BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?
No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!
[Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback] | ||
Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
||
You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Lux Express Estonia (Opinion) French Text [2022] EUECJ C-614/20_O (10 March 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C61420_O.html Cite as: [2022] EUECJ C-614/20_O, EU:C:2022:180, ECLI:EU:C:2022:180 |
[New search] [Help]
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA
présentées le 10 mars 2022 (1)
Affaire C‑614/20
Lux Express Estonia
contre
Majandus – ja Kommunikatsiooniministeerium
[demande de décision préjudicielle formée par le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie)]
« Renvoi préjudiciel – Services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route – Règlement (CE) no 1370/2007 – Règle générale imposant l’obligation de transporter à titre gratuit certaines catégories de personnes – Article 2, sous e), et article 3, paragraphe 2 – Obligation de service public – Droit à compensation – Article 4, paragraphe 1, sous b), i) – Droit d’un État membre d’exclure la compensation – Article 3, paragraphe 3 – Champ d’application – Exclusion »
1. La législation estonienne impose aux entreprises de transport par route de transporter gratuitement certaines catégories de voyageurs (en résumé, les enfants en âge préscolaire et les personnes en situation de handicap).
2. Le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie) demande, en substance, si cette obligation légale relève de la notion d’obligation de service public définie par le règlement (CE) no 1370/2007 (2) et, dans l’affirmative, si les entreprises concernées ont le droit d’obtenir une compensation pour le manque à gagner qui en découle.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union. Le règlement no 1370/2007.
3. Aux termes de l’article premier du règlement no 1370/2007 (« Champ d’application ») :
« 1. Le présent règlement a pour objet de définir comment, dans le respect des règles du droit communautaire, les autorités compétentes peuvent intervenir dans le domaine des transports publics de voyageurs pour garantir la fourniture de services d’intérêt général qui soient notamment plus nombreux, plus sûrs, de meilleure qualité ou meilleur marché que ceux que le simple jeu du marché aurait permis de fournir.
À cette fin, le présent règlement définit les conditions dans lesquelles les autorités compétentes, lorsqu’elles imposent des obligations de service public ou qu’elles en confient l’exécution à une entreprise, octroient une compensation aux opérateurs de service public en contrepartie des coûts supportés et/ou leur accordent des droits exclusifs en contrepartie de l’exécution d’obligations de service public.
[...] ».
4. L’article 2 du règlement no 1370/2007 (« Définitions ») dispose :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
a) “transports publics de voyageurs”, les services de transport de voyageurs d’intérêt économique général offerts au public sans discrimination et en permanence ;
[...]
e) “obligation de service public”, l’exigence définie ou déterminée par une autorité compétente en vue de garantir des services d’intérêt général de transports de voyageurs qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions sans contrepartie ;
f) “droit exclusif”, droit habilitant un opérateur de service public à exploiter certains services publics de transport de voyageurs sur une ligne, un réseau ou dans une zone donnés, à l’exclusion de tout autre opérateur de service public ;
g) “compensation de service public”, tout avantage, notamment financier, octroyé, sur fonds publics, directement ou indirectement par une autorité compétente pendant la période de mise en œuvre d’une obligation de service public ou lié à cette période ;
[...]
l) “règle générale”, mesure qui s’applique sans discrimination à tous les services publics de transport de voyageurs d’un même type dans une zone géographique donnée où une autorité compétente est responsable ;
[...] ».
5. L’article 3 du règlement no 1370/2007 (« Contrats de service public et règles générales ») prévoit ce qui suit :
« 1. Lorsqu’une autorité compétente décide d’octroyer à l’opérateur de son choix un droit exclusif et/ou une compensation, quelle qu’en soit la nature, en contrepartie de la réalisation d’obligations de service public, elle le fait dans le cadre d’un contrat de service public.
2. Par dérogation au paragraphe 1, les obligations de service public qui visent à établir des tarifs maximaux pour l’ensemble des voyageurs ou pour certaines catégories de voyageurs peuvent aussi faire l’objet de règles générales. Conformément aux principes énoncés à l’article 4, à l’article 6 et à l’annexe, l’autorité compétente octroie aux opérateurs de services publics une compensation pour l’incidence financière nette, positive ou négative, sur les coûts et les recettes occasionnés par le respect des obligations tarifaires établies au travers de règles générales, de manière à éviter toute surcompensation, et ce nonobstant le droit qu’ont les autorités compétentes d’intégrer des obligations de service public fixant des tarifs maximaux dans les contrats de service public.
3. Sans préjudice des dispositions des articles 73, 86, 87 et 88 du traité, les États membres peuvent exclure du champ d’application du présent règlement les règles générales relatives aux compensations financières accordées pour les obligations de service public qui établissent des tarifs maximaux pour les élèves, les étudiants, les apprentis et les personnes à mobilité réduite. Ces règles générales sont notifiées conformément à l’article 88 du traité. Une telle notification comporte des renseignements complets sur la mesure concernée et, notamment, des informations détaillées sur la méthode de calcul. »
6. Aux termes de l’article 4 du règlement no 1370/2007 (« Contenu obligatoire des contrats de service public et des règles générales ») :
« 1. Les contrats de service public et les règles générales :
a) établissent clairement les obligations de service public, définies dans le présent règlement et spécifiées conformément à son article 2 bis, dont l’opérateur de service public doit s’acquitter, ainsi que les zones géographiques concernées ;
b) établissent à l’avance, de façon objective et transparente :
i) les paramètres sur la base desquels la compensation, s’il y a lieu, doit être calculée ; et
ii) la nature et l’ampleur de tous droits exclusifs accordés, de manière à éviter toute surcompensation.
[...] ».
7. En vertu de l’article 6 du règlement no 1370/2007 (« Compensation de service public ») :
« 1. Toute compensation liée à une règle générale ou à un contrat de service public respecte l’article 4 […]. »
8. Conformément à l’annexe du règlement no 1370/2007 (« Règles applicables à la compensation dans les cas évoqués à l’article 6, paragraphe 1 ») :
« 1. La compensation liée à des contrats de service public attribués directement conformément à l’article 5, paragraphes 2, 4, 5 ou 6, ou celle liée à une règle générale doit être calculée conformément aux règles établies dans la présente annexe.
2. La compensation ne peut pas excéder un montant correspondant à l’incidence financière nette, équivalant à la somme des incidences, positives ou négatives, dues au respect de l’obligation de service public sur les coûts et les recettes de l’opérateur de service public. Les incidences sont évaluées en comparant la situation où l’obligation de service public est remplie avec la situation qui aurait existé si l’obligation n’avait pas été remplie. Pour calculer l’incidence financière nette, l’autorité compétente s’inspire de la formule suivante : […]
3. Le respect de l’obligation de service public peut avoir un impact sur les éventuelles activités de transport d’un opérateur dépassant le cadre de l’obligation ou des obligations de service public en question. Afin d’éviter toute surcompensation ou absence de compensation, le calcul de l’incidence financière nette tient par conséquent compte des incidences financières quantifiables sur les réseaux concernés de l’opérateur.
[...] ».
B. Le droit estonien. La ühistranspordiseadus.
9. L’article 34 de la ühistranspordiseadus (3) dispose :
« Tout transporteur assurant sur le territoire national un service régulier de transport par route, par voie navigable et par chemin de fer est tenu de transporter gratuitement les enfants n’ayant pas atteint l’âge de sept ans au 1er octobre de l’année scolaire en cours, les enfants dont le début de la scolarité obligatoire a été reportée, les mineurs handicapés âgés de moins de 16 ans, les personnes lourdement handicapées âgées de 16 ans et plus, les personnes atteintes d’un grave handicap visuel, les personnes accompagnant les personnes atteintes d’un lourd ou grave handicap visuel, et les chiens guides ou d’assistance accompagnant les personnes en situation de handicap. Le transporteur ne reçoit aucune compensation pour le transport gratuit de ces catégories de personnes ».
II. Les faits, le litige et les questions préjudicielles
10. Les entreprises Eesti Buss OÜ et AS Lux Express Estonia se consacrent au transport commercial de voyageurs par route (4) et ont introduit auprès du ministre estonien de l’Économie et des Infrastructures, en date du 5 juin 2019, une demande de compensation pour le manque à gagner sur la vente des titres de transport découlant de l’article 34 de l’ÜTS.
11. Le 10 juillet 2019, le ministre de l’Économie et des Infrastructures a rejeté cette demande, au motif que, en vertu de l’article 34 de l’ÜTS, les entreprises ne peuvent prétendre à aucune compensation pour le transport gratuit des voyageurs relevant des catégories énumérées dans cette disposition.
12. Le 12 août 2019, Lux Express Estonia a introduit devant le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn) un recours en vue d’obtenir, à titre principal, l’indemnisation du préjudice subi (5) et, à titre subsidiaire, le paiement d’une compensation économique d’un montant raisonnable laissé à l’appréciation du juge, majorée d’intérêts.
13. Selon la juridiction de renvoi :
– L’article 34 de l’ÜTS établit une règle générale au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007, en ce qu’il prévoit un tarif maximum (à savoir, la gratuité) pour certaines catégories de voyageurs. Cette disposition vise à garantir à ces voyageurs un transport économique. Il n’est pas probable qu’une entreprise assure le transport gratuit de voyageurs sans l’intervention des pouvoirs publics.
– L’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 du règlement no 1370/2007 semblent indiquer que le transporteur doit se voir accorder une compensation, mais l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du même règlement confère aux États membres le droit d’exclure, par une loi nationale, l’octroi d’une compensation.
– L’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007 permet aux États membres d’exclure du champ d’application dudit règlement les règles générales relatives aux compensations financières accordées pour les obligations de service public qui établissent des tarifs maximaux pour les élèves, les étudiants, les apprentis et les personnes à mobilité réduite.
14. La juridiction de renvoi souhaite par ailleurs savoir, dans l’hypothèse où le règlement no 1370/2007 ne serait pas applicable, si l’octroi d’une compensation peut être fondé sur un autre acte du droit de l’Union (tel que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après la « Charte »), ou si le litige doit être tranché sur le seul fondement du droit national.
15. Enfin, les doutes de la juridiction de renvoi s’étendent, dans l’hypothèse où elle devrait accorder une compensation au transporteur, aux conditions qu’elle devrait prendre en compte pour en déterminer le montant d’une manière conforme aux règles du droit de l’Union en matière d’aides d’État.
16. C’est dans ce contexte que le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn) pose à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1. Faut-il considérer, dans le cas où la loi impose de manière uniforme à toute entreprise privée exploitant sur le territoire national, au titre d’une activité à caractère commercial, un service régulier de transport de voyageurs par route, par voie navigable et par chemin de fer, une obligation de transporter gratuitement certaines catégories de voyageurs (enfants en âge préscolaire, mineurs handicapés âgés de moins de 16 ans, personnes lourdement handicapées âgées de 16 ans et plus, personnes atteintes d’un grave handicap visuel, personnes accompagnant les personnes atteintes d’un lourd ou grave handicap visuel, chiens guides ou d’assistance accompagnant les personnes en situation de handicap), qu’il y a imposition d’une obligation de service public au sens de l’article 2, sous e), et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil ?
2. S’il s’agit d’une obligation de service public au sens du règlement no 1370/2007, l’État membre a-t-il le droit, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 1370/2007, d’exclure par une loi nationale l’octroi d’une compensation au transporteur pour l’exécution d’une telle obligation ?
Dans l’hypothèse où l’État membre a le droit d’exclure l’octroi d’une compensation au transporteur, à quelles conditions peut-il le faire ?
3. L’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007 permet-il également d’exclure du champ d’application dudit règlement des règles générales visant à fixer des tarifs maximaux pour des catégories de voyageurs autres que celles visées par cette disposition ?
L’obligation de notification à la Commission prévue à l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’applique-t-elle également lorsque les règles générales fixant les tarifs maximaux ne prévoient pas l’octroi d’une compensation au transporteur ?
4. Si le règlement no 1370/2007 n’est pas applicable dans le cas présent, la condamnation à l’octroi d’une compensation peut-elle être fondée sur un autre acte du droit de l’Union (tel que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) ?
5. Quelles conditions la compensation qui sera le cas échéant accordée au transporteur doit-elle remplir pour être conforme aux règles relatives aux aides d’État ? »
III. La procédure devant la Cour
17. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée à la Cour le 18 novembre 2020.
18. Lux Express Estonia, le gouvernement estonien et la Commission ont déposé des observations écrites.
19. La tenue d’une audience n’a pas été jugée nécessaire.
IV. Appréciation
A. Première question préjudicielle
20. En République d’Estonie, l’organisation du transport public de voyageurs est régie par l’ÜTS. Son champ d’application couvre le transport de voyageurs par route, qui peut prendre la forme de services réguliers, occasionnels et de taxis.
21. Les services réguliers, qui comprennent les moyens de transport public par voie routière, sont effectués dans le cadre de contrats de service public ou sous la forme de services commerciaux (6).
22. Le tarif applicable aux services réguliers commerciaux est fixé par le transporteur. Pour les services réguliers effectués dans le cadre de contrats de service public, le tarif le plus élevé au kilomètre ou le prix maximum du titre de transport est fixé par l’autorité compétente.
23. L’article 34 de l’ÜTS prévoit qu’un transporteur assurant un service régulier national est tenu de transporter gratuitement les enfants en âge préscolaire ainsi que les personnes en situation de handicap, dans les conditions énoncées ci-dessus (7). L’opérateur ne reçoit aucune compensation pour le transport gratuit de ces voyageurs.
24. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’obligation de fournir un transport gratuit prévue par la législation estonienne relève de la notion d’obligation de service public au sens du règlement no 1370/2007.
25. Le règlement no 1370/2007 entend, par « obligation de service public », « l’exigence définie ou déterminée par une autorité compétente en vue de garantir des services d’intérêt général de transports de voyageurs qu’un opérateur, s’il considérait son propre intérêt commercial, n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions sans contrepartie » (8).
26. L’imposition d’obligations de service public est une modalité d’intervention des autorités compétentes dans le secteur du transport de voyageurs, que le règlement no 1370/2007 qualifie lui-même de service d’intérêt économique général [article 2, sous a)]. L’objectif est de « garantir la fourniture de services d’intérêt général qui soient notamment plus nombreux, plus sûrs, de meilleure qualité ou meilleur marché que ceux que le simple jeu du marché aurait permis de fournir » (9).
27. Pour instaurer une obligation de service public, le règlement no 1370/2007 permet de recourir à deux types d’outil juridique : les contrats de service public et les règles générales (10).
28. L’une des obligations de service public que le règlement no 1370/2007 cite en exemple est précisément celle d’« établir des tarifs maximaux […] pour certaines catégories de voyageurs » au moyen de règles générales (article 3, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007).
29. Le gouvernement estonien reconnaît que l’article 34 de l’ÜTS (11) impose aux transporteurs commerciaux l’obligation en cause, dans le but de « permettre aux familles avec des enfants en bas âge et aux personnes handicapées d’utiliser les transports publics en les rendant plus abordables et plus accessibles pour elles » (12).
30. Ces déclarations du gouvernement estonien montrent, sans aucune ambiguïté, que l’instauration d’un tarif à valeur zéro en faveur de certains groupes sociaux sur les lignes d’autobus commerciales poursuit un objectif d’intérêt général, conformément à des critères sociaux.
31. Cet intérêt social ne serait pas servi de manière gratuite par un opérateur qui ne tiendrait compte que des profits de son exploitation commerciale. La fourniture d’un service sans contrepartie échappe à la logique du marché et la loi transforme par conséquent l’imposition d’une obligation de fournir un transport gratuit en une obligation de service public devant nécessairement être exécutée (imposée, en l’espèce, par une « règle générale »).
32. L’article 34 de l’ÜTS exprime donc une véritable obligation de service public imposée aux opérateurs assurant un service régulier de transport intérieur, qui sont tenus de transporter gratuitement certaines catégories de voyageurs (13).
33. En poussant la limitation tarifaire à l’extrême (à savoir, un tarif « zéro »), l’ÜTS a pour résultat de soumettre les transporteurs, par l’intermédiaire d’une règle générale, à une véritable obligation de service public visant à favoriser « certaines catégories de voyageurs ».
34. Le point de savoir si le règlement no 1370/2007 exige que cette obligation soit assortie de l’octroi d’une compensation (14) au transporteur est une problématique différente, qui fait l’objet de la deuxième question préjudicielle.
B. Deuxième question préjudicielle
35. La juridiction de renvoi relève à juste titre que, si l’ÜTS instaure une obligation de service public au sens du règlement no 1370/2007, le transporteur qui exécute cette obligation doit, en principe, se voir accorder une compensation, conformément à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 4 de ce règlement.
36. La juridiction de renvoi se demande cependant si l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 1370/2007, permet à l’État membre d’exclure, par une loi nationale, l’octroi de cette compensation au transporteur et, dans l’affirmative, sous quelles conditions.
37. L’analyse de cette question préjudicielle impose d’examiner en premier lieu la compensation et, en second lieu, son éventuelle exclusion au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 1370/2007.
1. Contrepartie des obligations de service public
38. Le règlement no 1370/2007 instaure une contrepartie (15) pour l’exécution des obligations de service public dont les entreprises concernées supportent la charge. Le transporteur qui exécute de telles obligations a droit soit à une compensation (16), soit à l’octroi d’un droit exclusif (17).
39. La notion de « compensation de service public » lie un avantage, notamment financier, à la mise en œuvre d’une obligation de service public impliquant la fourniture de services dénués d’intérêt commercial.
40. Les textes qui ont précédé le règlement no 1370/2007 s’inscrivent dans cette même logique, que l’on pourrait qualifier de « rétributive » :
— L’article 6 de la décision 65/271/CEE du Conseil (18) énonçait que les charges qui découlent de l’application aux transports de voyageurs de prix et conditions de transport imposés par un État membre dans l’intérêt d’une ou de plusieurs catégories sociales particulières devaient faire l’objet de compensations.
— L’article premier, paragraphe 4, et l’article 9 du règlement (CEE) no 1191/69 (19) prévoyaient la même chose. En vertu de l’article premier, paragraphe 4, « les charges qui découlent pour les entreprises de transport du maintien des obligations visées au paragraphe 2 ainsi que de l’application des prix et conditions de transport visés au paragraphe 3 [imposés par un État membre dans l’intérêt d’une ou de plusieurs catégories sociales particulières], font l’objet de compensations selon des méthodes communes énoncées au présent règlement » (20).
— En vertu du règlement no 1191/69, l’obligation tarifaire dont le transporteur devait se voir compenser le coût était celle qui remplissait la double condition d’instaurer des mesures tarifaires « particulières » pour certaines catégories de voyageurs et d’être contraire à l’intérêt commercial de l’entreprise (21).
41. Le principe de compensation des charges découlant des obligations de service public est à présent inscrit dans diverses dispositions du règlement no 1370/2007 :
— L’article 3, paragraphe 2, est libellé en termes impératifs : « l’autorité compétente octroie […] une compensation » pour les obligations de service public imposées de manière unilatérale par les pouvoirs publics.
— L’article premier, paragraphe 1, second alinéa, est tout aussi explicite lorsqu’il évoque « les conditions dans lesquelles les autorités compétentes, lorsqu’elles imposent des obligations de service public […] à une entreprise, octroient une compensation aux opérateurs de service public en contrepartie des coûts supportés […] ».
— Le paragraphe 3 de l’annexe sur les règles applicables à la compensation tient compte des incidences financières quantifiables sur les réseaux concernés de l’opérateur « afin d’éviter toute […] absence de compensation ».
— Le nouvel article 2 bis, paragraphe 2 (22), fait référence aux « spécifications des obligations de service public et [à] la compensation correspondante liée à l’incidence financière nette ».
42. Cela permet de faire en sorte que les obligations de service public, lorsqu’elles représentent une charge, ne soient pas imposées au détriment économique des opérateurs appelés à les exécuter : comme je l’ai déjà indiqué, ceux-ci bénéficient soit d’une compensation des coûts qui en résultent, soit de l’octroi de droits exclusifs.
43. Le règlement no 1370/2007 ne prévoit donc pas que le coût des obligations de service public établies au profit de certaines catégories de voyageurs soit supporté par les seuls opérateurs de transport (auquel cas, ainsi que l’indique la juridiction de renvoi, il est probable qu’aucun d’entre eux n’accepterait de fournir ce service, qui ne présente, en soi, aucun intérêt commercial).
44. En résumé, ces obligations, susceptibles d’être imposées dans un contrat de service public ou, comme en l’espèce, en vertu d’une règle générale, doivent être assorties d’une compensation financière appropriée ou de l’octroi d’un droit exclusif.
45. Il importe de préciser que les règles générales en matière tarifaire, telles que celle en cause, ne sont pas de même nature que les règles relatives à la sécurité des voyageurs, à la protection de l’environnement, à la protection sociale ou à la qualité du service de transport (23). Dans la mesure où elles constituent le cadre réglementaire – distinct du cadre tarifaire – d’exploitation de l’activité, le respect de ces dernières règles n’ouvre aucun droit à compensation.
2. Possibilité d’exclure la contrepartie ?
46. L’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 1370/2007 fait référence aux « paramètres sur la base desquels la compensation, s’il y a lieu, doit être calculée » (24).
47. Ce point, dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation, ne doit pas être lu en ce sens qu’il confère aux États membres un pouvoir d’accorder ou non une compensation. Il renvoie plutôt à la possibilité qu’« une autorité compétente décide d’octroyer à l’opérateur de son choix un droit exclusif » lors de la conclusion d’un contrat de service public, comme alternative à une compensation financière, conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1370/2007.
48. Si l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1370/2007, exige que la « contrepartie de la réalisation d’obligations de service public » soit formalisée dans le cadre d’un contrat de service public (25), l’article 3, paragraphe 2, du même règlement prévoit qu’il n’en va pas ainsi lorsque l’obligation consistant à fixer des tarifs maximaux est imposée par des « règles générales ».
49. Dans ce dernier cas (qui est celui qui nous occupe), j’ai déjà rappelé que, selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007, « l’autorité compétente octroie aux opérateurs de services publics une compensation pour l’incidence financière nette, positive ou négative, sur les coûts et les recettes occasionnés par le respect des obligations tarifaires établies au travers de règles générales, de manière à éviter toute surcompensation ».
50. L’on pourrait rétorquer que, comme l’obligation de service public affecte tous les transporteurs de la même manière, rien ne justifie qu’elle puisse donner lieu à une compensation, puisqu’elle n’impose pas de désavantages concurrentiels à certains au bénéfice d’autres.
51. Je ne pense cependant pas que le règlement no 1370/2007 soutienne ce point de vue.
52. La Cour a jugé que le règlement no 1191/69, qui précède le règlement no 1370/2007, autorisait « les États membres à imposer des obligations de service public à une entreprise publique chargée d’assurer le transport public de passagers dans une commune et […] [prévoyait], pour les charges qui découlent de telles obligations, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux dispositions dudit règlement » (26).
53. Le règlement no 1370/2007 fournit une base équivalente pour maintenir cette position. Le fait que l’exploitant ait été une entreprise publique dans l’affaire tranchée par l’arrêt Antrop et qu’il soit une entreprise privée dans celle qui nous occupe ne constitue pas un obstacle (27). L’imposition d’une couteuse obligation de service public à des entités commerciales privées, en les privant d’une partie des revenus inhérents à leur activité (28), justifie au contraire l’introduction de compensations pour contrebalancer les incidences négatives susceptibles d’affecter leur compétitivité sur le marché.
54. Il est vrai que le règlement 1370/2007 veille à ce qu’il n’y ait pas de surcompensation, ce qui constituerait une aide d’État sur laquelle je reviendrai plus loin. C’est pour cette raison qu’il instaure une série de mécanismes de contention (29), mais ne permet pas d’imposer sans compensation des obligations de service public telles que celle en cause.
55. La Cour a prêté attention à l’importance de la compensation et à sa conformité aux règles en matière d’aides d’État (30). Sauf erreur de ma part, elle ne s’est pas prononcée sur une législation nationale telle que celle qui nous occupe, qui, dans le secteur du transport de voyageurs, exclut purement et simplement la compensation pour l’exécution d’obligations de service public.
56. Dans l’arrêt Altmark (31), la Cour a examiné la légalité de certaines subventions publiques destinées à permettre l’exploitation de services réguliers de transport. Pour déterminer si ces subventions relevaient de l’article 107 TFUE, la Cour a été amenée à examiner si celles-ci pouvaient être « considérée[s] comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public » (32).
57. L’arrêt Altmark présupposait donc que l’entreprise chargée d’exécuter des obligations de service public clairement définies avait droit à une contrepartie (remboursement), dont le calcul ne devait pas dépasser ce qui était nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public (33).
58. L’arrêt Altmark a ainsi confirmé le principe général (compensation du transporteur pour l’exécution d’une obligation de service public dont il supporte la charge), tout en prenant soin de rappeler les conditions « pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État » (34).
59. Comme je l’ai déjà indiqué, la particularité du présent litige tient au fait que la loi nationale supprime la compensation. Dans ce contexte, il s’agit de déterminer si le prestataire de services peut utilement invoquer le règlement no 1370/2007 pour réclamer cette compensation aux autorités de l’État membre.
60. À mon sens, le droit d’être rémunéré pour les services fournis aux usagers est indissociable de l’exercice d’une activité commerciale dans le secteur du transport de voyageurs par route lorsque l’entreprise de transport ne dispose pas d’autres revenus que ceux tirés du tarif des titres de transport (35). Le paiement de ces services est à la charge soit des usagers, soit des autorités qui imposent leur fourniture gratuite.
61. En outre, la limitation imposée n’affecte pas « de simples intérêts ou chances d’ordre commercial, dont le caractère aléatoire est inhérent à l’essence même des activités économiques, mais […] des droits ayant une valeur patrimoniale dont découle, eu égard à l’ordre juridique, une position juridique acquise permettant un exercice autonome de ces droits par et au profit de leur titulaire » (36).
62. Par conséquent, l’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 1370/2007 n’autorise pas l’exclusion d’une compensation adéquate dans un cas tel que celui de l’espèce.
C. Troisième question préjudicielle
63. Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007, permet d’exclure du champ d’application dudit règlement les règles générales visant à fixer des tarifs maximaux pour des catégories de voyageurs autres que celles visées par cette disposition (37).
64. L’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007 prévoit que les États membres peuvent exclure de son champ d’application « les règles générales relatives aux compensations financières accordées pour les obligations de service public qui établissent des tarifs maximaux pour les élèves, les étudiants, les apprentis et les personnes à mobilité réduite ».
65. Cette possibilité est subordonnée à une notification de ces règles générales par l’État membre à la Commission, comportant « des renseignements complets sur la mesure concernée et, notamment, des informations détaillées sur la méthode de calcul ».
66. La réglementation précédente, établie dans le règlement no 1191/69 (38), prévoyait également une option similaire, applicable aux entreprises dont l’activité était limitée à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux.
67. Cela étant, comme dans d’autres cas déjà examinés par la Cour (39), il ressort des informations fournies par la décision de renvoi et des observations des parties intervenues à la procédure préjudicielle que la présente affaire ne répond pas aux conditions de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007.
68. Selon ces informations et observations, rien n’indique que la République d’Estonie ait exprimé la volonté d’exclure ses règles générales (sur les tarifs maximaux applicables à certaines catégories de personnes) de l’application du règlement no 1370/2007, ni qu’elle ait notifié lesdites règles à la Commission.
69. Dans ces conditions, la troisième question préjudicielle a un caractère plutôt hypothétique (ce qui la rend dès lors irrecevable), puisque le litige ne relève pas du cas de figure lié à l’application de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007.
70. En tout état de cause, le pouvoir d’exclure ces règles générales de l’application du règlement no 1370/2007 n’autorise pas les États membres à se dispenser des exigences découlant d’autres règles et principes du droit de l’Union. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de s’étendre sur ce point puisque, comme je l’ai déjà signalé, la République d’Estonie n’a pas fait usage de cette faculté.
D. Quatrième question préjudicielle
71. La quatrième question préjudicielle est posée dans l’hypothèse où « le règlement no 1370/2007 n’est pas applicable dans le cas présent ». La juridiction de renvoi souhaite savoir si l’octroi d’une compensation peut, dans ce cas, être fondé sur un autre acte du droit de l’Union, tel que la Charte.
72. Il n’y a pas lieu de répondre à cette question, puisque le règlement no 1370/2007 s’applique au litige et définit les règles applicables à la compensation de l’exécution d’obligations de service public imposées au travers de règles générales.
73. Il n’est dès lors pas nécessaire de se référer à la Charte pour assurer la couverture juridique des compensations en cause dans ce litige.
74. La Charte pourrait être utilisée en tant qu’instrument herméneutique étant donné que, comme le reconnaît le gouvernement estonien, l’article 34 ÜTS entraîne une limitation des droits fondamentaux des transporteurs. Le gouvernement estonien a répété à plusieurs reprises (40) que cet article ne restreint pas de manière excessive la liberté d’entreprise (41) et le droit de propriété, de sorte qu’il admet l’existence d’une telle restriction.
75. Les restrictions aux droits fondamentaux peuvent être autorisées si elles sont conformes à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (42). Pour les secteurs dans lesquels l’Union européenne exerce ses compétences, comme celui du transport de voyageurs par route, c’est le législateur de l’Union qui détermine l’équilibre entre la reconnaissance du droit fondamental et les limitations admissibles (fondées sur des objectifs légitimes d’intérêt général) en vertu de cet article de la Charte (43).
76. S’agissant des compensations exigibles en raison d’obligations de service public dans le secteur du transport de voyageurs par route, l’équilibre est atteint par les dispositions du règlement no 1370/2007.
E. Cinquième question préjudicielle
77. La juridiction de renvoi souhaite connaître « [les] conditions [que] la compensation qui sera le cas échéant accordée au transporteur [doit] remplir pour être conforme aux règles relatives aux aides d’État ».
78. Rédigée en ces termes, la question s’apparente davantage à une demande d’avis juridique qu’à une véritable question préjudicielle visant à obtenir l’interprétation de dispositions spécifiques du droit de l’Union ayant une incidence sur le litige.
79. La réponse doit inévitablement se situer au même niveau d’abstraction et se limiter à rappeler que :
— En vertu de l’article 93 TFUE, repris sous le titre VI (« Les transports »), « [s]ont compatibles avec les traités les aides […] qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ».
— L’article 3, paragraphe 2, du règlement no 1370/2007 prévoit que l’autorité compétente « octroie aux opérateurs de services publics une compensation pour l’incidence financière nette, positive ou négative, sur les coûts et les recettes occasionnés par le respect des obligations tarifaires établies au travers de règles générales, de manière à éviter toute surcompensation ».
— Ces compensations doivent être conformes aux dispositions de l’article 4, de l’article 6 et de l’annexe du règlement no 1370/2007. L’annexe contient les règles applicables à la compensation dans les cas évoqués à l’article 6, paragraphe 1 (obligations de service public imposées par des règles générales), afin que celle-ci ne soit pas excessive (44).
— Dans la mesure où elles sont versées conformément au règlement no 1370/2007, les compensations pour l’exécution des obligations tarifaires établies en vertu de règles générales sont compatibles avec le marché intérieur et exonérées de l’obligation de notification préalable à la Commission (45).
— La compensation n’est susceptible de constituer une aide d’État que si elle est excessive au regard des paramètres de calcul repris dans les dispositions précitées dudit règlement (46), l’État membre étant alors tenu de la notifier à la Commission conformément à l’article 108 TFUE.
— En dernier ressort, il conviendra de tenir compte des critères établis par la Cour dans l’arrêt Altmark (47) pour déterminer s’il est question d’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE. Par « aide d’État », il y a lieu d’entendre l’aide qui procure un avantage et non l’aide strictement compensatoire. Les aides qui se limitent à compenser l’exécution d’obligations de service public ne relèvent pas de la notion d’« aide d’État » au sens de l’article 107 TFUE (48).
80. La tâche consistant à appliquer ces critères au litige va au-delà de la mission d’interprétation du droit de l’Union que l’article 267 TFUE attribue à la Cour. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de déterminer si, en l’espèce, le montant de la compensation doit correspondre au lucrum cessans éventuellement subi par le transporteur, calculé en fonction du tarif de base du titre de transport ou d’autres paramètres qu’elle estime appropriés. Les dispositions de l’annexe du règlement no 1370/2007, auxquelles la juridiction se réfère dans la dernière partie de la décision de renvoi, lui fournissent des indications pour ce faire.
V. Conclusion
81. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre au Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie) dans les termes suivants :
« 1) Les articles 2, sous e), et 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70, doivent être interprétés en ce sens que la règle générale qui impose à toute entreprise fournissant des services réguliers de transport de voyageurs par route l’obligation de transporter gratuitement certaines catégories de voyageurs constitue une obligation de service public.
2) L’article 4, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 1370/2007, ne permet pas d’exclure, par une loi nationale, l’octroi au transporteur de la compensation due pour l’exécution d’une telle obligation de service public.
3) En vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 1370/2007, un État membre peut exclure du champ d’application dudit règlement les règles générales relatives à la compensation financière des obligations de service public visant à fixer des tarifs maximaux pour certaines catégories de voyageurs, par une notification à la Commission comportant des renseignements complets sur la mesure.
4) Les compensation dues pour l’exécution d’obligations de service public doivent être conformes aux dispositions de l’article 4, de l’article 6 et de l’annexe du règlement no 1370/2007. Lorsque le respect des obligations tarifaires établies en vertu de règles générales donne lieu à l’octroi d’une compensation conformément au règlement no 1370/2007, cette compensation n’est pas considérée comme une aide d’État, est compatible avec le marché intérieur et est exonérée de l’obligation de notification préalable à la Commission ».
1 Langue originale : l’espagnol.
2 Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil (JO 2007, L 315, p. 1).
3 Loi sur les transports en commun (RT I, 23 mars 2015, p. 2), dans sa version applicable au litige au principal (RT I, 30 juin 2020, p. 24), ci-après l’« ÜTS ».
4 Ces entreprises étaient titulaires, respectivement depuis le mois d’août 2013 et depuis le mois de mars 2015, de licences de transport de passagers en vertu desquelles elles ont fourni des services réguliers de transport commercial par autocar sur le territoire estonien. Après leur fusion, intervenue le 29 juillet 2019, Lux Express Estonia a poursuivi l’activité.
5 Depuis la demande introduite par la voie administrative, la période couverte par le montant réclamé a évolué jusqu’à s’étendre du 1er janvier 2016 au 31 janvier 2020.
6 Le gouvernement estonien fait valoir, aux points 7 à 9 de ses observations, que lorsque les services réguliers de transport sont librement fournis par des entreprises privées, celles-ci assument leurs risques commerciaux, choisissent la ligne régulière qui les intéresse et introduisent une demande de licence en vue de son exploitation. Lorsque certaines lignes présentent un intérêt pour les consommateurs, mais ne sont économiquement pas attrayantes pour les transporteurs commerciaux, l’autorité compétente impose une obligation de service public dans le cadre d’un contrat de service public. Le contrat est normalement attribué après appel d’offres et fixe les conditions d’exécution ainsi que les subventions correspondantes.
7 Point 9 des présentes conclusions.
8 Article 2, sous e), du règlement no 1370/2007. Le cinquième considérant de ce règlement est formulé dans des termes similaires : « de nombreux services de transports terrestres de voyageurs représentant une nécessité d’intérêt économique général n’offrent pas de possibilité d’exploitation commerciale. Les autorités compétentes des États membres doivent avoir la faculté d’intervenir pour s’assurer que ces services sont fournis. Les mécanismes qu’elles peuvent utiliser pour s’assurer que les services publics de transport de voyageurs sont fournis comprennent notamment : l’attribution de droits exclusifs aux opérateurs de services publics, l’octroi d’une compensation financière aux opérateurs de services publics et la définition de règles générales en matière d’exploitation des transports publics, applicables à tous les opérateurs ».
9 Article premier, paragraphe 1, du règlement no 1370/2007.
10 Respectivement définis à l’article 2, points i) et l), du règlement no 1370/2007. Le contrat de service public manifeste « l’accord entre une autorité compétente et un opérateur de service public ». La règle générale implique une « mesure qui s’applique sans discrimination à tous les services publics de transport de voyageurs d’un même type dans une zone géographique donnée où une autorité compétente est responsable ».
11 La qualité d’autorité compétente du législateur estonien, au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 1370/2007, laisse peu de place au doute.
12 Observations du gouvernement estonien, point 11. Selon le gouvernement estonien, l’ÜTS reflète, « en écho à la constitution estonienne », « l’attention particulière que la société porte aux familles avec des enfants en bas âge et aux personnes handicapées, de sorte que les restrictions apportées aux droits fondamentaux doivent, à cette fin, être considérées comme étant légitimes. Le législateur dispose d’une large marge d’appréciation lorsqu’il restreint les droits fondamentaux à des fins de politique sociale ». Le gouvernement estonien reconnaît itérativement la restriction des droits fondamentaux, non seulement au point 11 (à deux reprises), mais également aux points 12, 22, 49 et 50 de ses observations.
13 Dans l’arrêt du 14 octobre 2021, Viesgo Infraestructuras Energéticas (C‑683/19, EU:C:2021:847), la Cour a qualifié d’obligation de service public [au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55)] une obligation aux caractéristiques similaires, en vertu de laquelle les fournisseurs étaient tenus d’approvisionner certains consommateurs vulnérables en électricité à tarif réduit.
14 Dans l’arrêt du 14 octobre 2021, Viesgo Infraestructuras Energéticas (C‑683/19, EU:C:2021:847, point 61), la Cour a jugé que la directive 2009/72/CE ne s’opposait pas à ce que « le régime de financement d’une obligation de service public, consistant à fournir de l’électricité à tarif réduit à certains consommateurs vulnérables, soit instauré […] sans mesure compensatoire ».
15 L’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1370/2007 fait spécifiquement référence à la « contrepartie de la réalisation d’obligations de service public ».
16 Aux termes de l’article 2, sous g) du règlement no 1370/2007, on entend par « “compensation de service public”, tout avantage, notamment financier, octroyé, sur fonds publics, directement ou indirectement par une autorité compétente pendant la période de mise en œuvre d’une obligation de service public ou lié à cette période ».
17 L’article 2, sous f) du règlement no 1370/2007 considère que le « droit habilitant un opérateur de service public à exploiter certains services publics de transport de voyageurs sur une ligne, un réseau ou dans une zone donnés, à l’exclusion de tout autre opérateur de service public », constitue un tel droit exclusif.
18 Décision du 13 mai 1965, relative à l’harmonisation de certaines dispositions ayant une incidence sur la concurrence dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1965, 88, p. 1500).
19 Règlement du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO 1969, L 156, p. 1).
20 Même si le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du 20 juin 1991, modifiant le règlement (CEE) no 1191/69 (JO 1991, L 169, p. 1), a supprimé l’article premier, paragraphe 4, du règlement no 1191/69, il en a maintenu l’article 9, de sorte que la compensation des charges qui découlent, pour les entreprises, de l’application aux transports de voyageurs de prix et conditions de transport imposés dans l’intérêt d’une ou de plusieurs catégories sociales particulières a subsisté.
21 L’obligation de compensation ne s’étendait donc pas aux « mesures générales de politique des prix » ni aux « mesures prises en matière de prix et conditions généraux de transport en vue de l’organisation du marché des transports ou d’une partie de celui-ci ». Voir arrêt du 27 novembre 1973, Nederlandse Spoorwegen (36/73, EU:C:1973:130, points 11 à 13).
22 Inséré par le règlement (UE) 2016/2338 du Parlement européen et du Conseil, du 14 décembre 2016 (JO 2016, L 354, p. 22).
23 Règles auxquelles se réfère le considérant 17 du règlement no 1370/2007.
24 Mise en italique par mes soins.
25 Voir communication de la Commission sur des lignes directrices interprétatives concernant le règlement (CE) no 1370/2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (JO 2014, C 92, p. 1, ci-après la « communication de la Commission »), point 2.2.3, deuxième alinéa.
26 Arrêt du 7 mai 2009, Antrop e.a. (C‑504/07, ci-après l’« arrêt Antrop », EU:C:2009:290, point 21).
27 Conformément au considérant 12 du règlement no 1370/2007, « il est indifférent, au regard du droit communautaire, que les services publics de transport de voyageurs soient opérés par des entreprises publiques ou privées ».
28 Le gouvernement estonien et Lux Express ne s’accordent pas sur l’évaluation de l’incidence économique réelle de la mesure. Le gouvernement estonien estime que cette incidence est « réduite » (point 15 de ses observations), alors que l’opérateur considère qu’elle obère considérablement son chiffre d’affaires.
29 Article 4, article 6 et annexe.
30 Arrêt Antrop, point 23 : « [L]’article 73 CE instaure, dans le domaine des transports, une dérogation aux règles générales applicables aux aides d’État, en prévoyant que les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public sont compatibles avec le traité. »
31 Arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, ci-après l’« arrêt Altmark », EU:C:2003:415).
32 Arrêt Altmark, point 87.
33 Les conditions dégagées dans l’arrêt Altmark semblent avoir inspiré le libellé de certaines dispositions du règlement no 1370/2007.
34 Arrêt Altmark, point 88.
35 Lux Express Estonia souligne que sa seule source de revenus est la vente de titres de transport, car elle ne reçoit aucune subvention de l’État (point 3 de ses observations). Elle ajoute qu’elle ne bénéficie pas non plus d’autres éléments compensatoires, tels que l’octroi de droits exclusifs (point 28 de ces observations).
36 Arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission (C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 60). Comme je l’ai déjà indiqué, les modalités de quantification de la valeur de ce droit dans chaque cas concret constituent une autre question. Certaines obligations imposées (par exemple, celle relative aux très jeunes enfants n’occupant pas de siège) pourraient ne pas avoir de conséquences négatives sur les comptes de l’opérateur.
37 Les catégories visées par l’article 34 de l’ÜTS pourraient être inclues, par analogie, dans la liste des bénéficiaires énoncée à l’article 3, paragraphe 3, du règlement 1370/2007 (élèves, étudiants, apprentis et personnes à mobilité réduite). L’article 34 de l’ÜTS fait référence aux enfants d’âge préscolaire ainsi qu’à d’autres personnes, jeunes et moins jeunes, en situation de handicap. Comme le fait valoir le gouvernement estonien (point 41 de ses observations), les règles générales fixant des tarifs maximaux pour des catégories de voyageurs semblables à ceux visés par l’article 3, paragraphe 3, précité, devraient être couvertes par cette disposition pour les mêmes raisons d’intérêt général.
38 Article 1er, paragraphe 1, second alinéa, tel que modifié par le règlement no 1893/91.
39 Arrêt du 3 avril 2014, CTP (affaires jointes C‑516/12 à C‑518/12, EU:C:2014:220, point 20) : « [R]ien dans le dossier soumis à la Cour ne suggère que la République italienne a fait usage de la possibilité, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1191/69, d’exclure du champ d’application de celui-ci les entreprises dont l’activité est limitée exclusivement à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux. Par conséquent, les dispositions de ce règlement sont pleinement applicables aux affaires au principal et la question préjudicielle doit être examinée à la lumière de ces dispositions ». Voir également arrêt Antrop, point 17.
40 Voir note 12.
41 Faire peser sur le transporteur « une contrainte susceptible d’affecter son activité économique » met en jeu le droit à la liberté d’entreprise, protégé en vertu de l’article 16 de la charte (arrêt du 15 septembre 2016, Mc Fadden, C‑484/14, EU:C:2016:689, point 82), ainsi que le droit de propriété.
42 Arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, point 88) : « [S]elon [l’article 52, paragraphe 1, de la Charte,] des limitations peuvent être apportées à l’exercice de droits consacrés par celle-ci, pour autant que ces limitations sont prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel desdits droits et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».
43 Sans préjudice, en toute logique, du contrôle par la Cour de la validité des règles du droit dérivé de l’Union.
44 La compensation ne doit pas placer l’opérateur dans une situation plus favorable que celle de ses concurrents sur le marché. C’est pour cette raison que l’incidence financière est évaluée « en comparant la situation où l’obligation de service public est remplie avec la situation qui aurait existé si l’obligation n’avait pas été remplie », conformément au point 2 de l’annexe. Si la limite correspondant à l’incidence financière nette est franchie, l’excédent constitue une aide d’État.
45 Communication de la Commission, point 2.4.1 : « Dans le cas de services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, à condition d’être versée conformément au règlement (CE) no 1370/2007, leur compensation est jugée compatible avec le marché intérieur et est exonérée de l’obligation de notification préalable prévue à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE, conformément à l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement ».
46 Communication de la Commission, point 2.2.4.
47 Communication de la Commission, point 2.4.1 : « Afin de ne pas constituer une aide d’État, cette compensation devrait respecter les quatre conditions fixées par la [Cour] dans l’arrêt Altmark ».
48 Arrêt Altmark, point 87.
© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.
BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C61420_O.html