mataharispaclub v EUIPO - Rouha (SpaClubMatahari) (EU trade mark - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-552/22 (13 September 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T55222.html
Cite as: ECLI:EU:T:2023:544, [2023] EUECJ T-552/22, EU:T:2023:544

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale SpaClubMatahari – Cause de nullité absolue – Absence de mauvaise foi – Article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Irrecevabilité – Article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal »

Dans l’affaire T‑552/22,

mataharispaclub s.r.o., établie à Mníšek pod Brdy (République tchèque), représentée par Me M. Diamant, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Alena Rouha, demeurant à Prague (République tchèque),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. P. Zilgalvis (rapporteur) et Mme E. Tichy‑Fisslberger, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, mataharispaclub s. r. o., demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 30 juin 2022 (affaire R 937/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 6 août 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée le 27 avril 2018, sous le numéro 17642661, à la suite d’une demande déposée le 28 décembre 2017, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1) par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, Mme Alena Rouha, pour le signe verbal SpaClubMatahari.

3        Les services visés par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondaient à la description suivante : « Massage ; physiothérapie ; services médicaux et de soins de santé ; services de cures thermales médicalisées ; soins médicaux ; services de saunas ; services d’informations et de conseils en matière de santé ; épilation à la cire ; services de manucure et de pédicure ; services thérapeutiques ; services thérapeutiques personnels concernant l’élimination de la cellulite ; services de thérapie personnelle relative à la dissolution des graisses ; services de bains turcs ; services dermatologiques pour le traitement d’affections cutanées ; services de salons de beauté ; services de pansage et de toilettage pour animaux ».

4        À l’appui de sa demande en nullité, la requérante a invoqué notamment les causes visées à :

–        l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 2, sous c), du même règlement, en se fondant sur le signe figuratif (ci-après « droit antérieur no 1 ») reproduit ci-après en tant que marque notoirement connue en République tchèque, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après « convention de Paris »), désignant les services relevant de la classe 44 et correspondant à la description suivante : « Massage ; physiothérapie ; services médicaux et de soins de santé ; services de cures thermales médicalisées ; soins médicaux ; services de saunas ; services d’informations et de conseils en matière de santé ; épilation à la cire ; services de manucure et de pédicure ; services thérapeutiques ; services thérapeutiques personnels concernant l’élimination de la cellulite ; services de thérapie personnelle en matière de dissolution des graisses ; services de bains turcs ; services dermatologiques pour le traitement d’affections cutanées ; services de salons de beauté ; services de pansage et de toilettage pour animaux ; exploitation d’installations de sauna ; services de massage professionnels ; bien-être ; consultation en matière de massages ; relaxation ; exploitation des installations pour la régénération et la remise en condition des visiteurs dans cette classe » :

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–        l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, en se fondant, d’une part, sur le signe figuratif reproduit ci-après en tant que marque non enregistrée utilisée dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie, aux Pays-Bas, en Autriche, en Pologne, en Slovaquie, en Suède et au Royaume-Uni (ci-après « droit antérieur no 2 ») pour les mêmes services relevant de la classe 44 que le droit antérieur no 1 et, d’autre part, le signe verbal salon matahari en tant que « nom commercial, signe protégé par le droit relatif à l’usurpation d’appellation, nom de domaine », utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie, aux Pays-Bas, en Autriche, en Pologne, en Slovaquie, en Suède et au Royaume-Uni (ci-après « droit antérieur no 3 ») pour les mêmes services relevant de la classe 44 que les droits antérieurs nos 1 et 2 :

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–        l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en ce que la titulaire de la marque contestée était de mauvaise foi lors de son dépôt.

5        Le 24 mars 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

6        Le 20 mai 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré, premièrement, que la requérante n’avait pas établi l’existence du droit antérieur no 1. En ce qui concerne, deuxièmement, les droits antérieurs nos 2 et 3, la chambre de recours a estimé qu’ils ne pouvaient pas être pris en compte en ce qui concerne le Royaume-Uni et que, s’agissant de la République tchèque, de l’Allemagne, de la Hongrie, des Pays-Bas, de l’Autriche, de la Pologne, de la Slovaquie et de la Suède, la requérante n’avait pas établi le contenu du droit national de ces États lui conférant des droits sur un signe donnant le droit d’interdire l’utilisation et l’enregistrement d’une marque plus récente, conformément à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. De même, s’agissant de la République tchèque, la requérante n’aurait pas établi que les droits antérieurs nos 2 et 3 avaient fait l’objet d’un usage dans la vie des affaires dont la portée n’était pas seulement locale. Troisièmement, la chambre de recours a considéré que la requérante n’a pas démontré que la marque contestée avait été déposée de mauvaise foi.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés dans l’hypothèse où une audience serait organisée.

 En droit

 Sur la recevabilité

10      L’EUIPO invite le Tribunal à examiner si le recours satisfait aux exigences de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal. Il fait valoir que la requérante s’est limitée essentiellement à produire, devant le Tribunal, une traduction littérale de sa demande en nullité qui ne comporte que quelques éléments nouveaux, à savoir les moyens invoqués, mais ne s’est pas efforcée de contester, « de manière précise et ponctuelle », les conclusions de la chambre de recours et d’expliquer les raisons pour lesquelles ces conclusions, qui constituent la réponse à sa demande en nullité initiale et à son recours, seraient erronées. Selon l’EUIPO, ce serait uniquement au point 34 de la requête, qui serait vague et trop générale, que la requérante contesterait la décision de la chambre de recours.

11      Il y a lieu de rappeler que l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure prévoit que la requête contient « l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens ».

12      À cet égard, il y a lieu d’ajouter que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête [arrêt du 4 octobre 2018, Blackmore/EUIPO – Paice (DEEP PURPLE), T‑344/16, non publié, EU:T:2018:648, point 59].

13      En l’espèce, à l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de 1’article 59, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

14      Par son premier moyen, la requérante avance qu’il existe des causes de nullité relative justifiant que la marque contestée soit déclarée nulle. En substance, elle soutient, premièrement, que ladite marque a été déposée quatre ans après que le prédécesseur en droit de la requérante ait acquis des droits sur le même signe en tant que nom de domaine pour les mêmes services ou pour des services très similaires, deuxièmement, que ce signe a acquis une réputation, troisièmement, qu’il existerait en l’espèce un risque de confusion, quatrièmement, que le signe en cause a été utilisé, depuis 2013, par la requérante en République tchèque et dans d’autres États membres de l’Union dans la vie des affaires et que sa portée n’est pas seulement locale.

15      Il y a lieu de rappeler que s’agissant des causes de nullité relative invoquées par la requérante, la chambre de recours a, d’une part, considéré que cette dernière n’avait pas établi l’existence du droit antérieur no 1 et, d’autre part, en ce qui concerne les droits antérieurs nos 2 et 3, qu’elle n’avait pas établi le contenu du droit national lui conférant des droits sur un signe donnant le droit d’interdire l’utilisation et l’enregistrement d’une marque plus récente, conformément à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. De même, s’agissant de la République tchèque, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas établi que les droits antérieurs nos 2 et 3 avaient fait l’objet d’un usage dans la vie des affaires dont la portée n’était pas seulement locale.

16      Or, à cet égard, force est de relever que la requérante s’est bornée à soutenir, de façon abstraite, qu’il existe des causes de nullité relative justifiant que la nullité de la marque contestée soit déclarée, sans expliquer toutefois en quoi l’appréciation de la chambre de recours était erronée.

17      En particulier, s’agissant du droit antérieur no 1, si la requérante soutient que la marque dont elle est titulaire est notoirement connue, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris, pour les massages érotiques, elle n’a pas pour autant avancé d’argument remettant en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve visant à attester le caractère notoirement connu de cette marque en République tchèque étaient manifestement insuffisants.

18      S’agissant des autres causes de nullité relative, appréciées par la chambre de recours aux points 68 à 109 de la décision attaquée, force est de relever que la requérante n’avance pas d’argument contestant les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles le contenu du droit permettant d’interdire l’utilisation et l’enregistrement de la marque contestée n’a pas été établi.

19      Quant au contenu des dispositions du droit tchèque permettant d’interdire l’utilisation du signe contesté, la requérante se borne à la mention, au point 14 de la requête, de l’article 2972 du zákon č. 89/2012 Sb., občanský zákoník (la loi 89/2012 Sb. établissant le code civil) relatif à la concurrence déloyale, sans pour autant contester les appréciations de la chambre de recours, formulées au point 86 de la décision attaquée, selon lesquelles elle n’avait pas cité le contenu des dispositions invoquées ni en tchèque ni en anglais. De même, elle a mentionné, au point 16 de la requête, que le zákon o ochranných známkách (la loi sur les marques) reconnaît le droit d’interdire une marque plus récente aux titulaires de marques non enregistrées utilisées dans la vie des affaires avant le dépôt de la demande d’enregistrement. Toutefois, elle n’a ni identifié une disposition précise de cette loi ni contesté l’appréciation de la chambre de recours à cet égard.

20      Enfin, au point 36 de la requête, la requérante indique que « l’EUIPO n’a pas apprécié correctement la question susmentionnée  en n’analysant pas suffisamment le point de vue du consommateur moyen, du public concerné sur le marché des services érotiques, et en n’examinant pas la similitude entre le signe et la [marque contestée] du point de vue d’un tel consommateur ». Or, ces allégations, comme les arguments figurant aux points 11 à 13 de la requête, portent sur le risque de confusion, qui n’a pas fait l’objet d’un examen par la chambre de recours, de sorte qu’elles sont en tout état de cause inopérantes.

21      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen comme étant irrecevable, dès lors qu’il ne répond pas aux conditions de clarté de la requête énoncées aux points 11 et 12 ci-dessus.

22      Par son second moyen, la requérante soutient que la marque contestée a été déposée de mauvaise foi par sa titulaire. Elle reproche à l’EUIPO de ne pas avoir dûment traité les griefs formulés ni fourni les raisons pour lesquelles il ne considérait pas le comportement de la titulaire de ladite marque comme une expression de sa mauvaise foi. La requérante a énuméré les circonstances pertinentes démontrant selon elle la mauvaise foi de la titulaire de cette marque aux points 19 à 32 de la requête.

23      Toutefois, bien que les allégations de la requérante relatives au comportement de la titulaire de la marque contestée soient sommaires, elles permettent de comprendre que la requérante estime que la chambre de recours n’a pas correctement examiné les griefs qu’elle avait formulés et n’a pas expliqué pourquoi les circonstances avancées ne permettaient pas de caractériser la mauvaise foi de la titulaire de ladite marque. Il s’ensuit que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ces allégations se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même du second moyen et permettent tant à l’EUIPO de préparer sa défense qu’au Tribunal de statuer sur ce moyen au sens de la jurisprudence citée au point 12 ci-dessus.

24      Quant à la circonstance selon laquelle la requérante réitère, dans la requête, l’argumentation présentée lors de la procédure devant l’EUIPO, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le recours ne saurait être déclaré irrecevable pour cette seule circonstance. En effet, le fait de réitérer, totalement ou en partie, les arguments déjà invoqués devant l’EUIPO, et non simplement d’y renvoyer, ne saurait constituer une violation de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 177 du règlement de procédure. Dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par l’EUIPO, les points de droit examinés par ce dernier peuvent être à nouveau discutés lors d’un recours devant le Tribunal. Cela relève du contrôle juridictionnel auquel sont soumises les décisions de l’EUIPO en vertu de l’article 72 du règlement 2017/1001 [arrêts du 27 septembre 2005, Cargo Partner/OHMI (CARGO PARTNER), T‑123/04, EU:T:2005:340, point 29, et du 16 juin 2015, Best-Lock (Europe)/OHMI – Lego Juris (Forme d’une figurine de jouet avec plot), T‑396/14, non publié, EU:T:2015:379, point 19].

25      Il s’ensuit que le second moyen est recevable et qu’il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir opposée sur ce point par l’EUIPO.

 Sur le fond

26      Dans la mesure où le premier moyen a été rejeté comme étant irrecevable, seul le second moyen, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être examiné sur le fond.

27      Ainsi qu’il a déjà été précisé, la requérante soutient, dans le cadre de ce moyen, que la marque contestée a été déposée de mauvaise foi par sa titulaire. Elle reproche à l’EUIPO de ne pas avoir dûment traité les griefs formulés ni fourni les raisons pour lesquelles il n’a pas considéré le comportement de la titulaire de ladite marque comme une expression de sa mauvaise foi.

28      Selon la requérante, les circonstances suivantes démontrent la mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée : la titulaire de ladite marque, tout en ayant connaissance de la renommée du salon de massage matahari, avait lancé sa propre activité dans le même domaine et sous un signe graphiquement similaire, en créant une association – club privé, en procédant à l’enregistrement de la marque contestée et en ouvrant un salon de massage dénommé Geisha Spa, dont les locaux imiteraient ceux du salon détenu par la requérante. En tant que propriétaire des locaux loués par le prédécesseur en droit de la requérante, la titulaire de la marque contestée avait changé les serrures de ces locaux, ce qui a fait naître un différend entre elles, lequel a fait l’objet de mesures provisoires adoptées par la juridiction tchèque. De même, la titulaire de ladite marque s’est opposée à l’enregistrement de la marque tchèque de la requérante et a utilisé la marque contestée à cette fin uniquement.

29      L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.

30      Aux termes de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

31      À cet égard, il y a lieu de noter que la notion de « mauvaise foi », visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation de l’Union [arrêt du 1er février 2012, Carrols/OHMI – Gambettola (Pollo Tropical CHICKEN ON THE GRILL), T‑291/09, EU:T:2012:39 point 44].

32      Cependant, il ressort de la jurisprudence que la cause de nullité absolue visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 46).

33      Par ailleurs, l’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

34      Parmi les facteurs pris en compte par la jurisprudence dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 figurent notamment : le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe, le degré de protection juridique dont jouissent les signes en cause ; l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de commercialiser un produit ; l’origine du signe contesté et son usage depuis sa création ; la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne ; et la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 38, 43 et 44, et du 28 janvier 2016, Davó Lledó/OHMI – Administradora y Franquicias América et Inversiones Ged (DoggiS), T‑335/14, EU:T:2016:39, points 46 et 48].

35      En outre, c’est au demandeur en nullité qui entend se fonder sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 qu’il incombe d’établir les circonstances qui permettent de conclure qu’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne a été déposée de mauvaise foi, la bonne foi du déposant étant présumée jusqu’à preuve du contraire [voir arrêt du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY), T‑663/19, EU:T:2021:211, point 42 et jurisprudence citée].

36      C’est notamment à la lumière des principes ci-dessus mentionnés qu’il y a lieu de contrôler la légalité de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a conclu à l’absence de mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque.

37      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les arguments et les éléments de preuve présentés par la requérante ne démontraient pas que les « intentions subjectives » de la titulaire de la marque contestée, en ce qui concerne la demande de ladite marque, étaient de nature à caractériser la mauvaise foi de cette dernière.

38      En premier lieu, s’agissant de la connaissance par la titulaire de la marque contestée de l’usage du signe salon matahari, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante ne démontraient pas cette connaissance de manière convaincante. En particulier, elle a souligné que, d’une part, le contrat de bail soumis par la requérante avait été conclu avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et ne mentionnait pas la dénomination « salon matahari » et, d’autre part, la déclaration sous serment produite par le représentant du prédécesseur en droit de la requérante selon laquelle « la titulaire de la marque contestée savait, au moment de la conclusion du contrat [de location] que les services de massage seraient fournis sous la marque matahari » n’était pas corroborée par d’autres éléments probants.

39      En deuxième lieu, s’agissant des intentions de la titulaire de la marque contestée au moment de son dépôt, la chambre de recours a considéré que le dossier ne contenait aucun élément de preuve objectif sur ce point. Elle a notamment relevé que les arguments de la requérante étaient contradictoires dans la mesure où cette dernière a, d’une part, soutenu que la titulaire de ladite marque souhaitait exploiter de manière parasitaire la renommée de son signe et, d’autre part, qu’elle n’avait pas l’intention d’utiliser la marque contestée.

40      En troisième lieu, en ce qui concerne le degré de protection du signe matahari, la chambre de recours a considéré, d’une part, que la « dénomination “matahari” » ne semblait pas particulièrement fantaisiste ou inhabituelle en ce qui concerne les services de massages érotiques et, d’autre part, que le caractère notoirement connu du droit antérieur no 1 n’était pas établi.

41      Il convient d’apprécier si ces considérations peuvent être valablement remises en cause par les arguments de la requérante.

42      Premièrement, s’agissant de la connaissance par la titulaire de la marque contestée que le prédécesseur en droit de la requérante utilisait le signe salon matahari, force est de constater que la requérante n’a pas avancé d’argument visant à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le seul élément susceptible d’attester cette affirmation était la déclaration sous serment de l’exploitante du salon matahari, qui n’a pas été corroborée par d’autres éléments de preuve. Or, à cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne peut être attribué une valeur probante à une déclaration, au sens de l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, établie par l’un des employés de la partie concernée que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Aldi/EUIPO – Cantina Tollo (ALDIANO), T‑391/15, non publié, EU:T:2016:741, point 41 et jurisprudence citée].

43      Quant au contrat de bail conclu entre la titulaire de la marque contestée et le prédécesseur en droit de la requérante sur lequel s’appuie cette dernière pour soutenir que la titulaire de ladite marque avait connaissance de l’existence du signe salon matahari, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que ce contrat ne fait pas référence audit signe « ni sous forme verbale ni sous forme figurative. Or, la requérante n’a pas avancé d’argument remettant en cause ces considérations.

44      Partant, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la requérante n’a pas établi de manière convaincante que la titulaire de la marque contestée avait une connaissance, réelle ou présumée, de l’utilisation du signe salon matahari est exempte d’erreur d’appréciation.

45      De surcroît, ainsi que l’a rappelé la chambre de recours, la circonstance que le demandeur de la marque de l’Union européenne sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, pour que soit établie l’existence de la mauvaise foi du demandeur [voir arrêt du 24 novembre 2021, Włodarczyk/EUIPO – Ave Investment (dziandruk), T‑434/20, non publié, EU:T:2021:815, point 49 et jurisprudence citée].

46      S’agissant, deuxièmement, de l’intention de la titulaire de la marque contestée au moment du dépôt de celle-ci, il doit être relevé que les circonstances selon lesquelles la titulaire de cette marque avait lancé sa propre activité dans le même domaine que celui de la requérante, en créant une association – club privé et en ouvrant un salon de massage Geisha Spa dont les locaux imiteraient ceux du salon détenu par la requérante, il suffit de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les circonstances décrites par la requérante ne sont pas susceptibles de démontrer l’intention malhonnête lors du dépôt de ladite marque par sa titulaire. En tout état de cause, il ne ressort pas du dossier que les services de massage sont offerts sous la marque salon matahari et que l’association – club privé, fondée par la titulaire de la marque contestée offre des services en utilisant ladite marque.

47      De même, à l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante présente des contradictions. D’une part, elle soutient que la titulaire de la marque contestée entendait tirer un profit de la renommée du signe salon matahari et, d’autre part, que ladite marque a été enregistrée sans intention de l’utiliser, mais uniquement pour faire opposition à la demande d’enregistrement du signe figuratif salon matahari en tant que marque en République tchèque.

48      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le régime d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe du « premier déposant », inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle (arrêt du 28 janvier 2016, DoggiS, T‑335/14, EU:T:2016:39, point 43).

49      De surcroît, il y a lieu de constater que, en formant opposition à l’enregistrement du signe figuratif salon matahari en tant que marque en République tchèque, la titulaire de la marque contestée s’est bornée à exercer le droit exclusif conféré par la marque de l’Union européenne. De telles actions ne sauraient prouver, par elles-mêmes, l’intention malhonnête de cette dernière [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, non publié, EU:T:2012:689, point 66].

50      S’agissant de l’affirmation de la requérante, selon laquelle l’enregistrement d’une marque sans l’intention de l’utiliser est un exemple de mauvaise foi du demandeur, conformément à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, et que tel était le cas en l’espèce, il suffit de constater que cette allégation n’est aucunement étayée.

51      Quant au différend locatif opposant le prédécesseur en droit de la requérante à la titulaire de la marque contestée et ayant donné lieu à des mesures provisoires adoptées par la juridiction tchèque, il suffit de relever, à l’instar de la chambre de recours, qu’il est de nature locative et, en tant que tel, n’est pas pertinent pour démontrer l’intention de la titulaire de ladite marque lors de son dépôt. En tout état de cause, la décision invoquée par la requérante ne fait pas référence au signe salon matahari ni aux services de massage sous ce signe à l’adresse concernée.

52      Enfin, troisièmement, en ce qui concerne le degré de protection juridique dont jouit le signe antérieur, force est de constater que la requérante n’a pas valablement contesté les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles le caractère notoirement connu du droit antérieur no 1 en République tchèque n’a pas été établi.

53      Les circonstances invoquées par la requérante sont insuffisantes pour constater l’existence de la mauvaise foi de la titulaire de la marque contestée lors du dépôt de cette marque. Il s’ensuit que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la requérante n’a pas démontré la mauvaise foi de la titulaire de ladite marque lors de son dépôt est exempte d’erreur d’appréciation.

54      Par ailleurs, si l’argumentation de la requérante, formulée au point 34 de la requête, doit être comprise comme visant la motivation de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, d’une part, ainsi qu’il ressort des points 38 à 40 ci-dessus, la chambre de recours a dûment motivé la décision attaquée, et, d’autre part, et en tout état de cause, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il leur suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêt du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19]. Or, tel est manifestement le cas en l’espèce.

55      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      En l’espèce, bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Costeira

Zilgalvis

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le tchèque.

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