Adler Real Estate and Others (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-605/18 (09 September 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C60518.html
Cite as: EU:C:2021:712, [2021] EUECJ C-605/18, ECLI:EU:C:2021:712

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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

9 septembre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Valeurs mobilières admises à la négociation sur un marché réglementé établi ou opérant dans un État membre –Obligation de transparence – Notification des “participations importantes” acquises dans le capital de sociétés par des “personnes agissant de concert” – Directive 2004/109/CE – Article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa – Notion d’“exigences plus strictes” – Directive 2004/25/CE – “Surveillance” par une autorité désignée conformément à l’article 4 de cette directive »

Dans l’affaire C‑605/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), par décision du 25 septembre 2018, parvenue à la Cour le 25 septembre 2018, dans la procédure

Adler Real Estate AG,

Petrus Advisers LLP,

GM

contre

Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur), D. Šváby, S. Rodin et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Adler Real Estate AG, par Me S. Hödl, Rechtsanwalt,

–        pour GM, par Mes M. Gall et W. Eigner, Rechtsanwälte,

–        pour la Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA), par MM. P. Wanek et D. Wagner, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Braun, H. Støvlbæk et H. Krämer, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE (JO 2004, L 390, p. 38), telle que modifiée par la directive 2013/50/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, (JO 2013, L 294, p. 13) (ci-après la « directive 2004/109 »), et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Adler Real Estate AG (ci-après « Adler »), Petrus Advisers LLP (ci-après « Petrus ») et GM à la Finanzmarktaufsichtsbehörde (FMA) (Autorité de surveillance des marchés financiers, Autriche) (ci-après l’« Autorité des marchés financiers ») au sujet de la légalité des sanctions administratives que cette autorité leur a infligées pour avoir violé l’obligation de notification des participations importantes dans les valeurs mobilières d’un émetteur dont les actions étaient admises à la négociation sur un marché réglementé établi en Autriche.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2004/25/CE

3        La directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d’acquisition (JO 2004, L 142, p. 12), prévoit, ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 1, des mesures de coordination de tous les instruments des États membres, concernant les offres publiques d’acquisition de titres d’une société relevant du droit d’un État membre, lorsque tout ou partie de ces titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé dans un ou plusieurs États membres.

4        L’article 2, paragraphe 1, sous d), de cette directive est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

d)      “personnes agissant de concert” : les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l’offrant ou la société visée sur la base d’un accord, formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l’offre ».

5        L’article 4 de ladite directive, intitulé « Autorité de contrôle et droit applicable », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres désignent l’autorité ou les autorités compétentes pour le contrôle d’une offre en ce qui concerne les règles adoptées ou introduites en application de la présente directive. Les autorités ainsi désignées sont des autorités publiques, des associations ou des organismes privés reconnus par le droit national ou par des autorités publiques expressément habilitées à cette fin par le droit national. Les États membres informent la Commission [européenne] de ces désignations en précisant toute répartition éventuelle des fonctions. Les États membres veillent à ce que ces autorités exercent leurs fonctions de manière impartiale et indépendante par rapport à toutes les parties à l’offre. »

6        L’article 5 de la même directive, intitulé « Protection des actionnaires minoritaires, offre obligatoire et prix équitable », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’une personne physique ou morale détient, à la suite d’une acquisition faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société au sens de l’article 1er, paragraphe 1, qui, additionnés à toutes les participations en ces titres qu’elle détient déjà et à celles des personnes agissant de concert avec elle, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de cette société, les États membres veillent à ce que cette personne soit obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société. Cette offre est adressée dans les plus brefs délais à tous les détenteurs de ces titres et porte sur la totalité de leurs participations, au prix équitable défini au paragraphe 4. »

7        L’article 10 de la directive 2004/25, intitulé « Information sur les sociétés mentionnées à l’article 1er, paragraphe 1 », énonce, à son paragraphe 1, sous c) :

« Les États membres veillent à ce que les sociétés mentionnées à l’article 1er, paragraphe 1, publient des informations détaillées sur les points suivants :

[...]

c)      les participations significatives au capital, directes ou indirectes (par exemple, des participations indirectes au travers de structures pyramidales ou d’actionnariat croisé), au sens de l’article 85 de la [directive 2001/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 mai 2001, concernant l’admission de valeurs mobilières à la cote officielle et l’information à publier sur ces valeurs (JO 2001, L 184, p. 1)]. »

 La directive 2004/109

8        Les considérants 2 et 28 de la directive 2004/109 énoncent :

« (2)      [...] les émetteurs de valeurs mobilières devraient assurer, par un flux régulier d’informations, un degré approprié de transparence à l’égard des investisseurs. À cette même fin, les détenteurs d’actions, ou les personnes physiques ou morales détenant des droits de vote ou des instruments financiers leur donnant le droit d’acquérir des actions existantes assorties de droits de vote, devraient aussi aviser les émetteurs de l’acquisition ou de modifications de participations importantes dans le capital de sociétés, de manière à leur permettre d’en tenir le public informé.

[...]

(28)      Chaque État membre devrait désigner une autorité compétente unique compétente en dernier ressort pour contrôler le respect des dispositions adoptées conformément à la présente directive ainsi qu’en matière de coopération internationale. [...] »

9        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, celle-ci « fixe des exigences concernant la divulgation d’informations périodiques et continues sur les émetteurs de valeurs mobilières déjà admises à la négociation sur un marché réglementé établi ou opérant dans un État membre ».

10      L’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, de ladite directive est ainsi libellé :

« L’État membre d’origine ne peut pas soumettre un détenteur d’actions, ou une personne physique ou morale visée à l’article 10 ou 13, à des exigences plus strictes que celles énoncées dans la présente directive, sauf :

i)      fixer des seuils de notification inférieurs ou complémentaires à ceux prévus à l’article 9, paragraphe 1, et imposer des notifications équivalentes en ce qui concerne les seuils fondés sur le capital détenu ;

ii)      appliquer des exigences plus strictes que celles visées à l’article 12 ; ou

iii)      appliquer les dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne les offres publiques d’acquisition, les opérations de fusion et d’autres opérations ayant des incidences sur la propriété et le contrôle des entreprises, qui sont surveillées par les autorités désignées par les États membres conformément à l’article 4 de la directive [2004/25]. »

11      L’article 9 de la directive 2004/109, intitulé « Notification de l’acquisition ou de la cession de participations importantes », prévoit, au premier alinéa de son paragraphe 1 :

« L’État membre d’origine veille à ce que, lorsqu’un détenteur d’actions acquiert ou cède des actions d’un émetteur dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé et auxquelles sont attachés des droits de vote, ledit détenteur d’actions soit tenu de notifier à l’émetteur le pourcentage des droits de vote de l’émetteur détenus par le détenteur d’actions à la suite de l’acquisition ou de la cession considérée, lorsque ce pourcentage atteint les seuils de 5 %, 10 %, 15 %, 20 %, 25 %, 30 %, 50 % et 75 % ou passe au-dessus ou en dessous de ces seuils. »

12      L’article 10 de la directive 2004/109, intitulé « Acquisition ou cession de pourcentages importants de droits de vote », dispose :

« Les exigences en matière de notification définies à l’article 9, paragraphes 1 et 2, s’appliquent également à une personne physique ou morale dans la mesure où elle a le droit d’acquérir, de céder ou d’exercer des droits de vote lorsque l’un des cas ci-après ou une combinaison de ces cas se présente :

a)      les droits de vote sont détenus par un tiers avec qui cette personne a conclu un accord qui les oblige à adopter, par un exercice concerté des droits de vote qu’ils détiennent, une politique commune durable en ce qui concerne la gestion de la société en question ;

[...] »

13      L’article 24 de cette directive, intitulé « Autorités compétentes et prérogatives de ces autorités », dispose, à son paragraphe 1 :

« Chaque État membre désigne l’autorité centrale visée à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2003/71/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE (JO 2003, L 345, p. 64)], en tant qu’autorité administrative compétente centrale chargée de s’acquitter des obligations prévues dans la présente directive et de faire en sorte que les dispositions adoptées conformément à la présente directive soient appliquées. [...] »

 La directive 2013/50

14      La directive 2013/50 a inséré le paragraphe 1 bis à l’article 3 de la directive 2004/109. Le considérant 12 de la directive 2013/50 énonce :

« Un régime harmonisé pour la notification de la détention de pourcentages importants de droits de vote, en ce qui concerne notamment l’agrégation des actions détenues avec les instruments financiers détenus, devrait améliorer la sécurité juridique, renforcer la transparence et réduire la charge administrative pesant sur les investisseurs transfrontaliers. [...] En particulier, les États membres devraient également pouvoir continuer à appliquer les dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne les offres publiques d’acquisition, les opérations de fusion et d’autres opérations ayant des incidences sur la propriété ou le contrôle des entreprises qui sont surveillées par les autorités désignées par les États membres en vertu de l’article 4 de la directive [2004/25], lesquelles imposent des obligations de publicité plus strictes que celles prévues par la directive [2004/109]. »

 Le droit autrichien

 L’ÜbG

15      La directive 2004/25 a été transposée dans le droit autrichien par le Bundesgesetz betreffend Übernahmeangebote (loi fédérale relative aux offres publiques d’acquisition) (BGBl. I, no 127/1998, ci-après l’« ÜbG »).

16      L’article 1er, paragraphe 6, de cette loi définit la notion d’« entités juridiques agissant de concert » comme étant les « personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l’offrant sur la base d’un accord afin d’obtenir le contrôle de la société visée ou d’exercer ce contrôle, notamment en coordonnant les droits de vote, ou qui coopèrent sur la base d’un accord avec la société visée afin de faire échouer l’offre d’acquisition. Si une entité juridique détient une participation de contrôle indirecte ou directe (article 22, paragraphes 2 et 3) dans une ou plusieurs autres entités juridiques, toutes ces entités juridiques sont alors présumées agir de concert [...] »

17      L’article 22, paragraphe 1, de ladite loi dispose :

« Toute personne qui prend une participation de contrôle indirecte ou directe dans une société visée est tenue d’en informer immédiatement l’Übernahmekommission [(Commission des offres publiques d’acquisition, Autriche) (ci-après la « Commission des OPA »)] et, dans un délai de 20 jours boursiers à compter de la prise de contrôle, de présenter une offre conforme aux dispositions de la présente loi fédérale sur l’ensemble des titres de participation dans la société visée. »

18      En vertu de l’article 22a, paragraphe 1, de la même loi, l’« obligation de soumettre une offre, prévue à l’article 22, paragraphe 1, existe également [...] lorsque un groupe d’entités juridiques agissant de concert, qui prennent ensemble une participation de contrôle, est constitué ».

19      L’article 23 de l’ÜbG, intitulé « Imputation de participations et extension des obligations des offrants », prévoit, à son paragraphe 1, que, aux fins de l’application des articles 22 à 22b, il convient d’imputer mutuellement aux « personnes agissant de concert », au sens de l’article 1er, paragraphe 6, les droits de vote qu’ils détiennent.

 Le BörseG 1989

20      Les articles 91 et suivants du Bundesgesetz über die Wertpapier- und allgemeinen Warenbörsen und über die Abänderung des Börsesensale-Gesetzes 1949 und der Börsegesetz-Novelle 1903 [loi fédérale relative aux bourses de valeurs et aux bourses générales de matières premières et portant modification de la loi de 1949 sur les courtiers de bourse et de la loi boursière de 1903 (Börsegesetz 1989 – BörseG)], du 8 novembre 1989 (BGBl. no 555/1989), dans la version publiée au BGBl. no 558/1990 (DFB)] (ci-après le « BörseG 1989 »), mettent en œuvre les obligations de notification des « participations importantes », découlant de la section I du chapitre III de la directive 2004/109, intitulée « Informations concernant les participations importantes », et, en particulier, de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive.

21      L’article 92, paragraphe 7, de cette loi étend l’obligation de notification prévue à l’article 91 de celle-ci notamment aux « droits de vote imputables à la personne en vertu de l’article 23, paragraphe 1 ou 2, de l’ÜbG ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

22      Par décisions du 29 juin 2018, l’Autorité des marchés financiers, qui est l’« autorité administrative compétente centrale », au sens de l’article 24 de la directive 2004/109, a infligé des sanctions pécuniaires administratives à Adler, Petrus et GM pour violation de l’obligation de notification imposée par l’article 92, paragraphe 7, du BörseG 1989 aux personnes physiques ou morales qui, individuellement ou collectivement, acquièrent une participation minimale de 30 % dans la « société visée ». Selon ces décisions, Adler, Petrus et GM avaient « agi de concert », au sens de l’article 1er, paragraphe 6, de l’ÜbG, lors de l’acquisition d’actions de Conwert Immobilien SE, et les droits de vote attachés à leurs participations dans cette société auraient donc dû leur être imputés mutuellement pour la première fois le 29 septembre 2015.

23      Aux fins de déterminer si Adler, Petrus et GM relevaient de la notion de « personnes agissant de concert », au sens de l’article 1er, paragraphe 6, de l’ÜbG, l’Autorité des marchés financiers a considéré qu’elle était liée par une décision rendue, le 22 novembre 2016, par la Commission des OPA, qui est l’autorité désignée conformément à l’article 4 de la directive 2004/25 en tant qu’autorité pour le contrôle d’une offre. Par cette décision, entre-temps devenue définitive, la Commission des OPA a constaté qu’Adler, Petrus et GM avaient omis à tort de soumettre une offre obligatoire, alors même qu’elles avaient atteint le seuil de 30 % des droits de vote de Conwert Immobilien, déclenchant l’obligation de soumettre une offre en tant qu’« entités juridiques agissant de concert ».

24      Selon l’Autorité des marchés financiers, seule l’existence de l’élément subjectif de l’infraction prétendument commise par Adler, Petrus et GM pouvait faire l’objet d’une enquête dans le cadre de la procédure de sanction administrative.

25      La juridiction de renvoi, devant laquelle un recours contre les décisions du 29 juin 2018 a été formé, relève que le BörseG 1989, qui transpose la directive 2004/109 dans le droit autrichien, impose des obligations de notification aux personnes détenant des « participations importantes », de l’ordre de 30 % et plus, dans un « émetteur » et que ces obligations sont plus strictes que celles prévues par cette directive. Cette juridiction considère donc que l’obligation de notification imposée aux « entités juridiques agissant de concert », au titre de l’article 92, paragraphe 7, du BörseG 1989, relève de la notion d’« exigences plus strictes que celles énoncées dans la directive [2004/109] », au sens du quatrième alinéa du paragraphe 1 bis de l’article 3 de cette directive.

26      Toutefois, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité de ces exigences de notification « plus strictes » avec l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109, en ce que, en vertu de cette disposition, lesdites exigences doivent être non seulement prévues par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne notamment les offres publiques d’acquisition, mais également « surveillées par les autorités désignées par les États membres conformément à l’article 4 de la directive [2004/25] ». Or, en l’occurrence, l’obligation « plus stricte » de notification des participations importantes en cause au principal a été surveillée par l’autorité nationale désignée conformément à l’article 24 de la directive 2004/109.

27      Cette juridiction s’interroge, par ailleurs, sur la compatibilité avec l’article 47 de la Charte d’une pratique nationale, en vertu de laquelle une décision devenue définitive, telle que celle du 22 novembre 2016, est d’effet contraignant dans une procédure de sanction administrative ultérieure, telle que celle qui a été menée dans le litige pendant devant elle par l’Autorité des marchés financiers.

28      Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la [directive 2004/109] doit-il être interprété en ce sens que, pour pouvoir “soumettre un détenteur d’actions, ou une personne physique ou morale à des exigences plus strictes”, il faut que “les dispositions législatives, réglementaires ou administratives”, soumettant la notification des participations importantes à des exigences plus strictes, “so[ie]nt surveillées” par une autorité désignée par l’État membre conformément à l’article 4 de la [directive 2004/25], et que cette surveillance porte également sur le respect des exigences plus strictes en matière de notification des participations importantes au sens de la directive [2004/109] ?

2)      L’article 47 de la [Charte] s’oppose-t-il à une pratique nationale consistant à conférer un caractère contraignant à une décision ayant force de chose jugée de l’autorité de contrôle visée à l’article 4 de la [directive 2004/25], ayant constaté une violation par une personne de dispositions nationales de transposition de la [directive 2004/25], également dans le cadre d’une procédure de sanction administrative, menée contre la même personne, pour violation de dispositions nationales de transposition de la directive [2004/109] qui font référence auxdites dispositions de transposition de la [directive 2004/25], empêchant ainsi la personne de contester en droit et en fait la violation déjà constatée de manière définitive ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

29      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui soumet les détenteurs d’actions ou les personnes physiques ou morales visées à l’article 10 ou 13 de cette directive, à des exigences plus strictes, au sens de ce quatrième alinéa, en matière de notification des participations importantes, que celles prévues par ladite directive et qui résultent des dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne, notamment, les offres publiques d’acquisition, sans pour autant confier le pouvoir de garantir le respect de telles exigences à une autorité de cet État membre, désignée conformément à l’article 4 de la directive 2004/25.

30      Ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, de la directive 2004/109, l’État membre d’origine ne peut pas soumettre un détenteur d’actions, ou une personne physique ou morale visée à l’article 10 ou 13 de cette directive, à des exigences plus strictes que celles énoncées dans ladite directive, cette interdiction étant néanmoins assortie de trois exceptions, énoncées aux points i) à iii) de ce quatrième alinéa.

31      L’insertion, par la directive 2013/50, du paragraphe 1 bis à l’article 3 de la directive 2004/109 visait, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 29 à 31 de ses conclusions, à remédier au niveau inégal d’harmonisation des obligations de notification applicables aux personnes physiques et morales qui acquièrent ou gèrent d’une autre manière des participations dans le capital d’émetteurs actifs sur le marché réglementé d’un État membre, en raison de la faculté que la directive 2004/109, avant d’être modifiée par la directive 2013/50, laissait à l’État membre d’origine de soumettre les détenteurs d’actions ou d’autres instruments financiers à des exigences de notification plus strictes que celles qu’elle prévoyait. La directive 2013/50 qui, ainsi que l’expose son considérant 12, avait pour but d’établir un régime harmonisé pour la notification de la détention de pourcentages importants de droits de vote, a donc supprimé cette faculté pour les États membres, sous réserve des exceptions prévues à l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous i) à iii), de la directive 2004/109.

32      L’exception figurant à cet article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), permet à l’État membre d’origine d’appliquer aux détenteurs d’actions ou aux personnes physiques ou morales visées à l’article 10 ou 13 de la directive 2004/109 « les dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne les offres publiques d’acquisition, les opérations de fusion et d’autres opérations ayant des incidences sur la propriété et le contrôle des entreprises, qui sont surveillées par les autorités désignées par les États membres conformément à l’article 4 de la [directive 2004/25] ».

33      La première condition prévue à ce point iii), à laquelle est subordonnée l’application d’exigences plus strictes que celles énoncées dans la directive 2004/109, consiste à ce que de telles exigences, y compris celles en matière de notification des participations importantes, soient prévues par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives portant sur les opérations énumérées au point précédent du présent arrêt.

34      À cet égard, il importe de relever que les dispositions de la directive 2004/25 régissent le calcul du seuil de participation significative dans une société, détenue par une personne physique ou morale, au-delà duquel cette personne est tenue de lancer une offre publique d’acquisition en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société. Ces dispositions prévoient, en ce qui concerne l’agrégation des participations indirectes, des exigences plus strictes que celles qui régissent le calcul des seuils de participations importantes qui déclenchent l’obligation de notification de l’acquisition ou de la cession de participations importantes en vertu de la directive 2004/109. En effet, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2004/25 sont prises en compte, aux fins de ce calcul, les participations détenues par des « personnes agissant de concert », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous d), de cette directive. Cette notion couvre « les personnes physiques ou morales qui coopèrent avec l’offrant ou la société visée sur la base d’un accord, formel ou tacite, oral ou écrit, visant à obtenir le contrôle de la société visée ou à faire échouer l’offre ».

35      En revanche, la directive 2004/109 n’emploie pas la notion de « personnes agissant de concert » et prend en compte, à son article 10, sous a), aux fins du calcul des seuils de participations déclenchant l’obligation de notification des participations importantes, les accords conclus entre les personnes concernées qui obligent celles-ci « à adopter, par un exercice concerté des droits de vote qu’[elles] détiennent, une politique commune durable ». Ainsi que M. l’avocat général l’a précisé au point 57 de ses conclusions, cette disposition requiert un niveau d’engagement élevé sur une certaine période, qui ne peut être ni éphémère ni intermittent et qui doit être uniforme et viser la direction de la société en question.

36      Dès lors, les dispositions d’un État membre adoptées dans le cadre de la directive 2004/25, qui se fondent sur la notion de « personnes agissant de concert », figurant à l’article 2, paragraphe 1, sous d), de celle-ci, aux fins du calcul du seuil de participation significative qui déclenche, outre l’obligation de lancer une offre publique d’acquisition, les obligations de publicité y afférentes, contiennent une « exigence plus stricte », au sens de l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, de la directive 2004/109, que celles prévues par cette directive et constituent des « dispositions adoptées en ce qui concerne les offres publiques d’acquisition », au sens de cette dernière disposition. Par conséquent, ces dispositions nationales remplissent la première condition prévue à l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109 pour pouvoir être appliquées aux détenteurs d’actions ou aux personnes physiques ou morales visées à l’article 10 ou 13 de cette directive.

37      La seconde condition prévue à l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109, à laquelle est subordonnée l’application, aux détenteurs d’actions ou aux personnes physiques ou morales visées à l’article 10 ou 13 de la directive 2004/109, d’exigences plus strictes que celles énoncées dans cette directive en matière de notification de leurs participations importantes dans une société mentionnée à l’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive, consiste en la surveillance de ces exigences plus strictes par les autorités désignées par les États membres conformément à l’article 4 de la directive 2004/25.

38      Ces autorités sont, ainsi qu’il ressort de cet article 4, « compétentes pour le contrôle d’une offre en ce qui concerne les règles adoptées ou introduites en application de la [directive 2004/25] ». Dès lors, les exigences dont elles assurent le respect doivent être prévues par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives qui concernent, spécifiquement, les offres publiques d’acquisition et ne peuvent relever que du champ d’application de la directive 2004/25 et non de celui de la directive 2004/109.

39      Dans ces conditions, l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109 ne saurait être interprété en ce sens que, comme le soutient l’Autorité des marchés financiers dans ses observations écrites, l’autorité désignée en vertu de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/109, chargée de surveiller l’application des dispositions de droit national qui transposent cette directive, est matériellement compétente pour surveiller le respect des exigences plus strictes en cause, alors que celles-ci relèvent du champ d’application de la directive 2004/25.

40      Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 37 de ses conclusions, l’harmonisation opérée par la directive 2004/109 ne peut s’effectuer que dans le champ d’application de cette directive. Une autorité compétente, en vertu de l’article 24, paragraphe 1, de ladite directive, chargée de veiller à ce que les dispositions adoptées conformément à celle-ci soient appliquées, ne saurait, par conséquent, disposer d’une compétence qui excède celle qu’elle tire de cette disposition et qui porterait sur un domaine ne relevant pas de cette harmonisation, à savoir celui des offres publiques d’acquisition, des opérations de fusion et d’autres opérations ayant des incidences sur la propriété et le contrôle des entreprises.

41      De plus, l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109 faite par l’Autorité des marchés financiers et mentionnée au point 39 du présent arrêt procède d’une interprétation large de l’exception prévue au quatrième alinéa de l’article 3, paragraphe 1 bis, de la directive 2004/109, alors que, eu égard à la finalité de cet article 3, paragraphe 1 bis – qui consiste à établir un régime harmonisé pour la notification de la détention de pourcentages importants de droits de vote –, les exceptions à l’interdiction pour l’État membre d’origine de soumettre les détenteurs d’actions ou d’autres instruments financiers à des exigences de notification plus strictes doivent faire l’objet d’une interprétation stricte.

42      En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 42 à 46 de ses conclusions, aux fins de délimiter la compétence dont disposent, en vertu de l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109, les autorités désignées par les États membres conformément à l’article 4 de la directive 2004/25, se pose la question de savoir si le terme « surveillance » implique également la « garantie du respect » des exigences de notification « plus strictes ». Une interprétation de cet article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), selon laquelle ces autorités, qui sont compétentes pour surveiller les opérations y énumérées, pourraient, à cette fin, ne pas disposer du pouvoir de garantir le respect des « exigences plus strictes » en matière de notification des participations importantes, prévues par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives portant sur ces opérations, ne serait pas conforme au sens habituel dans le langage courant du terme « surveillance », lequel renvoie au « contrôle » et, partant, à l’action de « garantir le respect » de certaines normes ou exigences.

43      En l’occurrence, les doutes de la juridiction de renvoi portent essentiellement sur le point de savoir si l’exigence plus stricte en matière de notification des participations importantes que celles énoncées dans la directive 2004/109, prévue à l’article 92, paragraphe 7, du BörseG 1989 pour les « entités juridiques agissant de concert », satisfait à la condition mentionnée au point 37 du présent arrêt tenant à la « surveillance » et donc au contrôle de cette exigence par une autorité désignée conformément à l’article 4 de la directive 2004/25.

44      Il ressort des observations des parties au principal et des réponses à une question écrite posée par la Cour que, en vertu de l’ÜbG – qui transpose la directive 2004/25 en droit autrichien –, la Commission des OPA est la seule autorité désignée comme autorité compétente conformément à l’article 4 de cette directive. Or, dans l’affaire au principal, la « surveillance » du respect de l’« exigence plus stricte » de notification des participations importantes, formellement prévue à l’article 92, paragraphe 7, du BörseG 1989 – lequel opère toutefois un renvoi à l’article 23, paragraphe 1 ou 2, de l’ÜbG –, a été effectuée par l’Autorité des marchés financiers. Il apparaît donc, sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, que la « garantie du respect » des « exigences plus strictes » susmentionnées est confiée à une autorité qui n’est pas désignée conformément à l’article 4 de la directive 2004/25.

45      Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui soumet les détenteurs d’actions, ou les personnes physiques ou morales visées à l’article 10 ou 13 de cette directive, à des exigences plus strictes, au sens de ce quatrième alinéa, en matière de notification des participations importantes, que celles prévues par ladite directive et qui résultent des dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne, notamment, les offres publiques d’acquisition, sans pour autant confier le pouvoir de garantir le respect de telles exigences à une autorité de cet État membre, désignée conformément à l’article 4 de la directive 2004/25.

 Sur la seconde question

46      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une pratique d’un État membre, en vertu de laquelle l’autorité administrative centrale, au sens l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/109, saisie d’une procédure de sanction administrative, est liée par les décisions administratives devenues définitives, constatant la violation des dispositions nationales de transposition de la directive 2004/25, prises par l’autorité de cet État membre désignée conformément à l’article 4 de cette directive, privant de ce fait la personne qui fait l’objet de cette procédure de sanction administrative du droit de contester en fait et en droit la violation constatée antérieurement.

47      Il résulte de l’examen de la première question que l’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, en vertu de laquelle la garantie du respect des exigences plus strictes, au sens de ce quatrième alinéa, en matière de notification des participations importantes, que celles prévues par cette directive et qui résultent des dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne, notamment, les offres publiques d’acquisition, incombe à une autorité qui n’est pas désignée conformément à l’article 4 de la directive 2004/25.

48      Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’interpréter l’article 47 de la Charte afin de déterminer si les droits fondamentaux qui y sont consacrés s’opposent à une pratique nationale telle que celle faisant l’objet de la présente question.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

L’article 3, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, sous iii), de la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE, telle que modifiée par la directive 2013/50/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui soumet les détenteurs d’actions, ou les personnes physiques ou morales visées à l’article 10 ou 13 de la directive 2004/109, telle que modifiée par la directive 2013/50, à des exigences plus strictes, au sens de ce quatrième alinéa, en matière de notification des participations importantes, que celles prévues par la directive 2004/109, telle que modifiée par la directive 2013/50, et qui résultent des dispositions législatives, réglementaires ou administratives adoptées en ce qui concerne, notamment, les offres publiques d’acquisition, sans pour autant confier le pouvoir de garantir le respect de telles exigences à une autorité de cet État membre, désignée conformément à l’article 4 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d’acquisition.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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