Italy v Commission (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-718/17 (02 June 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T71817.html
Cite as: ECLI:EU:T:2021:316, [2021] EUECJ T-718/17, EU:T:2021:316

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

2 juin 2021 (*)

« Régime linguistique – Avis de concours généraux pour le recrutement d’administrateurs et d’assistants dans le secteur des bâtiments – Connaissances linguistiques – Limitation du choix de la langue 2 des concours parmi trois langues – Règlement no 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Discrimination fondée sur la langue – Intérêt du service – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑718/17,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Gattinara, Mme D. Milanowska et M. L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis de concours généraux EPSO/AD/342/17 (AD 6), organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’ingénieurs en gestion de bâtiments (y compris ingénieurs environnementaux et ingénieurs en équipement technique), et EPSO/AST/141/17 (AST 3), organisé pour la constitution d’une liste de réserve, premièrement, de coordinateurs et de techniciens spécialisés en construction de bâtiments (profil 1), deuxièmement, de coordinateurs et de techniciens de bâtiment spécialisés en climatisation et en génie électromécanique et électronique (profil 2) et, troisièmement, d’assistants dans le domaine de la sécurité au travail et de la sécurité des bâtiments (profil 3) (JO 2017, C 242 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 27 juillet 2017, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), créé par la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002 (JO 2002, L 197, p. 53), a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours généraux EPSO/AD/342/17 (AD 6), organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’ingénieurs en gestion de bâtiments (y compris ingénieurs environnementaux et ingénieurs en équipement technique), et EPSO/AST/141/17 (AST 3), organisé pour la constitution d’une liste de réserve, premièrement, de coordinateurs, techniciens spécialisés en construction de bâtiments (profil 1), deuxièmement, de coordinateurs et de techniciens de bâtiments spécialisés en climatisation et en génie électromécanique et électronique (profil 2) et, troisièmement, d’assistants dans le domaine de la sécurité au travail et de la sécurité des bâtiments (profil 3) (JO 2017, C 242 A, p. 1, ci-après l’ « avis attaqué »). Ainsi qu’il est précisé dans l’avis attaqué, à partir des listes de réserve ainsi constituées à l’issue de ces concours (ci-après les « concours en cause »), les institutions de l’Union européenne, « principalement le Parlement européen, le Conseil [de l’Union européenne] et la Commission européenne », recruteront de nouveaux membres de la fonction publique de l’Union, « à Bruxelles [(Belgique)], à Luxembourg [(Luxembourg)]et à Strasbourg [(France)] ».

2        Il est également précisé dans l’introduction de l’avis attaqué que ce dernier et ses annexes constituent le cadre juridique contraignant applicable aux procédures de sélection concernées (ci-après les « procédures de sélection en cause »).

3        Les concours en cause se déroulent en six étapes.

4        La première étape consiste, pour les intéressés, à remplir un acte de candidature et à valider cette candidature. Pour la deuxième étape, et si le nombre des candidats inscrits aux concours en cause est supérieur à un certain seuil fixé par le directeur de l’EPSO pour chaque concours et pour chaque profil recherché, les candidats sont invités à passer une série de tests de type « questionnaire à choix multiple » (QCM) sur ordinateur, à savoir des tests visant à évaluer leurs capacités de raisonnement verbal, numérique et abstrait. Dans le cadre de la troisième étape, l’EPSO vérifie le respect des conditions d’admission générales définies par l’avis attaqué et le jury contrôle la conformité des candidatures avec les conditions d’admission particulières prévues par cet avis, sur la base des données fournies dans les actes de candidature. La quatrième étape consiste en l’évaluation des candidats jugés admissibles à la troisième étape, sur la base des informations fournies dans la section de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », par référence aux critères de sélection figurant dans l’avis attaqué. À l’issue de cette procédure de sélection sur titres, un nombre de candidats correspondant au maximum à trois fois le nombre de lauréats visé pour chaque concours et par profil sera invité à la cinquième étape, appelée « Centre d’évaluation », dans le cadre de laquelle les candidats seront évalués au moyen de quatre tests, portant sur différentes compétences générales et spécifiques, conformément aux tableaux figurant dans l’avis attaqué. C’est, d’ailleurs, dans le cadre de cette cinquième étape que se dérouleront les tests de type QCM mentionnés ci-dessus, si le nombre de candidats ne dépasse pas le seuil fixé par le directeur de l’EPSO. Enfin, en sixième et dernière étape, après vérification de l’admissibilité des candidats au regard de leurs pièces justificatives, le jury établit, pour chaque concours, une liste de réserve comportant les noms des candidats admissibles ayant obtenu toutes les notes minimales requises ainsi que les meilleures notes globales, à concurrence du nombre visé de lauréats.

5        Au titre des conditions particulières d’admission aux concours en cause, l’avis attaqué exige un « niveau C1 au minimum (connaissance approfondie) » dans une des langues officielles de l’Union, cette langue étant désignée comme la « langue 1 » des concours (ci-après, la « langue 1 ») et un « niveau B2 au minimum (connaissance satisfaisante) » dans une deuxième langue, désignée comme la « langue 2 » des concours (ci-après, la « langue 2 »), à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais et le français, étant précisé que cette langue 2 des concours doit obligatoirement être différente de la langue choisie par le candidat en tant que langue 1.

6        Dans la même section de l’avis attaqué, il est indiqué que les candidats seront appelés à utiliser leur langue 1 pour les tests de type QCM sur ordinateur et leur langue 2 pour l’acte de candidature (p. 3), le « [c]entre d’évaluation » et la communication entre l’EPSO et les candidats ayant présenté une candidature valide (p. 2).

7        Il est, d’ailleurs, précisé ce qui suit dans l’avis attaqué :

« Les administrateurs, techniciens et assistants nouvellement recrutés dans le domaine des bâtiments devront entretenir des contacts quotidiens avec les contractants, les entreprises externes et les autorités locales, que ce soit à Bruxelles, à Luxembourg ou à Strasbourg. Les langues de travail principales de ces intervenants externes sont l’anglais et le français, à Bruxelles et à Strasbourg, et l’allemand et le français, à Luxembourg. Par conséquent, les lauréats doivent posséder une connaissance satisfaisante (niveau B2 minimum) d’au moins une de ces langues pour être immédiatement opérationnels au moment de leur recrutement ».

8        Enfin, selon l’annexe III de l’avis attaqué, intitulée « Dispositions générales applicables aux concours généraux », toute réclamation ou demande de réexamen liée aux procédures de sélection en cause doit être rédigée dans la langue 2 des concours (p. 17 et 18). Il y est, par ailleurs, précisé que les candidats auxdites procédures risquent d’être disqualifiés s’ils ont omis de déclarer, dans leur acte de candidature, la langue ou l’une des langues requises comme langue 2 des concours en cause, ou le niveau minimal requis pour cette langue (p. 19).

II.    Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2017, la République italienne a introduit le présent recours.

10      À l’introduction de ce recours était pendant, devant la Cour, un pourvoi introduit par la Commission européenne le 25 novembre 2016, enregistré sous le numéro d’affaire C‑621/16 P, contre l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). Par cet arrêt, le Tribunal avait annulé les avis des concours généraux EPSO/AD/276/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 5) (JO 2014, C 74 A, p. 1) et EPSO/AD/294/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 6) dans le domaine de la protection des données pour le Contrôleur européen de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1).

11      Le 30 octobre 2017, la Commission a demandé la suspension de la procédure dans la présente affaire, sur le fondement de l’article 69 du règlement de procédure du Tribunal, au regard de l’influence que pourrait avoir, sur les questions soulevées dans cette affaire, l’arrêt qu’allait rendre la Cour dans l’affaire C‑621/16 P.

12      Le 24 novembre 2017, la République italienne a fait savoir au Tribunal qu’elle s’opposait à une telle suspension.

13      Par décision du président de la cinquième chambre du 30 novembre 2017, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire C‑621/16 P.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 décembre 2017, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la République italienne.

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2018, la République italienne a introduit un recours tendant à l’annulation de l’avis de concours général EPSO/AD/339/17, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (AD 7) dans les domaines suivants : 1) Économie financière et 2) Macroéconomie (JO 2017, C 386 A, p. 1), enregistré sous le numéro d’affaire T‑71/18.

16      Le 26 mars 2019, la Cour a rendu les arrêts Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249) et Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251). Par le premier de ces deux arrêts, la Cour a annulé l’appel à manifestation d’intérêt Agents contractuels – Groupe de fonction I – Chauffeurs (H/F), EP/CAST/S/16/2016 (JO 2016, C 131 A, p. 1), ainsi que la base de données établie en vertu dudit appel à manifestation d’intérêt, dans la mesure où le Parlement européen n’avait pas établi que la limitation du choix de la langue 2 de la procédure de sélection en question aux seules langues allemande, anglaise et française était objectivement et raisonnablement justifiée au regard d’un objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel (arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 79). Par le second de ces arrêts, la Cour a rejeté le pourvoi introduit par la Commission contre l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). À la suite du prononcé de ce dernier arrêt de la Cour, la procédure a repris dans la présente affaire.

17      Par décision du 1er avril 2019, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Royaume d’Espagne.

18      Le 4 avril 2019, le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations, d’une part, sur les conclusions à tirer des arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), et du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251), dans les écritures qu’elles allaient prochainement déposer auprès du Tribunal et, d’autre part, sur une éventuelle jonction de la présente affaire avec l’affaire T‑71/18, aux fins de la phase orale de la procédure ou de la décision mettant fin à l’instance. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

19      Le 9 juillet 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.

20      Le 17 septembre 2019, la République italienne a déposé la réplique.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22      Le 30 octobre 2019, le Royaume d’Espagne a déposé son mémoire en intervention.

23      Le 6 novembre 2019, la Commission a déposé la duplique.

24      Le 22 septembre 2020, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre), dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, adoptées en application de l’article 89 du règlement de procédure, d’une part, a invité la Commission à déposer certains documents et, d’autre part, lui a posé des questions pour réponse écrite. La Commission a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

25      Le 20 octobre 2020, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

26      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme dénué de fondement ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

28      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

III. En droit

29      À l’appui de son recours, la République italienne invoque sept moyens, tirés, le premier, d’une violation des articles 263, 264 et 266 TFUE, le deuxième, d’une violation de l’article 342 TFUE et des articles 1er et 6 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1 »), le troisième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE, de l’article 18 TFUE, de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, et de l’article 28, sous f), du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ainsi que de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de l’annexe III du statut, le quatrième, d’une violation de l’article 6, paragraphe 3, TUE et du principe de protection de la confiance légitime, le cinquième, d’un détournement de pouvoir ainsi que d’une violation des « normes substantielles inhérentes à la nature et à la finalité des avis de concours », en particulier de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27, deuxième alinéa, de l’article 28, sous f), de l’article 34, paragraphe 3, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut ainsi que du principe de proportionnalité, le sixième, d’une violation de l’article 18 et de l’article 24, quatrième alinéa, TFUE, de l’article 22 de la Charte, de l’article 2 du règlement no 1 ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, du statut et, le septième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et de l’article 28, sous f), du statut, de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III du statut et du principe de proportionnalité ainsi que d’une « dénaturation des faits ».

30      Il convient de constater d’emblée que, par ses moyens, la République italienne conteste, en substance, la légalité de deux volets du régime linguistique des concours en cause. Elle conteste ainsi, d’une part, les dispositions de l’avis attaqué qui limitent à l’allemand, à l’anglais et au français le choix de la langue 2 de ces concours (ci-après la « limitation litigieuse ») et, d’autre part, l’obligation imposée aux candidats d’utiliser cette langue dans leurs échanges avec l’EPSO (ci-après l’« obligation litigieuse »).

31      Il y a, dès lors, lieu d’examiner successivement, à la lumière des moyens invoqués par la République italienne et des arguments présentés par les parties, la légalité de ces deux volets de l’avis attaqué.

A.      Sur la légalité de la limitation litigieuse

32      Le volet de l’avis attaqué qui porte sur la limitation litigieuse fait, en substance, l’objet de l’ensemble des moyens avancés par la République italienne en dehors du sixième moyen qui porte, quant à lui, sur le second volet de l’avis attaqué, identifié au point 30 ci-dessus.

33      Avant d’examiner l’argumentation présentée par la République italienne, il y a lieu de présenter le cadre législatif et jurisprudentiel dans lequel se situe la présente affaire.

1.      Sur le cadre législatif et jurisprudentiel

34      L’article 1er du règlement no 1 prévoit ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. »

35      Ainsi qu’il est rappelé au point 67 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), si l’article 1er du règlement n1 énonce explicitement quelles sont les langues de travail des institutions de l’Union, son article 6 prévoit que celles-ci peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique établi par ce règlement dans leurs règlements intérieurs respectifs.

36      Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut dispose que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue.

37      En outre, l’article 28, sous f), du statut dispose que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 52 et jurisprudence citée).

38      De tels critères ne résultent pas non plus de l’article 27 du statut dont le premier alinéa dispose, sans faire référence à des connaissances linguistiques, que « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union » et qu’« aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé ». Il en va de même du deuxième alinéa de cet article qui se borne à énoncer que « [l]e principe de l’égalité des citoyens de l’Union permet à chaque institution d’adopter des mesures appropriées si elle constate un déséquilibre important entre nationalités parmi les fonctionnaires, qui ne se justifie pas par des critères objectifs », en précisant, notamment, que « [c]es mesures appropriées doivent être justifiées et ne peuvent jamais se traduire par des critères de recrutement autres que ceux fondés sur le mérite ».

39      Enfin, selon l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, il ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour limiter le choix de la langue 2 d’un concours à un nombre restreint de langues officielles parmi celles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 54 et jurisprudence citée).

40      Il ressort de ce qui vient d’être exposé qu’une limitation du choix de la langue 2 des candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, déterminées à l’article 1er du règlement no 1, telle que la limitation litigieuse, constitue une différence de traitement susceptible d’être qualifiée de discrimination fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 66). Il est en effet évident que, par une telle limitation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que d’autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, en sont exclus (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 55 et jurisprudence citée).

41      Néanmoins, selon la jurisprudence, il ressort de l’ensemble des dispositions susmentionnées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, si l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut interdit, certes, toute discrimination fondée sur la langue, son paragraphe 6, première phrase, prévoit, toutefois, que des limitations à cette interdiction sont possibles, à condition qu’elles soient « objectivement et raisonnablement justifiée[s] » et qu’elles répondent à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89).

42      Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en ce qui concerne l’organisation de leurs services, de même que l’EPSO, lorsque ce dernier exerce, comme en l’espèce, des pouvoirs qui lui sont dévolus par lesdites institutions, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique d’un concours à un nombre restreint de langues officielles, telles que celles en cause en l’espèce, ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).

43      Dans ce cadre, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto des règles établissant le régime linguistique des concours tels que ceux concernés par l’avis attaqué, dans la mesure où seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions, dans le cas de fonctions particulières et, partant, d’examiner si une limitation éventuelle du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ce concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).

44      Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).

45      C’est au regard de ces considérations qu’il conviendra d’examiner les arguments avancés par la République italienne.

2.      Sur la motivation de l’avis attaqué

46      La République italienne prétend que l’avis attaqué est entaché d’un défaut de motivation, dans la mesure où les motifs avancés pour justifier la limitation litigieuse (voir point 7 ci-dessus) ne contiennent pas d’indications essentielles, « fonction par fonction, permettant de comprendre l’importance des besoins de communication et donc de vérifier si [cette motivation] est de nature à justifier » ladite limitation.

47      La Commission réfute cette argumentation.

48      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels il repose. Si ces motifs comportent des erreurs, celles-ci affectent la légalité au fond de l’acte en cause, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 44 et jurisprudence citée).

49      De même, il est de jurisprudence constante que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 24 juin 2015, GHC/Commission, T‑847/14, EU:T:2015:428, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérations exposées dans l’avis attaqué (voir point 7 ci-dessus), ce dernier comporte bien une motivation tendant à justifier la limitation litigieuse. Plus précisément, il y est indiqué que, dans la mesure où les langues de travail principales des intervenants externes avec lesquels les lauréats des concours en cause devront entretenir des contacts quotidiens sont, selon le lieu d’affectation, soit l’anglais et le français, soit l’allemand et le français, lesdits lauréats doivent posséder une connaissance satisfaisante d’au moins une de ces langues pour être immédiatement opérationnels au moment de leur recrutement.

51      Ainsi, en dépit de son caractère succinct et quand bien même elle pourrait être considérée comme n’exposant pas l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents en l’espèce, il y a lieu de constater que la motivation de la limitation litigieuse fait apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’EPSO, auteur de l’avis attaqué. La question du bien-fondé des motifs de l’avis attaqué est distincte et sera examinée ci-après.

3.      Sur le bien-fondé des motifs que comporte l’avis attaqué concernant la limitation litigieuse

a)      Observations liminaires

52      Ainsi qu’il vient d’être rappelé (voir point 50 ci-dessus) et contrairement à ce que prétend la République italienne au point 86 de la réplique, l’avis attaqué comporte bien des éléments permettant d’identifier les besoins linguistiques concrets des institutions par rapport aux fonctions que les lauréats des concours en cause seront appelés à exercer.

53      En effet, l’avis attaqué identifie les besoins linguistiques des services concernés par lui comme étant liées aux « langues de travail principales » des « intervenants externes », à savoir des « contractants », des « entreprises externes » et des « autorités locales » situés à Bruxelles, à Luxembourg ou à Strasbourg, avec lesquels les lauréats des concours en cause « devront entretenir des contacts quotidiens ». Ces « langues de travail principales » seraient l’anglais et le français, à Bruxelles et à Strasbourg, et l’allemand et le français, à Luxembourg. « Par conséquent » indique l’avis attaqué, les lauréats doivent disposer d’une connaissance satisfaisante d’au moins une de ces langues « pour être immédiatement opérationnels au moment de leur recrutement ». C’est cet impératif tenant au fait de disposer de lauréats immédiatement opérationnels qui est donc à l’origine de la limitation litigieuse.

54      Aucun autre motif susceptible de justifier la limitation litigieuse n’est invoqué ni dans le corps de l’avis attaqué ni dans ses annexes. S’agissant, plus spécifiquement, de son annexe III, intitulée « Dispositions générales applicables aux concours généraux », elle ne comporte que des indications générales quant au régime linguistique des concours (p. 13 et suivantes). Il y est, à cet égard, affirmé que « [l]es conditions spécifiques relatives aux qualifications, à l’expérience professionnelle et aux connaissances linguistiques varient en fonction du profil recherché » (point 1.1). Par ailleurs, ladite annexe précise que les procédures de réexamen interne (points 4.2.1 et 4.2.2) et de réclamation administrative (point 4.3.1) se dérouleront dans la langue 2 des concours en cause.

55      Force est, néanmoins, de constater que la Commission invoque, dans ses écritures, d’autres éléments qui seraient, selon elle, susceptibles de justifier la limitation litigieuse, à savoir, d’une part, les langues de travail des services concernés par l’avis attaqué et, d’autre part, les besoins logistiques des procédures de sélection en cause, notamment en ce qui concerne la constitution des jurys de sélection.

56      L’incidence sur l’issue du litige de l’ensemble des faits et éléments invoqués par la Commission en l’espèce sera examinée par la suite, à la lumière de l’argumentation présentée par la République italienne. Or, avant de procéder à cet examen, il y a lieu de constater que, par une série d’arguments auxquels la Commission répond de manière détaillée, la République italienne conteste, en substance, le caractère légitime de l’objectif consistant à sélectionner, par le biais des procédures de sélection en cause, des lauréats opérationnels dès leur recrutement.

b)      Sur l’objectif consistant à sélectionner des lauréats immédiatement opérationnels

57      Selon la République italienne, l’objectif invoqué dans l’avis attaqué ne constitue pas une exigence de nature à justifier une discrimination aussi grave que celle en cause en l’espèce et devrait être considéré comme étant secondaire par rapport à la nécessité pour les personnes nouvellement recrutées de faire preuve de leurs compétences professionnelles. Plus spécifiquement, les connaissances linguistiques des candidats aux concours en cause deviendraient décisives pour réussir ces derniers, étant donné qu’un candidat ayant une connaissance moindre d’une des trois langues proposées dans l’avis attaqué partirait avec « une sorte de handicap linguistique », et cela même s’il disposait de qualifications importantes sur le plan professionnel. En outre, pour les institutions de l’Union, « il devrait être plus facile de résoudre un problème de communication […] qu’un problème de compétence ».

58      La République italienne invoque, par ailleurs, la pratique antérieure des institutions de l’Union, en avançant qu’il ne saurait être considéré que des difficultés insurmontables se présenteraient pour qu’un lauréat des concours en cause en l’espèce soit immédiatement opérationnel dès son recrutement en l’absence des connaissances linguistiques exigées par l’avis attaqué.

59      La République italienne rappelle que la période d’essai de plusieurs mois, laquelle est imposée à toutes les personnes recrutées par les institutions de l’Union, pourrait servir à ces personnes à acquérir ou à améliorer leurs compétences linguistiques. Les institutions de l’Union auraient l’obligation de consacrer du temps et des ressources à la formation linguistique des fonctionnaires et à la vérification de leur capacité de travail dans plusieurs langues. À cet égard, ni l’EPSO ni la Commission n’auraient effectué la mise en balance exigée par la jurisprudence entre l’objectif invoqué dans l’avis attaqué et les possibilités d’amélioration des connaissances linguistiques des lauréats des concours en cause une fois ceux-ci recrutés.

60      La Commission conteste l’argumentation de la République italienne.

61      Le Royaume d’Espagne soutient l’argumentation présentée par la République italienne.

62      Selon la jurisprudence, une limitation telle que la limitation litigieuse doit répondre à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89). L’intérêt du service peut, par ailleurs, constituer un objectif légitime susceptible d’être pris en considération dans un cas comme celui de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 88).

63      Or, il y a lieu de considérer que, sauf stipulation contraire de l’avis de concours y afférent, il existe bien un intérêt du service à ce que les personnes recrutées par les institutions de l’Union au terme d’une procédure de sélection telle que les procédures de sélection en cause puissent être immédiatement opérationnelles et, ainsi, capables d’assumer rapidement les fonctions que lesdites institutions ont l’intention de leur confier (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 91 et jurisprudence citée).

64      À cet égard, même à supposer qu’il faille toujours nécessairement prévoir un temps d’adaptation à de nouvelles tâches et à de nouvelles habitudes de travail ainsi que le temps nécessaire pour l’intégration dans un nouveau service, il est légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui soient, dès leur prise de fonctions, capables, à tout le moins, d’une part, de communiquer avec leur hiérarchie et leurs collègues et d’avoir, ainsi, la capacité de saisir aussi rapidement et parfaitement que possible la portée des fonctions qui leur sont confiées et le contenu des tâches qu’elles vont devoir accomplir et, d’autre part, d’échanger avec les collaborateurs et les correspondants externes des services en cause. En effet, ainsi qu’il a été jugé, les connaissances linguistiques des fonctionnaires sont un élément essentiel de leur carrière (arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 96). Partant, il doit être considéré comme légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui puissent utiliser efficacement et comprendre aussi bien que possible la ou les langues utilisées dans le cadre professionnel dans lequel ces personnes vont être intégrées.

65      Par ailleurs, force est de constater que la capacité des lauréats d’un concours tel que les concours en cause à être immédiatement opérationnels ne fait pas obstacle à ce qu’ils disposent des qualités exigées par l’article 27, premier alinéa, du statut (voir point 38 ci-dessus), ces capacités et qualités n’étant en aucun cas antinomiques.

66      Certes, la Cour a jugé que, bien que les connaissances linguistiques des candidats puissent, voire doivent, faire l’objet d’une évaluation lors d’une procédure de concours, afin que les institutions s’assurent que lesdits candidats possèdent les connaissances requises par l’article 28, sous f), du statut, cette évaluation poursuit un objectif indépendant de celle visant la détermination des « plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité », au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut. Ainsi, les connaissances linguistiques ne sauraient être assimilées aux « compétences » au sens de cette disposition (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 82).

67      En l’espèce, les connaissances linguistiques des candidats ne constituent qu’un parmi les nombreux critères pris en considération dans le cadre des procédures de sélection en cause. En effet, ainsi qu’il ressort des conditions particulières énoncées dans l’avis attaqué, pour ce qui est du concours EPSO/AD/342/17, les candidats doivent disposer des diplômes en ingénierie ou en architecture sanctionnant des cycles complets d’études universitaires, ainsi qu’avoir acquis, ensuite, une expérience professionnelle d’au moins trois ans en rapport direct avec la nature des fonctions concernées. De tels critères sont prévus également pour ce qui est des candidats au concours EPSO/AST/141/17, qui doivent disposer de diplômes sanctionnant des cycles complets d’études supérieures en sûreté des bâtiments, en sécurité au travail et sécurité des bâtiments, en technique du bâtiment ou dans un autre domaine en rapport direct avec la nature des fonctions concernées, ainsi qu’avoir acquis, ensuite, au moins trois ans d’expérience professionnelle dans le domaine en cause ou, alternativement, disposer d’un diplôme donnant accès à l’enseignement supérieur suivi d’une expérience professionnelle d’au moins six ans en rapport direct avec lesdits domaines (p. 3). L’ensemble des candidats doivent, par ailleurs, dans la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », apporter des réponses à des questions portant sur les critères de sélection figurant dans l’avis (p. 4). Les critères de sélection propres à chacun des deux concours concernés par l’avis attaqué sont, par ailleurs, détaillés dans les annexes I et II de l’avis attaqué (p. 7 et suivantes et p. 11 et suivantes).

68      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’objectif recherché par le biais de la limitation litigieuse est légitime et lié à l’intérêt du service.

69      Il convient, à cet égard, de relever que, selon la jurisprudence, pour autant qu’un objectif d’intérêt général puisse être invoqué et sa réalité démontrée, une différence de traitement telle que celle résultant de la limitation litigieuse doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être de nature à permettre que soit atteint l’objectif visé et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 93 et jurisprudence citée).

70      Ainsi, la Cour a jugé que, dans la mesure où l’objectif de recrutement de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité peut être mieux préservé lorsque les candidats sont autorisés à présenter les épreuves de sélection dans leur langue maternelle ou dans la deuxième langue qu’ils considèrent maîtriser le mieux, il appartient aux institutions de l’Union de mettre en balance l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et l’objectif d’identification des candidats ayant les plus hautes qualités de compétence. Il en va de même s’agissant de la mise en balance de l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et les possibilités d’apprentissage par les fonctionnaires recrutés, au sein des institutions, des langues nécessaires à l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, points 94 et 97).

71      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que l’examen en l’espèce de la mise en balance des différents objectifs et possibilités invoqués ci-dessus dans le cadre des procédures de sélection en cause relève, en réalité, de la question de savoir si la limitation litigieuse va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime invoqué. Or, ce contrôle et l’examen des arguments y afférents présentés par la République italienne (voir point 59 ci-dessus) ne doivent être effectués que s’il a été préalablement constaté que la limitation litigieuse est apte à réaliser l’objectif en question.

72      Partant, il convient, dans un premier temps et à la lumière des arguments présentés par la République italienne, de se pencher sur la question de savoir si l’avis attaqué et les éléments de preuve fournis par la Commission permettent d’établir, objectivement, l’existence d’un tel intérêt du service susceptible de justifier la limitation litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 95). Plus spécifiquement, il convient d’examiner les raisons pour lesquelles, selon l’avis attaqué et les éléments fournis, à cet égard, par la Commission, la limitation litigieuse permettrait aux institutions de l’Union concernées par l’avis attaqué de recruter des lauréats immédiatement opérationnels.

c)      Sur le motif lié aux langues de travail des intervenants externes avec lesquels les lauréats des concours en cause devront entretenir des contacts quotidiens 

73      Selon la République italienne, les motifs avancés dans l’avis attaqué ne permettraient pas de justifier la limitation litigieuse, premièrement, au vu de la diversité des situations et des activités auxquelles seront confrontés les lauréats des concours en cause, qui confirmerait le besoin pour ces derniers de disposer d’une connaissance satisfaisante d’autres langues que les trois langues proposées dans l’avis attaqué. Deuxièmement, la richesse du patrimoine culturel et technique et de l’expérience dans les domaines concernés par l’avis attaqué s’exprimerait dans toutes les langues de l’Union et il serait, ainsi, discriminatoire et disproportionné de restreindre la possibilité de puiser dans ce patrimoine au profit d’une des trois langues proposées dans l’avis attaqué.

74      Plus spécifiquement, la République italienne fait valoir que les motifs présentés dans l’avis attaqué sont non seulement dépourvus de fondement factuel, mais également caractérisés d’une absurdité logique. En effet, aucune des villes mentionnées dans l’avis attaqué n’est anglophone, alors que, même si le choix de l’anglais s’explique en raison de son caractère de langue véhiculaire, cette langue devrait être prise en considération également pour le Luxembourg, où il serait utilisé pratiquement par toute la population. Il n’y aurait, d’ailleurs, aucune raison d’exclure le flamand et le luxembourgeois, faisant partie des langues officielles respectivement de la Belgique et du Luxembourg, dès lors nécessairement utilisées par les autorités, les entreprises et les « opérateurs externes » locaux.

75      Selon la République italienne serait, en outre, incompréhensible le fait que les opérateurs externes avec lesquels les lauréats des concours en cause devraient entretenir des contacts seraient nécessairement établis dans les trois villes mentionnées dans l’avis attaqué, étant donné que les institutions de l’Union sont censées attribuer leurs marchés de travaux et de services à des entreprises établies dans toute l’Union, dont le personnel s’exprimerait dans toutes les langues de l’Union. La République italienne invoque, à cet égard, les directives sur les marchés publics, qui constitueraient « des références nécessaires dans l’organisation des procédures d’appel d’offres à l’initiative des institutions » de l’Union. Elle fournit, sur ce point, un rapport spécial de la Cour des comptes européenne, qui confirmerait ces affirmations.

76      Ainsi, selon la République italienne, la limitation litigieuse introduirait un « nouvel élément de restriction de la concurrence et de la transparence dans ce secteur sensible », dans la mesure où il existe un risque que les lauréats des concours concernés par l’avis attaqué favorisent, même involontairement, les entreprises en mesure de communiquer dans les trois langues proposées dans l’avis attaqué au détriment des autres langues de l’Union.

77      D’après la Commission, il était impératif, en l’espèce, de trouver une langue commune aux membres du personnel des bureaux de destination des lauréats des concours en cause, aux autorités locales et aux opérateurs externes. Partant, selon la Commission, c’est par rapport à la nécessité de pouvoir travailler avec chacune de ces trois catégories d’acteurs, rappelées dans l’avis attaqué, qu’il convient de vérifier si la limitation litigieuse est justifiée.

78      Le Royaume d’Espagne soutient l’argumentation présentée par la République italienne.

79      Force est de constater, d’emblée, que la Commission ne présente aucune argumentation spécifique s’agissant des motifs invoqués dans l’avis attaqué et censés justifier la limitation litigieuse. Elle ne fournit, par ailleurs, aucun élément susceptible de démontrer les faits invoqués dans ces motifs ou bien de remettre en cause les arguments avancés par la République italienne.

80      Or, d’une part, le seul fait que les services concernés par l’avis attaqué ont leur siège à Bruxelles, à Luxembourg et à Strasbourg ne signifie pas que les langues utilisées pour la communication avec les opérateurs externes sont nécessairement les langues officielles des pays où sont situées les villes susmentionnées. Si, en revanche, les services visés par l’avis attaqué sont censés échanger avec les autorités locales de leurs pays de siège dans les langues officielles desdits pays, force est de constater que l’anglais ne compte pas parmi les langues officielles de la France ou de la Belgique et que le néerlandais ne figure pas parmi les langues proposées aux candidats dans l’avis attaqué, la question du luxembourgeois ne pouvant en revanche être utilement invoquée dès lors que celui-ci ne figure pas parmi les langues officielles de l’Union.

81      D’autre part, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’argumentation de la République italienne tirée de la réglementation de l’Union en matière de passation de marchés publics, rien ne permet de considérer que les contractants et les entreprises externes avec lesquels les lauréats des concours en cause seront appelés à coopérer ont tous leur siège dans les villes mentionnées dans l’avis attaqué. En effet, aucun élément du dossier n’est susceptible de démontrer que les services concernés par l’avis attaqué ont été, par le passé, ou seront, dans le futur, amenés à collaborer exclusivement avec de tels opérateurs externes. Du reste, rien n’obligeant ces services à se tourner vers de tels opérateurs externes, ils peuvent toujours opter, dans le cadre de la passation d’un marché public, pour un opérateur externe siégeant dans des États membres autres que la Belgique, la France et le Luxembourg. De surcroît, aucun élément du dossier n’est susceptible de démontrer que les langues de travail des opérateurs externes avec lesquels ont coopéré, coopèrent ou vont coopérer les services concernés par l’avis attaqué sont les trois langues proposées dans l’avis attaqué, et cela indépendamment de leur État de siège.

82      Même s’il était possible de considérer que l’utilisation des trois langues concernées par les opérateurs externes visés dans l’avis attaqué, ou à tout le moins par certains parmi ceux-ci, constitue un fait notoire et qu’il n’y aurait, dès lors, pas besoin de l’établir au moyen d’éléments concrets et vérifiables, force est de constater que la limitation litigieuse ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme susceptible de faciliter la sélection des candidats immédiatement opérationnels. En effet, aucune stipulation de l’avis attaqué n’oblige les candidats à choisir leur langue 2 en fonction du siège du service auquel ils pourraient être affectés au terme des procédures de sélection en cause. Par conséquent et à titre d’exemple, rien n’exclut qu’un lauréat ayant choisi une langue de l’Union autre que les trois langues proposées dans l’avis attaqué comme langue 1 et l’anglais comme langue 2 des concours puisse présenter un profil adapté à un poste au sein des services concernés siégeant à Luxembourg, ou, encore, qu’un lauréat ayant choisi une langue de l’Union autre que les trois langues proposées dans l’avis attaqué comme langue 1 et l’allemand comme langue 2 des concours puisse présenter un profil adapté à un poste au sein d’un service situé à Bruxelles.

83      Certes, la Commission fournit, dans l’annexe B.11 du mémoire en défense, un courriel faisant état des échanges entre deux membres du personnel de l’Union affectés au Parlement, censé détailler les besoins linguistiques des services concernés par l’avis attaqué et, plus spécifiquement, des services de l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg de cette institution.

84      Selon ce courriel, s’agissant de la direction A de l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg, « la grande majorité d[es] contrats sont en français, une autre partie (beaucoup plus petite) en anglais ». Il en irait de même des « plans “as-built” et [d]es fiches techniques qui sont remises par les constructeurs », qui seraient « majoritairement en anglais et en français ». Quant à l’allemand, « hormis les contrats de bureaux d’information à Vienne, [à] Munich et [à] Berlin », la rédactrice du courriel précise qu’elle ne « pourrait pas […] signaler [grand-chose] ».

85      S’agissant de la direction D de l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg, il est précisé, premièrement, que « 95 % des documents sont en français, 5 % en anglais », deuxièmement, que la langue de travail est à « 90 % le français [et à] 10 % l’anglais » et, troisièmement, que tous les contrats sont en français. Il y est également indiqué que « les collègues [du] Luxembourg sont, naturellement, régulièrement en contact avec des entreprises allemandes » et qu’« [u]n petit nombre de ces entreprises (ex. Lot 61) communique avec [cet office] uniquement en allemand ».

86      Il y a lieu de constater que ces éléments sont susceptibles, tout au plus, d’établir l’utilisation généralisée du français et l’utilisation beaucoup plus limitée de l’anglais dans le cadre des échanges entre les services du Parlement concernés par l’avis attaqué et leurs interlocuteurs externes. Au contraire, l’utilisation de l’allemand ne serait, selon ces éléments, que résiduelle et, en tout état de cause, non exclusive, sauf par rapport à un « petit nombre », d’ailleurs indéfini, d’entreprises avec lesquelles seraient en contact les services concernés situés au Luxembourg. Or, en tout état de cause, ainsi qu’il a été relevé au point 82 ci-dessus, aucune stipulation de l’avis attaqué n’oblige les candidats à choisir leur langue 2 en fonction du siège du service auquel ils pourraient être affectés au terme des procédures de sélection en cause.

87      Le courriel en question se réfère, par ailleurs, aux « contrats de bureaux d’information » des services du Parlement dans différents pays germanophones qui seraient, quant à eux, rédigés en allemand. Toutefois, cet élément ne saurait être pris en considération pour la résolution du présent litige. En effet, ainsi que la Commission l’a précisé dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure, le Parlement dispose de 35 offices régionaux, situés dans tous les États membres et également en dehors de l’Union. Or, il est permis de considérer que les contrats concernant ces bureaux d’information sont rédigés dans la langue officielle de chacun des pays concernés.

88      Selon la Commission, dans tous ces offices régionaux, « l’utilisation des trois langues [proposées dans l’avis attaqué] demeure majoritaire » alors que, « même lorsque la version originale du contrat doit être dans la langue officielle du pays dans lequel est situé l’office [en question], les services du Parlement doivent toujours avoir une version de travail de ce contrat dans une des trois langues ».

89      À cet égard, il y a lieu de constater, premièrement, que la Commission ne fournit aucun élément susceptible d’appuyer ces affirmations. Deuxièmement, même s’il doit être admis que tous les contrats concernant les offices régionaux du Parlement sont traduits, le degré d’implication, dans ce cadre, des services de traduction de cette institution ne ressort pas des pièces du dossier. Troisièmement, même à supposer que les services du Parlement doivent toujours conserver une « version de travail » de tous les contrats en cause dans une des trois langues proposées dans l’avis attaqué, la Commission ne précise nullement si l’ensemble des langues en question sont effectivement utilisées par les services du Parlement à cette fin, ni à quel pourcentage le serait chacune, ni, enfin, sur quelle règle cette pratique serait fondée.

90      Il ressort de ce qui précède que les motifs contenus dans l’avis attaqué ne sont, en l’espèce, établis ni par les éléments compris dans ledit avis ni par les éléments fournis par la Commission dans le cadre du présent litige.

91      Or, cette constatation remet en cause l’argumentation présentée en l’espèce par la Commission dans son ensemble. En effet, dans la mesure où il ne saurait être considéré comme étant établi que les langues de travail des opérateurs externes et des autorités locales visés dans l’avis attaqué sont les trois langues proposées aux candidats pour le choix de la langue 2 des concours, il ne saurait non plus être considéré que les trois langues en question constituent des langues de travail « communes », d’une part, à ces opérateurs et à ces autorités locales et, d’autre part, aux services visés par l’avis attaqué. Par conséquent et au vu du libellé clair et incontestable de l’avis attaqué, les arguments présentés et les éléments produits par la Commission en vue d’établir que les trois langues en question constituent les langues de travail de ces services ne sauraient être considérés comme étant pertinents pour la résolution du présent litige.

92      La Commission fait, néanmoins, allusion également, dans le mémoire en défense, aux besoins logistiques des procédures de sélection en cause, notamment en ce qui concerne la constitution des jurys de sélection (voir point 55 ci-dessus). Elle fait valoir, plus spécifiquement, au point 63 dudit mémoire, que la limitation litigieuse serait justifiée par la « nature de la procédure de sélection » décrite dans l’avis attaqué, « à savoir, principalement, [l’étape de celle-ci appelée] Centre d’évaluation ». Ainsi, afin de procéder à une évaluation homogène des candidats et de leur permettre de communiquer avec le jury et les autres participants, les épreuves devraient se dérouler dans une langue « commune ». Ces épreuves simulant une « journée de travail », elles devraient se dérouler dans « une des langues véhiculaires » concernées. La Commission prétend, par ailleurs, à cet égard, que l’utilisation de toutes les langues officielles dans la seconde partie des épreuves du concours obligerait les candidats à avoir recours à l’interprétation simultanée, vu que « les membres du jury ne connaissent pas nécessairement tous l’ensemble des langues officielles de l’Union », ce qui entraînerait un risque très élevé de « participer aux concours avec un lourd handicap ». La Commission invoque, sur ce point, également, le principe d’égalité de traitement des candidats ainsi que le coût économique important qu’impliquerait l’utilisation de l’ensemble des langues officielles de l’Union dans le cadre des épreuves des concours en cause.

93      Ainsi qu’il a été indiqué au point 54 ci-dessus, de tels motifs ne ressortent aucunement du libellé de l’avis attaqué. Si, certes, les étapes de la procédure de sélection en cause sont décrites en détail dans ce dernier, la motivation y figurant concernant la limitation litigieuse ne fait aucune mention spécifique à ces étapes ou bien aux méthodes employées lors des épreuves prévues par l’avis attaqué. Même à supposer qu’une telle justification puisse ressortir, de manière indirecte, de la description des épreuves des concours en cause, quod non, il ne saurait, pourtant, être raisonnablement exigé des personnes intéressées par ces concours de saisir une telle justification implicite. Or, selon une jurisprudence constante, les règles limitant le choix de la langue 2 d’un concours tel que ceux en cause en l’espèce doivent reposer sur des critères « clairs, objectifs et prévisibles » (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 91 et jurisprudence citée).

94      En tout état de cause, force est de constater que les motifs invoqués par la Commission et portant sur les besoins logistiques des procédures de sélection en cause, et, notamment, sur la constitution des jurys, se fondent sur la prémisse selon laquelle les trois langues proposées aux candidats dans l’avis attaqué constitueraient les « langues véhiculaires » ou encore les « langues de travail » des institutions de l’Union concernées par ce dernier avis et seraient, ainsi, des langues connues et parlées par les membres potentiels des jurys. En effet, le reste des arguments y afférents présentés par la Commission, à savoir ceux invoquant l’évaluation homogène des candidats, le respect du principe d’égalité de traitement de ceux-ci ainsi que le coût économique important de procédures de sélection multilingues, ne sont pas liés à la limitation litigieuse en particulier, à savoir à la limitation du choix de la langue 2 des concours en cause à l’allemand, à l’anglais et au français, mais seraient, au contraire, valables indépendamment des langues spécifiques proposées aux candidats dans l’avis attaqué, pourvu que ce dernier limite ledit choix à un nombre restreint de langues.

95      Partant, il convient, afin d’examiner l’ensemble de l’argumentation présentée par la Commission en l’espèce, de se pencher, auparavant, sur les éléments fournis par celle-ci par lesquels elle cherche à établir que les trois langues proposées dans l’avis attaqué constituent les « langues véhiculaires » ou les « langues de travail » des services concernés par l’avis attaqué.

d)      Sur les langues de travail des services concernés par l’avis attaqué

96      À l’appui de son argumentation y afférente, la Commission fournit, d’une part, des éléments se rapportant à sa pratique interne en matière linguistique et, d’autre part, des éléments relatifs aux langues qui seraient utilisées par les services concernés par l’avis attaqué.

1)      Sur la pratique interne de la Commission en matière linguistique

97      La Commission fait, en substance, valoir qu’elle a adopté des règles internes configurant son régime linguistique. Elle invoque, à cet égard, la communication SEC(2000) 2071/6 du président de la Commission, du 29 novembre 2000, relative à la simplification du processus décisionnel de la Commission, approuvée par le collège de ses membres lors de sa réunion du 29 novembre 2000.

98      La Commission fournit également, à cet égard, un document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », censé comporter les règles établies par le président de la Commission sur la base des modalités d’exécution du règlement intérieur de cette institution et ayant comme objet l’adoption de décisions de cette dernière par procédure orale ou écrite ou par habilitation. Selon ces règles, tous les documents provenant des services de la Commission, y compris ceux auxquels seront intégrés les lauréats des concours en cause, et adressés au collège de ses membres pour approbation ou même pour information devraient toujours être rédigés en allemand, en anglais ou en français. Il en va de même pour ce qui est des consultations entre les différents services de la Commission.

99      La Commission produit, en outre, d’une part, son règlement intérieur (JO 2000, L 308, p. 26), tel que modifié, en dernier lieu, en 2011, et, d’autre part, les modalités d’exécution dudit règlement, annexées à sa décision C(2010) 1200 final, du 24 février 2010, modifiant son règlement intérieur.

100    Enfin, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal, la Commission a également fourni certains documents relatifs à la mise en œuvre des « règles » contenues dans le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » ainsi que sa communication SEC(2006) 1489 final, du 20 décembre 2006, relative à « la traduction à la Commission » et assortie d’une annexe exposant les « règles de traduction après 2006 ».

101    Avant de se pencher sur ces éléments, il est utile d’indiquer, d’ores et déjà, que, contrairement à ce que prétend la Commission dans la duplique, la République italienne a bien contesté, certes a minima, mais globalement, les éléments relatifs à la pratique interne de la Commission en matière linguistique, en affirmant, notamment, qu’ils ne renvoyaient qu’au fonctionnement du collège de ses membres. Elle a fait valoir également que, en tout état de cause, il n’était pas démontré que, dans tous les services de l’Union, la communication interne se serait effectuée dans les trois langues concernées.

102    Ensuite, force est de constater, d’une part, que, les éléments en question ne concernant qu’une seule des trois institutions de l’Union visées par les procédures de sélection en cause, leur pertinence est toute relative pour la résolution du présent litige, d’autant plus que ces trois institutions ne sont pas les seules susceptibles d’embaucher des lauréats des concours en cause.

103    Ce caractère relatif de la pertinence des documents fournis par la Commission se confirme, par ailleurs, par les éléments qu’elle a présentés en réponse à une mesure d’organisation de la procédure selon lesquels six lauréats des concours en cause ont été embauchés par une institution de l’Union autre que les trois visées dans l’avis attaqué.

104    D’autre part, s’agissant de l’objet de la communication SEC(2000) 2071/6, produite dans l’annexe B.3 du mémoire en défense (voir point 97 ci-dessus), il consiste, en substance, à évaluer les différents types de procédures de prise de décision par le collège des membres de la Commission, tels qu’ils étaient prévus par son règlement intérieur dans sa version en vigueur au moment où elle a été émise, et à en proposer la simplification. C’est dans un tel contexte et en se référant à la seule procédure écrite que le point 2.2 de la communication en question indique que les « documents doivent être diffusés dans les trois langues de travail de la Commission », sans, par ailleurs, les nommer. Or, ce seul passage, quand bien même il comporte l’expression « langues de travail », ne suffit pas pour établir que l’allemand, l’anglais et le français seraient les langues effectivement utilisées par tous les services de la Commission dans leur travail au quotidien (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 113).

105    En outre, la portée de cette référence est nuancée au égard à d’autres passages de cette communication.

106    Ainsi, d’une part, il résulte du point 2.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 que, dans le cadre de la procédure par habilitation, par le biais de laquelle la Commission peut habiliter un ou plusieurs de ses membres à prendre des décisions en son nom et sous sa responsabilité, le texte de la décision à adopter est « présenté dans une seule langue de travail et/ou dans ses versions qui font foi ».

107    D’autre part, le point 5.2 de la communication SEC(2000) 2071/6, intitulé « Simplifier le régime linguistique », met en évidence le rôle de la direction générale (DG) « Traduction » de la Commission, qui est « pleinement impliqué[e] dans le processus » décisionnel. Il y est, notamment, précisé qu’« une des causes majeures de retard dans le lancement ou l’achèvement des procédures écrites et des procédures par habilitation est l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes-linguistes », ce qui rendrait indispensable une transmission à temps des documents concernés à la DG « Traduction ».

108    Compte tenu de ce qui précède, la communication SEC(2000) 2071/6 ne permet pas de tirer des conclusions utiles quant à l’utilisation effective de l’allemand, de l’anglais et du français dans le travail quotidien des services de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 117) et encore moins dans l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué.

109    Cette constatation ne saurait être remise en cause par les autres textes fournis par la Commission et censés établir l’existence d’une pratique linguistique interne de cette institution (voir point 98 ci-dessus).

110    S’agissant du règlement intérieur de la Commission, il importe de relever d’emblée que celui-ci ne comporte pas de dispositions sur les langues devant être utilisées par les organes visés à son chapitre I, à savoir les membres de la Commission agissant en collège ainsi que son président et son secrétaire général, ni sur les langues de travail devant être utilisées par les services de cette institution visés à son chapitre II. Seul l’article 17 du règlement intérieur, relatif à l’authentification des actes adoptés par la Commission, se borne à énoncer que celle-ci se fait « dans la ou les langues dans lesquelles ils font foi », c’est-à-dire, selon le paragraphe 5 de cet article, « toutes les langues officielles de l’Union […] lorsqu’il s’agit d’actes de portée générale et, pour les autres, celles de leurs destinataires ».

111    Il convient, néanmoins, de tenir compte des articles 6 et 12 à 14 du règlement intérieur de la Commission ainsi que des modalités d’application de ces articles. C’est d’ailleurs sur le fondement de ces modalités qu’aurait été édicté le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », fourni dans l’annexe B.5 du mémoire en défense.

112    L’article 6 du règlement intérieur de la Commission dispose, en son paragraphe 1, que « [l]e président arrête l’ordre du jour de chaque réunion de la Commission » et, en son paragraphe 4, que « l’ordre du jour et les documents nécessaires sont communiqués aux membres de la Commission dans les conditions fixées conformément aux modalités d’application ».

113    En ce qui concerne les articles 12 à 14 du règlement intérieur de la Commission, ceux-ci sont relatifs aux procédures décisionnelles autres que la procédure orale visée à son article 8 et régissent, respectivement, la procédure écrite, la procédure d’habilitation et la procédure de délégation. S’agissant, en particulier, de la procédure écrite, l’article 12, paragraphe 2, du règlement intérieur dispose que « le texte du projet est communiqué par écrit à tous les membres de la Commission, dans les conditions fixées par celle-ci conformément aux modalités d’application ».

114    L’ensemble des dispositions du règlement intérieur de la Commission mentionnées au point 113 ci-dessus sont explicitées par les modalités d’application de ce règlement, en date du 24 février 2010 (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, points 124 à 126).

115    S’agissant, enfin, du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », celui-ci fait, notamment, référence à l’utilisation de « langues procédurales », notion qui devrait être comprise comme désignant les langues qui servent à la compréhension du contenu d’un projet d’acte en vue de son adoption par le collège des membres de la Commission ou, le cas échéant, par un organe délégué. Il résulte dudit document que les « langues procédurales » sont l’allemand, l’anglais et le français et que leur utilisation varie selon le type de procédure d’adoption d’acte.

116    Ainsi, en ce qui concerne les procédures orales et écrites, le document en question indique qu’un projet d’acte et ses annexes éventuelles sont soumis aux membres de la Commission dans les trois langues procédurales ainsi que, le cas échéant, dans la ou les langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de l’acte concerné. Il y est également précisé que, à la suite de l’adoption d’un tel acte, les versions de celui-ci dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

117    Pour ce qui est des procédures d’adoption d’acte par habilitation ou délégation, il résulte du document en question que l’organe délégué peut accepter d’adopter un acte sur la base d’une seule langue procédurale, mais que, le cas échéant, la ou les versions de celui-ci dans la ou les autres langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de cet acte doivent également être rendues disponibles. En outre, de même que pour les procédures orales ou écrites, le document en question énonce que les versions dudit acte dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

118    Par ailleurs, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » prévoit que le président de la Commission peut, dans certaines conditions, accorder, ponctuellement ou à titre permanent, des dérogations quant au nombre de langues procédurales devant être utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption ou à la fois pour le lancement d’une telle procédure et pour l’adoption de l’acte concerné.

119    En ce qui concerne, plus particulièrement, les dérogations permanentes, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » précise que celles-ci peuvent être accordées, par le biais des notes officielles émanant du secrétaire général ou du cabinet du président, pour certains dossiers récurrents, par exemple dans le cas d’adoption de mesures restrictives sur le fondement de l’article 29 TUE, en matière d’aides d’État ou dans le cas de la signature d’accords-cadres avec des organismes internationaux.

120    À cet égard, il convient de relever que, pris dans leur ensemble, les textes fournis dans les annexes B.3 à B.7 du mémoire en défense et mentionnés aux points 97 à 99 ci-dessus ne sauraient s’analyser comme des modalités d’application, dans le règlement intérieur de la Commission, du régime linguistique général établi par le règlement no 1, au sens de l’article 6 de ce dernier. Il y a plutôt lieu de les lire comme reflétant une pratique administrative longuement établie au sein de cette institution, consistant à utiliser l’allemand, l’anglais et le français comme langues dans lesquelles les documents doivent être rendus disponibles pour être soumis à l’approbation du collège des membres (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 132).

121    En ce qui concerne, en particulier, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », la Commission a précisé que celui-ci était extrait du « Manuel des procédures opérationnelles », à savoir un guide électronique interne élaboré par les services de son secrétariat général et ayant pour objet, notamment, de codifier ladite pratique administrative. S’agissant de la date d’adoption et de l’application dans le temps de ce guide, la Commission s’est bornée à se référer à la note SEC(2003) 153 de son secrétaire général à l’attention des directeurs généraux et des chefs de service, du 11 février 2003, relative à la mise à jour dudit guide et à sa diffusion sur son site Intranet.

122    Or, à supposer même que la version dudit document produite par la Commission avec son mémoire en défense fût bien celle existante à la date de la publication de l’avis attaqué, un document extrait du « Manuel des procédures opérationnelles » ne saurait s’analyser comme une décision du président de cette institution de fixer les langues de présentation des documents soumis au collège de ses membres (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 134). Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce document a été formellement approuvé par le président de la Commission, et encore moins par le collège de ses membres.

123    De manière générale, les éléments fournis par la Commission ne permettent pas de conclure qu’il existait, au moment de la publication de l’avis attaqué, une décision interne fixant les langues de travail au sein de cette institution.

124    Ces précisions liminaires étant faites, il convient de constater que, dans la mesure où ils ont pour seul objet de définir les langues nécessaires au déroulement des différentes procédures décisionnelles de la Commission, l’ensemble des textes produits par cette dernière ne sont pas de nature à justifier la limitation litigieuse au regard des spécificités fonctionnelles des emplois visés par l’avis attaqué.

125    Plus précisément, il ne ressort ni de ces textes ni des autres éléments du dossier qu’il existe un lien nécessaire entre les procédures décisionnelles de la Commission, notamment celles se déroulant au sein du collège de ses membres, et les fonctions que les lauréats des concours en cause seront susceptibles d’exercer. En effet, à supposer même que les membres d’une institution déterminée utilisent exclusivement une ou certaines langues dans leurs délibérations, il ne saurait être présumé, sans davantage d’explications, qu’un fonctionnaire nouvellement recruté, qui ne maîtrise aucune de ces langues, ne serait pas capable de fournir immédiatement un travail utile dans l’institution en question (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 137 et jurisprudence citée). Ainsi, la Commission aurait dû, en l’espèce, établir en quoi chacune des langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 des concours en cause présenterait une utilité particulière pour l’exercice des fonctions visées dans cet avis (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 77).

126    Il ne ressort pas non plus des documents produits par la Commission que l’ensemble des trois langues qualifiées de « langues procédurales » soient effectivement utilisées par ses services, dans leur travail au quotidien. En outre, il résulte de la communication SEC(2000) 2071/6 (voir point 97 ci-dessus) que le service de traduction de cette institution est « pleinement » impliqué dans le processus décisionnel. Cette communication fait également mention du délai nécessaire pour l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes‑linguistes, ainsi que de la nécessité d’une transmission à temps des documents concernés au service de traduction. Ces références laissent ainsi entendre que c’est non pas le service matériellement responsable de la rédaction d’un document, mais bien la DG « Traduction » qui établit les versions de ce document dans les langues procédurales nécessaires en vue de leur transmission au collège des membres, le service responsable de l’élaboration de ce document se limitant à une tâche de vérification du texte traduit. Il est, en effet, difficilement envisageable que, hormis cette direction, un service puisse exiger de chaque membre de son personnel de fournir trois versions linguistiques des documents à soumettre pour adoption au collège.

127    Enfin, dans la mesure où aucun fonctionnaire n’est tenu d’avoir une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2, il est tout aussi difficilement envisageable que la mission d’établir un projet d’acte dans les versions linguistiques requises pour sa transmission à ce collège soit simultanément répartie entre un nombre correspondant de fonctionnaires relevant du service responsable pour la rédaction de ce projet. Cela devient encore plus difficile à envisager dans la mesure où il n’existe aucune garantie que des fonctionnaires disposant d’une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues concernées soient recrutés au sein de chaque service.

128    L’appréciation qui précède ne saurait être remise en cause par les arguments que la Commission tire de la communication SEC(2006) 1489 final. Selon la Commission, il résulte de cette communication, en particulier de son annexe intitulée « Règles de traduction après 2006 », que, s’agissant des documents à usage interne, seule une traduction en anglais, en français et en allemand serait exigée, en sus d’une éventuelle langue faisant foi.

129    Il convient, à cet égard de relever que le contenu de la communication SEC(2006) 1489 final a pour effet non pas d’infirmer, mais, bien au contraire, de confirmer l’appréciation exposée aux points 125 et 126 ci-dessus. En effet, les « règles de traduction après 2006 », présentées en annexe à cette communication, ne mentionnent l’allemand, l’anglais et le français que comme langues cibles dans lesquelles doivent être traduites certaines catégories de documents, sans aucunement en définir la langue source. Par ailleurs, pour la grande majorité des catégories de documents visées par lesdites règles, une traduction dans toutes les langues officielles est prévue, la traduction vers les seules langues allemande, anglaise et française étant, en réalité, l’exception.

130    Dans ces conditions et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette pièce, il convient de considérer que la communication SEC(2006) 1489 final ne présente pas de pertinence pour la résolution du présent litige.

131    En tout état de cause et indépendamment même de l’existence d’un lien entre les procédures décisionnelles de la Commission et les fonctions visées par l’avis attaqué, force est de constater que les textes produits par la Commission sont loin d’indiquer une utilisation exclusive des trois langues « procédurales » dans les procédures qu’ils encadrent.

132    En effet, d’une part, certes, ainsi qu’il résulte du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », le lancement d’une procédure d’adoption nécessite, en règle générale et sans préjudice de la possibilité d’utiliser une seule langue dans les procédures d’habilitation et de délégation, la présentation du projet d’acte dans les trois langues procédurales. Il n’en demeure pas moins que l’adoption de ce projet peut rendre ou rend obligatoirement nécessaire, selon les exigences découlant de la nature de l’acte concerné, la disponibilité de celui-ci également dans une ou plusieurs autres versions linguistiques, voire, lorsque l’acte en question est destiné à être publié au Journal officiel de l’Union européenne ou à être transmis à d’autres institutions, dans toutes les langues officielles de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 145).

133    D’autre part, ainsi qu’il ressort du même document, des dérogations sont possibles quant au nombre de langues procédurales utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption, voire aussi pour l’adoption d’un projet d’acte (voir point 118 ci-dessus).

134    En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes dont il a été question au point 119 ci-dessus, le document en question indique, par exemple, que les décisions individuelles en matière d’aides d’État sont établies dans l’une des « langues procédurales », « généralement l’anglais ou le français ». S’agissant des autres domaines visés par ce type de dérogation, des notes émanant du secrétaire général de la Commission que cette dernière a fournies devant le Tribunal en réponse à des mesures d’organisation de la procédure autorisent la présentation de projets d’acte dans une seule « langue procédurale ». Force est, toutefois, de constater que ces notes n’identifient pas celle des trois « langues procédurales » qui peut concrètement être utilisée, ce qui ne permet pas d’en tirer des conclusions utiles.

135    Enfin, il ne faut pas perdre de vue que, selon le document en question, il est toujours possible d’accorder une dérogation ponctuelle relative au régime linguistique d’un projet d’acte donné, et ce quel que soit le type de procédure décisionnelle.

136    Le restant des arguments présentés par la Commission ne saurait non plus suffire à remettre en cause les constatations exposées ci-dessus.

137    La Commission allègue, plus spécifiquement, que la portée des règles qui ressortent des documents fournis dans les annexes B.3 à B.7 du mémoire en défense ne se limite pas au fonctionnement du collège de ses membres, mais concerne « le dépôt de tout projet de décision que la Commission doit approuver, et cela en se fondant sur le postulat évident que ce sont les services de l’institution qui élaborent ce projet de décision ». La Commission renvoie, à cet égard, à l’annexe B.8 du mémoire en défense, qui comporte un courriel envoyé le 29 septembre 2017 à un membre du service des ressources humaines de la Commission par son correspondant au sein de la DG « Concurrence ». Selon ce courriel, qui démontrerait que « au sein de la Commission, les règles internes étaient interprétées et appliquées précisément à l’effet d’établir des langues de travail au sein des différents services », les consultations interservices « sont tou[tes] en EN/FR/DE dans toute la Commission, simplement parce que c’est obligatoire pour toutes les CIS (règle du SG) ».

138    En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a indiqué, dans l’annexe B.8 du mémoire en défense, par le terme « consultations interservices », qu’il était fait référence aux consultations prévues à l’article 23, paragraphes 3 à 7, de son règlement intérieur. Selon la Commission, les consultations prévues dans ces dispositions sont d’application pour toute activité de l’institution concernée, y compris celles de caractère politique, et impliquent non seulement les services ayant un « intérêt légitime », à savoir ceux qui sont susceptibles d’être intéressés en fonction de la matière traitée, mais également les services tels que le secrétariat général ou le service juridique.

139    Selon la Commission, ces consultations ont lieu entre les services aux fins de la préparation de chaque document à soumettre au collège pour approbation. L’objectif de la procédure en question serait d’« obtenir l’avis de tous les services » sur les projets de documents. Tout projet serait, d’ailleurs, rédigé dans l’une des trois langues proposées dans l’avis attaqué, conformément à l’annexe B.5 du mémoire en défense, dans la mesure où il est « destiné à être transmis au collège pour approbation ». Il en irait de même s’agissant de la « consultation qui a lieu sur ce document », et cela « pour permettre au collège de prendre en considération les différentes positions des différents services ».

140    Pour ce qui est, enfin, de la « règle du SG » à laquelle il est fait mention dans l’annexe B.8 du mémoire en défense, il s’agirait, selon la Commission, de la règle « contenue dans l’annexe B.5 » dudit mémoire.

141    Force est de constater que la valeur probatoire de l’annexe B.8 du mémoire en défense reste toute relative, dans la mesure où ce document ne saurait, en réalité, être vu que comme faisant état de la manière avec laquelle ont été interprétées certaines règles relatives au régime linguistique de la Commission par un seul membre du personnel affecté à la DG « Concurrence ». En tout état de cause, même à considérer les éléments factuels que comporte cette annexe comme étant établis, il y a lieu de constater qu’aucun lien entre les fonctions, d’ailleurs hautement spécialisées, comme la Commission le relève elle-même, que les lauréats des concours en cause en l’espèce seront appelés à exercer et la tenue de ces consultations ne ressort des pièces du dossier. Il est, certes, vrai que ces consultations peuvent impliquer, selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement intérieur de la Commission, tous les services « ayant un intérêt légitime » pour le projet de document à transmettre au collège et donc, le cas échéant, les services visés par l’avis attaqué. Toutefois, le rôle éventuel de la DG « Traduction » dans le cadre de ces consultations n’est pas précisé dans les écritures de la Commission. Ainsi, dans la mesure où les services de cette direction générale pourraient être susceptibles d’intervenir pour garantir que les documents destinés au collège soient disponibles en allemand, en anglais et en français, il n’est pas exclu que les services de la Commission impliqués dans ces consultations ne travaillent pas dans les trois langues en question, mais dans une de celles-ci ou, encore, dans une quatrième langue. Les constatations exposées aux points 126 et 127 ci-dessus valent, par ailleurs, également en ce qui concerne les procédures de consultations auxquelles il est fait mention dans l’annexe B.8 du mémoire en défense.

142    La Commission fournit, en outre, en annexe à la duplique, la communication C(2014) 9004 de son président au collège, du 11 novembre 2014, sur les méthodes de travail de cette institution pour la période de 2014 à 2019. Ce document stipulerait que, lorsqu’une correspondance externe exige une réponse urgente d’un membre de la Commission, celui-ci doit envoyer une traduction en anglais, en français ou en allemand à tous les services de la Commission sans exception afin que ceux-ci rédigent un projet de réponse.

143    Indépendamment de la question de savoir si cette annexe est recevable, étant donné que la Commission ne justifie aucunement sa production tardive, conformément à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, il y a lieu de constater, en tout état de cause, que ledit document n’est pas susceptible de remettre en cause les constatations exposées notamment aux points 125 à 127 ci-dessus.

144    En effet, selon le point 4.2 de l’annexe no 4 de ce document, intitulé « Principes régissant les relations de travail entre les membres de la Commission, leurs cabinets et les services de la Commission » et portant sur le traitement de la correspondance reçue par les cabinets des membres de la Commission, « [s]i la correspondance est rédigée dans une langue autre que l’anglais, le français ou l’allemand et requiert une réponse urgente, le cabinet la fait traduire dans une de ces langues avant de l’envoyer au service [concerné] afin qu’une réponse soit rédigée et fait, également, traduire le projet de réponse ».

145    Il est, certes, vrai que cette stipulation part de l’hypothèse selon laquelle une ou plusieurs personnes affectées aux services de la Commission disposent d’une connaissance satisfaisante d’une des trois langues qui y sont mentionnées et il peut être considéré que c’est pour cette raison que les cabinets « font traduire » la correspondance mentionnée dans une de ces trois langues. Il n’en reste pas moins que le document fourni en annexe B.8 du mémoire en défense par la Commission, qui ne concerne que les échanges entre les cabinets des membres de celle-ci et les services et non pas le travail des services au quotidien, ne saurait être considéré comme consacrant une règle spécifique à cet égard, ni à lui seul ni pris conjointement avec les documents fournis en annexe du mémoire en défense.

2)      Sur les éléments relatifs aux « langues utilisées » par les services concernés par l’avis attaqué

146    Il convient de constater que la Commission produit plusieurs éléments visant à établir que les « langues utilisées » par les services concernés par l’avis attaqué sont les trois langues proposées par ce dernier aux candidats, à savoir l’allemand, l’anglais et le français.

147    Il importe, à cet égard, de relever que la Commission prétend, dans la duplique, que le Tribunal doit tenir compte du fait que la République italienne n’a pas contesté les annexes à la défense, alors qu’elle avait la possibilité de le faire dans la réplique. Or, contrairement à ce que soutient la Commission, la République italienne a bien contesté, certes a minima, mais globalement, ces éléments. En effet, en ce qui concerne les éléments portant sur les langues utilisées par les services concernés par l’avis attaqué au quotidien, la République italienne, déjà dans la requête, affirmait que le nombre absolu de personnes parlant les différentes langues officielles au sein des services des institutions de l’Union ne saurait être pertinent en l’espèce, dans la mesure où la « seule donnée » qui serait « utile » serait de savoir « quelles sont les langues utilisées dans la communication entre personnes de langue maternelle différente ».

148    S’agissant des éléments fournis par la Commission, elle produit, premièrement, dans l’annexe B.9 du mémoire en défense, un tableau qui comporterait des données statistiques sur les langues utilisées par toutes les catégories du personnel chargé de la gestion des biens immobiliers de la Commission en tant que deuxième et troisième langues, se rapportant au 1er juillet 2017.

149    Plus spécifiquement, il ressort de ce tableau que, sur les 447 personnes en activité auprès de l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg, 221 personnes ont déclaré en tant que première langue le français, 37 personnes l’italien, 23 personnes l’espagnol, 22 personnes le portugais, 18 personnes le roumain et 14 personnes l’allemand. S’agissant de la deuxième langue, 130 personnes ont déclaré l’anglais, 84 personnes le français, 22 personnes l’allemand, 16 personnes l’italien, 1 personne le néerlandais, 1 personne l’espagnol, 1 personne le polonais et 235 personnes apparaissent n’ayant déclaré aucune langue. Concernant le niveau de connaissance des langues déclarées en tant que deuxième langue, la Commission a confirmé, par ses réponses à une mesure d’organisation de la procédure, qu’il s’agit d’une connaissance satisfaisante, étant donné qu’une telle connaissance d’une deuxième langue constituait une condition de recrutement selon l’article 28, sous f), du statut.

150    En ce qui concerne, enfin, la troisième langue, 51 personnes ont déclaré l’anglais, 22 personnes le français, 10 personnes l’allemand, 10 personnes le néerlandais, 8 personnes l’italien, 4 personnes l’espagnol, 2 personnes le suédois, 1 personne le danois, 1 personne le slovaque et 361 personnes apparaissent comme n’ayant déclaré aucune langue.

151    Dans la réplique, la République italienne fait valoir que, au vu des éléments qui ressortent de l’annexe B.9 du mémoire en défense, il faudrait considérer soit qu’ils ne sont pas pertinents, soit que le régime linguistique des concours « devrait être soit le monolinguisme français, soit le pentalinguisme élargi également au néerlandais et à l’italien, étant donné que ces dernières langues sont autant parlées que l’anglais et sont moins parlées que l’allemand, mais dans une mesure si faible qu’elle ne saurait justifier » la limitation litigieuse. La République italienne produit, par ailleurs, dans l’annexe A.3 de la requête, un bulletin statistique recensant la nationalité et le grade des fonctionnaires, administrateurs et assistants, le 1er janvier 2013. Selon la République italienne, ce document démontre que « de larges groupes linguistiques représentant les 27 langues de l’Union travaillent dans les institutions ».

152    Dans la duplique, la Commission fait valoir que les données fournies par la République italienne ne renseignent aucunement sur les connaissances linguistiques du personnel concerné.

153    Sans qu’il soit besoin d’examiner le document fourni par la République italienne, qui porte, d’ailleurs, sur l’ensemble des fonctionnaires de l’Union et non pas sur les services concernés par l’avis attaqué, il y a lieu d’écarter l’argumentation de la Commission se référant à l’annexe B.9 du mémoire en défense, et ce pour les raisons qui suivent.

154    Tout d’abord, il y a lieu de constater que le tableau en question ne fait, à première vue, que présenter des données concernant les connaissances linguistiques du personnel affecté à l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg.

155    Or, indépendamment de la question de savoir si l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg est le seul service de la Commission concerné par l’avis attaqué, force est de constater que des éléments se rapportant aux connaissances linguistiques du personnel en activité d’une institution ne sont pas, à eux seuls, de nature à justifier une limitation du choix de la langue 2 d’un concours à un nombre restreint de langues officielles, dans la mesure où un tableau tel que celui en cause en l’espèce ne permet pas d’établir quelles sont les langues effectivement utilisées par les services concernés dans leur travail au quotidien, voire la ou les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué.

156    Certes, la Commission fait valoir à la fois que les langues qui apparaissent sur ce document sont « les langues utilisées par l’ensemble du personnel de ce service […] comme langue véhiculaire, autrement dit comme deuxième ou troisième langue en plus d’une langue principale », que ces langues sont les « langues utilisées par toutes les catégories de personnel […] en tant que deuxième et troisième langue » dans les services concernés et que les données figurant sur ce tableau attestent des « connaissances linguistiques professionnelles » des fonctionnaires concernés.

157    Toutefois, l’annexe B.9 du mémoire en défense ne saurait établir ni à elle seule ni prise conjointement avec les autres éléments fournis par la Commission que les langues qui ont été déclarées par les fonctionnaires en tant que deuxième et troisième langues constitueraient des « langues véhiculaires » ou des « langues de travail » des services en cause.

158    Par ailleurs, il importe de rappeler qu’une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint de langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable, voire nécessaire, d’autres langues dont la connaissance ne confère aucun avantage particulier aux lauréats potentiels d’un concours par rapport à celle d’une autre langue officielle. En effet, s’il est admis, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles (voir arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 159 et jurisprudence citée).

159    Ainsi, même s’il devait être considéré que les connaissances linguistiques du personnel en activité peuvent indiquer que, pour être immédiatement opérationnelle sur le plan de la communication interne, une personne nouvellement recrutée devrait maîtriser une langue bénéficiant d’un degré de diffusion particulièrement élevé au sein de ce personnel, les données produites par la Commission, en l’espèce, ne sauraient justifier la limitation litigieuse.

160    S’agissant, d’une part, des données relatives à la troisième langue déclarée par les personnes concernées, elles ne sauraient, en tout état de cause, être prises en compte. En effet, conformément à l’article 28, sous f), du statut, la connaissance de seules deux langues officielles est exigée pour le recrutement des fonctionnaires de l’Union. Par ailleurs, il résulte de l’article 45, paragraphe 2, du statut que la capacité à travailler dans une troisième langue est une condition préalable à la première promotion après le recrutement d’un fonctionnaire. Or, en l’occurrence, il ne ressort nullement de l’annexe fournie par la Commission que l’ensemble du personnel concerné a déjà fait preuve d’une telle capacité ou bien que ces personnes ont obtenu leur première promotion. Il ne saurait, ainsi, être considéré, à partir des seuls éléments figurant sur l’annexe B.9 du mémoire en défense, que les personnes concernées sont capables de travailler dans les langues qu’elles ont déclarées comme troisième langue.

161    D’autre part, il résulte d’une analyse des données relatives aux langues déclarées à titre de première et deuxième langue (voir point 149 ci-dessus) que seule une connaissance satisfaisante du français et dans une bien moindre mesure de l’anglais pourrait être considérée comme conférant un avantage aux lauréats potentiels des concours en cause. Au total, 305 et 130 personnes affectées à l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg ont une connaissance à tout le moins satisfaisante, respectivement, du français et de l’anglais, alors que seulement 36 personnes disposent d’une telle connaissance de l’allemand, devancées, d’ailleurs, par les 53 personnes ayant une connaissance à tout le moins satisfaisante de l’italien. Ces chiffres sont, en outre, d’une importance toute relative, étant donné le nombre très important de personnes concernées par l’annexe B.9 du mémoire en défense n’ayant déclaré aucune langue en tant que deuxième langue. À cet égard, les seules affirmations de la Commission selon lesquelles les 235 personnes qui apparaissent, dans l’annexe B.9 du mémoire en défense, ne pas avoir déclaré de deuxième langue ont, de toute façon, été recrutées au terme de procédures de concours dans lesquelles la connaissance d’une des trois langues proposées dans l’avis attaqué était exigée ne sauraient être prises en compte, dans la mesure où la Commission ne fournit aucun élément susceptible de les étayer.

162    En ce qui concerne, plus particulièrement, l’allemand, la Commission fait valoir qu’il est nécessaire, pour apprécier son importance « comme éventuelle deuxième langue du candidat, de prendre en considération » le fait qu’il s’agit de la « langue la plus étudiée en Europe en tant que langue étrangère », afin de ne pas « fixer des niveaux de compétence qui limitent de manière excessive l’entrée des candidats dans la fonction publique de l’Union ». Sur ce point, la Commission fournit les annexes B.13, B.14 et B.15 du mémoire en défense. Il s’agit, respectivement, du rapport spécial Eurobaromètre no 386 de juin 2012, du communiqué de presse no 144/2014 d’Eurostat, du 25 septembre 2014, relatif aux langues les plus étudiées en 2012 au niveau de l’enseignement secondaire inférieur et d’un document établi par Eurostat et se rapportant à des données statistiques de l’année 2016, relatif aux langues les plus étudiées en cette année au niveau de l’enseignement secondaire supérieur.

163    Il convient de relever, d’emblée, que, en toute hypothèse, les données produites par la Commission seraient éventuellement susceptibles de démontrer le caractère proportionné stricto sensu de la limitation litigieuse, s’il était avéré que celle-ci répondait effectivement à l’intérêt du service invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Italie/Commission, T‑510/13, non publié, EU:T:2015:1001, point 146). Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 154 à 161 ci-dessus, cette dernière n’a pas été en mesure de démontrer que cette condition était remplie.

164    En tout état de cause, les données relevant des éléments mentionnés au point 161 ci-dessus se réfèrent à l’ensemble des citoyens de l’Union, y compris des personnes n’ayant pas atteint l’âge de la majorité, si bien qu’il ne saurait être présumé qu’elles reflètent correctement les connaissances linguistiques des candidats potentiels aux concours concernés par l’avis attaqué [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 142 (non publié)].

165    La Commission produit, deuxièmement, dans l’annexe B.10 du mémoire en défense, un courriel, adressé le 16 juin 2019 par un administrateur affecté à la DG « Ressources humaines et sécurité » du Conseil à un des représentants de la Commission devant le Tribunal. Selon la Commission, il est, par ce document, « confirmé que les trois langues en question sont les trois langues les plus utilisées par le personnel [du Conseil] dans les bureaux où [cette institution] emploie du personnel de catégorie AD ou AST occupant les fonctions couvertes par l’avis attaqué : en particulier, pour le personnel possédant de telles compétences présent à Bruxelles ou à Strasbourg, la maîtrise de l’anglais et du français est requise ; pour le personnel présent à Luxembourg, c’est la connaissance du français et de l’allemand qui est requise ». Dans la duplique, la Commission précise qu’il ressort de l’annexe B.10 du mémoire en défense que les trois langues en question sont les « trois langues utilisées de manière prépondérante comme langues de travail dans le cadre des activités décrites à l’annexe I de l’avis attaqué ».

166    Or, aucune de ces allégations de la Commission ne saurait être confirmée à la lecture de l’annexe B.10 du mémoire en défense.

167    En effet, dans le courriel en cause, l’administrateur du Conseil affirme qu’il « copie », s’agissant des motifs justifiant la limitation litigieuse, le texte que son service a reçu du « service concerné ». Ce texte indique ce qui suit :

« Les administrateurs, techniciens et assistants dans le domaine du bâtiment nouvellement recrutés devront avoir des contacts quotidiens avec des parties cocontractantes, des entreprises externes et des autorités locales, à Bruxelles, à Luxembourg ou à Strasbourg. Les langues de travail principales de ces opérateurs externes sont l’anglais et le français (à Bruxelles et à Strasbourg) et le français et l’allemand (à Luxembourg). Dès lors, les lauréats doivent disposer d’une connaissance satisfaisante (minimum niveau B2) d’au moins une de ces langues afin d’être immédiatement opérationnels dès leur recrutement. »

168    Force est de constater que ce passage constitue une reproduction, plus ou moins à l’identique, des éléments que comporte la partie de l’avis attaqué censée justifier la limitation litigieuse, sans fournir d’informations supplémentaires quant à cette limitation ou aux motifs censés la justifier. De surcroît et contrairement à ce que prétend la Commission, l’annexe B.10 du mémoire en défense ne contient aucune information s’agissant des langues de travail ou des langues véhiculaires utilisées au sein des services concernés du Conseil. Partant, cet élément ne saurait être pris en considération dans le cadre de la présente appréciation.

169    Troisièmement et ainsi qu’il a déjà été indiqué (voir point 83 ci-dessus), la Commission fournit, dans l’annexe B.11 du mémoire en défense, un courriel échangé entre deux membres du personnel affectés au Parlement, censé détailler les besoins linguistiques des services de l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg.

170    En dehors des éléments concernant les langues utilisées entre les services concernés du Parlement et leurs interlocuteurs externes, qui ont été examinés aux points 84 à 87 ci-dessus, le courriel en question fait état des connaissances linguistiques du personnel de l’Office « Infrastructures et logistique » à Luxembourg dans son ensemble. Selon les données y figurant, 44,52 % des membres du personnel auraient le français comme langue principale, 4,47 % auraient l’anglais comme langue principale et 10,07 % auraient l’allemand comme langue principale. En tant que deuxième langue, 32,58 % auraient déclaré le français et 66,29 % l’anglais. Pour ce qui est de la troisième langue, 27,06 % auraient déclaré le français, 25,89 % l’anglais et 9,41 % l’allemand.

171    S’agissant de ces éléments, qui ne concernent, d’ailleurs, que les seuls services du Parlement, si bien que leur force probante reste, en tout état de cause, toute relative, il convient de se référer, par analogie, aux constatations exposées aux points 155 à 161 ci-dessus. À ces constatations s’ajoute le fait que, en réalité, si on exclut les données se référant à la troisième langue déclarée par les personnes concernées pour les raisons présentées au point 160 ci‑dessus, il ne reste qu’environ 10 % des personnes affectées aux services du Parlement qui aurait une connaissance à tout le moins satisfaisante de l’allemand. Or, en l’absence d’éléments complets concernant les autres langues « parlées » ou utilisées au sein des services en cause, il ne saurait être considéré que ce pourcentage suffit pour justifier l’inclusion de l’allemand parmi les langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 des concours en cause.

172    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les éléments produits par la Commission et visant à établir que les trois langues proposées dans l’avis attaqué sont les langues utilisées dans le travail au quotidien des services concernés par celui-ci ne sauraient suffire, ni pris isolément ni pris dans leur ensemble, à justifier la limitation litigieuse.

173    Partant, en tenant compte de ce qui a été exposé aux points 94 et 95 ci-dessus, il n’y a pas lieu, en l’espèce, d’examiner l’argumentation avancée par la Commission et liée à l’organisation des concours en cause et, notamment, à la composition des jurys. Par ailleurs, ainsi que la République italienne le fait valoir au point 72 de la réplique, dans la mesure où la réalité de l’objectif légitime poursuivi par la limitation litigieuse n’a pas été établie, il en va de même s’agissant des arguments avancés par la Commission et visant à prouver la proportionnalité de cette limitation.

174    Il y a, dès lors, lieu de conclure qu’il n’a pas, en l’espèce, été établi que l’objectif légitime invoqué dans l’avis attaqué, à savoir l’objectif de recruter des lauréats immédiatement opérationnels, pouvait être atteint par le biais de la limitation litigieuse, sans qu’il soit besoin d’examiner en détail l’ensemble des arguments avancés par la République italienne dans le cadre des divers moyens invoqués par cette dernière devant le Tribunal visant à contester la limitation litigieuse.

B.      Sur l’obligation litigieuse

175    Ainsi qu’il a été indiqué au point 32 ci-dessus, c’est par son sixième moyen que la République italienne remet en cause la légalité du second volet de l’avis attaqué, identifié au point 30 ci-dessus.

176    Selon la République italienne, l’obligation litigieuse, et, notamment, l’obligation imposée aux candidats d’utiliser la deuxième langue des concours en cause pour la rédaction de leur acte de candidature, constitue une violation manifeste des dispositions qu’elle invoque et dont il découle clairement que les citoyens de l’Union ont le droit de s’adresser aux institutions en utilisant n’importe laquelle des langues officielles de l’Union. La République italienne invoque, à cet égard, l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752).

177    La République italienne fait valoir, plus particulièrement, que les citoyens dont la langue principale n’est pas une des trois langues proposées dans l’avis attaqué sont discriminés en raison de l’obligation litigieuse, ce qui serait contraire aux principes du multilinguisme ainsi qu’au droit des citoyens d’accéder à la fonction publique de l’Union. Les institutions de l’Union ne sauraient imposer à leurs fonctionnaires n’importe quelle restriction linguistique, ce qui vaut d’autant plus en ce qui concerne les candidats à un concours tel que ceux en cause en l’espèce.

178    À titre subsidiaire, la République italienne fait valoir un défaut de motivation manifeste, l’avis attaqué ne comportant aucune justification quant à l’obligation litigieuse.

179    La Commission réfute l’argumentation présentée par la République italienne en faisant valoir que le régime linguistique des concours en cause est approprié pour répondre aux besoins réels des services concernés et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. La Commission ajoute que le niveau de compréhension linguistique exigé pour les échanges entre l’EPSO et les candidats est bien moindre que celui nécessaire pour les épreuves des concours. En ce qui concerne, plus spécifiquement, l’acte de candidature, la Commission fournit, dans l’annexe B.16 du mémoire en défense, un manuel pour la préparation des candidats à cet égard, lequel est disponible dans toutes les langues officielles de l’Union.

180    Dans la duplique, la Commission relève que, selon les arrêts du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), et du 26 mars 2019, Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251), la question des échanges entre les candidats à un concours tel  que ceux en cause en l’espèce et l’EPSO relève uniquement de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, du statut. Elle précise, d’ailleurs, que l’obligation imposée aux candidats à cet égard est justifiée par les mêmes considérations que celles ayant justifié la limitation litigieuse. Le régime linguistique ainsi complété serait, par ailleurs, proportionné, compte tenu des pourcentages de diffusion des trois langues proposées dans l’avis attaqué en tant que langues étudiées par ceux qui « comme les jeunes citoyens [de l’Union], se portent candidats à la fonction publique [de l’Union] ».

181    Le Royaume d’Espagne soutient l’argumentation présentée par la République italienne. Il fait valoir, plus spécifiquement, que l’avis attaqué ne comporte aucune justification démontrant l’existence d’un objectif légitime d’intérêt général qui permettrait de considérer que l’obligation litigieuse est justifiée.

182    Il convient, sur ce point, de rappeler qu’il ne saurait être inféré de l’obligation incombant à l’Union de respecter la diversité linguistique qu’il existe un principe général du droit assurant à chaque personne le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances et selon lequel les institutions seraient tenues, sans qu’aucune dérogation n’y soit autorisée, à utiliser l’ensemble des langues officielles dans toute situation (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 37 et jurisprudence citée).

183    En particulier, dans le cadre spécifique des procédures de sélection du personnel de l’Union, la Cour a jugé que les institutions ne sauraient se voir imposer des obligations allant au-delà des exigences prévues à l’article 1er quinquies du statut (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 39 et jurisprudence citée).

184    À cet égard, s’il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse justifier la limitation du choix de la langue 2 d’un concours organisé par l’EPSO à un nombre restreint de langues officielles, et ce même dans le cadre des concours ayant une nature générale, y compris pour ce qui est de la langue des communications entre les candidats et l’EPSO, une telle limitation doit, néanmoins, impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats aux concours que par les juridictions de l’Union, de nature à justifier les connaissances linguistiques exigées, qui doivent être proportionnées aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 124 et jurisprudence citée).

185    En l’espèce, en ce qui concerne, d’une part, le défaut de motivation allégué par la République italienne, force est de constater que l’avis attaqué ne comporte aucune motivation spécifique s’agissant de l’obligation litigieuse.

186    Or, il y a lieu de considérer, à la lumière des arguments avancés par la Commission, que l’obligation litigieuse est corrélée à la limitation litigieuse concernant le choix de la langue 2 des concours en cause et qu’elle est, en réalité, imposée pour les mêmes raisons que l’est cette limitation. En effet, il ne saurait être déduit de la jurisprudence que la justification fournie dans un avis tel que l’avis attaqué concernant le régime des communications entre les candidats et l’EPSO devrait obligatoirement être distincte des motifs justifiant le régime linguistique des concours concernés en général.

187    En ce qui concerne, d’autre part, le bien-fondé des motifs, et selon ce qui a été exposé aux points 79 et suivants ci-dessus, la Commission est restée en deçà d’établir que la limitation litigieuse était, en l’espèce, justifiée par rapport à l’objectif légitime qu’elle était censée faire réaliser. Ainsi et au vu de ce qui vient d’être exposé, il en va de même s’agissant de l’obligation litigieuse.

188    Il y a, dès lors, lieu d’accueillir le sixième moyen présenté par la République italienne et d’annuler, ainsi, l’avis attaqué dans son ensemble.

189    S’agissant des effets de cette annulation, il y a lieu de relever que, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 83 à 87 de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), l’annulation de l’avis attaqué ne saurait avoir d’incidence sur d’éventuels recrutements déjà effectués sur la base des listes de réserve établies à l’issue des procédures de sélection en cause, au regard de la confiance légitime dont bénéficient les lauréats qui se seraient d’ores et déjà vu offrir un poste sur le fondement de leur inscription sur lesdites listes (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, EU:T:2020:410, sous pourvoi, point 230 et jurisprudence citée).

 IV. Sur les dépens

190    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République italienne.

191    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de concours généraux EPSO/AD/342/17 (AD 6), organisé pour la constitution d’une liste de réserve d’ingénieurs en gestion de bâtiments (y compris ingénieurs environnementaux et ingénieurs en équipement technique), et EPSO/AST/141/17 (AST 3), organisé pour la constitution d’une liste de réserve, premièrement, de coordinateurs, techniciens spécialisés en construction de bâtiments (profil 1), deuxièmement, de coordinateurs et de techniciens de bâtiments spécialisés en climatisation et en génie électromécanique et électronique (profil 2) et, troisièmement, d’assistants dans le domaine de la sécurité au travail et de la sécurité des bâtiments (profil 3), est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la République italienne.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juin 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la légalité de la limitation litigieuse

1. Sur le cadre législatif et jurisprudentiel

2. Sur la motivation de l’avis attaqué

3. Sur le bien-fondé des motifs que comporte l’avis attaqué concernant la limitation litigieuse

a) Observations liminaires

b) Sur l’objectif consistant à sélectionner des lauréats immédiatement opérationnels

c) Sur le motif lié aux langues de travail des intervenants externes avec lesquels les lauréats des concours en cause devront entretenir des contacts quotidiens

d) Sur les langues de travail des services concernés par l’avis attaqué

1) Sur la pratique interne de la Commission en matière linguistique

2) Sur les éléments relatifs aux « langues utilisées » par les services concernés par l’avis attaqué

B. Sur l’obligation litigieuse

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.

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