Dong Yang Electronics (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-547/18 (07 May 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C54718.html
Cite as: [2020] EUECJ C-547/18, ECLI:EU:C:2020:350, [2020] STC 2012, EU:C:2020:350, [2020] STI 1237

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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 mai 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 44 – Règlement d’exécution (UE) no 282/2011 – Article 11, paragraphe 1 – Prestation de services – Lieu de rattachement fiscal – Notion d’“établissement stable” – Assujetti à la TVA – Filiale d’une société d’un État tiers localisée dans un État membre »

Dans l’affaire C‑547/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne), par décision du 6 juin 2018, parvenue à la Cour le 23 août 2018, dans la procédure

Dong Yang Electronics sp. z o.o.

contre

Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász (rapporteur), M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 septembre 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour Dong Yang Electronics sp. z o.o., par MM. M. Goj et T. Dziadura ainsi que par Mmes I. Rymanowska et D. Pokrop, doradcy podatkowi,

–        pour le Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu, par Mmes M. Kowalewska et J. Grzebyk ainsi que par MM. B. Kołodziej et T. Wojciechowski,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme A. Kramarczyk – Szaładzińska, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. F. Shibli et D. Thorneloe ainsi que par Mme J. Kraehling, en qualité d’agents, assistés de M. R. Hill, barrister,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Siekierzyńska et N. Gossement, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 14 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 44 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008 (JO 2008, L 44, p. 11) (ci-après la « directive 2006/112 »), et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 282/2011 du Conseil, du 15 mars 2011, portant mesures d’exécution de la directive 2006/112 (JO 2011, L 77, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Dong Yang Electronics sp. z o.o. (ci-après « Dong Yang ») au Dyrektor Izby Administracji Skarbowej we Wrocławiu (directeur de la chambre fiscale de Wrocław, Pologne) au sujet d’une décision de ce dernier lui imposant un rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

 Le cadre juridique

 Le droit de lUnion

 L’accord de libre-échange

3        L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Corée, d’autre part, approuvé au nom de l’Union par la décision 2011/265/UE du Conseil, du 16 septembre 2010 (JO 2011, L 127, p. 1), énonce, dans le tableau figurant à son annexe 7-A-2, dans la seconde colonne de celui-ci, sous le titre « Types d’établissement » :

« PL : À l’exception des services financiers, non consolidé pour ce qui est des succursales. Les investisseurs coréens ne peuvent entreprendre et exercer une activité économique qu’en constituant une société en commandite, une société à responsabilité limitée ou une société anonyme (dans le cas des services juridiques, uniquement en constituant une société à responsabilité limitée ou une société en commandite). »

 La directive 2006/112

4        Sous le titre V de la directive 2006/112, intitulé « Lieu des opérations imposables », le chapitre 3, intitulé « Lieu des prestations de services », comprend l’article 44 de cette directive, qui dispose :

« Le lieu des prestations de services fournies à un assujetti agissant en tant que tel est l’endroit où l’assujetti a établi le siège de son activité économique. Néanmoins, si ces services sont fournis à un établissement stable de l’assujetti situé en un lieu autre que l’endroit où il a établi le siège de son activité économique, le lieu des prestations de ces services est l’endroit où cet établissement stable est situé. À défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, le lieu des prestations de services est l’endroit où l’assujetti qui bénéficie de tels services a son domicile ou sa résidence habituelle. »

 Le règlement d’exécution no 282/2011

5        L’article 11 du règlement d’exécution no 282/2011 prévoit :

« 1.      Pour l’application de l’article 44 de la directive 2006/112/CE, l’“établissement stable” désigne tout établissement, autre que le siège de l’activité économique visé à l’article 10 du présent règlement, qui se caractérise par un degré suffisant de permanence et une structure appropriée, en termes de moyens humains et techniques, lui permettant de recevoir et d’utiliser les services qui sont fournis pour les besoins propres de cet établissement.

[...]

3.      Le fait de disposer d’un numéro d’identification TVA n’est pas en soi suffisant pour considérer qu’un assujetti a un établissement stable. »

6        L’article 22 de ce règlement dispose :

« 1.      Afin d’identifier l’établissement stable du preneur auquel le service est fourni, le prestataire examine la nature et l’utilisation du service fourni.

Lorsque la nature et l’utilisation du service fourni ne lui permettent pas d’identifier l’établissement stable auquel le service est fourni, le prestataire, pour identifier cet établissement stable, examine en particulier si le contrat, le bon de commande et le numéro d’identification TVA attribué par l’État membre du preneur et qui lui a été communiqué par le preneur identifient l’établissement stable comme preneur du service et si l’établissement stable est l’entité qui paie pour le service.

Lorsque l’établissement stable du preneur auquel le service est fourni ne peut pas être déterminé en vertu des alinéas 1 et 2 du présent paragraphe ou lorsque des services relevant de l’article 44 de la directive 2006/112/CE sont fournis à un assujetti dans le cadre d’un contrat couvrant un ou plusieurs services destinés à être utilisés, de manière non identifiable ou non quantifiable, le prestataire considère légitimement que les services sont fournis au lieu où le preneur a établi le siège de son activité économique.

2.      L’application du présent article est sans préjudice des obligations du preneur. »

 Le droit polonais 

7        L’article 28b, paragraphes 1 à 3, de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et les services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2011, no 177, position 1054), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« 1.      Le lieu de prestation des services, lorsque ceux-ci sont fournis à un assujetti, est l’endroit où l’assujetti preneur des services a le siège de son activité économique, sous réserve des paragraphes 2 à 4 et des articles 28e, 28f, paragraphes 1 et 1a, 28g, paragraphe 1, 28i, 28j, paragraphes 1 et 2, et 28n.

2.      Lorsque les services sont fournis à un établissement stable de l’assujetti situé en un lieu autre que l’endroit où il a établi le siège de son activité économique, le lieu de prestation de ces services est l’endroit où cet établissement stable est situé.

3.      Lorsque l’assujetti preneur des services n’a pas de siège ou d’établissement stable au sens du paragraphe 2, le lieu de prestation des services est l’endroit où il a son domicile ou sa résidence habituelle. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        Dong Yang, une société de droit polonais, a, le 27 octobre 2010, conclu avec LG Display Co. Ltd. (Korea) (ci-après « LG Corée »), une société de droit coréen établie à Séoul (Corée du Sud), un contrat de fourniture de services d’assemblage de cartes de circuits imprimés (printed circuit boards, ci-après les « PCB ») à partir de matériaux et de composants qui étaient la propriété de LG Corée.

9        Les matériaux et les composants nécessaires à la confection des PCB étaient dédouanés, puis fournis à Dong Yang par une filiale de LG Corée, LG Display Polska sp. z o.o. (ci-après « LG Pologne »), une société de droit polonais.

10      Dong Yang remettait les PCB à LG Pologne qui, sur la base d’un contrat avec LG Corée, utilisait ces PCB pour produire des modules TFT LCD. Ces modules, qui étaient la propriété de LG Corée, étaient livrés à une autre société, LG Display Germany GmbH.

11      LG Pologne dispose de moyens de production propres. Cette société et LG Corée ont des numéros de TVA distincts.

12      Dong Yang a facturé les services d’assemblage de PCB à LG Corée en les considérant comme non soumis à la TVA sur le territoire polonais.

13      LG Corée a assuré à Dong Yang ne pas disposer d’un établissement stable en Pologne et ne pas employer de salariés ou posséder d’immeubles ou d’équipements techniques sur le territoire polonais.

14      Le directeur de la chambre fiscale de Wrocław a estimé que Dong Yang avait exécuté les prestations de services d’assemblage de PCB en Pologne, dans la mesure où LG Pologne constituait un établissement stable de LG Corée. C’est ainsi que, le 28 février 2017, ledit directeur a réclamé à Dong Yang le montant de la TVA se rapportant aux services d’assemblage qu’elle avait exécutés au cours de l’année 2012.

15      Dans cette décision, le directeur de la chambre fiscale de Wrocław a relevé que, par les liens contractuels qu’elle avait établis, LG Corée utilisait LG Pologne comme son propre établissement.

16      Il a ajouté qu’il appartenait à Dong Yang non pas de s’en tenir à la seule déclaration de LG Corée, selon laquelle celle-ci n’avait pas d’établissement stable en Pologne, mais d’examiner, conformément à l’article 22 du règlement d’exécution no 282/2011, quel était le bénéficiaire réel des services qu’elle fournissait et qu’un tel examen lui aurait permis de conclure que ce bénéficiaire était en réalité LG Pologne.

17      Dong Yang a saisi le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław, Pologne) d’un recours tendant à l’annulation de la décision du directeur de la chambre fiscale de Wrocław, au motif que cette décision viole l’article 44 de la directive 2006/112 ainsi que l’article 11, paragraphe 1, et les articles 21 et 22 du règlement d’exécution no 282/2011.

18      La juridiction de renvoi se réfère aux arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz (168/84, EU:C:1985:299), du 2 mai 1996, Faaborg-Gelting Linien (C‑231/94, EU:C:1996:184), du 17 juillet 1997, ARO Lease (C‑190/95, EU:C:1997:374), et du 16 octobre 2014, Welmory (C‑605/12, EU:C:2014:2298), relatifs à la notion d’ « établissement stable », au sens de l’article 44 de cette directive. Toutefois, elle considère que le litige pendant devant elle présente des différences factuelles importantes. En effet, en raison du fait que le siège social de LG Corée est situé dans un État tiers, en l’occurrence la République de Corée, cette société ne bénéficie pas des libertés que confère le traité FUE et ne peut exercer librement une activité économique sur le territoire de la République de Pologne.

19      Étant donné que l’exercice d’une telle activité n’est possible qu’en détenant une société dépendante, la juridiction de renvoi estime qu’une société établie dans un État tiers a toujours la possibilité d’influer sur l’activité de sa filiale et, partant, de disposer de ses ressources.

20      Dès lors, la juridiction de renvoi se demande si et, le cas échéant, dans quelles conditions la filiale que possède, sur le territoire polonais, une société établie dans un État tiers doit être considérée par le prestataire de services, notamment eu égard aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 du règlement d’exécution no 282/2011, comme un établissement stable aux fins de la détermination du lieu où les services sont fournis.

21      En particulier, elle s’interroge quant à la question de savoir si l’existence d’un établissement stable peut se déduire de la seule existence d’une filiale ou si le prestataire de services doit tenir compte des relations contractuelles entre la société mère et cette filiale. À cet égard, la juridiction de renvoi indique que les contrats de collaboration liant la société mère et la filiale, sur le fondement desquelles les autorités fiscales polonaises ont conclu à l’existence d’un établissement stable, ont été recueillis dans le cadre d’une procédure fiscale autre que celle à l’origine du litige au principal et n’étaient pas accessibles au prestataire de services concerné par ce dernier.

22      Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de voïvodie de Wrocław), estimant nécessaire d’obtenir une clarification de la Cour, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le seul fait qu’une société établie en dehors du territoire de l’Union européenne possède une filiale sur le territoire polonais permet-il de déduire l’existence d’un établissement stable en Pologne, au sens de l’article 44 de la directive 2006/112 [...] et de l’article 11, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 282/2011 [...] ?

2)      En cas de réponse négative à la première question, une entreprise tierce est-elle tenue d’examiner les relations contractuelles entre la société établie en dehors du territoire de l’Union et la filiale pour déterminer si la première dispose d’un établissement stable en Pologne ? »

 Sur les questions préjudicielles

23      Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 44 de la directive 2006/112 ainsi que l’article 11, paragraphe 1, et l’article 22, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 282/2011 doivent être interprétés en ce sens que l’existence, sur le territoire d’un État membre, d’un établissement stable d’une société établie dans un État tiers peut être déduite par un prestataire de services du seul fait que cette société y possède une filiale ou si ce prestataire est tenu de s’enquérir, aux fins d’une telle appréciation, des relations contractuelles entre les deux entités.

24      L’article 44 de la directive 2006/112 énonce, à sa première phrase, que le lieu des prestations de services fournies à un assujetti agissant en tant que tel est l’endroit où l’assujetti a établi le siège de son activité économique. Néanmoins, la deuxième phrase de cet article prévoit que, si les services sont fournis à un établissement stable de l’assujetti situé en un lieu autre que l’endroit où il a établi le siège de son activité économique, le lieu des prestations de ces services est l’endroit où cet établissement stable est situé.

25      Ces dispositions déterminent le lieu de rattachement fiscal des prestations de services afin d’éviter, d’une part, des conflits de compétence susceptibles de conduire à des doubles impositions et, d’autre part, la non-imposition de recettes (arrêt du 16 octobre 2014, Welmory, C‑605/12, EU:C:2014:2298, point 42).

26      La Cour a déjà jugé que, si le point de rattachement le plus utile afin de déterminer le lieu des prestations de services, du point de vue fiscal et, partant, prioritaire, est celui où l’assujetti a établi le siège de son activité économique, la prise en considération d’un établissement stable de l’assujetti constitue une dérogation à cette règle générale, pourvu que certaines conditions soient remplies (arrêt du 16 octobre 2014, Welmory, C‑605/12, EU:C:2014:2298, points 53 et 56).

27      À ce titre, afin de prévenir l’apparition de circonstances susceptibles de compromettre le bon fonctionnement du système commun de la TVA, le législateur de l’Union a prévu, à l’article 44 de la directive 2006/112, que, lorsque le service a été fourni à un établissement qui peut être qualifié d’établissement stable de l’assujetti, il doit être considéré que le lieu de prestations des services fournis est l’endroit où cet établissement stable est situé.

28      S’agissant du point de savoir s’il existe un « établissement stable », au sens dudit article 44, deuxième phrase, il y a lieu de relever que cette question doit être examinée en fonction de l’assujetti-preneur auquel les services sont fournis (arrêt du 16 octobre 2014, Welmory, C‑605/12, EU:C:2014:2298, point 57). À cet égard, aux termes de l’article 11 du règlement d’exécution no 282/2011, l’« établissement stable » désigne tout établissement, autre que le siège de l’activité économique visé à l’article 10 de ce règlement, qui se caractérise par un degré suffisant de permanence et une structure appropriée, en termes de moyens humains et techniques, lui permettant de recevoir et d’utiliser les services qui sont fournis pour les besoins propres de cet établissement.

29      Certes, à cet égard, il y a lieu de faire observer que l’accord de libre-échange visé au point 3 du présent arrêt contient, dans le tableau figurant à son annexe 7-A-2, dans la seconde colonne de celui-ci, sous le titre « Types d’établissement », une réserve pour la République de Pologne selon laquelle les investisseurs coréens ne peuvent entreprendre et exercer une activité économique en Pologne qu’en constituant une société en commandite, une société à responsabilité limitée ou une société anonyme. Cette disposition s’oppose à la possibilité pour les entreprises de droit coréen d’exercer directement une activité économique en Pologne.

30      Toutefois, il ne saurait être exclu que la filiale détenue aux fins de l’exercice d’une telle activité par la société mère établie en Corée du Sud puisse constituer un établissement stable de cette société mère, dans un État membre de l’Union, au sens de l’article 44 de la directive 2006/112, lu à la lumière de l’article 11, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 282/2011. Par conséquent, la réserve mentionnée au point précédent n’a pas d’incidence sur l’interprétation de la notion d’« établissement stable », au sens de l’article 44 de la directive 2006/112.

31      Il y a lieu de rappeler que la prise en compte de la réalité économique et commerciale constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Budimex, C‑224/18, EU:C:2019:347, point 27 et jurisprudence citée). Dès lors, la qualification d’un établissement d’établissement stable ne saurait dépendre du seul statut juridique de l’entité concernée.

32      À cet égard, s’il est possible qu’une filiale constitue l’établissement stable de sa société mère (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 1997, DFDS, C‑260/95, EU:C:1997:77, points 25 et 26), une telle qualification dépend des conditions matérielles énoncées par le règlement d’exécution no 282/2011, notamment à l’article 11 de celui-ci, qui doivent être appréciées à la lumière de la réalité économique et commerciale.

33      Il résulte des considérations qui précèdent que l’existence, sur le territoire d’un État membre, d’un établissement stable d’une société établie dans un État tiers ne saurait être déduite par un prestataire de services du seul fait que cette société y possède une filiale.

34      S’agissant du point de savoir si le prestataire des services concernés est tenu d’examiner les relations contractuelles entre ladite société et sa filiale pour déterminer si la première dispose d’un tel établissement stable dans cet État membre, il y a lieu de relever que la juridiction de renvoi se réfère, dans la décision de renvoi, à l’article 22 du règlement d’exécution no 282/2011.

35      Il convient, à cet égard, de rappeler que cet article 22 prévoit une série de critères, dont ce prestataire de services doit tenir compte afin de déterminer l’établissement stable du preneur. Il s’agit, tout d’abord, de l’examen de la nature et de l’utilisation du service fourni à l’assujetti-preneur. Ensuite, si cet examen ne permet pas d’identifier l’établissement stable de ce preneur de services, il convient d’examiner, en particulier, si le contrat, le bon de commande et le numéro d’identification TVA attribué par l’État membre du preneur et qui lui a été communiqué par le preneur identifient l’établissement stable comme preneur du service et si l’établissement stable est l’entité qui paie pour le service. Enfin, lorsque les deux critères susmentionnés ne permettent pas d’identifier l’établissement stable du preneur, le prestataire considère légitimement que les services sont fournis au lieu où le preneur a établi le siège de son activité économique.

36      Par conséquent, il y a lieu de constater que, ainsi que l’ont soutenu les gouvernements polonais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne, il ne ressort pas dudit article 22 que le prestataire des services concernés est tenu d’examiner les relations contractuelles entre une société établie dans un État tiers et sa filiale établie dans un État membre pour déterminer si la première dispose d’un tel établissement stable dans cet État membre. En effet, en particulier, le paragraphe 1, deuxième alinéa, dudit article, vise le contrat de fourniture de services entre le prestataire et l’assujetti-preneur de services et non pas les relations contractuelles entre cet assujetti-preneur et une entité pouvant, le cas échéant, être identifiée comme étant son établissement stable.

37      Au demeurant, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 73 et 74 de ses conclusions, il ne saurait être imposé au prestataire de services, en réclamant de celui-ci de s’enquérir des relations contractuelles entre une société mère et sa filiale alors que ces éléments ne lui sont, en principe, pas accessibles, des obligations qui incombent aux autorités fiscales (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Altic, C‑329/18, EU:C:2019:831, point 31 et jurisprudence citée).

38      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 44 de la directive 2006/112 ainsi que l’article 11, paragraphe 1, et l’article 22, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 282/2011 doivent être interprétés en ce sens que l’existence, sur le territoire d’un État membre, d’un établissement stable d’une société établie dans un État tiers ne peut pas être déduite par un prestataire de services du seul fait que cette société y possède une filiale et que ce prestataire n’est pas tenu de s’enquérir, aux fins d’une telle appréciation, des relations contractuelles entre les deux entités.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

L’article 44 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2008/8/CE du Conseil, du 12 février 2008, ainsi que l’article 11, paragraphe 1, et l’article 22, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 282/2011 du Conseil, du 15 mars 2011, portant mesures d’exécution de la directive 2006/112, doivent être interprétés en ce sens que l’existence, sur le territoire d’un État membre, d’un établissement stable d’une société établie dans un État tiers ne peut pas être déduite par un prestataire de services du seul fait que cette société y possède une filiale et que ce prestataire n’est pas tenu de s’enquérir, aux fins d’une telle appréciation, des relations contractuelles entre les deux entités.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

© European Union
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