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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Intercontact Budapest v CdT (Judgment) French Text [2020] EUECJ T-640/18 (29 April 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T64018.html Cite as: [2020] EUECJ T-640/18, EU:T:2020:167, ECLI:EU:T:2020:167 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
29 avril 2020 (*)
« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services de traduction de textes dans les domaines financier et bancaire de l’anglais vers le hongrois – Classement d’un soumissionnaire dans la procédure en cascade – Article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 – Obligation de motivation – Prix de l’offre des attributaires les mieux classés – Refus de divulgation »
Dans l’affaire T‑640/18,
Intercontact Budapest Fordító és Pénzügyi Tanácsadó Kft. (Intercontact Budapest Kft.), établie à Budapest (Hongrie), représentée par Me É. Subasicz, avocate,
partie requérante,
contre
Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT), représenté par M. M. Garnier, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, en substance, à l’annulation de la décision du CdT du 29 août 2018 classant l’offre de la requérante en cinquième position du classement des soumissionnaires retenus selon le mécanisme de cascade concernant le lot no 12 de l’avis de marché FL/FIN 17,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, E. Buttigieg et Mme K. Kowalik‑Bańczyk, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La requérante, Intercontact Budapest Fordító és Pénzügyi Tanácsadó Kft. (Intercontact Budapest Kft.), est une société hongroise qui a participé à l’appel d’offres 2018/S 001-000002 (FL/FIN 17), pour l’attribution d’un marché relatif à des services de traduction depuis l’anglais, lancé par le Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT) le 3 janvier 2018 (ci-après l’« appel d’offres »). L’appel d’offres et le cahier des charges qui s’y rapporte prévoyaient l’attribution de plusieurs contrats-cadres pour chaque lot et un mécanisme dit de « cascade » pour l’exécution desdits contrats-cadres, suivant lequel les soumissionnaires sont classés, dans un ordre descendant, selon le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse, de sorte que le soumissionnaire classé en première position se voit offrir, en premier lieu, un contrat-cadre se rapportant à un lot donné. S’il n’est pas en mesure d’exécuter les services en cause, ledit contrat revient au soumissionnaire classé en deuxième position et ainsi de suite jusqu’à l’épuisement de la liste des soumissionnaires retenus. La requérante a présenté une offre pour le lot no 12 de l’appel d’offres concernant les services de traduction de l’anglais vers le hongrois.
2 À l’issue de l’examen des offres, le CdT devait retenir cinq soumissionnaires pour le lot no 12 de l’appel d’offres et conclure avec chacun d’eux un contrat-cadre.
3 Le CdT a indiqué à la requérante, par lettre du 29 août 2018, que son offre dans la procédure de marché avait été classée en cinquième position s’agissant du lot no 12 de l’appel d’offres.
4 Dans un courrier adressé au CdT le 6 septembre 2018, la requérante lui a demandé de lui fournir des explications supplémentaires concernant l’évaluation des offres. En particulier, la requérante demandait à être informée des caractéristiques et des avantages des offres classées dans une meilleure position que la sienne, et notamment du prix de ces dernières, ainsi qu’à connaître les raisons ayant justifié les points qui lui avaient été attribués pour les critères d’attribution qualitatifs C1 (méthodes de travail et procédures de contrôle de la qualité), C3 (assurance de qualité) et C4 (compétence et expérience).
5 Par lettre du 20 septembre 2018, le CdT a informé la requérante de l’identité des soumissionnaires classés de la première à la quatrième position après examen des offres, ainsi que des notes reçues par ceux-ci concernant les critères d’attribution qualitatifs, mais a refusé de révéler le prix de l’offre respective desdits soumissionnaires, en faisant valoir que la transmission de cette information aurait violé « l’article 113, paragraphe 2 », du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), alors en vigueur. En ce qui concerne les raisons ayant justifié les points qui avaient été attribués à la requérante pour les critères mentionnés au point 4 ci-dessus, le CdT s’est limité à indiquer que les offres des soumissionnaires avaient été examinées, puis classées par ordre de mérite sur la base de l’offre économiquement la plus avantageuse, à la lumière du critère d’attribution relatif au rapport qualité-prix, exprimé par la formule figurant au point 4 du cahier des charges.
6 Par lettre du 24 octobre 2018, la requérante a, premièrement, contesté le refus du CdT de divulguer le prix de l’offre respective des soumissionnaires classés en meilleure position dans le cadre de l’appel d’offres. Deuxièmement, elle a fait observer que sa demande visant à être informée des caractéristiques et des avantages relatifs des offres classées en meilleure position n’avait pas été traitée. Troisièmement, elle a relevé que le CdT n’avait fourni aucune explication quant aux notes attribuées à son offre concernant les critères C1, C3 et C4. Quatrièmement, elle a demandé au CdT de lui fournir des explications concernant son passage de la cinquième à la quatrième position, ainsi que cela découlerait d’une lettre du 18 octobre 2018 que le CdT lui aurait adressée, et de lui indiquer le nouveau classement des autres soumissionnaires retenus.
7 N’ayant pas reçu de réponse à cette lettre, la requérante a introduit le présent recours.
Procédure et conclusions des parties
8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 2018, la requérante a introduit le présent recours, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal :
– « à titre principal, établir si les notes qui ont été attribuées aux différents soumissionnaires sont réalistes au vu d’une comparaison des offres soumises et si elles sont conformes aux principes d’égalité de traitement, de non-discrimination, de proportionnalité et de transparence » ;
– à titre subsidiaire, « constater que l’interprétation [du CdT] est erronée dans le contexte de l’article 113, paragraphe 3, du règlement [no 966/2012] et que la publicité des prix proposés par les participants à l’appel d’offres n’est pas contraire au règlement susmentionné » ;
– à titre plus subsidiaire, « annuler le résultat de la procédure du CdT concernant le lot no 12 de l’avis de marché FL/FIN 17, ainsi que la procédure de marché concernant ce lot » ;
– à titre encore plus subsidiaire, « constater quel est l’acte de procédure (acte juridique produisant des effets) dont la publication déclenche le délai de recours prévu à l’article 263 TFUE dans la procédure de marché public faisant l’objet du présent recours » ;
– condamner le CdT aux dépens.
9 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2019, le CdT a soulevé, en vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité, tendant à ce qu’il plaise à ce dernier :
– déclarer le recours manifestement irrecevable ;
– condamner la requérante à ses propres dépens.
10 La requérante a présenté ses observations à cet égard le 4 mars 2019, demandant à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter l’exception d’irrecevabilité ;
– examiner l’affaire au fond ;
– condamner le CdT aux dépens.
11 Par ordonnance du Tribunal (septième chambre) du 18 juin 2019, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.
12 Le 25 juillet 2019, le CdT a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours manifestement irrecevable dans son intégralité ou, à tout le moins, non fondé dans son intégralité ;
– condamner la requérante à ses propres dépens.
13 La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2019. La duplique est parvenue à ce dernier le 14 octobre 2019.
14 La composition des chambres ayant été modifiée, la présente affaire a été attribuée à la dixième chambre.
15 Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (dixième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.
En droit
16 Le CdT fait valoir que le recours est irrecevable en ses quatre chefs de conclusions. Il convient d’examiner tout d’abord et ensemble les premier, deuxième et quatrième chefs de conclusions de la requérante.
Sur les premier, deuxième et quatrième chefs de conclusions
17 Par son premier chef de conclusions, la requérante demande que le Tribunal « établi[sse] si les notes qui ont été attribuées aux différents soumissionnaires sont réalistes au vu d’une comparaison des offres soumises et si elles sont conformes aux principes d’égalité de traitement, de non-discrimination, de proportionnalité et de transparence ».
18 Le premier chef de conclusions doit être rejeté comme étant irrecevable dans la mesure où, d’une part, conformément à une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union européenne, dans le cadre de l’article 263 TFUE, de substituer sa propre appréciation à celle des institutions, organes et aux organismes de l’Union (voir arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 56 et jurisprudence citée), mais seulement de se prononcer sur la légalité de la décision qui lui est soumise. D’autre part, il n’appartient pas non plus au Tribunal, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, de prononcer des arrêts déclaratoires (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, EU:T:2009:27, point 23) et il n’existe pas de voie de droit permettant au juge de l’Union de rendre un jugement déclaratoire visant à déclarer une offre soumise dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres comme étant entachée d’irrégularités (ordonnances du 5 février 2010, Pro humanum/Commission, T‑319/09, non publiée, EU:T:2010:29, point 5, et du 13 janvier 2015, Istituto di vigilanza dell’urbe/Commission, T‑579/13, non publiée, EU:T:2015:27, point 22).
19 De même, dans la mesure où, par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de « constater que l’interprétation [du CdT] est erronée », il y a lieu de le rejeter pour cause d’irrecevabilité, conformément à la jurisprudence citée au point 18 ci-dessus.
20 Il convient également, pour les mêmes motifs, de rejeter le quatrième chef de conclusions, par lequel la requérante demande que le Tribunal « constate » quel est « l’acte de procédure (acte juridique produisant des effets) dont la publication déclenche le délai de recours prévu à l’article 263 TFUE dans la procédure de marché public faisant l’objet du présent recours ». Par ailleurs, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer sa propre appréciation à celle de la partie requérante et de déterminer lui-même les actes susceptibles de lui faire grief et dont elle pourrait obtenir l’annulation (arrêts du 28 mai 1970, Lacroix/Commission, 30/68, EU:C:1970:46, points 22 et 24, et du 8 juillet 1999, Eridania e.a./Conseil, T‑168/95, EU:T:1999:140, point 37).
21 Il s’ensuit que les premier, deuxième et quatrième chefs de conclusions de la requérante doivent être rejetés pour cause d’irrecevabilité.
Sur le troisième chef de conclusions
Sur la recevabilité
22 Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’« annuler le résultat de la procédure du CdT concernant le lot no 12 de l’avis de marché FL/FIN 17, ainsi que la procédure de marché concernant ce lot ».
23 Dans l’exception d’irrecevabilité, le CdT avance comme motif d’irrecevabilité le fait que la requérante « n’expose aucun moyen, moins encore clair et précis à l’appui de sa demande d’annulation ».
24 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Il ressort de la jurisprudence que cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (ordonnance du 18 septembre 2018, eSlovensko/Commission, T‑664/17, non publiée, EU:T:2018:559, point 29).
25 Il convient encore de rappeler que, selon la jurisprudence, la requête doit être interprétée dans le souci de lui donner un effet utile, en procédant à une appréciation d’ensemble de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 28 juin 2011, Verein Deutsche Sprache/Conseil, C‑93/11 P, non publiée, EU:C:2011:429, points 20 et 21). La requête satisfait aux exigences fixées par les règles de procédure, dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même et qu’elle permet tant au Tribunal qu’à la partie défenderesse d’identifier le comportement reproché à cette dernière et les faits et circonstances qui sont à l’origine du litige (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Gaumina/EIGE, T‑424/12, non publié, EU:T:2013:617, points 18 et 19). L’exposé des moyens du recours, au sens du règlement de procédure, n’est pas lié à une formulation particulière de ceux-ci. La présentation des moyens, par leur substance plutôt que par leur qualification légale, peut suffire dès lors que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté (arrêt du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, EU:T:2000:54, point 67).
26 En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que fait valoir le CdT, la requête permet d’identifier l’objet du litige et l’existence d’un moyen, invoqué de façon suffisamment cohérente et compréhensible pour permettre au CdT de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle.
27 En effet, en premier lieu, en ce qui concerne l’objet du litige, la requérante invoque expressément l’article 263, quatrième alinéa, TFUE comme base juridique du présent recours (requête, p. 1 in fine) et demande au Tribunal, par son troisième chef de conclusions, d’« annuler le résultat de la procédure […] concernant le lot no 12 de l’avis de marché FL/FIN 17, ainsi que la procédure de marché concernant ce lot » (requête, p. 7). Le troisième chef de conclusions doit donc, en substance, être regardé comme tendant à l’annulation de la décision du CdT du 29 août 2018 classant l’offre de la requérante en cinquième position du classement des soumissionnaires retenus selon le mécanisme de cascade concernant le lot no 12 de l’avis de marché FL/FIN 17 (ci-après la « décision attaquée »).
28 En second lieu, en ce qui concerne le moyen invoqué à l’appui de cette demande d’annulation, il y a lieu également de constater que celui-ci ressort du texte de la requête de façon suffisamment cohérente et compréhensible.
29 En effet, la requérante dénonce le refus, par le CdT, de lui communiquer le prix des offres classées devant la sienne, en faisant valoir une violation de l’article 113, paragraphe 3, du règlement no 966/2012 (voir points 6 à 9 de la requête). La requérante explique à cet égard que ce règlement exige la communication à tout soumissionnaire en faisant la demande des renseignements détaillés, y compris le prix des offres retenues, et que les autres institutions de l’Union, notamment la Commission européenne et le Parlement européen, communiquent sur demande le prix des offres retenues. Elle ajoute qu’une telle divulgation n’est pas contraire à l’intérêt public, ne porte pas préjudice aux intérêts commerciaux légitimes des opérateurs économiques et ne nuit pas à la concurrence loyale entre eux (point 8 de la requête). Elle fait également référence à l’annexe V, partie D, point 13, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), pour démontrer que la valeur des offres retenues doit être divulguée.
30 Or, selon la jurisprudence, dans la mesure où l’article 113, paragraphes 2 et 3, du règlement no 966/2012 détermine, en réalité, l’étendue de l’obligation de motivation pesant sur le pouvoir adjudicateur, ce moyen se confond avec celui tiré du non-respect de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑764/14, non publié, EU:T:2016:723, points 95 à 103, et du 14 décembre 2017, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑164/15, non publié, EU:T:2017:906, points 61 et 62).
31 Ainsi, la requérante fait valoir, en substance, un moyen unique tiré du défaut de motivation de la décision attaquée en ce que le CdT ne lui a pas communiqué le prix des offres des soumissionnaires classées devant la sienne.
32 En revanche, si la requérante mentionne, au point 3 de la requête, en décrivant le contenu de la lettre du 6 septembre 2018, les notes qui lui ont été attribuées pour les critères C1, C3 et C4, elle se borne à faire état de son expérience et des certificats ISO dont elle disposerait et à indiquer, pour le critère C4, que le CdT aurait « sous-évalué » ses qualifications et son expérience, sans pour autant formuler, devant le Tribunal, de grief suffisamment clair et cohérent à cet égard. Sur ce point, la requête ne satisfait donc pas aux exigences énoncées aux points 24 et 25 ci-dessus. Par ailleurs, si, aux points 5 à 9 de la réplique, la requérante fait valoir l’expérience qui est la sienne et semble ainsi se placer sur le terrain de l’erreur d’appréciation qu’aurait commise le CdT, de tels éléments, à supposer qu’ils soient constitutifs d’un moyen, devraient, en toute hypothèse, être considérés comme formant un moyen nouveau qui, exposé seulement au stade de la réplique, serait tardif et devrait être rejeté comme irrecevable en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure.
33 Par conséquent, il y a lieu de juger, dans la limite qui a été exposée au point 32 ci-dessus, le troisième chef de conclusions recevable et d’examiner au fond la demande d’annulation de la décision attaquée.
Sur le fond
34 La requérante reproche, en substance, au CdT d’avoir méconnu la portée de l’obligation qui lui était faite, conformément à l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), du règlement no 966/2012, de lui communiquer, après qu’elle en eut fait la demande par écrit, le prix des offres des soumissionnaires classées devant la sienne.
35 Le CdT fait valoir qu’il a respecté l’obligation de transparence sur les prix offerts par les différents soumissionnaires en publiant au Journal officiel, dans la notice de résultat, les prix maximaux et minimaux pour chacun des lots de l’appel d’offres ainsi que la valeur estimative complète du marché. En outre, la communication du prix des offres des soumissionnaires classées devant celle de la requérante porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes de ces derniers et nuirait à une concurrence loyale entre eux.
36 Aux termes de l’article 113, paragraphe 2, du règlement no 966/2012, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1), dans sa version applicable en l’espèce, le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté notamment les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre. Aux termes de l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), du règlement no 966/2012, le pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire qui ne se trouve pas dans une situation d’exclusion, dont l’offre est conforme aux documents de marché et qui en fait la demande par écrit le nom de l’attributaire, ou des attributaires dans le cas d’un contrat-cadre, et, sauf dans le cas d’un marché spécifique relevant d’un contrat-cadre avec remise en concurrence, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, le prix payé ou la valeur du marché, selon ce qui convient. Cette même disposition prévoit toutefois, en son second alinéa, que le pouvoir adjudicateur peut décider de ne pas communiquer certaines informations lorsque leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’opérateurs économiques ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre ceux-ci.
37 En l’espèce, premièrement, il ressort de la décision attaquée que la requérante a vu son offre admise et classée en cinquième position, avec un nombre de points total de 78,75, en ce qui concerne l’évaluation, par le CdT, des critères qualitatifs de son offre. Il est donc constant que la requérante ne se trouvait pas dans une situation d’exclusion et que son offre était conforme aux documents de marché, ainsi que l’exige l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 966/2012.
38 Deuxièmement, il est également constant que la requérante a demandé par écrit, dans ses lettres des 6 septembre et 24 octobre 2018, et donc conformément à l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 966/2012, que lui soit communiqué, notamment, le prix des offres des soumissionnaires classées en meilleure position que la sienne.
39 Troisièmement, il ressort de la jurisprudence que la portée de l’obligation de communication prévue à l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 966/2012 demeure la même dans le cas où l’offre d’un soumissionnaire, bien que n’ayant pas été, à proprement parler, rejetée, n’a pas non plus été classée en première position dans la cascade (voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 2015, Evropaïki Dynamiki/AESA, T‑297/09, non publié, EU:T:2015:184, point 77, et du 14 décembre 2017, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑164/15, non publié, EU:T:2017:906, point 27).
40 Quatrièmement, il ressort des pièces du dossier que le marché en cause est un contrat-cadre conclu sans remise en concurrence, selon le mécanisme dit de « cascade » (voir point 1 ci-dessus), ce qui n’est au demeurant pas contesté, de sorte que l’exception relative aux contrats-cadres avec remise en concurrence prévue par l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), du règlement no 966/2012 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.
41 Cinquièmement, il est également constant que, en l’espèce, conformément au point 3.3 du cahier des charges, les soumissionnaires ont été classés sur la base de l’offre économiquement la plus avantageuse, ce qui est d’ailleurs rappelé dans la lettre du 20 septembre 2018, et donc en application du critère d’attribution relatif au rapport qualité-prix, dans lequel le prix comptait pour 30 % dudit rapport. Il s’ensuit que, en l’occurrence, le prix des offres présentées était, conjointement avec les critères qualitatifs pertinents, déterminant aux fins du classement des offres.
42 Dans ces circonstances, il ressort de la jurisprudence que, en réponse à une demande tendant à obtenir la communication du prix des offres retenues, l’institution, l’organe ou l’organisme concerné a l’obligation, en application de l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), du règlement no 966/2012, de communiquer le prix global des offres des soumissionnaires initialement retenus. En effet, le prix constitue l’une des caractéristiques et l’un des avantages relatifs des offres retenues au sens de cette disposition, d’autant plus que, dans les circonstances de l’espèce, ce critère entrait à hauteur de 30 % dans leur évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑164/15, non publié, EU:T:2017:906, point 61 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, EU:T:2009:163, points 87 et 88, et du 14 janvier 2015, Veloss International et Attimedia/Parlement, T‑667/11, non publié, EU:T:2015:5, point 60).
43 De surcroît, cette obligation découle des règles qui régissent toute procédure de passation de marchés publics dans l’Union. En effet, selon l’article 102, paragraphe 1, du règlement no 966/2012, tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget de l’Union respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination.
44 Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose notamment que tous les soumissionnaires se trouvent sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées (voir arrêt du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., C‑331/04, EU:C:2005:718, point 22 et jurisprudence citée).
45 Ce principe implique également une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêts du 18 juin 2002, HI, C‑92/00, EU:C:2002:379, point 45 ; du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, EU:C:2002:746, point 91, et du 4 octobre 2018, Proof IT/EIGE, T‑914/16, non publié, EU:T:2018:650, point 57).
46 Or, en l’espèce, en l’absence de toute information relative au prix des offres des soumissionnaires classées en meilleure position que celle de la requérante, alors que ce prix était l’un des facteurs déterminants aux fins du classement des offres des soumissionnaires, la requérante se trouvait dans l’impossibilité de comprendre pleinement les raisons pour lesquelles son offre avait été classée dans une position moins favorable que celle des autres soumissionnaires, d’autant plus que l’offre de certains d’entre eux avait obtenu, pour les critères qualitatifs, moins de points que celle de la requérante, et de vérifier la conformité de ce classement avec les conditions prévues dans l’appel d’offres et le cahier des charges, ainsi qu’avec les principes fondamentaux mentionnés aux points 43 à 45 ci-dessus.
47 Partant, il y a lieu de conclure que, en principe, le CdT avait l’obligation de communiquer à la requérante le prix des offres des soumissionnaires retenus, en application de l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), du règlement no 966/2012.
48 Le CdT se prévaut, cependant, de l’article 113, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 966/2012, en arguant que la communication du prix des offres classées devant celle de la requérante était susceptible de porter préjudice aux intérêts commerciaux légitimes des soumissionnaires ou de nuire à la concurrence loyale entre eux.
49 À cet égard, il échet de rappeler que, selon une jurisprudence constante, toute dérogation aux règles visant à garantir l’effectivité de droits reconnus par le droit de l’Union doit faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2001, Commission/Portugal, C‑429/99, EU:C:2001:547, point 20 ; du 14 juin 2007, Commission/Finlande, C‑342/05, EU:C:2007:341, point 25, et du 20 septembre 2018, EV, C‑685/16, EU:C:2018:743, point 80) et fait peser la charge de la preuve de l’existence des conditions requises, pour chaque dérogation, sur l’autorité qui en prend la décision (arrêts du 14 juin 2007, Commission/Finlande, C‑342/05, EU:C:2007:341, point 25, et du 10 octobre 2019, Luonnonsuojeluyhdistys Tapiola, C‑674/17, EU:C:2019:851, point 30).
50 Il incombait donc au CdT de démontrer de façon concrète et précise que la communication du prix des offres classées devant celle de la requérante porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes des soumissionnaires ou nuirait à une concurrence loyale entre eux. Or, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de la lettre du 20 septembre 2018 que le CdT s’est contenté d’affirmations générales et abstraites, en indiquant qu’« il [était] possible de ne pas communiquer certaines informations qui risqueraient de porter préjudice aux intérêts commerciaux légitimes [d’opérateurs économiques] ou pourrait nuire à une concurrence loyale [entre ceux-ci] ». Dans son exception d’irrecevabilité, le CdT a ajouté qu’une telle communication « pourrait favoriser l’émergence de cartels ou d’ententes sur les prix entre les soumissionnaires ». Toutefois, force est de constater que le CdT n’avance aucun élément concret susceptible de démontrer les atteintes et les risques évoqués. En réalité, le CdT se borne à faire valoir quelques affirmations non étayées, d’ordre général et abstraites, lesquelles ne sauraient en aucun cas suffire pour justifier l’application de la dérogation prévue à l’article 113, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 966/2012, celle-ci étant d’interprétation stricte, sous peine de vider de sa substance même le droit reconnu au soumissionnaire écarté ou classé dans une position moins favorable que celle de l’attributaire de se voir communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs des offres retenues, et notamment leur prix.
51 Il s’ensuit que le CdT a méconnu, à cet égard, la portée de l’obligation de motivation découlant de l’article 113, paragraphe 3, du règlement no 966/2012.
52 Il ne saurait y être remédié, contrairement à ce que prétend le CdT, par la publication ultérieure au Journal officiel, dans la notice de résultat, des prix maximaux et minimaux pour chacun des lots de l’appel d’offres ainsi que de la valeur estimative complète du marché. En effet, premièrement, ces informations ne renseignent pas sur les prix des offres classées devant celle de la requérante, comme l’exige l’article 113, paragraphe 3, premier alinéa, sous a), du règlement no 966/2012, et ne permettent donc pas de comprendre l’évaluation effectuée par le CdT des offres retenues. Deuxièmement, et en tout état de cause, cette publication n’intervient normalement que bien après la notification aux soumissionnaires du résultat de l’appel d’offres, ce qui risque, en l’absence de toute communication, en temps utile, du prix des offres retenues, de porter atteinte aux droits de la défense du soumissionnaire classé en position moins favorable et, en définitive, à son droit à un recours juridictionnel effectif. À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que la motivation de la décision de rejet d’une offre devait être communiquée aux soumissionnaires concernés, en temps utile, afin que les soumissionnaires évincés aient la possibilité d’introduire efficacement un recours (arrêt du 17 février 2011, Commission/Chypre, C‑251/09, non publié, EU:C:2011:84, point 58).
53 Il résulte de tout ce qui précède que le troisième chef de conclusions du recours est fondé en son moyen unique et qu’il y a lieu, par conséquent, d’annuler la décision attaquée.
Sur les dépens
54 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CdT ayant, pour l’essentiel, succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT) du 29 août 2018classant l’offre d’Intercontact Budapest Fordító és Pénzügyi Tanácsadó Kft. (Intercontact Budapest Kft.) en cinquième position du classement des soumissionnaires retenus selon le mécanisme de cascade concernant le lot no 12 de l’avis de marché FL/FIN 17 est annulée.
2) Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
3) Le CdT est condamné aux dépens.
Kornezov | Buttigieg | Kowalik-Bańczyk |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2020.
Signatures
* Langue de procédure : le hongrois.
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