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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Ametic (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-263/21 (08 September 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C26321.html Cite as: EU:C:2022:644, [2023] ECDR 2, ECLI:EU:C:2022:644, [2022] EUECJ C-263/21 |
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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
8 septembre 2022 (*)
« Renvoi préjudiciel – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29/CE – Article 5, paragraphe 2, sous b) – Droit de reproduction exclusif – Exception – Copies à usage privé – Redevance – Exemption ex ante – Certificat d’exemption délivré par une entité de droit privé contrôlée par les seules sociétés de gestion des droits d’auteur – Pouvoirs de contrôle de cette entité »
Dans l’affaire C‑263/21,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), par décision du 17 mars 2021, parvenue à la Cour le 23 avril 2021, dans la procédure
Asociación Multisectorial de Empresas de la Electrónica, las Tecnologías de la Información y la Comunicación, de las Telecomunicaciones y de los Contenidos Digitales (Ametic),
contre
Administración del Estado,
Entidad de Gestión de Derechos de los Productores Audiovisuales (EGEDA),
Asociación para el Desarrollo de la Propiedad Intelectual (ADEPI),
Artistas Intérpretes o Ejecutantes, Sociedad de Gestión de España (AIE),
Artistas Intérpretes, Entidad de Gestión de Derechos de Propiedad Intelectual (AISGE),
Ventanilla Única Digital,
Derechos de Autor de Medios Audiovisuales (DAMA),
Centro Español de Derechos Reprográficos (CEDRO),
Asociación de Gestión de Derechos Intelectuales (AGEDI),
Sociedad General de Autores y Editores (SGAE),
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, M. Ilešič, D. Gratsias (rapporteur) et Z. Csehi, juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour l’Asociación Multisectorial de Empresas de la Electrónica, las Tecnologías de la Información y la Comunicación, de las Telecomunicaciones y de los Contenidos Digitales (Ametic), par Mes A. González García, M. Magide Herrero, R. Sánchez Aristi et D. Sarmiento Ramírez-Escudero, abogados,
– pour l’Asociación para el Desarrollo de la Propiedad Intelectual (ADEPI), par Me J. J. Marín López, abogado,
– pour Artistas Intérpretes o Ejecutantes, Sociedad de Gestión de España (AIE), par Me J. A. Hernández-Pinzón García, abogado,
– pour Artistas Intérpretes, Entidad de Gestión de Derechos de Propiedad Intelectual (AISGE), par Me J. M. Montes Relazón, abogado,
– pour Ventanilla Única Digital, par Me J. J. Marín López, abogado,
– pour Derechos de Autor de Medios Audiovisuales (DAMA), par Me R. Gómez Cabaleiro, abogado,
– pour Centro Español de Derechos Reprográficos (CEDRO), par Mes I. Aramburu Muñoz et J. de Fuentes Bardají, abogados,
– pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement français, par Mmes A. Daniel et A.‑L. Desjonquères, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. É. Gippini Fournier et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10), et des principes généraux du droit de l’Union.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Asociación Multisectorial de Empresas de la Electrónica, las Tecnologías de la Información y la Comunicación, de las Telecomunicaciones y de los contenidos Digitales (Ametic) à l’Administración del Estado (administration de l’État, Espagne), l’Entidad de Gestión de Derechos de los Productores Audiovisuales (EGEDA), l’Asociación para el Desarrollo de la Propiedad lntelectual (ADEPI), Artistas lntérpretes o Ejecutantes, Sociedad de Gestión de España (AlE), Artistas lntérpretes, Entidad de Gestión de Derechos de Propiedad lntelectual (AISGE), Ventanilla Única Digital, Derechos de Autor de Medios Audiovisuales (DAMA), Centro Español de Derechos Reprográficos (CEDRO), l’Asociación de Gestión de Derechos lntelectuales (AGEDI) et la Sociedad General de Autores y Editores (SGAE), ayant pour objet une demande tendant à l’annulation de certaines dispositions du Real Decreto 1398/2018 por el que se desarrolla el artículo 25 del texto refundido de la Ley de Propiedad Intelectual, aprobado por el Real Decreto Legislativo 1/1996, de 12 de abril, en cuanto al sistema de compensación equitativa por copia privada (décret royal 1398/2018, portant application de l’article 25 du texte codifié de la loi sur la propriété intellectuelle, approuvé par le décret royal législatif 1/1996, du 12 avril, en ce qui concerne le système de compensation équitable pour copie privée), du 23 novembre 2018 (BOE no 298, du 11 décembre 2018, p. 121354).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2001/29
3 Les considérants 31, 35 et 38 de la directive 2001/29 sont libellés comme suit:
« (31) Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs d’objets protégés. [...]
[...]
(35) Dans le cas de certaines exceptions ou limitations, les titulaires de droits doivent recevoir une compensation équitable afin de les indemniser de manière adéquate pour l’utilisation faite de leurs œuvres ou autres objets protégés. Lors de la détermination de la forme, des modalités et du niveau éventuel d’une telle compensation équitable, il convient de tenir compte des circonstances propres à chaque cas. Pour évaluer ces circonstances, un critère utile serait le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits en raison de l’acte en question. Dans le cas où des titulaires de droits auraient déjà reçu un paiement sous une autre forme, par exemple en tant que partie d’une redevance de licence, un paiement spécifique ou séparé pourrait ne pas être dû. Le niveau de la compensation équitable doit prendre en compte le degré d’utilisation des mesures techniques de protection prévues à la présente directive. Certains cas où le préjudice au titulaire du droit serait minime pourraient ne pas donner naissance à une obligation de paiement.
[...]
(38) Les États membres doivent être autorisés à prévoir une exception ou une limitation au droit de reproduction pour certains types de reproduction de produits sonores, visuels et audiovisuels à usage privé, avec une compensation équitable. Une telle exception pourrait comporter l’introduction ou le maintien de systèmes de rémunération destinés à dédommager les titulaires de droits du préjudice subi. [...] »
4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Droit de reproduction », dispose :
« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :
a) pour les auteurs, de leurs œuvres ;
b) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions ;
c) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes ;
d) pour les producteurs des premières fixations de films, de l’original et de copies de leurs films ;
e) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite. »
5 L’article 5 de ladite directive, intitulé « Exceptions et limitations », prévoit, à ses paragraphes 2 et 5 :
« 2. Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 dans les cas suivants :
[...]
b) lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non application des mesures techniques visées à l’article 6 aux œuvres ou objets concernés ;
[...]
5. Les exceptions et limitations prévues aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit. »
La directive 2014/26/UE
6 Les considérants 2, 14 et 26 de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur (JO 2014, L 84, p. 72), se lisent comme suit :
« (2) [...] La gestion du droit d’auteur et des droits voisins comprend l’octroi de licences aux utilisateurs, le contrôle financier des utilisateurs, le contrôle de l’utilisation des droits, le respect du droit d’auteur et des droits voisins, la perception des revenus provenant de l’exploitation des droits et leur distribution aux titulaires de droits. Les organismes de gestion collective permettent aux titulaires de droits d’être rémunérés pour des utilisations qu’ils ne seraient pas en mesure de contrôler ou de faire respecter eux-mêmes, y compris sur les marchés étrangers.
[...]
(14) La présente directive n’impose pas aux organismes de gestion collective d’adopter une forme juridique particulière. Dans la pratique, ces organismes exercent leurs activités sous diverses formes juridiques, telles que des associations, des coopératives ou des sociétés à responsabilité limitée, qui sont contrôlées ou détenues par des titulaires du droit d’auteur et de droits voisins ou par des entités représentant de tels titulaires de droits. Dans certains cas exceptionnels, cependant, du fait de la forme juridique d’un organisme de gestion collective, l’élément de détention ou de contrôle n’est pas présent. Tel est le cas, par exemple, des fondations, qui n’ont pas de membres. Cependant, les dispositions de la présente directive devraient également s’appliquer à ces organismes. [...]
[...]
(26) Les organismes de gestion collective perçoivent, gèrent et distribuent les revenus provenant de l’exploitation des droits qui leur sont confiés par les titulaires de droits. Ces revenus sont dus en dernier ressort aux titulaires de droits, qui peuvent avoir une relation juridique directe avec l’organisme ou être représentés par l’intermédiaire d’une entité qui est membre de l’organisme de gestion collective ou par un accord de représentation. [...] »
7 Selon son article 1er, cette directive définit les exigences nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de la gestion du droit d’auteur et des droits voisins par les organismes de gestion collective.
8 L’article 3 de ladite directive énonce les définitions suivantes :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “organisme de gestion collective”, tout organisme dont le seul but ou le but principal consiste à gérer le droit d’auteur ou les droits voisins du droit d’auteur pour le compte de plusieurs titulaires de droits, au profit collectif de ces derniers, qui y est autorisé par la loi ou par voie de cession, de licence ou de tout autre accord contractuel, et qui remplit les deux critères suivants ou l’un d’entre eux :
i) il est détenu ou contrôlé par ses membres ;
ii) il est à but non lucratif ;
[...]
d) “membre”, un titulaire de droits ou une entité représentant des titulaires de droits, y compris d’autres organismes de gestion collective ou associations de titulaires de droits, remplissant les exigences d’affiliation de l’organisme de gestion collective et étant admis par celui-ci ;
[...]
h) “revenus provenant des droits”, les sommes perçues par un organisme de gestion collective pour le compte de titulaires de droits, que ce soit en vertu d’un droit exclusif, d’un droit à rémunération ou d’un droit à compensation ;
[...] »
Le droit espagnol
La loi sur la propriété intellectuelle
9 L’article 25, intitulé « Compensation équitable pour copie privée », de la Ley de Propiedad Intelectual (loi sur la propriété intellectuelle), dans sa version consolidée approuvée par le Real Decreto Legislativo 1/1996, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley de Propiedad Intelectual, regularizando, aclarando y armonizando las disposiciones legales vigentes sobre la materia (décret royal législatif 1/1996, portant approbation du texte codifié de la loi sur la propriété intellectuelle, qui énonce, précise et harmonise les dispositions légales en vigueur dans ce domaine), du 12 avril 1996 (BOE no 97, du 22 avril 1996, p. 14369), tel que modifié par le Real Decreto-ley 12/2017 (décret-loi royal 12/2017,), du 3 juillet 2017 (BOE no 158, du 4 juillet 2017, p. 56444) (ci-après la « loi sur la propriété intellectuelle »), est libellé dans les termes suivants :
« 1. La reproduction d’œuvres divulguées sous forme de livres ou de publications assimilées à cet effet par décret royal, ainsi que de phonogrammes, de vidéogrammes ou d’autres supports sonores, visuels ou audiovisuels, réalisée au moyen d’appareils ou d’instruments techniques non typographiques, exclusivement pour un usage privé, non professionnel ni entrepreneurial, et à des fins non directement ou indirectement commerciales, conformément à l’article 31, paragraphes 2 et 3, donne lieu à une compensation équitable et unique pour chacun des trois modes de reproduction mentionnés visant à compenser de manière appropriée le préjudice causé aux créanciers en conséquence des reproductions réalisées sur la base de la limitation légale de copie privée. Cette compensation est déterminée pour chaque mode de reproduction en fonction des équipements, appareils et supports matériels propres à réaliser ladite reproduction, qui ont été fabriqués sur le territoire espagnol ou acquis hors de celui-ci en vue de leur distribution commerciale ou de leur utilisation sur ce même territoire.
[...]
3. Les fabricants installés en Espagne, lorsqu’ils opèrent en tant que distributeurs commerciaux, ainsi que les personnes qui acquièrent hors du territoire espagnol, en vue de leur distribution commerciale ou de leur utilisation sur celui-ci, des équipements, appareils et supports matériels visés au paragraphe 1 sont débiteurs du paiement de cette compensation.
En outre, les distributeurs, grossistes et détaillants, qui acquièrent successivement lesdits équipements, appareils et supports matériels, sont solidairement responsables du paiement de la compensation auprès des débiteurs qui les leur ont fournis, sauf s’ils prouvent qu’ils l’ont effectivement versée à ces derniers.
Les distributeurs, grossistes et détaillants, qui acquièrent successivement lesdits équipements, appareils et supports matériels peuvent demander aux organismes de gestion, conformément à la procédure visant à rendre effective la compensation équitable, qui est prévue par décret royal, la restitution de ladite compensation en ce qui concerne les ventes d’équipements, d’appareils et de supports matériels de reproduction à des personnes bénéficiant d’une exemption conformément au paragraphe 7.
[...]
7. Les acquisitions suivantes d’équipements, d’appareils et de supports matériels de reproduction sont exemptées du paiement de la compensation :
[...]
b) les acquisitions réalisées par des personnes morales ou physiques agissant en tant que consommateurs finaux, qui justifient de l’usage exclusivement professionnel des équipements, appareils ou supports matériels acquis et à condition que ceux-ci n’aient pas été mis, de droit ou de fait, à la disposition d’utilisateurs privés et soient manifestement réservés à des usages distincts de la réalisation de copies privées, ce qu’elles doivent prouver aux débiteurs et, le cas échéant, aux responsables solidaires au moyen d’un certificat délivré par la personne morale prévue au paragraphe 10 ;
[...]
8. Les personnes morales ou physiques non exemptées du paiement de la compensation peuvent demander le remboursement de celle-ci lorsque :
a) elles agissent en tant que consommateurs finaux, en justifiant de l’usage exclusivement professionnel de l’équipement, de l’appareil ou du support matériel de reproduction acquis, et à condition que celui-ci n’ait pas été mis, de droit ou de fait, à la disposition d’utilisateurs privés et soit manifestement réservé à des usages distincts de la réalisation de copies privées.
[...]
10. Les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle participent à la constitution, conformément à la réglementation en vigueur, à la gestion et au financement d’une personne morale qui exerce, en tant que représentante de l’ensemble de ceux-ci, les fonctions suivantes :
a) la gestion des exemptions de paiement et des remboursements ;
b) la réception et la transmission ultérieure aux organismes de gestion des listes périodiques d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction pour lesquels il existe une obligation de paiement de la compensation, qui sont établies par les débiteurs et, le cas échéant, par les responsables solidaires, dans le cadre de la procédure visant à rendre effective la compensation, qui est déterminée par décret royal ;
c) la communication unifiée de la facturation.
11. Les débiteurs et les responsables solidaires autorisent la personne morale que constituent les organismes de gestion conformément aux dispositions du paragraphe précédent, à contrôler les acquisitions et les ventes soumises au paiement de la compensation équitable ainsi que celles concernées par les exemptions visées au paragraphe 7. De même, les personnes ayant obtenu le certificat d’exemption fournissent, à la demande de la personne morale précitée, les données nécessaires afin de vérifier que les conditions requises pour bénéficier de l’exemption sont toujours effectivement remplies.
12. [...]
[...] [L]e ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports résout les conflits dont il est saisi concernant les refus, par ladite personne morale, des certificats d’exemption prévus au paragraphe 7, sous b) et c), et des demandes de remboursement du paiement de la compensation équitable pour copie privée visées au paragraphe 8. »
10 La disposition additionnelle unique du décret-loi royal 12/2017 énonce:
« 1. Les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle doivent constituer la personne morale prévue à l’article 25, paragraphe 10, [...] de la loi sur la propriété intellectuelle dans un délai de trois mois suivant l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal.
2. Aucun des organismes de gestion ne détient la capacité de contrôler, à lui seul, les décisions de ladite personne morale.
[...] »
Le décret royal 1398/2018
11 Le décret royal 1398/2018 prévoit, à son article 3 :
« Aux fins du présent décret royal, on entend par :
a) certificat d’exemption : chacun des certificats visés à l’article 25, paragraphe 7, sous a) à c), [...] de la loi sur la propriété intellectuelle, dont les personnes suivantes peuvent être titulaires :
[...]
2° les personnes morales ou physiques agissant en tant que consommateurs finaux, qui justifient de l’usage exclusivement professionnel des équipements, appareils ou supports matériels qu’elles acquièrent et à condition que ceux-ci ne soient pas mis, de droit ou de fait, à la disposition d’utilisateurs privés et soient manifestement réservés à des usages distincts de la réalisation de copies privées ;
[...] »
12 L’article 10 du décret royal 1398/2018, intitulé « Procédure d’obtention et d’utilisation du certificat d’exemption », dispose :
« 1. Pour obtenir le certificat d’exemption prévu à l’article 3, sous a), 2°, l’intéressé doit transmettre à la personne morale [visée à l’article 25, paragraphe 10, de la loi sur la propriété intellectuelle] une demande qui, de préférence, doit être signée de manière électronique, et qui doit comporter les informations suivantes :
a) numéro d’identification fiscale ainsi que noms et prénoms ou raison ou dénomination sociale ;
b) indication de l’objet social ou une déclaration d’activité du demandeur ;
c) déclaration, sous la responsabilité du demandeur, concernant les aspects suivants :
1° le régime d’utilisation des équipements, appareils et supports matériels à acquérir, lesquels doivent être destinés à des usages exclusivement professionnels et manifestement distincts de la réalisation de copies privées ;
2° le fait qu’il ne met, ni de fait ni de droit, ces équipements, appareils et supports matériels à la disposition d’utilisateurs privés ;
3° le fait qu’il se soumet aux pouvoirs de contrôle reconnus à la personne morale par l’article 25, paragraphe 11, [...] de la loi sur la propriété intellectuelle.
d) dans l’hypothèse où le demandeur emploie des travailleurs salariés à la disposition desquels il mettra les équipements, appareils ou supports matériels à acquérir, une déclaration selon laquelle, sous sa responsabilité, ces travailleurs ont connaissance des informations suivantes :
1° que les équipements, appareils ou supports matériels qui leur sont fournis par leur employeur pour l’exercice de leurs fonctions professionnelles doivent être utilisés exclusivement à cette fin ;
2° que l’utilisation à des fins privées desdits équipements, appareils ou supports matériels n’est pas permise.
2. La personne morale fournit sur son site Internet un modèle standardisé de demande de certificat d’exemption qui satisfait aux conditions prévues dans le paragraphe précédent.
[...]
4. Une fois reçue la demande de délivrance d’un certificat d’exemption, la personne morale dispose de quinze jours ouvrables pour accorder ou refuser le certificat et communiquer sa décision au demandeur.
5. La personne morale ne peut refuser d’accorder le certificat que dans les cas suivants :
a) lorsque la demande ne contient pas toutes les informations requises par le présent article ;
b) lorsque les déclarations de responsabilité ne reflètent pas les exigences du présent article ;
c) lorsque le demandeur a préalablement fait l’objet d’une révocation du certificat d’exemption, sauf si les motifs l’ayant justifiée n’existent plus.
Dans les cas prévus aux points a) et b) ci-dessus, la personne morale accorde au préalable au demandeur un délai de sept jours ouvrables pour qu’il régularise sa demande.
Le refus est communiqué au demandeur avec une justification adéquate des motifs de cette décision, celui-ci étant, en outre, informé du droit d’introduire un recours, dans un délai d’un mois à compter de la communication du refus, devant le ministère de la Culture et des Sports, au titre de l’article 25, paragraphe 12, [...] de la loi sur la propriété intellectuelle.
[...]
10. Lorsqu’elles ne disposent pas de certificat, les personnes bénéficiant de l’exemption peuvent utiliser la procédure de remboursement. »
13 L’article 11 du décret royal 1398/2018, intitulé « Procédure de remboursement du paiement de la compensation », est ainsi libellé :
« 1. La demande de remboursement du paiement de la compensation est transmise à la personne morale. Cette demande, qui doit être signée, de préférence par voie électronique, doit être accompagnée des informations suivantes :
a) numéro d’identification fiscale ainsi que noms et prénoms ou raison ou dénomination sociale ;
b) indication de l’objet social ou une déclaration d’activité du demandeur ;
c) copie de la facture d’acquisition des équipements, appareils ou supports matériels ;
d) déclaration, sous la responsabilité du demandeur, concernant les aspects suivants :
1° le fait que l’usage fait des équipements, appareils ou supports matériels acquis est exclusivement professionnel et manifestement distinct de la réalisation de copies privées ;
2° le fait qu’il n’a pas mis, ni de fait ni de droit, ces équipements, appareils et supports matériels à la disposition d’utilisateurs privés ;
3° le fait qu’il se soumet aux pouvoirs de contrôle reconnus à la personne morale par l’article 25, paragraphe 11, [...] de la loi sur la propriété intellectuelle.
e) dans l’hypothèse où le demandeur emploie des travailleurs salariés à la disposition desquels il a mis les équipements, appareils ou supports matériels qu’il a acquis, une déclaration selon laquelle, sous sa responsabilité, ces travailleurs ont connaissance des aspects suivants :
1° que les équipements, appareils ou supports matériels qui leur sont fournis par leur employeur pour l’exercice de leurs fonctions professionnelles doivent être utilisés exclusivement à cette fin ;
2° que l’utilisation à des fins privées desdits équipements, appareils ou supports matériels n’est pas permise.
2. La personne morale fournit sur son site Internet un modèle standardisé de demande de remboursement qui satisfait aux conditions prévues dans le paragraphe précédent.
3. La personne morale dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de la demande pour effectuer les vérifications nécessaires afin d’établir l’existence ou non du droit au remboursement et communiquer sa décision au demandeur.
[...]
5. La personne morale ne peut refuser le remboursement de la compensation que dans les cas suivants :
a) lorsque la demande de remboursement ne contient pas toutes les informations requises par le présent article ;
b) lorsque les déclarations de responsabilité ne reflètent pas les exigences du présent article ;
c) lorsque le montant de la demande de remboursement est inférieur à celui prévu à l’avant-dernier alinéa de l’article 25, paragraphe 8, [...] de la loi sur la propriété intellectuelle, sous réserve de l’exception prévue dans ledit article ;
d) lorsque, après examen de la demande, l’existence du droit au remboursement n’est pas établie.
Dans les cas prévus aux points a) et b) ci-dessus, un délai de sept jours ouvrables est accordé au demandeur pour qu’il régularise sa demande.
Le refus est communiqué au demandeur avec une justification adéquate de ses motifs, celui-ci étant, en outre, informé du droit d’introduire un recours, dans un délai d’un mois à compter de la communication du refus, devant le ministère de la Culture et des Sports, au titre de l’article 25, paragraphe 12, [...] de la loi sur la propriété intellectuelle. »
14 L’article 12 du décret royal 1398/2018 prévoit :
« 1. Les organismes de gestion et la personne morale respectent le caractère confidentiel de toute information dont elles ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions, et, en tout état de cause, le traitement de ces informations est soumis au respect de la réglementation relative à la protection de la concurrence et à la protection des données.
2. Les débiteurs, distributeurs et titulaires de certificats d’exemption ne peuvent se prévaloir du secret de la comptabilité commerciale visé à l’article 32, paragraphe 1, du Código de Comercio [code de commerce], lors des contrôles exercés par la personne morale en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 25, paragraphe 11, [...] de la loi sur la propriété intellectuelle. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
15 L’Ametic, la requérante au principal, est une association de fabricants, de négociants et de distributeurs du secteur des technologies de l’information et des communications dont l’activité inclut le commerce d’équipements, d’appareils et de supports matériels de reproduction soumis à la compensation pour copie privée. Par son recours introduit devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), l’Ametic demande, notamment, l’annulation de certaines dispositions du décret royal 1398/2018, dont les articles 3 et 10 de celui-ci. Ce décret royal établit les règles d’application de l’article 25 de la loi sur la propriété intellectuelle, ce dernier ayant été adopté à la suite de l’arrêt du 9 juin 2016, EGEDA e.a. (C‑470/14, EU:C:2016:418), par lequel l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 avait été interprété en ce sens qu’il s’opposait à l’ancien système de compensation équitable pour copie privée, qui était à charge du budget général de l’État.
16 Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le législateur espagnol a, à cet article 25, introduit un système de compensation pour copie privée au bénéfice des titulaires des droits d’auteur au titre de la reproduction d’œuvres protégées, exclusivement pour un usage privé, au moyen d’appareils ou d’instruments techniques non typographiques.
17 La juridiction de renvoi expose, en substance, que l’article 25, paragraphe 3, de la loi sur la propriété intellectuelle prévoit que les personnes qui fabriquent ou distribuent, sur le territoire espagnol, des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de reproduction d’œuvres protégées sont tenus au paiement de la compensation pour copie privée. Lesdits fabricants et distributeurs peuvent en répercuter le montant sur leurs clients, grossistes ou détaillants, qui peuvent, le cas échéant, les répercuter sur les consommateurs finaux.
18 Cette juridiction précise encore que, en vertu de l’article 25, paragraphe 7, sous b), de cette loi, sont exemptés d’emblée du paiement de la compensation pour copie privée les acquisitions d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction réalisées par des personnes morales ou physiques agissant en tant que consommateurs finaux, qui apportent la preuve de l’utilisation exclusivement professionnelle des équipements, appareils ou supports matériels acquis, à condition que ceux-ci n’aient pas été mis, de droit ou de fait, à la disposition d’utilisateurs privés et qu’ils soient manifestement réservés à des usages distincts de la réalisation de copies privées. Cette preuve doit être apportée au moyen d’un certificat délivré par une personne morale, qui, conformément au paragraphe 10 de cet article 25, est établie par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle et, en tant que représentante de ceux-ci, exerce la gestion des exemptions de paiement et des remboursements au titre de la compensation pour copie privée.
19 Les personnes concernées non titulaires d’un tel certificat doivent supporter la charge de la compensation pour copie privée au moment de l’achat. Toutefois, si elles justifient de l’usage exclusivement professionnel des équipements, appareils ou supports de reproduction achetés, et à condition qu’ils n’aient pas été mis à la disposition d’utilisateurs privés et qu’ils soient clairement réservés à des usages autres que la copie privée, elles peuvent demander, auprès de la même personne morale, le remboursement de la compensation qu’elles ont précédemment acquittée.
20 La juridiction de renvoi ajoute que les distributeurs, les grossistes et les détaillants qui acquièrent successivement les biens en cause peuvent demander aux organismes de gestion le remboursement de la compensation pour copie privée qu’ils ont précédemment acquittée à l’occasion des ventes qu’ils ont effectuées aux titulaires d’un certificat d’exemption.
21 L’article 3, sous a), du décret royal 1398/2018 qualifie de « certificat d’exemption » le certificat dont peuvent être titulaires, notamment, les personnes visées à l’article 25, paragraphe 7, sous b), de la loi sur la propriété intellectuelle. L’article 10 de ce décret royal régit la procédure d’obtention et d’utilisation dudit certificat d’exemption.
22 Par ailleurs, la juridiction de renvoi précise que, conformément à l’article 25, paragraphe 11, de la loi sur la propriété intellectuelle et de l’article 12 dudit décret royal qui le met en œuvre, la personne morale est habilitée à exiger la communication des informations nécessaires à l’exercice des compétences de contrôle dont elle est investie dans le cadre de ses fonctions relatives à la gestion des exemptions de paiement et des remboursements au titre de la compensation pour copie privée et que, lors de tels contrôles, les opérateurs économiques ne peuvent pas se prévaloir du secret de la comptabilité commerciale prévu par le droit national.
23 La juridiction de renvoi relève que la personne morale qui gère le système d’exemptions par l’octroi de certificats, lesquels facilitent de manière considérable l’activité de l’entité qui en dispose, ainsi que le système de remboursements est contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle, à savoir par des entités qui représentent de manière exclusive les intérêts des créanciers de la compensation pour copie privée. Ce fait pourrait influencer les décisions de la personne morale en cause quant à l’octroi des certificats d’exemption ou des remboursements dans chaque cas particulier. De plus, ce caractère « déséquilibré ou asymétrique » du système serait, selon la juridiction de renvoi, susceptible d’enfreindre le principe d’égalité devant la loi, et cela d’autant plus que c’est de cette personne morale que dépend la possibilité de simplification des démarches à accomplir lors de l’acquisition d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction. La juridiction de renvoi expose que ses doutes sont accentués par les pouvoirs exorbitants dont est investie la personne morale en question en matière de contrôle, en vertu desquels elle peut exiger que des informations relatives aux activités des personnes concernées lui soient fournies, la portée de ces pouvoirs allant jusqu’à priver l’opérateur économique concerné de la possibilité d’opposer le secret de la comptabilité commerciale. Le fait que les décisions de cette personne morale puissent faire l’objet d’un recours devant le ministère de la Culture et des Sports, dont les décisions peuvent elles-mêmes faire l’objet d’un recours contentieux, lui paraît insuffisant pour lever les difficultés lui semblant résulter de la composition de cette personne morale.
24 Dans ces conditions, le Tribunal Supremo (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La composition de la personne morale réglementée par le nouvel article 25, paragraphe 10, de la [loi sur la propriété intellectuelle] est-elle compatible avec la directive [2001/29] ou, plus généralement, avec les principes généraux du droit de l’Union ?
2) La directive [2001/29] ou les principes généraux du droit de l’Union s’opposent-ils à ce qu’une législation nationale confère à cette personne morale le pouvoir de réclamer des informations, y compris comptables, à quiconque sollicite le certificat d’exemption de l’obligation de payer la compensation pour copie privée ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
Sur la recevabilité
25 L’ADEPI, Ventanilla Única Digital et DAMA contestent la recevabilité de la première question au motif que la juridiction de renvoi ne précise ni la disposition de la directive 2001/29 ni les principes généraux du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation.
26 À cet égard, il y a lieu de constater que, certes, eu égard au seul libellé de sa première question, la juridiction de renvoi cherche, par celle-ci, à obtenir de la Cour une appréciation de la compatibilité d’une disposition nationale avec le droit de l’Union, en l’occurrence la directive 2001/29 et les principes généraux de celui-ci, et ce sans préciser les dispositions et les principes dont il s’agit. Or, la Cour a itérativement jugé que, dans le cadre de la procédure de coopération entre celle-ci et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il ne lui appartient pas d’apprécier la conformité d’une législation nationale avec le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme, C‑203/14, EU:C:2015:664, point 43 et jurisprudence citée).
27 Toutefois, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de cette procédure de coopération instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à la Cour de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à celle-ci de reformuler les questions qui lui sont soumises. En effet, la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers, C‑263/18, EU:C:2019:1111, point 31 et jurisprudence citée).
28 À ces fins, la Cour peut extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments dudit droit qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers, C‑263/18, EU:C:2019:1111, point 32 et jurisprudence citée).
29 En l’occurrence, il ressort sans équivoque de la demande de décision préjudicielle que l’affaire au principal concerne le système espagnol de perception de la compensation pour copie privée, la juridiction de renvoi étant saisie d’une demande d’annulation de certaines dispositions du décret royal 1398/2018, qui met en œuvre l’article 25 de la loi sur la propriété intellectuelle, ce dernier article prévoyant, notamment, la création d’une personne morale en charge de la gestion du système de compensation pour copie privée. Or, la directive 2001/29 ne contient qu’une seule disposition relative à une telle compensation, à savoir son article 5, paragraphe 2, sous b).
30 En outre, la juridiction de renvoi se réfère expressément au principe d’égalité entre les débiteurs et les créanciers de la compensation en question, au regard duquel elle est appelée à examiner la légalité des dispositions litigieuses devant elle, sans mentionner d’autres principes généraux du droit de l’Union dont l’interprétation serait, selon elle, en jeu.
31 Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la première question serait entachée d’insuffisances telles qu’elles feraient obstacle à ce que la Cour puisse apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi.
32 Cette question est donc recevable.
Sur le fond
33 Eu égard aux considérations exposées aux points 27 à 30 du présent arrêt, il y a lieu de comprendre que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 et le principe d’égalité de traitement doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle une personne morale, qui est établie et contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle, se voit confier la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée.
34 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 dispose que les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou des limitations au droit exclusif de reproduction prévu à l’article 2 de cette directive, lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non application des mesures techniques visées à l’article 6 de ladite directive aux œuvres ou aux objets protégés.
35 Ainsi que cela ressort des considérants 35 et 38 de la même directive, cet article 5, paragraphe 2, sous b), traduit la volonté du législateur de l’Union d’établir un système particulier de compensation dont la mise en œuvre est déclenchée par l’existence d’un préjudice aux titulaires de droits, lequel génère, en principe, l’obligation d’« indemniser » ou de « dédommager » ces derniers (arrêts du 9 juin 2016, EGEDA e.a., C‑470/14, EU:C:2016:418, point 19 et jurisprudence citée, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 26 et jurisprudence citée).
36 Dans la mesure où les dispositions de la directive 2001/29 ne précisent pas davantage les différents éléments du système de compensation équitable, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation pour les définir. Il revient notamment aux États membres de déterminer les personnes qui doivent s’acquitter de cette compensation, ainsi que de fixer la forme, les modalités et le niveau de ladite compensation (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 20 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2016, EGEDA e.a., C‑470/14, EU:C:2016:418, points 22 et 23 ainsi que jurisprudence citée).
37 Compte tenu des difficultés pratiques pour identifier les utilisateurs privés ainsi que pour les obliger à indemniser les titulaires du droit exclusif de reproduction du préjudice qu’ils leur causent, il est loisible aux États membres d’instaurer, aux fins du financement de la compensation équitable, une « redevance pour copie privée » à la charge non pas des personnes privées concernées, mais de celles qui disposent d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction et qui, à ce titre, en droit ou en fait, mettent ces équipements à la disposition de personnes privées. Dans le cadre d’un tel système, c’est aux personnes disposant de ces équipements qu’il incombe d’acquitter la redevance pour copie privée. Ainsi, les États membres peuvent, sous certaines conditions, appliquer sans distinction la redevance pour copie privée à l’égard des supports d’enregistrement susceptibles de servir à la reproduction, y compris dans l’hypothèse où l’utilisation finale de ceux‑ci n’entre pas dans le cas de figure visé à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 (arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).
38 Dès lors qu’un tel système permet aux redevables de répercuter le montant de la redevance pour copie privée dans le prix de la mise à disposition de ces mêmes équipements, appareils et supports de reproduction, la charge de la redevance est en définitive supportée par l’utilisateur privé qui acquitte ce prix, et cela conformément au « juste équilibre », visé au considérant 31 de la directive 2001/29, à trouver entre les intérêts des titulaires du droit exclusif de reproduction et ceux des utilisateurs d’objets protégés (arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 33 et jurisprudence citée).
39 Toutefois, un tel système doit non seulement se justifier par des difficultés pratiques telles que l’impossibilité d’identifier les utilisateurs finaux, mais il doit également exclure du paiement de la redevance la fourniture des équipements, appareils et supports de reproduction aux personnes autres que des personnes physiques, à des fins manifestement étrangères à celle de réalisation de copies à usage privé (voir, en ce sens, arrêts du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, points 45 à 47, et du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, points 34 à 36).
40 S’agissant, plus particulièrement, de la condition liée à l’exonération de la fourniture des équipements, appareils et supports de reproduction aux personnes autres que des personnes physiques, à des fins manifestement étrangères à celle de réalisation de copies à usage privé, il est, en principe, conforme au « juste équilibre » entre les intérêts des titulaires du droit d’auteur et ceux des utilisateurs d’objets protégés, visé au considérant 31 de la directive 2001/29, que seul l’acquéreur final puisse obtenir le remboursement de ladite redevance et que ce remboursement soit soumis à la condition de la présentation d’une demande à cette fin à l’organisation chargée de la gestion des mêmes redevances (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 53).
41 En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 38 du présent arrêt, la possibilité reconnue aux fabricants, aux distributeurs et aux détaillants de répercuter sur leurs clients la compensation pour copie privée qu’ils ont versée aboutit à ce que les opérateurs en question ne supportent pas cette charge financière. Il demeure que, afin de garantir que la charge de la compensation pour copie privée pèsera, en définitive, sur les seuls utilisateurs finaux visés à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, un système imposant une telle redevance pour copie privée doit garantir que puissent encore être exemptés les utilisateurs finaux qui achètent les équipements, appareils et supports de reproduction à des fins manifestement étrangères à celle de réalisation de copies à usage privé.
42 En outre, lorsque le système de perception de la compensation pour copie privée prévoit que l’utilisateur final peut en être exempté dès l’achat des équipements, appareils et supports de reproduction moyennant un certificat d’exemption attestant, en substance, qu’il les acquiert à des fins manifestement étrangères à celle de réalisation de copies à usage privé, le vendeur qui a versé cette redevance à son fournisseur, mais se voit, en raison de la présentation dudit certificat, interdit de la répercuter sur son client, doit pouvoir en demander le remboursement auprès de l’organisation à laquelle est confiée la gestion de ladite redevance (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 55).
43 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, le système de perception de la compensation pour copie privée en cause au principal a pour caractéristiques de prévoir que les utilisateurs finaux sont, en principe, redevables de cette compensation, tout en instaurant des procédures permettant, sous certaines conditions, l’exemption de ladite compensation, exemption qui est soumise à l’octroi d’un certificat, ou son remboursement.
44 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi pose sa première question, au motif que la circonstance que la personne morale qui émet les certificats d’exemption et effectue les remboursements de la compensation pour copie privée est établie et contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle pourrait impliquer un « déséquilibre » ou une « asymétrie » dans les intérêts qu’elle poursuit, ce à quoi pourraient s’opposer l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 et le principe d’égalité de traitement.
45 À cet égard, il convient, en premier lieu, de relever que, pour ce qui est des exigences qui découlent de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de cette directive, le droit au remboursement de la redevance pour copie privée au profit de personnes autres que des personnes physiques, qui acquièrent les équipements de reproduction à des fins manifestement étrangères à celle de réalisation de copies à usage privé doit être effectif et ne pas rendre excessivement difficile la restitution de la redevance payée. La portée, l’efficacité, la disponibilité, la publicité et la simplicité d’utilisation du droit au remboursement doivent permettre de pallier les éventuels déséquilibres créés par le système de redevance pour copie privée en vue de répondre aux difficultés pratiques constatées (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 37 et jurisprudence citée). Il en va de même de l’octroi des certificats d’exemption, lorsque la réglementation nationale prévoit également un tel instrument afin d’assurer que seuls les redevables visés par l’article 5, paragraphe 2, sous b), de ladite directive supportent effectivement la charge de la compensation pour copie privée.
46 Par ailleurs, conformément à l’article 3, sous h), de la directive 2014/26, les sommes perçues par un organisme de gestion collective pour le compte de titulaires de droits en vertu d’un droit à compensation constituent des revenus provenant des droits d’auteur ou des droits voisins. Les considérants 2 et 26 de la même directive précisent que ces revenus sont perçus, gérés et distribués aux titulaires par les organismes de gestion collective.
47 À ce dernier égard, il ressort de l’article 3, sous a), de la directive 2014/26 que constitue un organisme de gestion collective tout organisme dont le seul but ou le but principal consiste à gérer, sous autorisation légale ou en vertu d’un accord, le droit d’auteur ou les droits voisins du droit d’auteur pour le compte de plusieurs titulaires de droits, au profit collectif de ces derniers, cet organisme pouvant être détenu ou contrôlé par ses membres. Tel est, par ailleurs, en règle générale, le cas dans la pratique, ainsi qu’il ressort du considérant 14 de la directive 2014/26. Il est, enfin, précisé à l’article 3, sous d), de la même directive qu’un organisme de gestion collective peut avoir comme membres tant les titulaires de droits d’auteur ou voisins que d’autres organismes de gestion collective.
48 Il s’ensuit que, pour ce qui est de la gestion de la compensation pour copie privée au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, à la différence des représentants des débiteurs de cette compensation, une telle gestion relève par définition des tâches que des organismes de gestion collective du droit d’auteur, tels que les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle visés par la loi sur la propriété intellectuelle, peuvent se voir confier.
49 À cet égard, et à la lumière des exigences exposées au point 45 du présent arrêt, il convient de constater que l’établissement d’une personne morale, telle que celle prévue par la réglementation nationale en cause au principal, aux fins de la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée peut répondre à un objectif de simplicité et d’efficacité, dont bénéficient également les débiteurs de ladite compensation, sans que ces derniers se trouvent, du seul fait que la personne morale en question est contrôlée par les organismes de gestion collective du droit d’auteur, dans une situation moins avantageuse par rapport à celle qui aurait prévalu en l’absence d’une telle personne morale.
50 Cela étant, toute réglementation nationale instituant une compensation pour copie privée doit prévoir des procédures qui, eu égard aux exigences exposées au point 45 du présent arrêt, garantissent que seuls les redevables visés à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 supportent effectivement la charge de la compensation pour copie privée.
51 En particulier, les États membres ne sauraient prévoir des modalités de compensation équitable qui introduiraient une inégalité de traitement injustifiée entre les différentes catégories d’opérateurs économiques qui commercialisent des biens comparables visés par l’exception pour copie privée ou entre les différentes catégories d’utilisateurs d’objets protégés (arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 45 et jurisprudence citée).
52 Ces exigences pourraient être mises en péril si la réglementation nationale accordait à la personne morale compétente pour l’octroi des certificats d’exemption ou pour le remboursement des sommes indûment payées au titre de compensation pour copie privée une marge d’appréciation faisant dépendre d’éléments d’opportunité le sort de chaque demande introduite à l’une ou l’autre de ces fins, de sorte que cette personne morale puisse, en exerçant celle-ci, limiter indûment le droit à l’exemption ou au remboursement de ladite compensation. En effet, l’existence d’une telle marge d’appréciation serait susceptible d’aboutir à une rupture du juste équilibre entre les titulaires des droits et les utilisateurs d’objets protégés recherché par le considérant 31 de la directive 2001/29. La personne morale compétente pourrait également, comme l’envisage la juridiction de renvoi, réserver un traitement discriminatoire entre les différentes catégories d’opérateurs ou d’utilisateurs se trouvant pourtant dans des situations juridiques et factuelles analogues.
53 En revanche, une réglementation nationale qui prévoit que les certificats d’exemption et les remboursements de la compensation pour copie privée doivent être octroyés en temps utile et sur le fondement de critères objectifs n’impliquant pas de marge d’appréciation dans le chef de la personne compétente pour l’examen des demandes introduites à cet effet est, en principe, apte à respecter les exigences exposées au point 45 du présent arrêt.
54 En outre, afin d’écarter tout risque de partialité de la part d’une telle personne morale dans l’octroi des certificats d’exemption et des remboursements et, par suite, de prévenir une rupture du juste équilibre entre les titulaires des droits et les utilisateurs d’objets protégés recherché par le considérant 31 de la directive 2001/29, il est nécessaire que les décisions de cette personne morale refusant l’octroi d’un tel certificat ou d’un tel remboursement puissent faire l’objet d’un recours, non-contentieux ou contentieux, devant une instance indépendante.
55 En l’occurrence, les articles 10 et 11 du décret royal 1398/2018 paraissent obliger la personne morale en charge de l’examen des demandes à octroyer, dans des délais précis, le certificat d’exemption ou à établir l’existence du droit au remboursement, lorsque le demandeur fournit les informations d’identification requises et signe les déclarations mises à sa disposition. En outre, ils paraissent prévoir la possibilité de saisir une entité indépendante, à savoir le ministère de la Culture et des Sports, d’un recours contre les décisions de cette personne morale refusant une demande de certificat d’exemption ou de remboursement. Dans ces conditions, ces dispositions semblent aptes à respecter les exigences exposées au point 45 du présent arrêt, ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier.
56 En second lieu, les exceptions prévues à l’article 5 de la directive 2001/29 doivent être appliquées en respectant le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel des situations comparables ne sauraient être traitées de manière différente et des situations différentes ne sauraient être traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 44 et jurisprudence citée).
57 Dès lors, ce principe ne saurait être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’attribution, en tant que telle, de la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée à une personne représentant les intérêts collectifs des créanciers de celle‑ci. Les créanciers et les débiteurs de la compensation pour copie privée se trouvent, au regard de cette charge, dans des situations juridiques radicalement différentes, de sorte que ledit principe ne saurait être méconnu au motif qu’ils sont soumis à des droits et obligations distincts au titre du régime de compensation pour copie privée.
58 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 et le principe d’égalité de traitement doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle une personne morale, qui est établie et contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle, se voit confier la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée, lorsque cette réglementation nationale prévoit que les certificats d’exemption et les remboursements doivent être octroyés en temps utile et en application de critères objectifs ne permettant pas à cette personne morale de refuser une demande d’octroi d’un tel certificat ou d’un remboursement sur le fondement de considérations impliquant l’exercice d’une marge d’appréciation et que les décisions de celle-ci refusant une telle demande peuvent faire l’objet d’un recours devant une instance indépendante.
Sur la seconde question
Sur la recevabilité
59 DAMA conteste la recevabilité de cette question au motif que la juridiction de renvoi ne précise pas la disposition de la directive 2001/29 ni les principes généraux du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation.
60 Toutefois, eu égard aux principes rappelés aux points 26 à 28 du présent arrêt et pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 29 et 30 de celui-ci, cet argument n’affecte pas la recevabilité de la seconde question.
61 Par ailleurs, l’ADEPI et Ventanilla Única Digital, font valoir qu’il ne ressort pas de l’article 25, paragraphe 7, sous b), de la loi sur la propriété intellectuelle et de l’article 10 du décret royal 1398/2018 que la personne morale puisse avoir accès à des informations comptables. La situation évoquée par la juridiction de renvoi serait donc purement hypothétique, de sorte que la seconde question devrait être déclarée irrecevable.
62 À cet égard, il suffit de rappeler, d’une part, que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions des États membres telle que prévue à l’article 267 TFUE, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. En conséquence, lorsque les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium, C‑572/13, EU:C:2015:750, point 24 et jurisprudence citée).
63 Dès lors que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence, le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium, C‑572/13, EU:C:2015:750, point 25 et jurisprudence citée).
64 D’autre part, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, les fonctions de la Cour et celles de la juridiction de renvoi sont clairement distinctes et c’est à cette dernière exclusivement qu’il appartient d’interpréter la législation nationale. Ainsi, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, sur l’interprétation des dispositions nationales. En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (arrêt du 14 novembre 2019, Spedidam, C‑484/18, EU:C:2019:970, points 28 et 29).
65 Il découle de ces éléments que l’interprétation du droit national avancée par l’ADEPI et Ventanilla Única Digital quant aux informations que la personne morale est habilitée à exiger ne saurait suffire à renverser la présomption de pertinence évoquée au point 63 du présent arrêt.
66 La seconde question ne relevant, par ailleurs, d’aucune des trois hypothèses visées par la jurisprudence rappelée au point 63 du présent arrêt, il y a lieu de constater que celle-ci est recevable.
Sur le fond
67 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 et le principe d’égalité de traitement doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui habilite une personne morale, qui est établie et contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle et à laquelle est confiée la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée, à demander accès aux informations nécessaires à l’exercice des compétences de contrôle dont elle est investie à ce titre, sans qu’il soit, notamment, possible de lui opposer le secret de la comptabilité commerciale prévue par le droit national.
68 Premièrement, il importe de relever que la possibilité de demander les informations permettant de contrôler la bonne application de la réglementation nationale sur la compensation pour copie privée constitue un élément consubstantiel à l’exception prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29.
69 En effet, il ressort de l’article 5, paragraphe 2, sous b), ainsi que du considérant 35 de la directive 2001/29 que, dans les États membres ayant introduit l’exception de copie privée, les titulaires de droits doivent recevoir une compensation équitable afin de les indemniser de manière adéquate pour l’utilisation de leurs œuvres ou d’autres objets protégés faite sans leur consentement. En outre, conformément au paragraphe 5 du même article, l’introduction de l’exception de copie privée ne peut pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit d’auteur. Il s’ensuit que, sauf à les priver de tout effet utile, ces dispositions imposent à l’État membre qui a introduit l’exception de copie privée dans son droit national une obligation de résultat, en ce sens que cet État est tenu d’assurer, dans le cadre de ses compétences, une perception effective de cette compensation destinée à indemniser les auteurs lésés du préjudice subi, notamment si celui-ci est né sur le territoire dudit État membre (arrêts du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie, C‑462/09, EU:C:2011:397, points 33 et 34, ainsi que du 9 juin 2016, EGEDA e.a., C‑470/14, EU:C:2016:418, point 21 et jurisprudence citée).
70 Ainsi, dans le cadre d’un système qui repose sur les déclarations unilatérales des opérateurs afin d’établir tant les montants dus au titre de la compensation pour copie privée que les ventes qui doivent en être exemptées, habiliter l’entité chargée de la gestion de cette compensation à contrôler la véracité des déclarations en question constitue une condition nécessaire pour assurer une perception effective de ladite compensation.
71 Par suite, la personne chargée de la gestion du système de compensation pour copie privée doit, d’une part, pouvoir vérifier que les conditions requises pour bénéficier d’un certificat d’exemption sont remplies. Si, à l’issue de ce contrôle, il s’avère que ces conditions font défaut, l’obligation d’assurer une perception effective de la compensation pour copie privée nécessite d’assurer que cette personne morale puisse, d’autre part, calculer et percevoir les montants dus au titre de cette compensation, et ceci dès le moment où les conditions d’octroi d’un certificat d’exemption n’étaient pas ou ne sont plus remplies. Or, l’exercice de ces fonctions par ladite personne morale serait entravé si la personne contrôlée pouvait, en invoquant le secret de sa comptabilité commerciale, refuser l’accès aux informations comptables nécessaires à un tel exercice.
72 Il convient d’ajouter que tel est également le cas à l’égard des personnes qui ne sont pas exemptées du paiement de la compensation pour copie privée, tels que les fabricants, les importateurs ou les distributeurs, mais qui peuvent soit la répercuter sur leur client, lorsque celui-ci n’est pas titulaire d’un certificat d’exemption, soit en demander le remboursement auprès de la personne morale, lorsque leur client est titulaire d’un tel certificat. En effet, la personne morale à laquelle est confiée la gestion du système de compensation pour copie privée doit pouvoir demander accès aux éléments qui permettent de vérifier les acquisitions et les ventes soumises au paiement de la compensation pour copie privée ainsi que les acquisitions et les ventes exemptées de cette compensation.
73 Cela étant, ces contrôles doivent porter exclusivement sur des éléments qui permettent, d’une part, de vérifier que les conditions requises pour bénéficier d’une exemption ou d’un remboursement sont effectivement remplies et, d’autre part, de calculer les montants éventuellement dus au titre de compensation pour copie privée de la part de personnes qui ne sont pas exemptées, tels que les fabricants, les importateurs ou les distributeurs, ou de personnes ayant indûment bénéficié d’un certificat d’exemption ou d’un remboursement. En outre, dans la mesure où les éléments en question sont confidentiels, la personne morale et les organismes de gestion qui prennent connaissance de tels éléments dans le cadre de leur mission sont tenus d’en sauvegarder le caractère confidentiel. Or, en l’occurrence, il apparaît que l’article 12, paragraphe 1, du décret royal 1398/2018 a pour objet d’imposer une telle obligation, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
74 Deuxièmement, pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 56 et 57 du présent arrêt, le principe d’égalité de traitement n’est pas à même de remettre en cause des dispositions telles que celles de la loi sur la propriété intellectuelle et telles que celles du décret royal 1398/2018 ayant trait aux prérogatives attribuées à la personne morale dans le cadre de la gestion des exemptions de paiement et des remboursements au titre de la compensation pour copie privée.
75 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 ainsi que le principe d’égalité de traitement doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui habilite une personne morale, qui est établie et contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle et à laquelle est confiée la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée, à demander accès aux informations nécessaires à l’exercice des compétences de contrôle dont elle est investie à ce titre, sans qu’il soit, notamment, possible de lui opposer le secret de la comptabilité commerciale prévue par le droit national, cette personne morale étant obligée de sauvegarder le caractère confidentiel des informations obtenues.
Sur les dépens
76 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, et le principe d’égalité de traitement
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle une personne morale, qui est établie et contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle, se voit confier la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée, lorsque cette réglementation nationale prévoit que les certificats d’exemption et les remboursements doivent être octroyés en temps utile et en application de critères objectifs ne permettant pas à cette personne morale de refuser une demande d’octroi d’un tel certificat ou d’un remboursement sur le fondement de considérations impliquant l’exercice d’une marge d’appréciation et que les décisions de celle-ci refusant une telle demande peuvent faire l’objet d’un recours devant une instance indépendante.
2) L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 ainsi que le principe d’égalité de traitement
doivent être interprétés en ce sens que :
ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui habilite une personne morale, qui est établie et contrôlée par les organismes de gestion de droits de propriété intellectuelle et à laquelle est confiée la gestion des exemptions de paiement et des remboursements de la compensation pour copie privée, à demander accès aux informations nécessaires à l’exercice des compétences de contrôle dont elle est investie à ce titre, sans qu’il soit, notamment, possible de lui opposer le secret de la comptabilité commerciale prévue par le droit national, cette personne morale étant obligée de sauvegarder le caractère confidentiel des informations obtenues.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
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