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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> YS (Pensions d'entreprise de personnel cadre) (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-223/19 (24 September 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C22319.html Cite as: [2020] EUECJ C-223/19, ECLI:EU:C:2020:753, EU:C:2020:753 |
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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
24 septembre 2020 (*)
« Renvoi préjudiciel – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directives 2000/78/CE et 2006/54/CE – Champ d’application – Interdiction des discriminations indirectes fondées sur l’âge ou sur le sexe – Justifications – Législation nationale prévoyant un prélèvement sur les pensions versées directement à leurs bénéficiaires par des entreprises contrôlées majoritairement par l’État ainsi que la suppression de l’indexation du montant des pensions – Articles 16, 17, 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Applicabilité – Discrimination fondée sur la fortune – Atteinte à la liberté contractuelle – Violation du droit de propriété – Article 47 de la charte des droits fondamentaux – Droit à un recours effectif »
Dans l’affaire C‑223/19,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Wiener Neustadt (tribunal régional de Wiener Neustadt, Autriche), par décision du 11 mars 2019, parvenue à la Cour le 13 mars 2019, dans la procédure
YS
contre
NK AG,
LA COUR (troisième chambre),
composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme L. S. Rossi, MM. J. Malenovský, F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2020,
considérant les observations présentées :
– pour YS, par Me M. Breunig, Rechtsanwalt, et M. J. Hanreich, Prozessbevollmächtigter,
– pour NK, par Me C. Egermann, Rechtsanwalt,
– pour le gouvernement autrichien, par Mme J. Schmoll, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme C. Valero ainsi que par MM. B.-R. Killmann et B. Bertelmann, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 7 mai 2020,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23), ainsi que des articles 16, 17, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant YS à NK AG au sujet du prélèvement d’un montant sur la pension d’entreprise versée directement par celle-ci à YS ainsi que de la suppression du bénéfice de l’indexation contractuellement convenue de cette pension pour l’année 2018.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 79/7/CEE
3 L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24), prévoit que cette directive s’applique aux régimes légaux qui assurent une protection contre, notamment, le risque « vieillesse ».
La directive 2000/78
4 Aux termes de l’article 1er de la directive 2000/78, celle-ci a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.
5 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
[...]
b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :
i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires [...]
[...] »
6 L’article 3, intitulé « Champ d’application », de ladite directive prévoit, à son paragraphe 1 :
« Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :
[...]
c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;
[...] »
La directive 2006/54
7 Le considérant 30 de la directive 2006/54 énonce :
« L’adoption de règles relatives à la charge de la preuve joue un rôle important en ce qui concerne la possibilité de mettre effectivement en œuvre le principe de l’égalité de traitement. Comme la Cour de justice l’a affirmé, il convient donc de prendre des dispositions de telle sorte que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse dès qu’il existe une apparence de discrimination, sauf pour les procédures dans lesquelles l’instruction des faits incombe à la juridiction ou à l’instance nationale compétente. Il y a toutefois lieu de préciser que l’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte demeure de la compétence de l’instance nationale concernée, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales. En outre, il revient aux États membres de prévoir, quel que soit le stade de la procédure, un régime probatoire plus favorable à la partie demanderesse. »
8 L’article 1er de cette directive dispose :
« La présente directive vise à garantir la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
À cette fin, elle contient des dispositions destinées à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne :
[...]
b) les conditions de travail, y compris les rémunérations ;
c) les régimes professionnels de sécurité sociale.
[...] »
9 L’article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive définit la notion de « discrimination indirecte » comme étant la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires.
10 L’article 4, premier alinéa, de cette même directive est libellé comme suit :
« Pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est éliminée dans l’ensemble des éléments et conditions de rémunération. »
11 L’article 5 de la directive 2006/54, qui figure dans le chapitre 2, intitulé « Égalité de traitement dans les régimes professionnels de sécurité sociale », du titre II de celle-ci, est rédigé ainsi :
« Sans préjudice de l’article 4, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les régimes professionnels de sécurité sociale, en particulier en ce qui concerne :
[...]
c) le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge, et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations. »
12 L’article 7, paragraphe 1, sous a), iii), de cette directive prévoit que les dispositions figurant sous ledit chapitre 2 s’appliquent aux régimes professionnels de sécurité sociale qui assurent une protection contre le risque « vieillesse », y compris dans le cas de retraites anticipées.
Le droit autrichien
13 L’article 1er du Sonderpensionenbegrenzungsgesetz (loi sur la limitation des pensions spéciales, BGBl. I, 46/2014, ci-après le « SpBegrG ») se compose de dispositions constitutionnelles qui ont apporté certaines modifications au Bundesverfassungsgesetz über die Begrenzung von Bezügen öffentlicher Funktionäre (loi constitutionnelle fédérale relative à la limitation de la rémunération des fonctionnaires, BGBl. I, 64/1997, ci-après le « BezBegrBVG »). Cet article 1er a notamment élargi le champ d’application personnel du BezBegrBVG aux employés et aux anciens employés des personnes morales soumises au contrôle du Rechnungshof (Cour des comptes, Autriche). Ces dernières incluent les entreprises de droit privé dans lesquelles le gouvernement fédéral autrichien ou les différents Länder exercent une influence déterminante.
14 Si le SpBegrG, en tant que loi fédérale, ne peut pas affecter directement les contrats des employés des entreprises soumises au contrôle du Rechnungshof (Cour des comptes) en raison de l’influence déterminante exercée sur elles par les Länder, l’article 10, paragraphe 6, du BezBegrBVG habilite le législateur d’un Land à adopter des règles comparables à celles prévues au niveau fédéral pour les employés et les anciens employés de personnes morales dans lesquelles ce Land détient une participation déterminante.
15 Le niederösterreichisches Landes- und Gemeindebezügegesetz (loi relative aux salaires du Land et des communes de Basse-Autriche, ci‑après le « NÖ Landes- und GemeindebezügeG »), adopté sur la base du SpBegrG, prévoit, à son article 24a, intitulé « Limitation des pensions » :
« (1) Les bénéficiaires de pensions à prestations définies
[...]
b. de personnes morales soumises au contrôle du Rechnungshof [(Cour des comptes)] en raison d’une participation majoritaire ou d’un contrôle effectif dû à des mesures financières, économiques ou organisationnelles du Niederösterreich [(Land de Basse-Autriche, Autriche)] [...]
doivent verser une prime conservatoire de pension pour la partie qui dépasse le montant mensuel de l’assiette de cotisation maximale conformément à l’article 45 [de l’Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (loi générale relative à la sécurité sociale, BGBl. 189/1955], modifié en dernier lieu par le BGBl. I,139/1997, et à l’article 108, paragraphes 1 et 3 de [cette loi], modifié en dernier lieu par le BGBl. I, 35/2012. Cela s’applique également aux versements exceptionnels.
(2) La prime conservatoire de pension est retenue par l’organisme payeur et est versée à la personne morale constituée en vertu du droit du Land ou à la société dont proviennent les pensions.
(3) La prime conservatoire de pension s’élève à [...] »
16 L’article 711 de la loi générale sur la sécurité sociale (ci-après l’« ASVG »), inséré par le Pensionsanpassungsgesetz 2018 (loi de modification des pensions de retraite de 2018, BGBl. I, 151/2017) et intitulé « Ajustement des pensions pour 2018 », est libellé comme suit :
« (1) Par dérogation à l’article 108h, paragraphe 1, première phrase, et paragraphe 2, l’augmentation des pensions pour l’année civile 2018 n’est pas effectuée selon le facteur d’ajustement, mais [est effectuée] comme suit : le montant total de la pension (paragraphe 2) est augmenté
1. de 2,2 % s’il ne dépasse pas 1 500 euros par mois ;
2. de 33 euros s’il ne dépasse pas 2 000 euros par mois ;
3. de 1,6 % s’il s’élève à plus de 2 000 euros et à moins de 3 355 euros par mois ;
4. d’un pourcentage diminuant de façon linéaire entre les valeurs mentionnées de 1,6 % à 0 % s’il s’élève à plus de 3 355 euros et à moins de 4 980 euros par mois.
Aucune augmentation n’est effectuée si le montant total de la pension est supérieur à 4 980 euros par mois.
(2) Le montant total de la pension d’une personne est la somme de toutes les pensions qu’elle perçoit au titre de la pension légale [...] Toutes les prestations visées par le [SpBegrG] sont également considérées comme faisant partie du montant total de la pension si le bénéficiaire de la pension y a droit au 31 décembre 2017.
[...]
(6) (Disposition constitutionnelle) L’ajustement pour l’année civile 2018 des prestations visées par le [SpBegrG] ne peut pas dépasser l’augmentation prévue au paragraphe 1 en tenant compte du montant total de la pension (paragraphe 2). »
17 Aux termes de l’article 2 du Betriebspensionsgesetz (loi relative à la pension d’entreprise, BGBl. 282/1990) :
« Les prestations définies, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, sont des obligations de l’employeur, résultant de déclarations unilatérales, de conventions individuelles ou de dispositions des conventions collectives,
1. d’effectuer des versements à un fonds de pension [...] au bénéfice de l’employé et de ses survivants ; de verser des primes pour une assurance collective d’entreprise [...] au bénéfice de l’employé et de ses survivants ; [...]
2. de fournir des prestations directement à l’employé et à ses survivants (prestations définies directes) ;
3. de verser des primes pour une assurance vie souscrite au bénéfice de l’employé et de ses survivants. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 Le requérant au principal est un ancien employé de NK, une société anonyme cotée en Bourse, dans laquelle le Land de Basse-Autriche détient une participation d’environ 51 %.
19 Le 2 mars 1992, le requérant au principal a conclu un contrat de pension d’entreprise avec NK. Cet accord incluait une « prestation définie directe » à charge de NK, c’est-à-dire une pension d’entreprise, financée au moyen de provisions constituées par cet employeur et que ce dernier s’est engagé à verser directement au travailleur, à la fin de la relation de travail. En outre, une clause d’indexation a été convenue, en vertu de laquelle tous les droits à pension seraient augmentés à concurrence du même pourcentage que celui qui viendrait à être appliqué, pendant la perception de ladite pension d’entreprise, aux salaires de la classe salariale la plus élevée, tels que prévus dans la convention collective pour les employés des entreprises autrichiennes de la filière concernée.
20 Le requérant au principal a été admis à la retraite le 1er avril 2010. Depuis lors, il perçoit, à ce titre, différentes prestations de pension. Notamment, depuis le 17 décembre 2010, NK lui verse la « prestation définie directe » prévue par le contrat de pension d’entreprise du 2 mars 1992.
21 Depuis le 1er janvier 2015, NK prélève, conformément à l’article 24a du NÖ Landes- und GemeindebezügeG, une prime conservatoire de pension.
22 En application de l’article 711 de l’ASVG, NK n’a pas augmenté le montant de la pension d’entreprise du requérant au principal pour l’année 2018, alors que la partie de cette pension versée directement aurait dû augmenter de 3 % conformément à l’indexation des salaires prévue pour cette année par la convention collective pour les employés des entreprises autrichiennes de la filière concernée.
23 Le requérant au principal a introduit devant la juridiction de renvoi, le Landesgericht Wiener Neustadt (tribunal régional de Wiener Neustadt, Autriche), une action contre NK tendant, d’une part, à contester lesdits prélèvements ainsi que ladite absence d’augmentation de sa pension d’entreprise et, d’autre part, à obtenir une constatation de ses droits futurs.
24 S’agissant du champ d’application du droit de l’Union, en particulier des directives 79/7, 2000/78 et 2006/54, la juridiction de renvoi considère que l’article 24a du NÖ Landes- und GemeindebezügeG et l’article 711 de l’ASVG (ci-après, ensemble, les « dispositions nationales en cause ») régissent directement les modalités et les conditions de détermination du montant de la pension d’entreprise à laquelle le requérant au principal a droit en vertu du contrat de pension d’entreprise du 2 mars 1992.
25 La juridiction de renvoi souligne que sont visées par les dispositions nationales en cause les personnes qui bénéficient d’une pension d’entreprise sous forme d’une « prestation définie directe », dont le montant est relativement élevé, à charge d’une personne morale soumise au contrôle du Rechnungshof (Cour des comptes), notamment en raison du fait que l’actionnaire majoritaire est un Land ayant adopté des règles en la matière comparables à celles prévues au niveau fédéral.
26 Cette juridiction indique que les personnes n’ayant pas atteint un certain âge ne sont pas affectées par les dispositions nationales en cause, dès lors que les conventions relatives à l’octroi d’une pension sous la forme d’une « prestation définie directe » ont cessé d’être conclues en Autriche au cours de l’année 2000 environ. En revanche, ce type de convention ayant généralement été conclu avec des personnes ayant acquis un nombre important d’années d’ancienneté et un certain niveau de responsabilité au sein de l’entreprise qui les occupait, celles-ci auraient aujourd’hui atteint un certain âge.
27 La juridiction de renvoi relève encore que, selon les statistiques officielles autrichiennes, les dispositions nationales en cause affectent majoritairement la pension d’entreprise des hommes.
28 Quant aux objectifs de ces dispositions, la juridiction de renvoi en mentionne deux, visés par le SpBegrG, consistant, d’une part, à réduire les déséquilibres créés en ce qui concerne les pensions dites « spéciales » et, d’autre part, à assurer le financement durable des prestations de retraite.
29 Par ailleurs, selon la juridiction de renvoi, les dispositions nationales en cause ont été adoptées sous la forme de dispositions constitutionnelles, principalement afin de limiter la possibilité de contester leur validité devant le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle, Autriche).
30 C’est dans ces conditions que le Landesgericht Wiener Neustadt (tribunal régional de Wiener Neustadt) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le champ d’application de la directive 79/7 et/ou de la directive 2006/54 englobe-t-il la réglementation d’un État membre lorsque celle-ci a pour effet qu’un nombre considérablement plus élevé d’hommes bénéficiaires d’une pension d’entreprise que de femmes bénéficiaires d’une pension d’entreprise se voient prélever des montants par leur ancien employeur lors du versement de ces pensions d’entreprise et que ces montants peuvent être utilisés librement par l’ancien employeur, et une telle réglementation est-elle discriminatoire au sens de ces directives ?
2) Le champ d’application de la directive 2000/78 englobe-t-il la réglementation d’un État membre qui discrimine sur le fondement de l’âge parce qu’elle affecte sur le plan financier exclusivement des personnes âgées bénéficiaires, au titre du droit privé, d’une pension d’entreprise conclue sous la forme d’une “prestation définie directe”, alors que les personnes jeunes et plus jeunes qui ont conclu des contrats de pension d’entreprise ne sont pas affectées financièrement ?
3) Les dispositions de la Charte, notamment les interdictions de discrimination visées aux articles 20 et 21 de celle-ci, doivent-elles être appliquées aux pensions d’entreprise même lorsque la réglementation de l’État membre ne comporte pas de discrimination interdite par les directives 79/7, 2000/78 et 2006/54 ?
4) Les articles 20 et suivants de la Charte doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui met en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51 de la Charte et qui discrimine sur le fondement du sexe, de l’âge, de la fortune ou sur d’autres fondements, tels que la situation financière dans laquelle se trouve actuellement leur ancien employeur, les personnes bénéficiaires d’une pension d’entreprise au titre du droit privé par rapport à d’autres personnes bénéficiaires d’une pension d’entreprise, et la Charte interdit-elle de telles discriminations ?
5) Une réglementation nationale qui n’oblige qu’un petit groupe de personnes bénéficiaires, en vertu d’un contrat, d’une pension d’entreprise sous la forme d’une “prestation définie directe” à se voir prélever des montants par leur ancien employeur, discrimine‑t‑elle également sur le fondement de la fortune, au sens de l’article 21 de la Charte, lorsque seules sont concernées des personnes percevant des pensions d’entreprise élevées ?
6) L’article 17 de la Charte doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui prévoit, directement par force de loi et sans indemnisation, une interférence équivalant à une confiscation dans un contrat conclu entre deux particuliers concernant une pension d’entreprise sous la forme d’une “prestation définie directe”, interférence qui pénalise un ancien salarié d’une entreprise, laquelle a anticipé le paiement de la pension d’entreprise et ne connaît pas de difficultés économiques ?
7) Une obligation légale pesant sur l’ancien employeur d’une personne bénéficiaire d’une pension d’entreprise de ne pas verser une partie du montant convenu (de la pension d’entreprise convenue) constitue-t-elle, en tant que violation de la liberté contractuelle, une atteinte au droit de propriété de l’employeur ?
8) L’article 47 de la Charte doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui confisque directement par force de loi et ne prévoit aucune autre possibilité de contester la confiscation que d’introduire contre le bénéficiaire de la confiscation (l’ancien employeur et débiteur du contrat de pension) une demande de dommages et intérêts et de remboursement du montant confisqué concerné ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première partie des première et deuxième questions
31 Par la première partie de ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les directives 79/7, 2000/78 et 2006/54 doivent être interprétées en ce sens que relèvent de leur champ d’application des dispositions de droit d’un État membre en vertu desquelles, d’une part, une partie du montant de la pension d’entreprise que l’employeur s’est engagé, par voie de convention, à verser directement à son ancien travailleur doit être prélevée à la source par ledit employeur et, d’autre part, l’indexation contractuellement convenue du montant de cette prestation est privée d’effet.
32 À cet égard, il y a lieu, dans un premier temps, de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7, celle-ci ne s’applique qu’aux régimes légaux qui assurent une protection contre, notamment, le risque « vieillesse » (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, Elbal Moreno, C‑385/11, EU:C:2012:746, point 26 et jurisprudence citée).
33 En revanche, des prestations octroyées au titre d’un régime de pension qui est fonction, pour l’essentiel, de l’emploi qu’occupait l’intéressé se rattachent à la rémunération dont bénéficiait ce dernier et relèvent de l’article 157 TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun), C‑192/18, EU:C:2019:924, point 59 et jurisprudence citée]. Partant, elles constituent des « rémunérations » au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2019, E.B., C‑258/17, EU:C:2019:17, points 44 et 48).
34 Par ailleurs, il ressort de l’article 1er, sous c), et de l’article 5, sous c), de la directive 2006/54 que celle-ci a trait aux régimes professionnels de sécurité sociale. Or, il a déjà été jugé que les régimes de pensions versées au travailleur en raison de sa relation de travail avec l’employeur public relèvent également du champ d’application matériel de l’article 5 de la directive 2006/54 [voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun), C‑192/18, EU:C:2019:924, points 72 et 73].
35 Il s’ensuit qu’une pension telle que la « prestation définie directe » que le requérant au principal perçoit de son ancien employeur en raison de sa relation de travail avec ce dernier relève du champ d’application non pas de la directive 79/7, mais des directives 2000/78 et 2006/54.
36 Dans un second temps, il convient de constater que les dispositions nationales en cause, en vertu desquelles, d’une part, une partie du montant de la pension d’entreprise que l’employeur s’est engagé, par voie de convention, à verser directement à son ancien travailleur doit être prélevée à la source par ledit employeur et, d’autre part, l’indexation contractuellement convenue du montant de cette prestation est privée d’effet, entraînent une réduction du montant de la pension que cette société s’est engagée à verser audit ancien travailleur. De ce fait, elles affectent les conditions de rémunération de ce dernier, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78, et le régime professionnel de sécurité sociale, au sens de l’article 5, sous c), de la directive 2006/54. Dès lors, ces directives s’appliquent à une situation telle que celle en cause au principal (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2016, Lesar, C‑159/15, EU:C:2016:451, point 18 et jurisprudence citée).
37 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’enseignement qui se dégage de l’arrêt du 2 juin 2016, C (C‑122/15, EU:C:2016:391), mentionné par le gouvernement autrichien dans ses observations écrites, au point 30 duquel la Cour a jugé qu’une réglementation nationale relative à un impôt additionnel sur les revenus tirés de pensions de retraite ne relève pas du champ d’application matériel de la directive 2000/78.
38 En effet, la Cour s’est fondée, aux points 25 et 26 dudit arrêt, sur la circonstance que le litige ayant donné lieu à celui-ci portait non pas sur les modalités ou les conditions de détermination du montant des prestations versées au travailleur en raison de sa relation de travail avec son ancien employeur, mais sur le taux d’imposition des revenus tirés de pensions de retraite, une telle imposition, qui découle directement et exclusivement de la législation fiscale nationale, étant extérieure à la relation de travail et, partant, à la détermination de la « rémunération », au sens de ladite directive et de l’article 157, paragraphe 2, TFUE.
39 Par conséquent, il convient de répondre à la première partie des première et deuxième questions que les directives 2000/78 et 2006/54 doivent être interprétées en ce sens que relèvent de leur champ d’application des dispositions de droit d’un État membre en vertu desquelles, d’une part, une partie du montant de la pension d’entreprise que l’employeur s’est engagé, par voie de convention, à verser directement à son ancien travailleur doit être prélevée à la source par ledit employeur et, d’autre part, l’indexation contractuellement convenue du montant de cette prestation est privée d’effet.
Sur la seconde partie de la première question
40 Par la seconde partie de sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2006/54 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension, lorsque beaucoup plus de bénéficiaires masculins que féminins sont affectés par ladite réglementation.
41 En vertu de l’article 5, sous c), de la directive 2006/54, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite dans le calcul des prestations dans les régimes professionnels de sécurité sociale qui, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a), iii), de cette directive, assurent une protection, notamment, contre le risque « vieillesse ».
42 Il y a lieu de constater d’emblée que des dispositions nationales telles que celles en cause au principal n’emportent pas de discrimination directe dès lors qu’elles s’appliquent indistinctement aux travailleurs masculins et féminins.
43 S’agissant de la question de savoir si une telle réglementation nationale emporte une discrimination indirecte, celle-ci est définie, aux fins de la directive 2006/54, à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette dernière, comme étant la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires.
44 À cet égard, en premier lieu, il ressort de la demande de décision préjudicielle que les personnes désavantagées par les dispositions nationales en cause sont les anciens employés d’entreprises contrôlées par l’État qui perçoivent une pension sous forme d’une « prestation définie directe » dont le montant dépasse certains seuils. En effet, d’une part, l’article 24a du NÖ Landes- und GemeindebezügeG prévoit le versement d’une prime conservatoire de pension pour la partie d’une telle prestation qui dépasse le montant mensuel de l’assiette de cotisation maximale, conformément à l’ASVG. Lors de l’audience devant la Cour, le gouvernement autrichien a indiqué que ce montant mensuel s’élevait à 5 370 euros brut pour l’année 2020. D’autre part, en vertu de l’article 711, paragraphe 6, de l’ASVG, aucune augmentation d’une prestation visée par le SpBegrG, telle que la « prestation définie directe » en cause au principal, ne pouvait être effectuée pour l’année 2018 si le montant cumulé de toutes les pensions de l’intéressé était supérieur à 4 980 euros par mois.
45 Aux fins de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54, la situation des personnes visées par les dispositions nationales en cause ne saurait être comparée à celle des anciens travailleurs d’entreprises non contrôlées par l’État ou à celle des personnes qui perçoivent une pension d’entreprise sous une forme autre qu’une « prestation définie directe », telle que des versements d’un fonds de pension ou d’une assurance vie. En effet, à la différence des pensions versées aux deux catégories de personnes susmentionnées, l’État fédéral ou le Land concerné contrôle les employeurs des travailleurs bénéficiant d’une « prestation définie directe » et les fonds destinés aux pensions desdits travailleurs.
46 Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 55 de ses conclusions, les situations à comparer sont, parmi les personnes percevant une pension sous forme de « prestation définie directe » d’une entreprise contrôlée par l’État, celle des personnes affectées par les dispositions nationales en cause en raison du montant de cette prestation et celle des personnes qui ne le sont pas.
47 Il en résulte que le critère apparemment neutre, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54, donnant lieu à une différence de traitement du fait de l’application des dispositions nationales en cause doit être considéré comme étant le montant des prestations déterminé par ces dernières, seuls les bénéficiaires de pensions dont le montant dépasse certains seuils étant désavantagés par ces dispositions.
48 Pour ce qui est, en deuxième lieu, du point de savoir si cette différence de traitement désavantage particulièrement des personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe, la juridiction de renvoi se limite à relever que, selon les statistiques officielles autrichiennes, les dispositions nationales en cause affectent majoritairement des hommes.
49 À cet égard, la Cour a jugé que l’existence d’un tel désavantage particulier peut être établie, notamment, s’il est prouvé qu’une réglementation nationale affecte négativement une proportion significativement plus importante de personnes d’un sexe par rapport à des personnes de l’autre sexe (arrêt du 3 octobre 2019, Schuch-Ghannadan, C‑274/18, EU:C:2019:828, point 45 et jurisprudence citée).
50 Ainsi qu’il ressort également du considérant 30 de la directive 2006/54, l’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination indirecte appartient à la juridiction nationale, conformément au droit national ou aux pratiques nationales qui peuvent prévoir, en particulier, que la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques (arrêt du 3 octobre 2019, Schuch-Ghannadan, C‑274/18, EU:C:2019:828, point 46 et jurisprudence citée).
51 Ainsi, il incombe à la juridiction nationale d’apprécier dans quelle mesure les données statistiques produites devant elle sont fiables et si celles-ci peuvent être prises en compte, c’est-à-dire si, notamment, elles ne sont pas l’expression de phénomènes purement fortuits ou conjoncturels et si elles sont suffisamment significatives (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Schuch-Ghannadan, C‑274/18, EU:C:2019:828, point 48 et jurisprudence citée).
52 S’agissant des données statistiques, la Cour a également jugé, d’une part, qu’il incombe à la juridiction de renvoi de prendre en considération l’ensemble des travailleurs soumis à la réglementation nationale dans laquelle la différence de traitement trouve sa source et, d’autre part, que la meilleure méthode de comparaison consiste à comparer les proportions respectives des travailleurs qui sont et qui ne sont pas affectés par la prétendue différence de traitement au sein de la main-d’œuvre masculine relevant du champ d’application de cette réglementation et les mêmes proportions au sein de la main-d’œuvre féminine en relevant (voir, en ce sens, arrêts du 6 décembre 2007, Voß, C‑300/06, EU:C:2007:757, points 40 et 41, ainsi que du 3 octobre 2019, Schuch-Ghannadan, C‑274/18, EU:C:2019:828, point 47).
53 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que relèvent du champ d’application des dispositions nationales en cause les anciens travailleurs d’une entité soumise au contrôle du Rechnungshof (Cour des comptes) qui bénéficient d’une pension d’entreprise sous la forme d’une « prestation définie directe ».
54 Par conséquent, ainsi que Mme l’avocate générale l’a indiqué aux points 65 à 67 de ses conclusions, si les statistiques disponibles devaient effectivement montrer que le pourcentage d’anciens travailleurs dont le montant d’une telle pension d’entreprise a été affecté par les dispositions nationales en cause est considérablement plus élevé parmi les anciens travailleurs masculins relevant du champ d’application de celles-ci que parmi les anciens travailleurs féminins en relevant, il y aurait lieu de considérer qu’une telle situation révèle une discrimination indirecte fondée sur le sexe, contraire à l’article 5, sous c), de la directive 2006/54, à moins que ces dispositions ne soient justifiées par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe (voir, par analogie, arrêt du 6 décembre 2007, Voß, C‑300/06, EU:C:2007:757, point 42).
55 En effet, et en troisième lieu, à supposer que la juridiction de renvoi considère, au regard des considérations figurant aux points 53 et 54 du présent arrêt, que les dispositions nationales en cause sont à l’origine d’une différence de traitement susceptible de constituer une discrimination indirecte fondée sur le sexe, il appartiendrait alors à cette juridiction d’examiner dans quelle mesure une telle différence de traitement peut néanmoins être justifiée par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, ainsi qu’il découle de l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54.
56 Conformément à la jurisprudence de la Cour, tel est en particulier le cas si les moyens choisis répondent à un but légitime de politique sociale, sont aptes à atteindre l’objectif poursuivi par la réglementation en cause et sont nécessaires à cet effet, étant entendu qu’ils ne sauraient être considérés comme étant propres à garantir l’objectif invoqué que s’ils répondent véritablement au souci de l’atteindre et s’ils sont mis en œuvre de manière cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Leone, C‑173/13, EU:C:2014:2090, points 53 et 54 ainsi que jurisprudence citée).
57 En outre, la Cour a jugé que, en choisissant les mesures susceptibles de réaliser les objectifs de leur politique sociale et de l’emploi, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation (arrêts du 6 avril 2000, Jørgensen, C‑226/98, EU:C:2000:191, point 41, et du 20 octobre 2011, Brachner, C‑123/10, EU:C:2011:675, point 73 ainsi que jurisprudence citée).
58 Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, s’il appartient en dernier lieu au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure la disposition législative concernée est justifiée par un tel facteur objectif, la Cour, appelée à fournir à celui-ci des réponses utiles dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, est compétente pour donner des indications, tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer (arrêt du 17 juillet 2014, Leone, C‑173/13, EU:C:2014:2090, point 56 et jurisprudence citée).
59 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le SpBegrG, auquel les dispositions nationales en cause sont étroitement liées, poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, réduire les déséquilibres créés en ce qui concerne les pensions dites « spéciales », lesquelles, ainsi que le gouvernement autrichien l’indique dans ses observations écrites, sont des « pensions complémentaires hors régimes de pensions habituels », et, d’autre part, assurer le financement durable des pensions de retraite. Le gouvernement autrichien a confirmé ces objectifs dans ses observations écrites, en précisant que les dispositions nationales en cause visent plus précisément à compenser les déséquilibres au niveau de l’octroi de prestations de retraite financées en dernier ressort par l’État. Ce gouvernement a en outre indiqué que de telles pensions constituent des charges financières lourdes pour les entreprises concernées, qui risquent d’avoir des répercussions indirectes sur le budget de l’État, notamment en raison de distributions réduites de dividendes.
60 À cet égard, la Cour a déjà jugé que des considérations d’ordre budgétaire ne sauraient justifier une discrimination au détriment de l’un des sexes (arrêt du 23 octobre 2003, Schönheit et Becker, C‑4/02 et C‑5/02, EU:C:2003:583, point 85 ainsi que jurisprudence citée).
61 En revanche, les finalités consistant à assurer le financement durable des pensions de retraite et à réduire l’écart entre les niveaux de pensions financées par l’État peuvent être considérées, compte tenu de la large marge d’appréciation dont jouissent les États membres, comme constituant des objectifs légitimes de politique sociale qui sont étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.
62 En l’occurrence, et sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer à cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour que les dispositions nationales sont de nature à tendre vers de tels objectifs. D’une part, tant la rétention d’une partie de la prestation à verser que l’absence d’augmentation du montant de celle-ci sont de nature à permettre la constitution de réserves pour les futures obligations de paiement. À cet égard, s’il est vrai, comme l’ont souligné le requérant au principal ainsi que NK lors de l’audience devant la Cour, que les montants ainsi économisés peuvent en principe être utilisés à toutes fins par les entreprises concernées, il n’en demeure pas moins que, sous réserve des mêmes vérifications, l’État, en cas de participation majoritaire, dispose d’une influence suffisante sur ladite entreprise afin de garantir un financement adéquat par celle-ci des pensions de retraite en cause.
63 D’autre part, ces dispositions frappant les seules prestations dont le montant dépasse un certain seuil, elles ont pour effet de rapprocher ces dernières du niveau des pensions plus modestes.
64 Par ailleurs, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, lesdites dispositions sont mises en œuvre de manière cohérente et systématique en ce qu’elles s’appliquent à toutes les pensions octroyées sous la forme de « prestations définies directes » par les institutions et les entreprises directement ou indirectement soumises au contrôle de l’État, pour lesquelles les réserves constituées au moyen des montants retenus ou non accordés sont donc disponibles pour financer des futures obligations de pension.
65 Les dispositions nationales en cause ne paraissent pas entraîner des mesures qui iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés, notamment dans la mesure où elles tiennent compte des capacités contributives des personnes concernées, en ce que tant les montants prélevés en vertu de l’article 24a du NÖ Landes- und GemeindebezügeG que les limitations d’augmentation des pensions prévues à l’article 711 de l’ASVG sont échelonnés en fonction des montants des prestations octroyées.
66 En outre, s’agissant plus particulièrement de l’objectif d’assurer le financement durable des pensions de retraite, le fait qu’une entreprise particulière, telle que NK, puisse avoir constitué des réserves suffisantes à cette fin ne saurait en lui-même remettre en cause le caractère nécessaire des dispositions nationales en cause, dès lors que, ainsi que la Commission européenne le relève dans ses observations écrites, celles-ci visent l’ensemble des entreprises détenues majoritairement par l’État fédéral et le Land de Basse-Autriche.
67 Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la première question que l’article 5, sous c), et l’article 7, sous a), iii), de la directive 2006/54 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension, alors même que le pourcentage d’anciens travailleurs dont le montant de la pension d’entreprise a été affecté par ladite réglementation est considérablement plus élevé parmi les anciens travailleurs masculins relevant du champ d’application de celle-ci que parmi les anciens travailleurs féminins en relevant, pour autant que ces conséquences soient justifiées par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.
Sur la seconde partie de la deuxième question
68 Par la seconde partie de sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension, lorsque ladite réglementation affecte uniquement des bénéficiaires ayant dépassé un certain âge.
69 En vertu de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, est interdite toute discrimination indirecte fondée, notamment, sur l’âge. Il y a discrimination indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge donné par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires (arrêt du 7 février 2019, Escribano Vindel, C‑49/18, EU:C:2019:106, points 41 et 42).
70 Selon la juridiction de renvoi, l’existence éventuelle d’une discrimination indirecte fondée sur l’âge repose sur le fait qu’aucun contrat de pension sous forme de « prestation définie directe » n’a été conclu en Autriche depuis l’année 2000, de sorte que seules les personnes ayant atteint un certain âge sont affectées par les dispositions nationales en cause, les contrats de pension d’entreprise pour les autres personnes ayant été conclus sur le modèle des fonds de pension ou de l’assurance.
71 Or, à l’instar d’une discrimination indirecte fondée sur le sexe, ainsi qu’il découle des points 45, 49 et 52 du présent arrêt, une discrimination indirecte fondée sur l’âge ne peut être constatée que s’il est prouvé qu’une réglementation nationale affecte négativement, et sans justification, une proportion significativement plus importante de personnes d’un âge donné par rapport à d’autres personnes. À cette fin, il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des travailleurs soumis à la réglementation nationale dans laquelle la différence de traitement trouve sa source.
72 Il s’ensuit que, afin d’établir l’existence d’une discrimination indirecte fondée sur l’âge, les personnes désavantagées par les dispositions nationales en cause ne sauraient être comparées à des personnes ne relevant pas du champ d’application de celles-ci, telles que les personnes ayant conclu un contrat de pension sur le modèle des fonds de pension ou de l’assurance.
73 Par ailleurs, ainsi que Mme l’avocate générale l’a rappelé au point 89 de ses conclusions, le seul fait que les personnes n’ayant pas atteint un certain âge se sont vu appliquer un cadre juridique nouveau ne saurait donner lieu à une discrimination indirecte fondée sur l’âge au détriment des autres personnes, auxquelles l’ancien cadre juridique s’applique (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, Horgan et Keegan, C‑154/18, EU:C:2019:113, point 28).
74 Il convient, en outre, de constater que la juridiction de renvoi n’a pas fourni d’indications selon lesquelles, parmi les personnes relevant du champ d’application des dispositions nationales en cause, à savoir les bénéficiaires d’une pension versée par une entreprise contrôlée par l’État sous la forme d’une « prestation définie directe », une proportion significativement plus importante de personnes ayant atteint un certain âge serait désavantagée par celles-ci.
75 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la deuxième question que l’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension, au seul motif que ladite réglementation affecte uniquement des bénéficiaires ayant dépassé un certain âge.
Sur les troisième à septième questions
76 Par ses troisième à septième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension.
77 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le champ d’application de la Charte est défini à l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux termes duquel, pour ce qui est de l’action des États membres, les dispositions de la Charte s’adressent à ceux-ci uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.
78 Il convient également de rappeler que les droits fondamentaux garantis par la Charte ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union et qu’ils doivent, ainsi, notamment être respectés lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application de ce droit [arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 63 et jurisprudence citée].
79 Il importe toutefois que, dans le domaine concerné, le droit de l’Union impose des obligations spécifiques aux États membres à l’égard de la situation en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 35).
80 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il découle des points 40 à 67 du présent arrêt, les dispositions nationales en cause sont susceptibles de donner lieu à une différence de traitement fondée sur le sexe qui, en l’absence de justification, constituerait une discrimination indirecte interdite par la directive 2006/54. Comme Mme l’avocate générale l’a relevé au point 98 de ses conclusions, elles sont donc soumises à une réglementation spécifique du droit de l’Union dans la mesure où la détermination et le calcul des prestations dans des régimes professionnels de sécurité sociale doivent se faire sans discriminations contraires à cette directive ainsi qu’à la directive 2000/78.
81 Il en résulte que les dispositions nationales en cause constituent une mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, de sorte qu’elles doivent respecter les droits fondamentaux garantis par cette dernière.
82 À cet égard, en premier lieu, l’article 20 de la Charte consacre le principe d’égalité en droit de toute personne. En vertu de l’article 21, paragraphe 1, de cette Charte, toute discrimination fondée, notamment, sur le sexe, l’âge ou la fortune est interdite.
83 S’agissant, plus particulièrement, de la discrimination fondée sur l’âge, il découle de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’ils adoptent des mesures entrant dans le champ d’application de la directive 2000/78, laquelle concrétise, dans le domaine de l’emploi et du travail, le principe de non-discrimination en fonction de l’âge, les États membres doivent agir dans le respect de cette directive (arrêt du 21 janvier 2015, Felber, C‑529/13, EU:C:2015:20, point 16 et jurisprudence citée). De même, les États membres doivent, lorsqu’ils adoptent des mesures entrant dans le champ d’application de la directive 2006/54, laquelle concrétise, dans ledit domaine, le principe de non-discrimination fondée sur le sexe, agir dans le respect de cette dernière directive.
84 Dans ces conditions, les questions de la juridiction de renvoi portant sur l’existence d’une discrimination fondée sur l’âge et le sexe doivent être examinées, ainsi qu’elles le sont dans le cadre des réponses aux première et deuxième questions, uniquement au regard, respectivement, des directives 2000/78 et 2006/54 (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2014, Vital Pérez, C‑416/13, EU:C:2014:2371, point 25).
85 Pour ce qui est d’une discrimination fondée sur la fortune, à supposer qu’il puisse être établi que la différence de traitement identifiée au point 46 du présent arrêt, à savoir que les dispositions nationales en cause affectent uniquement des pensions dont le montant dépasse un certain seuil, désavantage particulièrement les personnes disposant d’une certaine fortune, une telle circonstance est susceptible d’être justifiée en l’occurrence pour les raisons qui ont été exposées aux points 61 à 66 du présent arrêt, sous réserve des vérifications à opérer par la juridiction de renvoi. Dans cette mesure, de telles dispositions ne comportent pas de violation de l’article 20 et de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte à ce titre.
86 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’article 16 de la Charte, il convient de rappeler que relève de la liberté d’entreprise garantie par celui-ci la liberté contractuelle visée par la septième question préjudicielle (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 42). Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 110 de ses conclusions, cette liberté inclut celle de fixer ou de négocier le prix d’une prestation.
87 Il en découle que des dispositions telles que les dispositions nationales en cause constituent une limitation à la liberté contractuelle en ce qu’elles obligent les entreprises concernées à verser à leurs anciens employés une pension sous forme d’une « prestation définie directe » dont le montant est moindre que celui qui a été contractuellement convenu.
88 Toutefois, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être examinée au regard de sa fonction dans la société et peut ainsi être soumise à des interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique. En outre, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par cette dernière doit être prévue par la loi, respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés et doit, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, points 157 à 160).
89 À cet égard, il convient de constater que la limitation de la liberté contractuelle mentionnée au point 87 du présent arrêt a été prévue par la loi et respecte le contenu essentiel de cette liberté car elle n’entraîne qu’une privation très partielle du paiement des pensions d’entreprise qui avaient été négociées et convenues entre l’entreprise concernée et ses travailleurs. Par ailleurs, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, cette privation répond aux objectifs d’intérêt général que sont le financement durable des pensions de retraite financées par l’État et la réduction de l’écart entre les niveaux desdites pensions. Enfin, ainsi qu’il ressort des points 61 à 66 du présent arrêt, il doit être considéré que ladite limitation respecte le principe de proportionnalité, de sorte qu’elle n’est pas contraire à l’article 16 de la Charte.
90 S’agissant, en troisième lieu, de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte qui consacre le droit de propriété, il convient de rappeler que la protection conférée par cette disposition porte sur des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique, une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 34).
91 Il y a lieu de considérer que la conclusion d’un contrat portant sur une pension d’entreprise engendre un intérêt patrimonial dans le chef du bénéficiaire de cette pension. En outre, la retenue par l’entreprise concernée d’une partie du montant contractuellement convenu et l’inapplication de l’indexation contractuellement convenue affectent ledit intérêt patrimonial. Toutefois, le droit garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte ne présente pas un caractère absolu, de sorte qu’il ne saurait être interprété comme ouvrant droit à une pension d’un montant déterminé (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a., C‑258/14, EU:C:2017:448, points 50 et 51).
92 Cependant, ainsi qu’il découle du point 88 du présent arrêt, toute limitation audit droit de propriété doit être prévue par la loi, respecter son contenu essentiel et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union. Or, les limitations des droits à pension en cause au principal sont prévues par la loi. De plus, elles ne limitent qu’une partie du montant total des pensions sous forme de « prestation définie directe » concernées, de sorte qu’elles ne peuvent être considérées comme affectant le contenu essentiel desdits droits. Par ailleurs, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, ces restrictions paraissent nécessaires et répondre effectivement aux objectifs d’intérêt général que sont le financement durable des pensions de retraite financées par l’État et la réduction de l’écart entre les niveaux desdites pensions.
93 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux troisième à septième questions que les articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension.
Sur la huitième question
94 Par sa huitième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre s’abstienne de prévoir, dans son ordre juridique, une voie de recours autonome tendant, à titre principal, à examiner la conformité avec le droit de l’Union de dispositions nationales mettant en œuvre ce droit.
95 Il ressort de la décision de renvoi que les dispositions nationales en cause sont étroitement liées à l’article 1er du SpBegrG ou ont été adoptées dans son prolongement direct. Ce dernier se composant de dispositions constitutionnelles, les possibilités de contester les dispositions nationales en cause par voie juridictionnelle devant le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle) seraient réduites, de sorte que ces dispositions nationales ne sauraient être remises en cause que de manière incidente, par l’introduction d’un recours de droit privé contre le partenaire contractuel de la pension d’entreprise.
96 Toutefois, la Cour a jugé que le principe de protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la Charte ne requiert pas, en tant que tel, l’existence d’un recours autonome tendant, à titre principal, à contester la conformité de dispositions nationales aux normes du droit de l’Union, pour autant qu’il existe une ou plusieurs voies de recours permettant, de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union (arrêt du 21 novembre 2019, Deutsche Lufthansa, C‑379/18, EU:C:2019:1000, point 61 et jurisprudence citée).
97 Dès lors que la juridiction de renvoi indique que les dispositions nationales en cause peuvent être remises en cause de manière incidente, une violation du principe de protection juridictionnelle effective ne peut être constatée en raison de l’absence de voie de recours autonome.
98 Par conséquent, il convient de répondre à la huitième question que l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre s’abstienne de prévoir, dans son ordre juridique, une voie de recours autonome tendant, à titre principal, à examiner la conformité avec le droit de l’Union de dispositions nationales mettant en œuvre ce droit, pour autant que la possibilité d’un tel examen à titre incident existe.
Sur les dépens
99 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
1) La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, et la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, doivent être interprétées en ce sens que relèvent de leur champ d’application des dispositions de droit d’un État membre en vertu desquelles, d’une part, une partie du montant de la pension d’entreprise que l’employeur s’est engagé, par voie de convention, à verser directement à son ancien travailleur doit être prélevée à la source par ledit employeur et, d’autre part, l’indexation contractuellement convenue du montant de cette prestation est privée d’effet.
2) L’article 5, sous c), et l’article 7, sous a), iii), de la directive 2006/54 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension, alors même que le pourcentage d’anciens travailleurs dont le montant de la pension d’entreprise a été affecté par ladite réglementation est considérablement plus élevé parmi les anciens travailleurs masculins relevant du champ d’application de celle-ci que parmi les anciens travailleurs féminins en relevant, pour autant que ces conséquences soient justifiées par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe,ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.
3) L’article 2, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension, au seul motif que ladite réglementation affecte uniquement des bénéficiaires ayant dépassé un certain âge.
4) Les articles 16, 17, 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle les bénéficiaires d’une pension qu’une entreprise contrôlée par l’État s’est engagée, par voie de convention, à leur verser directement et qui dépasse certains seuils fixés dans cette réglementation se voient privés, d’une part, d’un montant retenu sur la partie de cette pension excédant l’un de ces seuils et, d’autre part, du bénéfice d’une indexation contractuellement convenue de ladite pension.
5) L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre s’abstienne de prévoir, dans son ordre juridique, une voie de recours autonome tendant, à titre principal, à examiner la conformité avec le droit de l’Union de dispositions nationales mettant en œuvre ce droit, pour autant que la possibilité d’un tel examen à titre incident existe.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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