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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> TOYA (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-243/21 (17 November 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C24321.html Cite as: ECLI:EU:C:2022:889, [2022] EUECJ C-243/21, EU:C:2022:889 |
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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
17 novembre 2022 (*)
« Renvoi préjudiciel – Télécommunications – Directive 2002/19/CE (directive “accès”) – Article 8, paragraphe 3 – Directive 2014/61/UE – Article 1er, paragraphes 3 et 4, et article 3, paragraphe 5 – Pouvoir de l’autorité réglementaire nationale d’imposer des conditions réglementaires ex ante relatives à l’accès à l’infrastructure physique d’un opérateur de réseau ne disposant pas d’une puissance significative sur le marché – Absence de litige relatif à l’accès »
Dans l’affaire C‑243/21,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), par décision du 6 avril 2021, parvenue à la Cour le 14 avril 2021, dans la procédure
TOYA sp. z o.o.,
Polska Izba Informatyki i Telekomunikacji
contre
Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej,
en présence de :
Polska Izba Komunikacji Elektronicznej,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme L. S. Rossi, MM. J.–C. Bonichot, S. Rodin, Mme O. Spineanu–Matei (rapporteure), juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour TOYA sp. z o.o., par Me M. Jankowski, adwokat,
– pour le Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej, par M. M. Kołtoński, radca prawny,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement hellénique, par Mmes Z. Chatzipavlou, M. Tassopoulou et D. Tsagkaraki, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. S. L. Kalėda et L. Malferrari, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 9 juin 2022,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès ») (JO 2002, L 108, p. 7), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37) (ci-après la « directive “accès” »), lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphes 3 et 4, et l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit (JO 2014, L 155, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant TOYA sp. z o.o. et Polska Izba Informatyki i Telekomunikacji (chambre polonaise des technologies de l’information et des télécommunications, Pologne) au Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej (président de l’office des communications électroniques, Pologne) (ci–après le « président de l’UKE ») au sujet de la décision prise par ce dernier, le 11 septembre 2018, imposant à TOYA des conditions réglementaires ex ante régissant les termes et les modalités d’accès à son infrastructure physique (ci-après la « décision attaquée »).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive « accès »
3 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive « accès », intitulé « Champ d’application et objectif », était ainsi libellé :
« La présente directive, qui s’inscrit dans le cadre présenté dans la directive 2002/21/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive “cadre”) (JO 2002, L 108, p. 33)], harmonise la manière dont les États membres réglementent l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi que leur interconnexion. L’objectif consiste à établir, pour les relations entre fournisseurs de réseaux et de services, un cadre réglementaire qui favorisera l’instauration d’une concurrence durable et garantira l’interopérabilité des services de communications électroniques tout en procurant des avantages aux consommateurs, et ce conformément aux principes du marché intérieur. »
4 L’article 5, paragraphes 1 et 3, de la directive « accès », intitulé « Pouvoirs et responsabilités des autorités réglementaires nationales en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion », prévoyait :
« 1. Pour réaliser les objectifs exposés à l’article 8 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”), les autorités réglementaires nationales encouragent et, le cas échéant, assurent, conformément aux dispositions de la présente directive, un accès et une interconnexion adéquats, ainsi que l’interopérabilité des services et elles s’acquittent de leur tâche de façon à promouvoir l’efficacité économique, à favoriser une concurrence durable, à encourager des investissements efficaces et l’innovation et à procurer un avantage maximal à l’utilisateur final.
En particulier, sans préjudice des mesures qui pourraient être prises à l’égard d’entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché conformément à l’article 8, les autorités réglementaires nationales doivent être en mesure d’imposer :
a) dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer la connectivité de bout en bout, des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux là où elle n’est pas encore réalisée ;
a ter) dans des cas justifiés et dans la mesure de ce qui est nécessaire, des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals pour rendre leurs services interopérables ;
b) aux opérateurs, dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer l’accès des utilisateurs finals à des services de transmissions radiophoniques et télévisées numériques spécifiés par l’État membre, l’obligation de fournir l’accès à d’autres ressources visées à l’annexe I, partie II, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires.
[...]
3. En ce qui concerne l’accès et l’interconnexion visés au paragraphe 1, les États membres veillent à ce que l’autorité réglementaire nationale puisse intervenir de sa propre initiative, lorsque cela se justifie afin de garantir le respect des objectifs fondamentaux prévus à l’article 8 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”), conformément aux dispositions de la présente directive et aux procédures visées aux articles 6, 7, 20 et 21 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”). »
5 L’article 8, paragraphes 1 à 3, de la directive « accès », intitulé « Imposition, modification ou suppression des obligations », disposait :
« 1. Les États membres veillent à ce que les autorités réglementaires nationales soient habilitées à imposer les obligations visées aux articles 9 à 13 bis.
2. Lorsqu’à la suite d’une analyse du marché effectuée conformément à l’article 16 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”) un opérateur est désigné comme disposant d’une puissance significative sur un marché donné, les autorités réglementaires nationales lui imposent les obligations énumérées aux articles 9 à 13 de la présente directive, selon le cas.
3. Sans préjudice :
– des dispositions de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 6,
– des dispositions des articles 12 et 13 de la directive 2002/21/CE (directive “cadre”), de la condition 7 à la section B de l’annexe de la directive 2002/20/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive “autorisation”) (JO 2002, L 108, p. 21)] appliquée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, et des articles 27, 28 et 30 de la directive 2002/22/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive “service universel”) (JO 2002, L 108, p. 51)] et des dispositions pertinentes de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques ») [(JO 2002, L 201, p. 37)] qui imposent des obligations à des entreprises autres que celles qui sont désignées comme disposant d’une puissance significative sur le marché, ou
– de la nécessité de se conformer aux engagements internationaux,
les autorités réglementaires nationales n’imposent pas les obligations définies aux articles 9 à 13 aux opérateurs qui n’ont pas été désignés conformément au paragraphe 2.
[...] »
La directive « cadre »
6 L’article 8 de la directive 2002/21, telle que modifiée par la directive 2009/140 (ci-après la « directive “cadre” »), intitulé « Objectifs généraux et principes réglementaires », prévoyait :
« 1. Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les autorités réglementaires nationales prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs.
[...]
2. Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés [...]
[...]
3. Les autorités réglementaires nationales contribuent au développement du marché intérieur [...]
[...]
4. Les autorités réglementaires nationales soutiennent les intérêts des citoyens de l’Union européenne [...]
[...]
5. Afin de poursuivre les objectifs visés aux paragraphes 2, 3 et 4, les autorités réglementaires nationales appliquent des principes réglementaires objectifs, transparents, non discriminatoires et proportionnés [...]
[...] »
7 L’article 12 de la directive « cadre », intitulé « Colocalisation et partage des éléments de réseaux et des ressources associées pour les fournisseurs de réseaux de communications électroniques », énonçait :
« 1. Lorsqu’une entreprise fournissant des réseaux de communications électroniques a le droit, en vertu de la législation nationale, de mettre en place des ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques ou privées, ou peut bénéficier d’une procédure d’expropriation ou d’utilisation d’un bien foncier, les autorités réglementaires nationales, tenant pleinement compte du principe de proportionnalité, peuvent imposer le partage de ces ressources ou de ce bien foncier, notamment des bâtiments, des accès aux bâtiments, du câblage des bâtiments, des pylônes, antennes, tours et autres constructions de soutènement, gaines, conduites, trous de visite et boîtiers.
2. Les États membres peuvent imposer aux titulaires des droits visés au paragraphe 1 de partager des ressources ou des biens fonciers (y compris la colocalisation physique) ou de prendre des mesures visant à faciliter la coordination de travaux publics pour protéger l’environnement, la santé publique ou la sécurité publique, ou pour réaliser des objectifs d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, et uniquement après une période de consultation publique appropriée au cours de laquelle toutes les parties intéressées ont la possibilité de donner leur avis. Ces arrangements en matière de partage ou de coordination peuvent inclure des règles de répartition des coûts du partage de la ressource ou du bien foncier.
3. Les États membres veillent à ce que les autorités nationales soient également dotées des compétences permettant d’imposer aux titulaires des droits visés au paragraphe 1 et/ou au propriétaire de ce câblage, après une période appropriée de consultation publique pendant laquelle toutes les parties intéressées ont la possibilité d’exposer leurs points de vue, de partager du câblage à l’intérieur des bâtiments ou jusqu’au premier point de concentration ou de distribution s’il est situé à l’extérieur du bâtiment, lorsque cela est justifié par le fait que le doublement de cette infrastructure serait économiquement inefficace ou physiquement irréalisable. De tels accords de partage ou de coordination peuvent inclure une réglementation concernant la répartition des coûts du partage des ressources ou des biens fonciers, adaptés le cas échéant en fonction des risques.
4. Les États membres veillent à ce que les autorités nationales compétentes puissent exiger que les entreprises fournissent, à la demande des autorités compétentes, les informations nécessaires pour que lesdites autorités puissent établir, en collaboration avec les autorités réglementaires nationales, un inventaire détaillé de la nature, de la disponibilité et de l’emplacement des ressources visées au paragraphe 1 ; cet inventaire est ensuite mis à la disposition des parties intéressées.
5. Les mesures prises par une autorité réglementaire nationale conformément au présent article sont objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées. Lorsque cela est pertinent, ces mesures sont exécutées en coopération avec les autorités locales. »
La directive 2014/61
8 Les considérants 9, 11 et 12 de la directive 2014/61 sont ainsi libellés :
« (9) Les mesures destinées à permettre une utilisation plus efficace des infrastructures existantes et à réduire les coûts et les obstacles liés à l’exécution de nouveaux travaux de génie civil devraient contribuer de manière significative à garantir un déploiement rapide et de grande envergure des réseaux de communications électroniques à haut débit, tout en préservant une concurrence effective, sans incidence négative sur la sécurité, la sûreté et le bon fonctionnement des infrastructures publiques existantes.
[...]
(11) La présente directive a pour but d’établir certains droits et obligations minimaux applicables dans l’ensemble de l’Union de manière à faciliter le déploiement des réseaux de communications électroniques à haut débit et la coordination intersectorielle. Il convient de parvenir à une harmonisation minimale des conditions, sans toutefois porter atteinte aux meilleures pratiques existantes et aux mesures adoptées aux niveaux national et local et comportant des dispositions et conditions plus détaillées ainsi que des mesures supplémentaires qui complètent ces droits et obligations, conformément au principe de subsidiarité.
(12) Conformément au principe de la lex specialis, lorsque des mesures réglementaires plus spécifiques et conformes au droit de l’Union sont applicables, celles-ci devraient prévaloir sur les droits et obligations minimaux prévus par la présente directive. Par conséquent, la présente directive devrait s’entendre sans préjudice du cadre réglementaire de l’Union concernant les communications électroniques fixé dans la directive 2002/21/CE [...] ainsi que dans la directive 2002/19/CE [...], la directive 2002/20/CE [...], la directive 2002/22/CE [...] et la directive 2002/77/CE de la Commission [,du 16 septembre 2002, relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques (JO 2002, L 249, p. 21)], y compris les mesures nationales adoptées en vertu dudit cadre réglementaire, telles que les mesures réglementaires spécifiques symétriques ou asymétriques. »
9 L’article 1er de la directive 2014/61, intitulé « Objet et champ d’application », dispose :
« 1. La présente directive vise à faciliter et à encourager le déploiement des réseaux de communications électroniques à haut débit en promouvant l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes et en permettant un déploiement plus efficace de nouvelles infrastructures physiques afin de réduire les coûts liés à la mise en place de ces réseaux.
2. La présente directive établit des exigences minimales relatives aux travaux de génie civil et aux infrastructures physiques, en vue de rapprocher certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres dans ces domaines.
3. Les États membres peuvent maintenir ou introduire des mesures conformes au droit de l’Union qui vont au-delà des exigences minimales établies par la présente directive en vue de mieux atteindre l’objectif visé au paragraphe 1.
4. En cas de conflit entre une disposition de la présente directive et une disposition de la directive 2002/21/CE, de la directive 2002/19/CE, de la directive 2002/20/CE, de la directive 2002/22/CE ou de la directive 2002/77/CE, les dispositions pertinentes de ces directives priment. »
10 L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2014/61, intitulé « Définitions », prévoit :
« Aux fins de la présente directive, les définitions figurant dans la directive 2002/21/CE s’appliquent.
Les définitions suivantes s’appliquent également. On entend par :
1. “opérateur de réseau”, une entreprise fournissant ou autorisée à fournir des réseaux de communications publics, ainsi qu’une entreprise qui met à disposition une infrastructure physique destinée à fournir :
a) un service de production, de transport ou de distribution de :
i) gaz ;
ii) électricité, y compris pour l’éclairage public ;
iii) service de chauffage ;
iv) eau, y compris l’évacuation ou le traitement et l’assainissement des eaux usées, et les systèmes d’égouts ;
b) des services de transport, y compris les voies ferrées, les routes, les ports et les aéroports ».
11 L’article 3 de la directive 2014/61, intitulé « Accès aux infrastructures physiques existantes », énonce :
« 1. Les États membres veillent à ce que tout opérateur de réseau ait le droit d’offrir aux entreprises fournissant ou autorisées à fournir des réseaux de communications électroniques l’accès à ses infrastructures physiques en vue du déploiement d’éléments de réseaux de communications électroniques à haut débit. Réciproquement, les États membres peuvent prévoir que les opérateurs de réseau de communications public sont en droit d’offrir l’accès à leur infrastructure physique afin de déployer des réseaux autres que des réseaux de communications électroniques.
2. Les États membres veillent à ce que tout opérateur de réseau ait l’obligation, en réponse à une demande écrite formulée par une entreprise fournissant ou autorisée à fournir des réseaux de communications publics, de faire droit à toute demande raisonnable d’accès à ses infrastructures physiques selon des modalités et des conditions équitables et raisonnables, y compris au niveau du prix, en vue du déploiement d’éléments de réseaux de communications électroniques à haut débit. Cette demande écrite indique de manière détaillée les éléments du projet pour lequel l’accès est demandé, y compris un échéancier précis.
[...]
4. Si l’accès est refusé ou si aucun accord n’a été trouvé sur les modalités et conditions spécifiques, y compris le prix, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d’accès, les États membres veillent à ce que chaque partie soit habilitée à porter l’affaire devant l’organisme national compétent en matière de règlement des litiges.
5. Les États membres font obligation à l’organisme national de règlement des litiges visé au paragraphe 4 de rendre, en tenant dûment compte du principe de proportionnalité, une décision contraignante afin de résoudre le litige engagé en vertu du paragraphe 4, y compris la fixation, le cas échéant, de modalités et de conditions équitables et raisonnables, dont, le cas échéant, le prix.
L’organisme national de règlement des litiges règle le litige dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de quatre mois à compter de la date de réception de la demande complète, sauf circonstances exceptionnelles, sans préjudice de la possibilité pour toute partie de saisir une juridiction.
Lorsque le litige porte sur l’accès à l’infrastructure d’un fournisseur de réseau de communications électroniques et que l’organisme national de règlement des litiges est une autorité de réglementation nationale, cette dernière prend en compte, le cas échéant, les objectifs énoncés à l’article 8 de la directive 2002/21/CE. Le prix fixé par l’organisme de règlement des litiges garantit que le fournisseur d’accès a une possibilité équitable de récupérer ses coûts et tient compte de l’incidence de l’accès demandé sur le plan d’affaires du fournisseur d’accès, y compris les investissements réalisés par l’opérateur du réseau auquel l’accès est demandé, notamment dans les infrastructures physiques utilisées pour la fourniture de services de communications électroniques à haut débit.
[...] »
La directive (UE) 2018/1972
12 Conformément aux articles 124 et 125 de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, établissant le code des communications électroniques européen (JO 2018, L 321, p. 36), les directives « accès » et « cadre » sont abrogées avec effet au 21 décembre 2020, date d’expiration du délai de transposition de la directive 2018/1972.
Le droit polonais
13 Aux termes de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de l’ustawa o wspieraniu rozwoju usług i sieci telekomunikacyjnych (loi relative au soutien au développement des réseaux et services de télécommunications), du 7 mai 2010(ci–après la « loi WRUIST ») :
« 1. L’opérateur de réseau fournit aux entreprises de télécommunications l’accès à l’infrastructure physique, y compris son partage, afin de déployer un réseau de télécommunications à haut débit.
2. L’accès à l’infrastructure physique est payant, sauf si les parties au contrat en conviennent autrement. »
14 L’article 18, paragraphes 1 à 3 et 6, de la loi WRUIST est ainsi libellé :
« 1. Les conditions d’accès à l’infrastructure physique, y compris les conditions techniques, opérationnelles et financières de la coopération, sont déterminées par les parties dans un contrat d’accès à l’infrastructure physique, conclu par écrit sous peine de nullité.
2. Le président de l’UKE peut demander à l’opérateur de réseau de fournir des informations sur les conditions d’accès à l’infrastructure physique.
3. Après que l’opérateur de réseau a fourni des informations sur les conditions d’accès à l’infrastructure physique, le président de l’UKE, agissant conformément aux critères définis à l’article 22, paragraphes 1 à 3, peut déterminer par voie de décision les conditions d’accès à l’infrastructure physique. [...]
[...]
6. L’opérateur de réseau qui s’est vu délivrer une décision relative à la détermination des conditions d’accès à l’infrastructure physique est tenu de conclure les contrats visés au paragraphe 1 dans des conditions qui ne soient pas moins favorables que celles définies dans ladite décision. »
15 L’article 22, paragraphes 1 et 2, de la loi WRUIST dispose :
« 1. Le président de l’UKE rend une décision relative à l’accès à l’infrastructure physique dans un délai de 60 jours à compter de la date d’introduction de la demande à cet effet, en tenant compte notamment de la nécessité de garantir des conditions d’accès non discriminatoires et proportionnées.
2. Le président de l’UKE, lorsqu’il rend une décision relative à l’accès à l’infrastructure physique d’une entreprise de télécommunications, veille à ce que les redevances versées à ce titre permettent le remboursement des coûts supportés par cette entreprise, eu égard notamment aux objectifs énoncés à l’article 8 de la directive [2002/21] et à l’impact de l’accès à l’infrastructure physique sur le plan d’affaires de cette entreprise de télécommunications, en particulier sur ses investissements dans les réseaux de télécommunications à haut débit. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
16 TOYA est une entreprise polonaise de télécommunications et un opérateur de réseau.
17 À l’issue d’une procédure administrative dans le cadre de laquelle TOYA a été invitée à fournir des informations sur les conditions d’accès à son infrastructure physique constituée de canalisations de câbles et de canalisations de télécommunications d’immeuble, le président de l’UKE a, le 11 septembre 2018, adopté la décision attaquée.
18 Celle-ci est, notamment, fondée sur l’article 18, paragraphe 3, de la loi WRUIST, lu en combinaison avec l’article 17 de cette loi. Elle définit les conditions d’accès à l’infrastructure physique de TOYA s’agissant des canalisations de câbles et de télécommunications d’immeuble. Elle impose également à TOYA de se tenir prête à conclure des contrats-cadres et des contrats particuliers et à accepter les demandes d’accès à son infrastructure physique conformément aux conditions d’accès précitées.
19 Dans la décision attaquée, le président de l’UKE précise que les articles 18 et 22 de la loi WRUIST lui permettent de garantir aux entreprises de télécommunications l’accès à l’infrastructure physique, ce qui inclut le partage de cette infrastructure, afin de mettre en place un réseau de télécommunications à haut débit.
20 Il souligne la conformité de la décision attaquée aux objectifs définis par la directive 2014/61, qui concernent les avantages liés au partage des infrastructures et la nécessité de supprimer les obstacles qui conduisent à une utilisation inefficace des ressources existantes.
21 Il relève que la décision attaquée contribuera à l’harmonisation des délais, des procédures et des taux du marché, liés à la mise à disposition des canalisations de câbles et de télécommunications d’immeuble. Par conséquent, elle conduirait à une égalité de traitement de tous les opérateurs, contribuerait à limiter les coûts d’acquisition des infrastructures par les entreprises de télécommunications utilisant l’accès à l’infrastructure physique et permettrait un accès plus large aux canalisations.
22 Le président de l’UKE indique, par ailleurs, que le caractère universel des conditions d’accès approuvées se manifeste par le fait qu’elles peuvent être mises en œuvre pour la coopération en matière d’interconnexion par des entreprises de télécommunications ayant des profils commerciaux différents et une échelle d’opérations différente. TOYA ne serait, en outre, pas privée de la possibilité de déterminer le contenu de ses contrats-cadres, afin que ceux-ci soient adaptés aux règles de fonctionnement adoptées en son sein.
23 Sur son caractère proportionné, la décision attaquée fait état de l’inexistence d’une autre possibilité de déterminer les conditions d’accès à l’infrastructure physique de TOYA que par une décision administrative. La décision attaquée précise également que, selon le président de l’UKE, les règles d’accès fixées dans la décision, si elles affectent le droit de propriété de TOYA, ne sont pas excessivement contraignantes pour celle-ci et tiennent dûment compte de ses droits et de ses intérêts.
24 Dans la décision attaquée, il est également indiqué que les dispositions de la loi WRUIST, relatives aux conditions permettant au président de l’UKE de rendre des décisions déterminant les conditions d’accès à l’infrastructure physique, ne se réfèrent ni à l’ampleur de l’infrastructure détenue ni au nombre de litiges que suscite la question de l’accès à cette infrastructure.
25 Dans cette décision, le président de l’UKE relève, à cet égard, qu’il a tenu compte du fait que TOYA serait obligée de traiter les entreprises de manière égale lors de la demande d’accès visée à l’article 17 de la loi WRUIST, et que, eu égard à la nécessité d’assurer des conditions d’accès proportionnées, il a choisi de déterminer les conditions d’accès, en adoptant des mesures suffisantes et, en même temps, minimales pour assurer l’objectif poursuivi par cet accès.
26 Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, outre la décision attaquée, le président de l’UKE a adopté des décisions largement analogues à l’égard de six autres opérateurs de télécommunications.
27 TOYA a formé un recours contre la décision attaquée devant la juridiction de renvoi, à savoir le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne). TOYA considère que, en vertu de l’article 3, paragraphes 2 et 5, ainsi que de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 2014/61 et du considérant 12 de celle-ci, lus en combinaison avec l’article 8, paragraphes 2 et 3, de la directive « accès » et l’article 8, paragraphe 5, sous f), de la directive « cadre », une autorité réglementaire nationale ne peut exiger l’application d’une offre de référence ex ante que de la part d’opérateurs disposant d’une puissance significative sur le marché désigné. La décision attaquée serait contraire au droit de l’Union au motif qu’il n’y aurait pas eu d’analyse de marché visant à établir que TOYA disposait d’une telle puissance significative et qu’il n’y aurait pas non plus eu de litige portant sur l’accès à son infrastructure physique, au sens de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61.
28 La juridiction de renvoi nourrit des doutes sur la compatibilité de la décision attaquée, et de l’interprétation de l’article 18, paragraphe 3, de la loi WRUIST sur laquelle elle repose, avec les dispositions de droit de l’Union pertinentes, notamment l’article 1er, paragraphes 3 et 4, et l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61, ainsi que l’article 8, paragraphe 3, de la directive « accès », en ce que, par cette décision, le président de l’UKE impose à TOYA des obligations réglementaires ex ante concernant l’accès à son infrastructure physique, alors que cet accès n’a pas suscité de litiges, et qu’il n’a pas été démontré que TOYA disposait d’une puissance significative sur le marché.
29 En outre, étant donné que la directive « accès » et la directive « cadre » ont été abrogées et remplacées par la directive 2018/1972, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir quelles sont les directives de l’Union applicables en l’occurrence.
30 Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 8, paragraphe 3, de la directive [“accès”], lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 5, et avec l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de la directive [2014/61], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que l’autorité réglementaire nationale puisse imposer à un opérateur, disposant d’une infrastructure physique et étant également fournisseur de services ou de réseaux de communications électroniques accessibles au public, qui n’a pas été désigné comme un opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché, l’obligation d’appliquer les conditions, telles que déterminées ex ante par ladite autorité, qui régissent les modalités d’accès à l’infrastructure physique de cet opérateur, y compris les règles et les procédures de conclusion des contrats ainsi que la tarification appliquée pour l’accès, indépendamment de l’existence d’un litige relatif à l’accès à l’infrastructure physique de cet opérateur et d’une concurrence effective sur le marché ?
Alternativement (option 2)
2) L’article 67, paragraphes 1 et 3, lu en combinaison avec l’article 68, paragraphes 2 et 3, de la directive [2018/1972], ainsi qu’avec l’article 3, paragraphe 5, et avec l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de la directive [2014/61], doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que l’autorité réglementaire nationale puisse imposer à un opérateur, disposant d’une infrastructure physique et étant également fournisseur de services ou de réseaux de communications électroniques accessibles au public, qui n’a pas été désigné comme un opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché, l’obligation d’appliquer les conditions, telles que déterminées ex ante par ladite autorité, qui régissent les modalités d’accès à l’infrastructure physique de cet opérateur, y compris les règles et les procédures de conclusion des contrats ainsi que la tarification appliquée pour l’accès, indépendamment de l’existence d’un litige relatif à l’accès à l’infrastructure physique de cet opérateur et d’une concurrence effective sur le marché ? »
Sur les questions préjudicielles
Observations liminaires
31 À titre liminaire, il y a lieu de relever que les deux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi sont, sur le fond, identiques, et divergent simplement en ce qui concerne le cadre juridique à la lumière duquel il est demandé à la Cour d’y répondre. En effet, alors que, par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 1er, paragraphes 3 et 4, ainsi qu’à l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61 et à l’article 8, paragraphe 3, de la directive « accès », la seconde question fait référence aux mêmes dispositions de la directive 2014/61 et, alternativement, à l’article 67, paragraphes 1 et 3, ainsi qu’à l’article 68, paragraphes 2 et 3, de la directive 2018/1972.
32 À cet égard, il convient de constater que la décision attaquée a été adoptée le 11 septembre 2018. Or, ainsi qu’il a été relevé, au point 12 du présent arrêt, à cette date, les directives « accès » et « cadre » étaient pleinement en vigueur, la directive 2018/1972 n’ayant pas encore été adoptée.
33 Partant, seule l’interprétation des dispositions pertinentes des directives « accès » et « cadre », à l’exclusion de celles de la directive 2018/1972, qui n’est pas applicable ratione temporis, est pertinente pour déterminer si ces dispositions s’opposent à la pratique d’une autorité réglementaire nationale telle que celle du président de l’UKE dans l’affaire au principal.
34 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question préjudicielle.
Sur la première question
35 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphes 3 et 4, ainsi que l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61, lus en combinaison avec l’article 8, paragraphe 3, de la directive « accès », doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une autorité réglementaire nationale compétente dans le domaine des communications électroniques oblige un opérateur de réseau, qui n’a pas été désigné comme disposant d’une puissance significative sur le marché, à appliquer les conditions, telles que déterminées ex ante par cette autorité, qui régissent les modalités d’accès, par d’autres entreprises actives dans ce domaine, à l’infrastructure physique de cet opérateur, y compris les règles et les procédures de conclusion des contrats ainsi que la tarification appliquée pour cet accès, indépendamment de l’existence d’un litige relatif audit accès et d’une concurrence effective.
36 Selon une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie, C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139, point 45 ainsi que jurisprudence citée).
37 S’agissant, en premier lieu, du libellé et du contexte desdites dispositions, il convient, tout d’abord, de relever, ainsi que le souligne M. l’avocat général, au point 37 de ses conclusions, qu’il ressort des dispositions de la directive 2014/61 qu’elle a un champ d’application large, qui recouvre tous les opérateurs de réseau, qu’ils aient ou non été désignés comme disposant d’une puissance significative sur le marché.
38 Ainsi, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive définit l’« opérateur de réseau » comme une entreprise fournissant ou autorisée à fournir des réseaux de communications publics, ainsi qu’une entreprise qui met à disposition une infrastructure physique destinée à fournir un service de production, de transport ou de distribution de gaz, d’électricité, de service de chauffage ou d’eau, ainsi que des services de transport. Force est de constater que cette définition ne contient aucune référence à la puissance de marché de cette entreprise, à l’ampleur des parts de marché qu’elle détient, ni au caractère concurrentiel du marché sur lequel elle opère.
39 L’article 3 de la directive 2014/61, relatif à l’accès aux infrastructures physiques existantes, consacre, à son paragraphe 1, le droit de tout opérateur de réseau d’offrir aux entreprises fournissant ou autorisées à fournir des réseaux de communications électroniques un accès à ses infrastructures physiques. Cette disposition instaure également, à son paragraphe 2, une obligation, à charge de tout opérateur de réseau, qu’il ait ou non été désigné comme disposant d’une puissance significative sur le marché, de faire droit à toute demande raisonnable d’une telle entreprise visant l’accès à ses infrastructures physiques selon des modalités et des conditions équitables et raisonnables, y compris au niveau du prix, en vue du déploiement d’éléments de réseaux de communications électroniques à haut débit.
40 Si l’accès est refusé ou si aucun accord n’a été trouvé, entre l’opérateur de réseau propriétaire de l’infrastructure physique et l’entreprise qui sollicite d’y avoir accès, sur lesdites modalités et lesdites conditions spécifiques, l’article 3, paragraphe 4, de cette directive impose aux États membres de veiller à ce que chaque partie soit habilitée à porter l’affaire devant l’organisme national compétent en matière de règlement des litiges. Cet organisme doit alors, conformément à l’article 3, paragraphe 5, de ladite directive, adopter une décision contraignante afin de résoudre le litige en fixant, en cas d’octroi d’accès, des modalités et des conditions équitables et raisonnables, dont, le cas échéant, le prix.
41 Par conséquent, s’agissant de l’intervention d’autorités nationales au sujet de l’accès, pour les entreprises fournissant ou autorisées à fournir des réseaux de communications électroniques, aux infrastructures physiques de réseau existantes dans l’Union, l’article 3 de la directive 2014/61 est consacré au règlement ex post de litiges. Cette disposition ne prévoit pas expressément la possibilité d’établir, à titre préventif, et en dehors de tout litige spécifique, des obligations réglementaires ex ante relatives à l’accès à l’infrastructure physique d’un opérateur de réseau, telles que celles qui ont été imposées à TOYA par le président de l’UKE dans l’affaire au principal.
42 Toutefois, ni ledit article 3 ni aucune autre disposition de la directive 2014/61 n’interdit expressément l’établissement de telles obligations réglementaires ex ante relatives à l’accès à l’infrastructure physique d’un opérateur de réseau.
43 À cet égard, il résulte de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la directive 2014/61, lu à la lumière du considérant 11 de cette directive, que celle–ci ne fixe que des exigences minimales, et que les États membres peuvent maintenir ou introduire des mesures conformes au droit de l’Union qui vont au-delà desdites exigences afin d’atteindre l’objectif fondateur de ladite directive, tel qu’il est consacré au paragraphe 1 de cet article 1er.
44 Il ressort, cependant, de l’article 1er, paragraphe 4, de cette directive, lu à la lumière du considérant 12 de celle-ci, que, en cas de conflit entre une disposition de ladite directive et une disposition des autres directives mentionnées audit article 1er, paragraphe 4, dont la directive « cadre » et la directive « accès », les dispositions pertinentes de ces autres directives priment.
45 Il découle de cette règle de conflit qu’il y a également lieu, afin de répondre à la première question, d’examiner si les mêmes directives et, plus particulièrement, les directives « cadre » et « accès », s’opposent à des mesures édictées par une autorité réglementaire nationale en matière d’accès à l’infrastructure physique d’un opérateur de réseau, telles que celles adoptées par le président de l’UKE dans l’affaire au principal.
46 À cet égard, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 3, de la directive « accès » prévoit que, en principe, les autorités réglementaires nationales n’imposent pas les obligations de transparence, de non-discrimination, de séparation comptable, d’accès et d’utilisation des ressources de réseau spécifiques, et de contrôle des prix et de comptabilisation des coûts, telles que définies aux articles 9 à 13 de cette directive, aux opérateurs de réseau qui n’ont pas été désignés par une analyse de marché comme disposant d’une puissance significative sur le marché.
47 Toutefois, il y a lieu de constater, à l’instar de M. l’avocat général, au point 33 de ses conclusions, que cette interdiction de principe découlant de l’article 8, paragraphe 3, de la directive « accès » connaît plusieurs exceptions. Au titre de certaines d’entre elles, les autorités réglementaires nationales peuvent, notamment, imposer des obligations réglementaires ex ante en matière d’accès à l’infrastructure physique à des opérateurs de réseau ne disposant pas forcément d’une puissance significative sur le marché en cause.
48 Ainsi, l’article 5, paragraphe 1, de la directive « accès » prévoit que, pour réaliser les objectifs exposés à l’article 8 de la directive « cadre », les autorités réglementaires nationales encouragent et, le cas échéant, assurent un accès et une interconnexion adéquats, ainsi que l’interopérabilité des services, et s’acquittent de leur tâche de manière, notamment, à promouvoir l’efficacité économique, à favoriser une concurrence durable, et à procurer un avantage maximal à l’utilisateur final. À cette fin, cette disposition permet, notamment, aux autorités réglementaires nationales d’imposer, dans la mesure de ce qui est nécessaire pour assurer la connectivité de bout en bout ou pour rendre les services interopérables, des obligations aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals, et cela indépendamment du point de savoir si ces entreprises ont une puissance significative sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 39 et jurisprudence citée).
49 À cet égard, la Cour a eu l’occasion de préciser que, afin de réaliser les objectifs énumérés à l’article 8 de la directive « cadre » dans le cadre particulier de l’accès et de l’interconnexion, les autorités réglementaires nationales disposent d’une autonomie d’intervention et de moyens d’action qui ne sont pas limitativement énumérés (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 2008, Commission/Pologne, C‑227/07, EU:C:2008:620, point 65 ; du 12 novembre 2009, TeliaSonera Finland, C‑192/08, EU:C:2009:696, points 58 à 60, et du 17 septembre 2015, KPN, C‑85/14, EU:C:2015:610, point 36).
50 L’article 12 de la directive « cadre » habilite également les autorités réglementaires nationales à imposer, sans avoir préalablement constaté que l’opérateur concerné dispose d’une puissance significative sur le marché, des obligations concernant la colocalisation et le partage d’éléments de réseau et de ressources associées.
51 Enfin, il convient encore de constater qu’aucune disposition des directives « accès » et « cadre » ne subordonne l’imposition à un opérateur de réseau, par une autorité réglementaire nationale, d’obligations réglementaires ex ante en matière d’accès à l’infrastructure physique, à l’existence de litiges spécifiques entre ledit opérateur et les entreprises y sollicitant l’accès.
52 À la lumière des considérations qui précèdent, il découle des termes et du contexte de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, ainsi que de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61, lus en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 3, de la directive « accès », ainsi qu’avec les articles 8 et 12 de la directive « cadre », que l’absence de litiges spécifiques entre l’opérateur de réseau disposant d’une infrastructure physique et une entreprise qui sollicite d’y avoir accès, ainsi que le fait qu’il n’ait pas été préalablement établi que cet opérateur disposait d’une puissance significative sur le marché en cause ni que ce marché ne présentait pas une concurrence effective, ne peuvent faire obstacle à l’imposition, par l’autorité réglementaire nationale compétente, d’obligations réglementaires ex ante en matière d’accès à l’infrastructure physique dudit opérateur.
53 En second lieu, une telle interprétation littérale et contextuelle est pleinement corroborée par l’interprétation téléologique des dispositions pertinentes des directives 2014/61, « accès » et « cadre ».
54 À cet égard, il convient, d’une part, de relever que la directive 2014/61 vise, conformément à son article 1er, paragraphe 1, à faciliter et à encourager le déploiement des réseaux de communications électroniques à haut débit en promouvant l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes et en permettant un déploiement plus efficace de nouvelles infrastructures physiques afin de réduire les coûts liés à la mise en place de ces réseaux.
55 Or, il y a lieu de constater qu’une pratique telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant en la fixation de conditions minimales ex ante d’accès à l’infrastructure physique d’un opérateur de réseau, en dehors de tout litige spécifique, et sans qu’il ait été préalablement établi que cet opérateur disposait d’une puissance significative sur le marché, est de nature à contribuer à l’objectif général de la directive 2014/61, en ce qu’elle promeut et facilite l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes. Plus spécifiquement, elle contribue également, comme le gouvernement polonais et la Commission le mentionnent dans leurs observations écrites, et ainsi que M. l’avocat général le relève au point 43 de ses conclusions, à prévenir les litiges relatifs à l’accès à l’infrastructure physique de l’opérateur de réseau, et participe en cela à l’objectif de règlement des litiges sous–jacent à l’article 3 de cette directive, tel qu’il a été rappelé au point 41 du présent arrêt.
56 D’autre part, il convient de relever qu’une telle pratique contribue également à la poursuite des principaux objectifs définis par les directives « accès » et « cadre ». En effet, en ce qu’elle promeut et facilite l’utilisation conjointe des infrastructures physiques existantes, ladite pratique contribue à l’instauration d’une concurrence durable, au renforcement de l’interopérabilité des services de communications électroniques, au développement du marché intérieur dans ce secteur, et au soutien des intérêts des citoyens et consommateurs de l’Union, objectifs notamment consacrés par l’article 8, paragraphes 2 à 4, de la directive « cadre » et l’article 1, paragraphe 1, de la directive « accès ».
57 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphes 3 et 4, ainsi que l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61, lus en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 3, de la directive « accès » ainsi qu’avec les articles 8 et 12 de la directive « cadre », doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une autorité réglementaire nationale compétente dans le domaine des communications électroniques oblige un opérateur de réseau, qui n’a pas été désigné comme disposant d’une puissance significative sur le marché, à appliquer les conditions, telles que déterminées ex ante par cette autorité, qui régissent les modalités d’accès, par des entreprises actives dans ce domaine, à l’infrastructure physique de cet opérateur, y compris les règles et les procédures de conclusion des contrats ainsi que la tarification appliquée pour cet accès, indépendamment de l’existence d’un litige relatif audit accès et d’une concurrence effective.
Sur les dépens
58 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 1er, paragraphes 3 et 4, et l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relative à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, lus en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès »), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, ainsi qu’avec les articles 8 et 12 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), telle que modifiée par la directive 2009/140,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à ce qu’une autorité réglementaire nationale compétente dans le domaine des communications électroniques oblige un opérateur de réseau, qui n’a pas été désigné comme disposant d’une puissance significative sur le marché, à appliquer les conditions, telles que déterminées ex ante par cette autorité, qui régissent les modalités d’accès, par des entreprises actives dans ce domaine, à l’infrastructure physique de cet opérateur, y compris les règles et les procédures de conclusion des contrats ainsi que la tarification appliquée pour cet accès, indépendamment de l’existence d’un litige relatif audit accès et d’une concurrence effective.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.
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