Heidmann v Parliament and Council (Public health - EU Digital COVID Certificate - Order) French Text [2023] EUECJ C-43/23P_CO (05 October 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/C4323P_CO.html
Cite as: EU:C:2023:755, ECLI:EU:C:2023:755, [2023] EUECJ C-43/23P_CO

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ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

5 octobre 2023 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Santé publique – Règlement (UE) 2022/1034 – Règlement (UE) 2021/953 – “Certificat COVID numérique de l’UE” – Libre circulation des personnes – Droit à la protection de la santé et à la vie – Restrictions – Pourvoi, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑43/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 28 janvier 2023,

Thomas Heidmann, demeurant à Feldbach (France), représenté par Me S. Manna, avocate,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par Mme E. Paladini et M. A. Tamás, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Moore et Mme Z. Šustr, en qualité d’agents,

parties défenderesses en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan (rapporteur), président de chambre, MM. N. Piçarra et M. Gavalec, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, le requérant demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 18 novembre 2022, Heidmann/Parlement et Conseil (T‑586/22, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:747), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement irrecevable son recours visant l’annulation du règlement (UE) 2022/1034 du Parlement et du Conseil, du 29 juin 2022, modifiant le règlement (UE) 2021/953 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19 (JO 2022, L 173, p. 37, ci-après le « règlement litigieux »).

 Le cadre juridique

2        Le règlement litigieux a modifié le règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2021, relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19 (JO 2021, L 211, p. 1).

3        Le règlement litigieux a notamment prolongé la période d’application du règlement 2021/953, telle qu’elle était précisée à l’article 17 de ce dernier, jusqu’au 30 juin 2023.

4        Intitulé « Certificat COVID numérique de l’UE », l’article 3 du règlement 2021/953, tel que modifié par le règlement litigieux, est libellé comme suit :

« 1.      Le cadre du certificat COVID numérique de l’UE permet la délivrance, la vérification et l’acceptation transfrontières de l’un des certificats suivants :

a)      un certificat confirmant que le titulaire a reçu un vaccin contre la COVID-19 dans l’État membre qui délivre le certificat (ci-après dénommé “certificat de vaccination”) ;

b)      un certificat confirmant que le titulaire a été soumis à un test [d’amplification des acides nucléiques moléculaires] ou à un test de détection d’antigènes figurant sur la liste commune de l’[Union européenne] des tests de détection d’antigènes pour le diagnostic de la COVID-19 approuvée par le comité de sécurité sanitaire, effectué par des professionnels de la santé ou par du personnel qualifié chargé des tests dans l’État membre qui délivre le certificat, et indiquant le type de test, la date à laquelle il a été effectué et le résultat du test (ci-après dénommé “certificat de test”) ;

c)      un certificat confirmant que, à la suite du résultat positif d’un test [d’amplification des acides nucléiques moléculaires] ou d’un test de détection d’antigènes figurant sur la liste commune de l’[Union] des tests de détection d’antigènes pour le diagnostic de la COVID-19 approuvée par le comité de sécurité sanitaire, effectué par des professionnels de la santé ou par du personnel qualifié chargé des tests, le titulaire s’est rétabli d’une infection par le SARS-CoV-2 (ci-après dénommé “certificat de rétablissement”).

La Commission publie la liste commune de l’[Union] des tests de détection d’antigènes pour le diagnostic de la COVID-19 approuvée par le comité de sécurité sanitaire, y compris les éventuelles mises à jour.

[...]

6.      La possession des certificats visés au paragraphe 1 ne constitue pas une condition préalable à l’exercice du droit à la libre circulation.

7.      La délivrance de certificats en vertu du paragraphe 1 du présent article ne peut entraîner de discrimination fondée sur la possession d’une catégorie spécifique de certificat visée à l’article 5, 6 ou 7.

8.      La délivrance des certificats visés au paragraphe 1 ne porte pas atteinte à la validité de toute autre preuve de vaccination, de résultat de test ou de rétablissement délivrée avant le 1er juillet 2021 ou à d’autres fins, notamment à des fins médicales.

9      Les opérateurs de services transfrontières de transport de voyageurs tenus par le droit national de mettre en œuvre certaines mesures de santé publique pendant la pandémie de COVID-19 veillent à ce que la vérification des certificats visés au paragraphe 1 soit intégrée dans l’exploitation des infrastructures de transport transfrontières telles que les aéroports, les ports les gares ferroviaires et les gares routières, le cas échéant.

[...] »

5        Intitulé « Certificat de vaccination », l’article 5 du règlement 2021/953, tel que modifié par le règlement litigieux, prévoit, à son paragraphe 5 :

« Si les États membres acceptent une preuve de vaccination afin de lever les restrictions à la libre circulation mises en place, conformément au droit de l’Union, pour limiter la propagation du SARS-CoV-2, ils acceptent également, dans les mêmes conditions, les certificats de vaccination délivrés par d’autres États membres conformément au présent règlement pour un vaccin contre la COVID-19 pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été délivrée en vertu du règlement (CE) no 726/2004 [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1)].

Les États membres peuvent également accepter, aux mêmes fins, des certificats de vaccination délivrés par d’autres États membres conformément au présent règlement pour un vaccin contre la COVID‑19 pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été délivrée par l’autorité compétente d’un État membre en vertu de la directive 2001/83/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67)], un vaccin contre la COVID-19 dont la distribution a été autorisée temporairement en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de ladite directive, ou un vaccin contre la COVID-19 pour lequel la procédure d’inscription sur la liste d’utilisation d’urgence de l’[Organisation mondiale de la santé] est terminée.

Si les États membres acceptent des certificats de vaccination pour un vaccin contre la COVID-19 visé au deuxième alinéa, ils acceptent également, dans les mêmes conditions, les certificats de vaccination délivrés par d’autres États membres conformément au présent règlement pour le même vaccin contre la COVID-19.

Les États membres peuvent également délivrer des certificats de vaccination aux personnes participant à un essai clinique qui porte sur un vaccin contre la COVID-19 qui a été approuvé par les comités d’éthique et les autorités compétentes des États membres, indépendamment de la question de savoir si le participant a reçu le candidat vaccin contre la COVID-19 ou la dose administrée au groupe témoin. Les informations relatives au vaccin contre la COVID-19 à inclure dans le certificat de vaccination conformément aux champs de données spécifiques indiqués au point 1 de l’annexe ne compromettent pas l’intégrité de l’essai clinique.

Les États membres peuvent accepter les certificats de vaccination délivrés par d’autres États membres conformément au quatrième alinéa afin de lever les restrictions à la libre circulation mises en place, conformément au droit de l’Union, pour limiter la propagation du SARS-CoV-2, à moins que leur période d’acceptation n’ait expiré ou que ces certificats n’aient été révoqués à la suite de la conclusion de l’essai clinique, notamment au motif que le vaccin contre la COVID-19 n’a pas reçu par la suite d’autorisation de mise sur le marché ou que les certificats de vaccination ont été délivrés pour un placebo administré au groupe témoin dans le cadre d’un essai à l’insu. »

6        Intitulé « Certificat de test », l’article 6 du règlement 2021/953, tel que modifié par le règlement litigieux, dispose, à son paragraphe 5 :

« Si les États membres exigent la preuve de la réalisation d’un test de dépistage de l’infection par le SARS-CoV-2 afin de lever les restrictions à la libre circulation mises en place, conformément au droit de l’Union et compte tenu de la situation spécifique des communautés transfrontalières, pour limiter la propagation du SARS-CoV-2, ils acceptent également, dans les mêmes conditions, les certificats de test indiquant un résultat négatif délivrés par d’autres États membres conformément au présent règlement. »

7        L’article 7 du règlement 2021/953, tel que modifié par le règlement litigieux, intitulé « Certificat de rétablissement », prévoit, à son paragraphe 8 :

« Si les États membres acceptent une preuve de rétablissement de l’infection par le SARS-CoV-2 afin de lever les restrictions à la libre circulation mises en place, conformément au droit de l’Union, pour limiter la propagation du SARS-CoV-2, ils acceptent, dans les mêmes conditions, les certificats de rétablissement délivrés par d’autres États membres conformément au présent règlement. »

 Les antécédents du litige

8        Le requérant réside à Feldbach (France), à la limite de la frontière allemande et, comme de nombreux citoyens de cette région, a pour habitude de se rendre très souvent en Allemagne. De la même manière, les habitants allemands de cette région passent, eux aussi régulièrement, la frontière pour se rendre à Feldbach, tant pour le travail que pour les loisirs.

9        Dans ce contexte de libre circulation des personnes entre les États membres et plus particulièrement entre la France et l’Allemagne facilité par le certificat COVID numérique de l’UE mis en place par le règlement 2021/953, le requérant craint pour sa santé et plus largement pour la santé publique. Selon lui, il ressort d’études scientifiques et de données chiffrées que ce certificat ne permet pas d’attester de manière fiable du « statut COVID » de son porteur.

 Le recours devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2022, le requérant a introduit un recours, au titre de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation du règlement litigieux.

11      En application de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, qui lui permet de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal a rejeté ce recours comme étant manifestement irrecevable.

12      Aux points 7 et 8 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré, d’une part, que l’intérêt à agir du requérant faisait défaut, les arguments présentés par ce dernier n’établissant pas le bénéfice personnel que l’annulation du règlement litigieux pourrait lui procurer.

13      D’autre part, selon le Tribunal, le requérant n’était pas directement concerné par le règlement litigieux, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, si bien que celui-ci n’avait pas qualité pour agir en annulation. À cet égard, le Tribunal a relevé, aux points 11 et 13 de cette ordonnance, en substance, que toute restriction à la libre circulation pour des motifs de santé publique relevait toujours de la compétence des États membres et que ces derniers étaient libres d’accepter seulement un certain type de certificat en vue de la levée des restrictions à la libre circulation qu’ils avaient mises en place, étant donné que le règlement 2021/953 permettait une telle différenciation, qui n’a pas été modifiée par le règlement litigieux. Il en découlait, selon le Tribunal, que la décision d’octroyer ou non les mêmes droits de libre circulation aux personnes détentrices, selon le cas, d’un certificat de vaccination (octroyé dans le cadre d’essais cliniques ou non), de test ou de rétablissement, continuait de relever uniquement de la compétence des États membres. Dès lors, le Tribunal a estimé que le requérant ne saurait reprocher au règlement litigieux d’être susceptible de créer, à le supposer avéré, un risque de santé à son égard et, partant, a jugé, au point 14 de l’ordonnance attaquée, que le requérant n’était pas directement concerné par ce règlement.

 Les conclusions des parties

14      Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée.

15      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne demandent chacun à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi

16      En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée.

17      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.

18      Au soutien de son pourvoi, le requérant invoque cinq moyens. Les quatre premiers sont tirés d’une dénaturation des moyens invoqués en première instance et d’une application erronée, par le Tribunal, des conditions d’intérêt à et de qualité pour agir. Le dernier moyen est tiré d’une méconnaissance par le Tribunal du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

19      Selon le requérant, le Tribunal a dénaturé les moyens qu’il invoquait devant lui. Il aurait considéré que le requérant alléguait une violation de la liberté de circulation dans l’Union, alors que sa requête se fondait sur le droit à la protection de la santé et à la vie. Le Tribunal aurait ainsi, à tort, examiné les conditions de recevabilité du recours en première instance au seul regard de la liberté de circulation.

20      Le Parlement et le Conseil concluent au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

21      D’emblée, il y a lieu de constater que ce premier moyen est dirigé contre les points 11 à 14 de l’ordonnance attaquée, autrement dit contre les motifs de cette ordonnance relatifs à l’appréciation de la question de savoir si le requérant était directement concerné par le règlement litigieux.

22      À cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort expressément du point 5 de l’ordonnance attaquée que le Tribunal n’a pas dénaturé l’argument qu’il avançait à l’appui de son recours tiré, en substance, d’une violation, par le règlement litigieux, de son droit à la protection de la santé et à la vie. En effet, à ce point, le Tribunal résume cet argument en indiquant expressément que, selon le requérant, ce règlement « permettrait la libre circulation de personnes dont le “statut COVID négatif” n’est pas garanti et, partant, créerait un risque pour la santé publique ».

23      Certes, l’ordonnance attaquée met davantage l’accent sur la libre circulation facilitée par le certificat COVID numérique de l’UE que sur l’atteinte potentielle à la santé publique, argument principal du requérant.

24      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 4 mars 2021, Liaño Reig/CRU, C‑947/19 P, EU:C:2021:172, point 26 et jurisprudence citée).

25      Selon une jurisprudence également constante de la Cour en matière de pourvois, la motivation d’une décision du Tribunal peut être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 4 mars 2021, Liaño Reig/CRU, C‑947/19 P, EU:C:2021:172, point 27 et jurisprudence citée).

26      En l’espèce, il convient de constater que les motifs de l’ordonnance attaquée et la jurisprudence citée à l’appui de ceux-ci permettent de comprendre aisément les raisons pour lesquelles le recours du requérant a été déclaré irrecevable.

27      Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen comme étant manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

28      Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’application de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Selon le requérant, une personne est « concernée », au sens de cette disposition, par la mesure dont elle poursuit l’annulation si, d’une part, cette mesure produit directement des effets sur sa situation juridique et, d’autre part, ladite mesure ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre. Or, la première de ces conditions aurait été méconnue.

29      En effet, en l’espèce, le règlement litigieux, compte tenu de sa nature juridique, serait, par définition, un acte de portée générale ayant vocation à être appliqué dans tous les États membres et à tous les citoyens de l’Union. Ces derniers seraient les destinataires de ce règlement, dans la mesure où il fixe les conditions que ceux-ci doivent remplir pour bénéficier d’un certificat COVID numérique de l’UE. Partant, le règlement litigieux produirait des effets directs sur la situation juridique du requérant comme de tout citoyen de l’Union. Ce serait donc à tort que le Tribunal se serait référé à la jurisprudence relative à des actes de portée individuelle pour rejeter son recours.

30      Le Parlement et le Conseil concluent au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

31      La recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, contre un acte dont elle n’est pas le destinataire est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir. Tel est notamment le cas lorsque cet acte la concerne directement et individuellement (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2022, Danske Slagtermestre/Commission, C‑99/21 P, EU:C:2022:510, point 41 et jurisprudence citée).

32      Selon le requérant, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de la condition selon laquelle l’acte attaqué doit être de nature à produire des effets directs sur sa situation juridique.

33      La qualité pour agir au titre de ce cas de figure requiert en effet que deux critères soient cumulativement satisfaits, à savoir que la mesure contestée, premièrement, produise directement des effets sur la situation juridique du requérant et, deuxièmement, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2022, Danske Slagtermestre/Commission, C‑99/21 P, EU:C:2022:510, point 45 et jurisprudence citée).

34      Or, contrairement à ce que soutient le requérant, en tant que tels, ni le règlement litigieux ni le règlement 2021/953 qu’il modifie ne produisent directement des effets sur la situation juridique du requérant, dès lors qu’ils se contentent d’imposer des obligations de reconnaissance mutuelle aux seuls États membres. Ces derniers demeurent, par conséquent, exclusivement compétents pour arrêter les conditions selon lesquelles une preuve de vaccination ou de la réalisation d’un test de dépistage ou de rétablissement permet de lever les restrictions à la libre circulation mises en place au niveau national. S’agissant, spécifiquement, de la situation du requérant, le fait de pouvoir bénéficier d’un certificat COVID numérique de l’UE dépendait du choix de la République française d’accepter, aux fins de lever lesdites restrictions, au moins l’une de ces preuves.

35      Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que la condition selon laquelle l’acte attaqué doit être de nature à produire des effets directs sur la situation juridique du requérant n’était pas remplie. Il en découle que le deuxième moyen est manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

36      Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal en ce qui concerne la seconde des deux conditions cumulatives visées au point 33 de la présente ordonnance, à savoir que l’acte concerné par le recours ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre. Selon le requérant, en l’espèce, le règlement litigieux revêtait une portée générale, dans la mesure où il fixait un cadre technique pour permettre l’octroi à tout citoyen de l’Union d’un certificat COVID numérique de l’UE directement applicable en droit national. Les États membres n’auraient aucun pouvoir d’appréciation. En effet, soit leur « certificat COVID‑19 » national satisferait aux conditions fixées par le règlement litigieux et le citoyen bénéficierait d’un certificat COVID numérique de l’UE, soit il n’y satisferait pas et le citoyen n’obtiendrait pas ce dernier certificat.

37      Le Parlement et le Conseil concluent au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

38      D’emblée, il importe de rappeler que les deux conditions mentionnées au point 33 de la présente ordonnance sont cumulatives. Dès lors que, par son deuxième moyen, le requérant a vainement reproché au Tribunal d’avoir jugé, à propos de la première de ces conditions, que la situation juridique du requérant n’était pas directement modifiée par le règlement litigieux, il convient de constater que le troisième moyen, qui vise une erreur prétendument commise par le Tribunal en ce qui concerne la seconde de ces deux conditions cumulatives, à savoir celle selon laquelle l’acte concerné par le recours ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, est en tout état de cause inopérant.

39      Il y a donc lieu d’écarter le troisième moyen comme étant manifestement inopérant.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

40      Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal en ayant considéré que l’annulation du règlement litigieux ne procurerait aucun bénéfice personnel au requérant. Selon le requérant, il ne saurait être nié que l’annulation de ce règlement, au vu de ses dispositions octroyant le certificat COVID numérique de l’UE aux personnes non dépistées, permettrait de protéger la santé et la vie des citoyens de l’Union.

41      Le Parlement et le Conseil concluent au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

42      Ainsi que le Tribunal l’a rappelé à bon droit au point 7 de l’ordonnance attaquée, une partie requérante n’est recevable à agir que dans la mesure où le recours est susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice personnel à la partie qui l’a intenté (arrêt du 23 novembre 2017, Bionorica et Diapharm/Commission, C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:886, point 85).

43      En l’espèce, il est certes permis de considérer que, sans les obligations de reconnaissance mutuelle prévues par le règlement litigieux, la République française ne reconnaîtrait pas les certificats émis par les autres États membres relatifs au « statut COVID-19 » de leurs ressortissants. L’annulation du règlement litigieux aurait donc pu procurer un bénéfice pour le requérant, dans la mesure où il y aurait probablement eu, de ce fait, moins de circulation transfrontière entre la France et l’Allemagne.

44      Il n’en reste pas moins que, selon ses propres dires, l’argumentation principale du requérant vise, plutôt que la libre circulation, la santé publique et, à cet égard, la fiabilité de la certification du « statut COVID-19 » d’une personne non dépistée. Or, cette certification relève exclusivement des règles nationales. Partant, une annulation du règlement litigieux n’empêcherait pas la République française de lever les mesures restrictives qu’elle a mises en place à l’égard d’une personne non dépistée.

45      Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal a dénié l’intérêt à agir du requérant. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant manifestement non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

46      Par son cinquième moyen, le requérant soutient que, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré à tort que, en adoptant le règlement litigieux, le législateur de l’Union n’avait pas violé le principe de proportionnalité en décidant de prolonger la durée du système de certificat COVID numérique de l’UE jusqu’au 30 juin 2023. Selon le requérant, le Tribunal invoque à tort, par analogie, le principe de précaution, lequel ne saurait se confondre avec le principe de proportionnalité, qui exigerait une justification scientifique et non des conjectures vagues.

47      Le Parlement et le Conseil concluent au rejet de ce moyen.

 Appréciation de la Cour

48      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal s’est borné à examiner la recevabilité du recours en première instance et a décidé, à bon droit, qu’il était manifestement irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens que le requérant faisait valoir à l’appui d’une prétendue illégalité du règlement litigieux. Or, en l’espèce, le requérant, par son cinquième moyen, fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ayant considéré que le législateur de l’Union avait respecté le principe de proportionnalité, alors que le Tribunal n’a pas examiné cet argument. Un tel moyen de pourvoi, qui n’est pas dirigé contre une décision, en droit, figurant dans l’ordonnance attaquée est, partant, manifestement irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, EU:C:2015:356, point 64).

49      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

51      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de cet article 184, paragraphe 1, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52      Le requérant ayant succombé en ses moyens et le Parlement ainsi que le Conseil ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par ces deux institutions.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

2)      M. Thomas Heidmann est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne.

Fait à Luxembourg, le 5 octobre 2023.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

M. Safjan


*      Langue de procédure : le français.

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