OG and Others v Commission (COVID - Order) French Text [2022] EUECJ T-101/22_CO (18 May 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T10122_CO.html
Cite as: [2022] EUECJ T-101/22_CO

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

18 mai 2022 (*)

« Référé – Règlement (UE) 2021/953 – Règlement délégué (UE) 2021/2288 – Certificat COVID numérique de l’UE – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑101/22 R,

OG,

OH,

OI,

OJ,

représentés par Me D. Gómez Fernández, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme E. Montaguti et M. J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Par leur demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, les requérants, OG, OH, OI et OJ, sollicitent le sursis à l’exécution du règlement délégué (UE) 2021/2288 de la Commission, du 21 décembre 2021, portant modification de l’annexe du règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la durée d’acceptation des certificats de vaccination délivrés au format du certificat COVID numérique de l’UE attestant l’achèvement du schéma de primovaccination (JO 2021, L 458, p. 459) (ci‑après l’« acte attaqué »).

2        Les requérants sont des citoyens de l’Union européenne qui possèdent le certificat COVID numérique de l’UE délivré conformément au règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2021, relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID‑19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID‑19 (JO 2021, L 211, p. 1).

3        Conformément au considérant 12 du règlement 2021/953, afin de faciliter l’exercice du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont décidé d’établir un cadre commun pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID‑19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement. Ce cadre commun a pour objectif de faciliter, autant que possible sur la base de preuves scientifiques, la levée progressive des restrictions par les États membres, de manière coordonnée, en tenant compte de la levée des restrictions sur leur propre territoire.

4        Lorsque le règlement 2021/953 a été adopté, il n’existait pas de données suffisantes quant à la durée de la protection résultant de l’administration de la série initiale de doses d’un vaccin contre la COVID‑19. En conséquence, les champs de données à mentionner dans les certificats de vaccination conformément à l’annexe du règlement 2021/953 n’incluent pas de données relatives à une durée d’acceptation, contrairement aux champs de données à mentionner dans les certificats de rétablissement.

5        Entre-temps, de plus en plus d’États membres ont adopté des règles relatives à la durée d’acceptation des certificats de vaccination attestant l’achèvement du schéma de primovaccination, compte tenu du fait que la protection résultant de la vaccination contre l’infection par la COVID‑19 semble diminuer au fil du temps.

6        Considérant que les mesures prises unilatéralement par les États membres dans ce domaine étaient susceptibles de provoquer des perturbations non négligeables dans la mesure où elles mettaient les entreprises et les citoyens de l’Union face à un large éventail de mesures divergentes, la Commission européenne a estimé qu’il était nécessaire d’établir, à des fins de déplacement, une durée d’acceptation standard pour les certificats de vaccination attestant l’achèvement du schéma de primovaccination.

7        À cet effet, la Commission a adopté, le 21 décembre 2021, l’acte attaqué, lequel établit, par la modification du point 1, sous h), de l’annexe du règlement 2021/953, une durée d’acceptation standard de 270 jours pour les certificats de vaccination attestant l’achèvement du schéma de primovaccination.

8        Aux termes de l’article 2, second alinéa, de l’acte attaqué, ce dernier est applicable à partir du 1er février 2022.

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2022, les requérants ont introduit un recours tendant à l’annulation de l’article 1er de l’acte attaqué.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2022, les requérants ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle ils concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de l’acte attaqué.

11      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 15 mars 2022, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de sursis ;

–        réserver les dépens.

 En droit

12      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

13      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

14      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

15      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

16      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

17      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

18      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

19      C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si les requérants parviennent à démontrer l’urgence.

20      En l’espèce, pour démontrer le caractère grave et irréparable du préjudice, les requérants allèguent que, en l’absence de sursis à l’exécution de l’acte attaqué, leurs certificats de vaccination cesseront automatiquement de fonctionner les 23, 28 et 29 mars et le 1er avril 2022, ce qui porterait atteinte à plusieurs droits fondamentaux consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en particulier, à la liberté de circulation, à l’égalité en droit, à la non‑discrimination, à la liberté, à la vie privée et familiale, à la dignité humaine et à l’intégrité de la personne. En outre, les requérants ajoutent que cette conséquence s’étend à tous les citoyens de l’Union se trouvant dans la même situation, c’est‑à‑dire à tous les citoyens de l’Union qui ont déjà été vaccinés contre la COVID‑19 sans toutefois recevoir de nouvelle dose de vaccin supplémentaire ou de rappel.

21      La Commission estime, en revanche, que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.

22      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel l’acte attaqué viole leurs droits fondamentaux, premièrement, il convient de rappeler que le juge des référés ne saurait faire une application mécanique et rigide du critère lié au caractère irréparable du préjudice – ni, d’ailleurs, de celle liée au caractère grave du préjudice invoqué –, mais doit tenir compte des circonstances qui caractérisent chaque affaire (voir, en ce sens, ordonnance du 25 juillet 2014, Deza/ECHA, T‑189/14 R, non publiée, EU:T:2014:686, point 105 et jurisprudence citée), d’autant que ledit critère, d’origine purement prétorienne et ne figurant ni dans les traités ni dans le règlement de procédure, doit être laissé inappliqué lorsqu’il est inconciliable avec les impératifs d’une protection provisoire effective [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 30].

23      Deuxièmement, la possibilité d’ordonner un sursis à exécution ou de prendre des mesures provisoires sur le seul fondement de l’illégalité manifeste de l’acte qui est attaqué n’est pas exclue, par exemple lorsqu’il manque à ce dernier même l’apparence de la légalité et qu’il faut, de ce fait, en suspendre, sur le champ, l’exécution (voir, en ce sens, ordonnances du 7 juillet 1981, IBM/Commission, 60/81 R et 190/81 R, EU:C:1981:165, points 7 et 8, et du 26 mars 1987, Hoechst/Commission, 46/87 R, EU:C:1987:167, points 31 et 32).

24      Troisièmement, toutefois, si, ainsi qu’il ressort du point 110 de l’ordonnance du 23 février 2001, Autriche/Conseil (C‑445/00 R, EU:C:2001:123), le caractère particulièrement sérieux du fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence, il s’agit cependant, conformément aux dispositions de l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure, de deux conditions distinctes qui président à l’obtention d’un sursis à exécution. Il appartient donc à la partie qui sollicite les mesures provisoires de démontrer l’imminence d’un préjudice grave et difficilement réparable, voire irréparable, et la seule démonstration de l’existence d’un fumus boni juris, même particulièrement sérieux, ne saurait pallier l’absence complète de démonstration de l’urgence, sauf circonstances tout à fait particulières (voir, en ce sens, ordonnance du 2 mai 2007, IPK International – World Tourism Marketing Consultants/Commission, T‑297/05 R, non publiée, EU:T:2007:118, point 52 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, aucun argument des requérants ne démontre le caractère grave et difficilement réparable, voire irréparable, du préjudice allégué qui serait lié à l’atteinte portée à leurs droits fondamentaux.

26      En effet, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel il y aurait une violation de leur droit fondamental à la liberté de circulation, il convient de constater que la possession des certificats prévus par le règlement 2021/953 ne constitue pas une condition préalable à l’exercice du droit à la libre circulation, ainsi que cela ressort de l’article 3, paragraphe 6, dudit règlement.

27      En outre, les requérants n’avancent aucun élément qui permettrait de conclure que, contrairement aux dispositions de l’article 3, paragraphe 6, du règlement 2021/953, la présentation d’un certificat de vaccination numérique valable est devenue, en raison de l’application de l’acte attaqué, une condition d’exercice du droit fondamental à la libre circulation.

28      S’agissant des prétendues violations des autres droits fondamentaux, il convient de relever que les requérants se limitent essentiellement à de simples affirmations, dénuées de tout élément de preuve.

29      À cet égard, et en tout état de cause, il convient de rappeler qu’il a été itérativement jugé que la thèse selon laquelle un préjudice est, par définition, grave et irréparable, puisqu’il touche à la sphère des droits fondamentaux ne saurait être admise, dès lors qu’il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à des droits fondamentaux pour établir que le dommage qui pourrait en découler a nécessairement un caractère grave et irréparable. Il appartient toujours à la partie qui sollicite l’adoption d’une mesure provisoire d’exposer et d’établir la probable survenance d’un tel préjudice dans son cas particulier [voir, en ce sens, ordonnance du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, points 40 et 41].

30      En second lieu, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel tous les citoyens de l’Union qui ont déjà été vaccinés contre la COVID‑19 sans toutefois recevoir de nouvelle dose de vaccin supplémentaire ou de rappel subissent les mêmes conséquences que les requérants du fait de l’entrée en application de l’acte attaqué, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, une partie requérante ne peut pas, pour établir l’urgence, invoquer l’atteinte portée aux droits des tiers ou à l’intérêt général (voir ordonnance du 26 septembre 2017, António Conde & Companhia/Commission, T‑443/17 R, non publiée, EU:T:2017:671, point 35 et jurisprudence citée).

31      Ainsi, les requérants ne sauraient s’appuyer, pour démontrer qu’ils risquent de subir personnellement un préjudice grave et irréparable, sur le préjudice éventuel que subiraient des personnes tierces.

32      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée à défaut, pour les requérants, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris ou de procéder à la mise en balance des intérêts.

33      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 18 mai 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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