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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> QN v eu-LISA (Civil service - Reclassification - Judgment (extracts) French Text [2023] EUECJ T-484/22 (22 November 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T48422.html Cite as: EU:T:2023:741, ECLI:EU:T:2023:741, [2023] EUECJ T-484/22 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
22 novembre 2023 (*)
« Fonction publique – Agents temporaires – Reclassement – Exercice de reclassement 2021 – Décision de non-reclassement – Taux multiplicateurs de référence – Dispositions générales d’exécution de l’article 54 du RAA – Exception d’illégalité – Égalité de traitement – Responsabilité »
Dans l’affaire T‑484/22,
QN, représenté par Me H. Tagaras, avocat,
partie requérante,
contre
Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), représentée par M. M. Chiodi, en qualité d’agent, assisté de Mes A. Duron et D. Waelbroeck, avocats,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. L. Madise et P. Nihoul (rapporteur), juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 14 juin 2023,
rend le présent
Arrêt (1)
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, QN, demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) du 22 décembre 2021 de ne pas le reclasser au terme de l’exercice de reclassement de l’année 2021 (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi à la suite de son absence de reclassement.
Antécédents du litige
2 Le 1er mars 2019, le requérant a été engagé par l’eu-LISA en qualité d’agent temporaire au titre de l’article 2, sous f), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») et classé au grade AD 9, pour y occuper les fonctions de chef de l’unité « Services généraux » de cette agence.
3 Le 28 février 2021, le requérant est devenu éligible au reclassement.
4 Le 29 octobre 2021, l’eu-LISA a publié une information administrative (ci-après l’« information administrative ») concernant le lancement de l’exercice de reclassement des agents temporaires pour l’année 2021 (ci-après l’« exercice 2021 »).
5 Le nom du requérant n’a pas été inclus dans la liste des agents proposés au reclassement, publiée le 3 décembre 2021.
6 Le 14 décembre 2021, le requérant a contesté auprès du comité paritaire de reclassement (ci-après le « comité paritaire ») le fait de ne pas avoir été proposé au reclassement. Le 22 décembre 2021, le comité paritaire l’a informé qu’il ne recommandait pas son reclassement.
7 Le même jour, le directeur exécutif de l’eu-LISA (ci-après le « directeur exécutif »), en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a publié la liste des agents reclassés au titre de l’exercice 2021, sur laquelle le nom du requérant ne figurait pas.
8 Le 1er mars 2022, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du RAA. Cette réclamation a été rejetée par la décision du président du conseil d’administration de l’eu-LISA le 25 juin 2022 (ci-après la « décision de rejet »).
Conclusions des parties
9 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée et la décision de rejet ;
– condamner l’eu-LISA au paiement de 3 000 euros de dommages et intérêts ;
– condamner l’eu-LISA aux dépens.
10 L’eu-LISA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
[omissis]
Sur les conclusions en annulation
[omissis]
Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la clause des taux multiplicateurs, figurant à l’article 5, paragraphe 8, des DGE
[omissis]
– Sur la prise en compte de l’annexe I, section B, du statut et de l’annexe II des DGE
28 Par ce grief, le requérant fait valoir que la clause des taux multiplicateurs ne peut, en dépit du libellé de l’annexe II des DGE, s’interpréter que comme un mécanisme visant à déterminer un nombre de postes disponibles pour le reclassement des agents.
29 Il s’appuie en substance sur une interprétation contextuelle de ladite clause et prend aussi en compte les objectifs de cette dernière.
30 L’eu-LISA conteste l’argumentation du requérant.
31 À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie (arrêt du 15 mars 2022, Autorité des marchés financiers, C‑302/20, EU:C:2022:190, point 63 ; voir, également, arrêts du 9 mars 2023, Les Mousquetaires et ITM Entreprises/Commission, C‑682/20 P, EU:C:2023:170, point 86 et jurisprudence citée, et du 16 mars 2023, Towercast, C‑449/21, EU:C:2023:207, point 31).
32 S’agissant, en premier lieu, du libellé de l’article 5, paragraphe 8, des DGE, il en ressort que la décision de reclassement est conditionnée, premièrement, à la comparaison des mérites et, deuxièmement, à ce que l’administration, d’une part, prenne en compte les ressources budgétaires disponibles pour l’exercice concerné et, d’autre part, respecte « les taux multiplicateurs de référence destinés à l’équivalence des carrières moyennes, tels que mis en œuvre dans l’annexe II [des DGE] ».
33 De manière analogue, en vertu de l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE, la liste des agents proposés au reclassement et la recommandation du comité paritaire ne doivent pas non plus excéder ces taux tels que mis en œuvre dans l’annexe II des DGE.
34 D’une part, l’annexe II des DGE exige que les taux multiplicateurs de référence destinés à l’équivalence des carrières moyennes indiqués à l’annexe I, section B, du statut ne soient pas dépassés, en rappelant que ces taux s’appliquent sur une base quinquennale à partir du 1er janvier 2014. D’autre part, elle convertit ces taux en ancienneté moyenne dans chaque grade avant reclassement au grade supérieur. Pour le grade AD 9, le taux étant de 25 %, cette ancienneté moyenne est de quatre ans.
35 Ainsi, l’annexe II des DGE, à laquelle renvoie l’article 5 des DGE, prévoit de manière univoque la manière dont les taux multiplicateurs indiqués à l’annexe I, section B, du statut doivent être appliqués dans le cadre du reclassement.
36 Le libellé clair de l’annexe II va donc à l’encontre de la thèse du requérant.
37 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel s’inscrit la clause des taux multiplicateurs, le requérant estime que cette clause doit exclusivement être interprétée à l’aune de plusieurs dispositions du statut. Il avance à cet égard que :
– l’annexe II des DGE renvoie à l’annexe I, section B, du statut, attribuant les taux multiplicateurs à chaque grade ;
– l’annexe I, section B mettant en œuvre l’article 6, paragraphe 2, du statut, ces taux ne peuvent servir qu’à calculer le nombre d’emplois vacants dans chaque grade ;
– l’article 5, paragraphe 8, et l’annexe II des DGE doivent donc être interprétés ainsi, d’autant que l’article 54 du RAA, hiérarchiquement supérieur aux DGE, renvoie lui aussi pour les taux multiplicateurs à l’annexe I, section B, du statut ; dès lors, l’interprétation desdits taux à la lueur du statut l’emporte sur celle qui peut être faite à la lueur de l’annexe II des DGE.
38 À cet égard, l’interprétation contextuelle de la clause des taux multiplicateurs impose de clarifier la manière dont s’articulent les DGE, l’article 54 du RAA et les dispositions statutaires pertinentes, à savoir l’annexe I, section B, et l’article 6 du statut.
39 Premièrement, la clause des taux multiplicateurs figure dans les DGE et ces dernières précisent la manière dont l’article 54 du RAA doit être mis en œuvre au sein de l’eu-LISA.
40 Les DGE sont à cet égard l’expression du large pouvoir d’appréciation dont bénéficie l’eu-LISA en matière de reclassement des agents temporaires (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2020, WD/EFSA, T‑320/18, non publié, EU:T:2020:45, point 38 et jurisprudence citée, et du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 54).
41 Or, selon la jurisprudence, lorsqu’une telle agence a, par directive interne, adopté un régime spécifique destiné à garantir la transparence du processus de reclassement, en en déterminant les modalités et la procédure, ce régime s’analyse comme une autolimitation de son pouvoir d’appréciation, dont elle ne peut s’écarter, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement, qu’en précisant les raisons pouvant justifier ce changement (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, WD/EFSA, T‑320/18, non publié, EU:T:2020:45, point 38 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 9 novembre 2022, QM/Europol, T‑164/21, EU:T:2022:695, point 87 et jurisprudence citée).
42 Toutefois, une telle directive interne ne peut en aucun cas rétrécir le champ d’application du statut ou du RAA ni poser des règles qui dérogeraient aux dispositions hiérarchiquement supérieures, telles que les dispositions du statut et du RAA ou les principes généraux de droit (voir arrêts du 20 mars 2018, Argyraki/Commission, T‑734/16, non publié, EU:T:2018:160, point 66 et jurisprudence citée, et du 15 février 2023, Freixas Montplet e.a./Comité des régions, T‑260/22, non publié, EU:T:2023:71, point 39 et jurisprudence citée).
43 Or, l’article 54, premier alinéa, du RAA conditionne le reclassement des agents temporaires à la comparaison des mérites et au respect des taux multiplicateurs, en disposant simplement au sujet de ces derniers que « [l]es taux multiplicateurs […], tels qu’indiqués pour les fonctionnaires à l’annexe I, section B, du statut, ne peuvent pas être dépassés ».
44 Cette disposition, la seule du RAA à faire référence aux taux multiplicateurs et à l’annexe I, section B, du statut, ne précise donc pas de quelle manière ces taux doivent être appliqués.
45 L’article 54, second alinéa, du RAA opère en revanche un renvoi aux dispositions générales d’exécution du présent article que chaque agence doit adopter conformément à l’article 110 du statut.
46 À cet égard, l’article 110, paragraphe 2, du statut fixe les modalités d’adoption des dispositions générales d’exécution applicables aux agences, en confiant l’adoption de ces dispositions à la Commission européenne et en prévoyant que ces dernières s’appliquent par analogie auxdites agences.
47 En outre, l’article 28, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1726 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018, relatif à l’eu-LISA, modifiant le règlement (CE) no 1987/2006 et la décision 2007/533/JAI du Conseil et abrogeant le règlement (UE) no 1077/2011 (JO 2018, L 295, p. 99), dispose que le statut et les modalités d’application de ce dernier adoptées d’un commun accord par les institutions de l’Union s’appliquent au personnel de l’eu-LISA.
48 Or, les DGE ont précisément été adoptées en application de l’article 110, paragraphe 2, du statut et de l’article 54 du RAA, ainsi que, d’une part, de l’article 20 du règlement (UE) no 1077/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (JO 2011, L 286, p. 1), lequel a été abrogé et remplacé, à partir du 11 décembre 2018, par l’article 28 du règlement 2018/1726 mentionné au point 47 ci-dessus, et, d’autre part, de l’accord préalable de la Commission, du 16 décembre 2015, donné aux agences, conformément à l’article 110, paragraphe 2, du statut, concernant les règles d’exécution de l’article 54 du RAA.
49 Les dispositions rappelées aux points 46 et 47 ci-dessus limitent ainsi la marge d’appréciation de l’eu-LISA pour déterminer ses règles relatives au reclassement de ses agents.
50 En outre, l’eu-LISA fait valoir, sans être contredite par le requérant, que les DGE ont été approuvées par la Commission et qu’elles se fondent sur les dispositions du modèle de décision pour les agences décentralisées et les entreprises communes établissant les dispositions générales d’exécution de l’article 54 du RAA (ci-après la « décision modèle »), qui a été arrêté par la Commission et qui figure en annexe I à la décision C(2015) 9563 final de cette dernière, du 16 décembre 2015, donnant aux agences décentralisées et aux entreprises communes un accord préalable concernant les dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut.
51 Il convient à cet égard d’observer que les dispositions des DGE reprennent en substance celles de la décision modèle. En particulier, l’article 5 et l’annexe II des DGE reproduisent les dispositions pertinentes de ladite décision et ces dernières conditionnent aussi le reclassement des agents du grade AD 9 à une ancienneté moyenne minimale dans ce grade de quatre ans.
52 Il ressort de ce qui précède que la conversion, à l’annexe II des DGE, des taux multiplicateurs prévus à l’annexe I, section B, du statut en ancienneté moyenne minimale dans le grade reprend les dispositions arrêtées par la Commission ayant vocation, en vertu de l’article 110 du statut et de l’article 28, paragraphe 1, du règlement 2018/1726, à s’appliquer en principe à l’ensemble des agences.
53 Deuxièmement, s’agissant des dispositions statutaires, il y a lieu de rappeler que l’annexe I, section B, du statut détermine les « taux multiplicateurs de référence destinés à l’équivalence des carrières moyennes » dans les trois groupes de fonctions (AD, AST et AST/SC), en fixant un taux spécifique à chaque grade de ces groupes. Pour le grade AD 9, le taux est de 25 %.
54 L’annexe I, section B, du statut ne donne en revanche aucune précision sur le cadre dans lequel ces taux s’appliquent ni sur la manière dont ils doivent être utilisés.
55 La seule disposition statutaire se référant auxdits taux fixés dans cette annexe est l’article 6, paragraphe 2, du statut. À cet égard, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, dudit statut, un tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution fixe le nombre des emplois pour chaque grade et chaque groupe de fonctions. Conformément à l’article 6, paragraphe 2, du statut, sans préjudice du principe de promotion fondée sur le mérite énoncé à l’article 45 du statut, ce tableau garantit que, pour chaque institution, le nombre d’emplois vacants pour chaque grade est égal, au 1er janvier de chaque année, au nombre de fonctionnaires en activité au grade inférieur au 1er janvier de l’année précédente, multiplié par les taux fixés, pour ce grade, à l’annexe I, section B, du statut, ces taux s’appliquant sur une base quinquennale moyenne à compter du 1er janvier 2014.
56 L’article 6, paragraphe 2, du statut prévoit ainsi que les taux multiplicateurs servent à calculer le nombre d’emplois vacants pour chaque grade et chaque année figurant dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget de l’institution concernée et que ce nombre est pris en compte dans le cadre de la promotion des fonctionnaires.
57 À cet égard, si l’article 45, paragraphe 1, première phrase, du statut se réfère à l’article 6, paragraphe 2, dudit statut, en prévoyant que la promotion des fonctionnaires est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de cette dernière disposition, ce n’est pas le cas en revanche de l’article 54 du RAA gouvernant le reclassement des agents, ni d’aucune disposition des DGE.
58 En outre, l’article 5 des DGE renvoie exclusivement à la manière dont les taux multiplicateurs sont appliqués à l’annexe II des DGE, à savoir à l’ancienneté moyenne dans le grade avant reclassement calculée à partir de ces taux, sans viser l’article 6 du statut, ni le nombre d’emplois par grade figurant dans le tableau des effectifs. Dans ce cadre, il ne saurait être conclu que l’article 5 des DGE déroge aux dispositions hiérarchiquement supérieures pertinentes issues du statut ou du RAA.
59 Il ressort de l’analyse contextuelle qui précède que les taux multiplicateurs, exprimés en pourcentage dans l’annexe I, section B, du statut, sont utilisés à deux fins distinctes. D’une part, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du statut, ils servent à calculer le nombre annuel d’emplois vacants pour chaque grade et, partant, les possibilités de promotion. D’autre part, en vertu de l’article 5, paragraphe 8, et de l’annexe II des DGE, ils sont utilisés pour déterminer l’ancienneté moyenne minimale dans chaque grade conditionnant le reclassement des agents.
60 Or, dans le cadre de la promotion des fonctionnaires, le Tribunal a confirmé cette double vocation des taux multiplicateurs en jugeant qu’ils pouvaient, indépendamment de l’article 6, paragraphe 2, du statut, aussi servir à déterminer la durée de carrière moyenne dans un grade (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2017, Schönberger/Cour des comptes, T‑688/15 P, non publié, EU:T:2017:76, points 121, 122 et 124).
61 D’une part, le Tribunal a précisé à cet égard que, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du statut, ces taux permettaient de calculer le nombre de postes ouverts à la promotion et que, dans ce cadre, ils s’appliquaient sur une base quinquennale moyenne (arrêt du 14 février 2017, Schönberger/Cour des comptes, T‑688/15 P, non publié, EU:T:2017:76, point 121).
62 D’autre part, selon le Tribunal, convertis en années, lesdits taux servent à déterminer la durée de carrière moyenne dans un grade (arrêt du 14 février 2017, Schönberger/Cour des comptes, T‑688/15 P, non publié, EU:T:2017:76, points 121, 122 et 124). Pour cette question, il convient de tenir compte des taux multiplicateurs qui étaient applicables au cours des années pendant lesquelles l’agent se trouvait dans le grade en cause et la limitation de la base quinquennale prévue par l’article 6, paragraphe 2, du statut ne s’applique donc pas (arrêt du 14 février 2017, Schönberger/Cour des comptes, T‑688/15 P, non publié, EU:T:2017:76, point 121).
63 Il ressort de ce qui précède que les dispositions du statut et du RAA visant les taux multiplicateurs ne permettent pas de conclure que, dans le cadre du reclassement des agents, ces taux devraient uniquement être utilisés pour calculer le nombre d’emplois ouverts au reclassement, sans pouvoir servir à fixer une ancienneté moyenne minimale dans chaque grade avant d’être reclassé.
64 La thèse du requérant n’est donc pas non plus corroborée par le contexte dans lequel la clause des taux multiplicateurs s’insère.
65 S’agissant, en troisième lieu, des objectifs poursuivis par la clause des taux multiplicateurs, le requérant considère que celle-ci vise à poser une limite au nombre de postes disponibles pour un reclassement et ainsi à assurer un certain parallélisme avec les fonctionnaires en ce qui concerne la progression des carrières. Il estime que cette interprétation n’est pas remise en cause par le fait que le respect des ressources budgétaires disponibles imposées notamment par les DGE et le tableau des effectifs a la même fonction, dès lors que la limite résultant desdites ressources et dudit tableau sert des intérêts d’une autre nature.
66 À cet égard, premièrement, il ressort de l’article 6, paragraphe 2, du statut que, sans porter préjudice au principe de la promotion fondée sur le mérite, les taux multiplicateurs expriment la progression d’une carrière moyenne (arrêt du 13 mars 2013, AK/Commission, F‑91/10, EU:F:2013:34, point 71).
67 Or, la conversion de ces taux en ancienneté moyenne minimale dans le grade est une autre manière d’encadrer la vitesse moyenne à laquelle les agents peuvent être reclassés (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2017, Schönberger/Cour des comptes, T‑688/15 P, non publié, EU:T:2017:76, points 122 et 124) et poursuit donc le même objectif que l’article 6, paragraphe 2, du statut.
68 Le deuxième considérant des DGE et de la décision modèle fait sur ce point référence à la nécessité de définir des règles spécifiques et cohérentes pour le reclassement des agents temporaires afin notamment de faciliter leur mobilité entre agences.
69 En outre, les règles applicables au reclassement d’agents temporaires ne sauraient être identiques à celles applicables aux fonctionnaires, car les premiers n’ont pas la même vocation que les seconds à faire carrière au sein de leur institution (arrêts du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 55, et du 27 avril 2022, Correia/CESE, T‑750/20, non publié, EU:T:2022:246, point 80).
70 En effet, à la différence des fonctionnaires dont la stabilité d’emploi est garantie par le statut, les agents temporaires relèvent d’un régime spécifique à la base duquel se trouve le contrat d’emploi conclu avec l’institution concernée (arrêt du 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T‑45/90, EU:T:1992:7, point 90).
71 Ensuite, la reconnaissance statutaire de la vocation à la carrière des fonctionnaires ne leur confère pas un droit subjectif à une promotion, même s’ils réunissent toutes les conditions requises, dès lors qu’une décision de promotion dépend non des seules qualifications et capacités du candidat, mais également de leur appréciation en comparaison de celles des autres candidats ayant vocation à être promus (voir arrêt du 27 avril 2022, Correia/CESE, T‑750/20, non publié, EU:T:2022:246, point 85 et jurisprudence citée).
72 Il en va nécessairement de même en ce qui concerne les agents temporaires, pour les raisons exposées dans la jurisprudence citée aux points 69 et 70 ci-dessus.
73 Dans ce cadre, il n’est pas incohérent de conditionner le reclassement des agents à ce qu’ils passent en moyenne un certain nombre d’années dans leur grade, d’autant que, même en matière de promotion des fonctionnaires, lesquels ont vocation à faire carrière au sein de leur institution, la prise en compte du nombre de postes ouverts à la promotion n’exclut pas l’application concomitante d’une condition d’ancienneté minimale dans le grade (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2017, Schönberger/Cour des comptes, T‑688/15 P, non publié, EU:T:2017:76, points 121, 122 et 124).
74 Deuxièmement, en prévoyant que les taux multiplicateurs servent à calculer le nombre d’emplois vacants pour chaque grade indiqué dans le tableau des effectifs qui est annexé à la section du budget de l’institution concernée, l’article 6, paragraphes 1 et 2, du statut établit un lien direct entre les taux multiplicateurs et le budget de l’institution concernée. Pour autant, le fait qu’il ressorte de ce texte que ces taux constituent un mécanisme servant à la fois à encadrer la vitesse de progression des carrières et l’allocation des ressources budgétaires ne permet pas d’en déduire que, dans le cadre du reclassement des agents, l’encadrement de cette vitesse ne peut se faire qu’en appliquant des quotas, même indicatifs, de reclassement, sans pouvoir imposer une ancienneté moyenne minimum dans le grade.
75 Il ressort de ce qui précède que la thèse du requérant n’est pas non plus confirmée par l’objectif de la clause des taux multiplicateurs, à savoir l’encadrement de la vitesse moyenne à laquelle les agents peuvent être reclassés, qui peut être poursuivi en appliquant une ancienneté moyenne minimale dans le grade.
76 Il y a donc lieu de rejeter le premier grief.
[omissis]
Sur le deuxième moyen, tiré, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité dirigée contre la clause des taux multiplicateurs
91 À titre subsidiaire, le requérant invoque une exception d’illégalité des dispositions des DGE prévoyant l’application de la condition d’ancienneté moyenne minimale dans le grade. Ce moyen est divisé en deux griefs.
– Sur la violation de l’article 45 du statut, de l’article 54 du RAA, de l’article 4 des DGE et du principe de reclassement fondé sur les mérites
92 Par ce grief, le requérant fait valoir que la condition d’ancienneté moyenne minimale dans le grade contrevient au principe du reclassement fondé sur les mérites, prévu à l’article 45 du statut, à l’article 54 du RAA et à l’article 4 des DGE. Il estime que, d’une part, le mérite est subordonné à cette condition et la satisfaction de celle-ci ne dépend pas du seul intéressé et que, d’autre part, ladite condition exclut ainsi du reclassement des grades entiers, quels que soient les mérites des agents reclassables.
93 L’eu-LISA conteste l’argumentation du requérant.
94 À cet égard, l’article 54 du RAA étend au reclassement le principe de la promotion fondée sur le mérite énoncé à l’article 45 du statut, tout en imposant également à l’administration de ne pas dépasser les taux multiplicateurs. Cette double exigence est respectivement reprise aux articles 4 et 5 des DGE, lesquels reprennent verbatim les dispositions pertinentes de la décision modèle.
95 Les deux paramètres conditionnant le reclassement, à savoir la comparaison des mérites et l’ancienneté moyenne minimale dans le grade, ne sont pas des critères purement individuels, puisqu’ils dépendent respectivement des mérites et de l’ancienneté des autres candidats éligibles du grade concerné.
96 En outre, il ressort de la décision de rejet que les mérites des candidats conditionnent, d’une part, le calcul de l’ancienneté moyenne dans le grade, puisque seuls les candidats les mieux classés, à hauteur du nombre de postes disponibles dans le tableau des effectifs (ci-après les « candidats les plus méritants »), sont pris en compte dans ce calcul et, d’autre part, la possibilité de reclasser les plus méritants ayant, le cas échéant, une ancienneté individuelle dans le grade supérieure à l’ancienneté moyenne applicable.
97 À cet égard, l’eu-LISA a exposé dans la décision de rejet, à l’aide d’un exemple, la méthode appliquée lors de l’exercice 2021. Selon cette méthode, la comparaison des mérites sert tout d’abord à classer les candidats et l’eu-LISA ne retient que les candidats les plus méritants. Elle calcule ensuite l’ancienneté moyenne dans le grade des candidats les plus méritants. Si cette ancienneté moyenne est insuffisante, mais que l’un des candidats les plus méritants a une ancienneté individuelle dans le grade supérieure à l’ancienneté moyenne applicable, il ne pourra pas être reclassé si un candidat mieux classé que lui a une ancienneté individuelle inférieure à cette ancienneté moyenne. Dans ce cas, aucun des candidats les plus méritants n’est reclassé.
98 Avec cette méthode, l’application de la condition d’ancienneté moyenne dans le grade pouvait donc conduire à écarter du reclassement une cohorte complète de candidats appartenant au même grade si, d’une part, les candidats les plus méritants avaient, collectivement, une ancienneté moyenne dans leur grade inférieure à celle applicable et si, d’autre part, parmi ces candidats, ceux qui étaient les mieux classés avaient une ancienneté individuelle dans le grade inférieure à cette ancienneté moyenne. Dans ce cas, les candidats moins bien classés avec une ancienneté individuelle supérieure à l’ancienneté moyenne minimale applicable ne pouvaient pas être reclassés.
99 Ladite méthode démontre toutefois que la comparaison des mérites reste le principal critère fondant le reclassement. En effet, elle sert à classer les candidats selon leurs mérites et l’ordre de classement détermine ensuite si l’ancienneté moyenne dans le grade empêche tout ou partie de la cohorte d’être reclassée. En d’autres termes, si un agent fait partie des candidats les plus méritants, mais qu’il n’est pas le mieux classé, et qu’il a une ancienneté individuelle dans le grade supérieure à l’ancienneté moyenne, il ne pourra pas être reclassé si, d’une part, cette ancienneté moyenne n’est pas satisfaite collectivement par l’ensemble des plus méritants et si, d’autre part, les mieux classés de cette cohorte ont une ancienneté inférieure à l’ancienneté moyenne. Dans ce cas, ce sont bien les mérites, et pas seulement l’ancienneté, qui font barrage au reclassement de l’agent plus expérimenté dans le grade.
100 L’eu-LISA a donc relevé à juste titre dans la décision de rejet que l’ancienneté moyenne dans le grade applicable ne compromettait en rien le reclassement des candidats les plus méritants.
101 S’agissant du grade du requérant, elle y a énoncé ce qui suit :
– elle a procédé à l’examen comparatif des mérites des agents éligibles dans chaque grade ; à la suite de cet examen, elle a vérifié la condition de l’ancienneté moyenne dans le grade ;
– cette condition n’était pas remplie dans le grade AD 9, car chacun des sept agents éligibles, dont le requérant, n’avait passé en moyenne que deux ans dans ce grade, alors que l’ancienneté moyenne devait y atteindre quatre ans ;
– en vertu de l’article 5, paragraphe 5, des DGE, la non-satisfaction de cette condition l’empêchait de reclasser les agents de ce grade ;
– elle a donc décidé de ne proposer aucun agent du grade AD 9 au reclassement.
102 Il en ressort que les mérites des agents éligibles du grade AD 9 ont été examinés lors de la première étape de la procédure de reclassement, avant l’établissement de la liste des agents proposés. Les mérites ne sont toutefois pas la cause du non-reclassement. Ce dernier est dû à l’ancienneté moyenne insuffisante de l’ensemble des agents éligibles de ce grade, puisque l’ancienneté de chacun d’entre eux, dont celle du requérant, était environ deux fois inférieure à l’ancienneté moyenne minimale applicable.
103 Or, il convient de rappeler que, premièrement, la condition d’ancienneté moyenne minimale dans le grade prévue par les DGE reprend celle figurant dans la décision modèle et vise à maintenir une équivalence des carrières moyennes en fournissant un cadre à la vitesse avec laquelle une agence peut reclasser ses agents les plus méritants. Deuxièmement, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, du statut, le fait d’encadrer par une condition d’ancienneté moyenne dans le grade fondée sur les taux multiplicateurs la vitesse à laquelle les fonctionnaires peuvent être promus ne porte pas préjudice au principe de la promotion fondée sur le mérite (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2013, AK/Commission, F‑91/10, EU:F:2013:34, point 71) et il en est a fortiori de même pour les agents, qui n’ont pas la même vocation à la carrière que les fonctionnaires. Troisièmement, la condition d’ancienneté moyenne minimale dans le grade vise en outre à faciliter la mobilité entre agences (voir point 68 ci-dessus), ce qui sert les intérêts des agents les plus méritants.
104 Au vu de ce qui précède, le requérant ne saurait soutenir que la condition d’ancienneté moyenne dans le grade méconnaît le principe du reclassement fondé sur les mérites.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) du 22 décembre 2021 de ne pas reclasser QN au terme de l’exercice de reclassement de l’année 2021 est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) L’eu-LISA est condamnée aux dépens.
Porchia | Madise | Nihoul |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2023.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
1 Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.
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