''Tecno*37 (Freedom to provide services - Restrictions on multidisciplinary activities - Regulated profession - National legislation providing, in general, for an incompatibility between the joint exercise of the activity of real estate intermediation and that of property co-ownership manager - Judgment) FR [2024] EUECJ C-242/23 (04 October 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C24223.html
Cite as: ECLI:EU:C:2024:831, [2024] EUECJ C-242/23, :EU:C:2024:831

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

4 octobre 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel - Libre prestation de services - Directive 2006/123/CE - Article 25, paragraphe 1 - Restrictions aux activités pluridisciplinaires - Profession réglementée - Réglementation nationale prévoyant, de manière générale, une incompatibilité entre l’exercice conjoint de l’activité d’intermédiation immobilière et celle de syndic de copropriété d’immeubles - Exigences d’indépendance et d’impartialité - Proportionnalité de la restriction - Conséquences de la clôture d’une procédure d’infraction de la Commission européenne contre un État membre »

Dans l’affaire C-242/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 11 avril 2023, parvenue à la Cour le 18 avril 2023, dans la procédure

Tecno*37

contre

Ministero dello Sviluppo economico,

Camera di Commercio Industria Artigianato e Agricoltura di Bologna,

en présence de :

FIMAA - Federazione Italiana Mediatori Agenti D’Affari,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice-président de la Cour, MM. T. von Danwitz, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. C. Di Bella, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 avril 2024,

considérant les observations présentées :

-        pour Tecno*37, par Me A. Reggio d’Aci, avvocato,

-        pour la Camera di Commercio Industria Artigianato e Agricoltura di Bologna, par Me C. Carpani, avvocata,

-        pour la FIMAA - Federazione Italiana Mediatori Agenti D’Affari, par Me G. Passalacqua, avvocato,

-        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme F. Varrone, avvocato dello Stato,

-        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, Mme T. Suchá et J. Vláčil, en qualité d’agents,

-        pour l’Irlande, par Mme M. Browne, Chief State Solicitor, MM. A. Joyce et M. Tierney, en qualité d’agents, assistés de M. I Boyle Harper, BL,

-        pour le gouvernement français, par M. R. Bénard et Mme M. Guiresse, en qualité d’agents,

-        pour la Commission européenne, par Mme L. Armati, MM. M. Mataija et P. A. Messina, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 juin 2024,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE, de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), et de l’article 59, paragraphe 3, de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005, L 255, p. 22), telle que modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013 (JO 2013, L 354, p. 132) (ci-après la « directive 2005/36 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Tecno*37, société établie en Italie, au Ministero dello Sviluppo economico (ministère du Développement économique, Italie) et à la Camera di Commercio Industria Artigianato e Agricoltura di Bologna (chambre de commerce, de l’industrie, de l’artisanat et de l’agriculture de Bologne, Italie) (ci-après la « CCIAA ») au sujet de l’interdiction générale opposée à cette société d’exercer conjointement l’activité d’intermédiaire immobilier et celle de syndic de copropriété d’immeubles.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2005/36

3        L’article 1er de la directive 2005/36 dispose, à son premier alinéa :

« La présente directive établit les règles selon lesquelles un État membre qui subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées [...] reconnaît, pour l’accès à cette profession et son exercice, les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres [...] et qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession. »

4        L’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive énonce :

« La présente directive s’applique à tout ressortissant d’un État membre, y compris les membres des professions libérales, voulant exercer une profession réglementée dans un État membre autre que celui où il a acquis ses qualifications professionnelles, soit à titre indépendant, soit à titre salarié. »

5        L’article 4 de ladite directive, intitulé « Effets de la reconnaissance », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La reconnaissance des qualifications professionnelles par l’État membre d’accueil permet aux bénéficiaires d’accéder dans cet État membre à la même profession que celle pour laquelle ils sont qualifiés dans l’État membre d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux. »

6        L’article 59, paragraphe 3, de la même directive dispose :

« Les États membres examinent si, dans leur système juridique, les exigences limitant l’accès à une profession ou l’exercice de celle-ci aux titulaires d’un titre de formation particulier, y compris le port de titres professionnels et les activités professionnelles autorisées sur le fondement de ce titre, désignées dans le présent article sous le terme de “exigences”, sont compatibles avec les principes suivants :

a)      les exigences ne doivent être ni directement ni indirectement discriminatoires sur la base de la nationalité ou du lieu de résidence ;

b)      les exigences doivent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général ;

c)      les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. »

 La directive 2006/123

7        Les considérants 2, 5, 7 et 101 de la directive 2006/123 énoncent :

« (2)      Il est impératif d’avoir un marché des services concurrentiel pour favoriser la croissance économique et la création d’emplois dans l’Union européenne. [...] Un marché libre obligeant les États membres à supprimer les obstacles à la circulation transfrontalière des services, tout en renforçant la transparence et l’information pour les consommateurs, offrirait un plus grand choix et de meilleurs services, à des prix plus bas, aux consommateurs.

[...]

(5)      Il convient en conséquence d’éliminer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre États membres et de garantir aux destinataires et aux prestataires la sécurité juridique nécessaire à l’exercice effectif de ces deux libertés fondamentales du traité. Étant donné que les obstacles au marché intérieur des services affectent aussi bien les opérateurs qui souhaitent s’établir dans d’autres États membres que ceux qui fournissent un service dans un autre État membre sans s’y établir, il convient de permettre au prestataire de développer ses activités de services au sein du marché intérieur soit en s’établissant dans un État membre, soit en faisant usage de la libre circulation des services. Les prestataires devraient être en mesure de choisir entre ces deux libertés, en fonction de leur stratégie de développement dans chaque État membre.

[...]

(7)      La présente directive établit un cadre juridique général qui profite à une large variété de services tout en prenant en compte les particularités de chaque type d’activité ou de profession et de leur système de réglementation. [...]

[...]

(101)      Il est nécessaire et dans l’intérêt des destinataires, en particulier des consommateurs, de veiller à ce qu’il soit possible aux prestataires d’offrir des services pluridisciplinaires et à ce que les restrictions à cet égard soient limitées à ce qui est nécessaire pour assurer l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité des professions réglementées. [...] »

8        L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services. »

9        L’article 25 de ladite directive, intitulé « Activités pluridisciplinaires », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes.

Toutefois, les prestataires suivants peuvent être soumis à de telles exigences :

a)      les professions réglementées, dans la mesure où cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaire pour garantir l’indépendance et l’impartialité de ces professions ;

b)      les prestataires qui fournissent des services de certification, d’accréditation, de contrôle technique, de tests ou d’essais, dans la mesure où ces exigences sont justifiées pour garantir leur indépendance et leur impartialité. »

 Le droit italien

10      L’article 5, paragraphes 3 et 3 bis, de la legge n. 39 - Modifiche ed integrazioni alla legge 21 marzo 1958, n. 253, concernente la disciplina della professione di mediatore (loi no 39 modifiant et complétant la loi n° 253 du 21 mars 1958 concernant la réglementation de la profession d’intermédiaire), du 3 février 1989 (GURI n° 33, du 9 février 1989, ci-après la « loi no 39/89 »), est libellé comme suit :

« 3.      L’exercice de l’activité d’intermédiation est incompatible avec l’exercice d’activités entrepreneuriales de production, de vente, de représentation ou de promotion de biens relevant du même secteur de produits que celui pour lequel l’activité d’intermédiation est exercée, ainsi qu’avec l’activité exercée en tant qu’employé d’une entité publique ou privée, ou en tant que collaborateur d’entreprises offrant les services financiers visés à l’article 4 du décret législatif no 59 du 26 mars 2010, ou avec l’exercice de professions intellectuelles relevant du même secteur de produits que celui pour lequel l’activité d’intermédiation est exercée et, en tout état de cause, dans les situations de conflit d’intérêts.

3-bis.      Par dérogation aux dispositions du paragraphe 3, l’exercice de l’activité d’agent immobilier est compatible avec celle d’employé ou de collaborateur d’entreprises exerçant l’activité d’intermédiaire de crédit régie par les articles 128 sexies et suivants de la loi consolidée sur la banque et le crédit, au sens du décret législatif no 385 du 1er septembre 1993. L’exercice de l’activité d’intermédiaire de crédit reste soumis aux réglementations sectorielles et aux contrôles qui s’y rapportent. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      Tecno*37 est une entreprise individuelle qui exerce conjointement les activités de syndic de copropriété et d’intermédiation immobilière en tant qu’agent immobilier.

12      Le 17 mars 2020, le ministère du Développement économique a, sur la base d’une plainte, demandé à la CCIAA d’effectuer des vérifications sur l’existence d’une possible incompatibilité ou d’un possible conflit d’intérêts en raison du cumul par Tecno*37 des activités d’intermédiaire immobilier et de syndic de copropriété d’immeubles.

13      Après avoir constaté que Tecno*37 était en charge, depuis le 1er janvier 1988, dans le cadre d’une activité de nature entrepreneuriale, de l’administration et de la gestion de copropriétés, en même temps qu’elle exerçait, depuis le 1er juillet 1988, une activité d’intermédiation immobilière, la CCIAA a considéré qu’il s’agissait d’une situation d’incompatibilité au sens de l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89.

14      En conséquence, la CCIAA a décidé d’inscrire Tecno*37 au registre économique et administratif des gérants de copropriétés d’immeubles et lui a interdit la poursuite de l’activité d’intermédiation immobilière.

15      Tecno*37 a saisi le Tribunale amministrativo regionale per l’Emilia-Romagna (tribunal administratif régional pour l’Émilie-Romagne, Italie) d’un recours contre cette décision qui a été rejeté au motif que les immeubles gérés dans la cadre de l’activité de syndic peuvent être indûment favorisés par rapport à ceux disponibles sur le marché, avec des conséquences quant à l’impartialité dont devrait faire preuve un intermédiaire immobilier.

16      Tecno*37 a interjeté appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), la juridiction de renvoi, en faisant notamment valoir que l’interdiction de cumuler les activités en cause méconnaîtrait le droit de l’Union.

17      En particulier, l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89 ferait l’objet d’une application abstraite et générale, conduisant à toujours reconnaître une incompatibilité entre l’activité d’intermédiation immobilière et celle de syndic de copropriété d’immeubles et empêchant toute appréciation au cas par cas d’un risque de conflit d’intérêts, une telle incompatibilité étant contraire à la jurisprudence de la Cour.

18      La juridiction de renvoi relève, tout d’abord, que la Commission européenne a lancé, le 19 juillet 2018, une procédure d’infraction [INFR(2018)2175] contre la République italienne sur la question de la conformité de l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89 au droit de l’Union.

19      Dans cette procédure, la Commission aurait reproché à la République italienne le fait que plusieurs dispositions de son droit national, dont l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89, violaient l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123, l’article 59, paragraphe 3, de la directive 2005/36 et l’article 49 TFUE, en ce que cette disposition nationale prévoyait une incompatibilité absolue entre, d’une part, l’exercice de l’activité d’intermédiation immobilière et, d’autre part, tout emploi public ou privé et toute autre activité entrepreneuriale ou professionnelle exercée en tant que travailleur indépendant ou entrepreneur.

20      Cette juridiction indique que les autorités italiennes, reconnaissant que l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89 pouvait avoir des effets disproportionnés, ont modifié, à plusieurs reprises, cette disposition.

21      Ladite juridiction relève que, par suite, la procédure d’infraction a été clôturée par la Commission le 29 septembre 2022, l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89 ne prévoyant plus d’interdiction absolue d’exercice conjoint d’activités pluridisciplinaires.

22      À cet égard, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences d’une telle clôture quant à la conformité au droit de l’Union de l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89, dans sa version qui résulte de la modification adoptée à la suite de la procédure d’infraction.

23      Par ailleurs, cette juridiction estime, d’une part, que, lorsqu’un intermédiaire immobilier exerce conjointement l’activité de syndic de copropriété, son impartialité pourrait être affectée. En effet, cet intermédiaire pourrait être amené à orienter les potentiels acquéreurs vers les biens immobiliers qu’il gère, au dépens d’autres biens comparables dont il n’a pas la gestion.

24      D’autre part, ladite juridiction estime que l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89 a pour objet de garantir la protection du consommateur, en ce que cette disposition permet d’éviter tout conflit d’intérêts.

25      Il subsisterait néanmoins un doute, aux fins de la résolution du litige dont la même juridiction est saisie, quant à la conformité des restrictions que cette réglementation prévoit au droit de l’Union.

26      C’est dans ces conditions que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89, tel que reformulé à la suite de la procédure d’infraction no 2018/2175, doit-il désormais être considéré comme pleinement conforme au droit [de l’Union], compte tenu notamment du fait que cette procédure d’infraction a été clôturée ?

2)      Les principes et les objectifs de l’article 59, paragraphe 3, de la directive [2005/36], ainsi que de l’article 25, paragraphe 1, de la directive [2006/123] et, plus généralement, de l’article 49 TFUE font-ils obstacle à une réglementation telle que la réglementation italienne prévue à l’article 5, paragraphe 3, de la loi [no 39/89], qui, de manière préventive et générale, prévoit une incompatibilité entre l’activité d’intermédiation immobilière et celle de syndic sur le seul fondement que les deux activités sont exercées conjointement, sans que, par conséquent, les chambres de commerce soient tenues de procéder à un contrôle a posteriori portant spécifiquement sur l’objet des intermédiations effectuées, et sans que cette incompatibilité soit justifiée par une “raison impérieuse d’intérêt général” spécifiquement identifiée et démontrée ou, en tout état de cause, sans que soit démontrée la proportionnalité de l’incompatibilité générale prévue par rapport à l’objectif poursuivi ?

3)      L’agent immobilier peut-il, quoi qu’il en soit, exercer également l’activité de syndic, sauf dans l’hypothèse où il entend [servir d’intermédiaire pour] la vente ou l’achat d’un immeuble qu’il gère, dès lors que, en pareil cas, un conflit d’intérêts se manifesterait ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

27      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises [arrêt du 16 mai 2024, Toplofikatsia Sofia (Notion de domicile du défendeur), C-222/23, EU:C:2024:405, point 63 et jurisprudence citée].

28      Dans ces conditions, il y a lieu de reformuler la première question préjudicielle et de considérer que, par celle-ci, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 258 TFUE doit être interprété en ce sens que la clôture par la Commission d’une procédure d’infraction contre un État membre entraîne la conformité au droit de l’Union de la réglementation nationale qui avait fait l’objet de cette procédure.

29      À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, la décision de la Commission d’engager ou non une procédure en constatation de manquement constitue l’exercice d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire de celle-ci, sur lequel la Cour ne peut exercer un contrôle juridictionnel [voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C-549/18, EU:C:2020:563, point 49 et jurisprudence citée]. En effet, la Commission, eu égard à son rôle de gardienne du traité, est seule compétente pour décider s’il est opportun d’engager une procédure en constatation de manquement. Elle est également seule compétente pour décider s’il est opportun de poursuivre la procédure précontentieuse par l’envoi d’un avis motivé tout comme elle a la faculté, mais non l’obligation, au terme de cette procédure, de saisir la Cour en vue de faire constater par cette dernière le manquement présumé (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Bulgarie, C-145/14, EU:C:2015:502, point 24 et jurisprudence citée).

30      Le même pouvoir d’appréciation caractérise donc l’adoption, par la Commission, de la décision de clôturer une telle procédure.

31      Compte tenu de ce pouvoir d’appréciation discrétionnaire, la décision de poursuivre ou de clôturer une procédure d’infraction ne saurait être déterminante aux fins de l’appréciation de la conformité d’une réglementation nationale au droit de l’Union.

32      À cet égard, la Cour a déjà jugé que la Commission n’a pas le pouvoir de déterminer de manière définitive, dans le cadre de la procédure en manquement, les droits et obligations d’un État membre ou de lui donner des garanties concernant la compatibilité avec le droit de l’Union d’un comportement déterminé (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2003, Commission/Allemagne, C-135/01, EU:C:2003:171, point 24 et jurisprudence citée). En effet, en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, la Cour est seule compétente pour constater qu’un État membre a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu des traités.

33      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 258 TFUE doit être interprété en ce sens que la clôture par la Commission d’une procédure d’infraction contre un État membre n’entraîne pas la conformité au droit de l’Union de la réglementation nationale qui avait fait l’objet de cette procédure.

 Sur les deuxième et troisième questions

34      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE, l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123 et l’article 59, paragraphe 3, de la directive 2005/36 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit, de manière générale, une incompatibilité entre l’activité d’intermédiation immobilière et celle de syndic de copropriété.

 Sur la recevabilité

35      S’agissant, en premier lieu, des interrogations de la juridiction de renvoi relatives à l’interprétation de l’article 49 TFUE, il convient de rappeler que les dispositions du traité FUE en matière de liberté d’établissement ne trouvent, en principe, pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C-261/20, EU:C:2022:33, point 50 et jurisprudence citée).

36      Ainsi, la Cour, saisie par une juridiction nationale dans le contexte d’une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, ne saurait, sans indication de cette juridiction en ce sens, considérer que la demande d’interprétation préjudicielle portant sur les dispositions du traité FUE relatives aux libertés fondamentales est nécessaire à la solution du litige pendant devant ladite juridiction. En effet, les éléments concrets permettant d’établir un lien entre l’objet ou les circonstances d’un litige, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur de l’État membre concerné, et l’article 49 TFUE doivent ressortir de la décision de renvoi (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C-261/20, EU:C:2022:33, point 52 et jurisprudence citée).

37      Par conséquent, dans une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, il appartient à la juridiction de renvoi d’indiquer à la Cour, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union relatives aux libertés fondamentales un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige (arrêt du 18 janvier 2022, Thelen Technopark Berlin, C-261/20, EU:C:2022:33, point 53 et jurisprudence citée).

38      Or, ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, le litige au principal est caractérisé par des éléments qui se cantonnent tous à l’intérieur de l’Italie. Par ailleurs, la juridiction de renvoi n’indique pas en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec l’article 49 TFUE un élément de rattachement qui rendrait l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige.

39      Par conséquent, les deuxième et troisième questions sont irrecevables en tant qu’elles visent l’interprétation de l’article 49 TFUE.

40      S’agissant, en deuxième lieu, de l’interprétation sollicitée de l’article 59, paragraphe 3, de la directive 2005/36, il découle de cette disposition que les États membres examinent si, dans leur système juridique, les exigences limitant notamment l’exercice d’une profession aux titulaires d’un titre de formation particulier, y compris le port de titres professionnels et les activités professionnelles autorisées sur le fondement de ce titre, ne sont ni directement ni indirectement discriminatoires sur la base de la nationalité ou du lieu de résidence, sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général et sont propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

41      À cet égard, il convient également de relever que, ainsi qu’il découle de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, celle-ci s’applique à tout ressortissant d’un État membre, y compris les membres des professions libérales, voulant exercer une profession réglementée dans un État membre autre que celui où il a acquis ses qualifications professionnelles.

42      En outre, la Cour a déjà jugé qu’il ressort des articles 1er et 4 de ladite directive que l’objet essentiel de la reconnaissance mutuelle est de permettre au titulaire d’une qualification professionnelle lui ouvrant l’accès à une profession réglementée dans son État membre d’origine d’accéder, dans l’État membre d’accueil, à la même profession que celle pour laquelle il est qualifié dans l’État membre d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux (arrêt du 8 juillet 2021, Lietuvos Respublikos sveikatos apsaugos ministerija, C-166/20, EU:C:2021:554, point 25 et jurisprudence citée).

43      Or, en l’occurrence, il n’est pas contesté que la présente affaire ne porte pas sur la reconnaissance d’une qualification professionnelle obtenue dans un autre État membre qu’en Italie.

44      Dans ces conditions, les deuxième et troisième questions préjudicielles sont également irrecevables en tant qu’elles visent l’interprétation de l’article 59, paragraphe 3, de la directive 2005/36.

45      En troisième lieu, il y a lieu de relever que l’Irlande excipe de l’irrecevabilité de la troisième question, en ce qu’elle vise à obtenir une opinion consultative de la Cour sur la base de prémisses factuelles qui ne correspondraient pas à celles du litige au principal.

46      En particulier, l’Irlande soutient que, bien que cette troisième question se réfère à l’activité d’un agent immobilier, le litige au principal concerne en réalité l’activité d’un courtier immobilier, distinction qui ne ressortirait pas de la décision de renvoi.

47      De surcroît, cet État membre estime que la troisième question est fondée sur l’hypothèse, erronée, selon laquelle un conflit d’intérêts surviendrait nécessairement si un agent immobilier était engagé dans l’achat ou la vente d’un bien dont il assure la gestion en tant que syndic de copropriété et que, dès lors, telle qu’elle est formulée, la troisième question dépasserait la portée des enjeux du litige au principal.

48      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que, notamment, s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque le problème est de nature hypothétique [arrêt du 8 mai 2024, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » (Associations de magistrats), C-53/23, EU:C:2024:388, point 21 et jurisprudence citée].

49      D’ailleurs, il convient de relever que, dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi fait une référence explicite à l’exercice simultané de l’activité d’intermédiation immobilière et celle de syndic de copropriété d’immeubles, sans mentionner l’activité de courtier immobilier.

50      S’agissant des considérations relatives au risque d’un conflit d’intérêts en raison du cumul des activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété de biens immobiliers, celles-ci doivent être considérées comme relevant du fond de la question préjudicielle et non pas de la recevabilité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2024, Lietuvos notarų rūmai e.a., C-128/21, EU:C:2024:49, point 43).

51      Quant aux allégations de l’Irlande selon lesquelles la troisième question dépasserait les enjeux du litige au principal, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions posées par les juridictions nationales bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile auxdites questions (arrêt du 21 décembre 2023, Cofidis, C-340/22, EU:C:2023:1019, point 18).

52      Par ailleurs, il appartient à la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération avec les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2024, Direktor na Glavna direktsia « Natsionalna politsia » pri MVR - Sofia, C-118/22, EU:C:2024:97, point 31 et jurisprudence citée).

53      Au vu de ce qui précède, les arguments de l’Irlande quant à l’irrecevabilité de la troisième question ne sauraient prospérer.

54      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que les deuxième et troisième questions préjudicielles doivent être considérées comme étant irrecevables uniquement dans la mesure où elles portent sur l’interprétation de l’article 49 TFUE et de l’article 59, paragraphe 3, de la directive 2005/36.

 Sur le fond

55      À titre liminaire, il convient de déterminer si l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123 s’applique à une situation purement interne telle que celle en cause au principal.

56      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu du premier alinéa de cette disposition, les États membres veillent à ce que les prestataires de services ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes. Le second alinéa de ladite disposition précise que les prestataires visés à ses points a) et b) peuvent être soumis à de telles exigences, dans le respect des conditions que ces points prévoient.

57      Or, force est de constater que l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123 ne fait pas référence à un élément transfrontalier et n’énonce aucune condition relative à l’existence d’un tel élément.

58      En effet, ainsi que l’a soutenu la Commission dans ses observations écrites, l’application de cette disposition n’exige pas l’existence d’un élément d’extranéité, dès lors que les mesures qu’elle comporte fournissent une base commune pour faciliter la libre circulation des services en vue de garantir une meilleure qualité de ces derniers, que le prestataire fournisse ses services exclusivement sur le territoire de son État membre ou également dans d’autres États membres.

59      À cet égard, la Cour a jugé que, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2006/123, lu en combinaison avec les considérants 2 et 5 de celle-ci, cette directive édicte des dispositions générales visant à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre ces derniers, afin de contribuer à la réalisation d’un marché intérieur des services libre et concurrentiel. Or, la pleine réalisation du marché intérieur des services requiert, avant tout, la suppression des obstacles que rencontrent les prestataires pour s’établir dans les États membres, que ce soit dans leur propre État membre ou dans un autre État membre, et qui sont susceptibles de porter atteinte à leur capacité de fournir des services à des destinataires se trouvant dans l’ensemble de l’Union (arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C-360/15 et C-31/16, EU:C:2018:44, points 104 et 105 ainsi que jurisprudence citée).

60      Aux fins de la mise en place d’un véritable marché intérieur des services, l’approche retenue par le législateur de l’Union dans la directive 2006/123 repose, ainsi que l’énonce son considérant 7, sur un cadre juridique général composé d’une combinaison de mesures diverses destinées à assurer un degré élevé d’intégration juridique dans l’Union. Par conséquent, sous peine de porter atteinte à l’effet utile du cadre juridique spécifique que le législateur de l’Union a voulu instituer en adoptant la directive 2006/123, il convient d’admettre que la portée de cette directive est susceptible de s’étendre, le cas échéant, au-delà de ce que prévoient strictement les dispositions du traité FUE afférentes à la liberté d’établissement et à la libre circulation des services (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C-360/15 et C-31/16, EU:C:2018:44, points 106 et 107 ainsi que jurisprudence citée).

61      Partant, l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123 étant susceptible de s’appliquer à une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, c’est au regard de cette disposition qu’il convient d’apporter une réponse à la juridiction de renvoi.

62      Ainsi qu’il a été relevé au point 56 du présent arrêt, en vertu du premier alinéa de cette disposition, les États membres veillent à ce que les prestataires de services ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes.

63      Cela étant, l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2006/123 précise que les prestataires visés aux points a) et b) de cette disposition peuvent être soumis à de telles exigences, dans le respect des conditions qui y sont énoncées.

64      En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89 est interprété et appliqué en ce sens qu’il interdit l’exercice conjoint des activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété, qu’elles soient ou non exercées sur le même bien, dès lors qu’il s’agit d’activités entrepreneuriales.

65      Il s’ensuit que l’article 5, paragraphe 3, de la loi no 39/89 soumet ces prestataires à des exigences telles que celles prévues à l’article 25, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/123.

66      Il convient, dès lors, d’examiner si ces exigences peuvent, en l’occurrence, être admises sur la base de l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de cette directive.

67      S’il appartient, en dernier lieu, au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si les exigences que prévoit la réglementation nationale répondent aux conditions posées par l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive 2006/123, la Cour, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, est compétente, sur la base du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, pour fournir à la juridiction de renvoi des indications utiles, de nature à lui permettre de trancher le litige dont elle est saisie (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C-78/21, EU:C:2023:137, point 71 ainsi que jurisprudence citée).

68      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’activité d’intermédiation est une profession réglementée en Italie. Or, l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive 2006/123 prévoit que les exigences portant sur les professions réglementées sont admises seulement dans la mesure où elles sont justifiées pour garantir le respect des règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaires pour garantir l’indépendance et l’impartialité de ces professions.

69      Le gouvernement italien a fait valoir à cet égard les objectifs de protection des consommateurs et de préservation de l’indépendance et de l’impartialité des intermédiaires immobiliers, ce dernier objectif allant de pair avec la prévention des conflits d’intérêts.

70      Il estime que, sans une interdiction de cumul d’activités, telle que celle en cause au principal, il existerait un risque que les propriétaires de biens immobiliers pour lesquels le rôle de syndic et celui d’intermédiaire immobilier sont exercés par la même personne soient indûment favorisés. En effet, un tel intermédiaire non soumis à une telle interdiction pourrait orienter les acquéreurs potentiels vers les immeubles pour lesquels il exerce lui-même les fonctions de syndic.

71      Par ailleurs, le gouvernement italien soutient qu’il n’est pas possible de faire peser sur les chambres de commerce, de l’industrie, de l’artisanat et de l’agriculture le soin de vérifier l’absence d’un conflit d’intérêts pour chaque transaction.

72      À cet égard, il convient de relever que l’article 25 de la directive 2006/123, y compris les conditions auxquelles sont soumises les exigences qu’il vise, s’inscrit dans le chapitre V de cette directive, intitulé « Qualité des services ». Or, la Cour a jugé que ce chapitre, en général, vise à sauvegarder les intérêts des consommateurs en améliorant la qualité des services des professions réglementées dans le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2011, Société fiduciaire nationale d’expertise comptable, C-119/09, EU:C:2011:208, point 28).

73      D’ailleurs, ce même objectif est reflété au considérant 101 de ladite directive, selon lequel il est nécessaire et dans l’intérêt des destinataires, en particulier des consommateurs, de veiller à ce qu’il soit possible aux prestataires d’offrir des services pluridisciplinaires et à ce que les restrictions à cet égard soient limitées à ce qui est nécessaire pour assurer l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité des professions réglementées.

74      En vue d’assurer la protection des consommateurs, les États membres peuvent adopter des mesures visant à garantir l’indépendance et l’impartialité des professions réglementées, conformément à l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive 2006/123.

75      En l’occurrence, dès lors qu’un intermédiaire immobilier doit être un tiers par rapport aux parties à une transaction immobilière, il apparaît que l’interdiction d’exercer conjointement les activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété, en ce qu’elle vise à prévenir le risque d’un conflit d’intérêts, peut, en principe, être considérée comme étant apte à garantir l’indépendance et l’impartialité de la profession réglementée en cause, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

76      Cela étant, encore faut-il qu’une interdiction générale d’exercice conjoint d’activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété, telle que celle en cause au principal, n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. À cet égard, il devrait être recherché si d’autres mesures moins contraignantes ne pourraient pas permettre d’atteindre le même résultat.

77      En l’occurrence, comme l’a souligné la Commission dans ses observations écrites, s’il ne peut être exclu qu’une situation de conflit d’intérêts puisse se produire, notamment lorsque les activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété sont exercées à l’égard d’un même bien ou de biens comparables, un tel risque n’a pas nécessairement vocation à se réaliser en toutes circonstances, de sorte que l’existence d’un tel conflit d’intérêts ne saurait être présumée.

78      Du reste, l’interdiction en cause ne semble pas être la seule mesure permettant de garantir l’indépendance et l’impartialité de la profession réglementée d’intermédiaire immobilier. En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 66 de ses conclusions, et comme l’ont soutenu la Commission ainsi que Tecno*37 dans leurs observations écrites, des mesures moins attentatoires à la libre prestation de services qu’une interdiction générale d’exercice conjoint des deux activités, telles qu’une interdiction d’exercice conjoint d’activités limitée au cas où serait en cause un même bien immobilier, et/ou des obligations spécifiques de transparence et d’information concernant cet exercice conjoint, assortis d’un contrôle ex post par les chambres professionnelles compétentes, peuvent permettre de garantir cette indépendance et cette impartialité.

79      Enfin, il y a lieu de considérer que les difficultés d’ordre pratique invoquées par le gouvernement italien dans la mise en œuvre des mesures alternatives à l’interdiction générale d’exercice conjoint d’activités d’intermédiation immobilière et de syndic de copropriété, et, en particulier, l’impossibilité de vérifier l’absence d’un conflit d’intérêts dans chaque transaction lors d’un éventuel exercice de ces activités pour un même bien immobilier, ne sont pas insurmontables. En effet, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 65 de ses conclusions, les actes de vente peuvent, par exemple, comporter des déclarations expresses selon lesquelles l’agent immobilier, agissant en tant qu’intermédiaire, n’exerce pas, en même temps, la fonction de syndic de la copropriété dont fait partie l’immeuble acquis.

80      En tout état de cause, la Cour a jugé que de telles difficultés pratiques ne sauraient justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2020, Commission/Belgique (Comptables), C-384/18, EU:C:2020:124, point 58].

81      Par conséquent, et sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, il apparaît qu’une interdiction générale du cumul de l’activité d’intermédiation immobilière et de celle de syndic de copropriété, telle que celle en cause au principal, excède ce qui est nécessaire et proportionné pour atteindre l’objectif qu’elle vise.

82      Dans ces conditions, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, de manière générale, une incompatibilité entre l’exercice conjoint de l’activité d’intermédiation immobilière et de celle de syndic de copropriété.

 Sur les dépens

83      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 258 TFUE

doit être interprété en ce sens que :

la clôture par la Commission européenne d’une procédure d’infraction contre un État membre n’entraîne pas la conformité au droit de l’Union de la réglementation nationale qui avait fait l’objet de cette procédure.

2)      L’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, de manière générale, une incompatibilité entre l’exercice conjoint de l’activité d’intermédiation immobilière et de celle de syndic de copropriété.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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