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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Greece v Commission (State Aid - Judgment) French Text [2022] EUECJ T-850/19 (19 October 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T85019.html Cite as: ECLI:EU:T:2022:638, EU:T:2022:638, [2022] EUECJ T-850/19 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
19 octobre 2022 (*)
« Aides d’État – Activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles – Régimes d’aides accordées par la Grèce sous forme de bonifications d’intérêts et de garanties d’État sur des prêts existants et de nouveaux prêts afin de remédier à des dommages causés par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires – Décision déclarant les régimes d’aides incompatibles avec le marché intérieur et illégaux et ordonnant la récupération des aides versées – Aide limitée à des zones géographiques sinistrées – Avantage – Caractère sélectif – Principe de bonne administration – Durée de la procédure – Confiance légitime – Délai de prescription – Article 17 du règlement (UE) 2015/1589 »
Dans l’affaire T‑850/19,
République hellénique, représentée par Mmes E. Tsaousi, E. Leftheriotou et A.-V. Vasilopoulou, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. A. Bouchagiar et T. Ramopoulos, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé, lors des délibérations, de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et O. Porchia (rapporteure), juges,
greffier : M. I. Pollalis, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 8 février 2022,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la République hellénique demande l’annulation de la décision (UE) 2020/394 de la Commission, du 7 octobre 2019, concernant les mesures SA.39119 (2016/C) (ex 2015/NN) (ex 2014/CP) mises en œuvre par la République hellénique sous la forme de bonifications d’intérêt et de garanties liées aux incendies de 2007 (la présente décision ne couvre que le secteur agricole) (JO 2020, L 76, p. 4, ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Au cours du mois de juillet 2007, en Grèce, des incendies ont touché le nome de Magnésie, et plus précisément le Pélion, l’île de Skiathos, l’île de Céphalonie, le nome d’Achaïe ainsi que le Péloponnèse. En août 2007, de nouveaux incendies ont touché les nomes de Messénie, d’Élide, d’Arcadie, de Laconie et d’Eubée ainsi que le dème d’Égialée dans le nome d’Achaïe. En raison de la situation causée par ces incendies, le Premier ministre de la République hellénique a déclaré, le 25 août 2007, l’état d’urgence.
3 Par la suite, la République hellénique a adopté des mesures pour soutenir les opérateurs actifs établis dans les entités territoriales affectées par les incendies de 2007 (ci-après les « entités territoriales sinistrées »), expressément visés dans ces mesures.
4 Le 22 juillet 2014, la Commission européenne a reçu une plainte portant sur une aide qui aurait été accordée par la République hellénique à Sogia Ellas AE et à ses filiales (ci-après, dénommées ensemble, « Sogia Ellas »), sociétés actives dans le secteur de la transformation de produits agricoles, consistant en des bonifications d’intérêt et des garanties d’État sur des prêts existants qui devaient être renégociés et bénéficier d’une période de grâce et sur de nouveaux prêts.
5 Par lettre du 25 juillet 2014, la Commission a demandé aux autorités grecques de lui fournir des informations concernant les aides alléguées, ce que les autorités grecques ont fait en fournissant des informations détaillées quant à leurs bases juridiques.
6 Le 11 décembre 2015, la Commission a transmis une deuxième lettre aux autorités grecques, leur posant des questions additionnelles et leur indiquant que l’enquête concernant ces mesures ne serait pas limitée à Sogia Ellas, dès lors que les mesures litigieuses avaient pu être accordées à d’autres bénéficiaires.
7 Partant, la Commission a décidé d’entamer une procédure d’examen relative aux aides d’État non notifiées [affaire SA.39119 (2015/NN)] et d’étendre la portée de son enquête à l’ensemble du secteur agricole grec.
8 Le 11 février 2016, la République hellénique a fourni des informations supplémentaires sur les bases juridiques des aides en cause, sur leurs conditions d’octroi et sur leurs bénéficiaires.
9 Par lettre du 17 mai 2016, la Commission a notifié à la République hellénique sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide d’État SA.39119 (2016/C) (ex 2015/NN) (ex 2014/CP) – aide à Sogia Ellas AE et al. (ci-après la « décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen »).
10 Par la publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne le 16 septembre 2016 (JO 2016, C 341, p. 23), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
11 Dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission a demandé aux autorités grecques de lui fournir une estimation du nombre de bénéficiaires de chaque régime recensé dans ladite décision ainsi que les montants des aides concernées.
12 Aucune partie intéressée n’a présenté d’observations. Les autorités grecques ont présenté leurs observations sur la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen le 23 septembre 2016. Dans leurs réponses, elles ont informé la Commission qu’il leur était impossible de fournir toutes les informations demandées, ce qu’elles ont finalement fait par lettres des 9 mars 2017 et 21 février 2018.
13 Le 7 octobre 2019, la Commission a adopté la décision attaquée.
14 Aux termes de la décision attaquée, qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, à savoir les produits visés à l’annexe I du traité FUE, à l’exception des produits de la pêche et de l’aquaculture, la Commission a notamment décidé que les régimes d’aides établis au titre de la décision ministérielle no 36579/B.1666/27.8.2007 (modifiée par la suite) sous la forme de bonifications d’intérêts et de garanties accordées par la République hellénique (ci-après les « mesures litigieuses ») constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE illégales et incompatibles avec le marché intérieur, de sorte que la République hellénique était tenue de se faire rembourser les aides visées à son article 1er par leurs bénéficiaires, sauf dans les cas expressément prévus aux articles 3 et 4 de cette décision.
Conclusions des parties
15 La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la République hellénique aux dépens.
En droit
17 Au soutien de son recours, la République hellénique soulève trois moyens, tirés, le premier, de l’inexistence d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le deuxième, de la compatibilité de l’aide en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et, le troisième, d’une violation du droit à un délai raisonnable et du principe de bonne administration, de l’incompétence ratione temporis de la Commission et d’une violation du principe de sécurité juridique, du principe de proportionnalité ainsi que des droits de la défense.
Sur le premier moyen, tiré de l’inexistence d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
18 Le premier moyen se divise en trois branches. Par la première branche, la République hellénique reproche à la Commission une interprétation et une application erronées des conditions posées par l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par la deuxième branche, la République hellénique fait valoir des erreurs de fait et l’absence de motivation. Enfin, par la troisième branche, la République hellénique relève une violation du principe de protection de la confiance légitime. Dans la mesure où la troisième branche du premier moyen et la première branche du troisième moyen se recoupent partiellement, il convient de les examiner dans le cadre de l’examen du troisième moyen.
Sur la première branche du premier moyen, relative à l’interprétation et à l’application des conditions posées par l’article 107, paragraphe 1, TFUE
19 En premier lieu, la République hellénique fait valoir que les mesures litigieuses n’ont pas d’incidence négative sur le budget de l’État et n’entraînent pas non plus de risque pour ses ressources financières. En effet, d’une part, l’exigence d’une prime pour l’octroi des garanties aurait compromis l’efficacité des mesures. D’autre part, l’absence de prime serait compensée par plusieurs éléments. Partant, le critère selon lequel une aide doit être financée par des ressources d’État ferait défaut.
20 En deuxième lieu, la République hellénique soutient que les mesures litigieuses ne confèrent pas d’« avantage » à leurs destinataires, de sorte que ce critère fait défaut, alors même que sa présence est nécessaire pour conclure à l’existence d’une aide d’État.
21 Tout en indiquant qu’elle n’a pas agi en l’espèce comme un opérateur privé, la République hellénique soutient que les mesures litigieuses s’inscrivent dans une rationalité économique à long terme et qu’il lui est loisible de poursuivre une politique à long terme, conforme à sa « responsabilité sociale », comme cela a été reconnu aux opérateurs privés. Elle allègue qu’il ne saurait être considéré que, en l’espèce, elle s’est écartée des règles du marché, dès lors qu’il n’est pas exclu qu’un opérateur privé aurait agi de la même manière en poursuivant un bénéfice à long terme.
22 S’agissant spécifiquement des garanties d’État, la République hellénique fait valoir que l’absence de prime n’implique pas l’existence d’un avantage. En effet, d’une part, une prime aurait compromis l’efficacité des mesures. D’autre part, l’absence de prime serait compensée par plusieurs éléments, notamment par le fait que la viabilité des entreprises aurait été vérifiée et que des entreprises en difficulté auraient été exclues, que la garantie aurait été accordée dans la limite de 80 % de chaque prêt, que la durée des prêts aurait été limitée dans le temps et qu’elle aurait le droit de récupérer le montant versé au titre de la garantie auprès du débiteur principal.
23 En outre, la République hellénique soutient que les mesures litigieuses n’ont pas allégé les charges qui pèsent « normalement » sur les entreprises. En effet, par ses mesures, elle aurait cherché à répondre à la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvaient les bénéficiaires des mesures litigieuses.
24 Enfin, la République hellénique allègue que les mesures litigieuses ne sont pas sélectives. En effet, les bénéficiaires des mesures litigieuses ne se trouveraient pas dans une situation comparable aux autres acteurs de marché. Ils auraient été dans une situation exceptionnelle, les incendies de 2007 ne faisant pas partie « du risque économique auquel toute entreprise peut être confrontée », comme le retient la Commission au considérant 118 de la décision attaquée. Ainsi, les mesures litigieuses, au lieu de fausser la concurrence, auraient pour objectif de rétablir les conditions de concurrence.
25 En troisième lieu, la République hellénique allègue que les mesures litigieuses n’affectent pas les échanges entre les États membres et ne faussent pas la concurrence. À cet égard, elle fait référence aux données statistiques desquelles il résulte que, pendant la période allant de 2008 à 2010, le produit intérieur brut et la valeur ajoutée brute réalisés auraient connu une baisse significative dans les entités territoriales sinistrées. En outre, la République hellénique soutient que, dans son appréciation, la Commission s’est fondée erronément sur le fait que des entreprises en difficulté pouvaient profiter des mesures litigieuses.
26 La Commission conteste les arguments soulevés par la République hellénique au soutien de la première branche du premier moyen.
27 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 53 et jurisprudence citée).
28 De plus, il y a lieu de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 27, et du 29 mars 2012, 3M Italia, C‑417/10, EU:C:2012:184, point 36).
29 S’agissant, premièrement, de la première condition de la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’analyse de la décision no 36579/B.1666/27/8.2007, figurant dans l’annexe A 12 de la requête, ainsi que les éléments de réponse donnés à la Commission par la République hellénique, figurant dans l’annexe A 21 de la requête, mettent en évidence que les entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées ont pu bénéficier d’un aménagement de dettes ainsi que d’un octroi de prêts de fonds de roulement qui, d’une part, faisaient l’objet de bonifications d’intérêts totales ou partielles financées par les autorités grecques et qui, d’autre part, étaient garantis par la République hellénique sans que les bénéficiaires de ces prêts aient à verser de prime à ce titre.
30 En effet, s’agissant des bonifications d’intérêts, dès lors que les intérêts payables étaient « subventionnés » en totalité ou partiellement par le compte créé par le nómos 128/1975, perí tropopoiíseos kai sympliróseos diatáxeón tinon anaferoménon eis tin leitourgían tou chrimatodotikoú systímatos (loi 128/1975 sur la modification et le complément des dispositions relatives au fonctionnement du système financier), du 28 août 1975 (FEK A 178/28.8.1975), cette bonification a nécessairement grevé les ressources financières de la République hellénique, laquelle n’a, au demeurant, pas remis en cause le bien-fondé du considérant 112 de la décision attaquée, aux termes duquel tant les bonifications d’intérêts que les garanties d’État lui étaient imputables et étaient accordées au moyen de ressources d’État.
31 S’agissant de la garantie d’État, la République hellénique conteste que l’octroi de telles garanties par les mesures litigieuses ait eu une incidence négative sur ses ressources.
32 Il convient de relever que sont notamment considérées comme aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, de ce fait, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, point 101).
33 Il ressort de la jurisprudence que l’octroi d’une garantie peut impliquer une charge supplémentaire pour l’État (voir arrêt du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, point 107 et jurisprudence citée). Plus particulièrement, une garantie implique une prise de risque qui est normalement rémunérée par une prime appropriée (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 65).
34 Or, en l’espèce, il est établi que la République hellénique a renoncé à percevoir une prime pour l’octroi des garanties comprises dans les mesures litigieuses, de sorte que ses ressources publiques ont été affectées.
35 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la République hellénique, au demeurant non établis, qui tendent à démontrer que les garanties consenties ne présentaient pas de risque pour les ressources publiques.
36 En effet, au cours de l’audience, la République hellénique a confirmé, comme l’indique le considérant 28 de la décision attaquée, que sa garantie avait été actionnée à hauteur de plus 6 000 000 euros. Elle a insisté sur la circonstance que ces sommes sont susceptibles d’être recouvrées automatiquement, comme des dettes fiscales, avec possibilité d’attraire le débiteur devant le juge pénal, sans toutefois indiquer les montants qu’elle avait effectivement recouvrés.
37 S’agissant spécifiquement des sûretés constituées par les bénéficiaires des mesures, tout d’abord, il convient de relever que la constitution d’une sûreté réelle n’était pas systématiquement requise pour tous les prêts. Il résulte en outre du document joint dans l’annexe A 24 de la requête que la constitution d’une sûreté par l’emprunteur ne garantissait la garantie d’État qu’à hauteur de 90 % de son montant, de sorte que l’État n’avait pas d’assurance concernant le remboursement de la totalité de sa dette.
38 De plus, il est vrai que les entreprises qui introduisaient une demande d’aménagement de dette d’un montant supérieur à 100 000 euros devaient justifier d’une étude de viabilité économique et que les autres entreprises devaient renseigner un tableau figurant dans l’annexe A 27 de la requête, dans lequel figuraient notamment leurs données financières comptables passées pour les années 2004, 2005 et 2006 ainsi que leurs données prospectives pour les années 2007, 2008 et 2009.
39 Il demeure que, ainsi que cela est mentionné aux considérants 129 et 131 de la décision attaquée, les critères économiques déterminant le seuil à partir duquel une entreprise était considérée comme n’étant plus viable n’étaient pas déterminés par les régimes d’aides en cause, de sorte que la République hellénique ne saurait affirmer que les garanties concédées étaient exclusivement réservées à des entreprises viables et que les entreprises qui ne l’étaient pas ne pouvaient pas en profiter.
40 Il résulte des points 29 à 39 ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que, aux considérants 111 et 112 de la décision attaquée, la Commission a, en substance, considéré que les mesures litigieuses avaient constitué une charge financière pour la République hellénique.
41 S’agissant, deuxièmement, du critère relatif à l’avantage, en vertu d’une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché (voir arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée, et du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, point 65 et jurisprudence citée).
42 En particulier, en vertu d’une jurisprudence tout aussi constante, un emprunteur qui a souscrit un prêt garanti par les autorités publiques d’un État membre, tout comme celui qui bénéficie d’une garantie sans avoir à payer de commission en contrepartie, obtient normalement un avantage, dans la mesure où le coût financier qu’il supporte est inférieur à celui qu’il aurait supporté s’il avait dû se procurer ce même financement et cette même garantie aux prix du marché (voir arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 96 et jurisprudence citée).
43 En l’espèce, l’intervention de la République hellénique a eu pour effet de permettre aux entreprises des zones sinistrées de bénéficier soit de prêts avec des intérêts qu’elle subventionnait en tout ou partie, soit des garanties qu’elle accordait sans que ces entreprises aient à payer de commission, ce qu’elles n’auraient pas pu obtenir sans intervention de l’État.
44 La République hellénique fait toutefois valoir, en substance, que, en l’espèce, il n’y a pas eu d’avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Plus particulièrement, elle souligne que, dès lors que les mesures litigieuses ont été octroyées dans un contexte de crise du marché, elles ressortissent à la responsabilité sociale de l’État et que, en raison de cette situation, elles répondent à un critère de rationalité économique à long terme, de sorte que tous les opérateurs privés se trouvant dans une situation similaire auraient pu agir de la même manière. Sur la base de l’ensemble de ces considérations, la République hellénique suggère qu’il pourrait être considéré que de telles mesures ont été octroyées dans des conditions normales de marché.
45 De tels arguments ne sauraient prospérer.
46 En effet, il y a lieu de souligner que la notion de « conditions normales du marché », qui est utilisée pour établir l’existence d’un avantage, se réfère à la possibilité pour l’entreprise d’obtenir sur le marché le même avantage qu’elle tire de l’aide, et non à l’évaluation portant sur la question de savoir si le marché fonctionne comme d’habitude ou s’il est en crise (voir, en ce sens, ordonnance du 5 février 2015, Grèce/Commission, C‑296/14 P, non publiée, EU:C:2015:72, point 34).
47 Toute interprétation contraire reviendrait à déterminer l’existence d’un avantage en fonction de la cause ou de l’objectif de l’aide, ce qui serait de nature à remettre en cause le caractère objectif de la notion d’avantage et, en conséquence, l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑52/12, non publié, EU:T:2014:677, points 66 et 67).
48 De plus, il y a lieu de relever que la République hellénique ne se prévaut pas d’avoir, en l’espèce, agi comme un opérateur privé et qu’elle ne conteste pas avoir agi en sa qualité de puissance publique. Elle essaie plutôt de suggérer qu’un opérateur privé aurait pu agir d’une manière similaire dans une situation aussi proche que possible de la sienne, sans tenir compte du fait qu’elle a agi en tant que puissance publique.
49 Or, aucune disposition de l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’exonère de la qualification d’aide d’État une aide qui, concédée par un État membre dans le cadre de l’exercice de sa puissance publique, répondrait à un critère de rationalité économique à long terme ou ressortirait de sa responsabilité sociale, lesdites considérations pouvant, au demeurant, être prises en compte lors de l’appréciation de la compatibilité d’une mesure avec le marché intérieur, faite au titre de de l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, points 63 et 75).
50 La République hellénique ne saurait en conséquence se prévaloir du critère de la rationalité économique pour qualifier de normales les conditions de marché dans lesquelles les mesures litigieuses ont été octroyées et conclure que ces mesures ne confèrent pas un avantage à leurs bénéficiaires.
51 Il résulte des points 41 à 50 ci-dessus que la République hellénique n’a pas réussi à remettre en cause les considérants 113 à 116 de la décision attaquée, en vertu desquels la Commission a, en substance, retenu, d’une part, que les bénéficiaires des mesures litigieuses en avaient bénéficié alors qu’ils n’auraient pas pu les obtenir dans les conditions normales de marché, c’est-à-dire en l’absence d’intervention de l’État, et, d’autre part, qu’il n’y avait pas lieu d’analyser si le marché fonctionnait normalement ou s’il était en crise pour finalement conclure que lesdites mesures constituaient un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
52 S’agissant, troisièmement, de la condition relative à l’exigence du caractère sélectif de l’avantage, la République hellénique fait valoir que, contrairement à ce qu’indique le considérant 118 de la décision attaquée, le critère de sélectivité n’est pas respecté en l’espèce, dès lors que les mesures litigieuses ont été octroyées à l’ensemble des entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées et que ces entreprises se trouvaient dans une situation juridique et factuelle distincte de celles établies dans les autres entités territoriales.
53 La République hellénique conteste la sélectivité des mesures litigieuses en faisant valoir que la différenciation existant entre les entreprises établies dans les régions visées par ces mesures et celles qui ne l’étaient pas est justifiée par le fait que les premières, à la différence des secondes, étaient situées dans des zones sinistrées par les incendies de 2007 et devaient retrouver le niveau économique qu’elles avaient avant cet événement.
54 La différenciation entre ces deux catégories d’entreprises serait ainsi justifiée par le fait que les entreprises relevant de chacune des deux catégories se trouvaient dans une situation non comparable sur un plan factuel et juridique, dès lors que, en substance, l’ensemble des entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées auraient subi des préjudices du fait de ces incendies.
55 De ce fait, la République hellénique conteste la phrase contenue dans le considérant 118 de la décision attaquée selon laquelle les incendies font partie des risques économiques auxquels toute entreprise peut être exposée. Lors de l’audience, la République hellénique a développé cet argument en tentant de démontrer que, eu égard à la perturbation systémique de l’économie locale causée par les incendies de 2007, les mesures litigieuses étaient justifiées par la nature ou l’économie du système dans lequel elles s’inscrivaient, sans apporter aucune autre précision.
56 Il y a lieu de relever que des mesures par lesquelles des avantages sont accordés uniquement à certaines entreprises qui sont déterminées en fonction de leur lieu d’établissement sont, a priori, sélectives (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 23, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, points 60 et 61).
57 À cet égard, à moins que les aides aient été octroyées par des entités infraétatiques disposant, à leur niveau de compétence, d’une autonomie institutionnelle procédurale et financière suffisante ou par une entreprise publique établissant les conditions d’utilisation de ses biens ou services, le cadre de référence applicable est le cadre national et l’appréciation de la sélectivité d’une mesure bénéficiant, comme en l’espèce, à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre se fait par comparaison avec les entreprises de cet État. En effet, un avantage limité à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre peut donner lieu à une mesure sélective, puisqu’elle favorise certaines entreprises par rapport à d’autres au sein de cet État (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 23 ; du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, points 56 à 58, et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 60 à 66).
58 En l’espèce, les entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées pouvaient bénéficier des mesures litigieuses. Or, dès lors que, d’une part, en application des éléments mentionnés au point 57 ci-dessus, le cadre de référence à prendre en compte pour apprécier le caractère sélectif des mesures litigieuses est le cadre national et non celui des entités territoriales sinistrées et que, d’autre part, les entreprises situées dans les autres entités territoriales de la République hellénique ne pouvaient pas profiter de ces mesures, il y a lieu de constater que lesdites mesures ne profitaient pas indistinctement à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire national et qu’elles sont en conséquence sélectives sur un plan régional.
59 De plus, écarter la sélectivité uniquement sur la base de l’objectif poursuivi de réparer les préjudices liés aux incendies et de remettre à niveau l’économie des entités territoriales sinistrées exclurait a priori toute possibilité de qualifier d’« avantages sélectifs » les avantages accordés aux entreprises établies dans les zones touchées par les incendies de 2007. Il suffirait en effet aux autorités publiques d’invoquer la légitimité des objectifs visés au moyen de l’adoption d’une mesure d’aide pour que celle-ci puisse être considérée comme une mesure générale, échappant à l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 16 juillet 2014, Grèce/Commission, T‑52/12, non publié, EU:T:2014:677, point 67 et jurisprudence citée).
60 En conséquence, si une telle approche était suivie, une mesure qui, comme en l’espèce, poursuit l’objectif de remédier à la situation des entreprises touchées par une calamité naturelle serait par principe non sélective et échapperait d’emblée à l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ce qui, de ce fait, aboutirait à priver de toute sa substance l’exception prévue par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
61 C’est d’ailleurs dans ce contexte que doit être lue la phrase mentionnée au point 55 ci-dessus.
62 En effet, par cette phrase, la Commission a voulu signifier que le fait que des entreprises ont subi des dommages en raison des incendies de 2007 ainsi que la volonté de la République hellénique de remettre les entreprises dans la situation économique dans laquelle elles se trouvaient avant ces incendies sont des éléments insuffisants pour considérer que les mesures litigieuses ne conféraient pas à leurs bénéficiaires un avantage spécifique et, en conséquence, ne constituaient pas une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
63 À cet égard, il convient de rappeler que, certes, selon la jurisprudence, la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre les entreprises, et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir arrêt du 21 juin 2012, BNP Paribas et BNL/Commission, C‑452/10 P, EU:C:2012:366, point 101 et jurisprudence citée).
64 Il demeure que les éléments du dossier et les arguments développés lors de l’audience par la République hellénique mettent seulement en évidence que les mesures litigieuses avaient pour objet de répondre, de manière ponctuelle, aux conséquences liées aux incendies intervenus dans les entités territoriales sinistrées, sans pour autant caractériser le système se rapportant à ces mesures. Il en résulte que, contrairement à ce que la République hellénique souhaiterait voir reconnaître, ils n’établissent nullement que la différenciation instaurée par ces mesures résultait de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivaient et que, partant, les avantages qu’elles conféraient n’avaient pas un caractère spécifique.
65 Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation que la Commission a estimé, aux considérants 117 et 118 de la décision attaquée, que les mesures litigieuses étaient sélectives en ce que, notamment, les avantages qu’elles conféraient à leurs bénéficiaires étaient territorialement limités et ne s’appliquaient pas à l’ensemble des entreprises du territoire hellénique.
66 En quatrième lieu, la République hellénique allègue, en s’appuyant sur des données statistiques, que les mesures litigieuses n’affectent pas les échanges entre les États membres et ne faussent pas la concurrence.
67 À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence, la Commission est tenue non pas d’établir l’existence d’une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter lesdits échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 134 et jurisprudence citée).
68 En outre, comme il a été jugé aux points 59 et 60 ci-dessus, la nature compensatoire des mesures litigieuses ne saurait leur enlever le caractère d’aide, de sorte que l’argument de la République hellénique tiré du fait que les mesures litigieuses visent à rétablir la situation d’avant les incendies de 2007 ne saurait prospérer.
69 Or, les données statistiques dont se prévaut la République hellénique sont relatives au produit intérieur brut et à la valeur ajoutée réalisée dans les entités territoriales sinistrées, toutes activités économiques confondues. Ainsi, ces données ne sont pas concluantes pour ce qui concerne plus précisément la situation des opérateurs actifs dans le secteur d’économie visé par la décision attaquée.
70 Il en résulte que, indépendamment de la question de savoir s’il peut être admis qu’un État membre démontre par des données statistiques ex post l’absence d’affectation des échanges et de distorsion de concurrence, les données statistiques dont se prévaut la République hellénique ne sont pas de nature à démontrer l’absence d’une telle affectation pour les entreprises visées par les mesures litigieuses.
71 Enfin, s’agissant de l’argument de la République hellénique tiré du fait que des entreprises en difficulté étaient exclues des mesures litigieuses, outre les éléments mentionnés aux points 37 à 39 ci-dessus, il suffit de constater que, comme le relève la Commission, cet élément est dénué de pertinence pour la question de savoir si les mesures litigieuses étaient susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser la concurrence.
72 Il résulte de ce qui précède que la République hellénique n’a pas remis en cause le bien-fondé des considérants 122 et 123 de la décision attaquée, qui mentionnent, en substance, que, indépendamment de l’objectif poursuivi par les mesures litigieuses, dès lors que les bénéficiaires de ces mesures auraient normalement dû supporter eux-mêmes les coûts des dommages résultant des incendies de 2007 et qu’ils étaient actifs sur le marché hautement concurrentiel des produits agricoles et dans le secteur forestier, qui sont des secteurs sensibles aux mesures favorisant les entreprises d’un État membre donné et, en l’espèce, aux mesures litigieuses, lesdites mesures risquaient de fausser la concurrence sur le marché intérieur et d’affecter les échanges entre États membres, de sorte qu’elles constituent des aides d’État.
73 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.
Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à des erreurs de fait et de motivation
74 Par la deuxième branche du premier moyen, la République hellénique fait valoir que la décision attaquée est entachée d’erreurs de fait et de motivation.
75 La République hellénique soutient que la Commission n’a pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes.
76 Notamment, la Commission n’aurait pas tenu suffisamment compte de la gravité des incendies de 2007, nécessitant des mesures exceptionnelles, et de l’obligation de la République hellénique de poursuivre une politique économique à long terme. Au lieu de cela, la Commission se serait bornée à énoncer de manière stéréotypée que les incendies de 2007 peuvent être qualifiés de « risque commercial habituel ». Ainsi, la décision attaquée serait entachée d’une erreur de fait et d’un défaut de motivation grave, ce qui serait d’autant plus préjudiciable que, en la matière, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation.
77 En outre, la Commission aurait négligé de mettre en balance, d’une part, la gravité de la situation causée par les incendies de 2007 et, d’autre part, les dispositions nationales prises pour en minimiser l’impact sur les ressources financières de la République hellénique tout en permettant le démarrage de l’économie et, ainsi, la perception des recettes fiscales.
78 La Commission conteste les arguments de la République hellénique.
79 S’agissant du prétendu défaut de motivation, celle-ci doit, conformément à une jurisprudence constante, être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 28 et jurisprudence citée).
80 De même, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi du contexte de celui-ci ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 29 et jurisprudence citée).
81 Il convient encore d’ajouter que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de cette décision, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑274/19 P, non publié, EU:C:2020:853, point 79 et jurisprudence citée).
82 En l’espèce, et ainsi qu’il est mentionné aux points 52 à 65 ci-dessus, la lecture des considérants 110, 116, 118, 119 et 123 de la décision attaquée permet de comprendre que la Commission a réfuté l’argument de la République hellénique tiré de la situation exceptionnelle due aux incendies de 2007 parce que, notamment et en substance, elle a considéré, d’une part, que l’objectif poursuivi par ces mesures ne devait pas être pris en considération dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, que, indépendamment de ces circonstances, les bénéficiaires des mesures litigieuses avaient bénéficié d’un avantage sélectif en ce qu’ils n’auraient pas pu les obtenir dans des conditions normales de marché.
83 Par ailleurs, et ainsi que cela est mentionné notamment aux points 31 à 39, 41 à 43 et 51 ci-dessus, la lecture des considérants 127, 129, 131 et 132 de la décision attaquée permet de comprendre que, s’agissant des mesures relatives à la garantie d’État, la Commission a considéré que ces mesures constituaient des aides d’État en ce que, notamment et en substance, d’une part, outre le fait que le débiteur garanti ne devait pas systématiquement constituer des sûretés au profit de la République hellénique, ces mesures étaient consenties sans que leur bénéficiaire ait à payer des primes pour le risque encouru par l’État et, d’autre part, la République hellénique n’avait pas justifié de l’existence d’une disposition qui excluait du bénéfice de ces mesures les entreprises en difficulté.
84 Il résulte ainsi des points 82 et 83 ci-dessus que la Commission a suffisamment indiqué dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle avait réfuté tant les arguments de la République hellénique tirés de la situation exceptionnelle due aux incendies de 2007 que ceux tirés des sûretés additionnelles constituées par les emprunteurs et de l’exclusion des entreprises en difficulté en ce qui concerne les garanties d’État.
85 Enfin, s’agissant des arguments de la République hellénique selon lesquels la Commission aurait négligé, d’une part, l’importance de pouvoir poursuivre une politique économique à long terme et, d’autre part, de procéder à une mise en balance de la rationalité économique des mesures litigieuses avec les circonstances factuelles, il y a lieu de constater que ces arguments, outre le fait qu’ils se confondent avec ceux développés dans la première branche du premier moyen, qui ont été rejetés, en ce qu’ils visent à contester le bien-fondé d’un acte, sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation, conformément à la jurisprudence énoncée au point 81 ci-dessus.
86 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter la deuxième branche du premier moyen.
Sur le deuxième moyen, relatif à la compatibilité des régimes d’aides en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE
87 Par son deuxième moyen, invoqué à titre subsidiaire, la République hellénique fait valoir que les régimes d’aides en cause sont compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
88 À cet égard, elle fait valoir, en premier lieu, que c’est à tort que, aux considérants 62 et 63 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les mesures litigieuses avaient été octroyées sans qu’il y eût de lien direct avec les dommages subis du fait des incendies de 2007, alors même que toutes les entreprises situées dans les entités territoriales sinistrées avaient subi des dommages présentant un lien de causalité direct avec les incendies de 2007, en raison de l’arrêt complet des activités de transformation et de commercialisation des produits agricoles dans ces entités territoriales. Cela aurait d’ailleurs été reconnu par les représentants des institutions de l’Union européenne.
89 La République hellénique fait valoir, en second lieu, que l’appréciation portée par la Commission aux considérants 64 et 146 de la décision attaquée est erronée, en ce qu’elle n’a nullement pris en considération le fait que les mesures litigieuses n’étaient pas des mesures individuelles, mais des régimes d’aides, et que, en conséquence, elles ne devaient pas être analysées selon les stricts critères du droit civil qui présidaient à l’allocation de dommages et intérêts.
90 En tout état de cause, il serait manifeste que, en l’espèce, il y avait lieu de tenir compte non seulement des circonstances, qui ne permettaient pas d’évaluer précisément les dommages subis par les opérateurs économiques, mais aussi du fait que les mesures litigieuses n’auraient jamais pu compenser les dommages effectivement subis par les entreprises situées dans les zones sinistrées, indépendamment du fait que les moyens de production de ces entreprises n’auraient pas directement été affectés par les incendies de 2007.
91 La République hellénique en conclut que la décision attaquée doit être annulée du fait de l’existence d’une erreur de droit et d’une absence de motivation.
92 La Commission conteste les arguments de la République hellénique.
93 À cet égard, il y a lieu de relever que, en tant que dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Grèce/Commission, C‑278/00, EU:C:2004:239, point 81 et jurisprudence citée).
94 Toutefois, cette interprétation stricte ne signifie pas pour autant que les termes utilisés pour définir la dérogation doivent être interprétés d’une manière qui priverait celle-ci de ses effets. En effet, une dérogation doit être interprétée de manière conforme aux objectifs qu’elle poursuit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Fastweb, C‑19/13, EU:C:2014:2194, point 40 et jurisprudence citée).
95 De plus, selon une jurisprudence constante, seuls peuvent être compensés, en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 175 et jurisprudence citée).
96 Il s’ensuit que, même s’agissant d’un régime d’aide, comme en l’espèce, deux conditions sont requises pour que l’exception prévue par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE puisse s’appliquer, à savoir, d’une part, l’existence d’un lien direct entre les dommages causés par la calamité naturelle et l’aide étatique et, d’autre part, celle d’une évaluation aussi précise que possible des dommages subis par les producteurs concernés (arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié, EU:C:2004:711, point 37).
97 En l’espèce, il ressort tant des écritures de la République hellénique que de ses déclarations lors de l’audience que les mesures litigieuses ont été octroyées sans que les bénéficiaires aient à justifier de l’existence d’un lien de causalité entre les préjudices subis et les incendies de 2007.
98 En effet, partant du principe que l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE n’exigeait pas, en ce qui concerne un régime d’aide, comme en l’espèce, la preuve d’un lien de causalité, au sens du droit civil, entre les dommages subis et le montant octroyé, la République hellénique a considéré que, en application de cet article, il lui était loisible de ne conditionner l’obtention des mesures litigieuses qu’à l’existence d’un lieu d’établissement du bénéficiaire desdites mesures dans l’une des entités territoriales sinistrées, dès lors que toutes les entreprises établies dans ces entités avaient subi des préjudices du fait des incendies de 2007.
99 Or, il est constant que la seule justification d’un lieu d’établissement dans les entités locales sinistrées ne permettait pas à elle seule, notamment, de vérifier si le montant des mesures octroyées n’excédait pas celui des préjudices réellement subis par les bénéficiaires de ces mesures et liés à la calamité naturelle survenue, et donc l’éventuelle existence d’une surcompensation.
100 Par ailleurs, lors de l’audience, la République hellénique a confirmé qu’il ne pouvait être exclu que les mesures controversées aient été octroyées également à des entreprises qui se trouvaient dans les municipalités affectées sans qu’elles aient pourtant subi des dommages du fait des incendies de 2007.
101 Ainsi, dès lors que la République hellénique n’a pas rapporté la preuve que les deux conditions d’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, rappelées au point 96 ci-dessus, étaient remplies, elle ne saurait faire grief à la Commission de ne pas avoir appliqué, dans la décision attaquée, l’exception prévue par cet article.
102 De plus, le fait que des représentants de l’Union aient pu indiquer que les incendies de 2007 constituaient des événements sans précédent ou encore qu’il convenait de mettre en œuvre tous les moyens disponibles au profit des sinistrés et de l’économie locale est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
103 En effet, de telles déclarations ne sont pas de nature à justifier que les mesures litigieuses ne satisfassent pas aux conditions d’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, rappelées, notamment, au point 96 ci-dessus.
104 Cette conclusion ne saurait être remise en cause ni par la prétendue urgence dans laquelle les mesures litigieuses devaient être prises par la République hellénique, ni par l’ampleur des dégâts reconnue par les représentants des institutions de l’Union.
105 À cet égard, et s’agissant de la situation d’urgence alléguée, il y a lieu de relever que la République hellénique ne justifie pas de l’impossibilité absolue dans laquelle elle se serait trouvée d’évaluer le montant des préjudices réellement subis du fait des incendies de 2007. Au demeurant, cela entrerait en contradiction avec les allégations de la République hellénique, confirmées lors de l’audience, selon lesquelles elle a procédé, lors du dépôt des demandes des mesures litigieuses, à des études économiques exhaustives des entreprises auxquelles elle accordait sa garantie, afin de vérifier leur viabilité.
106 S’agissant de l’ampleur de la calamité naturelle, tout d’abord, il y a lieu de relever que des déclarations de représentants de l’Union qui reconnaissent l’importance de la catastrophe ou indiquent qu’il convient de mettre en œuvre tous les moyens disponibles au profit des sinistrés et de l’économie locale ne sont pas de nature à permettre que les mesures litigieuses échappent aux conditions d’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.
107 Ensuite, il y a lieu de relever que, à supposer même que les montants globaux dont se prévaut la République hellénique soient véridiques, à savoir un montant total de préjudice de plus de 2 milliards d’euros ainsi que, en ce qui concerne le secteur agricole, un montant d’aide à hauteur 154 millions d’euros, l’indication de tels montants n’est pas de nature à établir que le montant des aides reçues par leurs bénéficiaires équivalait effectivement à celui se rapportant aux préjudices qu’ils ont individuellement subis du fait des incendies de 2007.
108 Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation des faits que, après avoir rappelé, au considérant 60 de la décision attaquée, l’exigence posée par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE d’un lien de causalité direct entre les aides octroyées et les préjudices subis par les bénéficiaires de ces aides du fait de la calamité naturelle considérée, la Commission a, en substance, considéré, aux considérants 62 à 64 ainsi que 146 de la décision attaquée, que le régime d’octroi des mesures litigieuses ne permettait ni d’établir qu’elles avaient effectivement bénéficié à des entreprises qui avaient subi des préjudices du fait des incendies de 2007, ni de considérer que le montant de ces aides correspondait à celui se rapportant aux préjudices subis, dès lors que les régimes en cause ne contenaient aucune méthodologie pour évaluer de manière aussi précise que possible les dommages subis en raison de ces incendies et ne déterminaient pas non plus les coûts éligibles sur la base de ces dommages.
109 Enfin, dès lors que la lecture des considérants 62 à 64 ainsi que 146 de la décision attaquée permet de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les mesures litigieuses ne répondaient pas aux exigences posées par l’exception prévue à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, il y a lieu de rejeter la demande tendant à faire constater une absence de motivation concernant le refus de la Commission d’appliquer cet article aux circonstances de l’espèce.
110 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter le deuxième moyen.
Sur la troisième branche du premier moyen et sur le troisième moyen
111 Par la troisième branche du premier moyen, la République hellénique relève une violation du principe de protection de la confiance légitime.
112 Le troisième moyen est divisé en deux branches.
113 Par la première branche du troisième moyen, la République hellénique fait, tout d’abord et en substance, valoir que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération des aides litigieuses se heurtent à l’écoulement du délai de prescription de dix ans prévu par l’article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9). La République hellénique indique, ensuite, que la Commission a adopté la décision attaquée dans un délai déraisonnable et a ainsi violé le principe de bonne administration. Elle fait enfin valoir que la Commission s’est abstenue d’identifier les bénéficiaires des mesures litigieuses dans l’avis publié contenant l’invitation à présenter des observations relatives à l’examen des régimes d’aides, pour en tirer la conclusion qu’elle a violé le principe de sécurité juridique ainsi que les droits de la défense. Par la seconde branche du troisième moyen, la République hellénique fait valoir que l’ordre de récupération est contraire aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique.
114 Dans la mesure où les arguments relatifs à la violation du principe de protection de la confiance légitime abordés dans la troisième branche du premier moyen se recoupent avec ceux développés dans la première branche du troisième moyen, il y a lieu de les examiner ensemble.
Sur la troisième branche du premier moyen et sur la première branche du troisième moyen
115 S’agissant, en premier lieu, du délai de prescription en matière de récupération des aides, la République hellénique soutient que, entre l’adoption de la décision attaquée, intervenue en 2019, et celle des régimes d’aides litigieux, intervenue en 2007, un délai de plus de dix ans s’est écoulé, de sorte que la prescription prévue par l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 s’applique en l’espèce.
116 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 dispose que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération d’une aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. Ce délai s’applique uniquement aux rapports entre la Commission et l’État membre destinataire de la décision de récupération émanant de cette institution (arrêt du 30 avril 2020, Nelson Antunes da Cunha, C‑627/18, EU:C:2020:321, point 33).
117 Conformément à la jurisprudence, le délai de prescription commence à courir au moment de l’octroi de l’aide au bénéficiaire, et non à la date d’adoption d’un régime d’aide. Aux fins du calcul du délai de prescription, l’aide doit être considérée comme ayant été accordée au bénéficiaire uniquement à la date à laquelle elle est effectivement octroyée à ce dernier (arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, points 81 et 82).
118 En l’espèce, les aides ont été octroyées en vertu des régimes en cause entre le 27 août 2007 et le 31 décembre 2010.
119 Dans ces conditions, le délai de prescription a commencé à courir au plus tôt le 27 août 2007, ce qu’ont d’ailleurs admis tant la République hellénique que la Commission au cours de l’audience.
120 S’agissant de l’interruption du délai de prescription, qui, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, a pour effet de faire courir un nouveau délai de prescription, il convient de relever que, en vertu de la jurisprudence, l’article 12, paragraphe 2, de ce règlement, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphe 2, de ce même règlement, impose à l’État membre de fournir tous les renseignements nécessaires à la suite d’une demande en ce sens de la Commission et dans les délais fixés par elle. En effet, la Commission, en adressant une demande de renseignements à un État membre, informe ce dernier qu’elle a en sa possession des informations concernant une aide illégale et que, le cas échéant, cette aide devra être remboursée (arrêt du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T‑369/00, EU:T:2003:114, point 81).
121 Dès lors, la simplicité de la demande de renseignements n’a pas pour conséquence de la priver d’effet juridique en tant que mesure susceptible d’interrompre le délai de prescription prévu par l’article 17 du règlement 2015/1589, indépendamment du fait que cette demande n’a pas été notifiée aux bénéficiaires de l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2005, Scott/Commission, C‑276/03 P, EU:C:2005:590, point 32, et du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission, T‑369/00, EU:T:2003:114, point 82).
122 En l’espèce, il est constant que, à la suite de la plainte qu’elle a reçue le 22 juillet 2014, la Commission a, le 25 juillet 2014, envoyé une lettre se référant notamment à la décision no 36579/B.1666/27-8-2007 du ministre de l’Économie et des Finances et à la décision du secrétaire d’État à l’Économie et aux Finances no 2/54310/0025/13.09.2007. Dans cette lettre, la Commission sollicitait les autorités grecques aux fins, d’abord, qu’elles lui transmettent toutes les informations nécessaires à l’évaluation de la compatibilité de ces mesures avec les articles 107 et 108 TFUE, ensuite, qu’elles lui indiquent si les mesures litigieuses avaient bénéficié à des entreprises autres que Sogia Ellas et actives dans le secteur agricole et forestier et, enfin, qu’elles lui fassent connaître, le cas échéant, le montant des aides versées.
123 À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’a pu laisser entendre la République hellénique, l’objet de l’enquête n’a pas été modifié au cours de la procédure d’enquête.
124 En effet, dans cette lettre du 22 juillet 2014, étaient en cause les deux décisions mentionnées au point 122 ci-dessus, lesquelles ont à nouveau été mentionnées tant dans l’invitation à présenter des observations en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE que dans la décision attaquée. De plus, la liste des destinataires des mesures litigieuses n’a jamais été limitée à Sogia Ellas, dès lors que, dès la lettre d’ouverture de la procédure, la Commission a demandé à la République hellénique si lesdites mesures avaient bénéficié à d’autres entreprises et que, dans l’invitation à présenter des observations en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, il était fait référence à d’autres bénéficiaires potentiels dans les secteurs agricoles et forestiers.
125 En tout état de cause, dès lors que, ainsi qu’il est mentionné au point 116 ci-dessus, le délai de prescription prévu par l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 s’applique uniquement aux rapports entre la Commission et l’État membre destinataire de la décision de récupération, l’argument de la République hellénique selon lequel le pouvoir de la Commission en matière de récupération des aides est prescrit à l’égard des entreprises autres que Sogia Ellas doit être rejeté comme étant inopérant.
126 Il en résulte que la lettre du 25 juillet 2014, par laquelle la Commission a adressé une demande de renseignements à la République hellénique lui indiquant qu’elle était en possession d’informations concernant une aide illégale et que, le cas échéant, cette aide devrait être remboursée, a interrompu le délai de prescription de dix ans prévu par l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589.
127 Par ailleurs, eu égard au fait que l’interruption du délai de prescription est intervenue le 25 juillet 2014, il y a lieu de constater que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide n’étaient pas prescrits à la date d’adoption de la décision attaquée, soit le 7 octobre 2019.
128 S’agissant de l’argument de la République hellénique selon lequel le fait que l’interruption du délai de prescription fait courir de nouveau un délai de dix ans permettrait à la Commission de poursuivre indéfiniment la procédure, il suffit de constater, d’une part, que, en l’espèce, la Commission n’a pas poursuivi indéfiniment la procédure et, d’autre part, que la République hellénique n’a pas soulevé, par la voie de l’exception, l’illégalité de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.
129 Il en résulte que les arguments de la République hellénique relatifs à l’absence de compétence de la Commission pour récupérer les aides litigieuses du fait de l’écoulement du délai de prescription prévu par l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 doivent être rejetés.
130 S’agissant, en deuxième lieu, des arguments de la République hellénique selon lesquels la décision attaquée aurait été adoptée dans un délai déraisonnable, ce qui serait constitutif d’une violation du principe de bonne administration, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence, si une aide a été accordée sans être notifiée, le retard mis par la Commission à exercer ses pouvoirs de contrôle et à ordonner la récupération de cette aide n’entache cette décision de récupération d’illégalité que dans des cas exceptionnels qui traduisent une carence manifeste de la Commission et une violation évidente de son obligation de diligence (arrêt du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 106).
131 Or, en l’espèce, il est constant que la durée de la procédure précédant l’adoption de la décision attaquée est essentiellement due au fait que la République hellénique n’a pas notifié ces régimes et que leur existence n’a été portée à la connaissance de la Commission que sept ans après la survenance des incendies de 2007.
132 À cet égard, il y a lieu de relever que, dès que la Commission a reçu une plainte le 22 juillet 2014, elle a lancé la procédure d’enquête, en adressant une lettre, le 25 juillet 2014, aux autorités grecques afin de se renseigner sur l’aide présumée.
133 Ensuite, après des échanges avec la République hellénique, dont le dernier datait du 11 février 2015, la Commission a adopté, le 17 mai 2016, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.
134 Enfin, la Commission a adopté la décision attaquée le 7 octobre 2019, après des échanges avec la République hellénique, dont le dernier datait du 21 février 2018.
135 Si, certes, la dernière étape de la procédure, précédant l’adoption de la décision attaquée, n’est pas caractérisée par une célérité particulière, il demeure que, au vu de la chronologie des événements survenus entre 2014 et l’adoption de la décision attaquée, il ne saurait être reproché à la Commission un retard excessif ou un manque de diligence dans le déroulement de la procédure administrative qui caractériserait une violation de son obligation de diligence.
136 Il en résulte que les arguments relatifs au dépassement d’un délai raisonnable et, partant, à la violation du principe de bonne administration doivent être rejetés.
137 S’agissant, en troisième lieu, des arguments relatifs au fait que l’avis publié par la Commission contenant l’invitation à présenter des observations relatives à l’examen des régimes d’aides en cause aurait créé la fausse impression qu’il n’était question que des aides octroyées à Sogia Ellas et que, partant, cette institution aurait violé le principe de sécurité juridique ainsi que les droits de la défense, il y a lieu de relever que, selon l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission prend sa décision « après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations ». Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois.
138 Il ressort de la jurisprudence relative à l’article 108, paragraphe 2, TFUE que cette disposition n’exige pas une mise en demeure individuelle et que son seul objet est d’obliger la Commission à faire en sorte que toutes les personnes potentiellement intéressées soient averties de l’ouverture d’une procédure et se voient offrir l’occasion de faire valoir leurs observations à cet égard. Dans ces circonstances, la publication d’un avis au Journal officiel apparaît comme un moyen adéquat et suffisant pour faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T‑150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 58 et jurisprudence citée).
139 C’est dans ce contexte, c’est-à-dire afin de savoir si les bénéficiaires de l’aide à récupérer pouvaient effectivement être considérés comme mis en demeure de présenter leurs observations dans le cadre de la procédure administrative, qu’il convient d’examiner l’argument de la République hellénique selon lequel la décision attaquée serait entachée d’une violation du principe de sécurité juridique, des droits de la défense et du principe de bonne administration, en raison du fait que l’avis publié dans le Journal officiel donnerait la fausse impression que seule Sogia Ellas serait bénéficiaire des régimes d’aides présumés.
140 À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que la République hellénique ne fait pas valoir que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen elle-même créerait cette fausse impression. En effet, dans son argumentation, la République hellénique se limite à critiquer l’avis publié dans le Journal officiel concomitant à la publication de cette décision.
141 Ensuite, il est vrai que l’intitulé de l’avis fait référence à une « aide à Sogia Ellas AE » en ajoutant, dans la version grecque, en lettres latines, « et al. », de sorte que, comme le soutient la République hellénique, cet intitulé peut effectivement donner l’impression que l’aide sous examen concerne uniquement Sogia Ellas.
142 Toutefois, il ressort du paragraphe 1 du résumé faisant partie de l’avis que l’examen préliminaire a amené la Commission à la conclusion que « l’aide aurait pu être accordée à d’autres bénéficiaires actifs également dans le secteur agricole et forestier ». Au paragraphe 2 du même résumé, les bases juridiques des régimes d’aides sont rappelées et il est indiqué que les aides ont été accordées aux entreprises établies et opérant dans les régions de Grèce touchées par les incendies de 2007.
143 Or, étant donné que l’avis, y compris le résumé en faisant partie, ne comporte que deux pages, il peut être exigé raisonnablement d’un opérateur économique diligent qu’il étudie un tel document, lequel met en évidence, en faisant référence aux éléments mentionnés au point 142 ci-dessus, que l’invitation à présenter des observations n’était pas exclusivement limitée à Sogia Ellas, mais s’étendait à l’ensemble des producteurs établis dans les entités territoriales sinistrées qui avaient bénéficié de ces aides.
144 Dans ces circonstances, il convient de conclure que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 138 ci-dessus, un opérateur économique diligent ayant bénéficié des régimes d’aides en cause a été suffisamment informé par l’avis publié avec la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au Journal officiel pour pouvoir se considérer comme une partie intéressée par cette décision.
145 Au cours de l’audience, la République hellénique a d’ailleurs confirmé la teneur du considérant 103 de la décision attaquée, dans la mesure où elle a indiqué que, eu égard à la difficulté pour elle d’identifier les « bénéficiaires actifs […] dans les secteurs agricole et forestier », elle avait considéré que la publication de la décision d’ouverture au Journal officiel suffisait pour avertir les entreprises concernées.
146 Il en résulte que doivent être rejetés les arguments relatifs au fait que l’avis publié par la Commission contenant l’invitation à présenter des observations relatives à l’examen des régimes d’aides en cause aurait créé la fausse impression qu’il concernait les aides octroyées uniquement à Sogia Ellas et que, partant, cette institution aurait violé le principe de sécurité juridique ainsi que les droits de la défense.
147 S’agissant, en quatrième et dernier lieu, de l’argument de la République hellénique selon lequel tant cette dernière que les bénéficiaires ont nourri une confiance légitime dans le fait que les mesures litigieuses ne seraient pas des aides d’État incompatibles, au motif que, pendant une longue période, la Commission n’aurait pas émis de doutes quant à la légalité desdites mesures, tout en ayant eu connaissance de la situation causée par les incendies de 2007, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union (voir arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 109 et jurisprudence citée).
148 De plus, il est constant qu’un État membre, dont les autorités ont octroyé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 108 TFUE, ne saurait invoquer la confiance légitime des bénéficiaires pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de l’exécution d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer cette aide. Admettre une telle possibilité reviendrait à priver les dispositions des articles 107 et 108 TFUE de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l’efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions du traité (voir arrêt du 19 juin 2008, Commission/Allemagne, C‑39/06, non publié, EU:C:2008:349, point 24 et jurisprudence citée).
149 En l’espèce, il y a lieu de relever que les propos des différents représentants de l’Union évoqués par la République hellénique, qui, en substance, font état du caractère exceptionnel des incendies et de leurs conséquences ainsi que de leur volonté de mettre en œuvre tous les moyens disponibles au profit des sinistrés et de l’économie locale, ne peuvent pas être considérés comme constituant des « assurances précises, inconditionnelles et concordantes » dont il ressortirait que les mesures litigieuses ne pourraient pas être qualifiées d’aides d’État.
150 De plus, outre le fait que, pour les motifs mentionnés aux points 130 à 136 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir adopté la décision attaquée dans un délai déraisonnable, il est constant que la République hellénique n’a pas notifié en temps utile les régimes d’aides en cause, de sorte qu’elle ne saurait utilement se prévaloir, pour les motifs mentionnés aux points 147 et 148 ci-dessus, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.
151 En conséquence, les arguments relatifs à la violation du principe de protection de la confiance légitime doivent être écartés.
152 Il en résulte que la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime, ainsi que la première branche du troisième moyen, relative à l’absence de compétence ratione temporis, à la violation des principes de bonne administration et de sécurité juridique ainsi qu’à la violation des droits de la défense, doivent être rejetées.
Sur la seconde branche du troisième moyen
153 Par la seconde branche du troisième moyen, la République hellénique soutient que l’obligation de procéder à la récupération de l’aide, stipulée à l’article 2 de la décision attaquée, est contraire aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique.
154 À cet égard, la République hellénique fait valoir que les circonstances exceptionnelles qui entouraient les mesures litigieuses font que les aides en cause ne sont pas récupérables.
155 En effet, en premier lieu, les régimes d’aides en cause n’auraient pas procuré des « avantages » et auraient seulement eu pour objet de garantir la survie du marché concerné.
156 En second lieu, le fait que les aides ne soient à récupérer que dans le secteur agricole serait de nature à générer un déséquilibre au détriment de ce secteur, alors même que le membre de la Commission chargé de l’agriculture aurait proclamé que ce secteur ferait l’objet d’un soutien renforcé de la part de la Commission.
157 La Commission conteste l’ensemble des arguments de la République hellénique.
158 À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire, sauf si la récupération de l’aide va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.
159 De plus, en vertu d’une jurisprudence constante, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et l’obligation pour l’État membre de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure (voir arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce, C‑419/06, non publié, EU:C:2008:89, point 53 et jurisprudence citée).
160 Par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché intérieur par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce, C‑419/06, non publié, EU:C:2008:89, point 54 et jurisprudence citée).
161 La récupération d’une aide d’État octroyée de façon illégale, en vue du rétablissement de la situation antérieure à cet octroi, ne saurait, ainsi, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en la matière (voir arrêt du 14 février 2008, Commission/Grèce, C‑419/06, non publié, EU:C:2008:89, point 55 et jurisprudence citée).
162 En l’espèce et en premier lieu, comme il a été jugé aux points 41 à 51 ci-dessus, les mesures litigieuses constituent un avantage pour ceux qui les ont reçues, quand bien même elles ont été versées à la suite de la survenance de circonstances exceptionnelles caractérisées par une calamité naturelle, et, ainsi qu’il a notamment été jugé aux points 136 et 151 ci-dessus, la récupération de l’aide ne va pas à l’encontre d’un principe général du droit.
163 En second lieu, dans la mesure où la portée de la décision attaquée est expressément limitée au secteur agricole et forestier et où la République hellénique n’a pas fait valoir que la Commission aurait dû l’étendre à d’autres secteurs de l’économie ni n’a notifié de telles aides, elle ne peut pas faire grief à la Commission de n’avoir ordonné la récupération des aides qu’auprès des bénéficiaires identifiés dans la décision attaquée.
164 Enfin, il est vrai que, lors du conseil des ministres du 26 septembre 2007, le membre de la Commission chargé de l’agriculture a informé la délégation hellénique des divers outils disponibles (aides d’État, aides régionales, développement rural) et précisé notamment que les surfaces agricoles éligibles pour le paiement unique le resteraient.
165 Toutefois, dans la mesure où de telles déclarations, si elles concernent les incendies de 2007, sont sans aucun lien avec la question portant sur l’appréciation de la légalité de l’ordre de récupération, elles ne peuvent utilement venir au soutien de l’argumentation de la République hellénique à cet égard.
166 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen, le troisième moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
167 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La République hellénique est condamnée aux dépens.
Kanninen | Półtorak | Porchia |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2022 .
Signatures
* Langue de procédure : le grec.
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