Commission v RQ (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-831/18P (18 June 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C83118P.html
Cite as: EU:C:2020:481, ECLI:EU:C:2020:481, [2020] EUECJ C-831/18P

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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

18 juin 2020 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) – Immunité de juridiction – Décision de levée – Acte faisant grief – Droits de la défense »

Dans l’affaire C‑831/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 décembre 2018,

Commission européenne, représentée par MM. J.-P. Keppenne et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

RQ, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, MM. S. Rodin, D. Šváby, Mme K. Jürimäe et M. N. Piçarra, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 septembre 2019,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 19 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 octobre 2018, RQ/Commission (T‑29/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:717), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2016) 1449 final de la Commission, du 2 mars 2016, relative à une demande de levée de l’immunité de juridiction de RQ (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le protocole no 7

2        Aux termes de l’article 11, sous a), du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266, ci-après le « protocole no 7 ») :

« Sur le territoire de chacun des États membres et quelle que soit leur nationalité, les fonctionnaires et autres agents de l’Union :

a)      jouissent de l’immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux, y compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle, sous réserve de l’application des dispositions des traités relatives, d’une part, aux règles de la responsabilité des fonctionnaires et agents envers l’Union et, d’autre part, à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour statuer sur les litiges entre l’Union et ses fonctionnaires et autres agents. Ils continueront à bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions [...] »

3        L’article 17 du protocole no 7 prévoit :

« Les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union exclusivement dans l’intérêt de cette dernière.

Chaque institution de l’Union est tenue de lever l’immunité accordée à un fonctionnaire ou autre agent dans tous les cas où elle estime que la levée de cette immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union. »

4        Aux termes de l’article 18 du protocole no 7 :

« Pour l’application du présent protocole, les institutions de l’Union agissent de concert avec les autorités responsables des États membres intéressés. »

 Le statut

5        L’article 23 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Les privilèges et immunités dont bénéficient les fonctionnaires sont conférés exclusivement dans l’intérêt de l’Union. Sous réserve des dispositions du protocole [no 7], les intéressés ne sont pas dispensés de s’acquitter de leurs obligations privées, ni d’observer les lois et les règlements de police en vigueur.

Chaque fois que ces privilèges et immunités sont en cause, le fonctionnaire intéressé doit immédiatement en rendre compte à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

[...] »

6        L’article 90, paragraphe 2, du statut énonce :

« Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois. [...]

[...]

L’autorité notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la réclamation. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’un recours au sens de l’article 91. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

7        Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 18 de l’arrêt attaqué et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés de la manière suivante.

8        En 2012, une plainte a été déposée auprès de la Commission par un fabricant de produits de tabac, laquelle contenait de graves allégations sur l’implication d’un membre de la Commission dans des tentatives de corruption. L’Office européen de lutte antifraude (OLAF), dont RQ était alors le directeur général, a ouvert une enquête administrative pour procéder aux vérifications et aux contrôles requis.

9        Sur la base des éléments collectés pendant la première phase de cette enquête, l’OLAF a estimé qu’il pouvait être opportun de demander à un témoin d’avoir une conversation téléphonique, susceptible d’apporter des éléments de preuve supplémentaires, avec une personne prétendument impliquée dans la tentative de corruption alléguée.

10      Cette conversation téléphonique a eu lieu le 3 juillet 2012. Le témoin a passé un appel téléphonique en utilisant, avec l’accord et en présence de RQ, un téléphone portable dans les locaux de l’OLAF. Cette conversation téléphonique a été enregistrée par l’OLAF et relatée dans son rapport final de l’enquête.

11      Après la clôture de cette enquête administrative, une plainte pénale a été déposée devant un juge belge, dans le cadre de laquelle était invoqué, notamment, le chef d’écoutes téléphoniques illégales. Aux fins de pouvoir instruire cette plainte, le juge d’instruction belge compétent a demandé à la Commission la levée de l’immunité de RQ, en vue de son audition en qualité de prévenu. La Commission ayant souhaité davantage de précisions, le procureur fédéral belge lui a fait part de certains éléments de l’enquête menée par l’OLAF qui pourraient être regardés comme des indices d’une mise sur écoute téléphonique illégale pénalement répréhensible.

12      C’est dans ces conditions que, le 2 mars 2016, la Commission a fait droit à la demande de la justice belge et a adopté la décision litigieuse, par laquelle, conformément à l’article 17, second alinéa, du protocole no 7, elle a levé l’immunité de juridiction de RQ en ce qui concerne les allégations factuelles relatives à l’écoute d’une conversation téléphonique.

13      Il ressort des motifs de la décision litigieuse que la Commission a estimé que les autorités nationales compétentes lui avaient fourni des indications très claires et précises, permettant de considérer que les allégations formulées contre RQ justifiaient de poursuivre une instruction à son égard, et qu’il serait, dès lors, contraire au principe de coopération loyale avec les autorités nationales de refuser de lever l’immunité de celui-ci.

14      La décision litigieuse a été communiquée à RQ le 11 mars 2016. Il a introduit, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre celle-ci, qui a été rejetée par l’autorité investie du pouvoir de nomination le 5 octobre 2016.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2017, RQ a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et à celle de la décision du 5 octobre 2016.

16      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

17      Il a, au préalable, rejeté, au point 45 de cet arrêt, l’exception d’irrecevabilité du recours soulevée par la Commission, tirée de ce que les décisions de levée de l’immunité des fonctionnaires et des agents de l’Union ne modifiant pas leur situation juridique, la décision litigieuse ne constituerait pas un acte faisant grief.

18      À cet égard, le Tribunal a notamment relevé, au point 37 dudit arrêt, que « [l]e fait que les privilèges et immunités [concernés par le protocole no 7] sont prévus dans l’intérêt public de l’Union justifie le pouvoir donné aux institutions de lever, le cas échéant, l’immunité, mais ne signifie pas que ces privilèges et immunités sont accordés à l’Union exclusivement et non également à ses fonctionnaires et agents et aux membres du Parlement. Le protocole [no 7] crée donc un droit subjectif au profit des personnes visées, dont le respect est garanti par le système des voies de recours établi par le traité ».

19      Au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté qu’« une décision portant levée de l’immunité d’un fonctionnaire ou d’un agent modifie la situation juridique de celui-ci, par le seul effet de la suppression de cette protection, en rétablissant son statut de personne soumise au droit commun des États membres et en l’exposant ainsi, sans qu’aucune règle intermédiaire soit nécessaire, à des mesures, notamment de détention et de poursuite judiciaire, instituées par ce droit commun ».

20      Sur le fond du litige, le Tribunal a examiné en premier lieu le cinquième moyen du recours de RQ, tiré de la violation des droits de la défense. Ce moyen comportait trois branches relatives, premièrement, à la violation du droit d’être entendu, deuxièmement, à la violation du respect de la présomption d’innocence et du devoir d’impartialité ainsi que, troisièmement, à la violation du devoir de diligence. Pour les motifs exposés aux points 52 à 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli la première branche de ce moyen et a, par conséquent, annulé la décision litigieuse, sans examiner les autres branches dudit moyen ni les autres moyens du recours.

21      Au point 52 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la jurisprudence constante selon laquelle « le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause ». Il a précisé, aux points 55 et 56 de cet arrêt, que, selon une jurisprudence également constante, les droits fondamentaux, tels que le respect des droits de la défense, peuvent comporter des restrictions, à la condition qu’elles soient prévues par la loi, respectent le contenu essentiel du droit fondamental en cause, répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable.

22      Au point 57 dudit arrêt, le Tribunal, ayant relevé qu’il était constant que RQ n’avait pas été entendu préalablement à l’adoption de la décision litigieuse, a indiqué qu’il y avait lieu de vérifier si la limitation apportée en l’espèce au droit d’être entendu répondait aux conditions précitées.

23      Après avoir exposé, au point 58 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait justifié cette limitation au droit d’être entendu par la nécessité de respecter le secret de l’instruction menée par les autorités belges, ainsi que l’exige le droit belge invoqué par ces dernières autorités, le Tribunal, constatant que le droit belge consacrait le principe du secret de l’instruction, a considéré, au point 63 de cet arrêt, que l’absence d’audition préalable de la personne concernée peut, en principe, être objectivement justifiée par le secret de l’instruction, conformément à l’article 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

24      Le Tribunal a, ensuite, examiné si l’absence d’audition de RQ était nécessaire et proportionnée à la sauvegarde du secret de l’instruction et au bon déroulement de la procédure pénale. Il a souligné, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, que, si une autorité nationale s’oppose à la communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement de la demande de levée d’immunité, en invoquant des raisons relevant du secret de l’instruction, la Commission doit, en collaboration avec les autorités nationales, conformément au principe de coopération loyale, mettre en œuvre des mesures qui permettent la mise en balance entre, d’une part, le respect du droit d’être entendu de la personne intéressée avant l’adoption d’un acte faisant grief à cette dernière et, d’autre part, les considérations légitimes tenant au secret de l’instruction.

25      Le Tribunal a jugé, au point 69 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressortait pas du dossier dont il disposait que la Commission avait effectué une telle mise en balance lors de l’adoption de la décision litigieuse. Il s’est fondé, à cet égard, sur trois éléments évoqués aux points 70 à 72 de cet arrêt. Ainsi, premièrement, il a relevé que la Commission n’avait pas demandé aux autorités nationales les motifs pour lesquels l’audition préalable du requérant comportait des risques pour le respect du secret de l’instruction. Deuxièmement, il a indiqué que les autorités belges n’avaient fait état d’aucun risque sérieux que la personne concernée porte atteinte au bon déroulement de l’instruction, qui serait susceptible de justifier l’absence de communication à celle-ci de la demande de levée d’immunité la concernant. Troisièmement, il a souligné le caractère lacunaire des réponses des autorités belges à la demande de la Commission d’entendre RQ sur leurs demandes de levée d’immunité et a constaté que, en tout état de cause, la Commission ne les avait pas interrogées sur la possibilité d’établir une version non confidentielle de ces demandes, susceptible d’être communiquée à RQ.

26      Par ailleurs, au point 76 dudit arrêt, le Tribunal a estimé qu’il ne peut entièrement être exclu que la décision litigieuse aurait pu avoir un contenu différent si le droit d’être entendu de RQ avait été respecté, dès lors que celui-ci aurait pu faire connaître utilement son point de vue quant à la levée de son immunité et, plus particulièrement, quant à l’intérêt de l’Union et la préservation de sa nécessaire indépendance en tant que fonctionnaire assurant le poste de directeur général de l’OLAF.

 Les conclusions des parties devant la Cour

27      La Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de statuer définitivement sur le litige en rejetant le recours de RQ et de le condamner aux dépens de la procédure tant devant le Tribunal que dans le cadre de la présente procédure, et

–        à titre subsidiaire, si le litige n’est pas en état d’être jugé par la Cour, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue à nouveau sur le recours.

28      RQ demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant manifestement irrecevable et, à tout le moins, non-fondé et

–        de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés en première instance.

 Sur le pourvoi

29      À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal lorsqu’il a jugé que la décision litigieuse constitue un acte faisant grief. Le deuxième moyen, avancé à titre subsidiaire, porte sur l’erreur de droit du Tribunal dans l’interprétation et l’application de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Le troisième moyen, avancé à titre encore plus subsidiaire, est relatif à une erreur de droit du Tribunal dans la qualification de « la conduite » de la Commission.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal lorsqu’il a qualifié la décision litigieuse d’« acte faisant grief »

 Argumentation des parties

30      Par son premier moyen, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les décisions de levée d’immunité, telles que la décision litigieuse, font grief aux fonctionnaires de l’Union et peuvent faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’Union.

31      En premier lieu, la Commission fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré qu’il pouvait se fonder sur une jurisprudence établie, alors que cette question de droit n’aurait jamais été portée devant la Cour.

32      Plus spécifiquement, la Commission soutient, d’une part, que, dans l’arrêt du 16 décembre 1960, Humblet/État belge (6/60-IMM, EU:C:1960:48), la Cour ne s’est pas prononcée sur la question de la nature d’acte faisant ou non grief d’une décision de levée de l’immunité, dans la mesure où elle aurait fondé son raisonnement sur l’article 16 du protocole sur les privilèges et l’immunité de la CECA. Or, cette disposition n’aurait pas d’équivalent dans le protocole no 7.

33      D’autre part, quant aux arrêts du 15 octobre 2008, Mote/Parlement (T‑345/05, EU:T:2008:440), et du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement (T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23), cette institution souligne qu’ils concernaient des membres du Parlement européen et non pas des fonctionnaires de l’Union. Or, l’immunité des membres du Parlement ne serait pas de même nature et n’aurait pas la même portée que l’immunité des fonctionnaires et des autres agents de l’Union.

34      En second lieu, la Commission estime qu’il résulte du libellé, du contexte et de la finalité de l’article 17 du protocole no 7 que la décision de lever l’immunité d’un fonctionnaire ne fait pas grief à celui-ci, dès lors qu’elle modifie la situation juridique, non pas du fonctionnaire concerné, mais seulement de l’Union et de l’État membre demandant la levée.

35      En effet, il ressortirait de cet article, ce qui se trouve confirmé tant par l’ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88-IMM, EU:C:1990:315, point 19), que par l’article 343 TFUE, que la protection de l’immunité de juridiction est accordée à l’Union elle-même et que celle-ci doit être levée en règle générale, sauf si cela est contraire aux intérêts de l’Union. De même, l’article 23 du statut, seule disposition du statut à faire référence aux privilèges et immunités des fonctionnaires, confirmerait, ainsi que cela ressort de son libellé même, que ces privilèges et immunités seraient « conférés exclusivement dans l’intérêt de l’Union ».

36      En outre, la finalité de l’article 17 du protocole no 7 consisterait dans la protection de l’Union elle-même dans des cas extrêmes où l’accomplissement de sa mission serait mis en danger par l’action des juridictions nationales.

37      La Commission reproche, dès lors, au Tribunal d’avoir jugé que le protocole no 7 crée des droits subjectifs au profit des personnes visées. Or, à l’égard du fonctionnaire concerné, la décision de lever l’immunité de juridiction de celui-ci devrait être considérée comme un acte préparatoire, qui se limiterait à lever un obstacle procédural à la poursuite normale d’une procédure juridictionnelle nationale. Seule la décision pénale nationale définitive pourrait avoir, en cas de condamnation, une véritable incidence sur la position juridique de ce fonctionnaire. D’ailleurs, dans le cadre de la procédure nationale, ledit fonctionnaire pourrait toujours contester la validité de la décision de levée d’immunité et la juridiction nationale serait tenue, en cas de doute, de poser une question préjudicielle à la Cour. La Commission estime qu’une telle décision est analogue à une décision de l’OLAF ouvrant une enquête à l’égard d’un fonctionnaire ou transmettant, à l’issue d’une enquête, son rapport final aux autorités judiciaires nationales. Selon une jurisprudence constante, de tels actes revêtiraient un caractère préparatoire et ne pourraient pas faire l’objet d’un recours en annulation.

38      Dès lors, la Commission estime que le motif du Tribunal, figurant au point 38 de l’arrêt attaqué, selon lequel une décision portant levée de l’immunité d’un fonctionnaire ou d’un agent modifie la situation juridique de celui-ci par le seul effet de la suppression de la protection, dont il bénéficiait en vertu de l’article 11 du protocole no 7, contre les poursuites engagées par les autorités des États membres, résulte d’une conception erronée de l’immunité entendue comme étant un droit subjectif.

39      RQ considère que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant irrecevable. Selon lui, la Commission réitère les mêmes arguments que ceux avancés en première instance et vise ainsi, en réalité, à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échapperait à la compétence de la Cour.

40      À titre subsidiaire, RQ estime que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en qualifiant la décision litigieuse d’acte faisant grief.

 Appréciation de la Cour

41      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, contrairement aux allégations de RQ, le premier moyen est recevable.

42      En effet, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés dans le cadre d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, point 36 ainsi que jurisprudence citée).

43      Or, par son premier moyen, la Commission conteste l’interprétation et l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, qui a conduit celui-ci à considérer, contrairement à l’argumentation développée par la Commission devant lui, que la décision litigieuse constituait un acte faisant grief à RQ, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

44      Quant à l’examen au fond du premier moyen de la Commission, il y a lieu de rappeler que seuls font grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (arrêt du 14 septembre 2006, Commission/Fernández Gómez, C‑417/05 P, EU:C:2006:582, point 42 ; voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, EU:C:1987:21, points 6 et 9, ainsi que du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, EU:C:1989:59, point 23).

45      Or, comme le Tribunal l’a relevé au point 38 de l’arrêt attaqué, une décision portant levée de l’immunité d’un fonctionnaire, telle que la décision litigieuse, modifie la situation juridique de ce fonctionnaire, par le seul effet de la suppression de la protection conférée audit fonctionnaire par l’immunité de juridiction prévue à l’article 11, sous a), du protocole no 7, en rétablissant, à son égard, le statut de personne soumise au droit commun des États membres et en l’exposant, sans qu’aucune mesure intermédiaire soit nécessaire, à des mesures notamment de détention et de poursuite judiciaire, instituées par ce droit commun.

46      Dès lors, dans la mesure où l’immunité de juridiction d’un fonctionnaire de l’Union conférée par l’article 11, sous a), du protocole no 7 est levée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination de son institution, laquelle modifie, ainsi, sa situation juridique, c’est à tort que la Commission soutient que le Tribunal ne pouvait pas adopter une solution analogue à celle retenue dans l’arrêt du 15 octobre 2008, Mote/Parlement (T‑345/05, EU:T:2008:440).

47      Certes, les privilèges et immunités, reconnus à l’Union par le protocole no 7, revêtent un caractère fonctionnel en ce qu’ils visent à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance de l’Union, ce qui implique, en particulier, que les privilèges, immunités et facilités accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union le sont exclusivement dans l’intérêt de cette dernière (ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a., C‑2/88-IMM, EU:C:1990:315, points 19 ainsi que 20).

48      Il n’en demeure pas moins qu’une décision portant levée de l’immunité d’un fonctionnaire de l’Union modifie de façon caractérisée la situation de ce fonctionnaire en le privant du bénéfice de cette immunité et, par voie de conséquence, constitue un acte lui faisant grief.

49      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 44 du présent arrêt qu’une mesure est qualifiée d’« acte faisant grief » à un fonctionnaire non seulement lorsqu’elle viole ou affecte un droit subjectif conféré à celui-ci, mais, de manière plus générale, lorsqu’elle modifie de façon caractérisée sa situation juridique.

50      Il s’ensuit que la question de savoir si l’article 11, sous a), du protocole no 7 crée « un droit subjectif [...] des personnes visées », ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 37 de l’arrêt attaqué, est sans pertinence sur la qualification d’acte faisant grief d’une décision de levée de l’immunité d’un fonctionnaire. Il en va de même de la question de l’interprétation par le Tribunal, au point 42 de l’arrêt attaqué, de l’arrêt du 16 décembre 1960, Humblet/État belge (6/60-IMM, EU:C:1960:48).

51      Il y a lieu, également, de rejeter l’argumentation de la Commission selon laquelle une décision de levée de l’immunité d’un fonctionnaire doit être qualifiée d’« acte préparatoire », dans la mesure où, ainsi que Mme l’avocate générale l’a, en substance, relevé au point 61 de ses conclusions, la modification de la situation juridique de l’intéressé résulte de l’adoption d’une décision telle que la décision litigieuse. Celle-ci met fin à la procédure relative à la levée de l’immunité du fonctionnaire concerné, sans que soit prévue l’adoption d’un acte ultérieur de l’institution dont relève ce fonctionnaire et que celui-ci serait en mesure de contester.

52      Le motif énoncé au point 38 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a considéré qu’une décision portant levée de l’immunité d’un fonctionnaire ou d’un agent de l’Union modifie la situation juridique de celui-ci, suffit pour justifier la qualification de la décision litigieuse d’« acte faisant grief », au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

53      Par conséquent, les points 37 et 42 de l’arrêt attaqué doivent être considérés comme énonçant des motifs surabondants, de telle sorte que la partie de l’argumentation de la Commission les visant doit être écartée comme étant inopérante (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 68, et du 29 novembre 2012, Royaume-Uni/Commission, C‑416/11 P, non publié, EU:C:2012:761, point 45).

54      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, TUE 

 Argumentation des parties

55      Par son deuxième moyen, la Commission soutient que le Tribunal, en ayant jugé, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, qu’elle était tenue de procéder à une mise en balance entre, d’une part, le droit d’être entendu du fonctionnaire concerné et, d’autre part, le secret de l’instruction, a interprété de manière erronée le droit d’être entendu. Elle fait essentiellement valoir que l’interprétation large du droit d’être entendu qui a été retenue par le Tribunal « conduit à une ingérence systématique injustifiée des institutions de l’Union dans les compétences propres des autorités judiciaires des États membres ».

56      À cet égard, la Commission souligne que c’est à titre exceptionnel qu’elle a mené des échanges avec les autorités nationales concernant RQ, eu égard à la fonction de directeur général de l’OLAF qu’il occupait lors de la demande de levée d’immunité. Elle souligne que, « dans sa pratique normale », elle ne procède à aucun échange avec les autorités nationales ou avec le fonctionnaire concerné, afin de respecter la condition stricte de confidentialité, liée au secret de l’instruction. La mise en balance des intérêts en présence, exigée par l’arrêt attaqué, remettrait en cause la pratique constante de l’ensemble des institutions et organes de l’Union.

57      Elle fait par ailleurs valoir que le Tribunal, alors qu’il exige une telle mise en balance, ne précise pas les conséquences de celle-ci, notamment lorsque l’institution concernée estime que l’intérêt à être entendu du fonctionnaire en cause prime le respect du secret de l’instruction. Ainsi, le Tribunal ne préciserait pas si l’institution concernée pouvait, en violation du droit national, décider d’entendre l’intéressé ou si elle devait refuser de lever son immunité pour ce motif.

58      La Commission ajoute que l’exigence de mise en balance des intérêts, telle qu’envisagée aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, viole les principes de confiance mutuelle et de coopération loyale. Face à l’opposition des autorités nationales à la demande de la Commission d’entendre le fonctionnaire concerné, cette dernière ne saurait contrôler ou substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales sur une question de droit pénal national. Cette argumentation serait corroborée par l’ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C‑2/88-IMM, EU:C:1990:315, point 18).

59      Enfin, la Commission invoque l’absence d’utilité d’une audition préalable du fonctionnaire concerné, dès lors que l’institution est tenue de lever l’immunité de celui-ci, sauf lorsque cela est contraire aux seuls intérêts de l’Union. Or, le fonctionnaire ne saurait déterminer ou influencer les intérêts de l’Union à la lumière de sa situation individuelle.

60      RQ  excipe, à titre principal, de l’irrecevabilité du deuxième moyen, au motif que, par celui-ci, la Commission ne ferait que réitérer les moyens avancés en première instance.

61      À titre subsidiaire, RQ soutient que ce moyen n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

62      Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 42 du présent arrêt, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité du deuxième moyen, soulevée par RQ.

63      En effet, par le deuxième moyen, la Commission reproche au Tribunal, en substance, d’avoir commis une erreur de droit, en ce qu’il a jugé, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, qu’elle était tenue de procéder à une mise en balance entre, d’une part, le droit d’être entendu du fonctionnaire visé par une demande de levée de son immunité aux fins d’une instruction pénale et, d’autre part, le secret de l’instruction pénale. Dans un tel contexte, il est loisible à la Commission de soulever devant la Cour des arguments qu’elle avait déjà avancés devant le Tribunal et qui ont été rejetés par ce dernier.

64      Quant à l’examen au fond du deuxième moyen, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union (arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 81 et jurisprudence citée).

65      S’agissant, plus particulièrement du droit d’être entendu dans toute procédure, celui-ci fait partie intégrante dudit principe fondamental et est aujourd’hui consacré non seulement par les articles 47 et 48 de la Charte, qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de celle-ci, qui assure le droit à une bonne administration (arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 82 et jurisprudence citée).

66      En effet, le paragraphe 2 dudit article 41 prévoit que ce droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise contre elle.

67      Ainsi qu’il résulte de son libellé même, cette disposition est d’application générale. Il s’ensuit que le droit d’être entendu doit être respecté dans toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief, même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité. De plus, ledit droit garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, points 84 à 87 et jurisprudence citée).

68      Aussi, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal, après avoir constaté à bon droit que la décision litigieuse constitue un acte faisant grief au fonctionnaire concerné, ainsi que cela découle du rejet du premier moyen de pourvoi, a jugé, aux points 52 à 54 de l’arrêt attaqué, que la Commission était tenue, avant d’adopter une décision portant levée de l’immunité de ce fonctionnaire, d’entendre celui-ci.

69      Certes, ainsi qu’il est rappelé au point 47 du présent arrêt, l’immunité des fonctionnaires et agents de l’Union qui résulte du protocole no 7 revêt un caractère fonctionnel et sert exclusivement à sauvegarder les intérêts de l’Union, en évitant qu’une entrave ne soit apportée à son fonctionnement et à son indépendance.

70      Toutefois, si cette circonstance peut conduire à encadrer les arguments que le fonctionnaire concerné peut valablement faire valoir afin de convaincre l’institution dont il relève de ne pas lever son immunité, elle ne saurait, contrairement à ce que soutient la Commission, justifier le fait de ne pas entendre ce fonctionnaire avant de procéder à la levée de son immunité. Une telle décision méconnaîtrait directement la jurisprudence constante, rappelée au point 67 du présent arrêt.

71      Cela étant rappelé, il y a également lieu de relever que l’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, y compris le droit d’être entendu consacré à son article 41. L’article 52, paragraphe 1, de la Charte exige toutefois que toute limitation soit prévue par la loi et respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause. Il requiert, en outre, que, dans le respect du principe de proportionnalité, une telle limitation soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.

72      En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 61 de l’arrêt attaqué, que les dispositions du code d’instruction criminelle belge consacrent le principe du secret de l’instruction, tout en précisant que des exceptions audit principe sont prévues par la loi.

73      En outre, au point 59 de cet arrêt, le Tribunal a relevé que, dans les États membres où il est prévu, le secret de l’instruction est un principe d’ordre public qui vise non seulement à protéger les investigations, afin d’éviter les concertations frauduleuses ainsi que les tentatives de dissimulation de preuves et d’indices, mais également à préserver les personnes soupçonnées ou mises en cause dont la culpabilité n’est pas établie.

74      Au regard de ces éléments, le Tribunal a considéré, au point 63 de l’arrêt attaqué, que l’absence d’audition préalable d’un fonctionnaire visé par une demande de levée de son immunité en vue d’une instruction criminelle le concernant « peut, en principe, être [...] justifiée par le secret d’instruction, conformément à l’article 52 de la Charte », dans la mesure où, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 65 de cet arrêt, « en règle générale, le fait de ne pas entendre la personne intéressée avant de lever son immunité est de nature à garantir le secret d’instruction ».

75      Lors de l’analyse du caractère proportionné et nécessaire d’une telle mesure, le Tribunal a souligné, au point 66 dudit arrêt, que, lorsque, « dans des cas dûment justifiés, une autorité nationale s’oppose à la communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement de la demande de levée d’immunité, en invoquant des raisons relevant du secret de l’instruction, la Commission doit, en collaboration avec les autorités nationales, [...] mettre en œuvre des mesures visant à concilier, d’une part, les considérations légitimes tenant au secret de l’instruction et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits fondamentaux, tels que le droit d’être entendu ».

76      Le Tribunal a ainsi estimé, au point 67 de l’arrêt attaqué, que la Commission devait mettre en balance le respect du droit d’être entendu du fonctionnaire visé par la demande de levée d’immunité et les considérations invoquées par les autorités nationales, de manière à assurer à la fois la protection des droits du fonctionnaire concerné, et les intérêts de l’Union, conformément au protocole no 7, ainsi que le déroulement efficace et serein de la procédure pénale nationale.

77      Contrairement à ce que fait valoir la Commission, ces motifs du Tribunal ne sont pas entachés d’erreur de droit.

78      Si, ainsi que cela résulte de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas exclu la possibilité qu’une institution adopte une décision de levée de l’immunité sans entendre la personne concernée, il n’en reste pas moins qu’une telle possibilité doit être réservée à des cas exceptionnels, dûment justifiés.

79      En effet, il ne saurait être présumé que toute instruction pénale implique systématiquement un risque de tentatives de dissimulation de preuves et d’indices par les personnes visées, ou des concertations frauduleuses entre elles, justifiant de ne pas les informer au préalable de l’existence de l’instruction les concernant.

80      Il s’ensuit que le Tribunal a estimé à juste titre, au point 66 de l’arrêt attaqué, que, avant de conclure à l’existence d’un cas exceptionnel, justifiant de procéder à la levée de l’immunité de la personne visée sans l’entendre au préalable, la Commission doit, dans le respect du principe de coopération loyale avec les autorités nationales concernées, mettre en œuvre des mesures permettant, à la fois, de respecter le droit d’être entendu de l’intéressé, sans mettre en péril les intérêts que le secret de l’instruction vise à préserver.

81      Contrairement à ce qu’allègue la Commission, l’obligation de procéder à une telle mise en balance ne contrevient pas aux principes de confiance mutuelle et de coopération loyale entre la Commission et les autorités nationales.

82      En effet, la mise en balance évoquée au point 66 de l’arrêt attaqué permet à la Commission de respecter tant les exigences procédurales susceptibles de s’imposer aux autorités nationales concernées que, dans toute la mesure du possible, le droit d’être entendu de l’intéressé. Dans des cas exceptionnels, elle permet également à la Commission de justifier l’impossibilité d’entendre l’intéressé préalablement à la levée de son immunité, au regard des intérêts qu’une telle audition mettrait en péril.

83      En outre, s’agissant de l’argument de la Commission, exposé au point 57 du présent arrêt, selon lequel le Tribunal a omis de préciser quelle devrait être la réponse à une demande de levée de l’immunité dans l’hypothèse où la mise en balance envisagée au point 67 de l’arrêt attaqué conduirait la Commission à considérer que le droit d’être entendu de l’intéressé prime le secret de l’instruction, il suffit de relever que, ayant considéré que la mise en balance requise n’avait pas, en l’espèce, été effectuée, le Tribunal n’avait pas à se prononcer sur cette hypothèse.

84      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une d’appréciation erronée par le Tribunal de la procédure suivie par la Commission lors de l’adoption de la décision litigieuse

 Argumentation des parties

85      Par son troisième moyen, la Commission soutient que le Tribunal, en ayant apprécié de manière erronée la procédure suivie par la Commission lors de l’adoption de la décision litigieuse, a commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré qu’elle n’avait pas respecté la mise en balance des intérêts en présence, telle qu’elle est exigée aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué.

86      En particulier, la Commission estime que, à supposer que l’exigence d’une telle mise en balance soit fondée, il devait être considéré qu’elle avait en l’espèce, en tout état de cause, procédé au contrôle requis. Elle soutient qu’elle n’a adopté la décision litigieuse qu’après avoir effectué plusieurs échanges avec les autorités belges, obtenu des explications détaillées de la part du procureur belge, examiné sur place le dossier de la procédure pénale et, enfin, consulté un expert en droit pénal belge.

87      En outre, la Commission reproche au Tribunal d’avoir prévu, au point 71 de l’arrêt attaqué, des exigences disproportionnées par rapport aux mesures que la Commission aurait dû envisager afin de respecter le droit de RQ d’être entendu. Ces mesures conduiraient systématiquement à une ingérence indue de la part des institutions de l’Union dans le fonctionnement de la justice pénale nationale.

88      Enfin, la Commission conteste le motif, figurant au point 76 de l’arrêt attaqué, selon lequel il ne serait pas entièrement exclu que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent si RQ avait été mis en mesure de donner utilement son point de vue quant à l’intérêt de l’Union et quant à la préservation de sa nécessaire indépendance en tant que directeur général de l’OLAF. En effet, selon la Commission, d’une part, la qualité de directeur général de l’OLAF de RQ n’était pas pertinente dans la mesure où RQ avait formé son recours à titre personnel et, d’autre part, la position du fonctionnaire concerné ne saurait déterminer ou influencer l’évaluation de l’intérêt de l’Union, qui relève de la compétence exclusive des institutions.

89      RQ estime que le présent moyen vise des appréciations factuelles du Tribunal et, partant, doit être rejeté comme étant irrecevable. À titre subsidiaire, RQ soutient que ce moyen n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

90      L’argumentation avancée par la Commission à l’appui du troisième moyen de pourvoi comporte, en substance, deux branches.

91      Par la première branche de ce moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a jugé, au point 74 de l’arrêt attaqué, que l’absence d’audition de RQ avant l’adoption de la décision litigieuse allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à garantir le secret de l’instruction et, par voie de conséquence, ne respectait pas le contenu essentiel du droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

92      Il y a lieu de relever que, par cette argumentation, la Commission remet en cause non pas l’appréciation des faits par le Tribunal, mais la qualification juridique de ces derniers. En particulier, elle fait valoir que le Tribunal a, au point 74 de l’arrêt attaqué, considéré à tort, sur le fondement du dossier dont il disposait, qu’elle avait violé le droit d’être entendu de RQ, commettant à cet égard une erreur de droit.

93      Par conséquent, contrairement aux allégations de RQ, la première branche du troisième moyen est recevable. En effet, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et sur les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (arrêt du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, point 51 et jurisprudence citée).

94      Quant à l’examen au fond de cette première branche, il y a lieu de relever que, au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas effectué en l’espèce une mise en balance conforme à celle mentionnée aux points 67 et 68 de cet arrêt.

95      Il a fondé son appréciation sur les constats exposés aux points 70 à 72 de l’arrêt attaqué selon lesquels, premièrement, la Commission n’a pas demandé aux autorités compétentes belges d’indiquer les motifs pour lesquels une audition de RQ, préalablement à l’éventuelle levée de son immunité, comporterait des risques pour le respect du secret de l’instruction ou d’établir une version non confidentielle de leur demande de levée d’immunité, susceptible d’être communiquée à RQ. Deuxièmement, lesdites autorités n’ont évoqué aucune circonstance, telle qu’un risque de fuite de RQ ou de destruction d’éléments de preuve par celui-ci, qui aurait été susceptible de justifier l’absence de communication de la demande de levée de son immunité. Enfin, troisièmement, les réponses des autorités belges aux demandes de la Commission étaient lacunaires et ne permettaient pas de comprendre leur refus de voir la Commission entendre RQ au sujet de la demande de levée de son immunité.

96      Au regard de ces constats de nature factuelle, non susceptibles d’être remis en cause au stade du pourvoi sauf en cas de dénaturation des faits et des éléments de preuve, nullement alléguée par la Commission en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, EU:C:2010:147, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée), le Tribunal a pu, au point 74 de l’arrêt attaqué, sans commettre d’erreur de droit, juger que le fait de ne pas entendre le requérant avant l’adoption de la décision litigieuse allait au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif visé et, partant, méconnaissait le droit d’être entendu consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

97      Dans ce cadre, la Commission ne peut faire grief au Tribunal d’avoir ignoré le fait qu’elle avait effectué des échanges avec les autorités compétentes belges. En effet, ceux-ci ont été pris en considération par celui qui a toutefois estimé, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, les explications obtenues par cette dernière à la suite de ces échanges étaient lacunaires et non pas suffisamment détaillées.

98      De même, la Commission ne saurait se prévaloir, pour remettre en cause le bien-fondé de l’appréciation du Tribunal, du fait qu’elle avait examiné sur place le dossier de la procédure pénale et avait consulté un expert en droit pénal belge. Or, à supposer qu’ils soient avérés, de tels faits ne sauraient, en tout état de cause, suffire pour démontrer que le droit d’être entendu de RQ a été respecté. En effet, la Commission n’allègue pas qu’elle avait invoqué devant le Tribunal des éléments qui seraient ressortis de l’examen du dossier de la procédure pénale nationale ou de la consultation de l’expert belge et auraient été susceptibles de justifier l’absence d’audition préalable de RQ.

99      Enfin, la Commission ne saurait non plus se prévaloir de l’argument, exposé au point 87 du présent arrêt, selon lequel, en substance, le Tribunal, au point 71 de l’arrêt attaqué, aurait imposé des exigences disproportionnées pour procéder à la levée d’immunité d’un fonctionnaire sans l’entendre au préalable, en ce qu’elles auraient conduit à une ingérence des institutions de l’Union dans le fonctionnement de la justice pénale d’un État membre.

100    À cet égard, il convient de relever que, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, même s’il a visé à titre exemplatif plusieurs circonstances dans lesquelles il pourrait être envisagé de procéder à la levée d’immunité d’un fonctionnaire sans l’entendre au préalable, a essentiellement constaté que, dans la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse, les autorités belges n’avaient pas avancé d’éléments suffisants à même de justifier une telle procédure.

101    Or, il ne saurait être considéré que l’obligation faite à la Commission d’obtenir des autorités nationales qu’elles lui fournissent des éléments suffisamment probants aux fins de justifier une atteinte grave au droit d’être entendu, tels que ceux évoqués par le Tribunal à titre d’exemples, soit disproportionnée. Il en va d’autant moins ainsi que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, la fourniture de tels éléments n’emporte pas, par nature, ingérence dans la procédure de l’État membre concerné, lequel est, à l’instar de la Commission, tenu par l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE aux termes duquel l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.

102    Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter la première branche du troisième moyen comme étant non fondée.

103    Quant à la seconde branche de ce moyen, il y a tout d’abord lieu de relever que, par celle-ci, la Commission ne remet pas en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal, mais soutient que celui-ci a, en substance, commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré, au point 76 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être exclu que, si RQ avait été mis en mesure de faire connaître son point de vue quant à la levée de son immunité, la décision litigieuse aurait eu un contenu différent.

104    Ainsi, pour les mêmes motifs que ceux indiqués pour la première branche du troisième moyen, la seconde branche de ce moyen est recevable.

105    Quant à l’examen au fond de cette seconde branche, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, une violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (arrêts du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 79 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 42 et jurisprudence citée).

106    À cet égard, la Cour a précisé qu’il ne saurait être imposé à un requérant qui invoque la violation de ses droits de la défense de démontrer  que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 94 et jurisprudence citée).

107    L’appréciation de cette question doit, en outre, être effectuée en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de chaque espèce  (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 40).

108    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que l’énoncent l’article 17 du protocole no 7 et l’article 23 du statut, les privilèges et immunités dont bénéficient les fonctionnaires et les agents de l’Union sont conférés exclusivement dans l’intérêt de cette dernière.

109    Or, la finalité de l’immunité accordée à un fonctionnaire de l’Union, telle qu’elle ressort de ces dispositions, doit être prise en considération pour apprécier l’incidence d’une éventuelle violation du droit d’être entendu sur la légalité d’une décision portant levée de cette immunité.

110    C’est d’ailleurs en ce sens que la Cour européenne des droits de l’homme a également relevé, dans un arrêt portant sur l’immunité parlementaire, que c’est au regard des exigences de préservation de la finalité institutionnelle d’une telle immunité qu’il y a lieu d’apprécier l’incidence de sa mise en œuvre sur les droits de l’intéressé (Cour EDH, 3 décembre 2009, Kart c. Turquie, CE:ECHR:2009:1203JUD000891705, § 95).

111    Il s’ensuit que des considérations liées à la situation personnelle du fonctionnaire concerné par une demande de levée d’immunité, considérations que ce fonctionnaire serait le mieux placé à faire valoir s’il était entendu au sujet de cette demande, sont dépourvues de pertinence pour la suite à donner à ladite demande. Seules importent, à cet égard, des considérations liées à l’intérêt du service.

112    Partant, un fonctionnaire qui a formé un recours contre une décision portant levée de son immunité ne saurait se limiter à invoquer, de manière abstraite, la violation du droit d’être entendu à l’appui de sa demande d’annulation d’une telle décision. Il lui appartient de démontrer qu’il n’est pas entièrement exclu que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent s’il avait pu faire valoir des arguments et des éléments relatifs à l’intérêt du service.

113    Or, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que le Tribunal a vérifié que RQ a présenté des arguments tenant à une telle démonstration.

114    En effet, il ressort de la lecture du dossier de première instance, transmis à la Cour conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, que le Tribunal s’est limité à reprendre, au point 76 de l’arrêt attaqué, quasiment dans les mêmes termes, une affirmation vague figurant dans la requête de RQ, relative à l’argumentation que celui-ci aurait pu présenter s’il avait été entendu avant l’adoption de la décision litigieuse.

115    Outre cette affirmation, RQ n’a donné, dans ses écritures devant le Tribunal, aucune indication relative à l’intérêt du service qui pourrait justifier le maintien de son immunité, qu’il aurait pu faire valoir s’il avait été entendu préalablement à l’adoption de la décision litigieuse.

116    Dans ces conditions, il convient de constater que le Tribunal, en jugeant que la violation du droit d’être entendu de RQ justifiait l’annulation de la décision litigieuse, alors même que ce dernier n’avait pas démontré qu’il n’était pas entièrement exclu que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, s’il avait été mis en mesure d’exercer son droit d’être entendu, a commis une erreur de droit.

117    Dès lors, il y a lieu d’accueillir la seconde branche du troisième moyen et d’annuler l’arrêt attaqué.

 Sur le recours devant le Tribunal

118    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, la Cour peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

119    En l’espèce, le litige est en état d’être jugé, en ce qui concerne la première branche du cinquième moyen du recours de RQ, tirée de la violation du droit d’être entendu.

120    En effet, il ressort des motifs exposés dans le cadre de l’analyse des deuxième et troisième moyens du pourvoi que, si la Commission n’a pas respecté le droit de RQ d’être entendu avant l’adoption de la décision litigieuse, une telle violation ne saurait justifier l’annulation de cette décision, faute pour RQ d’avoir démontré qu’il n’était pas entièrement exclu que, en l’absence de cette violation, ladite décision aurait eu un contenu différent.

121    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du cinquième moyen du recours de RQ, tirée de la violation du droit d’être entendu.

122    Pour le surplus, le litige n’est pas en état d’être jugé, les autres moyens et griefs invoqués par RQ à l’appui de son recours n’ayant pas été examinés par le Tribunal.

123    Par conséquent, il y a lieu de renvoyer le litige devant le Tribunal.

 Sur les dépens

124    L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents au présent pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 octobre 2018, RQ/Commission (T29/17, EU:T:2018:717), est annulé.

2)      La première branche du cinquième moyen du recours devant le Tribunal de l’Union européenne est rejetée.

3)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne pour qu’il soit statué sur les premier à quatrième moyens du recours ainsi que sur les deuxième et troisième branches du cinquième moyen du recours.

4)      Les dépens sont réservés.

Vilaras

Rodin

Šváby


Jürimäe

 

Piçarra

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2020.

Le greffier

Le président de la IVème chambre

A. Calot Escobar

 

M. Vilaras


*      Langue de procédure : le français.

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