Heitec v EUIPO - Hetec Datensysteme (HEITEC) (EU Trade Mark - Judgment) French Text [2022] EUECJ T-520/19 (09 February 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T52019.html
Cite as: ECLI:EU:T:2022:66, [2022] EUECJ T-520/19, EU:T:2022:66

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 février 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale HEITEC – Absence de prise en compte d’éléments de preuve présentés devant la division d’annulation et devant la chambre de recours – Article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] – Règle 40, paragraphe 5, du règlement (CE) no 2868/95 [devenue article 19, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625] »

Dans l’affaire T‑520/19,

Heitec AG, établie à Erlangue (Allemagne), représentée par Me G. Wagner, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Hetec Datensysteme GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes A. Kockläuner et O. Nilgen, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 23 avril 2019 (affaire R 1171/2018‑2), relative à une procédure de déchéance entre Hetec Datensysteme et Heitec,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 novembre 2019,

à la suite des reports successifs, chaque fois à la demande de la requérante, des audiences fixées respectivement les 11 septembre, 28 septembre et 11 novembre 2020, 3 février et 28 avril 2021,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement de l’un de ses membres,

à la suite de l’audience du 29 septembre 2021, à laquelle ni la requérante ni l’intervenante n’ont participé,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 mars 1998, la requérante, Heitec AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal HEITEC.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 16, 35, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils pour l’enregistrement, la transmission et la reproduction du son et des images, ordinateurs, appareils et instruments d’enseignement, appareils utilisant la technique des courants forts, pour le réglage et la commande, appareils et instruments utilisant la technique des courants faibles et de réglage » ;

–        classe 16 : « Matériel d’instruction et d’enseignement sous forme de produits de l’imprimerie et d’appareils de dessin de table, manuels informatiques, traductions techniques, documents d’utilisation et de service » ;

–        classe 35 : « Développement de concepts publicitaires ; conseils en gestion d’entreprise » ;

–        classe 41 : « Formations et séminaires, services d’un intermédiaire en matière de savoir-faire technique et scientifique » ;

–        classe 42 : « Planification de l’automatisation, planification de la construction et d’installations ».

4        La marque demandée a été enregistrée le 4 juillet 2005, puis renouvelée le 16 octobre 2008 et le 19 juillet 2018.

5        Le 15 septembre 2016, l’intervenante, Hetec Datensysteme GmbH, a déposé une demande en déchéance de la marque contestée, au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] pour tous les produits et les services visés au point 3 ci-dessus, au motif que ladite marque n’aurait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant une période ininterrompue de cinq ans.

6        Par courrier du 26 septembre 2016, l’EUIPO a invité la requérante à fournir la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée avant le 26 décembre 2016. À la demande de la requérante, l’EUIPO a prolongé le délai imparti jusqu’au 26 février 2017.

7        Le 23 février 2017, la requérante a produit devant l’EUIPO divers éléments de preuve numérotés de 1 à 7 (ci-après les « preuves 1 à 7 », décrites au point 4 de la décision attaquée) en vue d’établir l’usage de la marque contestée.

8        Le 10 mai 2017, l’intervenante a présenté ses observations sur les éléments de preuve produits par la requérante.

9        Le 17 mai 2017, l’EUIPO a fixé à la requérante un délai allant jusqu’au 17 juillet 2017 pour répondre aux observations de l’intervenante. Par télécopie du 17 juillet 2017, la requérante a demandé une brève prolongation du délai jusqu’au 31 juillet 2017. Le 18 juillet 2017, la division d’annulation a prolongé, conformément à la demande, jusqu’au 31 juillet 2017 le délai imparti pour répondre aux observations de l’intervenante. Le 31 juillet 2017, la requérante a demandé, par télécopie, une nouvelle prolongation du délai jusqu’au 4 août 2017 inclus, dans la mesure où son employé chargé de la dactylographie serait tombé malade de façon imprévue depuis le 27 juillet 2017 et où il ne serait donc pas possible de terminer le document à temps. Par ailleurs, la même demande de prolongation du délai est parvenue à l’EUIPO par la poste le 3 août 2017. Le 7 août 2017, l’EUIPO a rejeté la nouvelle demande de prolongation du délai, en l’absence de circonstances exceptionnelles. Cependant, « pour des raisons d’équité », l’EUIPO a accordé à la requérante un délai jusqu’au 10 août 2017.

10      Le 4 août 2017, la requérante a présenté ses observations. Elle a également produit diverses preuves d’usage numérotées de 8 à 10 (ci-après les « preuves 8 à 10 », décrites au point 6 de la décision attaquée).

11      Par décision du 5 juin 2018, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque contestée pour défaut d’usage sérieux pour l’ensemble des produits et des services visés par ladite marque, avec effet au 15 septembre 2016, la période pertinente pour établir l’usage s’étendant du 15 septembre 2011 au 14 septembre 2016 (ci-après la « période pertinente »). En particulier, elle a expressément refusé de prendre en considération les preuves 8 à 10 produites le 4 août 2017, voyant dans leur production tardive « une tactique dilatoire ou une négligence évidente » de la part de la requérante.

12      Le 20 juin 2018, la requérante a introduit un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation. Le 11 octobre 2018, le mémoire exposant les motifs du recours est parvenu à l’EUIPO. En même temps que ledit mémoire, la requérante a produit des preuves numérotées de 11 à 15 (ci-après les « preuves 11 à 15 », décrites au point 9 de la décision attaquée).

13      Par décision du 23 avril 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En premier lieu, s’agissant des documents produits le 11 octobre 2018, pour la première fois au cours de la procédure de recours (les preuves 11 à 15), elle a estimé qu’ils ne pouvaient pas être pris en considération, notamment parce qu’ils étaient manifestement sans importance et donc non pertinents pour l’issue de l’affaire et, pour ce qui concerne les preuves 12 et 13, que celles-ci ne pouvaient être qualifiées de complémentaires. En deuxième lieu, s’agissant des documents produits le 4 août 2017 (les preuves 8 à 10), elle a considéré qu’ils avaient été, à juste titre, écartés comme étant tardifs par la division d’annulation. Elle a relevé que le délai qui importait n’était pas celui que l’EUIPO avait fixé à la requérante pour réagir aux observations de l’intervenante, mais plutôt le délai fixé par l’EUIPO à la requérante pour produire les documents portant sur l’usage conformément à la règle 40, paragraphe 5, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1), à savoir le délai initialement fixé au 26 décembre 2016 et prolongé jusqu’au 26 février 2017. Elle a ajouté qu’il n’existait pas de motifs légitimes pour la production tardive des preuves 8 à 10, comme l’avait, à juste titre, établi la division d’annulation. Elle a précisé que, même s’il n’y avait pas lieu de supposer que le comportement de la requérante représentait une tactique sciemment dilatoire, toujours était-il qu’il ne satisfaisait pas aux exigences d’une conduite régulière de la procédure. Elle a conclu que la division d’annulation avait, à juste titre, exercé son pouvoir d’appréciation dans le sens d’une non-prise en compte des éléments de preuve produits seulement le 4 août 2017.

14      En troisième lieu, s’agissant de la preuve de l’usage sérieux (sur le fondement des preuves 1 à 7 produites dans le délai imparti), la chambre de recours a constaté que la division d’annulation avait, à juste titre, établi que les preuves 1 à 3 étaient par nature impropres à prouver un usage sérieux. Selon la chambre de recours, sur les 18 factures produites en preuve 4, seules trois factures dataient de la période pertinente et, sur celles-ci, les produits et services facturés étaient incompréhensibles pour un tiers non initié. De plus, alors que les magazines destinés à la clientèle de la requérante, produits en preuve 5, dataient de la période pertinente, ils n’avaient cependant qu’une valeur probante limitée, étant donné qu’il n’était pas possible d’en déduire si, et dans quelle mesure, les activités commerciales décrites avaient effectivement été effectuées sous la marque contestée et que les rapports dans ces magazines étaient, par ailleurs, si généraux qu’il était impossible d’établir quels produits et services la requérante avait concrètement proposés. Enfin, les preuves 6 et 7 n’étaient pas non plus des preuves d’usage suffisantes pour la même raison, car elles ne désignaient les produits et services proposés que par des termes génériques très larges qui ne satisfaisaient pas aux exigences de la jurisprudence. La chambre de recours a ajouté que, indépendamment de la désignation insuffisamment précise des produits et services proposés, les preuves 1 à 7, même considérées dans leur ensemble, ne permettaient pas des affirmations fiables quant à l’importance de l’usage de la marque contestée. Elle a tenu à préciser que cette conclusion ne changerait pas même si, contrairement à sa décision, les documents produits tardivement (le 4 août 2017 et le 11 octobre 2018, à savoir les preuves 8 à 10 et les preuves 11 à 15) étaient pris en considération, tout en examinant quand même ces preuves brièvement. La chambre de recours a conclu que, même si l’on prenait en considération ces preuves tardives, les documents produits ne seraient pas suffisants, dans leur ensemble, pour prouver un usage sérieux de la marque contestée pour les produits et services enregistrés, ou ne serait-ce qu’une partie d’entre eux.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

16      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

17      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenante allègue, d’une part, que le présent recours est manifestement irrecevable au motif qu’il a été adressé à « la Cour de justice de l’Union européenne » et non au Tribunal de l’Union européenne, seul compétent pour en connaître, et que si, « contre toute attente, l’on devait considérer qu’il a été remédié à ce vice », il serait tardif eu égard à cette régularisation tardive. D’autre part, l’intervenante fait valoir que, en violation de l’article 177, paragraphe 5, du règlement de procédure, lu conjointement avec l’article 51, paragraphe 3, de ce même règlement, la requérante a omis de présenter un mandat en bonne et due forme, car le mandat portant la date du 19 septembre 2019 ne permet pas de reconnaître le nom de son signataire et, en outre, ledit mandat ne se réfère pas à la présente procédure, mais de toute évidence à la procédure d’annulation devant l’EUIPO portant la référence 000 013 748 C, qui diffère de la présente affaire T‑520/19 devant le Tribunal.

18      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne comprend notamment la Cour de justice et le Tribunal. En outre, après régularisation de la requête à la demande du greffier du Tribunal, il ressort manifestement de celle-ci, en particulier de ses points 3, 6 et 33, que le recours est formé devant le Tribunal de l’Union européenne.

19      D’autre part, il ressort du dossier que, toujours à l’initiative du greffier, la demande de régularisation de la requête a également porté sur la production du mandat de la partie, car la requérante avait déposé un mandat, daté du 13 septembre 2011 et signé à Nuremberg (Allemagne) par un de ses représentants, aux fins de la « conduite de cette procédure », non précisée. En vue de la régularisation demandée, la requérante a déposé au dossier un mandat « actualisé », daté du 19 septembre 2019 et signé à Erlangue par un de ses représentants, aux fins de la « conduite de cette procédure » mettant « en cause la marque de l’Union européenne Heitec », qui confère notamment à son conseil le pouvoir d’« introduire des recours » (« Rechsmittel einzulegen »). Le 17 octobre 2019, le greffier s’est satisfait de ce degré de précision et a constaté que la requête était dûment régularisée, ce qu’il convient de confirmer.

20      Il convient donc d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante et de déclarer le présent recours recevable.

 Sur le fond

21      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens. Les premier et deuxième moyens sont tous deux tirés de violations de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Par le premier moyen, la requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte les preuves 11 à 15, produites pour la première fois au cours de la procédure de recours. Par le deuxième moyen, elle fait grief de ce que ni la division d’annulation ni la chambre de recours n’ont pris en compte les preuves 8 à 10, produites lors de la procédure de déchéance. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement, lu conjointement avec la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95 et la règle 22, paragraphes 2 à 4, de ce dernier règlement, et reproche une appréciation erronée de la preuve de l’usage sérieux, sur la base de toutes les preuves et même sur le seul fondement des preuves 1 à 7.

22      Il n’y a pas lieu de regrouper l’examen des deux premiers moyens, pourtant tirés de la violation de la même disposition de fond, car ils concernent des éléments de preuve différents et, surtout, le droit qui leur est applicable n’est pas identique.

 Sur la détermination des règlements applicables ratione temporis

23      Compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, en l’occurrence le 15 septembre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée).

24      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par les parties, dans l’argumentation soulevée devant le Tribunal, à l’article 18 et à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 15 et l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique. Partant, il y a lieu de considérer que le troisième moyen soulevé par la requérante est tiré de la violation de ces dernières dispositions.

25      Quant aux règles de procédure pertinentes en l’espèce, telles qu’elles sont applicables devant l’EUIPO, l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, entré en vigueur le 1er octobre 2017, était applicable tant lors de la procédure de déchéance devant la division d’annulation (décision du 5 juin 2018) que lors de la procédure de recours devant la chambre de recours (décision du 23 avril 2019), et s’applique donc tant au premier qu’au deuxième moyen du présent recours. En outre, étant donné que la demande en déchéance a été déposée avant le 1er octobre 2017 (le 15 septembre 2016), conformément à la règle transitoire expresse de l’article 80, lu conjointement avec l’article 82, paragraphe 2, sous f), g) et i), du règlement délégué (UE) 2018/625, de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), les dispositions de procédure du règlement no 2868/95, notamment les règles 22 et 40 de ce règlement, étaient encore applicables à la procédure de déchéance devant la division d’annulation et, partant, le demeurent au deuxième moyen. En revanche, étant donné que le recours devant la chambre de recours a été introduit après le 1er octobre 2017 (le 20 juin 2018), conformément à ladite règle transitoire, lue conjointement avec l’article 82, paragraphe 2, sous j), du règlement délégué 2018/625, ce sont les dispositions de procédure du titre V du règlement délégué 2018/625, notamment l’article 27, paragraphe 4, de ce règlement, concernant les preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours, qui s’appliquaient à la procédure de recours devant la chambre de recours, et qui, partant, s’appliquent au premier moyen. C’est à bon droit que la chambre de recours, en particulier aux points 22 et 26 de la décision attaquée, a, en substance, ainsi déterminé les dispositions de procédure applicables.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001

26      Par le premier moyen, la requérante allègue que la chambre de recours a violé l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en ne prenant pas en compte les éléments de preuve supplémentaires produits avec le mémoire exposant les motifs du recours du 11 octobre 2018, à savoir les preuves 11 à 15, en particulier les preuves 12 et 13, et en niant à tort leur pertinence pour la preuve de l’usage de la marque contestée.

27      Selon la requérante, la chambre de recours n’aurait pas pris en considération le fait que la division d’annulation ne lui avait pas indiqué les éléments de preuve à produire dans le délai imparti. De plus, la chambre de recours ne saurait être suivie lorsqu’elle avance que les preuves produites ne portaient pas de date, ni aucune indication permettant d’attester la distribution des brochures ou des revues d’entreprise, ainsi que leur nombre. La chambre de recours aurait dû savoir, au vu de la preuve 5 (comportant trois numéros du magazine Heitec news de la requérante), que la revue d’entreprise ou le magazine destiné à la clientèle, tout comme l’ensemble des descriptions de produits et de services, avait fait l’objet d’un tirage de 10 000 exemplaires distribués. Cela s’appliquerait aussi sans réserve aux preuves complémentaires 11 à 15, lesquelles auraient incontestablement été distribuées et diffusées dans toute l’Europe au tirage susmentionné d’au moins 10 000 exemplaires. Au point 2.5 de son mémoire exposant les motifs du recours, la requérante aurait indiqué quand les brochures publicitaires et les promotions de produits et de services avaient été tirées et sur quelles classes de produits et de services elles portaient. Cela n’aurait pas été contesté par l’intervenante dans ses observations du 29 novembre 2018 et devrait donc être réputé admis et exact. Nonobstant cela, même des preuves produites sans date resteraient pertinentes dans l’appréciation globale et devraient être prises en considération et évaluées conjointement avec les autres preuves produites, en l’occurrence les preuves 4 à 10, qui sont datées. Les preuves 11 à 15 ne constitueraient que des preuves complémentaires de l’usage (pour la période allant de 2012 à 2014) par rapport aux preuves 4 à 10 et que, partant, la chambre de recours aurait dû les admettre dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Enfin, il ne résulterait pas non plus de la décision de la chambre de recours que celle-ci ait exercé un quelconque pouvoir d’appréciation, ce qui constituerait déjà un vice de procédure.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

29      Il y a lieu de rappeler que l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 dispose que l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

30      Il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement 2017/1001 et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 42 ; du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, point 22, et du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 77).

31      En revanche, il ressort de manière tout aussi certaine dudit libellé qu’une telle invocation ou production tardive de faits et de preuves n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que de tels faits ou preuves soient pris en considération par l’EUIPO. En précisant que l’EUIPO « peut » décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit en effet celui-ci d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 43 ; du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, point 23, et du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 78).

32      S’agissant plus précisément de la production de preuves de l’usage sérieux de la marque dans le cadre de procédures de déchéance introduites sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, il convient de relever que ce règlement ne comporte pas de disposition à l’effet de préciser le délai dans lequel de telles preuves doivent être apportées.

33      En revanche, la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95 prévoit, à cet égard, que l’EUIPO demande au titulaire de la marque de l’Union européenne la preuve de l’usage de la marque au cours d’une période qu’il précise. Ladite règle dispose également, à sa deuxième phrase, que, si la preuve de l’usage de la marque n’est pas apportée dans le délai ainsi imparti par l’EUIPO, la déchéance de celle-ci est prononcée.

34      Il en résulte que, lorsque aucune preuve de l’usage de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’EUIPO, la sanction de déchéance doit en principe être prononcée d’office par ce dernier. Une telle conclusion ne s’impose pas, en revanche, lorsque des éléments de preuve de cet usage, qui ne sont pas dépourvus de toute pertinence, ont été produits dans ledit délai (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, points 86, 87 et 98).

35      Il en résulte également que la présentation de preuves de l’usage de la marque venant s’ajouter à des preuves elles-mêmes produites dans le délai imparti par l’EUIPO, en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, demeure possible après l’expiration dudit délai et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte des preuves supplémentaires produites ainsi tardivement (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 88 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, EUIPO/Grau Ferrer, C‑597/14 P, EU:C:2016:579, points 26 à 28).

36      Par ailleurs, l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 encadre désormais le pouvoir d’appréciation de la chambre de recours par deux conditions cumulatives pour la prise en considération de preuves tardives :

« Conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001, la chambre de recours peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves répondent aux exigences suivantes :

a)      ils semblent, à première vue, pertinents pour l’issue de l’affaire ; et

b)      ils n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’ils viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposés pour contester les conclusions tirées ou examinés d’office par la première instance dans la décision objet du recours. »

37      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante a produit, pour la première fois devant la chambre de recours, les preuves suivantes :

–        preuve 11 : couverture d’une brochure publicitaire pour des solutions logicielles sous le signe HEITEC, qui est datée manuellement de 2012 ;

–        preuve 12 : document intitulé « Gravure au faisceau laser », qui est daté manuellement de 2012, porte un signe figuratif HEITEC et décrit la solution offerte par la requérante dans le domaine de la gravure au faisceau laser ;

–        preuve 13 : couverture d’une brochure sur des « solutions complètes de service d’ingénierie », qui date de 2013 d’après une inscription manuscrite et porte un signe figuratif HEITEC ;

–        preuve 14 : couverture d’une brochure sur le thème « identifier, inspecter, interagir », qui date de 2014 d’après une inscription manuscrite et porte un signe figuratif HEITEC ;

–        preuve 15 : couverture d’une brochure sur le thème « test fonctionnel, traitement d’image, systèmes complets », qui date de 2013 d’après une inscription manuscrite et porte un signe figuratif HEITEC.

38      Il est constant que les preuves 11 à 15 ont été produites pour la première fois au cours de la procédure de recours, le 11 octobre 2018.

39      Il s’ensuit que ces preuves d’usage étaient tardives par rapport au délai imparti par la division d’annulation, peu importe que celui-ci ait expiré le 26 février 2017 (voir point 6 ci-dessus) ou, comme l’allègue la requérante, le 10 août 2017 (voir le deuxième moyen ci-après). Dès lors, leur éventuelle prise en considération relevait du pouvoir d’appréciation de la chambre de recours.

40      D’emblée, force est de constater qu’il ressort des points 23 à 25 de la décision attaquée que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours a manifestement exercé son pouvoir d’appréciation à l’égard des preuves 11 à 15.

41      Il convient maintenant d’examiner le respect, par la chambre de recours dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, des conditions cumulatives établies par l’article 27, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement délégué 2018/625 (voir point 36 ci-dessus).

42      En ce qui concerne la condition de la pertinence, à première vue, pour l’issue de l’affaire des preuves 11 à 15, il y a lieu de rappeler que, aux points 23 et 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, sur la base d’une analyse de ces preuves, que celles-ci étaient manifestement sans importance et ne présentaient donc pas une telle pertinence pour l’issue de l’affaire. Elle s’est notamment fondée sur le fait que les indications de dates n’étaient notées que de façon manuscrite sur ces documents, sans être confirmées par aucun autre élément, et qu’il manquait une preuve que ces documents concernaient la période pertinente pour la preuve d’usage. Elle a ajouté que, pour les preuves 11, 13, 14 et 15, ces dernières ne contenaient pas d’indication suffisamment concrète des produits et des services proposés sous la marque contestée, car il s’agissait de pages de couvertures de brochures publicitaires. Enfin, elle a considéré que les preuves 12 et 13 ne pouvaient être qualifiées de complémentaires aux preuves produites dans le délai imparti.

43      La requérante allègue, en substance, que même l’absence de datation ne priverait pas de pertinence les preuves 11 à 15, car la chambre de recours aurait déjà dû savoir, sur la base des preuves produites dans le délai imparti, que ces preuves devaient également porter sur la période pertinente (du 15 septembre 2011 au 14 septembre 2016).

44      Toutefois, cette allégation ne saurait remettre en cause les constatations de la chambre de recours exposées au point 42 ci-dessus, pour les motifs suivants.

45      Premièrement, étant donné que les preuves 11 à 15 ont été produites tardivement, il incombait à la requérante de préciser leur pertinence de façon claire, précise et non équivoque. Or, il ressort du point 2.5 du mémoire exposant les motifs du recours que la requérante ne s’est pas acquittée de cette obligation, en ne décrivant ces preuves que brièvement.

46      Deuxièmement, dans la requête, la requérante se limite à affirmer globalement que la pertinence des preuves 11 à 15 résulterait de leur prise en considération associée aux preuves déjà produites. Or, un tel renvoi global n’est pas suffisamment clair, précis et non équivoque. Même la mention concrète de la preuve 5 demeure insuffisante, étant donné que cette dernière contient trois magazines, dont le premier date de novembre 2010, avant la période pertinente, le deuxième de janvier 2013, pendant cette période, alors que le troisième n’est pas daté, mais porte une indication manuscrite de l’année 2016, pendant ou après ladite période.

47      Troisièmement, il ne saurait être allégué utilement que la pertinence des preuves 11 à 15 découle du simple fait que l’intervenante n’aurait pas critiqué dans leur ensemble les preuves produites dans les délais. D’une part, cette allégation manque en fait, car une telle contestation ressort des observations de l’intervenante, du 29 novembre 2018, dans la procédure devant la chambre de recours. D’autre part, cette allégation manque en droit, car, selon la jurisprudence, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière, et non à l’EUIPO agissant d’office, qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 63), et ce indépendamment de l’argumentation du demandeur en déchéance.

48      Par ailleurs, rien dans la requête n’infirme le constat de la chambre de recours selon lequel les preuves 11, 13, 14 et 15 ne contiennent pas d’indications suffisamment concrètes des produits et des services visés, car il s’agit de pages de couvertures de brochures publicitaires. Le point 2.5 du mémoire exposant les motifs de son recours, invoqué par la requérante, ne montre pas clairement la pertinence de ces documents pour des produits ou des services spécifiques.

49      Force est, dès lors, de constater que, en raison de l’absence de pertinence, à première vue, pour l’issue de l’affaire, des preuves produites pour la première fois au cours de la procédure de recours, la première condition de l’article 27, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2018/625 n’est pas remplie.

50      En tout état de cause, en ce qui concerne la seconde condition de l’existence de raisons valables pour n’avoir pas présenté des preuves en temps utile, conformément à l’article 27, paragraphe 4, sous b), du règlement délégué 2018/625, l’argument de la requérante selon lequel l’EUIPO ne lui aurait pas indiqué concrètement les preuves à produire dans le délai imparti est manifestement non fondé.

51      En effet, l’EUIPO a dûment informé la requérante des exigences découlant directement du droit de l’Union, à savoir la règle 22, paragraphes 2 à 4, du règlement no 2868/95 et l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001]. En revanche, l’EUIPO n’était pas tenu d’indiquer à la requérante les preuves concrètes qui permettraient de satisfaire ces exigences, de telles preuves étant à disposition de la requérante et non de l’EUIPO. En effet, selon la jurisprudence déjà citée au point 47 ci-dessus, c’est au titulaire d’une marque, et non à l’EUIPO agissant d’office, qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 63).

52      Par ailleurs, pour autant que la chambre de recours, au point 25 de la décision attaquée, a réfuté l’existence de raisons valables à la présentation tardive des preuves 12 et 13, au motif que ces dernières ne pouvaient être qualifiées de preuves complémentaires aux documents produits dans les délais, mais étaient nouvelles, la requérante n’a avancé aucun argument suffisamment concret pour contester l’exactitude de ce constat.

53      Il y a donc lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours, dans l’exercice effectif de son large pouvoir d’appréciation pour ce qui concerne la prise en considération des preuves 11 à 15 produites pour la première fois lors de la procédure de recours, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes et en application des conditions définies à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, a considéré qu’il n’était satisfait à aucune des deux conditions cumulatives prévues audit article, étant donné que ces preuves n’étaient pas, à première vue, pertinentes pour l’issue de l’affaire et qu’il n’existait pas de raisons valables à leur absence de présentation en temps utile.

54      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001

55      Par le deuxième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en considérant que la division d’annulation avait rejeté, à juste titre, les éléments de preuve complémentaires du 4 août 2017, à savoir les preuves 8 à 10, pour tardiveté et en ne tenant pas compte des explications écrites du mémoire d’observations du même jour.

56      La requérante allègue que, le 4 août 2017, elle a transmis à l’EUIPO, dans les délais impartis, des observations complémentaires ainsi que des preuves complémentaires de l’usage sérieux de la marque contestée, y compris les preuves 8 à 10. Concernant la preuve 8, qui comportait 23 factures numérotées, adressées à des clients de divers pays et remontant aux années 2014 à 2016, elle prétend avoir exposé, de manière circonstanciée et étayée, sans être contredite, les produits et les services auxquels se rapportaient ces factures, tous offerts et fournis sous la marque contestée. Elle précise que les preuves 9 et 10 ont été, elles aussi, produites à titre complémentaire, afin d’illustrer et de prouver le fait que, au cours des années 2011 à 2016, des produits et des services visés ont été proposés et fournis exclusivement sous la marque contestée. Or, la division d’annulation et la chambre de recours auraient fait fi des observations du 4 août 2017 et des moyens de preuve complémentaires, pourtant produits bien avant l’expiration du délai prolongé, pour des raisons d’équité, jusqu’au 10 août 2017. La requérante aurait ainsi satisfait aux exigences d’une conduite régulière de la procédure. Ce serait plutôt l’intervenante qui n’aurait pas respecté les délais, en répondant aux observations de la requérante non pas le 28 avril 2017 comme cela était prescrit, mais le 10 mai 2017. La chambre de recours aurait méconnu la jurisprudence selon laquelle il n’est permis de ne pas tenir compte d’un moyen et de le qualifier de tardif que s’il n’est pas présenté dans le délai imparti.

57      La requérante ajoute que, même si les observations du 4 août 2017 et les éléments de preuve produits à cette date devaient être qualifiés de tardifs, la chambre de recours aurait néanmoins dû considérer que les nouveaux documents et éléments de preuve produits à cette date devaient obligatoirement être pris en compte conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, car ils ne faisaient que compléter les preuves d’usage et l’exposé des faits contenus dans le mémoire du 23 février 2017. La requérante conclut que, étant donné qu’elle a toujours produit les preuves d’usage « dans les délais » impartis, rien ne s’oppose à une prise en compte de documents « produits tardivement » conformément audit article.

58      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

59      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante a produit, au cours de la procédure de déchéance devant l’EUIPO, les preuves suivantes :

–        preuve 8 : 23 factures adressées par la requérante à des clients au sein de l’Union, en particulier en Allemagne, en Autriche, au Royaume-Uni, en Italie, en France et en Croatie ; 20 des 23 factures portent sur la période pertinente ; certaines factures ne sont pas rédigées dans la langue de procédure et ne sont pas accompagnées d’une traduction dans la langue de procédure ; les factures contiennent en haut à droite un signe figuratif HEITEC ;

–        preuve 9 : brochure HEITEC intitulée « Compétence industrielle en automatisation et électronique », non datée ;

–        preuve 10 : brochure HEITEC intitulée « Compétence industrielle en automatisation et électronique », non datée.

60      Il est constant que les preuves 8 à 10 ont été produites le 4 août 2017.

61      Il ressort des points 56 et 57 ci-dessus que, en ce qui concerne la non-prise en considération des preuves 8 à 10, la requérante fait, en substance, un double grief à la décision attaquée. D’une part, elle estime que la chambre de recours a violé l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en qualifiant de « tardive » la production de ces preuves, alors que, selon elle, la présentation desdites preuves aurait eu lieu dans le délai fixé par l’EUIPO, qui avait, « pour des raisons d’équité », prolongé jusqu’au 10 août 2017 le délai pour formuler des observations. D’autre part, elle soutient que, même à admettre que la production desdites preuves soit tardive, il existait une obligation de prise en considération des preuves en question, parce qu’il ne s’agissait là que de preuves complémentaires, voire que, même à admettre qu’il n’existait pas une telle obligation, la non-prise en considération de ces preuves a été effectuée par la chambre de recours sur la base d’un exercice erroné de son pouvoir d’appréciation.

62      Ce double grief ne saurait prospérer.

63      D’une part, s’agissant de la prétendue non-tardiveté de la production des preuves 8 à 10, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse erronée que le délai imparti par l’EUIPO à la requérante, conformément à la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, aux fins de produire des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, aurait expiré le 10 août 2017.

64      Or, il importe de rappeler que le délai imparti à cette fin, conformément à la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, a expiré le 26 février 2017 (voir point 6 ci-dessus). Au demeurant, c’est à la demande de la requérante que l’EUIPO avait prolongé de deux mois le délai initialement fixé au 26 décembre 2016.

65      En outre, dans sa lettre du 26 septembre 2016, l’EUIPO a expressément indiqué à la requérante les conséquences juridiques (déchéance de ses droits sur la marque contestée) en cas de production de la preuve de l’usage en dehors des délais, ainsi que la nécessité de produire cette preuve par principe intégralement dans le délai imparti à cet effet.

66      En revanche, il ne saurait être déduit que l’EUIPO aurait accordé à la requérante un nouveau délai pour prouver l’usage, conformément à la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, du seul fait que, dans sa lettre du 17 mai 2017, il lui a accordé, conformément à la règle 40, paragraphe 3, du même règlement no 2868/95, un délai pour répondre aux observations de l’intervenante. Ce délai, initialement fixé au 17 juillet 2017, a été prolongé une première fois au 31 juillet 2017, puis une seconde fois, « pour des raisons d’équité », au 10 août 2017. Dans sa lettre du 17 mai 2017, l’EUIPO a seulement invité la requérante à répondre aux observations de l’intervenante, sans lui octroyer un nouveau délai pour fournir la preuve de l’usage.

67      À cet égard, il importe de souligner que la règle 40 du règlement no 2868/95 distingue nettement entre, d’une part, le délai visé au paragraphe 5 pour fournir la preuve de l’usage et, d’autre part, le délai visé au paragraphe 3 pour répondre aux observations du demandeur en déchéance.

68      C’est donc à bon droit que la chambre de recours, au point 31 de la décision attaquée, a relevé que le délai qui importait n’était pas celui que l’EUIPO avait fixé à la requérante pour répondre aux observations de l’intervenante, mais plutôt le délai fixé par l’EUIPO à la requérante pour produire les preuves de l’usage, conformément à la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95.

69      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle les preuves 8 à 10, présentées le 4 août 2017, ont été produites tardivement, le délai imparti pour fournir la preuve de l’usage ayant expiré le 26 février 2017.

70      D’autre part, même en admettant que cette production soit tardive, la requérante invoque une prétendue obligation de prendre en considération les preuves produites tardivement au seul motif qu’il ne s’agirait que de preuves complémentaires.

71      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence (voir point 31 ci‑dessus), il n’existe pas de droit inconditionnel à la prise en considération de telles preuves, laquelle relève du pouvoir d’appréciation des instances décisionnelles de l’EUIPO. Ainsi, le stade de la procédure et les circonstances qui entourent la production tardive de ces preuves peuvent s’opposer à leur prise en compte. Une violation, par la requérante, des principes d’une conduite régulière de la procédure devant l’EUIPO pouvait donc, en principe, s’opposer à la prise en considération des preuves 8 à 10.

72      En l’espèce, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel le critère d’une conduite régulière de la procédure ne pouvait pas être pris en compte en raison du fait que les preuves 8 à 10 produites tardivement auraient été des documents complémentaires.

73      En effet, il y a lieu de relever que le caractère complémentaire d’un élément de preuve produit tardivement n’est que la condition nécessaire pour devoir trancher la question de la prise en considération d’un tel élément de preuve, mais non une condition suffisante pour sa prise en considération effective. Le simple fait que la chambre de recours a écarté ces preuves ne signifie donc pas qu’elle n’a pas pris en compte leur caractère complémentaire, mais résulte plutôt de la prise en compte d’autres facteurs, en particulier celui d’une conduite régulière de la procédure par la requérante. De surcroît, aux points 42 et 43 de la décision attaquée, la chambre de recours, à titre surabondant, a effectivement pris en considération et brièvement examiné les preuves 8 à 10, sans que cela modifiât son analyse de l’usage sérieux de la marque contestée.

74      Par ailleurs, s’agissant de l’exercice effectif, par la chambre de recours, de son pouvoir d’appréciation, il convient d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels, en substance, la chambre de recours aurait omis de prendre en compte des circonstances pertinentes.

75      Tout d’abord, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas pris en compte le fait qu’un délai lui aurait été accordé jusqu’au 10 août 2017 pour formuler des observations. Cet argument manque en fait, car la chambre de recours a expressément abordé cette circonstance. Au point 32 de la décision attaquée, elle a notamment fait observer, à juste titre, qu’il ne s’agissait pas d’une prolongation du délai pour présenter des preuves de l’usage, lequel avait déjà expiré, mais du délai pour « s’exprimer » sur les observations de l’autre partie.

76      À cet égard, il convient encore de souligner que le délai du 10 août 2017, fixé pour répondre aux observations de l’autre partie, conformément à la règle 40, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, est sans incidence sur le délai fixé pour fournir la preuve de l’usage sérieux au sens du paragraphe 5 de cette disposition, à savoir le 26 février 2017 (voir points 66 à 68 ci-dessus). La requérante n’a pas expliqué pourquoi il lui était impossible de présenter, dans le respect du délai fixé au 26 février 2017, les documents produits seulement le 4 août 2017.

77      En outre, il y a lieu d’écarter comme inopérant l’argument selon lequel la chambre de recours n’aurait pas suffisamment tenu compte de la circonstance que la requérante aurait espéré produire ces documents dans le délai, bien que son employé chargé de la dactylographie fût tombé malade quelques jours avant l’expiration du délai fixé au 31 juillet 2017. En effet, la prétendue maladie de son employé dactylographe à la fin du mois de juillet 2017 n’était manifestement pas déterminante aux fins d’apprécier le respect d’un délai fixé au 26 février 2017, cinq mois plus tôt.

78      Au surplus, la circonstance invoquée a été appréciée par la chambre de recours. Celle-ci, au point 32 de la décision attaquée, a fait observer, en substance, que les avocats et autres mandataires agréés étant des professionnels visés par l’article 120, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001, doivent, par principe, dans le cadre des obligations d’organisation et de diligence qui leur incombent, prendre des dispositions pour les cas d’absences pour cause de maladie dans leurs cabinets. Cette observation est conforme à la jurisprudence, applicable a fortiori à un professionnel, selon laquelle le devoir de vigilance requiert la mise en place d’un système de contrôle et de surveillance interne des délais qui exclut généralement le non-respect involontaire de ceux-ci [voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2009, Aurelia Finance/OHMI (AURELIA), T‑136/08, EU:T:2009:155, point 26, et du 26 septembre 2017, Banca Monte dei Paschi di Siena et Banca Widiba/EUIPO – ING-DIBa (WIDIBA), T‑83/16, non publié, EU:T:2017:662, point 39].

79      À cet égard, la chambre de recours a également fait observer que la requérante devait s’attendre à un rejet de sa demande de prolongation. Le délai pour le dépôt d’observations avait déjà été prolongé du 17 au 31 juillet 2017 (voir point 9 ci-dessus) et la requérante avait été expressément informée qu’une prolongation supplémentaire de ce délai ne pourrait être accordée qu’en présence de circonstances exceptionnelles. Or, elle n’a demandé une prolongation exceptionnelle du délai que le dernier jour du délai déjà prolongé, le 31 juillet 2017, alors que la maladie de son employé dactylographe lui était déjà connue à une date antérieure (le 27 juillet 2017 selon le point 28 de la requête), depuis laquelle elle aurait dû prendre les dispositions appropriées.

80      Enfin, ne saurait pas non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait omis de tenir compte du fait que ce serait l’intervenante, et non la requérante, qui n’aurait pas respecté les délais fixés par l’EUIPO. En effet, cet argument manque partiellement en fait, car l’intervenante a présenté ses observations le 10 mai 2017, dans le délai fixé au 22 mai 2017. De surcroît, même à supposer que l’EUIPO ait révoqué le délai imparti au 22 mai 2017 et maintenu celui du 28 avril 2017, de sorte que les observations de l’intervenante du 10 mai 2017 aient été tardives, il n’en demeure pas moins qu’un tel fait est sans incidence sur l’appréciation de la conduite régulière de la procédure par la requérante. Ledit argument est donc inopérant, car le fait invoqué par la requérante ne constituait pas, en tout état de cause, une « circonstance pertinente », au sens de la jurisprudence (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 110), que la chambre de recours était tenue de prendre en compte pour décider de la prise en considération des preuves 8 à 10 produites tardivement.

81      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a exercé son large pouvoir d’appréciation, en ce qui concerne la prise en considération des preuves 8 à 10 produites tardivement, de façon effective et en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes.

82      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle il n’existait pas de motifs légitimes pour la présentation tardive des preuves 8 à 10.

83      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec la règle 40, paragraphe 5, et la règle 22, paragraphes 2 à 4, du règlement no 2868/95

84      Par le troisième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec la règle 40, paragraphe 5, et la règle 22, paragraphes 2 à 4, du règlement no 2868/95, en ne considérant pas que les preuves 1 à 7 produites par la requérante le 23 février 2017, examinées dans leur ensemble, établissaient l’usage sérieux de la marque contestée. Selon la requérante, il résulte déjà des seules preuves 4 à 7 que la marque contestée a été utilisée de manière ininterrompue pendant la période pertinente.

85      Ces preuves, amplement décrites au point 4 de la décision attaquée, sont les suivantes :

–        preuve 1 : extrait du registre du commerce pour le nom commercial Heitec Industrieplanung GmbH ;

–        preuve 2 : extrait du registre du commerce de l’Amtsgericht Fürth (tribunal de district de Fürth, Allemagne) pour HEITEC AG ;

–        preuve 3 : certificat d’enregistrement de l’EUIPO, sous le numéro 774331, pour la marque de l’Union européenne HEITEC ;

–        preuve 4 : dix-huit factures établies par la requérante, HEITEC AG, ou son prédécesseur en droit HEITEC Industrieplanung GmbH à des clients au sein de l’Union, notamment au Danemark, en Slovaquie, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie ;

–        preuve 5 : trois numéros du magazine Heitec news de la requérante, dans la langue de procédure ; deux des trois numéros datent de novembre 2010 et de janvier 2013, le dernier numéro est non daté mais, d’après une indication manuscrite, daterait de l’année 2016 ; les tirages indiqués sont de 10 000 exemplaires ;

–        preuve 6 : brochure « 25 ans de Heitec – Connaissances et expérience. Solutions pour l’avenir », non datée, et brochure Heitec « Compétence industrielle en automatisation et électronique », non datée ;

–        preuve 7 : extrait du site Internet de Heitec, ayant pour nom de domaine « www.heitec.de », qui peut être daté de 2015 sur la base des informations relatives aux droits d’auteur.

86      S’agissant de la preuve 4, la requérante soutient qu’elle a également produit, à titre d’exemple, des factures adressées à ses clients, comportant toutes la marque contestée et datées respectivement des 13 avril 2012, 17 septembre 2013 et 10 décembre 2013. En outre, elle aurait également produit des factures d’années antérieures afin d’illustrer, à titre complémentaire, « même si cela n’est pas pertinent pour la décision », le fait que la marque a aussi été utilisée de façon ininterrompue au cours des années précédant la période pertinente.

87      S’agissant de la preuve 5, la requérante allègue que ses revues d’entreprise (de 2010 à 2016) portaient la mention exacte de l’année de leur tirage et de leur distribution et que cette mention était manuscrite. Elle ajoute que ces revues d’entreprise ont été distribuées à tous ses clients nationaux en Allemagne ainsi qu’à ses clients étrangers établis en Autriche, en Slovaquie et en Suisse. Elle fait valoir que ces revues d’entreprise mentionnent également les services et produits fournis par elle sous la marque contestée au cours de la période pertinente, tels que décrits de manière détaillée dans son mémoire du 23 février 2017. Ainsi, de la revue d’entreprise de l’année 2013, il ressortirait que la requérante agissait et agit dans le domaine de l’automatisation et qu’elle utilise la marque contestée pour désigner les produits et services qu’elle fournit dans ce domaine. Elle serait représentée au salon de l’automatisation SPS à Nuremberg et y présenterait ses produits dans ce domaine, exclusivement offerts sous la marque contestée, et cette marque serait également utilisée dans le domaine de l’électronique des systèmes d’intégration, à savoir pour des produits relevant de la classe 9. Quant à la revue d’entreprise de l’année 2016, qui a été tirée et distribuée à l’échelle nationale et internationale au cours du premier semestre de l’année, elle montrerait que les services suivants sont fournis sous la marque contestée : planification numérique, méthodologie de l’ingénierie, mise en service virtuelle, mise en réseau de SAP avec S., contrôle des flux de données, ingénierie des systèmes, notamment pour la société K. M., prestations d’automatisation pour les sites de production de D., formations à la programmation de machines. Cela concernerait les « appareils pour l’enregistrement, la transmission et la reproduction du son et des images, ordinateurs, appareils et instruments d’enseignement, appareils utilisant la technique des courants forts, pour le réglage et la commande, appareils et instruments utilisant la technique des courants faibles et de réglage » relevant de la classe 9, les services de « planification de l’automatisation, planification de la construction et d’installations » relevant de la classe 42 ainsi que les services de « formations et séminaires » relevant de la classe 41, tous fournis sous la marque contestée.

88      S’agissant de la preuve 6, datant de l’année 2014, cette brochure d’entreprise de la requérante sous la marque contestée et le titre Industriekompetenz in Automatisierung und Elektronik (« Compétences industrielles en matière d’automatisation et d’électronique ») présenterait de façon détaillée, en page 5, les produits et les services qui sont fournis et proposés sous la marque contestée, et cet exposé concernerait entièrement les produits et les services relevant des classes 9, 16, 41 et 42.

89      S’agissant de la preuve 7, la requérante produit la version imprimée de son site Internet de l’année 2016, dans lequel seraient également présentés en détail les domaines d’activité et les fournitures de produits et des services qui y étaient liées sous la marque contestée, en ce qui concerne toutes les classes des produits et des services visés.

90      La requérante conclut qu’une preuve suffisante de l’usage a déjà été apportée le 23 février 2017, par ces éléments de preuve produits « à titre d’exemple ». De plus, elle ajoute que l’usage de la marque contestée résulte des preuves 8 à 15 produites à titre complémentaire ainsi que des observations écrites et des explications des 4 août 2017 et 11 octobre 2018, dont la chambre de recours n’a pas tenu compte « au mépris de la procédure ».

91      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

92      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

93      En vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement no 2868/95 [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625], applicable aux procédures de déchéance conformément à la règle 40, paragraphe 5, du même règlement (devenue article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625), la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].

94      Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée].

95      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 34 et jurisprudence citée, et du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée].

96      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, VITAKRAFT, T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28]. Il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents au cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte (arrêt du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36).

97      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 34 à 45 de la décision attaquée, que les preuves produites dans le délai imparti par la requérante, s’agissant des produits et des services visés, ne démontraient pas un usage sérieux de la marque contestée.

98      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée, la requérante a produit les preuves 1 à 7 le 23 février 2017, dans le délai imparti au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO, à savoir le 26 février 2017. Par ailleurs, la demande en déchéance de la marque contestée ayant été déposée le 15 septembre 2016, la période pertinente de cinq années, visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, s’étend du 15 septembre 2011 au 14 septembre 2016.

99      En premier lieu, il convient de considérer, à l’instar de la chambre de recours au point 34 de la décision attaquée, que les preuves 1 à 3 sont, par nature, impropres à prouver un usage sérieux. En effet, les extraits du registre du commerce pour le nom commercial Heitec Industrieplanung GmbH (preuve 1) et HEITEC AG (preuve 2) prouvent seulement l’existence d’entreprises comportant l’élément « heitec » dans leur nom commercial, mais ne permettent en rien de savoir si la marque contestée a effectivement été utilisée. De plus, le certificat d’enregistrement de la marque contestée (preuve 3) ne revêt aucune force probante pour l’usage effectif de la marque. Au demeurant, la requérante semble elle-même le reconnaître, puisque, dans la requête, elle n’invoque plus que les preuves 4 à 7.

100    En deuxième lieu, force est de constater que, sur les 18 factures produites au titre de preuve 4, quinze factures ne datent pas de la période pertinente (dont dix datées de l’an 2000 ou d’une année antérieure) et doivent être écartées. Seules trois factures, en haut à droite desquelles se trouve un signe figuratif HEITEC, datent de la période pertinente, à savoir :

–        la facture du 13 avril 2012, d’un montant de 49 271,00 euros, pour « Manufacturing of DRM lot 2 (17 DRMs) » [fabrication d’un lot 2 de DRM (17 DRMs)] et « additional cost » (coût supplémentaire) ;

–        la facture du 17 septembre 2013, d’un montant de 73 500,00 euros, pour « Typintegration AFO 010 » (intégration type AFO 010) ;

–        la facture du 10 décembre 2013, d’un montant de 10 850,00 euros, pour un « Prüfsystem Endabnahmelehre BMW 23 » (système de test contrôle final BMW F23).

101    Or, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée, que les produits et les services facturés se révèlent incompréhensibles pour un tiers non initié. Sans autre explication figurant sur ces factures, les dénominations de « fabrication d’un lot 2 de DRM (17 DRMs) », d’« intégration type AFO 010 » et de « système de test contrôle final BMW F23 » ne peuvent pas être rapportées spécifiquement à des produits ou à des services pour lesquels la marque contestée est enregistrée. Du reste, il en va de même pour les quinze factures dont la date se situe en dehors de la période pertinente.

102    En troisième lieu, quant à la preuve 5, deux des trois magazines destinés à la clientèle de la requérante datent de la période pertinente, à savoir ceux de janvier 2013 et de 2016. Cependant, force est de constater que ces magazines ne revêtent qu’une valeur probante limitée.

103    En effet, comme l’a relevé la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, il n’est pas possible de déduire desdits magazines si, et dans quelle mesure, les activités commerciales décrites ont effectivement été effectuées sous la marque contestée. La mention répétée de « Heitec » dans les magazines en cause porte sur le nom commercial, c’est-à-dire le nom de la requérante (voir preuves 1 et 2) et non sur la marque contestée.

104    En outre, comme l’a constaté la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée, les rapports dans les magazines destinés à la clientèle, qui portent sur les activités commerciales de la requérante, sont si généraux qu’il est impossible d’établir avec clarté et précision, sur la base de ces preuves, quels produits et services spécifiques ont été offerts sur le marché. Par exemple, les termes de « technologie d’automatisation », de « robotique » et d’« électronique des systèmes d’intégration », utilisés dans ces magazines en ce qui concerne l’activité de la requérante, sont si vastes et génériques qu’ils ne permettent pas d’identifier clairement et précisément des produits ou des services pour lesquels la marque contestée aurait été utilisée, à supposer qu’elle l’eût été.

105    En quatrième lieu, la preuve 6 (brochures) et la preuve 7 (extraits du site Internet de la requérante) ne sont pas non plus des preuves de l’usage suffisantes. À nouveau, le nom HEITEC y apparaît en tant que nom commercial et non en tant que marque au regard des produits ou des services visés. De plus, ces preuves décrivent l’activité de la requérante par des termes si génériques qu’il est impossible d’établir avec clarté et précision, sur la base de ces preuves, pour quels produits ou services spécifiques la marque contestée aurait été utilisée. Par exemple, le site Internet de la requérante mentionne les secteurs d’activité suivants : « l’automatisation, les systèmes de production, les techniques de mesure et de test, l’électronique, les solutions logicielles, la validation et la documentation ». Il ajoute que « la principale force de HEITEC AG est son savoir-faire dans la conception, le développement et la fabrication de systèmes électroniques » et que « [d]ans le domaine des systèmes d’assemblage électronique, HEITEC est spécialisé dans la technique industrielle des boîtiers […] La gamme de produits de nos systèmes d’assemblage électronique va des composants individuels à la construction de boîtiers électroniques en passant par des solutions système entièrement intégrées ». Il n’en ressort aucune preuve d’usage concrète pour aucun produit ou service visé.

106    De surcroît, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 39 de la décision attaquée, indépendamment de la désignation insuffisamment claire et précise des produits et des services qu’elles concernent, les preuves 4 à 7, même considérées dans leur ensemble, ne constituent pas des éléments de preuve fiables quant à l’importance de l’usage de la marque contestée. En effet, la requérante n’a fourni aucune indication sur son chiffre d’affaires ou sa position sur le marché, avec une ventilation en fonction des différents produits et services pour lesquels cette marque est enregistrée.

107    Or, selon la jurisprudence citée au point 96 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (arrêts du 12 décembre 2002, HIWATT, T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, VITAKRAFT, T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28).

108    En l’espèce, force est de constater que les preuves 4 à 7 produites par la requérante dans le délai imparti ne constituent pas de tels éléments concrets et objectifs.

109    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 44 de la décision attaquée, a conclu que les preuves produites par la requérante dans le délai fixé, considérées dans leur ensemble, ne se révélaient pas suffisantes aux fins d’établir un usage sérieux de la marque contestée pour les produits et les services visés dans l’enregistrement, ou même une partie d’entre eux.

110    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

111    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

112    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Heitec AG est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 février 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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