IB v EUIPO (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-22/20 (13 October 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T2220.html
Cite as: ECLI:EU:T:2021:689, EU:T:2021:689, [2021] EUECJ T-22/20

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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 octobre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Suspension de la procédure d’invalidité pendant la procédure disciplinaire – Révocation – Procédure d’invalidité devenue sans objet à la suite de la révocation – Recours en annulation – Acte faisant grief – Recevabilité – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑22/20,

IB, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’EUIPO du 14 mars 2019 en tant que, d’une part, elle inflige au requérant la sanction de la révocation sans réduction de ses droits à pension et, d’autre part, elle clôture définitivement la procédure d’invalidité de ce dernier,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, IB, est un ancien fonctionnaire de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

 Sur la procédure d’invalidité

2        En [confidentiel] (1), le requérant a subi un accident du travail, à la suite duquel il a été placé en congé de maladie pour une période de neuf jours. Il a ensuite repris le travail jusqu’au mois de [confidentiel], date à laquelle il s’est trouvé à nouveau placé en congé de maladie.

3        Par courrier du 28 novembre 2014, le président de l’EUIPO a, en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), informé le requérant que sa situation médicale serait soumise à la commission d’invalidité au titre de l’article 59, paragraphe 4, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

4        La commission d’invalidité a été instituée le 23 janvier 2015. En application de l’article 7 de l’annexe II du statut, elle était composée de trois médecins, à savoir celui désigné par l’EUIPO, celui désigné par le requérant et celui désigné d’un commun accord par les deux médecins précédents (ci-après le « médecin commun »).

5        Le 9 février 2015, la commission d’invalidité a communiqué son avis à l’EUIPO, dont il ressort que le requérant est affecté par une invalidité permanente considérée comme totale, laquelle l’empêche d’exercer ses fonctions. Pour ces motifs, la commission d’invalidité a estimé qu’il convenait de mettre définitivement fin aux fonctions du requérant. Elle a également déclaré que sa maladie, qui avait évolué au fil du temps, constituait une conséquence directe de l’accident de travail survenu le [confidentiel].

6        Par courriel du 12 mai 2015, l’EUIPO a informé le médecin du requérant et le médecin commun que le médecin qu’il avait désigné avait été remplacé pour raisons personnelles. Par ailleurs, l’EUIPO a indiqué que l’avis de la commission d’invalidité n’était pas suffisamment motivé et, par conséquent, a invité ladite commission à poursuivre ses travaux afin de fournir des conclusions circonstanciées sur le cas en cause, de sorte qu’il puisse adopter une décision finale.

7        Par un courrier commun du 16 juin 2015, le médecin du requérant et le médecin commun ont fourni à l’EUIPO une analyse complémentaire de la situation médicale du requérant, confirmant l’avis initial. Par courriel du 17 juillet 2015, le médecin du requérant a fourni des explications additionnelles à l’EUIPO.

8        Par courrier du 31 août 2015, le conseil du requérant a demandé à l’EUIPO de reconnaître l’incapacité permanente considérée comme totale du requérant à exercer ses fonctions et de mettre ce dernier à la retraite d’office.

9        Par courrier du 18 décembre 2015 (ci-après la « décision du 18 décembre 2015 »), l’EUIPO a rejeté la demande du requérant, au motif que l’avis de la commission d’invalidité ne contenait aucune motivation lui permettant de vérifier la régularité des considérations émises et de la procédure suivie devant ladite commission. Dans cette décision, l’EUIPO a également confirmé au requérant avoir sollicité l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), afin qu’il mène une enquête pour comprendre les étapes et les actions entreprises par la commission d’invalidité pour conclure à son invalidité, dans la mesure où elle n’apportait pas davantage d’explications quant au lien existant entre ladite invalidité et son origine supposée. L’EUIPO a, enfin, indiqué que, durant ladite enquête, il suspendait la procédure d’invalidité.

10      Le requérant a demandé l’annulation de ladite décision devant le Tribunal, lequel a rejeté son recours par l’arrêt [confidentiel]. Dans cet arrêt, le Tribunal a, en substance, considéré que, premièrement, bien que l’EUIPO, en tant qu’AIPN, ne puisse remettre en cause les constatations médicales de la commission d’invalidité, il était tenu, dans l’exercice de ses propres compétences, de prendre des décisions exemptes d’illégalité, de sorte qu’il devait pouvoir apprécier la régularité du fonctionnement de ladite commission et qu’il n’était pas obligé d’entériner automatiquement ses constatations. Deuxièmement, l’EUIPO pouvait conclure à bon droit que l’avis de la commission d’invalidité ne contenait aucune motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles la position finale qu’il contient était fondée.

 Sur la procédure disciplinaire

11      En novembre 2017, l’OLAF a clôturé son enquête et rendu son rapport (ci-après le « rapport de l’OLAF »), dans lequel il concluait, premièrement, que des doutes planaient sur l’évaluation correcte de l’origine de la pathologie du requérant et sa capacité à travailler, dans la mesure où la commission d’invalidité n’aurait pas pris en compte certains éléments factuels ; deuxièmement, que le requérant avait méconnu son devoir de loyauté à l’égard de son institution, étant donné qu’il aurait tenté d’influencer en sa faveur les médecins composant la commission d’invalidité ; troisièmement, qu’aucun élément ne permettait de prouver que le requérant avait adressé des menaces à l’égard de l’un des médecins.

12      Par courrier du 16 février 2018, l’EUIPO a informé le requérant de la clôture de l’enquête de l’OLAF ainsi que de la décision de l’AIPN, d’une part, d’ouvrir, conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut, une procédure prédisciplinaire, notamment au sujet des aspects de cette enquête concernant les violations du statut lors de la procédure d’invalidité, et, d’autre part, de procéder à sa suspension, au regard des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut. Dans ce courrier, l’EUIPO invitait également le requérant à une réunion préliminaire avec l’AIPN, avant que la procédure disciplinaire ne soit entamée, afin qu’il puisse être entendu sur les faits reprochés ainsi que sur sa suspension. Cette réunion, qui devait se tenir le 16 mars 2018, a par la suite été reportée, sur demande du requérant, au 6 avril 2018, mais celui-ci n’y a pas participé.

13      Par décision du 10 avril 2018, l’AIPN a suspendu le requérant pour une durée indéterminée. Dans cette décision, il était précisé, en outre, que pendant six mois, le requérant percevrait le minimum vital prévu par l’article 6 de l’annexe VIII du statut, qui correspond au salaire de base d’un fonctionnaire de grade AST 1, échelon 1, augmenté, le cas échéant, des allocations familiales.

14      Par décision du 29 mai 2018, l’AIPN a ouvert une procédure disciplinaire à l’égard du requérant sur la base des résultats contenus dans le rapport de l’OLAF et a, de ce fait, saisi le conseil de discipline.

15      Le 14 décembre 2018, le conseil de discipline a rendu son avis (ci-après l’« avis du conseil de discipline ») par lequel, d’une part, il concluait que le requérant avait méconnu son obligation de loyauté à l’égard de l’EUIPO, notamment les articles 11 et 12 du statut, et, d’autre part, il recommandait à l’AIPN de rétrograder le requérant de manière permanente de deux grades, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous f), de l’annexe IX du statut.

16      À la suite de la communication de cet avis, le requérant a été entendu par l’AIPN le 18 janvier 2019. Lors de cette audition, l’AIPN lui aurait communiqué que, au vu de la gravité des faits commis et de la rupture subséquente du lien de confiance, elle envisageait d’adopter, comme sanction disciplinaire, la révocation de son poste. L’AIPN aurait précisé, en outre, qu’elle prendrait également en compte, au regard de l’article 10 de l’annexe IX du statut, certains autres éléments, en sus de ceux auxquels s’est référé le conseil de discipline, notamment la récidive du comportement du requérant, l’impact de son comportement sur la réputation de l’EUIPO, son grade, son ancienneté de service ainsi que son niveau de responsabilité.

17      Le 6 mars 2019, le conseil du requérant a communiqué ses observations sur l’audition.

18      Par décision du 14 mars 2019 (ci-après la « décision attaquée » ou la « décision de révocation »), l’AIPN a, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut, infligé au requérant la sanction de la révocation, sans réduction de ses droits à pension, à compter du 1er avril 2019.

19      Dans une note au dossier du requérant du 26 avril 2019 (ci-après la « note interne du 26 avril 2019 »), l’AIPN a constaté que la procédure d’invalidité était devenue sans objet et avait été clôturée.

20      Le 14 juin 2019, le requérant a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut en demandant l’annulation de la décision attaquée, la réouverture de la procédure d’invalidité afin de reconnaître son invalidité ainsi que le versement, dans l’intervalle, du minimum vital et l’affiliation au régime d’assurance maladie commun aux institutions de l’Union (RCAM).

21      Cette réclamation a été rejetée par décision de l’EUIPO du 4 octobre 2019 (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 janvier 2020, le requérant a introduit le présent recours.

23      Par acte séparé du 16 janvier 2020, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat ainsi que l’omission de certaines données envers le public, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. L’anonymat lui a été accordé le 30 mars 2020.

24      L’EUIPO a déposé le mémoire en défense le 26 mars 2020.

25      Le requérant a déposé la réplique le 20 juillet 2020.

26      La phase écrite de la procédure a été clôturée à la suite du dépôt de la duplique, le 1er septembre 2020.

27      L’EUIPO et le requérant ont demandé, respectivement les 9 et 22 septembre 2020, la tenue d’une audience en vertu de l’article 106 du règlement de procédure.

28      Le 29 janvier 2021, le Tribunal (première chambre) a décidé, en vertu de l’article 89 du règlement de procédure, d’adresser au requérant des questions pour réponse écrite, auxquelles il a répondu dans le délai imparti.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 mars 2021.

30      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée « en ce qu’elle [le] révoque […] et clôture définitivement tout lien d’emploi avec lui, en ce compris sa conséquence quant à la clôture définitive de la procédure de mise en invalidité » ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

31      Dans la réplique, le requérant demande également que le Tribunal sollicite, le cas échéant, de la part de l’EUIPO un relevé statistique des décisions et sanctions adoptées par celui-ci dans le cadre des procédures disciplinaires menées à l’encontre de son personnel.

32      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours et sur la recevabilité de celui-ci en ce qu’il vise la clôture définitive de la procédure d’invalidité

33      Afin d’apprécier le bien-fondé du recours, il y a lieu de préciser d’abord l’objet de celui-ci, les parties ne s’accordant pas sur ce point.

34      Ainsi qu’il ressort du point 30 ci-dessus et de la requête, le requérant demande, en substance, l’annulation de la décision attaquée non seulement en ce qu’elle le révoque, mais aussi en ce qu’elle clôturerait définitivement la procédure d’invalidité.

35      L’EUIPO soutient que la décision attaquée a pour seul objet la révocation du requérant et non la clôture de la procédure d’invalidité, qui serait devenue sans objet à la suite de cette révocation. Ainsi, la procédure en invalidité étant une procédure distincte par rapport à la procédure disciplinaire, elle ne fait pas l’objet de la décision attaquée et, donc, du présent recours en annulation, de sorte que tout grief dirigé à l’encontre de la procédure d’invalidité doit être rejeté comme irrecevable. Tel serait le cas notamment du premier moyen, tiré de l’illégalité de la suspension de la procédure d’invalidité, ainsi que de la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation du délai raisonnable de la procédure disciplinaire.

36      Plus particulièrement, selon l’EUIPO, premièrement, il ressort d’une jurisprudence constante que le seul silence d’une institution ne saurait être assimilé à une décision, hormis l’existence de dispositions expresses fixant un délai à l’expiration duquel une telle décision est réputée intervenir de la part de l’institution invitée à prendre position et définissant le contenu de cette décision, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, aucun texte de loi ne prévoyant qu’une décision de révocation comporte implicitement une décision clôturant sans suite une procédure d’invalidité préalablement suspendue.

37      Deuxièmement, l’EUIPO a indiqué, lors de l’audience, que le requérant aurait dû éventuellement contester le courrier du 16 février 2018, par lequel l’AIPN annonçait qu’elle allait ouvrir une enquête administrative pour compléter les faits établis par l’OLAF. En effet, cette enquête se succédant à celle de l’OLAF et pouvant déboucher sur une procédure disciplinaire, il était implicite dans ledit courrier que la suspension de la procédure d’invalidité serait maintenue non seulement pendant ladite enquête, mais aussi pendant la procédure disciplinaire subséquente.

38      Troisièmement, selon l’EUIPO, même à supposer que le requérant ait présenté à l’administration, conjointement à la réclamation du 14 juin 2019, une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, afin de poursuivre la procédure d’invalidité et à laquelle celle-ci n’aurait pas répondu, cette demande serait irrecevable, au motif que, d’une part, au moment de son introduction, le requérant n’était plus fonctionnaire et, d’autre part, celle-ci a été présentée en dehors d’un délai raisonnable par rapport à la date à laquelle l’enquête de l’OLAF avait été clôturée, c’est-à-dire en novembre 2017. En outre, quand bien même ladite demande serait recevable, le refus de l’administration contenu dans la décision de rejet de la réclamation ne pourrait pas être attaqué dans le cadre du présent litige, puisque le requérant n’a pas introduit de réclamation à l’encontre de ce rejet implicite, de sorte que celui-ci serait devenu définitif.

39      Le requérant conteste ces arguments. Il soutient, d’abord, que, ainsi qu’il ressortirait de la note interne du 26 avril 2019, la procédure d’invalidité a été clôturée en même temps que l’adoption de la décision attaquée. Ensuite, la clôture définitive de la procédure d’invalidité étant matériellement dépourvue de caractère autonome par rapport à la décision attaquée qui en est à l’origine, ce serait cette décision qui fixerait directement et définitivement sa situation également en ce qui concerne la procédure d’invalidité. Cette décision lui ferait donc grief en ce qu’elle le révoque, l’exclut définitivement de la procédure d’invalidité et le prive de toute rémunération ou allocation. De l’avis du requérant, il s’agirait donc, en substance, d’un acte doté d’une portée décisionnelle multiple. Enfin, ce dernier précise que, d’une part, même un refus d’adopter une décision peut constituer un acte faisant grief et, d’autre part, une telle situation s’apparente à celles relevant du contentieux en matière de promotion. Par ailleurs, s’agissant de l’argument soulevé lors de l’audience, le requérant rétorque qu’il n’aurait pas pu attaquer le courrier du 16 février 2018, ce courrier n’étant qu’une mesure intermédiaire.

40      Dans ces circonstances, le Tribunal doit vérifier si, comme le soutient le requérant, par la décision attaquée, l’EUIPO a pris également position sur la procédure d’invalidité.

41      Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, un acte faisant grief est celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, un tel acte devant émaner de l’autorité compétente et renfermer une prise de position définitive de l’administration (voir ordonnance du 20 décembre 2019, ZU/SEAE, T-154/19, non publiée, EU:T:2019:901, point 27 et jurisprudence citée). Ces effets doivent être appréciés en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier, ainsi que des pouvoirs de l’institution auteur (voir ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 45 et jurisprudence citée).

42      En outre, la qualification d’une mesure d’acte faisant grief ne dépend pas de sa forme ou de son intitulé, mais est déterminée par sa substance et notamment par le point de savoir si elle produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir ordonnance du 17 décembre 2019, AG/Europol, T‑756/18, non publiée, EU:T:2019:867, point 43 et jurisprudence citée).

43      En premier lieu, l’EUIPO a déclaré, tant au cours de la phase précontentieuse que contentieuse, que la procédure d’invalidité était devenue sans objet en raison de la décision de révocation, comme en témoigne d’ailleurs la note interne du 26 avril 2019. En particulier, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a considéré, en substance, que, dans la mesure où le requérant n’était plus au service de l’Union européenne, il n’était pas en droit de demander l’ouverture d’une procédure d’invalidité. En effet, ayant cessé ses fonctions, il n’y avait plus lieu d’ouvrir une telle procédure afin d’examiner s’il était apte ou non à exercer de telles fonctions.

44      Or, le fait d’affirmer qu’une décision de révocation prive la procédure d’invalidité de son objet constitue une prise de position définitive quant à son issue.

45      En second lieu, il convient de relever, comme le fait valoir à juste titre le requérant, que le courrier du 16 février 2018 n’était qu’une mesure intermédiaire qui ne renfermait pas définitivement la position de l’administration au sujet de la procédure d’invalidité. En effet, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, en principe, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (voir ordonnance du 13 mai 2020, Lucaccioni/Commission, T‑308/19, non publiée, EU:T:2020:207, point 47 et jurisprudence citée).

46      Or, force est de constater que ledit courrier précisait clairement qu’il n’incombait pas à l’OLAF de se prononcer sur des faits d’origine médicale et que, dès lors, la partie de l’enquête concernant cet aspect ne pourrait être clôturée qu’après avoir procédé à un examen médical approprié. En outre, il ressort également du point 54 du procès-verbal de l’audition devant le conseil de discipline que l’AIPN elle-même aurait affirmé que toute décision médicale concernant le requérant devait être prise par des médecins, après un examen médical et une procédure appropriés, ce qui laisse sous-entendre que l’EUIPO n’avait pas exclu la possibilité de soumettre le requérant à un autre examen médical pour vérifier si la pathologie dont il prétendait souffrir était avérée ou non. Ainsi, au vu de ces éléments, il doit être considéré que le courrier du 16 février 2018 ne constituait qu’une mesure intermédiaire au sujet de la procédure d’invalidité.

47      Par ailleurs, il y a lieu d’écarter l’argument de l’EUIPO selon lequel la réclamation du requérant du 14 juin 2019 contenait une demande formulée sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à faire poursuivre la procédure d’invalidité, demande que l’EUIPO aurait implicitement rejetée et que le requérant n’aurait pas régulièrement contestée. En effet, comme le requérant l’a confirmé dans la réplique et lors de l’audience, son argumentation à cet égard visait uniquement à contester la clôture de la procédure d’invalidité déjà décidée dans la décision attaquée.

48      Il résulte de ce qui précède et notamment du contexte, tel qu’exposé ci-dessus, dans lequel la décision de révocation a été adoptée, que celle-ci renferme une prise de position définitive de l’administration sur la procédure disciplinaire et, implicitement, mais certainement, sur la procédure d’invalidité. Dans la mesure où la décision attaquée a bien fait l’objet d’une réclamation préalable quant à ces deux aspects, le recours doit être déclaré recevable également en ce qu’il vise la clôture définitive de la procédure d’invalidité.

 Sur le bien-fondé du recours

49      À l’appui du recours, le requérant invoque trois moyens, tirés, le premier, en substance, de l’illégalité de la clôture de la procédure d’invalidité, le deuxième, de l’irrégularité de la procédure disciplinaire, et, le troisième, de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, de l’illégalité de la clôture de la procédure d’invalidité 

50      Le requérant avance, premièrement, un détournement de procédure de la part de l’EUIPO, en ce qu’il aurait suspendu la procédure d’invalidité, tout en sachant, dès avant le début de la procédure disciplinaire, que l’AIPN lui infligerait une sanction qui rendrait la procédure d’invalidité sans objet et le priverait du minimum vital.

51      Selon le requérant, tout d’abord, il serait certain qu’il aurait été mis en invalidité et bénéficierait, à partir de janvier 2019, d’une allocation d’invalidité, si la procédure d’invalidité n’avait pas été suspendue, dans la mesure où l’EUIPO n’a jamais contesté ses congés de maladie. Ensuite, il fait valoir que, s’il avait été mis en invalidité, certains éléments pris en considération durant la procédure disciplinaire auraient été appréciés différemment, voire exclus. Enfin, l’AIPN aurait agi de façon partiale et non objective tout au long de la procédure disciplinaire.

52      Le requérant soutient, deuxièmement, que, même dans l’hypothèse où l’EUIPO n’aurait pas cherché à rendre cette suspension définitive, le fait de ne pas avoir poursuivi la procédure d’invalidité constitue néanmoins une faute de service génératrice d’un préjudice consistant en l’absence de perception du minimum vital ainsi qu’en la perte de l’affiliation au RCAM. En particulier, le requérant fait valoir qu’il incombait à l’EUIPO, à la suite du rapport de l’OLAF et en exécution des dispositions statutaires, d’agir avec diligence et de pallier les irrégularités de la procédure d’invalidité, en reconstituant, le cas échéant, une nouvelle commission d’invalidité.

53      Troisièmement, selon le requérant, en le privant de la procédure d’invalidité, l’AIPN lui aurait infligé une sanction ultérieure non prévue par le statut, dans la mesure où, s’il avait été mis en invalidité avant la fin de la procédure disciplinaire, l’EUIPO aurait dû, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous h), de l’annexe IX du statut, le révoquer tout en lui garantissant au moins le minimum vital. Ce faisant, l’EUIPO aurait également manqué à ses devoirs de sollicitude et d’assistance ainsi qu’au principe de bonne administration.

54      L’EUIPO conteste ces arguments.

55      Premièrement, l’argument du requérant visant à constater l’existence d’une faute de service génératrice d’un préjudice à la suite de la suspension de la procédure d’invalidité serait irrecevable, au motif que, d’une part, il ne respecte pas les exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, puisqu’il ne précise pas le lien avec la décision attaquée, et, d’autre part, le requérant n’a pas présenté de conclusions indemnitaires.

56      Deuxièmement, l’EUIPO soutient ne pas avoir pris d’engagements à l’égard du requérant de poursuivre la procédure d’invalidité à l’issue de l’enquête de l’OLAF et, par ailleurs, il ne serait pas tenu de le faire.

57      D’abord, le requérant procéderait à une interprétation purement littérale de la décision du 18 décembre 2015, en faisant abstraction du contexte dans lequel ladite décision est intervenue. En effet, il découlerait de celle-ci que cette suspension devait se poursuivre également dans l’hypothèse où l’enquête de l’OLAF déboucherait sur l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant. Par ailleurs, la décision de maintenir cette procédure d’invalidité suspendue relèverait, ainsi que le Tribunal l’aurait rappelé au point 61 de l’arrêt [confidentiel], du large pouvoir discrétionnaire de l’AIPN.

58      Ensuite, l’EUIPO soutient que le principe selon lequel l’AIPN a une compétence liée en matière de procédure d’invalidité ne peut pas être interprété en ce sens que cette autorité serait tenue, en toutes circonstances, de poursuivre d’office une procédure d’invalidité suspendue à cause d’une enquête de l’OLAF, dont le rapport constaterait que le fonctionnaire intéressé a exercé une influence illicite sur cette procédure. Il précise, à cet égard, qu’il appartiendrait au fonctionnaire intéressé de demander à l’AIPN qu’une nouvelle procédure d’invalidité soit lancée, ce que le requérant aurait dû faire après l’arrêt [confidentiel], ou bien lors de l’audition devant le conseil de discipline et non après avoir perdu sa qualité de fonctionnaire à la suite de la décision attaquée.

59      Enfin, l’EUIPO rappelle que, dans l’arrêt [confidentiel], le Tribunal a déjà rejeté le recours du requérant dirigé contre la décision du 18 décembre 2015. Il s’ensuivrait, selon l’EUIPO, que, d’une part, la compétence liée ne fait pas obstacle à une telle suspension et, d’autre part, si une telle suspension durant l’enquête de l’OLAF a été déclarée légale, elle doit l’être également, sinon davantage, lorsque ladite suspension se poursuit à la suite d’une procédure disciplinaire ouverte à l’issue de cette enquête.

60      Troisièmement, l’EUIPO conteste l’argument du requérant selon lequel il est certain qu’il aurait été mis en invalidité depuis janvier 2019 si la procédure d’invalidité avait repris son cours, cet argument étant purement hypothétique. En outre, il précise que, même à supposer que le requérant eût été mis en invalidité, il ne saurait être pour autant à l’abri d’une procédure disciplinaire.

61      Quatrièmement, concernant l’argument selon lequel l’AIPN a infligé au requérant une sanction qui n’est pas prévue par le statut, l’EUIPO rétorque que la procédure disciplinaire et la procédure d’invalidité sont deux procédures distinctes.

62      Cinquièmement, l’EUIPO fait observer que l’AIPN n’a pas poursuivi deux des trois constats de l’OLAF, ce qui témoigne de son objectivité.

63      Le Tribunal relève que le premier moyen est divisé, en substance, en deux branches, tirées, la première, d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude et, la seconde, d’un détournement de pouvoir.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

64      Dans le cadre de la première branche, le requérant allègue que, depuis que la procédure d’invalidité a été suspendue, celle-ci n’a jamais été soit poursuivie soit réinitiée, et que sa clôture définitive, au moment de sa révocation, serait différente de la suspension simple à laquelle l’administration s’était engagée. À cet égard, selon le requérant, l’affirmation de l’EUIPO selon laquelle les procédures disciplinaires et d’invalidité sont distinctes l’une de l’autre et sans influences réciproques ne serait pas pertinente et ne permettrait pas de justifier l’interruption pure et simple de la procédure d’invalidité. Or, du fait de la clôture définitive de la procédure de mise en invalidité, le requérant se retrouverait aujourd’hui sans revenu minimal de subsistance et sans pension. Ainsi, en le privant de la procédure d’invalidité, l’administration n’aurait manifestement pas agi dans le respect du devoir de sollicitude, d’assistance et de bonne administration.

65      D’emblée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO, il y a lieu de rejeter le grief soulevé par le requérant relatif à l’existence d’une faute de service, dans la mesure où cet argument est insuffisamment étayé, celui-ci se bornant à affirmer l’existence d’une telle faute, au point 67 de la requête, sans aucun argument à l’appui.

66      Quant au devoir de sollicitude, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, celui-ci reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).

67      En outre, il convient de souligner que les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est ou peut être affectée. En pareille hypothèse, l’administration doit examiner les demandes de celui-ci dans un esprit d’ouverture particulier (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2021, GW/Cour des comptes, T‑709/19, non publié, EU:T:2021:389, point 92 et jurisprudence citée).

68      Toutefois, s’il est concevable que le devoir de sollicitude puisse éventuellement, dans certaines circonstances, conduire l’AIPN à réduire, voire à supprimer, la sanction envisagée, la prise en compte des intérêts du fonctionnaire, dont son état de santé, ne saurait en revanche aller jusqu’à priver celle-ci de la possibilité d’infliger une sanction, même la sanction majeure de révocation, dans un cas où les faits sont d’une gravité exceptionnelle et ne peuvent être attribués exclusivement, ni même principalement, à l’état de santé du fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 1998, Y/Parlement, T‑144/96, EU:T:1998:173, point 50).

69      Enfin, il y a lieu de relever qu’aucune disposition du statut ne prévoit qu’une décision de cessation définitive des fonctions, telle qu’une révocation, rend sans objet une procédure d’invalidité initiée alors que le fonctionnaire était encore en service. À cet égard, la Cour a précisé que la résiliation du contrat d’engagement d’un agent temporaire ne pouvait porter préjudice à l’accomplissement des travaux de la commission d’invalidité et à une éventuelle reconnaissance, pour celle-ci, de l’invalidité survenue avant la résiliation ni affecter les droits de l’agent concerné à l’issue de la procédure qui s’y rapporte (arrêt du 19 juin 1992, V./Parlement, C‑18/91 P, EU:C:1992:269, point 40).

70      En l’espèce, il est constant que la procédure d’invalidité a été suspendue pendant le déroulement de l’enquête de l’OLAF et n’a pas été reprise ultérieurement, et que l’EUIPO a considéré que la procédure d’invalidité était devenue sans objet en raison de la décision de révocation, de sorte qu’il n’était plus possible de la poursuivre, après la révocation du requérant.

71      Or, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 69 ci-dessus, aucune disposition statutaire ne dispose que, lorsqu’une procédure d’invalidité, initiée lorsque le requérant était encore en fonction, a été suspendue par l’institution, celle-ci ne puisse se poursuivre une fois que la personne intéressée a cessé ses fonctions à la suite d’une décision de révocation.

72      Ensuite, il y a lieu de constater que le Tribunal a précisé, au point 53 de l’arrêt [confidentiel], que, si l’EUIPO n’avait aucune obligation d’entériner automatiquement les conclusions formulées par la commission d’invalidité, le pouvoir d’appréciation dont il dispose quant à la suite à réserver à l’avis de la commission d’invalidité ne saurait lui permettre de refuser indéfiniment, et sans motivation, d’adopter une décision sur la base de l’avis de ladite commission.

73      Ainsi, l’administration n’est pas fondée à prétendre que la poursuite de la procédure d’invalidité, initiée lorsque le requérant était en fonction, ne pouvait être poursuivie au regard du fait que celui-ci serait désormais révoqué. Au contraire, en clôturant définitivement la procédure d’invalidité sans tenir compte de l’intérêt du requérant quant à la poursuite de ladite procédure, l’EUIPO a manqué à son devoir de sollicitude et violé le principe de bonne administration. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 66 ci-dessus, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité publique est tenue de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et, ce faisant, de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Ainsi, au cours de la procédure d’invalidité, l’administration aurait dû prendre en compte l’existence d’une procédure disciplinaire dont l’issue pouvait potentiellement conduire à la révocation du requérant, et, en tenant compte de l’intérêt de ce dernier, soit clôturer la procédure d’invalidité avant l’adoption de la décision de révocation, soit en permettre la poursuite ultérieurement.

74      Enfin, il convient de relever que le législateur de l’Union a lui-même entendu, dans le cadre de l’article 9 de l’annexe IX du statut, conférer aux fonctionnaires ou anciens fonctionnaires ne pouvant plus travailler, en raison de leur âge ou de leur état de santé, l’assurance de recevoir, même en cas de sanction disciplinaire la plus grave, à savoir la révocation des fonctions, au moins le minimum vital.

75      Cette conclusion selon laquelle l’EUIPO a manqué à son devoir de sollicitude et violé le principe de bonne administration n’est pas remise en cause par son argument selon lequel il aurait incombé au requérant de présenter une demande à l’administration, dans un délai raisonnable, afin qu’elle reprenne la procédure d’invalidité. D’une part, ainsi qu’il ressort également du point 53 de l’arrêt [confidentiel], une telle initiative devait provenir de l’institution et non du requérant.

76      D’autre part, il résulte de l’économie générale de l’article 59, paragraphe 4, du statut que, lorsque c’est l’AIPN qui entame la procédure d’invalidité, en saisissant la commission d’invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans, c’est à elle qu’il incombe, à plus forte raison, de reprendre une procédure suspendue et de la clôturer.

77      Sur le fondement des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la première branche du présent moyen et, par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la seconde branche, tirée d’un détournement de pouvoir, d’annuler la décision attaquée en tant qu’elle clôture définitivement la procédure d’invalidité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’irrégularité de la procédure disciplinaire

78      Par la première branche du deuxième moyen, le requérant allègue une violation de l’article 22 de l’annexe IX du statut en ce que l’AIPN aurait pris plus de deux mois pour adopter la décision attaquée à la suite de la réception de l’avis du conseil de discipline. En outre, la procédure complète, comprenant tant l’enquête de l’OLAF que la procédure disciplinaire, aurait duré globalement de juillet 2015 à mars 2019. La violation du délai raisonnable aurait eu une incidence sur la situation du requérant, dans la mesure où, d’une part, pendant cette période, il n’a pas pu bénéficier de l’allocation d’invalidité à cause de la suspension de la procédure d’invalidité et, d’autre part, elle aurait affecté davantage son état psychologique.

79      Par la seconde branche du deuxième moyen, le requérant soutient, en substance, que l’AIPN aurait communiqué au conseil de discipline, tant au moment de sa saisine que durant l’audition, des informations non pertinentes qui auraient influencé son avis. L’AIPN elle-même se serait fondée sur ces mêmes éléments pour adopter la décision attaquée.

80      En particulier, l’AIPN aurait transmis au conseil de discipline, tout d’abord, une version du rapport de l’OLAF non expurgée des informations concernant les parties de l’enquête sur l’« établissement de la cause de la pathologie et sa capacité de travailler par la commission d’invalidité » ainsi que les « menaces ». Ensuite, l’AIPN aurait fait référence, dans son rapport, à d’autres éléments « pertinents », tels que les précédentes commissions médicales et les procédures judiciaires subséquentes, ainsi qu’à une atteinte à l’image de l’EUIPO dérivant d’une fuite d’informations. Enfin, l’AIPN aurait réitéré, dans le cadre de l’audition devant le conseil de discipline, des allégations de menaces à l’égard de l’un des docteurs de la commission d’invalidité, alors que l’OLAF avait exclu que de telles menaces avaient eu lieu, ainsi qu’une possible corruption de la part du requérant. Par ailleurs, l’AIPN aurait réitéré ces mêmes arguments dans la décision attaquée et dans la décision de rejet de la réclamation.

81      Une telle irrégularité entacherait donc la procédure devant le conseil de discipline, dans la mesure où il est plausible que, sans celle-ci, le résultat de cette procédure aurait été différent.

82      L’EUIPO, d’une part, excipe de l’irrecevabilité de la première branche, en soutenant que celle-ci ne satisferait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, puisque le requérant reste en défaut d’expliquer le lien entre ladite branche, notamment en ce qu’elle se réfère à la procédure d’invalidité, et la décision attaquée. D’autre part, il soutient que le deuxième moyen serait, en tout état de cause, non fondé.

–       Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation du délai raisonnable de la procédure disciplinaire

83      D’emblée, il convient de rappeler que le Tribunal a conclu, au point 48 ci-dessus, que la décision attaquée devait s’interpréter comme une prise de position définitive de l’administration sur la procédure disciplinaire et, implicitement, mais certainement, sur la procédure d’invalidité, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO à cet égard.

84      Quant au bien-fondé de cette branche, le requérant allègue, en substance, que la procédure ayant mené à sa révocation, en ce compris l’enquête de l’OLAF, aurait eu une durée excessive, à savoir plus de trois ans et demi. Cette violation aurait eu des répercussions sur son état psychologique ainsi que sur sa mise en invalidité, dès lors que la procédure d’invalidité a été suspendue pendant la procédure disciplinaire.

85      Selon la jurisprudence concernant le régime disciplinaire applicable aux fonctionnaires de l’Union, si le statut ne prévoit pas de délai de prescription pour l’ouverture d’une procédure disciplinaire, il fixe néanmoins, dans son annexe IX, plus précisément à la section 5 de cette annexe, des délais stricts pour le déroulement de la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. Il est également de jurisprudence constante que, s’il est vrai que ces délais ne sont pas péremptoires, ils énoncent néanmoins une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l’adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire. Il découle en effet du souci de bonne administration manifesté par le législateur de l’Union que les autorités disciplinaires ont l’obligation de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent. La non‑observation de ce délai, qui ne peut être appréciée qu’en fonction des circonstances particulières de l’affaire, peut entraîner l’annulation de l’acte (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 124, et du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, points 135 et 136).

86      Ce devoir de diligence et de respect du délai raisonnable s’impose également quant à l’ouverture de la procédure disciplinaire, notamment dans le cas et à partir du moment où l’administration a pris connaissance des faits et conduites susceptibles de constituer des infractions aux obligations statutaires d’un fonctionnaire. En effet, même en l’absence de délai de prescription, les autorités disciplinaires ont l’obligation d’agir de sorte que l’ouverture de la procédure devant aboutir à une sanction intervienne dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 125).

87      En outre, la période à prendre en considération pour évaluer le caractère raisonnable de la durée d’une procédure disciplinaire n’est pas uniquement celle qui commence à partir de la décision d’ouvrir ladite procédure. La réponse à la question de savoir si la procédure disciplinaire, une fois ouverte, a été conduite avec la diligence requise, sera influencée par la circonstance qu’une période plus ou moins longue se sera écoulée entre la survenance de la prétendue infraction disciplinaire et la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 127).

88      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le caractère raisonnable de la durée de la phase antérieure à la procédure disciplinaire et de celle de la procédure disciplinaire proprement dite doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement de celui-ci et de celui des autorités compétentes (arrêt du 8 mars 2012, Kerstens/Commission, F‑12/10, EU:F:2012:29, point 128).

89      À la lumière de ces principes, il convient de vérifier si la procédure disciplinaire a été conduite dans un délai raisonnable.

90      Premièrement, en ce qui concerne l’enquête de l’OLAF, le requérant a précisé, lors de l’audience de plaidoiries, qu’il ne contestait pas la durée excessive de cette enquête.

91      Deuxièmement, pour ce qui est de la procédure disciplinaire proprement dite, il importe de préciser, d’abord, que, à la suite de la communication du rapport de l’OLAF en novembre 2017, l’AIPN a écrit au requérant, le 16 février 2018, soit presque trois mois plus tard, afin de l’informer des conclusions de ce rapport ainsi que de la suite qu’elle souhaitait y donner. À cet égard, dans ce courrier, l’AIPN invitait le requérant à une audition, fixée à l’origine au 16 mars 2018, puis reportée par la suite, à la demande du requérant, au 6 avril 2018, mais à laquelle celui-ci n’a pas participé.

92      À cet égard, il y a lieu de noter que le délai de presque trois mois pendant lequel l’AIPN a analysé le contenu du rapport d’enquête de l’OLAF ne saurait être considéré comme déraisonnable, surtout dans un contexte dans lequel, précisément à l’issue d’une analyse approfondie dudit rapport, l’AIPN a décidé de ne pas poursuivre le requérant pour deux des trois constats de l’OLAF, à savoir les menaces et l’établissement de la cause de la pathologie et de sa capacité à travailler par la commission d’invalidité.

93      Ensuite, le 29 mai 2018, donc un mois et trois semaines après la date à laquelle l’audition du requérant aurait dû avoir lieu, l’AIPN a saisi le conseil de discipline. La procédure devant le conseil de discipline a duré jusqu’au 14 décembre 2018, date à laquelle ce conseil a émis son avis.

94      Il ressort du dossier déposé devant le Tribunal, notamment des points 21 à 45 de l’avis du conseil de discipline, que, pendant ces six mois et demi, de nombreux échanges ont eu lieu, notamment entre l’avocat du requérant et l’EUIPO concernant la composition de ce conseil, le choix des témoins ainsi que le report de son audition, pour des raisons de santé. Celle-ci était en effet prévue à l’origine pour le 4 juillet 2018, mais elle a finalement eu lieu les 1er et 2 octobre 2018, soit trois mois plus tard. En outre, le conseil de discipline fait état, dans son avis, du manque de coopération du requérant dans le déroulement de cette procédure, dès lors que, à maintes reprises, ce dernier n’aurait pas répondu à ses invitations.

95      Ainsi, le conseil de discipline n’a certes pas respecté le délai prévu par l’article 18 de l’annexe IX du statut, qui dispose que « le conseil transmet l’avis à l’[AIPN] et au fonctionnaire concerné dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du rapport de l’[AIPN], pour autant que ce délai soit adapté à la complexité du dossier ». Toutefois, force est de constater que la complexité de l’affaire ainsi que le report de l’audition demandé par le requérant justifient de considérer que le laps de temps de six mois et demi qui s’est écoulé entre la saisine du conseil par le rapport de l’AIPN et la transmission de son avis ne saurait être considéré comme déraisonnable.

96      Troisièmement, s’agissant du délai entre la transmission de l’avis du conseil de discipline et l’adoption de la décision attaquée, il convient de rappeler que l’article 22 de l’annexe IX prévoit que, « après avoir entendu le fonctionnaire, l’[AIPN] prend sa décision conformément aux articles 9 et 10 de la présente annexe, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil ». En l’espèce, à la suite de l’avis du conseil de discipline, le requérant a été entendu, le 18 janvier 2019, soit environ un mois plus tard, par l’AIPN. Étant donné que le conseil du requérant n’avait pas pu participer à cette audition, ce dernier a demandé à l’AIPN un délai pour déposer ses observations. Celle-ci lui a fixé un premier délai au 13 février 2019. Ce même jour, le conseil du requérant a demandé une prorogation de ce délai jusqu’au 6 mars 2019, au motif que, à la suite de l’entretien du 18 janvier 2019 lors duquel l’AIPN a indiqué au requérant qu’elle souhaitait le révoquer de ses fonctions, celui-ci aurait souffert [confidentiel] qui ne lui aurait pas permis de communiquer avec son conseil. L’AIPN lui a alors accordé ce délai supplémentaire et le conseil du requérant a déposé ses observations le 6 mars 2019.

97      Il s’ensuit que la circonstance que l’AIPN ait mis plus de deux mois, à compter de la transmission de l’avis du conseil de discipline, à rendre sa décision s’explique par le fait que, bien qu’elle ne fût pas tenue de recueillir encore les observations du conseil du requérant, l’AIPN non seulement a accordé à celui-ci une possibilité d’exprimer son avis, mais a également accepté de proroger le délai pour ce faire, à la demande du conseil du requérant. Le requérant étant lui-même à l’origine de ce délai étendu, il ne saurait le reprocher à l’EUIPO.

98      Il en ressort que les différentes étapes de la procédure disciplinaire se sont succédé dans des délais raisonnables.

99      Reste à examiner si l’ensemble de ces étapes, et, dès lors, la durée totale de la procédure disciplinaire, s’est maintenu dans des limites raisonnables (arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 145). Or, même s’il est vrai que la phase précédant la procédure disciplinaire et la procédure disciplinaire ont globalement duré environ trois ans et huit mois, au vu des conclusions auxquelles est arrivé le Tribunal aux points 90 à 97 du présent arrêt, le requérant ne saurait valablement soutenir que celles-ci se seraient déroulées dans des délais déraisonnables.

100    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen.

–       Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’irrégularité de la procédure devant le conseil de discipline

101    Par cette seconde branche, le requérant fait valoir, en substance, l’existence d’irrégularités entachant la procédure devant le conseil de discipline en ce que l’AIPN aurait communiqué à ce conseil un rapport contenant des informations non pertinentes ainsi qu’une version du rapport de l’OLAF non expurgée des faits pour lesquels celle-ci avait décidé de ne pas poursuivre la procédure disciplinaire. En outre, elle aurait fait des allégations tant lors de l’audition devant le conseil de discipline que dans la décision attaquée relatives à des faits considérés comme non établis par l’OLAF ou non invoqués dans le rapport de saisine du conseil de discipline. Enfin, elle aurait réitéré ces allégations dans la décision de rejet de la réclamation.

102    Pour ce qui est, en premier lieu, des informations contenues dans le rapport de l’OLAF (notamment aux points 1.1.1, 2.2.2, 2.7.1, 5.1 et 6.1) qui, selon le requérant, auraient dû être omises, celles-ci concernent, en substance, la référence aux activités sportives exercées par ce dernier à la suite de son accident de [confidentiel] et qui seraient, selon l’OLAF, incompatibles avec la pathologie ayant causé son incapacité à travailler.

103    Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon l’article 12, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, « le conseil est saisi d’un rapport émanant de l’autorité investie du pouvoir de nomination, qui doit indiquer clairement les faits reprochés et, s’il y a lieu, les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, y compris toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes ». Ainsi, le rapport de l’AIPN au conseil de discipline, adopté à la suite de l’audition du fonctionnaire concerné, ne vise qu’à établir les faits, au regard notamment des résultats de l’audition, et à les mettre en corrélation avec les obligations ou dispositions statutaires qu’il est reproché à ce fonctionnaire d’avoir méconnues (arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 131).

104    Or, en l’espèce, tout d’abord, les informations contestées par le requérant étaient liées à l’irrégularité de la procédure d’invalidité, de sorte que l’AIPN était fondée à considérer que ces informations étaient liées aux griefs retenus dans son rapport de saisine et de nature à permettre au conseil de discipline d’établir les circonstances des comportements reprochés dans ledit rapport. Ensuite, il résulte du dossier dont dispose le Tribunal que l’AIPN avait, en revanche, occulté les éléments du rapport de l’OLAF qui étaient sans rapport avec les griefs non transmis au conseil de discipline. Enfin, force est de constater que l’AIPN avait offert au requérant la possibilité d’être entendu sur le rapport de l’OLAF, dans la même version que celle transmise au conseil de discipline. Toutefois, le requérant a décidé, après en avoir demandé le report, de ne pas se présenter à l’audition.

105    S’agissant, en deuxième lieu, des informations contenues dans le rapport de l’AIPN, notamment dans la section 4 intitulée « Autres éléments pertinents », il importe de préciser que celles-ci font référence, d’une part, à l’influence que le requérant aurait exercée sur les docteurs A et B (également membres de la commission d’invalidité en cause en l’espèce) lors d’une autre procédure médicale devant l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) et, d’autre part, à la procédure devant le Tribunal ayant donné lieu à l’arrêt [confidentiel], par lequel le Tribunal a rejeté le recours du requérant tendant à l’annulation de la décision du 18 décembre 2015.

106    Or, ces éléments se rapportant à l’objet de la procédure disciplinaire, il ne saurait être reproché à l’AIPN de les avoir inclus dans le rapport transmis au conseil de discipline. Par ailleurs, force est de constater que ces mêmes références à la procédure devant le Tribunal et aux échanges avec les docteurs A et B dans le cadre de la procédure du PMO résultent également du rapport de l’OLAF (respectivement à la page 2 et à l’annexe 83 de ce rapport), dont le requérant ne conteste pourtant ni l’exactitude ni la transmission au conseil de discipline.

107    Pour ce qui est, en troisième lieu, de l’argument du requérant concernant les affirmations que l’AIPN aurait faites lors de l’audition devant le conseil de discipline au sujet des menaces à l’égard du docteur C, de la corruption ainsi que de l’atteinte à l’image de l’EUIPO, il y a lieu de relever, tout d’abord, que cette atteinte a été mentionnée dans le rapport de saisine de l’AIPN. Ainsi, ce grief figurant dans l’objet de la procédure disciplinaire, il était justifié que l’AIPN en fasse état lors de l’audition.

108    Ensuite, quant aux menaces à l’égard du docteur C et à l’accusation de corruption, il importe de relever que le requérant ne précise pas dans quelle mesure l’AIPN aurait développé ces arguments lors de l’audition.

109    Enfin et en tout état de cause, il ressort du dossier déposé devant le Tribunal que la procédure devant le conseil de discipline a été menée en respectant les droits de la défense du requérant qui, étant assisté d’un avocat, a pu réagir aux arguments de l’AIPN et faire entendre son point de vue devant le conseil de discipline.

110    Pour ce qui est, en quatrième lieu, du grief du requérant concernant le fait que l’AIPN aurait réitéré ces mêmes arguments dans la décision attaquée et dans la décision de rejet de la réclamation, il suffit de préciser que celui-ci est inopérant, puisqu’il ne vise pas la régularité de la procédure devant le conseil de discipline, qui fait l’objet de cette branche, mais le bien-fondé de la décision attaquée.

111    Par ailleurs, le Tribunal rappelle, à titre surabondant, que, selon une jurisprudence bien établie, pour qu’une irrégularité procédurale puisse justifier l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent. Dans le cadre de cet examen, il a été jugé qu’il devait être tenu compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, de la nature des griefs et de l’ampleur des irrégularités procédurales commises par rapport aux garanties dont l’agent a pu bénéficier (voir arrêt du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 225 et jurisprudence citée).

112    Or, en l’espèce, non seulement l’examen des prétendues irrégularités alléguées par le requérant n’a pas prospéré, mais, de plus, ce dernier ne démontre aucunement dans quelle mesure les informations mentionnées ci-dessus auraient pu influencer l’avis final du conseil de discipline et surtout comment une telle irrégularité pourrait constituer un motif d’annulation de la décision attaquée. En effet, le requérant se borne à affirmer que le conseil de discipline aurait précisé dans son avis qu’il prendrait en compte tous les documents, notamment le rapport de l’OLAF, et qu’il était donc plausible que, si ces informations ne lui avaient pas été communiquées, le résultat aurait été différent.

113    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut

114    Premièrement, le requérant soutient que la sanction qui lui a été infligée est disproportionnée par rapport, d’une part, à la pratique de l’Office d’investigation et de discipline (ci-après l’« IDOC »), lequel aurait proposé, ainsi qu’il ressort des rapports allant de 2016 à 2018, la révocation seulement dans un nombre très limité de cas et pour des comportements relevant du droit pénal, à savoir la corruption, le détournement de fond et la collusion, et, d’autre part, à la pratique même de l’EUIPO, dès lors que l’AIPN aurait infligé des sanctions moins sévères à des membres du personnel qui auraient commis des infractions statutaires plus graves que celles du requérant.

115    Deuxièmement, le requérant conteste l’appréciation des différents critères prévus par l’article 10 de l’annexe IX du statut par le conseil de discipline dans son avis.

116    Quant au critère sous a), intitulé « Nature de la faute et circonstances dans lesquelles elle a été commise », le requérant soutient ne pas avoir influencé la commission d’invalidité. Tout d’abord, il n’aurait pas agi en violation de ses obligations en contactant son médecin, puisque celui-ci était tenu, de par ses devoirs déontologiques et professionnels, de représenter ses intérêts. Ensuite, il ressortirait de la jurisprudence du Tribunal, notamment de l’arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE (T‑492/17, EU:T:2019:211), que le fonctionnaire doit participer à la procédure médicale, en faisant preuve de coopération et de loyauté, ce que le requérant aurait fait en communiquant avec les médecins, lesquels sont, en tout état de cause, amenés à discuter avec le patient lors de son examen médical. En outre, le requérant soutient ne pas avoir été renseigné sur les règles liées au secret des travaux de cette commission. Enfin, il reproche au conseil de discipline de n’avoir tenu compte ni de ses problèmes psychologiques, également reconnus par les médecins de la commission d’invalidité, ni de son tempérament.

117    Quant au critère sous b), intitulé « Importance du préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts des institutions en raison de la faute commise », le requérant soutient, en substance, que l’importance du préjudice alléguée par le conseil de discipline n’aurait pas dû être prise en considération, dès lors que, d’une part, une telle appréciation dépend de l’issue de la procédure d’invalidité, laquelle était suspendue, et, d’autre part, il ne saurait être tenu pour responsable du versement de son salaire complet pendant une durée de quatre ans, étant donné que l’EUIPO lui-même aurait suspendu la procédure d’invalidité.

118    Quant au critère sous c), intitulé « Degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise », le requérant soutient que le conseil de discipline n’aurait pas dû prendre en compte l’élément intentionnel, au vu notamment de ses problèmes psychologiques, ainsi qu’il ressortirait d’ailleurs de ses rapports d’évaluation allant de 2005 à 2012, dont tant l’EUIPO que l’OLAF avaient connaissance.

119    Quant au critère sous d), intitulé « Motifs ayant amené le fonctionnaire à commettre la faute », le requérant fait valoir que son comportement n’a jamais eu pour but, contrairement à ce que soutient le conseil de discipline, d’obtenir des bénéfices financiers, mais seulement d’éviter que les médecins ne soient pas suffisamment informés de son état de santé, étant donné qu’il avait des soupçons que l’EUIPO puisse agir de façon malveillante.

120    Quant au critère sous f), intitulé « Degré de responsabilité personnelle du fonctionnaire », le requérant explique que, ainsi qu’il ressortirait des certificats médicaux, son degré de clairvoyance aurait été influencé par les médicaments qu’il prenait.

121    Quant aux autres critères sous e), g), h) et i), intitulés, respectivement, « Grade et ancienneté du fonctionnaire », « Niveau des fonctions et responsabilités du fonctionnaire », « Récidive de l’acte ou du comportement fautif » et « Conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière », le requérant fait valoir que ces éléments n’ont pas été pris en considération par le conseil de discipline, au motif qu’il n’était pas chargé de l’examen des procédures précédentes.

122    Troisièmement, le requérant conteste l’appréciation faite par l’AIPN dans la décision attaquée de certains faits ainsi que des critères prévus par l’article 10 de l’annexe IX du statut sur lesquels elle se serait fondée pour s’écarter de l’avis du conseil de discipline.

123    En premier lieu, le requérant soutient ne pas avoir violé le secret des travaux de la commission d’invalidité, puisque, d’une part, un tel secret ne peut être violé que par les personnes qui, de par leur profession, y sont soumises, partant, les médecins faisant partie de la commission d’invalidité et, d’autre part, le secret des travaux de cette commission étant une protection pour le fonctionnaire afin de préserver ses informations médicales, il lui est tout à fait loisible d’autoriser la levée de ce secret.

124    En deuxième lieu, le requérant allègue qu’il n’avait pas connaissance de la règle portant interdiction de communiquer avec la commission d’invalidité et que même les médecins de cette commission ne l’ont jamais averti du fait que ces échanges étaient inappropriés ou illégaux. Ainsi, une telle circonstance aurait dû être considérée comme atténuante dans la détermination de la sanction.

125    En troisième lieu, les médecins de la commission d’invalidité auraient eux-mêmes affirmé n’avoir subi aucune influence de la part du requérant, ce qui serait également prouvé par le fait qu’ils n’ont jamais été mis en cause ni devant leur ordre ni devant les juridictions nationales.

126    En quatrième lieu, l’AIPN n’aurait pas dû prendre en compte l’attitude du requérant dans le cadre d’une précédente procédure administrative comme circonstance aggravante, vu que celle-ci n’a fait l’objet ni de la procédure disciplinaire en cause ni d’une enquête contradictoire.

127    En cinquième lieu, le requérant soutient que les motifs indiqués par l’AIPN dans la décision attaquée pour s’écarter de l’avis du conseil de discipline et lui infliger une sanction plus sévère seraient insuffisants et infondés. Tout d’abord, l’AIPN ne pouvait prendre en considération le grade et l’ancienneté comme circonstance aggravante ni faire de comparaison entre le travail de la commission d’évaluation des marchés publics et la commission médicale. Ensuite, au moment où la décision attaquée a été prise, le requérant n’exerçait plus ses fonctions depuis presque six ans. Enfin, l’AIPN n’aurait pas pris en considération comme circonstance atténuante sa capacité de discernement et de conscience.

128    L’EUIPO conteste ces arguments.

129    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que ce moyen est articulé, en substance, en trois branches, tirées, la première, du caractère disproportionné de la sanction qui a été infligée au requérant, la deuxième, d’erreurs d’appréciations du conseil de discipline dans l’examen des circonstances prévues par l’article 10 de l’annexe IX du statut et contenues dans son avis, et, la troisième, d’erreurs d’appréciation commises par l’AIPN dans la décision attaquée.

130    Le Tribunal constate, toutefois, que la deuxième branche de ce moyen est inopérante. En effet, force est de constater que le requérant n’a pas demandé l’annulation de l’avis du conseil de discipline (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, EU:C:1985:28, point 16). En outre, l’AIPN n’est, quant à elle, pas liée par l’appréciation des faits conduite par le conseil de discipline dans son avis (arrêt du 3 juin 2015, Bedin/Commission, F‑128/14, EU:F:2015:51, points 23 à 25).

131    En conséquence, le Tribunal n’examinera que les première et troisième branches en commençant par cette dernière.

–       Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée d’erreurs d’appréciation commises par l’AIPN

132    Pour ce qui est, en premier lieu, de la prise de contact avec la commission d’invalidité, le requérant fait valoir, en substance, qu’il aurait agi de bonne foi, en contactant la commission d’invalidité durant ses travaux. En particulier, il n’aurait commis aucune violation en contactant son médecin, qui était censé défendre ses intérêts et, au demeurant, personne ne lui avait rappelé les règles liées au secret des travaux de la commission d’invalidité. S’agissant, en deuxième lieu, de la violation du secret des travaux de la commission d’invalidité, le requérant soutient, en substance, que cette violation ne peut lui être reprochée, celui-ci n’étant pas soumis à une telle obligation et ayant, en tout état de cause, le droit de lever ce secret.

133    Le Tribunal estime que ces deux griefs doivent être traités conjointement, ceux-ci portant, en substance, sur la violation du secret des travaux de la commission d’invalidité.

134    À cet égard, il convient de relever, premièrement, qu’un membre du personnel, qui a manqué à ses obligations professionnelles, ne saurait invoquer sa bonne foi pour échapper à toute sanction disciplinaire (arrêt du 26 juin 2013, BM/BCE, F‑106/11, EU:F:2013:91, point 63).

135    Deuxièmement, s’il peut être admis que le fonctionnaire puisse être en contact avec son médecin pendant le déroulement de la procédure d’invalidité (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2012, Marcuccio/Commission, F‑41/06 RENV, EU:F:2012:149, point 91), étant rappelé que le médecin désigné par le fonctionnaire est chargé de sauvegarder ses intérêts au sein de la commission (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2000, Camacho-Fernandes/Commission, T‑20/00, EU:T:2000:266, point 31), il n’en demeure pas moins que ces contacts ne sauraient aller jusqu’à donner à ce médecin des indications sur la façon dont le dossier doit être instruit ou les termes à utiliser dans les conclusions finales, ce qui est précisément le cas en l’espèce.

136    Troisièmement, comme le soutient à juste titre l’EUIPO, le secret des travaux permet d’assurer l’indépendance de cette commission, afin que celle-ci puisse mener ses travaux sans subir de pressions, ni du fonctionnaire ni de l’administration, et rendre une expertise médicale objective et impartiale. En effet, le caractère « secret » des travaux de la commission d’invalidité prévu par l’article 9, troisième alinéa, de l’annexe II du statut s’explique non seulement en raison de leur nature, contenu et implications d’origine médicale (arrêt du 6 novembre 2012, Marcuccio/Commission, F‑41/06 RENV, EU:F:2012:149, point 151), mais également par la nécessité de garantir l’indépendance de la commission d’invalidité et l’objectivité de ses travaux, en la mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union elle-même, de la personne concernée ou de tiers (voir, par analogie avec le secret des travaux des jurys de concours, arrêt du 30 avril 2008, Dragoman/Commission, F‑16/07, EU:F:2008:51, point 63).

137    En l’espèce, il est incontestable, ainsi que cela a été relevé à juste titre par l’EUIPO au point 23 de la décision attaquée, que le requérant a non seulement eu accès à des documents confidentiels et d’origine médicale, tels que le projet de l’avis que la commission d’invalidité était appelée à adopter, mais également donné des indications aux membres de cette commission sur la façon dont le contenu de cet avis devrait être adapté afin qu’il en ressorte que l’unique origine de son incapacité de travail soit l’accident de [confidentiel].

138    Plus particulièrement, il ressort, tout d’abord, de courriels cités dans les notes en bas de page n°s 9 et 10 de l’avis du conseil de discipline que le requérant a insisté auprès de son médecin pour que celui-ci et le médecin de l’EUIPO choisissent « à tout prix » le docteur B comme médecin commun. Ensuite, il ressort des courriels cités dans la note en bas de page n° 14 de l’avis du conseil de discipline que le requérant a demandé avec insistance à son médecin que l’avis de la commission d’invalidité précise que, d’une part, la raison de son invalidité devait être liée à l’accident de travail survenu en [confidentiel], de sorte que l’administration devait lui payer les contributions au régime des pensions et, d’autre part, que l’invalidité soit totale et non révisable. Enfin, ainsi que cela a été relevé au point 147 ci-après, c’est le requérant qui a demandé à son docteur qu’il soit précisé dans l’avis de la commission d’invalidité qu’il souffrirait de problèmes psychologiques sévères causés par le harcèlement de l’EUIPO.

139    Or, vu la teneur de ces échanges, il ne saurait être reproché à l’AIPN d’avoir estimé que la prise de contact avec la commission d’invalidité devait être considérée comme une circonstance aggravante.

140    Certes, il ressort du dossier déposé devant le Tribunal que ces documents ont été transmis au requérant par les médecins de cette commission et que ceux-ci n’ont pas empêché les actions du requérant, ce dont le Tribunal n’a en tout état de cause pas à connaître dans le cadre de la présente procédure. Toutefois, il découle de la jurisprudence citée au point 136 ci-dessus ainsi que de l’article 9, troisième alinéa, de l’annexe II du statut, que même une ingérence, telle que celle du requérant, peut constituer une violation du secret des travaux de la commission d’invalidité, lorsqu’elle a pour but de porter atteinte à l’objectivité de la procédure d’invalidité et à l’indépendance de cette commission. En outre, il ressort de cette même jurisprudence que l’obligation de respecter le secret des travaux de la commission d’invalidité s’impose non seulement à ses membres, mais également à l’AIPN et à la personne intéressée. Ainsi, en l’espèce, le requérant aurait dû s’abstenir de poursuivre les contacts avec les membres de cette commission, afin de changer les conclusions d’ordre médical concernant l’origine de la maladie invalidante.

141    Il s’ensuit que l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le requérant avait violé le secret des travaux de la commission d’invalidité.

142    En ce qui concerne, en troisième lieu, l’argument du requérant portant sur l’indépendance de la commission d’invalidité, il convient de relever que celui-ci est inopérant. En effet, même à supposer, comme le soutient ce dernier, que les médecins n’aient pas été influencés par son comportement et que ceux-ci n’aient jamais été mis en cause devant leur ordre ou les instances nationales, cet argument concerne, tout au plus, l’attitude des médecins et non celle du requérant, qui est la seule en cause dans le cadre de la procédure disciplinaire. Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 139 ci-dessus, même une ingérence, telle que celle perpétrée par le requérant, peut porter atteinte à l’indépendance de la commission d’invalidité.

143    Ce grief doit, dès lors, être rejeté.

144    Pour ce qui est, en quatrième lieu, de la prise en compte du comportement du requérant dans le cadre d’une procédure administrative antérieure devant le PMO, le requérant conteste, en substance, le point 55 de la décision attaquée, en ce que son comportement dans le cadre de cette procédure administrative ne faisait pas l’objet de la procédure disciplinaire.

145    À cet égard, il importe de relever que ni l’AIPN ni le conseil de discipline n’ont pris en considération cette procédure comme circonstance aggravante au titre du critère sous h) de l’article 10 de l’annexe IX du statut, qui permet d’apprécier la récidive de l’acte ou du comportement fautif. En outre, ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO, la référence à la procédure administrative précédente est faite à titre surabondant dans la décision attaquée, de sorte que, à le supposer fondé, cet argument serait insusceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

146    Quant aux arguments du requérant visant à contester l’appréciation par l’AIPN des critères sous e) et g) de l’article 10 de l’annexe IX du statut et l’absence de circonstance atténuante liée à son état de santé, il convient de constater, d’abord, que le requérant n’explique pas en quoi la comparaison entre le travail de la commission des marchés publics et celui de la commission médicale ne serait pas pertinente. Ensuite, l’AIPN précise clairement, tant au point 48 que dans la note en bas de page n° 4 de la décision attaquée, que l’appréciation de ces critères a été faite en tenant compte de l’expérience du requérant jusqu’au moment où il a été en activité et, en tout cas, jusqu’au moment où les faits reprochés ont eu lieu. Enfin, le requérant reste en défaut de préciser quels éléments l’AIPN aurait dû prendre en considération afin de retenir comme circonstance atténuante son état de santé.

147    À ce dernier égard, il y a lieu de relever que, quand bien même le requérant entendrait se référer aux problèmes psychologiques dont il est fait état au point 131 de la requête, ce grief devrait, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé.

148    En effet, premièrement, ainsi que l’EUIPO le relève à juste titre dans la décision de rejet de la réclamation et sans que le requérant le conteste dans la requête, ce dernier n’a pas présenté de preuves concrètes quant à son état psychologique à la date des faits reprochés, celui-ci s’appuyant, d’une part, sur l’avis de la commission d’invalidité qui se réfère à un [confidentiel] et, d’autre part, à des courriels que lui-même aurait rédigés et dans lesquels il affirmait souffrir de problèmes psychologiques. En outre, ainsi qu’il ressort de la note en bas de page n° 13 de l’avis du conseil de discipline, ce serait le requérant lui-même qui aurait demandé à son docteur qu’il soit précisé dans l’avis de la commission d’invalidité qu’il souffrirait de problèmes psychologiques sévères causés par le harcèlement de l’EUIPO.

149    Deuxièmement, à supposer que le dossier médical que le requérant a joint à la requête, qui n’est autre qu’un ensemble déstructuré de certificats, ait été soumis également à l’AIPN, il convient de relever que ces certificats ont été établis postérieurement à la date des faits reprochés.

150    Troisièmement, le témoignage du docteur A, dont il est fait état au point 128 de la requête, qui, selon le requérant, aurait confirmé son état psychologique instable ne fait, en réalité, que le démentir. En effet, il résulte du procès-verbal d’audition de ce médecin devant le conseil de discipline que, selon lui, le requérant n’avait pas de problèmes psychiatriques, mais, au contraire, il était heureux et avait une bonne estime de soi.

151    Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que l’AIPN n’a pas tenu compte des prétendus problèmes psychologiques du requérant qui auraient influencé sa capacité de discernement.

152    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure qu’aucun des arguments présentés par le requérant dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen n’est fondé.

–       Sur la première branche du troisième moyen, tirée du caractère disproportionné de la sanction infligée

153    Par la première branche du troisième moyen, le requérant soutient, en substance, que la sanction de la révocation serait disproportionnée par rapport tant à la pratique de l’IDOC et de l’EUIPO qu’aux manquements qui lui sont reprochés.

154    Or, il y a lieu de relever que, premièrement, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, la responsabilité du fonctionnaire concerné doit faire l’objet d’un examen individuel et autonome, c’est-à-dire indépendamment de l’éventuelle légalité ou illégalité de décisions, ou de l’absence de décision, prises à l’encontre d’autres membres du personnel. Ainsi, ledit fonctionnaire ne saurait utilement invoquer le fait qu’aucune procédure disciplinaire avec saisine du conseil de discipline n’ait été diligentée à l’égard d’un autre fonctionnaire ou qu’une sanction moins sévère ait été infligée à cet autre fonctionnaire, pour des faits analogues à ceux retenus à sa charge, pour contester la sanction dont lui-même a fait l’objet (voir arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 205 et jurisprudence citée).

155    Deuxièmement, les rapports de l’IDOC allant de 2016 à 2018 que le requérant a joints en annexe 16 de la requête précisent clairement, d’une part, qu’ils constituent un résumé des cas dans lesquels une sanction disciplinaire a été infligée et, d’autre part, que, ainsi qu’il est confirmé par une jurisprudence constante (voir arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 121 et jurisprudence citée), l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de la sanction. En conséquence, il ne saurait être admis que ces rapports aient une valeur juridique contraignante pour l’EUIPO.

156    Troisièmement, le requérant reste en défaut d’expliquer la raison pour laquelle la sanction de révocation serait disproportionnée par rapport aux manquements qui lui sont reprochés, à savoir la violation des articles 11 et 12 du statut.

157    En tout état de cause, il importe de relever à cet égard que, tout d’abord, la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l’AIPN de tous les faits concrets et de toutes les circonstances propres à chaque cas individuel, le statut ne prévoyant pas de rapport fixe entre les sanctions qui y sont indiquées et les différentes sortes de manquements commis par les fonctionnaires et ne précisant pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction (arrêt du 17 juillet 2012, BG/Médiateur, F‑54/11, EU:F:2012:114, point 116).

158    Ensuite, l’AIPN a estimé que les faits retenus à l’encontre du requérant constituaient une violation des articles 11 et 12 du statut. Selon une jurisprudence constante, les dispositions des articles 11, 12, 12 ter et 17 bis du statut constituent des expressions spécifiques de l’obligation fondamentale de loyauté et de coopération du fonctionnaire à l’égard de l’Union et de ses supérieurs. Ce devoir comporte, au premier chef, l’obligation pour le fonctionnaire de s’abstenir de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l’Union. Ainsi, il doit notamment faire preuve, d’autant plus s’il a un grade élevé, comme en l’espèce, d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre l’Union et lui-même soient toujours préservés. Ces dispositions constituent en définitive les piliers de la déontologie de la fonction publique européenne (voir arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 187 et jurisprudence citée).

159    Or, le Tribunal considère que, eu égard à la gravité des faits commis par le requérant et à la violation flagrante du devoir de loyauté, tel que défini au point 158 ci-dessus, la sanction de la révocation infligée par l’AIPN ne peut être considérée comme disproportionnée ou manifestement erronée dans le cas d’espèce. Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’analyse de la troisième branche du troisième moyen, les circonstances invoquées par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause ce constat.

160    Enfin, le Tribunal observe encore que la révocation sans suppression des droits à pension ne constitue pas la sanction disciplinaire la plus lourde eu égard à l’existence de la révocation avec réduction pro tempore de la pension (voir, en ce sens, arrêt du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, EU:T:2004:101, point 59).

161    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du troisième moyen ainsi que ce dernier dans son intégralité.

 Sur la mesure sollicitée par le requérant

162    Dans la réplique, le requérant demande que le Tribunal sollicite, le cas échéant, auprès de l’EUIPO un relevé statistique des décisions et des sanctions adoptées par celui-ci dans le cadre des procédures disciplinaires menées à l’encontre de son personnel.

163    À cet égard, il suffit de rappeler que l’article 90 du règlement de procédure prévoit que les mesures d’organisation de la procédure sont décidées par le Tribunal. Par ailleurs, il ressort de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure que le Tribunal est seul compétent pour apprécier l’utilité de mesures d’instruction aux fins de la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2012, Interspeed/Commission, T‑587/10, non publié, EU:T:2012:355, point 81).

164    En l’espèce, le Tribunal estime que ces mesures n’apparaissent ni pertinentes ni utiles pour la solution du litige. En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 153 ci-dessus, le fonctionnaire ne saurait utilement invoquer le fait qu’une sanction moins sévère ait été infligée à un autre fonctionnaire, pour des faits analogues à ceux retenus à sa charge, pour contester la sanction dont lui-même a fait l’objet. Or, par analogie, la même conclusion s’impose dans le cas des relevés statistiques des décisions et des sanctions adoptées par l’AIPN dans le cadre des procédures disciplinaires menées à l’encontre de son personnel. Il y a donc lieu de rejeter la demande de mesures d’organisation de la procédure présentée par le requérant.

165    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en tant qu’elle clôture définitivement la procédure d’invalidité du requérant et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

166    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, l’article 134, paragraphe 3, du même règlement prévoit que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

167    En l’espèce, le requérant et l’EUIPO ayant partiellement succombé en leurs demandes, le Tribunal décide que chaque partie supportera ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 mars 2019 est annulée en tant qu’elle clôture définitivement la procédure d’invalidité d’IB.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Données confidentielles occultées.

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