Muratbey Gida v EUIPO (Forme d'un fromage tresse) (EU trade mark - Judgment) French Text [2020] EUECJ T-571/19 (26 March 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T57119.html
Cite as: [2020] EUECJ T-571/19, EU:T:2020:128, ECLI:EU:T:2020:128

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

26 mars 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un fromage tressé – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑571/19,

Muratbey Gida Sanayi ve Ticaret AŞ, établie à Istanbul (Turquie), représentée par Me M. Schork, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 13 juin 2019 (affaire R 107/2019‑4), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un fromage tressé comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, J. Passer et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 août 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le18 octobre 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 juin 2018, la requérante, Muratbey Gida Sanayi ve Ticaret AŞ, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « fromage ; fromage transformé ».

4        Le 25 juillet 2018, l’examinatrice a formulé des objections à l’encontre de cette demande d’enregistrement, au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en raison de l’absence de caractère distinctif de la marque demandée. La requérante a formulé des observations sur lesdites objections.

5        Par décision du 22 novembre 2018, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement de la marque demandée, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

6        Le 15 janvier 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

7        Par décision du 13 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a estimé, au regard des produits concernés, que le public pertinent était composé des consommateurs finaux desdits produits de l’ensemble du territoire de l’Union européenne (point 9 de la décision attaquée). Elle a constaté que la marque demandée était constituée par la forme des produits concernés (point 10 de la décision attaquée). Cette forme serait simple et banale (point 11 de la décision attaquée). La marque demandée ne serait pas substantiellement différente de ce qui est habituel ou attendu dans le secteur concerné, comme le prouveraient les illustrations fournies par l’examinatrice (points 18 à 20 de la décision attaquée). La chambre de recours a également évoqué d’autres considérations liées à la vente et à la consommation des produits concernés (points 23 à 27 de la décision attaquée). En ce qui concerne l’octroi d’un prix à la requérante à l’occasion d’un concours, la chambre de recours a indiqué qu’elle ne disposait d’aucun élément susceptible de lui permettre de constater que ce concours était fondé sur la perception du public pertinent (point 28 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

11      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

12      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

13      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

14      En l’espèce, les produits concernés sont le « fromage » et le « fromage transformé », à savoir des denrées alimentaires consommées quotidiennement, et sont donc destinés, notamment, au consommateur final.

15      La requérante ne le conteste pas. En revanche, elle reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié le caractère distinctif de la marque demandée uniquement par rapport à la perception du consommateur final. Elle fait valoir que les produits concernés s’adressent aussi à un public professionnel dans toute l’Union. Par conséquent, ce ne serait pas seulement le point de vue du consommateur final qui serait important en l’espèce, mais aussi la compréhension du public professionnel, visé, notamment, par le concours « World Dairy Innovation Award 2018 », qu’elle invoque.

16      En l’espèce, il convient de relever que les consommateurs finaux des produits concernés – autrement dit le grand public de l’Union – dont la chambre de recours a tenu compte, ne constituent pas une partie négligeable du public pertinent. Or, afin qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il suffit qu’un motif de refus existe à l’égard d’une partie non négligeable du public pertinent et il n’est pas nécessaire, à cet égard, d’examiner si les autres consommateurs appartenant au public pertinent connaissent également ledit signe [voir arrêt du 11 juillet 2019, Wewi Mobile/EUIPO (Fi Network), T‑601/18, non publié, EU:T:2019:510, point 26 et jurisprudence citée].

17      Il convient, dès lors, d’examiner si la chambre de recours a pu conclure à bon droit que la marque demandée était dénuée de caractère distinctif par rapport, d’une part, aux fromages et fromages transformés et, d’autre part, à la perception du grand public, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

18      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, bien que les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne soient pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens de la catégorie des produits concernés n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative [arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 38 ; voir également en ce sens, arrêt du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T‑15/05, EU:T:2006:142, point 32].

19      La forme dont l’enregistrement est demandé ne peut être considérée comme ayant un caractère distinctif que si elle est susceptible d’être perçue d’emblée comme une indication d’origine des produits concernés. Or, pour que cela puisse être le cas, il faut que la marque en cause diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur [arrêt du 26 novembre 2015, Établissement Amra/OHMI (KJ Kangoo Jumps XR), T‑390/14, non publié, EU:T:2015:897, point 15].

20      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a, d’abord, relevé que la marque demandée était la forme du produit concerné lui-même. Il s’agirait de deux différentes vues d’un seul et même objet tridimensionnel. Elle a, ensuite, décrit la marque demandée comme une bande sur laquelle il était possible de distinguer un certain nombre d’encoches en diagonale. Le fait que la reproduction de la marque demandée soit constituée de deux vues apporterait peu pour ce qui est de l’identification de caractéristiques, et la deuxième vue ne laisserait pas apparaître de caractéristiques supplémentaires. La chambre de recours a précisé que rien ne lui avait permis de déterminer s’il s’agissait de deux bandes de fromage initialement séparées qui auraient été torsadées afin de former une nouvelle bande, ou s’il s’agissait simplement d’une bande de fromage comportant plusieurs encoches légères. Elle a, enfin, conclu, à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée. À cet égard, elle a considéré que les différences entre la marque demandée et la forme de base d’une bande de fromage étaient trop faibles. Elle a observé, en outre, que les illustrations fournies par l’examinatrice montraient que le fromage coupé en bandes constituées de lanières qui sont tressées ou torsadées était habituellement proposé dans le commerce. La chambre de recours a relevé que le fromage était régulièrement vendu sous des formes différentes : cubes, tranches, meules rondes. Elle a ajouté que les en-cas appelés « bâtonnets de fromage », qui sont des produits apparentés aux produits concernés, présentaient habituellement une forme torsadée et plutôt irrégulière. En somme, la chambre de recours a estimé qu’il n’existait en l’espèce aucune différence substantielle entre la marque demandée et ce qui est habituel ou attendu dans le secteur concerné.

21      À cet égard, le Tribunal a déjà approuvé l’approche selon laquelle il n’est pas nécessaire de prouver qu’une forme identique ou quasi identique existe déjà sur le marché, mais qu’il y a lieu d’examiner si le secteur concerné se caractérise par une importante diversité de formes dont la marque demandée est simplement considérée comme une variante [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2019, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, points 35 et 36].

22      Or, en l’espèce, il ressort du dossier et il est également notoire qu’il existe sur le marché un nombre important de formes de fromages auxquelles le consommateur est confronté : fromage en cubes, fromage en boules, fromage en meule, fromage en tranches, fromage en bâtonnets, fromage en lanières, fromage en lanières torsadées, fromage en lanières tressées, etc. Compte tenu de la simplicité de la marque demandée, telle qu’elle figure au point 2 ci-dessus, le public pertinent ne considérera pas la forme en cause comme relevant d’un fabricant spécifique mais plutôt comme découlant de la diversité caractérisant le marché concerné. En effet, comme indiqué par la chambre de recours, le signe tridimensionnel dont l’enregistrement est demandé se présente comme une des nombreuses variantes de fromage composé d’une ou de plusieurs lanières, torsadées ou tressées, existant sur le marché.

23      Par conséquent, étant donné qu’elle ne sera pas perçue d’emblée comme une indication d’origine des produits concernés, la marque demandée ne peut être considérée comme ayant un caractère distinctif intrinsèque. Au demeurant, la requérante ne présente pas non plus d’éléments permettant d’établir que la marque demandée aurait acquis un caractère distinctif par l’usage.

24      Aucun argument avancé par la requérante ne remet en cause l’analyse qui précède.

25      La requérante fait valoir, en premier lieu, que la chambre de recours a comparé, à tort, la marque demandée à une bande de fromage, alors que celle-ci ressemblerait plutôt à une vis filetée. Ainsi, le fromage en cause aurait une structure hélicoïdale, en forme de spirale, composée de plusieurs lanières torsadées.

26      Cependant, il y a lieu de constater que, comme le soutient l’EUIPO, il ressort de la décision attaquée, notamment des points 12, 13 et 20 de celle-ci, que la chambre de recours a comparé la marque demandée non seulement aux bandes de fromage constitués d’une seule lanière de fromage mais également à celles constitués de plusieurs lanières de fromage torsadées ou tressées.

27      L’argument de la requérante est donc non fondé.

28      La requérante conteste, en deuxième lieu, que la marque demandée soit dépourvue de caractère distinctif et fait valoir que la forme dont elle demande l’enregistrement s’écarte de manière significative des habitudes du secteur. En effet, la forme pertinente, standard et habituelle dans le secteur du produit « fromage » serait la forme de la tarte, du rouleau, ou de la roue. Selon la requérante, la chambre de recours n’en a pas tenu compte et ce, en violation de l’obligation d’examen d’office des faits prévue à l’article 95 du règlement 2017/1001. Ni la bande de fromage ni la marque demandée ne seraient des formes de base habituelles du produit « fromage ». Les exemples fournis par l’examinatrice seraient des cas particuliers qui ne reflèteraient pas les habitudes du secteur concerné. Selon la requérante, la forme en cause, qui donne l’impression d’une vis filetée en raison de la torsion de plusieurs lanières, est unique La requérante serait, à cet égard, la première et la seule à fabriquer et à utiliser cette forme pour les produits concernés dans l’Union. Elle souligne que, contrairement aux autres formes de fromage – comme par exemple le fromage tressé ou roulé – la forme de fromage revendiquée ne nécessite pas de nœud sur au moins une extrémité pour éviter que les lanières de fromage ne se défassent.

29      Tout d’abord, dès lors que le secteur concerné se caractérise par une importante variété de formes, dont celle des bandes, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, prendre comme référence l’une des formes habituelles dans le secteur concerné, à savoir celle de la bande de fromage. Il ne peut donc pas lui être reproché de ne pas avoir conclu que la forme pertinente, standard et habituelle dans le secteur des produits concernés est celle de la tarte, du rouleau, ou de la roue, puisque, ainsi qu’il ressort des exemples fournis par l’examinatrice et de l’expérience générale relative aux produits concernés, la bande de fromage est, l’une, parmi d’autres, des formes de fromages habituellement présentes sur le marché concerné. En effet, il est notoire que différentes variétés de fromages, par exemple sous forme de bâtonnets (point 27 de la décisions attaquée) ou encore, ainsi que le montrent les illustrations fournies par l’examinatrice à l’appui de ses objections du 25 juillet 2018, sous forme de lanières ou de tresses, sont vendues sur le marché. Cet argument de la requérante ne peut pas non plus, pour les mêmes raisons, être invoqué à l’appui d’une prétendue violation par la chambre de recours de l’obligation d’examiner d’office les faits, conformément à l’article 95 du règlement 2017/1001.

30      Ensuite, il convient de rappeler que, pour apprécier si la forme du fromage en cause peut être perçue par le public comme une indication d’origine du produit, il y a lieu d’analyser l’impression d’ensemble produite par l’apparence dudit fromage (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2006, Forme d’une saucisse, T‑15/05, EU:T:2006:142, point 38).

31      En l’espèce, force est de constater, au regard du dossier, que les fromages présentés sous forme de lanières, de torsades ou de tresses, sont suffisamment répandus sur le marché, pour que, confronté à la marque demandée, le public pertinent ne perçoive pas d’emblée la marque demandée comme l’indication d’origine des produits concernés.

32      En effet, même à admettre que la marque demandée est différente de toutes les autres formes de fromage existant sur le marché, il y a lieu de relever qu’il est habituel de trouver dans n’importe quel supermarché des fromages présentant des formes de bandes, de lanières, de torsades ou de tresses, qui sont proches de celle de la marque demandée. Les différences existant entre cette marque et ces autres formes de fromage ne dominent pas l’impression d’ensemble produite par la marque demandée. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, ni le fait que la marque demandée ressemble à une vis filetée, ni l’absence de nœud sur au moins une des extrémités du fromage concerné, ne permettent de distinguer la marque demandée de façon significative des autres formes de fromage habituellement présentes sur le marché. L’impression d’ensemble produite par la marque demandée, même avec ces caractéristiques ne diffère pas suffisamment de celle produite par les autres formes habituelles de fromage dans le secteur concerné pour produire sur le consommateur une impression capable de doter la marque demandée du degré minimum de caractère distinctif requis.

33      Enfin, l’argument de la requérante selon lequel elle serait la première et la seule à produire un fromage ayant la forme présentée par la marque demandée, consistant en plusieurs lanières de fromage torsadées qui tiennent ensemble sans accessoires et sous une apparence fermée, n’est pas pertinent dans le cadre de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle telle que la marque demandée. En effet, ce fait, quand bien même il serait avéré, ne permet ni d’affirmer ni d’infirmer que, confronté à la marque demandée, le public pertinent la percevra d’emblée comme une indication d’origine des produits concernés (voir point 19 ci-dessus). La nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale [voir arrêt du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d’une clochette avec ruban rouge), T‑346/08, non publié, EU:T:2010:548, point 23 et jurisprudence citée].

34      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a conclu que la marque demandée ne divergeait pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné et que, dès lors, celle-ci était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque.

35      La requérante conteste, en troisième lieu, l’affirmation de la chambre de recours, au point 28 de la décision attaquée, selon laquelle ses arguments concernant le prix obtenu dans le cadre du concours « World Dairy Innovation Award 2018 » n’étaient pas pertinents dès lors qu’il n’était pas possible de constater que ce concours était fondé sur la perception des consommateurs finaux.

36      D’une part, il convient d’observer, à l’instar de la chambre de recours au stade du recours devant elle, que la requérante n’explique pas, même au stade de la requête, de quel genre de concours il s’agit, quels sont les critères d’attribution du prix et quels sont les autres produits évalués dans le cadre de ce concours.

37      D’autre part, ainsi qu’il a été établi précédemment (voir points 16 et 17 ci-dessus), il suffit qu’un motif de refus existe à l’égard du grand public pour que la marque demandée tombe sous le coup de l’interdiction de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Or, il résulte des points 29 à 34 ci-dessus que la chambre de recours a conclu à bon droit que la demande d’enregistrement se heurtait, eu égard aux produits concernés et à la perception des consommateurs finaux de l’Union, au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. 

38      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte du prix obtenu dans le cadre du concours « World Dairy Innovation Award 2018 » invoqué par la requérante au motif qu’il n’était pas possible de constater que ce concours était fondé sur la perception des consommateurs finaux.

39      La requérante fait valoir, en quatrième lieu, que la marque demandée n’a pas seulement été enregistrée en tant que marque par l’Office des brevets et des marques d’un pays tiers, mais également en tant que marque par le Deutsches Patent- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand). Les enregistrements effectués dans un État membre pouvant être pris en compte dans l’appréciation d’une demande de marque de l’Union européenne, la marque allemande devrait être prise en compte dans le cadre de l’appréciation globale de la marque demandée.

40      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47].

41      Certes, comme le soutient la requérante, les enregistrements d’ores et déjà effectués dans des États membres constituent des éléments qui, sans être déterminants, peuvent être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, notamment, en offrant un support d’analyse pour l’appréciation d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2004, Henkel/OHMI (Forme d’un flacon blanc et transparent), T‑393/02, EU:T:2004:342, point 46 et jurisprudence citée].

42      Toutefois, en l’espèce, la chambre de recours ayant conclu à bon droit que la demande d’enregistrement en cause se heurtait au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, les enregistrements antérieurs invoqués par la requérante ne peuvent, en tant que tels, remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

43      La requérante critique, en cinquième lieu, les considérations figurant aux points 23, 25 et 26 de la décision attaquée. La chambre de recours a indiqué auxdits points, en substance, que la forme du fromage ne jouait pas un rôle important pour sa consommation, dès lors que le consommateur finissait par le découper à sa façon (point 23 de la décision attaquée), qu’il se focalisait avant tout sur le goût du fromage (point 26 de la décision attaquée) et que la requérante n’avait pas précisé dans quel état (par exemple emballés ou frais) les produits concernés seraient proposés à la vente (point 25 de la décision attaquée). Toutefois, il y a lieu de relever que les arguments de la requérante sont dirigés contre des motifs surabondants de la décision attaquée, ainsi qu’il ressort du point 22 de celle-ci. Ils doivent donc être rejetés comme étant inopérants (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 61 et jurisprudence citée).

44      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Le moyen unique devant être écarté, le recours doit donc être rejeté.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

46      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


3)      Muratbey Gida Sanayi ve Ticaret AŞ est condamnée aux dépens.

Kornezov

Passer

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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