Groz-Beckert v EUIPO () and blanche sur un emballage rectangulaire) (EU trade mark - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-277/22 (06 September 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T27722.html
Cite as: [2023] EUECJ T-277/22, EU:T:2023:498, ECLI:EU:T:2023:498

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 septembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne consistant en l’apposition des couleurs rouge et blanche sur un emballage rectangulaire – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Examen d’office des faits – Article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑277/22,

Groz-Beckert KG, établie à Albstadt (Allemagne), représentée par Mes M. Nielen et U. Kaufmann, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Ringelhann et T. Klee, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, R. Mastroianni et T. Tóth, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Groz‑Beckert KG, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 mars 2022 (affaire R 1444/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 22 mai 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe « de position de couleur » suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 7 et 26 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Pièces et ensembles de pièces pour machines à coudre, machines à broder, machines à tricoter chaîne, machines à tricoter pour fil de trame, machines de couture-tricotage, machines à fabriquer de la dentelle, machines à piquer et machines d’assemblage à usage industriel, à savoir aiguilles, plaques d’aiguilles, pièces en forme d’aiguilles, cartouches d’aiguilles, platines pour machines à tricoter, modules de platines pour machines à tricoter, curseur, modules de curseurs, modules de passettes et modules de lest ; pièces et ensembles de pièces pour machine à touffeter à usage industriel, à savoir aiguilles, plaques d’aiguilles, pièces en forme d’aiguilles, cartouches d’aiguilles, couteaux, modules de couteaux, dents de peigne, modules de dents de peigne, grappins et modules de grappins ; pièces et ensembles de pièces pour machines à feutrer, à savoir aiguilles de feutrage, plaques d’aiguilles et pièces en forme d’aiguilles » ;

–        classe 26 : « Aiguilles et pièces en forme d’aiguilles pour des machines à coudre, machines à broder, machines à tricoter chaîne, machines à tricoter pour fil de trame, machines de couture-tricotage, machines à fabriquer de la dentelle, machines à piquer et machines d’assemblage à usage industriel ; aiguilles et pièces en forme d’aiguilles pour machines à touffeter à usage industriel ; aiguilles et pièces en forme d’aiguilles pour machines à feutrer à usage industriel ».

4        Par décision du 30 juin 2021, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 20 août 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée ne possédait pas de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a considéré que le degré d’attention des consommateurs professionnels du secteur textile, auxquels les produits concernés étaient destinés, était « légèrement accru ». Par ailleurs, elle a estimé qu’il convenait de se fonder sur la perception de l’ensemble du public pertinent au sein de l’Union européenne et a admis que, dans le cas d’un signe constitué par une couleur en elle-même ou par une combinaison de couleurs, ledit public pertinent percevrait la marque demandée différemment d’une marque verbale en indiquant que, normalement, les consommateurs n’avaient pas l’habitude de déduire l’origine d’un produit en se fondant uniquement sur la couleur de son emballage. Quant au caractère distinctif intrinsèque de la marque en cause, la chambre de recours a considéré que la surface rectangulaire de couleur blanche et rouge pour laquelle l’enregistrement était demandé, apposée sur l’une des faces d’un emballage allongé, n’était pas suffisante pour que le public pertinent reconnaisse dans le signe demandé une indication de l’origine des produits visés par ladite marque, essentiellement des aiguilles de machines industrielles, des pièces en forme d’aiguilles, des modules et des platines pour machines textiles. Elle a ajouté que le signe pour lequel l’enregistrement était demandé avait un effet principalement fonctionnel pour les produits visés par la demande, à savoir une étiquette. En outre, ce signe pouvait également être perçu comme un élément ornemental de l’emballage. La chambre de recours a conclu que le signe en cause n’était pas apte à servir d’indication d’origine commerciale au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour tous les produits concernés par la marque demandée.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, en cas de tenue d’une phase orale de la procédure.

 En droit

 Sur la recevabilité des preuves présentées lors de l’audience

9        La requérante a, lors de l’audience, produit des documents contenant des éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés devant la chambre de recours et qui ont été produits pour la première fois devant le Tribunal. En particulier, elle a produit, d’une part, des photographies d’emballages de produits triés et classés dans des entrepôts selon leur agencement de couleurs, ce qui, selon elle, permettait plus facilement d’identifier leur provenance commerciale et, d’autre part, des photographies d’entrepôts situés en Chine où se trouvaient des produits contrefaits dont les emballages étaient identiques ou similaires à l’agencement des couleurs  du rectangle apposé sur les emballages des produits commercialisés par elle.

10      Les documents, produits pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être pris en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T-346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

11      En outre, aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les preuves et les offres de preuve doivent être présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. En vertu de l’article 85, paragraphe 3, du même règlement, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

12      Or, en l’espèce, la présentation desdits éléments de preuve, qui ne figuraient ni dans la requête ou ses annexes ni dans le dossier de procédure devant la chambre de recours, est intervenue pour la première fois lors de l’audience devant le Tribunal, sans que la requérante n’avance d’argument tendant à justifier le retard dans leur présentation. Il convient donc d’écarter ces éléments de preuve comme irrecevables, en vertu de l’article 85, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure et au regard de la jurisprudence citée au point 11 ci-dessus.

 Sur le fond

13      La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du même règlement. Elle fait valoir, en substance, que la chambre de recours a erronément considéré que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif. À cet égard, dans le cadre de son second moyen, la requérante relève que la chambre de recours a omis d’examiner d’office des faits pertinents sur la base desquels cette dernière aurait pu apprécier le caractère distinctif du signe demandé. Dans la mesure où le second moyen est relatif, à l’instar du premier, à l’appréciation de la chambre de recours du caractère distinctif du signe demandé, il convient de les examiner ensemble.

14      Tout d’abord, la requérante fait valoir que les particularités de la marque demandée, en tant que signe « de position de couleur », n’ont pas été suffisamment prises en compte par la chambre de recours. Ensuite, elle soutient que les produits visés par ladite marque sont destinés à un public spécialisé qui est amené à comprendre la configuration et le positionnement des couleurs sur l’emballage comme une indication d’origine des produits commercialisés par la requérante. Par ailleurs, la chambre de recours a procédé, selon la requérante, à une appréciation juridique erronée des faits en qualifiant de non inusuelle l’impression produite par les couleurs du signe demandé. La requérante ajoute que la chambre de recours a omis de tenir compte de l’impression produite par la combinaison des couleurs sur le public pertinent, le facteur décisif sur ce point n’étant pas l’impression des différentes couleurs en soi, et que la décision attaquée est contradictoire, dès lors que le signe demandé est considéré à la fois comme décoratif et fonctionnel. Enfin, elle soutient que la chambre de recours a violé le principe de l’examen d’office, dès lors que cette dernière s’est limitée à l’expertise des produits des concurrents sans démontrer qu’il existait sur le marché des produits similaires qui n’étaient pas des imitations de ses produits.

15      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

17      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises [arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 34, et du 28 janvier 2015, Enercon/OHMI (Dégradé de cinq nuances de la couleur verte), T‑655/13, non publié, EU:T:2015:49, point 22].

18      Il y a lieu, en outre, de rappeler que, selon la jurisprudence relative aux marques de couleurs et aux marques de combinaison de couleurs, qui est transposable aux marques de position de couleur, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, des couleurs, ou des combinaisons de couleurs, devaient remplir les trois conditions suivantes pour constituer une marque. Premièrement, elles devaient constituer un signe. Deuxièmement, ce signe devait être susceptible d’une représentation graphique. Troisièmement, ledit signe devait être propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (arrêt du 28 janvier 2015, Dégradé de cinq nuances de la couleur verte, T‑655/13, non publié, EU:T:2015:49, point 23 ; voir également, par analogie, arrêts du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, EU:C:2003:244, point 23, et du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, point 22).

19      Quant à la question de savoir si les couleurs ou les combinaisons de couleurs sont propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, il faut apprécier si elles sont aptes ou non à véhiculer des informations précises, notamment quant à l’origine d’un produit ou d’un service [arrêts du 28 janvier 2015, Dégradé de cinq nuances de la couleur verte, T‑655/13, non publié, EU:T:2015:49, point 24, et du 27 septembre 2018, Demp/EUIPO (Combinaison des couleurs jaune et grise), T‑595/17, non publié, EU:T:2018:609, point 21 ; voir également, par analogie, arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, point 37].

20      À cet égard, il convient de rappeler que, si les couleurs sont propres à susciter certaines associations d’idées et à engendrer des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à véhiculer des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis (arrêt du 27 septembre 2018, Combinaison des couleurs jaune et grise, T‑595/17, non publié, EU:T:2018:609, point 22 ; voir également, par analogie, arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, point 38).

21      Sauf dans des circonstances exceptionnelles, les couleurs n’ont pas un caractère distinctif ab initio, mais peuvent éventuellement l’acquérir à la suite d’un usage lié aux produits ou aux services visés par la demande de marque de l’Union européenne (voir ordonnance du 21 janvier 2016, Enercon/OHMI, C‑170/15 P, non publiée, EU:C:2016:53, point 31 et jurisprudence citée). Ainsi, une couleur en elle-même peut acquérir, pour les produits ou les services pour lesquels est demandé l’enregistrement, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. En revanche, s’agissant de la couleur en elle-même, l’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles, et notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et le marché pertinent très spécifique (arrêt du 27 septembre 2018, Combinaison des couleurs jaune et grise, T‑595/17, non publié, EU:T:2018:609, point 23).

22      Par ailleurs, pour apprécier le caractère distinctif qu’une couleur ou une combinaison de couleurs déterminée peut présenter en tant que marque, il est nécessaire de tenir compte de l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêt du 27 septembre 2018, Combinaison des couleurs jaune et grise, T‑595/17, non publié, EU:T:2018:609, point 24 ; voir également, par analogie, arrêts du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, EU:C:2003:244, point 60, et du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, point 41).

23      Enfin, il y a lieu de rappeler que le caractère distinctif d’un signe ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts du 12 novembre 2008, GretagMacbeth/OHMI (Combinaison de 24 carrés de couleur), T‑400/07, non publié, EU:T:2008:492, point 37, et du 27 septembre 2018, Combinaison des couleurs jaune et grise, T‑595/17, non publié, EU:T:2018:609, point 25].

24      C’est à la lumière des considérations mentionnées aux points 17 à 23 ci‑dessus qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle la marque demandée ne serait pas dépourvue de caractère distinctif.

25      S’agissant du public pertinent, ainsi qu’il a été admis par la chambre de recours, celui-ci est constitué d’acheteurs industriels des produits visés par la marque demandée. De plus, dès lors que ladite marque ne suppose aucune connaissance linguistique pour pouvoir être lue et comprise, le public pertinent est celui de l’ensemble du territoire de l’Union. Ces appréciations n’ont pas été contestées par la requérante. En revanche, et à la différence de ce qui a été admis par la chambre de recours, la requérante a soutenu dans ses écritures et réitéré lors de l’audience que, dans la mesure où les produits concernés étaient hautement spécialisés, le degré d’attention du public pertinent n’était pas légèrement, mais particulièrement accru.

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que si l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne distingue pas selon la nature des signes, il n’en reste pas moins que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’un signe constitué par une couleur ou une combinaison de couleurs, en tant que telles, et dans celui d’une marque verbale ou figurative qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, si le public a l’habitude de percevoir, immédiatement, des marques verbales ou figuratives comme des signes identificateurs de l’origine commerciale du produit, il n’en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l’aspect du produit pour lequel l’enregistrement du signe est demandé [voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Basic Net/EUIPO (Représentation de trois bandes verticales), T‑612/15, non publié, EU:T:2017:537, point 20].

27      En l’espèce, les produits concernés par la marque demandée ne sont achetés que par des consommateurs spécialisés dans le secteur du textile qui doivent veiller à ce que la compatibilité desdits produits avec les machines de fabrication des textiles soit garantie. S’il est vrai que le niveau d’attention est supérieur à la moyenne, il y a lieu de conclure, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, selon laquelle le public n’a pas nécessairement l’habitude de percevoir immédiatement un signe comme identificateur de l’origine commerciale du produit lorsque le signe se confond avec l’aspect du produit pour lequel l’enregistrement du signe est demandé, que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le niveau d’attention était légèrement plus élevé.

28      S’agissant de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, il convient de confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’emballage concret des produits concernés n’est pas inusuel pour le public pertinent.

29      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la marque demandée consiste en deux couleurs, à savoir blanc et rouge moyen. Lesdites couleurs sont apposées sur un emballage rectangulaire longitudinal dont l’une des faces contient un rectangle blanc surmonté d'une bande horizontale aux bords arrondis colorée en rouge. Ce rectangle bicolore est placé plus ou moins au milieu de la face avant dudit emballage et occupe sa quasi‑totalité.

30      En outre, il convient de relever que la chambre de recours a, à juste titre, considéré que le rectangle bicolore, rouge et blanc, apposé sur l’une des faces de l’emballage rectangulaire, pouvait être perçu comme une étiquette destinée à accueillir une inscription individuelle, dans la mesure où un fond blanc pouvait servir comme contraste pour améliorer la lisibilité de celle-ci.

31      Il est notoire que les étiquettes servant à l’étiquetage des emballages ont une forme géométrique rectangulaire similaire à celle de la marque demandée. De surcroît, les considérations de la chambre de recours, afférentes au caractère non inusuel de la marque demandée, sont confirmées par l’examen détaillé des formes et des couleurs des emballages du secteur en cause sur la base des exemples produits par la requérante elle-même. En particulier, ainsi qu’il ressort des points 30 à 33 de la décision attaquée, tous ces emballages présentent une étiquette rectangulaire sur une face avant, majoritairement de couleur blanche, dont les angles sont arrondis. Trois des concurrents utilisent lesdites étiquettes avec un agencement bicolore similaire à celui employé par la marque demandée. Par ailleurs, il ressort également desdits exemples fournis par la requérante qu’il n’est pas inhabituel que les étiquettes apposées sur les emballages comportent une bande colorée destinée à mettre en évidence le nom du fabricant.

32      Il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas inhabituel sur le marché concerné que le public pertinent soit confronté à des étiquettes blanches, souvent avec un agencement bicolore, apposées sur la face avant des emballages des produits en cause. À cet égard, et ainsi que la chambre de recours l’a à juste titre relevé, la requérante elle-même a affirmé que, chez les clients, les aiguilles étaient généralement entreposées de manière à ce que la face avant de l’emballage serve à l’identification tant des produits que des différents fabricants. En d’autres termes, la requérante a indirectement admis, devant les instances de l’EUIPO, le caractère fonctionnel de l’emballage concerné et, en particulier, de l’étiquette rectangulaire apposée sur l’une de ses faces ainsi que, par conséquent, son caractère non inusuel.

33      Par ailleurs, la référence faite par la requérante à l’arrêt du 16 décembre 2020, Voco/EUIPO (Forme d’un emballage) (T‑118/20, non publié, EU:T:2020:604), n’est pas pertinente, dès lors que, à la différence de la présente affaire, le Tribunal y a relevé que les exemples pris en compte par l’examinateur aux fins de l’appréciation du caractère usuel de la demande de marque différaient substantiellement de la forme correspondant à la marque qui était demandée (arrêt du 16 décembre 2020, Forme d’un emballage, T‑118/20, non publié, EU:T:2020:604, points 42 et 43).

34      Au vu de ce qui précède, la chambre de recours a considéré, à juste titre, au point 37 de la décision attaquée, que la surface rectangulaire blanche et rouge, apposée sur une des faces avant d’un emballage allongé, dont l’enregistrement est demandé en tant que marque de l’Union européenne n’était pas suffisante pour que le public pertinent identifie le signe en tant qu’indication de la provenance des produits concernés par ladite demande de marque. Partant, et contrairement à ce que la requérante affirme, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant le caractère non inusuel de la marque demandée et en concluant que celle-ci était dépourvue de caractère distinctif.

35      Les autres arguments mis en avant par la requérante, dans ses écritures et lors de l’audience, ne sont pas de nature à remettre en cause une telle conclusion.

36      En premier lieu, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas examiné le signe demandé dans son ensemble. À cet égard, force est de rappeler que, contrairement à ce qui a été relevé par la requérante lors de l’audience, si, s’agissant de l’appréciation du caractère distinctif d’un signe complexe, il convient de considérer ce signe dans son ensemble, toutefois, cela ne s’oppose pas à un examen préalable de chacun des éléments dont il est composé [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2010, Deutsche Bahn/OHMI (Combinaison verticale des couleurs gris et rouge), T‑405/09, non publié, EU:T:2010:467, point 27].

37      En l’espèce, ainsi qu’il ressort clairement des points 27 à 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné les différents éléments du signe demandé pour conclure, de manière explicite au point 37 de ladite décision, que « [l]e signe dans son ensemble [était] dépourvu du caractère distinctif intrinsèque minimal requis conformément à l’article 7, paragraphe 1, [sous] b), du [règlement 2017/1001] ».

38      Par conséquent, il ressort clairement de la décision attaquée que la chambre de recours, avant de considérer le signe demandé dans son ensemble, a effectué un examen préalable de chacun des éléments qui le composaient afin de conclure à l’absence de caractère distinctif intrinsèque.

39      En deuxième lieu, selon la requérante, la décision attaquée est contradictoire, puisque le signe demandé est désigné à la fois comme comportant un élément décoratif et comme étant essentiellement fonctionnel.

40      Cet argument doit être rejeté comme non fondé. En effet, aux points 29 et 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé le caractère fonctionnel du fond blanc de la surface rectangulaire, apposée sur l’une des faces de l’emballage qui était destinée à son étiquetage. Au point 37, elle a considéré également que la surface rectangulaire de couleur blanche et rouge pouvait également être perçue comme un élément ornemental de l’emballage. Or, cette considération de la chambre de recours n’est pas contradictoire, dès lors que rien n’empêche qu’un élément d’un signe complexe, en l’occurrence une couleur, joue un rôle à la fois décoratif et fonctionnel, ce qui en principe a été admis par la requérante lors de l’audience. En effet, force est de constater que la surface rectangulaire de couleur blanche et rouge pouvait servir d’étiquette et avoir, de ce fait, principalement un rôle fonctionnel. En même temps, l’agencement spécifique des couleurs pouvait aussi être perçu comme un élément décoratif.

41      En troisième lieu, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas suffisamment pris en compte les enregistrements antérieurs et leur importance pour l’appréciation du signe demandé.

42      Il y a lieu de rappeler que les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique administrative antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

43      L’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, y compris les principes d’égalité de traitement et de bonne administration (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73). Eu égard auxdits principes, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions qu’il a déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant être conciliée avec le respect du principe de légalité (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 et 75).

44      En l’espèce, la chambre de recours, après avoir rappelé la jurisprudence pertinente aux points 39 et 40 de la décision attaquée, a examiné les enregistrements antérieurs fournis par la requérante et cités au point 7 de la décision attaquée. De plus, elle a distingué les enregistrements antérieurs invoqués par la requérante du signe demandé en relevant que, à la différence de celui-ci, les premiers étaient dépourvus de caractère utilitaire. En particulier, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, si les couleurs rouge et blanche du rectangle apposé sur l’une des faces de l’emballage rendaient évidente son utilisation en tant qu’étiquette, les enregistrements antérieurs semblaient être conçus d’une manière plutôt arbitraire.

45      Par conséquent, et contrairement à ce qui a été mis en avant par la requérante, la chambre de recours a pris en considération les enregistrements antérieurs qu’elle avait fournis et s’est interrogée avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y avait lieu ou non de décider dans le même sens.

46      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le premier moyen.

47      En dernier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours, en violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, n’a examiné que les produits de concurrents qu’elle avait soumis, alors même qu’elle aurait indiqué à la chambre de recours que les exemples desdits produits étaient en partie des imitations de ses produits. Or, selon la requérante, la chambre de recours a violé le principe de l’examen d’office prévu par l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 en faisant simplement référence aux exemples qu’elle avait produits sans démontrer qu’il existait sur le marché des produits similaires qui ne constituaient pas des imitations des produits en cause.

48      Aux termes de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque demandée relève ou non d’un des motifs de refus d’enregistrement. Il s’ensuit qu’ils peuvent être amenés à fonder leur décision sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur (arrêt du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, EU:C:2007:224, point 38).

49      Il ressort également de la jurisprudence que l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est une expression du devoir de diligence, selon lequel l’institution compétente est tenue d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de fait et de droit pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du 21 avril 2021, Robert Klingel/EUIPO (MEN+), T‑345/20, non publié, EU:T:2021:209, point 75 et jurisprudence citée].

50      Toutefois, en l’espèce, les griefs allégués par la requérante ne sauraient être considérés comme constitutifs d’un manquement de la chambre de recours à son devoir de diligence.

51      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’examen effectué par l’autorité compétente en matière de marques doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue [voir arrêt du 8 juin 2005, Wilfer/OHMI (ROCKBASS), T‑315/03, EU:T:2005:211, point 20]. Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que, dans la mesure où une partie requérante se prévaut du caractère distinctif d’une marque demandée, en dépit de l’analyse de l’EUIPO, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif intrinsèque [voir arrêt du 28 septembre 2010, Rosenruist/OHMI (Représentation de deux courbes sur une poche), T‑388/09, non publié, EU:T:2010:410, point 37 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2018, Bopp/EUIPO (Représentation d’un octogone équilatéral), T‑460/17, non publié, EU:T:2018:816, point 53 et jurisprudence citée].

52      En l’espèce, la chambre de recours s’est appuyée sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation des produits en cause pour constater que le public pertinent percevrait la marque demandée comme comportant des éléments décoratifs et fonctionnels et non comme une indication de l’origine des produits. Il ne saurait donc lui être reproché de ne pas avoir effectué un examen strict et complet de la marque demandée, dès lors qu’elle a, avec suffisance, déterminé les faits en ce qui concerne le caractère habituel de l’étiquette rectangulaire en rouge et blanc apposée sur l’emballage des produits en cause.

53      Ensuite, à supposer qu’il existe sur le marché des produits constituant en partie des imitations des produits visés par la marque demandée, comme il a été soutenu par la requérante dans ses écritures et à l’audience, force est de constater que la présence sur le marché de telles imitations est sans incidence sur l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée au regard de sa perception par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2019, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 40].

54      Enfin, dans la mesure où la requérante invoque une violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 quant au caractère inhabituel ou inusuel de l’étiquette et de l’emballage du signe demandé, il y a lieu de constater qu’elle se contente, en réalité, d’avancer les mêmes arguments que ceux déjà présentés à l’encontre de l’appréciation par la chambre de recours s’agissant du caractère distinctif intrinsèque de ce dernier. Or, il ressort des points 28 à 45 ci-dessus que ces arguments ne sont pas fondés.

55      Il résulte de ce qui précède que le grief de la requérante tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Groz-Beckert KG est condamnée aux dépens.

Spielmann

Mastroianni

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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