Colombani v EEAS (Civil service - Officials - Psychological harassment - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-113/22 (22 March 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T11322.html
Cite as: [2023] EUECJ T-113/22, ECLI:EU:T:2023:154, EU:T:2023:154

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 mars 2023 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Harcèlement moral – Article 12 bis du statut – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Article 24 du statut – Droits de la défense – Erreur d’appréciation – Détournement de pouvoir – Accord amiable – Vice du consentement – Décision de promotion rétroactive »

Dans l’affaire T‑113/22,

Jean-Marc Colombani, demeurant à Auderghem (Belgique), représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. R. Spáč et Mme A. Ireland, en qualité d’agents, assistés de Mes M. Troncoso Ferrer, F.-M. Hislaire et L. Lence de Frutos, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 18 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, M. Jean-Marc Colombani, demande, d’une part, l’annulation de la décision du 15 juin 2021 par laquelle le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a partiellement rejeté sa demande d’assistance introduite le 18 février 2021 (ci-après la « décision rejetant partiellement la demande d’assistance ») au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ainsi que de l’accord amiable conclu entre les parties le 9 février 2021 et de la prétendue décision implicite de le promouvoir au grade AD 14 avec effet rétroactif au 1er janvier 2018, telle qu’elle aurait été portée à sa connaissance par la transmission de son bulletin de rémunération du mois de mai 2021, et, d’autre part, la réparation du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi en raison du comportement du SEAE.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est fonctionnaire au SEAE.

3        Le requérant a commencé sa vie professionnelle dans le service diplomatique français. Le 1er mai 1990, il est entré au service de la Commission des Communautés européennes. En septembre 2010, il a été affecté au SEAE, où il a été assistant du secrétaire général exécutif, A, jusqu’en février 2015. Entre mars 2015 et août 2016, le requérant était d’abord assistant et ensuite conseiller auprès du secrétaire général exécutif, B. Le 1er juin 2016, le requérant a été nommé conseiller auprès de la secrétaire générale exécutive, C. Depuis le 1er janvier 2017, il exerce les fonctions de conseiller auprès du secrétaire général adjoint chargé de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et de la réponse aux crises, à savoir d’abord D et, à partir du 1er mai 2020, E.

4        Son nom n’ayant pas été inscrit sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion au grade AD 14 dans le cadre de l’exercice de promotion 2017, le requérant a formé un recours devant le Tribunal pour contester la décision du SEAE du 9 novembre 2017 de ne pas le promouvoir. Par arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734), le Tribunal a annulé ladite décision au motif que les dispositions générales d’exécution appliquées par le SEAE à l’exercice de promotion 2017 étaient irrégulières en ce qu’elles ne permettaient pas un examen comparatif et objectif des mérites des fonctionnaires.

5        Le 6 août 2020, le requérant a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la prétendue décision du SEAE de ne pas exécuter l’arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734), ainsi que des décisions de rejet de ses candidatures pour les postes de chef de délégation de l’Union européenne en Corée, en Ouzbékistan et en Macédoine du Nord. Il a également demandé l’annulation de la décision du SEAE de ne pas lui accorder l’accès aux documents liés à ces procédures, notamment aux données comparatives des candidats retenus lors de la procédure de présélection. Par ordonnance du 12 février 2021, Colombani/SEAE (T‑507/20, non publiée, EU:T:2021:95), cette affaire a été radiée du registre du Tribunal à la suite d’un accord entre les parties, intervenu le 9 février 2021 dans le cadre d’un règlement amiable au titre de l’article 125 bis du règlement de procédure du Tribunal (ci-après l’« accord amiable »).

6        Selon les termes de l’accord amiable, le SEAE s’est engagé à promouvoir le requérant au grade AD 14, échelon 1, avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 (point 1 de l’accord amiable). Le SEAE s’est, en outre, engagé à fournir au requérant les éléments liés aux qualifications et à l’expérience professionnelle des candidats que le panel avait considérés comme correspondant le mieux aux critères de présélection qui avaient ensuite été pris en compte pour la comparaison des titres et des mérites des candidats retenus dans les procédures de présélection pour les postes de chef de délégation de l’Union en Macédoine du Nord, en Algérie, en Azerbaïdjan et en Norvège ainsi que pour le poste de directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient au sein du SEAE, dans le respect des règles de droit applicables et, pour ce qui est plus particulièrement des règles en matière de protection des données, en accord avec l’avis du délégué à la protection des données du SEAE (point 2 de l’accord amiable).

7        Le 18 février 2021, le requérant a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut visant, en leur qualité de supérieurs hiérarchiques successifs, l’ancienne secrétaire générale exécutive du SEAE, C, l’un des anciens secrétaires généraux adjoints du SEAE, D, et l’un des secrétaires généraux adjoints actuels du SEAE, E, ainsi que le directeur général du budget et de l’administration, F.

8        Par courriel du 22 février 2021 adressé au directeur général du budget et de l’administration, F, le requérant a invité ce dernier à confirmer que le SEAE n’avait pas d’objections à la divulgation des pièces accompagnant la demande d’assistance visée au point 7 ci-dessus aux instances judiciaires et administratives belges dans le cadre d’une procédure de plainte auprès de l’auditorat du travail de Bruxelles (Belgique). Par ailleurs, le requérant a indiqué dans ce courriel vouloir s’assurer de l’absence d’objections de principe de la part du SEAE à ce qu’il expose les faits résumés dans ladite demande à un ou plusieurs membres du Parlement européen. Dans sa réponse, transmise par courriel du 23 février 2021, F a invité le requérant à soumettre une demande au titre de l’article 19 du statut et à identifier les documents ainsi que les destinataires et la finalité de la transmission des documents envisagée. S’agissant de l’intention du requérant de solliciter l’intervention de certains membres du Parlement, F a indiqué qu’une telle démarche ne ferait pas l’objet de la procédure prévue à l’article 19 du statut. Dans un courriel du 24 février 2021 adressé à F, le requérant a invité le SEAE à lui indiquer si certains des documents accompagnant sa demande d’assistance « ne [pourraient] pas faire l’objet d’une communication à l’[a]uditorat du [t]ravail de Bruxelles ».

9        Le 1er mars 2021, le requérant a saisi le Tribunal d’un recours en annulation des décisions de rejet des candidatures qu’il avait soumises, d’une part, pour le poste de directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient et, d’autre part, pour le poste de chef de délégation de l’Union au Canada. Par arrêt du 6 juillet 2022, Colombani/SEAE (T‑129/21, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:424), le Tribunal a rejeté ce recours.

10      Par courriel du 28 avril 2021, la directrice des ressources humaines, G, a transmis au requérant une analyse préliminaire de sa demande d’assistance, dans laquelle il était indiqué que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») avait l’intention d’ouvrir une enquête administrative en ce qui concernait C et E. En revanche, s’agissant des allégations relatives au harcèlement moral en raison des agissements de D et de F, l’analyse préliminaire indiquait que ces dernières n’étaient pas justifiées par un commencement de preuve.

11      Par courriel du 7 mai 2021, le requérant a adressé à la directrice des ressources humaines ses observations sur l’analyse préliminaire.

12      Le bulletin de rémunération du mois de mai 2021 du requérant a fait mention, pour la première fois, du fait que ce dernier était classé au grade AD 14, échelon 2. Par ailleurs, un ajustement rétroactif de la rémunération du requérant au grade AD 14 à compter du mois de janvier 2018 a été effectué sur ledit bulletin.

13      Par la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, signée par la directrice des ressources humaines, l’AIPN a rejeté la demande d’assistance en ce qui concernait les allégations du requérant relatives au harcèlement moral dont il se disait être victime en raison des agissements de D et de F au motif qu’elles n’étaient pas justifiées par un commencement de preuve.

14      Le 1er août 2021, le requérant a introduit, d’une part, une réclamation, enregistrée sous le numéro R/412/21, visant la prétendue décision implicite de rejet partiel de sa demande d’assistance telle qu’elle ressortirait de l’analyse préliminaire qui lui avait été communiquée le 28 avril 2021 et, d’autre part, une réclamation, enregistrée sous le numéro R/413/21, visant la prétendue décision implicite de le promouvoir au grade AD 14 avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 telle qu’elle aurait été portée à sa connaissance par la transmission de son bulletin de rémunération du mois de mai 2021.

15      Le 25 août 2021, le requérant a pris connaissance de la décision rejetant partiellement sa demande d’assistance.

16      Le 13 septembre 2021, le requérant a introduit une réclamation, enregistrée sous le numéro R/460/21, visant la décision rejetant partiellement sa demande d’assistance.

17      Par note du 25 novembre 2021, signée par le directeur général du budget et de l’administration, F, le SEAE a formellement informé le requérant de la décision de l’AIPN de le promouvoir au grade AD 14, échelon 1, avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 en application de l’article 266, paragraphe 1, TFUE et en exécution de l’ordonnance du 12 février 2021, Colombani/SEAE (T‑507/20, non publiée, EU:T:2021:95), et conformément à l’accord amiable, tout en indiquant que cette décision de promotion avait été mise en œuvre et qu’elle avait été reprise dans le dossier du système informatique de gestion du personnel de la Commission (ci-après l’« application Sysper ») du requérant depuis le 30 mars 2021 et que l’avancement automatique vers l’échelon supérieur a eu lieu le 1er janvier 2020.

18      Par décision du 26 novembre 2021, le secrétaire général exécutif du SEAE, L, en tant qu’AIPN, a rejeté les réclamations R/412/21 et R/460/21.

19      Le 29 novembre 2021, le requérant a introduit une réclamation, enregistrée sous le numéro R/618/21, visant le défaut d’exécution de l’accord amiable de la part du SEAE en ce qui concernait notamment le point 2 de cet accord.

20      Par décision du 30 novembre 2021, l’AIPN a rejeté la réclamation R/413/21.

 Conclusions des parties

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision rejetant partiellement la demande d’assistance ;

–        annuler la décision du SEAE du 26 novembre 2021 rejetant les réclamations R/412/21 et R/460/21 ;

–        annuler l’accord amiable ;

–        annuler la décision « implicite » de le promouvoir rétroactivement au grade AD 14 au 1er janvier 2018, telle qu’elle a été portée à sa connaissance par la transmission de son bulletin de rémunération du mois de mai 2021 ;

–        annuler la décision du 30 novembre 2021, par laquelle le SEAE a rejeté la réclamation R/413/21 ;

–        condamner le SEAE à lui verser une indemnité de 14 000 euros en guise de compensation de son préjudice matériel ainsi qu’une indemnité d’un montant fixé symboliquement à un euro en guise de compensation de son préjudice moral ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

22      Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ou, à tout le moins, non fondé ;

–        condamner le requérant à supporter les frais et dépens de l’instance.

 En droit

23      Dans le cadre du présent recours, le requérant conteste, d’une part, la décision rejetant partiellement sa demande d’assistance et, d’autre part, la validité de l’accord amiable ainsi que la prétendue décision implicite de promotion rétroactive au grade AD 14 prise en exécution dudit accord.

24      À cet égard, dans la requête, le requérant invoque sept moyens. Tandis que les cinq premiers moyens sont invoqués à l’appui des conclusions en annulation de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, les sixième et septième moyens, tirés, respectivement, de la nullité de l’accord amiable pour vice du consentement et du non-respect dudit accord, sont invoqués à l’appui des conclusions en annulation visant l’accord amiable et la prétendue décision implicite de promouvoir le requérant au grade AD 14.

 Sur les chefs de conclusions visant la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, en ce qu’elle vise D et F

25      Par les premier et deuxième chefs de conclusions, le requérant demande l’annulation de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, en ce qu’elle vise D et F, ainsi que de la décision du 26 novembre 2021 rejetant les réclamations R/412/21 et R/460/21 et confirmant ainsi la décision rejetant partiellement la demande d’assistance.

26      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).

27      En l’espèce, la décision de rejet des réclamations R/412/21 et R/460/21 est dépourvue de contenu autonome, dès lors qu’elle ne fait que confirmer la décision rejetant partiellement la demande d’assistance et préciser la motivation du SEAE en répondant aux critiques du requérant à son égard.

28      Les premier et deuxième chefs de conclusions en annulation doivent donc être regardés comme étant dirigés contre la seule décision rejetant partiellement la demande d’assistance, dont la légalité doit toutefois être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet des réclamations R/412/21 et R/460/21, qui est censée coïncider avec celle de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59, et du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 22).

29      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, le requérant invoque, dans la requête, cinq moyens. Le premier est tiré d’une faute de service, d’une violation du devoir de sollicitude et d’une violation de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et du statut. Le deuxième est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la réalité des faits de harcèlement subis par le requérant. Le troisième est tiré d’un détournement de pouvoir et de la violation de l’article 47 de la Charte. Le quatrième est tiré d’un détournement de pouvoir ainsi que de la violation de l’article 227 TFUE et de l’article 44 de la Charte. Le cinquième est tiré de la non-conformité de l’examen de la demande d’assistance avec la décision C(2019) 4231 de la Commission, du 12 juin 2019, établissant les dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’un commencement de preuve de la réalité des faits de harcèlement prétendument subis par le requérant

30      Le deuxième moyen s’articule autour de deux branches, tirées d’une erreur manifeste d’appréciation des faits imputables, d’une part, à D et, d’autre part, à F, dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, en ce qui les concerne.

31      À titre liminaire, il importe de constater que, dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, l’AIPN a conclu que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve de la réalité d’un harcèlement moral imputable à D et à F. Dans de telles circonstances, bien que le deuxième moyen soit formellement tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que le SEAE aurait conclu à tort à l’absence d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, il convient de comprendre que le requérant conteste la conclusion selon laquelle il n’a pas apporté un commencement de preuve de la réalité dudit harcèlement (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 67).

32      Aux termes de l’article 24, premier alinéa, du statut, l’Union assiste le fonctionnaire ou l’agent notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

33      L’obligation d’assistance énoncée par l’article 24 du statut vise la défense des fonctionnaires et agents, par leur institution, contre les agissements de tiers et non contre les actes émanant de l’institution elle-même, dont le contrôle relève d’autres dispositions du statut (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 111 et jurisprudence citée). Cela étant, au sens de l’article 24 du statut, d’autres fonctionnaires ou agents d’une institution de l’Union peuvent être considérés comme des tiers (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 67 et jurisprudence citée).

34      Ainsi, lorsqu’un fonctionnaire ou agent estime faire l’objet, de la part de l’un de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues, voire de ses subordonnés, d’un comportement qui méconnaît l’obligation, figurant à l’article 12 bis, paragraphe 1, du statut, de s’abstenir de toute forme de harcèlement moral et sexuel, ce fonctionnaire ou cet agent peut demander l’assistance de l’institution au sens de l’article 24 du statut (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 55).

35      En présence d’allégations de harcèlement moral, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la demande d’assistance dans laquelle un harcèlement moral est allégué et d’informer le demandeur de la suite réservée à celle-ci (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 47 et jurisprudence citée).

36      Aussi, lorsque l’administration est saisie, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 dudit statut, elle doit, en vertu du devoir d’assistance et si elle est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (voir arrêt du 6 avril 2022, KU/SEAE, T‑425/20, non publié, EU:T:2022:224, point 135 et jurisprudence citée).

37      En revanche, il s’ensuit que, s’agissant de l’exigence selon laquelle le demandeur d’assistance doit apporter un commencement de preuve de la réalité de la conduite abusive dont il affirme être victime, l’institution en cause ne saurait être tenue de mener une enquête administrative sur la base de simples allégations dénuées de preuve, étant entendu que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’institution doit également veiller à protéger les droits des personnes mises en cause dans une demande d’assistance et susceptibles d’être visées par une enquête (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 58 et jurisprudence citée).

38      Lorsque, comme en l’espèce, les allégations figurant dans la demande d’assistance concernent un harcèlement moral, il appartient au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve de celui-ci au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, à savoir « toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique » du demandeur (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 59).

39      Enfin, s’agissant de la légalité d’une décision rejetant une demande d’assistance sans qu’une enquête administrative ait été ouverte, le juge de l’Union doit examiner le bien-fondé de cette décision au regard des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution, notamment par le demandeur d’assistance, lorsque celle-ci a statué (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 60 et jurisprudence citée).

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deux branches du deuxième moyen invoqué par le requérant.

–       Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur d’appréciation des faits imputables à D

41      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, tout d’abord, le requérant reproche au SEAE de ne pas avoir pris en considération, dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, certains éléments factuels et des témoignages de tiers mis en avant dans la demande d’assistance. À cet égard, il fait valoir que D, tout comme E, a participé à sa mise à l’écart professionnelle et à son éviction systématique des flux d’information, des réunions et des exercices collectifs, ce qui serait corroboré par divers témoignages qu’il a produits. Or, le SEAE n’aurait retenu que le témoignage de I comme étant pertinent pour apprécier le comportement de D. Selon le requérant, le SEAE aurait également dû prendre en compte les témoignages de J et de K dans la mesure où ils concernaient des méfaits commis par d’autres personnes, dont D avait connaissance et qu’il n’aurait pas dû laisser perdurer. La différence entre la courtoisie manifestée par D à l’égard du requérant, telle que mise en exergue dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, et le manque de courtoisie de E ne saurait justifier, selon le requérant, un traitement différencié des faits avancés à leur égard.

42      Ensuite, D aurait participé à la marginalisation professionnelle du requérant sous la forme d’une éviction systématique des procédures de sélection. Plus particulièrement, le requérant fait valoir que D a joué un rôle clé, en tant que secrétaire général adjoint ou en tant que président du jury, dans cinq procédures de sélection dans le cadre desquelles ses candidatures avaient été rejetées. De surcroît, la seule proposition d’emploi faite au requérant par D, à savoir la proposition de poste de chef adjoint de la délégation de l’Union à Vienne (Autriche) chargé de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), aurait eu un caractère malveillant et n’aurait pas été réalisable. À cet égard, le requérant relève que le poste proposé aurait consisté en une activité diplomatique centrée sur l’ancienne secrétaire générale exécutive du SEAE, C, qui exerce désormais les fonctions de secrétaire générale de l’OSCE, et que D était conscient de l’animosité de cette dernière à son égard.

43      Enfin, le requérant allègue que D a conduit la procédure d’évaluation pour l’année 2018 d’une manière correspondant à une tentative d’intimidation, caractéristique d’une situation de harcèlement moral. À cet égard, le requérant renvoie à des commentaires reproduits dans la version initiale du rapport d’évaluation, qui relevait un manquement du requérant à son obligation d’assurer le suivi de certaines initiatives.

44      Le SEAE conteste ces arguments.

45      En l’espèce, le requérant fait valoir que D a participé à sa marginalisation professionnelle en l’excluant des flux d’information, des réunions et des travaux collectifs. Or, le requérant n’étaye aucunement ces allégations. En effet, il ne fournit aucun élément au soutien de ses allégations, qui, d’ailleurs, se limitent à formuler des observations générales portant sur le contexte de sa situation professionnelle au sein du SEAE sans identifier des comportements précis de D ou des incidents concrets dans lesquels ce dernier aurait été impliqué.

46      S’agissant de sa prétendue marginalisation professionnelle, le requérant met en exergue notamment le fait que D se serait limité à le remercier pour ses contributions rédigées sur des questions relevant de domaines politiquement sensibles, sans néanmoins engager un dialogue substantiel sur les analyses fournies. À cet égard, d’une part, il ressort du dossier que D a indiqué au requérant, en réponse à ses contributions, qu’il était disponible pour en discuter davantage avec lui. D’autre part, selon une jurisprudence constante, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2022, TL/Commission, T‑438/21, non publié, EU:T:2022:455, point 61, et du 14 juillet 2021, IN/Eismea, T-119/20, non publié, EU:T:2021:427, point 86). Il s’ensuit qu’il incombe au supérieur hiérarchique d’un fonctionnaire de définir, dans le cadre de la mission dévolue, les priorités dans la gestion des dossiers. Partant, le fonctionnaire ne saurait prétendre à un droit selon lequel les travaux engagés par ses contributions seraient nécessairement poursuivis et utilisés par son supérieur hiérarchique ou l’institution. Dans ces conditions, le SEAE ne pouvait pas considérer les échanges entre le requérant et D au sujet des analyses fournies par le premier, tels qu’annexés à la demande d’assistance, comme étant constitutifs d’un commencement de preuve de faits de harcèlement moral à son égard.

47      Par ailleurs, le requérant a certes présenté en annexe à sa demande d’assistance des témoignages de plusieurs collègues à l’appui de ses allégations relatives à une marginalisation professionnelle. Cependant, il y a lieu de relever que deux de ces témoignages, à savoir ceux de J et de K, ne mentionnent même pas D. En effet, ces témoignages ne mettent en exergue que le comportement de tierces personnes. En tant que tels, ces témoignages ne sont pas susceptibles d’être constitutifs d’un commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part de D à l’égard du requérant. Seul le témoignage de I évoque D. Selon ce témoignage, D aurait fait, lors d’un entretien en 2017, « quelques commentaires positifs sur la qualité du travail [du requérant] » et aurait affirmé que le requérant « était traité normalement », mais qu’il obtiendrait « difficilement un poste tant qu’il continuerait à [le] revendiquer ». Ainsi, ce témoignage se limite à relever, d’une part, des propos positifs de la part de D au sujet du requérant et, d’autre part, une appréciation subjective de celui-ci en ce qui concerne la situation professionnelle du requérant. En revanche, ce témoignage ne met pas en exergue un comportement de D à l’égard du requérant qui permettrait de considérer qu’il a activement participé à la prétendue mise à l’écart professionnelle du requérant.

48      Au contraire, il ressort du dossier que D a proposé au requérant le poste de chef adjoint de la délégation de l’Union à Vienne chargé de l’OSCE. Cette proposition en tant que telle s’oppose à l’allégation selon laquelle D aurait contribué à une marginalisation professionnelle du requérant, mais démontre plutôt une volonté d’aider ce dernier dans son développement professionnel. Certes, le requérant reproche à D le caractère prétendument malveillant de cette proposition au motif que ce poste exigeait de travailler à nouveau dans un environnement proche de l’ancienne secrétaire générale exécutive du SEAE, C, qui exerçait désormais des fonctions à l’OSCE. Il n’étaye cependant pas dans quelle mesure le poste en cause aurait nécessairement impliqué un contact direct et étroit avec cette dernière et en quoi, en l’absence de tout lien hiérarchique entre le requérant, qui aurait travaillé à la délégation de l’Union, et C, qui travaillait à l’OSCE, une telle proposition aurait relevé de la malveillance. De surcroît, il ressort du dossier que D a indiqué au requérant qu’il n’était pas conscient des difficultés administratives que ce dernier avait identifiées en ce qui concernait le poste en cause et que, lorsqu’il l’en avait informé, il lui avait offert son aide pour les résoudre. Un tel comportement ne saurait être constitutif en soi d’un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

49      S’agissant de l’allégation selon laquelle D a joué un rôle clé dans cinq procédures de sélection dans le cadre desquelles les candidatures du requérant n’avaient pas été retenues, force est de constater que le requérant ne l’étaye pas. En effet, le requérant n’a pas identifié, dans la demande d’assistance, les procédures de sélection invoquées et ne fournit aucune indication quant à la question de savoir de quelle manière et dans quelle mesure D serait intervenu dans la prise de décision dans le cadre de ces procédures. En tout état de cause, même s’il était établi que D avait joué un rôle dans lesdites procédures, le fait que l’issue de ces procédures a été défavorable au requérant ne constitue pas, en soi, un commencement de preuve d’un comportement de harcèlement moral.

50      Au soutien de l’allégation selon laquelle D a fait usage de la procédure d’évaluation 2018 d’une manière correspondant à une tentative d’intimidation, le requérant s’appuie notamment sur une phrase reproduite dans la version initiale du rapport d’évaluation contenant une première évaluation qualitative par l’évaluateur, à savoir D, dans laquelle il a indiqué qu’il « n’[avait] pas pu tirer suffisamment profit [des qualités du requérant] et [que], de son côté, [le requérant ne l’avait] pas assisté dans les tâches de gestion des services pour lequel [il était] responsable ». Selon le requérant, ces propos sont hautement accusatoires.

51      Il convient de rappeler que des observations négatives adressées à un fonctionnaire ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, le requérant n’a pas démontré en quoi les propos contenus dans la version initiale du rapport d’évaluation étaient formulés d’une manière susceptible de porter atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité, notamment compte tenu du fait que ces propos ne figurent pas dans la version finale du rapport d’évaluation pour l’année 2018. En effet, les propos identifiés par le requérant comme étant accusatoires dans la version initiale du rapport et reproduits au point 3.3 intitulé « Conduite dans le service » doivent nécessairement être lus à la lumière des autres éléments d’évaluation contenus dans cette version dudit rapport. Ainsi, au point 3.2 intitulé « Compétence », D, en sa fonction d’évaluateur, décrit le requérant comme « un professionnel expérimenté, avec un très bonne capacité d’analyse ». Au point 3.5 intitulé « Niveau de responsabilités exercées », D indique que « [le requérant] a des mérites et des qualités qui pourraient être mis à profit sur des postes aux responsabilités plus élevé[e]s et dans lesquels il pourra déployer ses talents ». Au point 3.7 intitulé « Commentaire général », D décrit le requérant comme « un professionnel talentueux » qui a « des qualités réelles et une expérience appréciable ». Il en conclut que le requérant « devrait être transféré sur un poste qui permettrait son épanouissement » étant donné que « [l]a situation actuelle n’est satisfaisante ni pour lui, ni pour le service ». Dans ce contexte, les propos identifiés par le requérant comme étant accusatoires peuvent dès lors être compris comme visant à mettre en exergue la nécessité de lui offrir une perspective de développement professionnel vers un poste comprenant plus de responsabilités et lui permettant de faire meilleur usage de ses capacités et de ses compétences appréciées par le SEAE. En tant que tels, ces propos ne sauraient constituer un commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part de D à l’égard du requérant.

52      De surcroît, il convient de rappeler qu’il ressort du point 38 ci-dessus que le requérant doit apporter, dans sa demande d’assistance, un commencement de preuve des faits de harcèlement moral allégués au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut en vertu de laquelle un harcèlement moral présuppose une conduite qui se manifeste de façon durable, répétitive ou systématique. Or, les propos identifiés par le requérant comme étant accusatoires ne se trouvaient que dans la version initiale du rapport d’évaluation pour l’année 2018, tandis que la version finale dudit rapport, établie après avoir recueilli les observations du requérant sur la version initiale, ne contient plus ces propos. Dans ces conditions, dans la mesure où ils ont fait l’objet d’une évolution prenant en compte les observations du requérant, les propos mis en cause par le requérant dans la version initiale du rapport d’évaluation ne sauraient être considérés comme la manifestation d’une conduite abusive de caractère durable, répétitif ou systématique. Par conséquent, il ne saurait être reproché au SEAE de ne pas avoir retenu ces propos comme étant constitutifs d’un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

53      Enfin, s’agissant de l’allégation selon laquelle le SEAE n’a pas pris en compte les témoignages de J et de K dans la mesure où ils concernaient des méfaits commis par d’autres personnes, dont D avait connaissance et qu’il n’aurait pas dû laisser perdurer, il y a lieu de relever qu’il est reproché à D, en substance, de ne pas être intervenu face au harcèlement moral prétendument commis par C et E, qui sont les seules personnes visées par lesdits témoignages. Or, force est de constater qu’un harcèlement moral relève nécessairement d’un comportement individuel et personnel du prétendu harceleur. Par conséquent, des faits de harcèlement moral commis par C et E ne sauraient être imputés à D. À cet égard, il convient également de relever que le SEAE n’avait pas encore clos, au moment du dépôt de la présente requête, l’enquête administrative ouverte à l’égard de C et de E. La décision rejetant partiellement la demande d’assistance ne préjuge d’ailleurs aucunement de la conclusion de cette enquête.

54      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’AIPN a pu, à bon droit, considérer que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral à son égard de la part de D, de sorte que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur d’appréciation des faits imputables à F

55      Dans la seconde branche du deuxième moyen, le requérant reproche au SEAE d’avoir considéré qu’il n’avait apporté aucun commencement de preuve de la réalité des agissements de harcèlement imputables à F. Selon le requérant, F a notamment validé les mémoires déposés devant le Tribunal contenant une déclaration frauduleuse destinée à fausser son consentement lors de la conclusion de l’accord amiable. En outre, F aurait validé ou signé des réponses à des réclamations évoquant cette déclaration frauduleuse. Par ailleurs, F, en tant que directeur général du budget et de l’administration, aurait cautionné les décisions par lesquelles les candidatures du requérant avaient été rejetées conformément à l’orientation ou à l’instruction donnée par l’ancienne secrétaire générale du SEAE, C. À cet égard, le requérant fait valoir, tout en s’appuyant sur des témoignages fournis en annexe à la demande d’assistance, que F s’est abstenu de relever les illégalités manifestes de l’attitude du SEAE à son égard, alors qu’il en aurait eu connaissance et qu’il aurait eu le pouvoir d’intervenir. Par conséquent, il aurait engagé sa propre responsabilité en ce qui concerne les actes et les décisions adoptés par l’administration. De surcroît, F aurait contribué à alourdir la succession de procédures contentieuses en cautionnant un déni systématique de l’existence d’une situation de harcèlement dans les réponses aux réclamations et dans les écritures soumises au Tribunal. En outre, F aurait exercé à l’égard du requérant une forme d’intimidation en présentant son attitude comme insuffisamment constructive et ouverte dans le contexte de la mise en œuvre de l’arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734). À cet égard, le requérant renvoie notamment à une formulation contenue dans une note signée par F en date du 23 mars 2020 et adressée à sa représentante. Enfin, F aurait tenté de contraindre le requérant à quitter son emploi pour un autre emploi, ce qui aurait été qualifié par E de sanction visant le requérant et non de décision dans l’intérêt du service.

56      Le SEAE conteste ces arguments.

57      En réponse aux arguments avancés par le requérant dans le cadre de cette seconde branche, il convient de rappeler tout d’abord que les explications fournies par le SEAE dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 12 février 2021, Colombani/SEAE (T‑507/20, non publiée, EU:T:2021:95), ainsi que dans des décisions de rejet de réclamation ultérieures, quant aux circonstances entourant la promotion d’un autre fonctionnaire ne sauraient être qualifiées de déclarations frauduleuses susceptibles d’avoir vicié le consentement du requérant à l’accord amiable. En effet, les documents visés au point 55 ci-dessus reflètent la position juridique du SEAE au sujet des allégations du requérant relatives à une violation du principe d’égalité de traitement. Par conséquent, le fait que F ait validé voire signé ces documents n’est pas susceptible d’étayer les allégations du requérant quant à l’existence de faits de harcèlement moral de la part de ce dernier.

58      Il en est de même des allégations tirées d’un déni systématique des faits de harcèlement moral dans les écritures soumises au Tribunal par le SEAE et d’un défaut d’intervention face aux prétendues illégalités commises. À cet égard, il y a lieu de considérer qu’il est loisible au SEAE, dans l’exercice de ses droits de la défense, de relever, dans le cadre d’une procédure précontentieuse ainsi que dans le cadre d’une procédure devant le Tribunal, l’absence de tout commencement de preuve des faits de harcèlement moral allégués. L’exercice de ces droits de la défense ne saurait constituer une négation systématique des faits de harcèlement moral susceptible d’être constitutive d’un commencement de preuve. Au contraire, la reconnaissance de faits de harcèlement moral par l’administration en dépit de tout élément de preuve et avant la clôture d’une enquête administrative à cet égard porterait atteinte au principe de la présomption d’innocence des personnes mises en cause par de telles allégations (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 89). Dans ces conditions, le fait que F a validé ou signé des mémoires déposés dans le cadre de procédures juridictionnelles ou des décisions rejetant des réclamations administratives qui réfutent des allégations de harcèlement moral au motif que ces allégations ne sont pas étayées par un commencement de preuve suffisant ne saurait, en soi, être qualifié de commencement de preuve d’un harcèlement moral.

59      S’agissant de l’argument tiré de la passivité de F face aux prétendues illégalités commises par l’administration du SEAE, le requérant s’appuie notamment sur le témoignage de l’un de ses collègues qui fait état d’une conversation entre lui et F dans le cadre de laquelle ce dernier aurait insinué que le requérant ne se verrait nommer à aucun poste à responsabilités tant que la secrétaire générale, C, resterait en place. Or, ce témoignage ne met aucunement en exergue un comportement actif de F à l’égard du requérant, mais se limite à reproduire une appréciation subjective quant à la situation professionnelle du requérant.

60      À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus selon laquelle l’obligation d’assistance prévue par le statut vise la défense des fonctionnaires et agents, par leur institution, contre les agissements de tiers et non contre les actes émanant de ladite institution. Il s’ensuit que le requérant doit fournir, à l’appui de sa demande d’assistance, un commencement de preuve mettant en exergue un comportement individuel et personnel de la part de la personne visée par cette demande susceptible d’être qualifié de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut. En revanche, il ne suffit pas que le demandeur invoque une connaissance, de la part de la personne visée par la demande d’assistance, d’actes commis par des tiers ou par l’institution elle-même sans néanmoins établir, par le biais d’un commencement de preuve, la réalité d’une participation individuelle de cette personne visée par la demande d’assistance à ces actes. En l’occurrence, le témoignage présenté en annexe à la demande d’assistance ne permet pas d’imputer à F des faits de harcèlement moral prétendument commis notamment par l’ancienne secrétaire générale, C, ou par E.

61      De surcroît, le SEAE a ouvert, à la suite de la demande d’assistance du requérant, une enquête administrative à l’égard de C et de E. Cette enquête n’avait pas encore été close au moment du dépôt de la requête dans la présente affaire et le rejet partiel de la demande d’assistance en ce qu’elle a été dirigée contre D et F ne préjuge en rien l’issue de cette dernière. En tout état de cause, l’existence de faits de harcèlement moral commis par ces personnes n’ayant pas été établie, l’argument du requérant tiré, en substance, d’une passivité de F face aux actes prétendument commis par ces dernières ne saurait prospérer.

62      S’agissant des allégations selon lesquelles F a cautionné les décisions de rejet de candidatures conformément à l’orientation ou à l’instruction donnée par l’ancienne secrétaire générale, C, il y a lieu de relever que le requérant n’étaye pas ces allégations et n’explique aucunement comment F aurait influencé ces décisions. Le requérant se limite à relever le fait que F était, au moment de la prise de décision, directeur général du budget et de l’administration, sans néanmoins expliquer dans quelle mesure ce rôle lui aurait permis d’intervenir dans les travaux des jurys. En outre, le requérant ne relève aucune illégalité concrète entachant une décision de rejet de candidature et susceptible de constituer un commencement de preuve de l’existence d’un harcèlement moral.

63      Il en est de même s’agissant de l’argument mettant en exergue une prétendue tentative de F de contraindre le requérant à quitter son emploi pour un autre emploi, laquelle n’est aucunement étayée dans la requête. Le requérant n’explique ni la nature de l’emploi en cause, ni les éléments permettant de conclure à l’existence d’une tentative de le contraindre à quitter son emploi.

64      Enfin, il convient également de rejeter l’argument tiré d’une prétendue tentative d’intimidation de la part de F par le biais d’une note adressée à la représentante du requérant le 23 mars 2020. Dans cette note, F a exprimé son point de vue selon lequel « l’attitude générale [du requérant lui] sembl[ait] faire partie du problème et […] toute solution amiable nécessitera[it] également un sérieux effort de sa part et une attitude plus constructive et ouverte ». Ces remarques s’inscrivent dans le contexte des discussions entre les parties portant sur les modalités de l’exécution de l’arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734). À cet égard, F indique, dans la même note, être « disposé à entamer un dialogue avec [le requérant] afin d’essayer de trouver une solution mutuellement satisfaisante ». Dans ce contexte spécifique d’une tentative de règlement à l’amiable d’une question litigieuse entre les parties, à savoir la détermination des modalités concrètes de l’exécution de l’arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734), le rappel de la part de F de la nécessité d’un esprit d’ouverture de la part du requérant ne saurait être considéré comme une mesure d’intimidation voire comme un commencement de preuve d’un harcèlement moral.

65      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’AIPN a pu, à bon droit, considérer que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral à son égard de la part du directeur général du budget et de l’administration, F, de sorte que la seconde branche du deuxième moyen doit également être rejetée tout comme le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une faute de service, d’une violation du devoir de sollicitude et d’une violation de la Charte et du statut

66      Le premier moyen s’articule autour de trois branches qui mettent en exergue, premièrement, l’absence de mesures de protection provisoires à l’égard du requérant, deuxièmement, le caractère illégal des menaces prétendument formulées à l’égard du requérant et, troisièmement, un manque d’impartialité de l’auteure de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une absence fautive de mise en œuvre de mesures de protection provisoires à l’égard du requérant

67      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que le SEAE s’est abstenu de le faire bénéficier de certaines des mesures prévues par la décision C(2006) 1624/3 de la Commission, du 26 avril 2006, relative à la protection de la dignité de la personne et à la lutte contre le harcèlement moral et le harcèlement sexuel à la Commission européenne, et notamment des mesures relevant de la procédure dite « informelle ». Le SEAE n’aurait organisé aucun entretien avec le requérant, ne se serait jamais enquis de son état de santé et n’aurait pas répondu aux courriers par lesquels ce dernier rappelait être prêt à traiter sa situation professionnelle par la voie amiable afin de prévenir une accumulation des contentieux à ce sujet. Par ailleurs, le SEAE aurait refusé d’accorder au requérant une aide, notamment financière, pour contribuer aux poursuites contre les auteurs de faits de harcèlement. La motivation de ce refus serait manifestement non conforme au statut et à la décision C(2006) 1624/3 dans la mesure où le SEAE aurait subordonné l’exécution du devoir d’assistance aux conclusions de l’administration quant à la réalité des faits de harcèlement, ce qui viderait de leur substance les dispositions légales visant à accorder à une victime de harcèlement un minimum d’assistance et, par ailleurs, de protection. Le requérant estime que le SEAE aurait pu assortir l’assistance financière sollicitée d’une clause de remboursement des frais avancés dans l’hypothèse où des décisions judiciaires auraient conclu à l’absence de bien-fondé de ses accusations.

68      Le SEAE conteste ces arguments.

69      En l’espèce, il ressort des points 45 à 54 et 57 à 65 ci-dessus que le SEAE n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant, dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve quant à l’existence des faits de harcèlement moral prétendument commis par D et par F.

70      Dans ces conditions et eu égard à la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, le SEAE n’avait pas l’obligation d’ouvrir une enquête administrative à l’égard de D et de F, ni d’adopter davantage de mesures de protection provisoires sous forme de mesures informelles de protection ou d’aide financière.

71      De surcroît, l’argument du requérant tiré de la décision C(2006) 1624/3, applicable au SEAE en vertu de la décision PROC EEAS(2011)002, du 29 novembre 2011, est inopérant étant donné que les mesures de protection qui y sont identifiées comme relevant de la procédure dite informelle sont sans incidence sur la décision d’ouvrir ou non une enquête administrative à la suite d’une demande d’assistance. À cet égard, il y a lieu de relever que la décision C(2006) 1624/3 établit une politique interne de prévention du harcèlement moral et sexuel et ne remet pas en cause, en tant que telles, les exigences établies par la jurisprudence en ce qui concerne le traitement d’une demande d’assistance, et notamment en ce qui concerne l’exigence d’un commencement de preuve et le respect de la présomption d’innocence des auteurs d’un harcèlement moral allégué.

72      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’illégalité des menaces formulées à l’égard du requérant

73      Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, le requérant fait valoir que le SEAE formule, dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, des menaces visant l’hypothèse dans laquelle il transmettrait des informations relatives à sa situation de harcèlement allégué aux autorités pénales belges ou aux membres du Parlement. À l’appui de son argument, le requérant renvoie notamment à des formulations contenues dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, aux termes desquelles « il lui appartient donc d’évaluer l’impact qu’auront ses actions », « les actions [qu’il] compte exercer […] ont vocation à être perçues comme résultant de sa part d’une volonté d’exercer une pression externe sur le SEAE » et « [l’]AIPN souligne que ce type d’attitude est contraire à celle d’un fonctionnaire diligent et loyal ». Selon le requérant, ces propos énonceraient des menaces constitutives d’une violation de l’article 12 bis, paragraphe 2, du statut.

74      Le SEAE conteste ces arguments.

75      À cet égard, force est de constater que les prétendues menaces visent une divulgation d’informations aux autorités judiciaires belges et aux membres du Parlement. En tant que telles, même à les supposer établies, elles sont sans incidence sur la décision rejetant partiellement la demande d’assistance en ce qu’elle concerne D et F, décision dont l’annulation est demandée dans le cadre du présent recours. Dès lors, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant inopérante.

76      En tout état de cause, les éléments dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance relevés par le requérant ne sont aucunement constitutifs de menaces, mais se limitent, en substance, à rappeler ses obligations statutaires, à la lumière desquelles son comportement pourrait être apprécié par l’AIPN. Plus particulièrement, en relevant que la volonté d’exercer une pression externe sur le SEAE est susceptible de causer un préjudice à son image et constitue une attitude « contraire à celle d’un fonctionnaire diligent et loyal », le SEAE expose la manière dont les actions envisagées par le requérant pourraient été perçues, tout en lui laissant la liberté d’apprécier l’utilité et l’opportunité de ces actions. À cet égard, il convient également de relever que le SEAE ne tire pas de conséquences statutaires concrètes en cas de violation notamment du devoir de loyauté du requérant, ce qui s’oppose à la qualification de menaces des éléments relevés par ce dernier et prétendument susceptibles de prouver l’existence de faits de harcèlement moral à son égard.

77      La deuxième branche du premier moyen doit donc être rejetée.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, tirée du manque d’impartialité et d’un conflit d’intérêts de l’auteure de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance

78      Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, le requérant fait valoir que la décision rejetant partiellement la demande d’assistance a été irrégulièrement signée par la directrice des ressources humaines. Or, le supérieur hiérarchique de cette dernière, à savoir le directeur général du budget et de l’administration, F, était, au moment de la signature, l’une des personnes mises en cause par le requérant. Ainsi, la décision rejetant partiellement la demande d’assistance violerait « les règles visant à prévenir les conflits d’intérêt[s] ».

79      Le SEAE conteste ces arguments. Par ailleurs, il relève que le requérant n’a pas fait valoir une telle violation dans ses réclamations, de sorte que la règle de concordance s’oppose à ce qu’il l’invoque à l’appui du présent recours.

80      À titre liminaire, il convient de constater que le requérant a soulevé le manque d’impartialité de l’auteure de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance dans la réclamation R/460/21. Dès lors, contrairement à ce qu’allègue le SEAE, le requérant a respecté la règle de concordance entre la requête et la réclamation.

81      En réponse à la troisième branche du troisième moyen, il convient de rappeler tout d’abord que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union, garanti par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, est un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, points 88 et 89), et que, selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Schniga/OCVV, C‑625/15 P, EU:C:2017:435, point 47).

82      L’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑270/20, non publié, EU:T:2022:651, point 146 et jurisprudence citée). Il ressort de la jurisprudence que l’impartialité subjective est présumée jusqu’à preuve du contraire (voir arrêt du 20 octobre 2021, Kerstens/Commission, T‑220/20, EU:T:2021:716, point 35 et jurisprudence citée).

83      En l’espèce, le requérant se limite à invoquer le lien hiérarchique entre l’auteure de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance et le directeur général du budget et de l’administration, F. Ainsi, le requérant met en réalité en cause l’impartialité objective de l’administration dans l’adoption de ladite décision.

84      Il est constant que la directrice des ressources humaines était, au moment de la signature de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, l’une des subordonnées du directeur général du budget et de l’administration, F, auquel le requérant reproche, dans la demande d’assistance, des faits de harcèlement moral. Par ailleurs, le SEAE n’a pas fourni d’informations relatives à des mesures procédurales spécifiques qui auraient été prises dans le cas d’espèce en ce qui concernait un traitement impartial de la demande d’assistance en ce qu’elle visait ledit directeur général, eu égard au lien hiérarchique existant entre celui-ci et l’auteure de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance.

85      Il convient, cependant, de tenir compte du fait que la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, signée par la directrice des ressources humaines, a fait l’objet de la réclamation R/460/21 (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Hamers/Cedefop, T‑159/20, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:913, points 57 à 61).

86      L’objectif de la procédure administrative de réclamation est de permettre et de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre le réclamant et l’autorité compétente et d’imposer à cette autorité dont dépend le fonctionnaire de réexaminer sa décision, dans le respect des règles, à la lumière des objections éventuelles de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, point 144). Dans ce cadre, cette procédure permet au réclamant de préciser ses prétentions et à l’administration de corriger d’éventuelles erreurs, de reconsidérer sa position et de compléter la motivation de la décision contestée.

87      Ainsi, la procédure précontentieuse a été prévue non seulement dans l’intérêt de l’administration, mais également dans l’intérêt du fonctionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 1990, Pfloeschner/Commission, T‑135/89, EU:T:1990:26, point 17), qui doit bénéficier d’un réexamen régulier de la décision de l’administration.

88      Or, il convient de souligner que, par sa décision du 26 novembre 2021, le secrétaire général exécutif du SEAE, L, en tant qu’AIPN, a procédé au réexamen de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance et s’est forgé, ce faisant, sa propre opinion sur les éléments de preuve fournis à l’appui des allégations formulées par le requérant à l’égard du directeur général du budget et de l’administration, F.

89      Dans ces conditions, même si des doutes quant à l’impartialité objective de l’auteure de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance pouvaient exister, le réexamen de cette décision par le secrétaire général exécutif du SEAE a permis de corriger cette irrégularité.

90      En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que, pour qu’une irrégularité procédurale puisse justifier l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 74 et jurisprudence citée).

91      Dans le cadre de cet examen, il doit être tenu compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, notamment, de la nature des griefs et de l’ampleur des irrégularités procédurales commises par rapport aux garanties dont le fonctionnaire a pu bénéficier (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, UZ/Parlement, T-47/18, EU:T:2019:650, point 61 et jurisprudence citée).

92      En l’espèce, il ressort des points 57 à 65 ci-dessus que le SEAE a pu, à bon droit, considérer que le requérant n’avait pas apporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part du directeur général du budget et de l’administration, F. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, en l’absence d’un commencement de preuve de la réalité des allégations de harcèlement moral, l’AIPN ne saurait être tenue d’ouvrir, en méconnaissance des droits des personnes mises en cause dans la demande d’assistance, une enquête administrative à leur égard. Il s’ensuit que l’AIPN n’a, en réalité, pas de marge d’appréciation quant à la décision de rejeter la demande d’assistance dès lors que les allégations qui y sont formulées ne sont pas assorties d’un commencement de preuve au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut. En effet, en l’absence de tout commencement de preuve d’un harcèlement moral, l’AIPN doit nécessairement rejeter la demande d’assistance et ne saurait ouvrir une enquête administrative à l’égard des personnes mises en cause par la demande d’assistance. Il s’ensuit que, en l’espèce, même si la décision rejetant partiellement la demande d’assistance avait été signée par une personne dépourvue de lien hiérarchique avec le directeur général du budget et de l’administration, F, il est exclu que le traitement de la demande d’assistance aurait abouti à un résultat autre que son rejet en ce qu’elle était dirigée contre ledit directeur général.

93      Dans ces conditions, la troisième branche du premier moyen, tirée d’un manque d’impartialité, ne saurait prospérer et doit, dès lors, être rejetée. Par suite, il convient d’écarter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur les troisième et quatrième moyens, tirés d’un détournement de pouvoir

94      Dans le cadre des troisième et quatrième moyens, le requérant fait valoir que la décision rejetant partiellement la demande d’assistance lui interdit, d’une part, de transmettre toute information sur la situation de harcèlement moral alléguée aux autorités judiciaires belges en vue de l’introduction d’une éventuelle procédure pénale contre les auteurs des actes de harcèlement moral allégués, lesquels constituent, selon lui, des délits au regard de la législation belge, et, d’autre part, de recourir à l’assistance d’un ou de plusieurs membres du Parlement. Ces interdictions porteraient gravement atteinte à ses droits tels que garantis par l’article 227 TFUE, par les articles 44 et 47 de la Charte et par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

95      Au soutien de ces interdictions, le SEAE s’appuierait sur une interprétation abusive des articles 11 et 17 du statut, dont il aurait détourné les dispositions. Plus particulièrement, le SEAE ne saurait prétendre que le statut constitue une lex specialis par rapport aux procédures pénales devant les juridictions nationales, ni que le statut subordonne le droit du requérant de saisir une juridiction pénale nationale à l’achèvement d’une procédure menée devant le Tribunal. En outre, le SEAE ne saurait lui reprocher un manquement à son devoir de loyauté étant donné qu’il a épuisé toutes les voies de recours internes au sein du SEAE avant de saisir les juridictions belges et qu’il les a saisies plus de quatre ans après les faits de harcèlement allégués. De plus, le SEAE ne saurait opposer à la victime potentielle d’actes de harcèlement moral un devoir de loyauté à l’égard de son employeur. Dès lors, en rappelant au requérant les obligations découlant de l’article 11 du statut pour le dissuader de poursuivre pénalement ses supérieurs hiérarchiques, le SEAE aurait détourné les dispositions de cet article.

96      Par ailleurs, le SEAE ne saurait invoquer, à l’égard du requérant, une violation des obligations prévues à l’article 17 du statut, étant donné que F n’a pas répondu à la demande du requérant en date du 24 février 2021 visée au point 8 ci-dessus. Ce défaut de réponse équivaudrait, « dans l’esprit de l’article 17 bis, [paragraphe] 2, [deuxième alinéa, du statut] », à un accord tacite de la part du SEAE. De plus, le requérant estime que l’AIPN ne peut refuser l’autorisation à un fonctionnaire de faire état en justice des constatations qu’il a faites en raison de ses fonctions que si les intérêts de l’Union l’exigent, ce qui devrait ressortir de la motivation de la décision d’interdiction. En outre, le requérant se prévaut de l’exception prévue par l’article 19, deuxième alinéa, du statut, en vertu duquel l’interdiction visée au premier alinéa ne s’applique pas au fonctionnaire témoignant devant la Cour de justice de l’Union européenne ou devant le conseil de discipline d’une institution, pour une affaire intéressant un agent ou un ancien agent de l’Union. Selon le requérant, cette disposition s’applique par analogie aux procédures devant les juridictions nationales. Le requérant renvoie par ailleurs à l’accord amiable qui ne s’opposerait pas à ce qu’il défende ses droits et ses intérêts par les voies légales appropriées.

97      Enfin, le requérant estime que l’interdiction de solliciter l’assistance d’un membre du Parlement constitue une discrimination à son égard, dans la mesure où les interventions des autorités politiques pour promouvoir les intérêts et la carrière d’un employé du SEAE seraient une pratique courante.

98      Le SEAE conteste ces arguments.

99      À titre liminaire, force est de constater que les prétendues interdictions de saisir les autorités belges et de solliciter l’assistance de certains membres du Parlement sont sans incidence, d’une part, sur la décision de ne pas ouvrir une enquête administrative à l’égard de D et de F et, d’autre part, sur le rejet partiel de la demande d’assistance du requérant à leur égard. En outre, à l’instar du SEAE, il y a lieu de relever que le requérant a informé le SEAE, le 12 août 2021, du fait qu’il avait saisi les autorités pénales belges d’une plainte avec constitution de partie civile. Or, il ne ressort pas du dossier que le SEAE lui aurait infligé une sanction ou tiré d’autres conséquences de cette action, de sorte que les troisième et quatrième moyens doivent être rejetés comme étant inopérants.

100    En tout état de cause, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la décision rejetant partiellement la demande d’assistance ne formule aucunement une interdiction de saisir les autorités judiciaires belges ou de solliciter l’assistance d’un membre du Parlement.

101    S’agissant de la prétendue interdiction de saisir les autorités judiciaires belges, il y a lieu de relever que la décision rejetant partiellement la demande d’assistance se limite à indiquer, d’une part, que « [l’a]uditorat du travail belge n’est pas compétent pour intervenir en la matière », car le requérant « n’est pas employé sous un contrat de droit belge, mais est un fonctionnaire soumis aux dispositions du [s]tatut, qui prévoit une série de procédures autonomes », et, d’autre part, que « [l]es tribunaux belges ne sont pas compétents non plus », car « la Cour de Justice [de l’Union européenne] a une juridiction exclusive sur les affaires du personnel de l’[Union] ([a]rticle 270 TF[UE]) ». Ainsi, le SEAE a fait part au requérant, dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, de son analyse juridique du cadre juridique applicable à sa situation statutaire et de la compétence de la Cour de Justice de l’Union européenne pour statuer sur les relations entre les fonctionnaires et les institutions de l’Union, tout en soulignant qu’« il [relevait] de sa propre responsabilité d’apprécier le bien-fondé de ses actions ».

102    Il en est de même s’agissant de la prétendue interdiction de solliciter l’assistance de certains membres du Parlement. À cet égard, la décision rejetant partiellement la demande d’assistance relève que « rien n’empêche [le requérant] » de s’adresser au membres du Parlement. Dans la mesure où le SEAE explique par ailleurs, dans la décision rejetant partiellement la demande d’assistance, que les actions envisagées par le requérant pourraient être perçues comme un manquement à l’obligation de suivre les voies de recours statutaires pour la résolution des conflits et des litiges entre les fonctionnaires et leur institution, à l’obligation de loyauté envers l’institution inscrite à l’article 11 du statut ainsi qu’à l’obligation de s’abstenir de toute divulgation non autorisée d’informations obtenues dans le cadre de l’exercice de ses fonctions inscrite à l’article 17 du statut, il ne fait que rappeler les obligations statutaires que le requérant est censé respecter en tant que fonctionnaire du SEAE, tout en lui laissant la possibilité d’« évaluer personnellement l’impact qu’auront ses actions ». Or, un tel rappel des obligations statutaires d’un fonctionnaire ne saurait constituer un détournement de pouvoir.

103    L’argument du requérant selon lequel le SEAE ne saurait invoquer une violation des obligations prévues à l’article 17 du statut, car l’absence de réponse à son courriel du 24 février 2021 équivaudrait, « dans l’esprit de l’article 17 bis, paragraphe 2, [deuxième alinéa, du statut,] à un accord tacite de la part du SEAE à la divulgation d’informations », ne saurait prospérer. Les articles 17 et 17 bis du statut ont des objets différents dans la mesure où l’article 17 du statut concerne l’interdiction faite à tout fonctionnaire ou agent de divulguer des informations non publiques de toute nature dont la connaissance est liée à l’exercice de ses fonctions, à moins qu’il n’y ait été préalablement autorisé, alors que l’article 17 bis du statut concerne, quant à lui, la publication, protégée en vertu de la liberté d’expression, de textes quelconques, portant, notamment, sur un travail, une étude ou des opinions, qui se rattachent à l’activité de l’Union (voir arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 145 et jurisprudence citée). En l’espèce, à supposer même qu’il constitue une demande d’autorisation, il convient de considérer que le courriel du 24 février 2021 portait sur la divulgation d’informations, laquelle est régie par l’article 17 du statut. Partant, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la prétendue absence de réponse à ce courriel ne valait pas absence d’objection implicite au sens de l’article 17 bis, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut.

104    Le requérant ne saurait non plus s’appuyer sur l’exception prévue à l’article 19, deuxième alinéa, du statut, qui s’applique uniquement aux fonctionnaires témoignant devant la Cour de justice de l’Union européenne ou devant le conseil de discipline d’une institution. Rien ne permet de considérer que cette disposition s’applique par analogie aux fonctionnaires ayant saisi les autorités judiciaires belges d’une plainte concernant leurs conditions de travail dans une institution ou dans un organe de l’Union.

105    Enfin, à supposer que la décision rejetant partiellement la demande d’assistance contienne l’interdiction de solliciter certains membres du Parlement, quod non, elle ne saurait porter atteinte au droit de pétition prévu à l’article 227 TFUE et à l’article 44 de la Charte. Ce droit permet de présenter une pétition au Parlement « sur un sujet relevant des domaines d’activité de l’Union ». En revanche, le droit de pétition ne couvre pas les faits relevant, comme ceux en cause en l’espèce, de la relation professionnelle entre un fonctionnaire et son institution faisant l’objet d’une réclamation administrative ou d’un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE.

106    Le requérant n’est, en tout état de cause, pas dépourvu de protection juridique effective telle que garantie par l’article 47 de la Charte, étant donné qu’il a pu introduire le présent recours en annulation de la décision rejetant partiellement la demande d’assistance.

107    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les troisième et quatrième moyens comme étant inopérants et, en tout état de cause, comme étant non fondés.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la non-conformité de l’examen de la demande d’assistance avec la décision C(2019) 4231

108    Dans le cadre du cinquième moyen, le requérant invoque une double violation de l’article 3, paragraphe 1, de la décision C(2019) 4231 de la Commission, du 12 juin 2019, établissant les dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, en vertu duquel « [l’Office d’investigation et de discipline de la Commission] exécute l’ensemble de ses tâches de manière objective et impartiale, dans le respect des principes de légalité, de proportionnalité et de confidentialité, en tenant compte de toutes les circonstances portées à sa connaissance ».

109    D’une part, le requérant estime que le fait que la description de son poste dans l’application Sysper a fait l’objet d’une modification de la part du SEAE quelques heures après un entretien téléphonique confidentiel qui a eu lieu le 10 mars 2021 entre lui et des agents de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) et au cours duquel l’absence de description de son poste dans l’application Sysper avait été évoquée est révélateur d’une concertation entre l’IDOC et le SEAE en violation de l’obligation de confidentialité telle qu’elle découlerait de l’article 3 de la décision C(2019) 4231. D’autre part, le requérant fait valoir que l’IDOC n’a pas tenu compte de manière impartiale et objective de toutes les circonstances portées à sa connaissance, étant donné que la plupart des témoins qu’il a mis en avant n’auraient pas été entendus par lui et que deux des témoins, à savoir J et K, n’auraient été interrogés que sur les faits concernant C et E et non sur les faits concernant D et F.

110    Le SEAE fait valoir que, ce moyen n’ayant pas été soulevé au stade de la réclamation administrative, il est irrecevable en application de la règle de concordance entre la réclamation et la requête.

111    Sans qu’il soit nécessaire de s’interroger quant à la présence, dans la réclamation, d’un grief pouvant être rattaché au présent moyen en conformité avec la règle de concordance, il y a lieu de considérer que, en tout état de cause, la modification de la description du poste du requérant dans l’application Sysper ne prouve aucunement une violation des obligations de confidentialité telles qu’elles ressortent de l’article 3 de la décision C(2019) 4231.

112    Par ailleurs, s’agissant de l’audition des témoins, il convient de relever qu’il ressort des points 45 à 54 et 57 à 65 ci-dessus que le requérant n’a apporté aucun commencement de preuve d’un harcèlement moral de la part de D ou de F, de sorte que le SEAE n’était pas obligé d’ouvrir une enquête administrative à leur égard. Or, en l’absence d’enquête administrative, il ne peut pas être reproché à l’IDOC de ne pas avoir entendu J et K sur des faits concernant D et F.

113    Dans ces conditions, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur les conclusions en indemnité

114    À l’appui de sa demande indemnitaire, le requérant fait valoir que le SEAE a commis plusieurs fautes dans la gestion de son dossier qui présenteraient un lien direct avec le dommage subi. Le SEAE aurait notamment manqué à son devoir d’assistance en dépit d’une demande formelle en ce sens et aurait ainsi laissé perdurer une situation de harcèlement moral à son égard. Par ailleurs, ses efforts pour accéder à un nouvel emploi auraient été contrés par le SEAE. Ces agissements l’auraient placé dans une situation d’isolement professionnel et l’auraient contraint à déclencher plusieurs procédures contentieuses successives pour préserver ses droits et ses intérêts.

115    Le requérant demande dès lors la réparation du préjudice matériel qui correspondrait aux frais d’assistance juridique engendrés lors de la phase précontentieuse. En revanche, le requérant a renoncé, lors de l’audience, à la partie du chef de conclusions indemnitaire initialement formulée dans la requête visant un préjudice matériel correspondant à la différence entre le salaire versé depuis le mois de mai 2021 et le montant supérieur qu’il aurait touché en cas de promotion rétroactive au grade AD 14 au 1er janvier 2017.

116    Enfin, le requérant demande la réparation d’un préjudice moral qui aurait été causé par la succession de décisions illégales à son égard, décisions qui seraient à l’origine de sa mise à l’écart professionnelle. Cette dernière aurait non seulement été de nature à l’épuiser physiquement et psychologiquement, mais l’aurait également affecté dans sa dignité professionnelle en raison du dénigrement de ses compétences et de l’instauration d’un contexte menaçant.

117    Le SEAE conclut au rejet des conclusions indemnitaires comme étant irrecevables ou, à tout le moins, non fondées.

118    À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 202 et jurisprudence citée).

119    En l’espèce, le requérant fait valoir que la réalité des illégalités commises par le SEAE dans la gestion de son dossier, qu’il invoque à l’appui de sa demande indemnitaire, est démontrée par les éléments avancés à l’appui des conclusions en annulation exposés dans la requête. Ainsi, dans la mesure où, selon le requérant lui-même, les conclusions indemnitaires sont étroitement liées aux conclusions en annulation et que ces dernières ont été rejetées, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées comme étant non fondées.

 Sur les chefs de conclusions concernant l’accord amiable et la prétendue décision implicite de promouvoir le requérant au grade AD 14

120    Sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure, le SEAE conteste la recevabilité des conclusions en ce qu’elles visent l’annulation de l’accord amiable et de la prétendue décision implicite de promouvoir le requérant au grade AD 14 telle qu’elle lui aurait été communiquée par le biais du bulletin de rémunération du mois de mai 2021.

121    En premier lieu, le SEAE fait valoir que l’accord amiable ne constitue pas un acte attaquable dans la mesure où les parties ont librement accepté ses termes. Ayant été conclu et entériné sous l’autorité du juge rapporteur, l’accord amiable constituerait un acte authentique revêtu d’une force exécutoire propre qui s’opposerait à ce qu’il soit contesté en justice. Seul un vice du consentement permettrait de remettre en question sa validité. Or, en l’absence de toute manœuvre dolosive de la part du SEAE lors des négociations ayant mené à la conclusion de l’accord amiable, le requérant ne saurait invoquer, en l’espèce, un tel vice. En outre, le requérant n’aurait invoqué aucune norme d’ordre public à laquelle l’accord amiable se heurterait. En second lieu, l’accord amiable et le bulletin de rémunération du mois de mai 2021 ne sont pas, selon le SEAE, des actes faisant grief dans la mesure où le requérant a été promu de manière rétroactive au grade AD 14 et reçoit, en raison de cette promotion, une rémunération plus élevée qu’avant la conclusion de l’accord amiable. Dans ces conditions, le requérant ne saurait se prévaloir d’un intérêt à obtenir leur annulation. En ce qui concerne plus particulièrement ledit bulletin de rémunération, le SEAE fait valoir qu’il ne serait qu’un acte confirmatif de la décision de promouvoir le requérant au grade AD 14 prise par le biais de l’accord amiable.

122    Le requérant a contesté ces arguments lors de l’audience. Il estime que le recours est recevable en ce qu’il est dirigé contre l’accord amiable et la décision de promotion rétroactive prétendument contenue dans le bulletin de rémunération du mois de mai 2021.

123    S’agissant, dans un premier temps, du chef de conclusions visant l’accord amiable, il convient de relever que, contrairement à ce que prévoit l’article 91, paragraphe 2, du statut, le requérant n’a pas saisi l’AIPN d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut visant la validité de l’accord amiable avant d’introduire le présent recours.

124    D’une part, dans le paragraphe introductif de la réclamation R/413/21, le requérant précise qu’il « souhaite introduire une réclamation au titre de l’article 90 du [s]tatut visant la décision implicite de l’AIPN du SEAE qu’a traduite, à partir de [s]a fiche de salaire du mois de mai 2021, la fixation de [s]on salaire sur base du grade AD 14, avec le paiement d’arriérés de salaire calculés sur base d’une prise d’effet de ce grade AD 14 au 1[er] janvier 2018 ». Ainsi, la réclamation R/413/21 ne vise, en tant que tel, que la décision de promotion rétroactive au grade AD 14 telle que prétendument contenue dans le bulletin de rémunération du mois de mai 2021. Certes, le requérant indique également dans ladite réclamation qu’il « souhaite prier l’AIPN du SEAE de se prononcer sur les mesures qu’il envisage pour remédier à la situation résultant des déclarations frauduleuses qu’il a faites devant le Tribunal et de leur impact sur la validité des consentements donnés durant la procédure de conciliation ». Toutefois, cette demande accessoire ne saurait être interprétée comme constituant, au sein de ladite réclamation, également une réclamation contre cet accord lui-même.

125    De surcroît, la réclamation R/412/21 et la réclamation R/460/21 présentées également en annexe à la requête introductive ne sont pas non plus dirigées contre l’accord amiable.

126    En tout état de cause, à supposer même que la réclamation R/413/21 doive être interprétée comme étant dirigée non seulement contre le bulletin de rémunération de mai 2021, mais également contre l’accord amiable, force est de constater qu’elle n’a été introduite, en ce qui concerne ce dernier, qu’après l’expiration du délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut. À cet égard, le requérant a confirmé, lors de l’audience, avoir eu, au moment de la conclusion de l’accord amiable, une connaissance précise du contenu d’une note du directeur général du budget et de l’administration, F, du 19 décembre 2018, adressée à un autre fonctionnaire et informant ce dernier de sa promotion rétroactive. Or, selon le requérant, cette note constituerait la preuve du caractère mensonger des déclarations faites par le SEAE quant au respect du principe d’égalité de traitement dans l’exécution de l’arrêt du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE (T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734), ayant vicié son consentement à l’accord amiable. Le requérant était donc en mesure de saisir l’AIPN du SEAE d’une réclamation visant l’accord amiable tout en faisant valoir le vice du consentement invoqué dès la conclusion dudit accord le 9 février 2021. Dans ces conditions, la réclamation R/413/21, introduite le 1er août 2021, ne respectait pas, en ce qu’elle aurait visé la validité de l’accord amiable, le délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

127    D’autre part, le requérant a introduit, le 29 novembre 2021, auprès de l’AIPN la réclamation R/618/21 visant explicitement le défaut d’exécution du point 2 de l’accord amiable, au motif que le SEAE aurait noirci des données au-delà de ce qui avait été convenu au point 2 de l’accord amiable. Le SEAE n’avait pas encore statué sur cette réclamation au moment de l’introduction du présent recours. C’est uniquement postérieurement à l’introduction du présent recours que le SEAE a adopté, le 29 mars 2022, une décision rejetant ladite réclamation, contre laquelle le requérant a introduit, le 6 juillet 2022, un recours en annulation dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑414/22.

128    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le non-respect du point 2 de l’accord amiable ne peut pas valablement être contesté dans le cadre du chef de conclusions visant l’annulation de l’accord amiable.

129    Au vu de ce qui précède, le présent recours est irrecevable en ce qu’il remet en cause la validité de l’accord amiable.

130    S’agissant, dans un second temps, des chefs de conclusions visant le bulletin de rémunération du mois de mai 2021 dans la mesure où il contiendrait la décision de promotion rétroactive du requérant au grade AD 14, il y a lieu de rappeler qu’un bulletin de rémunération, de par sa nature et son objet, n’a pas les caractéristiques d’un acte faisant grief lorsqu’il ne fait que traduire en termes pécuniaires la portée de décisions juridiques antérieures, relatives à la situation administrative du fonctionnaire ou du retraité ou, en d’autres termes, lorsqu’il n’apparaît que purement confirmatif de ces décisions administratives antérieures (voir arrêt du 5 février 2016, Barnett et Mogensen/Commission, F‑56/15, EU:F:2016:11, point 35 et jurisprudence citée).

131    En l’espèce, le bulletin de rémunération du mois de mai 2021 se limite à mettre en œuvre en termes pécuniaires la promotion rétroactive du requérant au grade AD 14 à partir du 1er janvier 2018 conformément à l’engagement pris par le SEAE au point 1 de l’accord amiable. Dans la mesure où l’accord amiable contient un engagement inconditionnel et précis émanant de l’AIPN pourvu de force exécutoire en ce qui concerne les modalités concrètes de la promotion rétroactive du requérant, cet engagement doit être considéré comme constitutif d’une décision définitive de l’AIPN à l’égard du requérant. En effet, le requérant était en mesure, sur la base de l’accord amiable, d’appréhender la portée de l’engagement pris par le SEAE quant à sa situation statutaire qui, dès lors, était directement déterminée par l’accord amiable. Le bulletin de rémunération du mois de mai 2021, en revanche, n’apporte aucun élément nouveau par rapport à l’accord amiable et n’a pas non plus été précédé d’un réexamen de la situation statutaire du requérant. En tant que tel, le bulletin de rémunération du mois de mai 2021 doit être considéré comme étant purement confirmatif de la décision de promotion rétroactive prise par le SEAE dans l’accord amiable.

132    Il s’ensuit que le bulletin de rémunération du mois de mai 2021 ne constitue pas un acte faisant grief et que, dès lors, le recours est également irrecevable en ce qu’il vise ledit bulletin.

133    Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

135    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du SEAE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Jean-Marc Colombani est condamné aux dépens.

Svenningsen

Laitenberger

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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