Commission v Freistaat Bayern (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-167/19P (10 March 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C16719P.html
Cite as: ECLI:EU:C:2022:176, [2022] EUECJ C-167/19P, EU:C:2022:176

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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 mars 2022 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Aide en faveur du secteur laitier allemand – Financement des tests de qualité du lait – Article 108, paragraphe 2, TFUE – Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Règlement (CE) nº 659/1999 – Article 6, paragraphe 1 – Obligation, pour la Commission européenne, de récapituler dans cette décision les éléments pertinents de fait et de droit – Portée – Droits des parties intéressées d’être associées à la procédure administrative – Violation d’une formalité substantielle – Conséquences sur la légalité de la décision finale »

Dans les affaires jointes C‑167/19 P et C‑171/19 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 22 février 2019,

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann et P. Němečková ainsi que par M. T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie requérante dans les affairesC‑167/19 P et C‑171/19 P,

les autres parties à la procédure étant :

Freistaat Bayern (Allemagne), représentée par Mes U. Soltész et H. Weiß, Rechtsanwälte,

partie demanderesse en première instance dans l’affaire C‑167/19 P,

Interessengemeinschaft privater Milchverarbeiter Bayerns eV, établi à Mertingen (Allemagne),

Genossenschaftsverband Bayern eV, établie à Munich,

Verband der Bayerischen Privaten Milchwirtschaft eV, établie à Munich,

représentées par Mes C. Bittner et N. Langhans, Rechtsanwälte,

parties demanderesses en première instance dans l’affaire C‑171/19 P,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. S. Rodin et N. Piçarra (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses pourvois, la Commission européenne demande l’annulation des arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2018, Freistaat Bayern/Commission (T‑683/15, ci-après le « premier arrêt attaqué », EU:T:2018:916), et du 12 décembre 2018, Interessengemeinschaft privater Milchverarbeiter Bayerns e.a./Commission (T‑722/15 à T‑724/15, non publié, ci-après le « second arrêt attaqué », EU:T:2018:920), par lesquels celui-ci a fait droit aux recours, respectivement, du Freistaat Bayern (Land de Bavière, Allemagne) (affaire C-167/19 P) ainsi que d’Interessengemeinschaft privater Milchverarbeiter Bayerns eV, de Genossenschaftsverband Bayern eV et de Verband der Bayerischen Privaten Milchwirtschaft eV (affaire C-171/19 P) (ci‑après le « groupement d’intérêts ») tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2015/2432 de la Commission, du 18 septembre 2015, sur l’aide d’État SA.35484 (2013/C) [ex SA.35484(2012/NN)], octroyée par l’Allemagne pour les tests de qualité du lait dans le cadre de la loi fédérale allemande sur le lait et les matières grasses (JO 2015, L 334, p. 23, ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

2        Le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1), applicable ratione temporis au présent litige, énonçait, à ses considérants 8 et 16 :

« (8)      [...] dans tous les cas où la Commission, à l’issue de son examen préliminaire, ne peut conclure à la compatibilité d’une aide avec le marché commun, la procédure formelle d’examen doit être ouverte, afin de permettre à la Commission de recueillir toutes les informations dont elle a besoin pour évaluer la compatibilité de l’aide, et aux parties intéressées de présenter leurs observations ; [...] la procédure formelle d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité offre le meilleur moyen de garantir les droits des parties intéressées ;

[...]

(16)      [...] il y a lieu de déterminer toutes les possibilités offertes aux tiers pour défendre leurs intérêts dans des procédures concernant des aides d’État ».

3        L’article 1er de ce règlement disposait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

h)      “parties intéressées” : tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. »

4        L’article 6 dudit règlement, intitulé « Procédure formelle d’examen », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. »

5        L’article 13 du même règlement, intitulé « Décision de la Commission », disposait, à son paragraphe 1 :

« [...] Dans le cas d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l’article 7. [...] »

 Le droit allemand

6        L’article 22, paragraphe 1, du Gesetz über den Verkehr mit Milch, Milcherzeugnissen und Fetten 1952 (loi de 1952 sur le lait et les matières grasses) (BGBl. 1952 I, p. 811), tel que modifié par l’article 397 du règlement du 31 août 2015 (BGBl. 2015 I, p. 1474) (ci‑après le « MFG »), habilite les gouvernements des Länder, en consultation avec l’association concernée, composée d’entreprises du secteur laitier et de consommateurs qui défendent de manière commune leurs intérêts économiques, ou avec les organisations professionnelles concernées, à appliquer conjointement aux laiteries, aux centrales de collecte du lait ou aux crémeries des prélèvements afin de soutenir le secteur laitier.

7        L’article 22, paragraphes 2 et 2a, du MFG dispose que les ressources obtenues en vertu du paragraphe 1 ne peuvent être utilisées que pour le financement des objectifs prévus par cette loi, parmi lesquels figurent la promotion et la préservation de la qualité du lait.

8        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la Milch‑Güteverordnung (règlement sur la qualité du lait), du 9 juillet 1980 (BGBl. 1980 I, p. 878), telle que modifiée par le règlement du 17 décembre 2010 (BGBl. 2010 I, p. 2132), les acquéreurs du lait livré ont l’obligation d’analyser celui-ci ou de le faire analyser.

9        L’article 1er de la Bayerische Milchumlageverordnung (règlement du Land de Bavière, relatif au prélèvement sur le lait), du 17 octobre 2007 (BayGVBl. 2007, p. 727), prise sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, du MFG, prévoit qu’il est appliqué aux exploitants de laiteries un prélèvement pour les quantités de lait cru qui leur sont livrées.

10      Selon l’article 23 de la Haushaltsordnung des Freistaates Bayern (règlement financier du Land de Bavière), du 8 décembre 1971 (BayRS 630-1-F), les dépenses et les crédits d’engagement pour des prestations destinées aux entités extérieures à l’administration étatique, en vue de la réalisation de certains objectifs, ne peuvent être inscrits dans le budget de ce Land que si celui-ci possède un intérêt prépondérant à cette réalisation, qui ne saurait être satisfait en l’absence des subventions correspondantes ou, à tout le moins, pas dans la mesure nécessaire.

11      L’article 44 de ce règlement financier du Land de Bavière, qui figure sous sa partie III, intitulée « Mise en œuvre du budget », dispose que ces subventions ne peuvent être versées que dans les conditions prévues à l’article 23 dudit règlement.

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

12      Par lettre du 17 juillet 2013, la Commission a communiqué à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’ouvrir la procédure d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture ») portant sur diverses mesures mises en œuvre dans plusieurs Länder allemands, au titre du règlement sur la qualité du lait, afin de soutenir le secteur laitier. Au considérant 264 de cette décision, la Commission, se fondant sur l’arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571), a rappelé que, lorsque les aides d’État sont financées au moyen d’un prélèvement parafiscal comme en l’espèce, elle doit examiner tant ces aides que le mode de financement de celles-ci.

13      La Commission a constaté la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur pour la période allant du 28 novembre 2001 au 31 décembre 2006, tout en émettant des doutes quant à la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, à compter du 1er janvier 2007.

14      Par lettre du 20 septembre 2013, la République fédérale d’Allemagne a formulé ses observations sur la décision d’ouverture. La Commission a également reçu sept communications d’observations des parties intéressées. Ces observations ont été transmises à la République fédérale d’Allemagne, laquelle a pris position sur celles-ci par lettres des 27 février, 3 mars et 3 octobre 2014. Par lettre du 3 décembre 2014, cet État membre a pris position sur d’autres observations supplémentaires présentées le 8 juillet 2014.

15      La décision litigieuse, datée du 18 septembre 2015, concerne exclusivement le financement des tests de qualité du lait effectués à partir du 1er janvier 2007 dans les Länder du Bade-Wurtemberg et de Bavière.

16      En premier lieu, la Commission a vérifié si les recettes tirées du prélèvement sur le lait constituent des aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon elle, ces recettes, pour lesquelles l’article 22, paragraphe 2, points 1 à 6, du MFG définit les fins auxquelles elles peuvent être utilisées, doivent être considérées comme étant placées sous contrôle public et les mesures financées par lesdites recettes comme étant mises à exécution au moyen de ressources d’État et imputables à ce dernier.

17      La Commission a, en deuxième lieu, constaté que les laiteries du Land de Bavière, qui constituent des « entreprises », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ont bénéficié d’un avantage sélectif à travers le remboursement des coûts pour les tests de qualité du lait qui leur incombent. Au considérant 145 de la décision litigieuse, elle a relevé que la mesure en cause est financée non seulement par des ressources tirées du prélèvement sur le lait, mais aussi par des ressources supplémentaires provenant du budget général de ce Land, pour en déduire que le bénéfice que les laiteries bavaroises ont tiré de la prise en charge des tests de qualité du lait auxquels elles sont tenues n’est pas nécessairement compensé par les montants qu’elles avaient versés au titre du prélèvement sur le lait.

18      En troisième lieu, la Commission, s’agissant de la présence d’une aide existante, a souligné que, outre le MFG, qui, selon elle, n’institue pas le régime d’aide concerné, les autorités allemandes n’ont transmis aucune information attestant de l’existence d’une base juridique adoptée avant 1958 et encore appliquée pendant la période examinée.

19      En quatrième lieu, la Commission a constaté que les aides destinées aux contrôles de routine du lait ne remplissent pas les conditions fixées au point 109 des lignes directrices de l’Union concernant les aides d’État dans le secteur agricole et forestier 2007-2013 (JO 2006, C 319, p. 1), lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) nº°1857/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production de produits agricoles et modifiant le règlement (CE) nº°70/2001 (JO 2006, L 358, p. 3), auquel ce point 109 renvoie.

20      En conséquence, la Commission a décidé, à l’article 1er de la décision litigieuse, que l’aide octroyée par la République fédérale d’Allemagne, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, pour les tests de qualité du lait effectués notamment dans les Länder du Bade-Wurtemberg et de Bavière, au profit des exploitations du secteur laitier concernées de ces Länder, est incompatible avec le marché intérieur depuis le 1er janvier 2007. Aux articles 2 et 4 de cette décision, la Commission a ordonné la récupération de l’aide et prescrit les modalités de cette récupération.

 La procédure devant le Tribunal et les arrêts attaqués

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal, respectivement les 26 novembre 2015 et 4 décembre 2015, le Land de Bavière et le groupement d’intérêts ont introduit deux recours sur le fondement de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation partielle de la décision litigieuse.

22      Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 février 2016, les affaires T-722/15 à T-724/15 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et de la procédure orale. Lors de l’audience du 26 février 2018, le président de la quatrième chambre du Tribunal a déterminé la jonction de ces affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance.

23      Le premier moyen du Land de Bavière et du groupement d’intérêts était tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

24      Le deuxième moyen du groupement d’intérêts était tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que les recettes des redevances étaient qualifiées de « ressources d’État ».

25      La première branche du deuxième moyen du Land de Bavière et la première branche du troisième moyen du groupement d’intérêts étaient tirées de l’absence d’avantage au profit des acquéreurs de lait. La seconde branche du deuxième moyen, invoqué par le Land de Bavière, tenait à l’absence de caractère sélectif accordé aux laiteries bavaroises. La seconde branche du troisième moyen, soulevé par le groupement d’intérêts, portait sur la compensation, par le prélèvement sur le lait que les entreprises laitières bavaroises étaient tenues d’acquitter, des bénéfices obtenus par celles-ci.

26      À titre subsidiaire, le Land de Bavière, par son troisième moyen, et le groupement d’intérêts, par son cinquième moyen, ont invoqué une violation, par la Commission, de l’obligation de notification et en ont déduit que la récupération de l’aide, ordonnée dans la décision litigieuse, était illégale.

27      Par leur quatrième moyen, soulevé également à titre subsidiaire, le Land de Bavière et le groupement d’intérêts ont reproché à la Commission d’avoir considéré que l’aide en cause était incompatible avec le marché intérieur.

28      Toujours à titre subsidiaire, le Land de Bavière, par son cinquième moyen, et le groupement d’intérêts, par son sixième moyen, ont invoqué une violation du principe de protection de la confiance légitime.

29      S’agissant du moyen tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, le Tribunal a, en premier lieu, rappelé, au point 46 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 41 à 43 du second arrêt attaqué, que les parties intéressées, au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, disposent du droit d’être associées à la procédure d’examen de la mesure d’aide en cause. Au point 47 du premier arrêt attaqué et au point 44 du second arrêt attaqué, il a précisé que, à cette fin, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, la décision d’ouverture doit récapituler les éléments pertinents de fait et de droit de manière à définir suffisamment le cadre d’examen de cette mesure, afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés à présenter leurs observations.

30      En deuxième lieu, le Tribunal a, aux points 52 à 58 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 47 à 54 du second arrêt attaqué, examiné la décision litigieuse à la lumière de la décision d’ouverture, afin de déterminer si celle-ci visait le financement partiel de la mesure en cause par les ressources supplémentaires provenant du budget général du Land de Bavière. Il a constaté que la Commission n’avait pas fait référence, dans la décision d’ouverture, à ces ressources en tant que mode de financement de l’aide. Il en a déduit que les intéressés pouvaient légitimement présumer que l’examen de la Commission porterait exclusivement sur les ressources tirées du prélèvement sur le lait.

31      En troisième lieu, le Tribunal a relevé, aux points 65 et 66 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 62 et 63 du second arrêt attaqué, que l’expression « ressources d’État », visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, revêt un sens très large et que, partant, la Commission est tenue d’identifier et d’analyser les diverses ressources étatiques, lesquelles sont un élément constitutif de la qualification d’« aide ». Il a, à cet égard, indiqué que l’expression « soutien financier » employée dans la décision d’ouverture, à supposer même qu’elle puisse être interprétée comme visant les deux sources de financement de la mesure d’aide en cause, doit être considérée comme étant insuffisamment précise. Il a ajouté que, si la décision finale de la Commission peut présenter certaines divergences avec la décision d’ouverture, la divergence existante, en l’espèce, entre les deux décisions n’est pas justifiée, dès lors que la Commission a reconnu avoir été informée, avant l’adoption de la décision d’ouverture, du financement de cette mesure également au moyen des ressources provenant du budget général du Land de Bavière.

32      Le Tribunal a précisé, en outre, aux points 67 et 68 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 64 et 65 du second arrêt attaqué, que la Commission, dans la décision litigieuse, se réfère explicitement au financement de l’aide par des ressources provenant de ce budget. Selon le Tribunal, cela atteste que ce mode de financement n’était pas un élément dénué de pertinence pour l’analyse, effectuée par la Commission, de la mesure d’aide en cause. Il en a conclu que la décision litigieuse a été prise sans donner la possibilité aux parties intéressées de présenter leurs observations sur le financement provenant des ressources du budget général de ce Land.

33      Le Tribunal en a déduit, aux points 69 à 71 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 66 à 68 du second arrêt attaqué, que la décision litigieuse avait été adoptée en violation du droit des requérants d’être associés à la procédure administrative et, partant, de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. Il a, en outre, jugé, sur le fondement de l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), que l’obligation, à la charge de la Commission, de mettre les intéressés, au stade de la décision d’ouverture, en mesure de présenter leurs observations revêt le caractère d’une formalité substantielle dont la violation entraîne l’annulation de l’acte, indépendamment de la question de savoir si cette violation a causé un préjudice à celui qui l’invoque, ou si la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. Sur ce fondement, il a accueilli le premier moyen du recours.

34      À titre surabondant, le Tribunal a jugé, aux points 72 à 75 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 69 à 72 du second arrêt attaqué, qu’il ne saurait être exclu que, en l’absence de la violation constatée, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Il a relevé que la décision litigieuse ne présente pas d’analyse distincte au regard de chacun des deux modes de financement de la mesure d’aide en cause, de sorte qu’il ne saurait être exclu que, si les arguments relatifs au financement au moyen des ressources supplémentaires provenant du budget général du Land de Bavière avaient pu être présentés par les requérants au cours de la procédure formelle d’examen, ils auraient pu conduire à un résultat différent.

35      Sans statuer sur les autres moyens invoqués par les requérants, le Tribunal a annulé les articles 1er à 4 de la décision litigieuse, dans la mesure où il y est décidé que l’octroi, par la République fédérale d’Allemagne, de l’aide d’État en cause est incompatible avec le marché intérieur en ce qui concerne les tests de qualité du lait effectués en Bavière et ordonné de procéder à la récupération de cette aide.

 Les conclusions des parties aux pourvois

36      Dans ses pourvois, la Commission demande à la Cour :

–        d’annuler les arrêts attaqués ;

–        de déclarer infondé le premier moyen soulevé dans les recours devant le Tribunal ;

–        de renvoyer l’affaire au Tribunal en ce qui concerne les autres moyens des recours, et

–        de condamner les parties requérantes aux dépens des recours de première instance et des pourvois ou, à titre subsidiaire, en cas de renvoi au Tribunal, de réserver les décisions sur les dépens de première instance et des pourvois.

37      Le Land de Bavière et le groupement d’intérêts concluent :

–        au rejet des pourvois et

–         à la condamnation de la Commission à supporter ses propres dépens et à ceux des parties défenderesses afférents à la procédure devant le Tribunal et à la procédure devant la Cour.

 Sur les pourvois

38      La Commission, au soutien de chacun de ses deux pourvois, invoque quatre moyens.

39      Par décision du 1er avril 2019, le président de la Cour a ordonné la jonction de ces deux pourvois aux fins de la phase écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

40      Par décision du président de la Cour du 4 juillet 2019, les parties ont été autorisées à répliquer en ce qui concerne, d’une part, la recevabilité des moyens invoqués par la Commission au soutien de ses pourvois et, d’autre part, les considérations avancées pour la première fois par les défenderesses aux pourvois dans leurs mémoires en réponse.

41      Sur le fondement de l’article 61, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, celle-ci a, le 1er octobre 2020, transmis aux parties dans les présentes affaires une question écrite pour réponse écrite les invitant à prendre position sur l’incidence éventuelle sur ces affaires de l’arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C‑56/18 P, EU:C:2020:192). Ces parties ont répondu à cette question dans le délai imparti par la Cour.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999

 Argumentation des parties

42      La Commission fait valoir que le Tribunal, en lui reprochant de ne pas avoir présenté dans sa décision d’ouverture, prise en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº°659/1999, la partie « recettes » du poste budgétaire, à savoir les sources de financement de l’aide, alors qu’elle avait présenté le poste budgétaire de celle-ci dans la partie « dépenses » du budget du Land de Bavière, a établi une nouvelle exigence de forme qui serait dépourvue de tout fondement juridique. Au soutien de sa position, elle invoque l’arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, EU:C:2011:497).

43      Selon la Commission, il ressort de l’arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571), que ce n’est qu’à titre exceptionnel, lorsqu’il existe un lien indissoluble entre la recette et la dépense et des indices laissant penser que le mode de perception de la recette viole une disposition du droit de l’Union, que la notification du régime d’aides, par l’État membre, doit également préciser le mode ou la source de financement de ce régime.

44      En l’espèce, ce financement serait mixte et seul le financement au moyen du prélèvement sur le lait serait problématique. Partant, la Commission estime qu’elle n’était pas tenue de signaler expressément, dans sa décision d’ouverture, le mode de financement de la mesure d’aide en cause par des ressources supplémentaires provenant du budget général du Land de Bavière. Il serait évident que ce mode de financement est constitué par des ressources d’État. Or, en vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’existence d’une aide serait seulement déterminée par le financement de celle-ci au moyen de ressources d’État, l’origine précise de ces ressources étant dénuée de pertinence à cette fin.

45      Dans son mémoire en réplique, la Commission soutient avoir défini de la même façon, tant dans la décision d’ouverture que dans la décision litigieuse, la mesure d’aide en cause. Il ressortirait clairement du budget général décrit dans ces décisions que cette mesure unique englobe deux sources de financement. Elle se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 13 juin 2019, Copebi (C‑505/18, EU:C:2019:500), par lequel la Cour aurait confirmé qu’il n’est pas obligatoire que les sources de financement de la mesure d’aide soient indiquées à la lettre et dans les moindres détails dans la décision d’ouverture.

46      Le Land de Bavière et le groupement d’intérêts soutiennent que ce premier moyen est irrecevable en ce que, d’une part, il vise à contester une appréciation factuelle opérée par le Tribunal, sans alléguer une dénaturation à cet égard, et, d’autre part, il se borne à réitérer les moyens et les arguments présentés devant le Tribunal. À titre subsidiaire, ils font valoir que ce moyen est non fondé.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

47      Dans le cadre du présent moyen, la Cour doit contrôler si le Tribunal, dans les arrêts attaqués, a interprété correctement l’article 108, paragraphe 2, TFUE et l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 lorsqu’il a apprécié la légalité de la décision litigieuse au regard de ces dispositions et si, à cette fin, il a interprété correctement cette décision dans son ensemble, y compris la décision préparatoire de celle-ci, à savoir la décision d’ouverture. Or, une telle interprétation constitue une question de droit recevable au stade du pourvoi (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo, C‑56/18 P, EU:C:2020:192, point 121).

48      Par ailleurs, dès lors que les parties défenderesses considèrent que le premier moyen soulevé par la Commission consiste en une réitération des arguments présentés devant le Tribunal, il suffit de rappeler que, dès lors qu’une partie conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union, faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent à nouveau être discutés au cours d’un pourvoi. Si une partie ne pouvait fonder son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 116).

49      Partant, le premier moyen est recevable.

–       Sur le fond

50      L’erreur de droit reprochée au Tribunal, dans l’interprétation et l’application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, porte, en substance, sur les exigences découlant de ces dispositions quant au contenu d’une décision d’ouverture.

51      À cet égard, il importe de rappeler, à l’instar du Tribunal, aux points 46 et 61 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 41 et 44 du second arrêt attaqué, que, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a le devoir de mettre en demeure les parties intéressées de présenter leurs observations lors de la phase d’examen formel de la mesure d’aide en cause, afin d’obtenir, de la part de celles-ci, toutes les informations destinées à éclairer son action future dans le cadre de cet examen.

52      Si ces parties intéressées ne peuvent se prévaloir des droits de la défense, elles disposent, en revanche, du droit d’être associées à la procédure administrative menée par la Commission dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce. À cet égard, la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne constitue un moyen adéquat de faire connaître à toutes les parties intéressées une décision d’ouverture, laquelle donne aux autres États membres et aux milieux concernés la garantie de pouvoir se faire entendre en cette qualité (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo, C‑56/18 P, EU:C:2020:192, points 71 et 72).

53      À cette fin, l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999 impose à la Commission de « récapituler », dans la décision d’ouverture, les éléments pertinents de fait et de droit, d’y inclure une évaluation préliminaire de cette mesure, visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et d’exposer les raisons qui incitent à douter de la compatibilité de ladite mesure avec le marché intérieur.

54      Or, le mode de financement d’une telle mesure constitue un « élément pertinent » afin de déterminer si elle peut être qualifiée d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, pour que cette mesure puisse être ainsi qualifiée, les avantages qu’elle octroie doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, points 15 et 16 ainsi que jurisprudence citée). À cet égard, contrairement à ce que soutient la Commission, afin de déterminer si tel est le cas, le versement d’une somme aux bénéficiaires de la mesure d’aide et le mode de financement de cette mesure ne sauraient être dissociés (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, point 49, ainsi que du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 89).

55      Par conséquent, le mode de financement, en ce qu’il relève des conditions présidant à la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, constitue un élément pertinent, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, et, comme l’a relevé, à juste titre, le Tribunal, au point 62 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 56 et 57 du second arrêt attaqué, doit, en tant que tel, être identifié dans la décision d’ouverture.

56      En outre, nonobstant la large marge d’appréciation dont dispose la Commission lors de l’adoption d’une telle décision (voir, en ce sens, arrêts du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 61, et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 78), la récapitulation des éléments de fait et de droit pertinents, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, ne saurait dépendre de critères subjectifs tels que le caractère évident, aux yeux de la Commission, de ce que le financement au moyen du budget général de l’État membre constitue une ressource d’État.

57      Une récapitulation lacunaire des éléments de fait et de droit pertinents n’est, en effet, pas à même de permettre aux intéressés de présenter leurs observations sur les motifs qui ont conduit la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen et, par conséquent, de garantir l’effet utile de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

58      Un tel constat n’est pas remis en cause par la jurisprudence issue de l’arrêt du 13 juin 2019, Copebi (C‑505/18, EU:C:2019:500), dont la Commission déduit qu’il n’existe aucune obligation d’identifier les sources de financement d’une mesure d’aide à la lettre et dans les moindres détails dans la décision d’ouverture. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 68 de ses conclusions, dans cet arrêt, les deux sources de financement de la mesure en cause avaient été identifiées. Or, dans les présentes affaires, il est reproché à la Commission d’avoir omis d’identifier, dans la décision d’ouverture, une source de financement, provenant du budget général du Land de Bavière, dont elle avait déjà connaissance à ce stade de la procédure, alors que cet élément est pris en compte, dans la décision litigieuse, et sert de fondement à des appréciations, dont notamment celle figurant au considérant 145 de cette décision, cité au point 17 du présent arrêt.

59      C’est donc sans commettre d’erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999 que le Tribunal a jugé, aux points 68 et 69 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 65 et 66 du second arrêt attaqué, que, faute de récapitulation dans la décision d’ouverture, en tant qu’élément pertinent de fait et de droit, au sens de cette dernière disposition, du financement de la mesure en cause au moyen des ressources du budget général du Land de Bavière, la décision litigieuse a été adoptée sans que la Commission ait respecté l’obligation à sa charge de mettre les parties intéressées en mesure de présenter leurs observations sur cet élément et, par conséquent, en violation du droit de ces parties d’être associées à la procédure administrative, tel que garanti par ces dispositions.

60      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation résultant d’une mauvaise interprétation de la décision d’ouverture

 Argumentation des parties

61      Par ce moyen, qui se subdivise en deux branches, la Commission reproche, à titre subsidiaire, au Tribunal d’avoir interprété de manière erronée la décision d’ouverture et d’avoir entaché les arrêts attaqués d’un défaut de motivation.

62      Par la première branche de ce moyen, la Commission commence par rappeler que la décision d’ouverture, à son point 2.3 et à son considérant 5, mentionne respectivement des « montants d’origine budgétaire » et des « montants destinés au soutien ». Si cette dernière expression se rapporte au financement, au moyen de ressources provenant du prélèvement sur le lait, des mesures qui font l’objet de la procédure formelle d’examen, elle estime évident que ladite expression se rapporte également au financement issu du budget général du Land de Bavière. Il résulterait également du considérant 18 de la décision d’ouverture que le financement en cause est assuré au moyen de ressources budgétaires et de ressources tirées du prélèvement sur le lait, ce dernier financement faisant l’objet d’une appréciation spécifique dans cette décision, eu égard aux objections formulées par la République fédérale d’Allemagne lors de la phase d’examen préliminaire.

63      Or, le Tribunal se serait limité, au point 53 du premier arrêt attaqué et au point 48 du second arrêt attaqué, à examiner de manière sélective une seule sous-section de la décision d’ouverture, au lieu de prendre en compte l’ensemble des considérants de celle-ci pour répondre à l’argumentation avancée par la Commission. Par conséquent, en ne procédant pas à une analyse de l’ensemble des moyens de défense présentés, le Tribunal aurait violé son obligation de motivation et commis sa première erreur de droit.

64      La deuxième erreur de droit invoquée par la Commission est relative aux points 54 à 57 du premier arrêt attaqué et aux points 49 à 53 du second arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal aurait jugé que constitue une erreur de droit l’omission de mentionner, dans la décision d’ouverture, les articles 23 et 44 du règlement financier du Land de Bavière et, partant, le financement, au moyen des ressources provenant du budget général de ce Land, de la mesure en cause. La Commission estime, d’une part, que la mention à titre d’exemple, au considérant 17 de la décision d’ouverture, des dispositions du règlement financier du Land de Bade-Wurtemberg permettait au Land de Bavière d’en déduire que les dispositions identiques du règlement financier du Land de Bavière étaient également couvertes par la décision d’ouverture. Elle ajoute que, en toute hypothèse, il est acquis qu’un État membre a connaissance de ses propres lois budgétaires, si bien qu’une mention expresse de celle-ci ne serait pas nécessaire en l’espèce.

65      Les troisième et quatrième erreurs de droit que la Commission reproche au Tribunal concernent les points 55 et 56 du premier arrêt attaqué ainsi que les points 50 et 51 du second arrêt attaqué. Selon la Commission, le Tribunal a interprété la section 3.1, en particulier la sous-section 3.3.1, de même que le considérant 264 de sa décision d’ouverture comme limitant la phase d’examen préliminaire au seul mode de financement des mesures en cause au moyen du prélèvement sur le lait, alors que cette décision ne contient qu’une appréciation provisoire du caractère d’aide de ces mesures. La Commission aurait expliqué devant le Tribunal que l’analyse de la décision d’ouverture porte seulement sur le financement desdites mesures au moyen du prélèvement sur le lait car seul ce mode de financement pouvait faire naître des doutes sur l’utilisation des ressources d’État. En ne répondant pas à cet argument, le Tribunal aurait omis d’examiner un moyen de défense présenté par la Commission et ainsi manqué à son obligation de motivation.

66      Par la seconde branche de son deuxième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir affirmé, au point 62 du premier arrêt attaqué et au point 56 du second arrêt attaqué, que le contenu du dossier de la procédure administrative antérieure à la décision d’ouverture est sans pertinence pour l’interprétation de cette décision. Elle soutient que, à la lecture des courriers échangés au cours de la phase d’examen préliminaire, ni le Land de Bavière ni le Tribunal ne pouvaient douter que la procédure formelle d’examen portait également sur le financement des mesures d’aide en cause au moyen de recettes fiscales générales.

67      La Commission fait encore valoir que le Tribunal, aux points 53 à 58 et 62 du premier arrêt attaqué, et aux points 47 à 53 du second arrêt attaqué, a méconnu la jurisprudence issue des arrêts du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, EU:C:2011:497), ainsi que du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154), selon laquelle, d’une part, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et, d’autre part, cette institution ne serait pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires.

68      Le Land de Bavière et le groupement d’intérêts soutiennent, en premier lieu, que les première et seconde branches du deuxième moyen soulevé par la Commission sont irrecevables, dès lors que, d’une part, elles visent à obtenir une nouvelle appréciation des faits par la Cour et, d’autre part, elles se bornent à répéter des moyens et des arguments soulevés devant le Tribunal.

69      En second lieu et à titre subsidiaire, ils font valoir que chacune des branches de ce moyen est non fondée.

 Appréciation de la Cour

70      Les arguments du Land de Bavière et du groupement d’intérêts au soutien de l’irrecevabilité devant être rejetés pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 47 et 48 du présent arrêt, il importe de relever, sur le fond, en premier lieu, que l’argumentation avancée par la Commission dans le cadre de ce moyen, pris en ses deux branches – selon laquelle la décision d’ouverture mentionne implicitement le second mode de financement de la mesure en cause, à savoir les ressources budgétaires du Land de Bavière – repose sur la prémisse selon laquelle l’obligation imposée à la Commission, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, de récapituler, dans cette décision, les éléments de fait et de droit pertinents est remplie dès lors que ces éléments sont mentionnés de manière implicite ou peuvent être déduits de ladite décision, notamment par l’État membre concerné.

71      Cependant, ainsi qu’il ressort du libellé même de cette disposition, et notamment du sens courant du terme « récapituler » qui y est employé, tout élément pertinent de fait et de droit, au sens de cette disposition, doit être mentionné explicitement et clairement dans la décision d’ouverture.

72      Cette constatation est corroborée par l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lequel, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 42 de ses conclusions, impose à la Commission de mettre en demeure les parties intéressées de présenter leurs observations lors de la phase d’examen formel d’une mesure d’aide d’État.

73      Cette mise en demeure prend en effet la forme d’une décision d’ouverture, laquelle, comme l’indiquent les considérants 8 et 16 du règlement nº 659/1999, a pour but de permettre à la Commission de recueillir toutes les informations dont elle a besoin pour statuer sur la qualification d’aide de cette mesure et sur la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur, en offrant le meilleur moyen de garantir les droits des parties intéressées d’être associées à la procédure administrative menée par la Commission et en leur donnant toutes les possibilités de défendre leurs intérêts.

74      Dès lors, compte tenu de la nature et de l’objet de la décision d’ouverture, la récapitulation d’un élément pertinent de fait et de droit à l’issue de l’examen préliminaire mené par la Commission, afin de déterminer l’existence d’une aide d’État et de statuer sur la compatibilité d’une telle aide avec le marché intérieur, tout en pouvant rester sommaire, doit nécessairement être explicite afin de révéler de manière claire et non équivoque l’objet de l’examen effectué par la Commission et ainsi de permettre aux parties intéressées de présenter utilement leurs observations à cet égard.

75      Par ailleurs, seule la récapitulation explicite des éléments qui sont objectivement pertinents pour l’examen de la mesure d’aide en cause, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, est conforme aux exigences de clarté, de précision et de prévisibilité des actes de droit de l’Union qu’impose le principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20 ; du 18 novembre 2008, Förster, C‑158/07, EU:C:2008:630, point 67, ainsi que du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100).

76      Par conséquent, dans la mesure où la prémisse, tenant à la possibilité de mentionner implicitement, dans une décision d’ouverture, un élément de fait ou de droit pertinent, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, sur laquelle se fonde la Commission, est erronée en droit, l’ensemble des arguments relatifs à l’interprétation prétendument erronée, par le Tribunal, de la décision d’ouverture doivent également être rejetés comme étant non fondés.

77      En second lieu, en ce que la Commission reproche au Tribunal une violation de son obligation de motivation, il importe de souligner, d’emblée, que cette obligation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celle‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 62 ; du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 79, ainsi que du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, point 62).

78      Il convient, également, de rappeler que, si la motivation de l’arrêt attaqué doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal ne lui impose toutefois pas de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs de la décision du Tribunal et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 81 et 82, ainsi que du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, points 60 et 61).

79      Or, après avoir relevé, aux points 53 et 55 à 57 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 48 et 50 à 52 du second arrêt attaqué, que seul le financement au moyen du prélèvement sur le lait était explicitement mentionné dans la décision d’ouverture, le Tribunal a constaté, au point 57 du premier arrêt attaqué ainsi qu’au point 53 du second arrêt attaqué, que le financement au moyen du budget général du Land de Bavière n’avait pas été explicitement mentionné dans cette décision.

80      Il en a ensuite déduit, au point 58 du premier arrêt attaqué ainsi qu’au point 54 du second arrêt attaqué, que les intéressés pouvaient légitimement présumer que l’examen de la Commission portait exclusivement sur les ressources provenant du prélèvement sur le lait. Par ailleurs, aux points 60 et 61 du premier arrêt attaqué ainsi qu’aux points 58 et 59 du second arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, au regard des exigences posées à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº°659/1999, si la Commission n’est pas tenue de présenter une analyse aboutie à l’égard de la mesure en cause, elle ne saurait soutenir que la décision d’ouverture pouvait ne pas mentionner le financement au moyen de ressources provenant du budget général du Land de Bavière, dès lors qu’il lui incombe de définir suffisamment le cadre de son examen, afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations. Il ressort ainsi des deux arrêts attaqués que le financement au moyen de ressources provenant du budget général du Land de Bavière aurait dû être explicitement mentionné dans la décision d’ouverture.

81      Dès lors, à supposer même qu’il pourrait être considéré que le Tribunal n’a pas répondu de manière exhaustive à l’ensemble des arguments de la Commission visant à démontrer que ce mode de financement figurait implicitement dans la décision d’ouverture ou pouvait être déduit de cette dernière, force est de constater que les arrêts attaqués font apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal et permettent aux intéressés de connaître les motifs de la décision du Tribunal et à la Cour d’exercer son contrôle, si bien que ces arrêts ne sont entachés d’aucun défaut de motivation.

82      Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE

 Argumentation des parties

83      Par ce troisième moyen, la Commission fait valoir, en substance, que seule l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen d’une mesure d’aide, au sens de l’article 107 TFUE, constitue une formalité substantielle. L’omission éventuelle de récapituler un élément pertinent de fait ou de droit dans la décision d’ouverture ne constituerait pas une violation d’une telle formalité. Par ailleurs, les droits des tiers d’être associés à la procédure formelle d’examen ne seraient violés que si cette omission les empêchait de présenter leurs observations sur l’élément en cause. En outre, cette violation n’entraînerait l’annulation de la décision finale que si les intéressés étaient en mesure d’établir que les informations qu’ils auraient pu communiquer sur cet élément étaient susceptibles de modifier le contenu de la décision finale.

84      Le Land de Bavière et le groupement d’intérêts considèrent, en premier lieu, que ce moyen est irrecevable, dès lors qu’il ne saurait, à lui seul, entraîner l’annulation des arrêts attaqués. En effet, une telle annulation ne serait possible que s’il était fait droit non seulement à ce moyen, mais également au quatrième moyen, relatif à l’absence d’incidence, sur la décision litigieuse, de la violation du droit des intéressés d’être associés à la procédure formelle d’examen.

85      En second lieu et à titre subsidiaire, le Land de Bavière et le groupement d’intérêts estiment que le troisième moyen soulevé par la Commission est non fondé.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

86      Il importe de constater que, contrairement à ce que soutiennent le Land de Bavière et le groupement d’intérêts, les troisième et quatrième moyens, bien que liés, sont indépendants l’un de l’autre. En effet, par son troisième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en constatant, aux points 70 et 71 du premier arrêt attaqué et aux points 67 et 68 du second arrêt attaqué, que l’obligation qui pèse sur la Commission de mettre les intéressés, au stade de la décision d’ouverture, en mesure de présenter leurs observations revêt le caractère d’une formalité substantielle dont la violation entraîne l’annulation de la décision litigieuse, alors que, par son quatrième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, à titre surabondant, qu’il ne saurait être exclu que, en l’absence de la violation constatée, la procédure d’examen de la mesure d’aide d’État aurait pu aboutir à un résultat différent.

87      Ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 102 de ses conclusions, la circonstance que les troisième et quatrième moyens soient liés ne suffit donc pas, à elle seule, à déclarer l’un ou l’autre de ces moyens irrecevable.

88      Partant, le troisième moyen est recevable.

–       Sur le fond

89      S’agissant du point de savoir si, comme le soutient la Commission, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’obligation imposée à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999 de récapituler, dans une décision d’ouverture, les éléments de fait et de droit pertinents pour la procédure formelle d’examen de la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur revêt le caractère d’une formalité substantielle, au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, à l’instar de l’obligation d’ouvrir une telle procédure en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, il importe de rappeler d’emblée que la Cour a déjà dit pour droit qu’il résulte de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 1er, sous h), du règlement nº 659/1999 que, lorsque la Commission décide d’ouvrir une procédure formelle d’examen au sujet d’un projet d’aide, elle doit mettre les parties intéressées, au nombre desquelles figurent la ou les entreprises concernées, en mesure de présenter leurs observations et que cette obligation a le caractère d’une « formalité substantielle » (voir arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, EU:C:2008:709, point 55). Ce caractère résulte de ce qu’une telle obligation constitue une condition essentielle de procédure intrinsèquement liée à la formation ou à l’expression correctes de la volonté de l’auteur de l’acte.

90      Or, l’obligation que la Cour a qualifiée de « formalité substantielle » est concrétisée, en particulier, à l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999, qui impose notamment à la Commission de récapituler, dans la décision d’ouverture, les éléments de fait et de droit pertinents pour l’examen de l’aide ou du projet d’aide en cause et, par conséquence, de garantir l’effet utile de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

91      La publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne constitue certes un moyen adéquat en vue de faire connaître à toutes les parties intéressées l’ouverture de la procédure formelle d’examen et d’obtenir, de la part de ces dernières, toutes les informations destinées à éclairer la Commission dans son action future, en donnant aux autres États membres et aux milieux concernés la garantie de pouvoir se faire entendre en tant que telles (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo, C‑56/18 P, EU:C:2020:192, points 71 et 72). Toutefois, les parties intéressées ne seront en mesure de présenter utilement leurs observations que si la décision publiée mentionne explicitement et clairement les éléments de fait et de droit pertinents, ainsi qu’il est prévu à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999.

92      Il s’ensuit que la simple publication d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, sans que le contenu d’une telle décision soit conforme aux prescriptions de cette disposition, ne permet pas de considérer que l’obligation pesant sur la Commission à la date de la procédure formelle d’examen, et qualifiée de « formalité substantielle », au sens de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, est satisfaite.

93      En l’espèce, il résulte des points 54 et 55 du présent arrêt que le mode de financement d’une mesure d’aide constitue un élément pertinent, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999. En tant que tel, cet élément, dont la Commission, dans la décision litigieuse, tire des conséquences aux fins de la qualification de la mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107 TFUE, aurait donc dû être récapitulé explicitement dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen en cause.

94      Partant, l’omission, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, d’un tel élément, en ce qu’il joue un rôle dans la motivation de la décision litigieuse, doit être considéré comme constituant une violation d’une « formalité substantielle », au sens du point 55 de l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), laquelle entraîne l’annulation de plein droit de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, EU:C:1980:249, point 33, et ainsi que du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 160).

95      À cet égard, il convient d’écarter expressément l’argument de la Commission selon lequel seule l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen constitue une formalité substantielle. Un tel argument, outre qu’il est en contradiction manifeste avec l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, lequel impose à la Commission des obligations claires à l’égard du contenu d’une décision d’ouverture, revient à priver d’effet utile cette décision, dont l’objet consiste à mettre les parties intéressées en mesure de présenter utilement leurs observations à la Commission. En effet, ces parties doivent pouvoir connaître les éléments de fait et de droit pertinents sur lesquels repose l’examen formel de la mesure d’aide en cause, notamment ceux concernant le mode de financement de cette mesure qui constituent un élément déterminant dans la qualification de ladite mesure en tant qu’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

96      En revanche, il n’y a pas de violation d’une formalité substantielle, au sens du point 55 de l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), lorsque l’élément, dont l’omission dans la décision d’ouverture est reprochée à la Commission, ne constitue pas un élément de fait ou de droit pertinent pour l’examen de la mesure d’aide en cause, au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999.

97      De même, la Commission ne saurait se fonder sur la jurisprudence issue des arrêts du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission (C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259), et du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), afin de soutenir que l’omission d’un élément pertinent dans la décision d’ouverture ne constitue pas une violation d’une formalité substantielle. En effet, les espèces ayant donné lieu à ces deux arrêts concernaient une modification du cadre juridique au cours de la procédure formelle d’examen de la mesure d’aide et non, comme dans la présente espèce, les exigences concernant la définition du cadre de l’examen imposées à la Commission par l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, au moment même de l’adoption de la décision d’ouverture.

98      Ainsi, dans l’arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission (C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259), la Cour a confirmé l’analyse du Tribunal considérant que, dans la mesure où les principes et les critères établis par le nouvel encadrement des aides d’État pour la protection de l’environnement étaient identiques, en substance, à ceux établis par l’encadrement applicable à la date de la décision d’ouverture de la procédure d’examen, la Commission n’avait pas violé le droit des parties intéressées d’être associées à la procédure en ne les mettant pas en mesure de présenter leurs observations sur ce nouvel encadrement. Dans ces circonstances spécifiques, une nouvelle consultation des parties intéressées, au titre des dispositions combinées de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement nº 659/1999, ne s’imposait pas.

99      S’agissant de l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), la Cour, après avoir relevé que l’obligation, pour la Commission, d’inviter les parties intéressées à présenter des observations dans le cadre d’une procédure formelle d’examen constitue une formalité substantielle, a précisé, en renvoyant à l’arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission (C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259), que, si le nouveau régime juridique entré en vigueur après la notification par l’État membre d’une aide projetée ne comporte pas de modification substantielle par rapport à celui précédemment en vigueur, l’omission, par la Commission, de consulter les parties intéressées sur le régime juridique modifié ne constitue pas une violation d’une formalité substantielle.

100    L’arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C‑56/18 P, EU:C:2020:192), rendu postérieurement au prononcé des arrêts attaqués, ne remet pas davantage en cause la qualification de « formalité substantielle » de l’obligation imposée à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement nº 659/1999, lu à la lumière de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

101    En effet, ainsi que la Cour l’a constaté elle-même au point 88 de cet arrêt, celui-ci ne concerne pas les obligations qui pèsent sur la Commission à la date de l’ouverture de la procédure formelle d’examen et, par conséquent, ne concerne pas des obligations relevant du champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999, dont l’interprétation fait l’objet de la présente affaire.

102    Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que le Tribunal, en se fondant sur le point 55 de l’arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen (C‑334/07 P, EU:C:2008:709), a jugé, au point 70 du premier arrêt attaqué et au point 67 du second arrêt attaqué, que l’obligation à la charge de la Commission de mettre les parties intéressées, au stade de la décision d’ouverture, en mesure de présenter leurs observations revêt le caractère d’une formalité substantielle, dont la violation entraîne l’annulation de l’acte vicié, indépendamment de la question de savoir si cette violation a causé un préjudice à celui qui l’invoque ou si la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

103    Le troisième moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation du droit des intéressés d’être associés à la procédure, prévu à l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, de la notion de « ressources d’État », visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et de celle d’« aide existante », visée à l’article 108, paragraphe 1, TFUE, ainsi que d’une dénaturation des faits et d’une omission de répondre à des arguments présentés en défense.

 Argumentation des parties

104    La Commission reproche au Tribunal d’avoir jugé à tort, aux points 72 à 75 du premier arrêt attaqué et aux points 70 à 72 du second arrêt attaqué, que, si le Land de Bavière avait pu présenter des observations sur le point de savoir si des ressources budgétaires constituent des ressources d’État, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Elle estime que le Tribunal a violé non seulement l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE et l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, mais également l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il a interprété erronément la notion de « ressources d’État », et l’article 108, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il a interprété de manière erronée la notion d’« aide existante ». Elle reproche encore au Tribunal une dénaturation des faits constatés dans la décision litigieuse et l’absence d’examen des arguments présentés en défense.

105    Le Land de Bavière et le groupement d’intérêts soutiennent que ce moyen est irrecevable, dans la mesure où, aux points 72 et 75 du premier arrêt attaqué, le Tribunal aurait conclu à l’incidence de la violation du droit des intéressés de présenter des observations à l’issue de la procédure sur la base d’une constatation purement factuelle, que la Cour ne saurait contrôler. Par ailleurs, les points essentiels dudit moyen consisteraient en une simple répétition des moyens et des arguments déjà présentés devant le Tribunal.

106    À titre subsidiaire, le Land de Bavière et le groupement d’intérêts font valoir que le quatrième moyen est non fondé, dans la mesure où il procéderait d’une lecture erronée des arrêts attaqués.

 Appréciation de la Cour

107    Les arguments du Land de Bavière au soutien de l’irrecevabilité de ce moyen devant être rejetés pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 47 et 48 du présent arrêt, il suffit de relever, quant au fond, que ce n’est qu’à titre surabondant que le Tribunal a jugé que, si les parties intéressées avaient pu présenter des observations sur le mode de financement résultant du budget général du Land de Bavière, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

108    Or, il est de jurisprudence constante que des moyens dirigés contre des motifs surabondants de l’arrêt attaqué ne sauraient en tant que tels entraîner l’annulation de cet arrêt et sont donc inopérants (voir, notamment, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C‑208/02 P et C-213/02 P, EU:C:2005:408, point 148, ainsi que du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 61).

109    La Cour ayant jugé que c’est à bon droit que le Tribunal a constaté, au point 70 du premier arrêt attaqué et au point 67 du second arrêt attaqué, que la décision litigieuse, en ne mettant pas les parties intéressées en mesure de présenter leurs observations, a violé une formalité substantielle qui entraîne l’annulation de plein droit de l’acte vicié, le quatrième moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant inopérant.

110    Aucun des quatre moyens soulevés par la Commission à l’appui de chacun de ses pourvois n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter les pourvois dans leur ensemble.

 Sur les dépens

111    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens et le Land de Bavière ainsi que le groupement d’intérêts ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de condamner la Commission aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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