

79      Il y a donc lieu de considérer que l’allégation selon laquelle la chambre de recours a violé l’article 76 du règlement no 207/2009 en réexaminant d’office la question de l’usage sérieux, n’a aucune incidence sur l’analyse du risque de confusion qui a été conduite par ladite chambre dans la décision attaquée et que le Tribunal fait sienne en rejetant le troisième moyen.

80      Partant, le premier grief doit être rejeté comme inopérant.

 Sur le deuxième grief

81      S’agissant du deuxième grief, tiré d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne le réexamen de la question de l’usage sérieux, il doit être rappelé que, conformément à l’article 75, première phrase, du règlement no 207/2009, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation, découlant aussi de l’article 296 TFUE, a fait l’objet d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés un exercice effectif de leur droit à demander un contrôle juridictionnel de la décision qui est attaquée et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 28 janvier 2016, Gugler France/OHMI – Gugler (GUGLER), T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 52 et jurisprudence citée].

82      À l’instar du raisonnement suivi aux points 78 à 79 ci-dessus, il apparaît que l’allégation selon laquelle la chambre de recours a insuffisamment motivé la décision attaquée en ce qui concerne le réexamen de la question de l’usage sérieux, n’a aucune incidence sur l’analyse du risque de confusion qui a été conduite par ladite chambre dans cette décision et que le Tribunal fait sienne en rejetant le troisième moyen.

83      En tout état de cause, force est de constater que le deuxième grief doit être rejeté comme non fondé dans la mesure où, premièrement, la chambre de recours a rappelé la jurisprudence, au point 11 de la décision attaquée, selon laquelle elle est tenue d’examiner, à la lumière de tous les éléments de droits et de faits pertinents, si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non être légalement adoptée au moment où il est statué sur le recours et, deuxièmement, elle a exposé de manière détaillée, aux points 13 à 19 de ladite décision, en s’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal, les raisons pour lesquelles elle a estimé que l’usage sérieux avait été prouvé pour la catégorie des « vins » et non pour la catégorie « manzanilla ».

84      Partant, le deuxième grief doit être rejeté comme inopérant et, en tout état de cause, comme non fondé.

 Sur le troisième grief

85      S’agissant du troisième grief, tiré d’une violation du droit d’être entendu, il apparaît que, à supposer même que la requérante ait pu prendre position sur la question de l’usage sérieux de la marque antérieure, elle n’aurait pas pu influencer, de quelque manière que ce soit, l’appréciation de la chambre de recours quant à l’existence d’un risque de confusion, pour les mêmes raisons que celles avancées aux points 78 et 79 ci-dessus.

86      Il découle de ce qui précède que le troisième grief doit être rejeté comme inopérant.

 Sur le quatrième grief

87      S’agissant du quatrième grief, tiré de la violation des principes de bonne administration, de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique, lus en combinaison avec le « droit à l’égalité et à la formulation de demandes dans les procédures entre parties en ce qui concernent les motifs de refus d’enregistrement communautaire », ainsi qu’avec les dispositions des articles 60, 75, 76 et 83 du règlement no 207/2009, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués, cet exposé devant être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 septembre 2012, Scandic Distilleries/OHMI – Bürgerbräu, Röhm & Söhne (BÜRGER), T‑460/11, non publié, EU:T:2012:432, point 16 et jurisprudence citée].

88      Or, en l’espèce, la requérante n’a pas étayé le quatrième grief, à tout le moins sommairement. En conséquence, cette partie de la requête ne satisfait pas aux exigences minimales de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure et il y a lieu de rejeter le quatrième grief comme irrecevable.

89      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter les deux premiers moyens et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mas Que Vinos Global S. L. est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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