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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Bulgaria (Espèces exotiques envahissantes) (Failure of a Member State to fulfil obligations - Environment - Prevention and management of the introduction and spread of invasive alien species - Judgment) French Text [2024] EUECJ C-165/23 (14 November 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C16523.html Cite as: EU:C:2024:958, [2024] EUECJ C-165/23, ECLI:EU:C:2024:958 |
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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
14 novembre 2024 (*)
« Manquement d’État - Environnement - Prévention et gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes - Règlement (UE) no 1143/2014 - Article 14, paragraphes 1 et 2 - Obligation de mettre en place un système de surveillance des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne - Article 13, paragraphes 2 et 5 - Obligations d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ainsi que de transmettre ce ou ces plans d’action à la Commission européenne sans retard »
Dans l’affaire C‑165/23,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 17 mars 2023,
Commission européenne, représentée par M. C. Hermes et Mme G. Koleva, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
République de Bulgarie, représentée par Mmes T. Mitova et S. Ruseva, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la sixième chambre, M. A. Kumin (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :
– en ayant omis de mettre en place, ou d’intégrer dans son système existant, un système de surveillance des espèces exotiques envahissantes (ci-après les « EEE ») préoccupantes pour l’Union européenne comprenant toutes les informations visées à l’article 14, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2014, relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes (JO 2014, L 317, p. 35), et
– en ayant omis d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ainsi que de transmettre ce ou ces plans d’action à la Commission sans retard,
la République de Bulgarie a manqué aux obligations lui incombant, respectivement, en vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 13, paragraphes 2 et 5, de ce règlement.
Le cadre juridique
2 L’article 13 du règlement no 1143/2014, intitulé « Plans d’action relatifs aux voies des [EEE] », dispose :
« 1. Les États membres réalisent, dans un délai de dix-huit mois à compter de l’adoption de la liste de l’Union, une analyse complète des voies d’introduction et de propagation non intentionnelles d’[EEE] préoccupantes pour l’Union, au moins sur leur territoire, ainsi que dans leurs eaux marines au sens de l’article 3, point 1), de la directive 2008/56/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin ») (JO 2008, L 164, p. 19)], et déterminent les voies qui requièrent une action prioritaire (ci-après dénommées “voies prioritaires”) en raison du volume des espèces ou de l’importance des dommages potentiels causés par les espèces entrant dans l’Union par ces voies.
2. Dans un délai de trois ans à compter de l’adoption de la liste de l’Union, chaque État membre élabore et met en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action pour s’attaquer aux voies prioritaires qu’il a identifiées conformément au paragraphe 1. Les plans d’action comprennent un calendrier et décrivent les mesures à adopter et, le cas échéant, des actions volontaires et des codes de bonnes pratiques, pour s’attaquer aux voies prioritaires et empêcher l’introduction et la propagation non intentionnelles d’[EEE] dans l’Union ou au sein de celle-ci.
3. Les États membres assurent une coordination en vue de l’élaboration d’un plan d’action unique ou d’un ensemble de plans d’action coordonnés au niveau régional approprié conformément à l’article 22, paragraphe 1. En l’absence de tels plans d’action régionaux, les États membres élaborent et mettent en œuvre des plans d’action pour leur territoire et coordonnés dans toute la mesure du possible au niveau régional approprié.
4. Les plans d’action visés au paragraphe 2 du présent article comprennent, en particulier, des mesures fondées sur une analyse des coûts et des avantages, afin de :
a) sensibiliser à cette question ;
b) réduire au minimum la contamination des biens, des marchandises, des véhicules et des équipements par des spécimens d’[EEE], y compris par des mesures visant à lutter contre le transport des [EEE] en provenance de pays tiers ;
c) garantir la réalisation de contrôles appropriés aux frontières de l’Union, autres que les contrôles officiels prévus à l’article 15.
5. Les plans d’action élaborés conformément au paragraphe 2 sont transmis à la Commission sans retard. Les États membres réexaminent leurs plans d’action et les transmettent à la Commission au moins tous les six ans. »
3 L’article 14 de ce règlement, intitulé « Système de surveillance », prévoit :
« 1. Dans un délai de dix-huit mois à compter de l’adoption de la liste de l’Union, les États membres mettent en place un système de surveillance des [EEE] préoccupantes pour l’Union, ou intègrent cette surveillance dans leur système existant, afin de collecter et d’enregistrer les données relatives à l’apparition dans l’environnement d’[EEE], au moyen d’études, de dispositifs de suivi ou d’autres procédures, en vue de prévenir la propagation d’[EEE] dans l’Union ou en son sein.
2. Le système de surveillance visé au paragraphe 1 du présent article :
a) couvre le territoire des États membres, y compris les eaux marines territoriales, de manière à déterminer la présence et la répartition des nouvelles [EEE] préoccupantes pour l’Union, ainsi que de celles qui sont déjà implantées ;
b) est suffisamment dynamique pour détecter rapidement l’apparition, dans l’environnement du territoire ou d’une partie du territoire d’un État membre, de toute espèce exotique envahissante préoccupante pour l’Union dont la présence était jusqu’alors inconnue ;
c) se fonde sur les dispositions pertinentes en matière d’évaluation et de suivi prévues par le droit de l’Union ou les accords internationaux, est compatible et évite les doubles emplois avec ces dispositions, et utilise les informations fournies par les systèmes existants de surveillance et de suivi prévus à l’article 11 de la directive 92/43/CEE [du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7)], à l’article 8 de la directive 2000/60/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1),] et à l’article 11 de la directive [2008/56] ;
d) prend en compte les effets transfrontières pertinents et les spécificités transfrontières pertinentes, dans toute la mesure du possible. »
La procédure précontentieuse
4 En application de l’article 4 du règlement no 1143/2014, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/1141, du 13 juillet 2016, adoptant une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union conformément au règlement (UE) no 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil (JO 2016, L 189, p. 4). Les délais dans lesquels les États membres devaient se conformer aux obligations prévues aux articles 13 et 14 du règlement no 1143/2014 sont déterminés en fonction de la date d’adoption de cette liste, à savoir le 13 juillet 2016.
5 Dès lors, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1143/2014, les États membres avaient jusqu’au 13 janvier 2018 pour mettre en place, ou intégrer dans leur système existant, un système de surveillance des EEE préoccupantes pour l’Union permettant de collecter et d’enregistrer les données relatives à l’apparition dans l’environnement d’EEE, au moyen d’études, de dispositifs de suivi ou d’autres procédures, en vue de prévenir la propagation d’EEE dans l’Union ou en son sein. Ce système de surveillance doit être conforme aux exigences prévues à l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement.
6 En outre, en vertu de l’article 13, paragraphes 2 et 5, dudit règlement, les États membres étaient tenus, pour le 13 juillet 2019 au plus tard, d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ainsi que de transmettre ce ou ces plans d’action sans retard à la Commission.
7 Étant d’avis que la République de Bulgarie ne s’était pas conformée aux obligations lui incombant au titre de l’article 13, paragraphes 2 et 5, ainsi que de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1143/2014, la Commission a, le 9 juin 2021, adressé à cet État membre une lettre de mise en demeure par laquelle elle reprochait à celui-ci d’avoir violé ces dispositions.
8 La République de Bulgarie a répondu à cette lettre le 3 août 2021 en mentionnant diverses mesures qu’elle avait prises pour se conformer à ces obligations, ainsi que des « difficultés nationales » auxquelles elle était confrontée à cet égard, sans toutefois indiquer la date à laquelle elle se conformerait auxdites obligations.
9 Le 9 février 2022, la Commission a adressé un avis motivé à la République de Bulgarie.
10 Dans sa réponse du 5 avril 2022 à cet avis motivé, cet État membre a indiqué qu’un projet de cahier des charges prévoyant l’élaboration de plans d’action avant la fin de l’année 2022 et un décret ordonnant la modernisation du Natsionalna sistema za monitoring na sastoyanieto na biologichnoto raznoobrazie (système national de surveillance de l’état de la biodiversité, ci-après le « NSMSBR ») étaient en cours d’élaboration.
11 Lors d’une réunion qui s’est tenue les 22 et 23 juin 2022, la Commission a demandé des éclaircissements sur le point de savoir si un accord était déjà intervenu concernant l’élaboration de ces plans d’action et sur le calendrier de cette élaboration, ainsi que sur la question de savoir si le système de surveillance prévu par ce décret était conforme aux exigences prévues à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1143/2014.
12 La République de Bulgarie a répondu le 16 août 2022 à cette demande d’éclaircissements (ci-après la « réponse du 16 août 2022 »), en informant la Commission que des réunions et des consultations nationales avaient été organisées et qu’une date limite de mise en œuvre desdits plans avait été fixée au 10 mars 2023. S’agissant de la modernisation du NSMSBR, cet État membre a énuméré les mesures prises à cet égard à la date du 16 août 2022.
13 N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a introduit le présent recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE.
Sur le recours
Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’article 13, paragraphes 2 et 5, du règlement no 1143/2014
Argumentation des parties
14 La Commission soutient que la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 13, paragraphes 2 et 5, du règlement no 1143/2014, faute d’avoir élaboré et mis en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action relatifs à toutes les voies prioritaires et en ne les ayant pas transmis à la Commission sans retard, plus de trois ans après la date limite fixée pour se conformer à ces obligations. À cet égard, la Commission fait valoir que la République de Bulgarie n’a pas contesté cette affirmation, ni dans sa réponse à l’avis motivé ni dans sa réponse du 16 août 2022.
15 Dans son mémoire en défense, tout en reconnaissant explicitement l’importance de la biodiversité sur son territoire et en soulignant qu’elle veille à sa conservation, la République de Bulgarie fait valoir, à titre liminaire, qu’elle a pris diverses mesures pour identifier les EEE et assurer la conservation de cette biodiversité, dans le cadre du programme BG03, intitulé « Biodiversité et écosystèmes », du mécanisme financier de l’Espace économique européen 2009-2014. Ces mesures concerneraient notamment la fixation de normes scientifiques pour la collecte, la catégorisation et d’autres analyses des données pertinentes. Lesdites mesures auraient permis l’élaboration d’un recueil des EEE d’importance pour l’Union (2017), qui pourrait être consulté tant en format électronique qu’imprimé.
16 En outre, la République de Bulgarie évoque des projets de plans d’action nationaux relatifs aux voies d’introduction et de propagation non intentionnelles d’EEE préoccupantes, basés notamment sur des accords conclus entre le ministre de l’Environnement et des Eaux et l’Institut de recherche sur la biodiversité et les écosystèmes de l’Académie des sciences de Bulgarie.
17 Dans ce contexte, cet État membre mentionne également d’autres mesures qu’il considère comme étant pertinentes, telles que le projet de stratégie en matière de biodiversité en Bulgarie, dont le but est de limiter autant que possible l’introduction et la naturalisation d’espèces exotiques dans la nature ainsi que de contrôler les EEE très répandues. En outre, elle invoque, d’une part, un arrêté adopté en 2015 par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation contenant des normes nationales relatives aux bonnes conditions agricoles et écologiques des terres dans le domaine de « l’environnement, du changement climatique et des bonnes conditions agricoles des terres », lesquelles concernent notamment les EEE préoccupantes pour l’Union et leurs voies d’introduction et de propagation, ainsi que, d’autre part, la norme nationale relative à la gestion responsable des forêts en Bulgarie, entrée en vigueur le 16 août 2017, et notamment l’annexe 8 de celle-ci, à laquelle figure une liste de dix espèces d’arbres et d’arbustes exotiques envahissantes et potentiellement envahissantes, qu’il convient de ne pas utiliser pour le boisement.
18 Eu égard à l’ensemble de ces mesures, la République de Bulgarie estime avoir satisfait aux obligations lui incombant en vertu de l’article 13, paragraphes 2 et 5, du règlement no 1143/2014.
19 Dans sa réplique, la Commission fait notamment valoir que la République de Bulgarie ne conteste pas ne pas avoir élaboré et mis en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ni transmis ce plan ou ces plans à la Commission.
20 Cette institution confirme avoir pris acte des mesures énumérées par la République de Bulgarie dans son mémoire en défense et ne conteste pas leur adoption. Cela étant, elle estime que ces mesures ne sont pas suffisantes pour que l’on puisse considérer que cet État membre a satisfait aux obligations lui incombant en vertu de l’article 13, paragraphes 2 et 5, du règlement no 1143/2014.
21 En particulier, quant aux actions préparatoires à l’élaboration d’un plan d’action unique ou d’un ensemble de plans d’action, la Commission souligne qu’elles n’ont pas encore abouti au respect des obligations, prévues à cet article 13, paragraphes 2 et 5, d’adopter un tel ou de tels plans et de le ou de les lui transmettre. Dans ce contexte, la Commission précise que, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, les plans mentionnés par la République de Bulgarie dans son mémoire de défense n’avaient pas été adoptés.
22 Dans sa duplique, la République de Bulgarie, fournit des précisions relatives aux projets de plans d’action nationaux mentionnés dans son mémoire en défense ainsi qu’à leurs objectifs principaux et spécifiques, avant de conclure de nouveau qu’elle a satisfait à ces obligations.
Appréciation de la Cour
23 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 13, paragraphes 2 et 5, du règlement no 1143/2014, la République de Bulgarie était tenue, pour le 13 juillet 2019 au plus tard, d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ainsi que de transmettre ce ou ces plans à la Commission sans retard.
24 Selon la jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour [arrêt du 25 avril 2024, Commission/Pologne (Directive lanceurs d’alerte), C‑147/23, EU:C:2024:346, point 28 et jurisprudence citée].
25 Or, il n’est pas contesté que, à la date d’expiration de ce délai, la République de Bulgarie n’avait pas élaboré et mis en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action relatifs à toutes les voies prioritaires et que, partant, elle n’avait pas transmis ce ou ces plans à la Commission sans retard.
26 Néanmoins, cet État membre demande à la Cour de rejeter le recours de la Commission et énumère à l’appui de son argumentation plusieurs mesures préparatoires qu’il a prises, ainsi que des mesures visant à mettre en œuvre des dispositions d’autres actes législatifs et politiques de l’Union, par exemple dans le domaine de la conservation de la biodiversité ou dans celui de la politique agricole commune.
27 À cet égard, il y a lieu de constater que, même si ces dernières mesures, qui sont sans lien direct avec l’objet de la présente affaire, ont effectivement été adoptées par la République de Bulgarie, elles ne constituent cependant pas des « plans d’action », au sens de l’article 13, paragraphes 2 et 5, du règlement no 1143/2014 et ne sont ainsi pas suffisantes pour que l’on puisse considérer que cet État membre a satisfait aux obligations lui incombant en vertu de cette disposition.
28 S’agissant des actions préparatoires à l’élaboration d’un plan d’action unique ou d’un ensemble de plans d’action, il convient de constater également que celles-ci n’ont pas encore abouti au respect des obligations d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ainsi que de transmettre ce ou ces plans à la Commission. En outre, il ressort du mémoire en défense de la République de Bulgarie que, à la date de la rédaction de celui-ci, des travaux étaient encore en cours afin d’affiner davantage les plans d’action et que, à l’issue de ces travaux, ces plans feraient l’objet d’une procédure de consultation publique d’une durée d’un mois et seraient confirmés par le ministre compétent. Lesdits plans n’avaient donc pas été adoptés à la date de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et ne l’étaient toujours pas à celle de l’introduction du présent recours.
29 Il résulte de ce qui précède que le premier grief de la Commission doit être accueilli.
Sur le second grief, tiré d’une violation de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1143/2014
Argumentation des parties
30 Par son second grief, la Commission soutient que la République de Bulgarie, en n’ayant pas mis en place, ou intégré dans son système existant, un système de surveillance des EEE préoccupantes pour l’Union, a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1143/2014.
31 La Commission précise à cet égard que la République de Bulgarie l’a informée, dans sa réponse à l’avis motivé, que le NSMSBR serait modernisé afin de permettre la collecte de données relatives à la présence et à la propagation d’EEE. En particulier, les données relatives aux EEE préoccupantes pour l’Union identifiées sur le territoire national, y compris les espèces non indigènes d’importance nationale, seraient collectées dans le cadre d’un module spécifique du NSMSBR devant encore être élaboré.
32 En outre, la Commission fait valoir que, dans la réponse du 16 août 2022, la République de Bulgarie l’aurait informée que certaines mesures avaient été prises à cet égard, notamment l’enregistrement des EEE signalées dans le registre taxonomique de la base de données existante, l’organisation d’un séminaire avec des scientifiques afin de définir les paramètres minimaux obligatoires pour lesquels des données primaires devraient être collectées et d’identifier la présence d’EEE en Bulgarie, l’élaboration de modèles de groupes biologiques ainsi que le déclenchement d’une procédure d’appel d’offres ayant pour objet la « mise au point d’un nouveau système d’information pour le [NSMSBR] », initialement prévue pour l’année 2022, mais toujours « en préparation ».
33 Bien que la Commission soit d’avis que ces mesures constituent un progrès, elle insiste néanmoins sur le fait que, à la date de l’introduction du présent recours, soit plus de cinq ans après l’expiration du délai prescrit pour se conformer à l’obligation prévue à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1143/2014, cette obligation n’avait toujours pas été remplie par la République de Bulgarie.
34 Selon la Commission, le fait que cet État membre n’ait même pas entamé une procédure de passation de marché public signifie qu’il faudra encore plus de temps pour développer un système tel que le NSMSBR et pour le rendre opérationnel.
35 La République de Bulgarie fait valoir qu’elle a communiqué de bonne foi à la Commission les informations que celle-ci a demandées lors de la phase précontentieuse de la procédure et qu’elle s’est ainsi acquittée de l’obligation lui incombant au titre du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE.
36 Cet État membre souligne avoir déjà fait état, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, outre des difficultés rencontrées, d’une série de mesures opérationnelles dont la mise en œuvre permettrait d’atteindre les objectifs poursuivis par le règlement no 1143/2014. Entre autres, elle aurait déjà intégré l’enregistrement de la présence des EEE dans le NSMSBR, dans le cadre duquel une grande partie des méthodes utilisées pour la surveillance des espèces d’importance nationale et européenne comprendrait un indicateur qui signalerait la présence d’EEE préoccupantes dans chaque zone faisant l’objet d’une surveillance.
37 Concernant ces mesures opérationnelles, un modèle de saisie des données aurait été développé pour évaluer le risque que posent l’introduction, la propagation et la naturalisation d’EEE en Bulgarie ainsi que leur incidence sur la biodiversité et les services écosystémiques associés, ainsi que d’autres incidences sociales et économiques. De plus, des contrôles visant les EEE préoccupantes pour l’Union seraient réalisés aux points de contrôle frontaliers et une page sur le site Internet de l’agence exécutive pour l’environnement comportant des informations relatives aux EEE en Bulgarie aurait été créée.
38 La République de Bulgarie indique que, à la suite d’un arrêté adopté au mois de mars 2022 par le ministre de l’Environnement et des Eaux, le système d’information du NSMSBR permet d’introduire des données dans le registre taxonomique de la base de données existante, relatives tant à la présence et à la propagation dans cet État membre des EEE qui sont préoccupantes pour l’Union qu’aux espèces non indigènes d’importance nationale. De surcroît, afin de moderniser et d’améliorer le système existant, elle aurait pris des mesures pour passer un marché public.
39 Enfin, la République de Bulgarie fait valoir qu’elle prend part à un programme intitulé « Partenariat européen dans le domaine de la biodiversité », Biodiversa plus, financé au titre du programme intitulé « Horizon Europe » 2021-2027, et notamment au projet pilote intitulé « Surveillance des [EEE] depuis les sites d’introduction », dans le cadre duquel dix participants appliqueront les mêmes méthodes de surveillance des EEE appartenant aux groupes biologiques des « plantes vasculaires » et des « insectes nocturnes » afin de recueillir des résultats similaires et comparables permettant d’évaluer la propagation et la situation des EEE ainsi que leur incidence sur les habitats naturels et les espèces.
40 La République de Bulgarie est d’avis qu’il ressort clairement de l’ensemble de ces mesures qu’elle a correctement mis en œuvre l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1143/2014.
41 En ce qui concerne l’argument avancé par la République de Bulgarie tiré du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, la Commission précise, dans sa réplique, que le respect de ce principe est sans incidence sur le manquement en cause, qui concerne l’obligation de mettre en place un système de surveillance conformément à l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1143/2014.
42 Cette institution conteste également que les mesures ou actions invoquées par la République de Bulgarie soient suffisantes pour considérer que cet État membre a satisfait aux obligations lui incombant en vertu de cet article 14, paragraphes 1 et 2, dès lors que ces mesures ou actions ne couvrent pas l’ensemble du territoire national, qu’elles se superposent aux mesures prévues à l’article 11 de la directive 92/43 et qu’elles ne sont pas suffisamment dynamiques, étant donné que les méthodes et modèles élaborés au cours de la période allant de l’année 2014 à l’année 2016 pour les espèces envahissantes déjà implantées sur le territoire bulgare ne sont destinés qu’à fournir les informations nécessaires sur la menace que représentent les EEE lors de la détermination de l’état de conservation des espèces et des habitats.
43 Par ailleurs, la République de Bulgarie aurait reconnu, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, que le système de surveillance existant « [devait] être développé et [nécessitait] des moyens et une expertise supplémentaires afin de satisfaire pleinement aux exigences du règlement [no 1143/2014] ».
44 En outre, la Commission rappelle que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé. Or, bien que certaines mesures aient été prises afin d’améliorer le NSMSBR, aucun système de surveillance n’aurait encore été mis en place à ce jour, de sorte que ces mesures ne satisfont pas à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1143/2014.
45 La Commission soutient également que, en particulier, l’enregistrement des EEE signalées en Bulgarie dans le registre taxonomique, la définition des paramètres minimaux obligatoires pour lesquels des données primaires devraient être collectées et l’élaboration de modèles de groupes biologiques pour les EEE d’eau douce, les EEE végétales et fongiques ainsi que les EEE terrestres constituent seulement des mesures préparatoires à la mise en place d’un système de surveillance conforme aux exigences de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1143/2014, ce que la République de Bulgarie ne contesterait pas. En outre, le nouveau module du NSMSBR n’aurait pas encore été mis en place à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ni même au mois d’août 2022, soit plusieurs mois après cette date.
46 Concernant l’affirmation de la République de Bulgarie selon laquelle cette dernière a pris des mesures pour mener à bien une procédure de passation de marché public relative à la mise au point d’un nouveau système d’information pour le NSMSBR, la Commission souligne qu’il n’est pas clair si cette procédure a été clôturée ni quels en sont les résultats, le cas échéant. En tout état de cause, la passation de marchés publics ne pourrait constituer qu’un acte préparatoire à la mise en place effective du système de surveillance requis par l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1143/2014.
47 Dans sa duplique, la République de Bulgarie précise, tout d’abord, que, sur les 88 espèces figurant sur la liste des EEE préoccupantes pour l’Union, seules 14 sont présentes sur le territoire national, de sorte que la République de Bulgarie est l’un des États membres les moins touchés par la propagation des EEE.
48 Ensuite, elle souligne que des mesures relatives à un marché public visant à moderniser et à améliorer le système existant ont été publiées, mais qu’aucun adjudicataire n’a encore été sélectionné.
49 Enfin, la République de Bulgarie soutient qu’il convient de prendre en considération le développement et l’amélioration continus du NSMSBR, sans qualifier un éventuel retard de manquement aux obligations incombant à l’État membre concerné. Ainsi, l’amélioration permanente de ce système national de surveillance ne saurait être qualifiée de manquement aux obligations incombant à la République de Bulgarie au titre du règlement no 1143/2014.
Appréciation de la Cour
50 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1143/2014, la République de Bulgarie avait jusqu’au 13 janvier 2018 pour mettre en place, ou intégrer dans son système existant, un système de surveillance des EEE préoccupantes pour l’Union permettant de collecter et d’enregistrer les données relatives à l’apparition dans l’environnement d’EEE, au moyen d’études, de dispositifs de suivi ou d’autres procédures, en vue de prévenir la propagation d’EEE dans l’Union ou en son sein. Ce système de surveillance doit être conforme aux exigences prévues à l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement.
51 Selon la jurisprudence de la Cour, rappelée au point 24 du présent arrêt, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission, les changements intervenus par la suite ne pouvant être pris en compte par la Cour.
52 Or, même si les mesures invoquées par la République de Bulgarie constituent un progrès, il est constant que cet État membre n’avait pas, à la date d’expiration de ce délai, entamé la procédure de passation de marché public pour la mise au point d’un nouveau système d’information pour le NSMSBR. En outre, il ressort des observations formulées dans la duplique que cette procédure n’a pas encore été clôturée.
53 En tout état de cause, la passation de marchés publics ne peut constituer qu’un acte préparatoire à la mise en place effective du système de surveillance requis par l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1143/2014. Force est donc de constater que le nouveau module du NSMSBR n’avait pas encore été mis en place à cette date ni même au mois d’août 2023, au cours duquel la duplique a été rédigée.
54 Dans ces circonstances, le second grief de la Commission doit également être accueilli.
55 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que :
– en ayant omis d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ainsi que de transmettre ce ou ces plans d’action à la Commission sans retard et
– en ayant omis de mettre en place, ou d’intégrer dans son système existant, un système de surveillance des EEE préoccupantes pour l’Union, comprenant toutes les informations visées à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1143/2014,
la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent, respectivement, en vertu de l’article 13, paragraphes 2 et 5, et de l’article 14, paragraphes 1 et 2, de ce règlement.
Sur les dépens
56 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Bulgarie et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner celle-ci aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :
1) En ayant omis d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action unique ou un ensemble de plans d’action ainsi que de transmettre ce ou ces plans d’action à la Commission européenne sans retard, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphes 2 et 5, du règlement (UE) no 1143/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2014, relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes.
2) En ayant omis de mettre en place, ou d’intégrer dans son système existant, un système de surveillance des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne comprenant toutes les informations visées à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1143/2014, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 2, de ce règlement.
3) La République de Bulgarie est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le bulgare.
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