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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Inspektorat kam Visshia sadeben savet (Judicial inspectorate competent to propose the initiation of disciplinary proceedings against judges and prosecutors - Opinion) FR [2024] EUECJ C-313/23 (04 October 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C31323.html Cite as: :EU:C:2024:859, ECLI:EU:C:2024:859, [2024] EUECJ C-313/23 |
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Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PRIIT PIKAMÄE
présentées le 4 octobre 2024 (1)
Affaires jointes C-313/23, C-316/23 et C-332/23
Inspektorat kam Visshia sadeben savet
[demandes de décision préjudicielle formées par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie)]
« Renvoi préjudiciel - Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE - Inspection judiciaire compétente pour proposer l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre des juges et des procureurs - Maintien des fonctions des membres de l’Inspection judiciaire au-delà de la durée légale de leur mandat - Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel - Règlement (UE) 2016/679 - Notion de « responsable du traitement » - Détermination par le droit national des finalités et des moyens du traitement - Sécurité des données à caractère personnel - Autorité judiciaire autorisant l’Inspection judiciaire à accéder aux données à caractère personnel relatives aux soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille »
I. Introduction
1. La présente affaire offre l’opportunité à la Cour de se prononcer, pour la première fois, sur la compatibilité avec l’article 19 TUE d’une réglementation nationale qui autorise les membres d’un corps d’inspection de la magistrature disposant de compétences en matière de procédures disciplinaires visant les juges et les procureurs à continuer d’exercer, de facto et pour une durée indéterminée, leurs fonctions au-delà de la durée légale de leur mandat.
2. Elle permettra également à la Cour de poursuivre son œuvre d’interprétation du règlement (UE) 2016/679 (2), en précisant, d’une part, sa jurisprudence relative à la désignation par le droit national du responsable du traitement des données à caractère personnel et, d’autre part, l’objet du recours en justice prévu à l’article 79, paragraphe 1, de ce règlement.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
3. Sont pertinents dans la présente affaire, l’article 19 TUE, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que les articles 4, 5, 32, 33 et 79 du RGPD.
B. Le droit bulgare
1. La Constitution bulgare
4. L’article 117, paragraphe 2, de la Konstitutsiya na Republika Bulgaria (Constitution de la République de Bulgarie, ci-après la « Constitution bulgare »), dans sa version applicable aux faits au principal, dispose :
« Le pouvoir judiciaire est indépendant. Lors de l’accomplissement de leurs fonctions, les juges, les jurés, les procureurs et les magistrats d’instruction sont soumis uniquement à la loi. »
5. L’article 132a de cette Constitution, dans sa version applicable aux faits au principal, énonce :
« (1) Un corps d’inspection est établi au Conseil supérieur de la magistrature. Il se compose d’un inspecteur en chef et de dix inspecteurs.
(2) L’inspecteur général est élu par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers de ses membres, pour une période de cinq ans.
(3) Les inspecteurs sont élus par l’Assemblée nationale pour une période de quatre ans, selon la procédure établie au paragraphe 2.
(4) L’inspecteur général et les inspecteurs peuvent être réélus, mais ils ne peuvent pas l’être pour deux mandats consécutifs.
[...]
(6) L’Inspection vérifie l’activité des autorités du pouvoir judiciaire, sans porter atteinte à l’indépendance des juges, des jurés, des procureurs et des magistrats d’instruction dans l’exercice de leurs fonctions. L’Inspection effectue des contrôles portant sur l’intégrité et les conflits d’intérêts des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction, sur leurs déclarations de patrimoine et sur l’identification des actions portant atteinte à la réputation du pouvoir judiciaire et de celles liées à la violation de l’indépendance des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction. L’inspecteur général et les inspecteurs sont indépendants et n’obéissent qu’à la loi dans l’exercice de leurs fonctions.
(7) L’Inspection agit d’office, à l’initiative des citoyens, des personnes morales et des organes d’État, y compris des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction.
[...]
(10) Les conditions et la procédure applicables à l’élection et à la révocation de l’inspecteur général et des inspecteurs, ainsi que l’organisation et le fonctionnement du corps d’inspection sont établis par la loi. »
2. La loi sur le pouvoir judiciaire
6. L’article 46 du Zakon za sadebnata vlast (loi sur le pouvoir judiciaire) (DV nº 64, du 7 août 2007) est rédigé en ces termes :
« L’Assemblée nationale élit l’inspecteur général et chacun des inspecteurs individuellement à la majorité des deux tiers des députés. »
7. L’article 54 de cette loi prévoit :
« (1) L’Inspection
[...]
2. contrôle l’organisation de l’ouverture et du déroulement des procédures judiciaires, des procédures de poursuites par le parquet et des enquêtes, ainsi que la clôture des affaires dans les délais impartis ;
[...]
6. propose des sanctions disciplinaires à l’encontre des juges, des procureurs, des magistrats d’instruction et des responsables administratifs du pouvoir judiciaire ;
7. émet des alertes, des suggestions et des rapports à l’intention d’autres autorités étatiques, y compris des autorités du système judiciaire ;
8. effectue des contrôles portant sur l’intégrité et les conflits d’intérêts des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction, sur leurs déclarations de patrimoine et sur l’identification des actions portant atteinte à la réputation du pouvoir judiciaire et de celles liées à la violation de l’indépendance des juges, des procureurs et des magistrats d’instruction ;
[...]
15. contrôle le traitement des données à caractère personnel dans les cas visés à l’article 17, paragraphe 1, de la loi sur la protection des données à caractère personnel.
(2) Lorsqu’elle assure le contrôle visé au paragraphe 1, point 15, l’Inspection exécute les tâches et exerce les pouvoirs prévus par la loi sur la protection des données à caractère personnel.
[...] »
8. L’article 175a de ladite loi énonce à son paragraphe 1 :
« Les juges, les procureurs et les magistrats d’instruction soumettent les déclarations suivantes auprès de l’[Inspection] :
1. une déclaration de patrimoine et d’intérêts en deux parties ;
2. une déclaration de modification des circonstances par rapport à la déclaration visée au point 1, de la partie concernant les intérêts visés à l’article 175b, paragraphe 1, points 11 à 13, et concernant l’origine des fonds en cas de remboursement anticipé de dettes et de prêts. »
[...] »
9. L’article 175b, paragraphe 4, de la même loi est libellé comme suit :
« Les juges, les procureurs et les magistrats d’instruction déclarent le patrimoine et les revenus de leur conjoint ou des personnes avec lesquelles ils vivent de fait en tant qu’époux, et de leurs enfants mineurs. »
10. L’article 175e de la loi sur le pouvoir judiciaire dispose :
« (1) Dans les six mois suivant l’expiration du délai de présentation de la déclaration, l’[Inspection] vérifie la véracité des faits déclarés.
[...]
(6) L’[Inspection] peut obtenir des informations auprès des systèmes d’information visés aux articles 56 et 56 bis de la loi sur les établissements de crédit. L’inspecteur général et les inspecteurs de l’[Inspection] peuvent demander la levée du secret bancaire au Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) dans le ressort duquel la personne concernée a son domicile, sauf si le consentement a été donné conformément à l’article 62, paragraphe 5, point 1, de la loi sur les établissements de crédit. Le consentement est donné devant l’[Inspection], par écrit, sans certification notariale de la signature, sur un formulaire approuvé par l’inspecteur général. »
3. La loi sur les établissements de crédit
11. Le Zakon za kreditnite institutsii (loi sur les établissements de crédit) (DV n° 59, du 21 juillet 2006) prévoit à son article 62, dans sa version applicable aux faits au principal :
« (1) Il est interdit aux employés de banque, aux membres des organes de gestion et de surveillance des banques, aux agents de la Banque nationale de Bulgarie (BNB), aux employés et aux membres du conseil d’administration du Fonds de garantie des dépôts, aux liquidateurs, aux administrateurs provisoires et aux syndics, ainsi qu’à toutes autres personnes travaillant pour une banque, de divulguer ou utiliser à leur profit personnel ou au profit des membres de leur famille des informations constituant un secret bancaire.
(2) Le secret bancaire est constitué par les faits et circonstances affectant les soldes et les opérations des comptes et dépôts des clients de la banque.
[...]
(5) Sauf à la BNB et aux fins et dans les conditions de l’article 56, la banque ne peut fournir les informations visées au paragraphe 2 concernant des clients individuels que :
1. avec leur consentement ;
2. en vertu d’une décision d’une juridiction, prise conformément aux paragraphes 6 et 7 ;
[...]
(6) La juridiction peut également ordonner la divulgation des informations visées au paragraphe 2, à la demande :
[...]
12. de l’inspecteur général ou d’un inspecteur de l’[Inspection].
(7) Le juge du Rayonen sad [tribunal d’arrondissement] statue en chambre du conseil par décision motivée sur la demande visée au paragraphe 6, au plus tard dans les 24 heures suivant la réception de la demande, en précisant la période à laquelle se rapportent les renseignements visés au paragraphe 1. La décision du tribunal est insusceptible de recours.
[...] »
4. La loi sur la protection des données à caractère personnel
12. L’article 17 du Zakon za zashtita na lichnite danni (loi sur la protection des données à caractère personnel) (DV nº 1, 4 janvier 2002) prévoit :
« (1) L’[Inspection] surveille et contrôle le respect du [RGPD], de la présente loi et des actes en matière de protection des données à caractère personnel, lorsque des données à caractère personnel sont traitées par :
1. la juridiction dans l’exercice de ses fonctions d’autorité du pouvoir judiciaire, et
2. le parquet et les autorités d’enquête dans l’exercice de leurs fonctions d’autorités du pouvoir judiciaire aux fins de la prévention, de la détection, de l’instruction ou de la poursuite d’infractions pénales ou de l’exécution de sanctions pénales.
[...] »
13. L’article 39, paragraphe 1, de cette loi est rédigé en ces termes :
« En cas de violation de ses droits au titre du [RGPD] et de la présente loi, la personne concernée peut contester les actes et actions du responsable du traitement et du sous-traitant devant une juridiction conformément à la procédure prévue par le code de procédure administrative. »
III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles
14. L’Inspektorat kam Visshia sadeben savet (Inspection près le Conseil supérieur de la magistrature, Bulgarie, ci-après l’« Inspection ») a saisi, le 15 mai 2023, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) d’une demande de levée du secret bancaire relatif au patrimoine de plusieurs magistrats et des membres de leur famille.
15. La juridiction de renvoi considère qu’il convient, en premier lieu, de vérifier si l’Inspection dispose de la compétence pour la saisir d’une demande de levée du secret bancaire. À cet égard, elle précise que cette autorité, qui a été créée par un amendement de la Constitution bulgare en 2007, est composée d’un inspecteur général de la magistrature et de dix inspecteurs qui sont élus par le Parlement bulgare pour une durée respective de cinq et quatre ans. En l’espèce, les mandats de l’inspecteur général et de tous les inspecteurs sont parvenus à leur terme en 2020 sans que le Parlement ne procède à l’élection de nouveaux membres.
16. Cette juridiction indique que, par un arrêt du 27 septembre 2022, le Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle, Bulgarie) a jugé que, lorsque le mandat des membres de l’Inspection expire, ceux-ci ne cessent pas leurs activités jusqu’à ce que de nouveaux membres soient élus. Cela étant, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, au regard du droit de l’Union, la prorogation des mandats de ces membres est susceptible de porter atteinte à l’indépendance de cette autorité, en ce qu’elle est habilitée à engager des poursuites disciplinaires à l’encontre des juges. Dans l’affirmative, cette juridiction voudrait connaître les critères permettant de déterminer si une telle prorogation est admissible.
17. En second lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur le rôle et les obligations des juridictions nationales autorisant l’accès de l’Inspection aux données à caractère personnel des magistrats.
18. Sur ce point, cette juridiction indique que, en 2019, des données personnelles relatives à l’adresse de plusieurs magistrats et à l’identité des membres de leur famille ont été publiées sur le site Internet de l’Inspection. Après avoir constaté que ces données avaient été diffusées de manière illégale, la Komisia za zashtita na lichnite danni (Commission de protection des données à caractère personnel, Bulgarie) a infligé une amende à l’Inspection.
19. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi se demande si, à supposer le RGPD applicable, elle doit être qualifiée de responsable du traitement au sens de l’article 4, point 7, de ce règlement. Plus particulièrement, cette juridiction relève que, selon l’interprétation du droit national prévalant en Bulgarie, son contrôle se limite à déterminer si les personnes, dont la levée du secret bancaire est demandée, sont soumises à l’obligation de déclaration prévue par la loi sur le pouvoir judiciaire. Elle souligne que, si la qualification de responsable du traitement était appliquée à la juridiction saisie d’une telle demande, celle-ci devrait assurer la sécurité des données en vertu des articles 32 à 34 du RGPD.
20. Par ailleurs, ladite juridiction cherche à savoir si une autorité judiciaire, qui accorde l’accès d’une entité étatique à des données relevant du secret bancaire, peut être considérée comme une autorité de contrôle au sens de l’article 51 du RGPD.
21. Enfin, selon la juridiction de renvoi, il convient de déterminer si, avant d’autoriser l’accès aux données, le pouvoir judiciaire doit s’assurer de la suffisance des mesures prises par l’Inspection pour assurer un traitement des données conforme à la loi. Cette juridiction se demande notamment si, indépendamment de sa qualification de responsable du traitement ou d’autorité de contrôle, elle est tenue de procéder d’office à de tels contrôles aux fins de garantir une protection juridictionnelle effective prévue à l’article 79 du RGPD.
22. C’est dans ces conditions que le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la [Charte], en ce sens que le fait qu’une autorité, qui peut infliger des sanctions disciplinaires aux juges et qui a le pouvoir de récolter des données sur leur patrimoine, demeure en fonctions au-delà de la fin du mandat constitutionnellement établi pour elle, sans date de fin clairement définie, constitue - en soi ou sous certaines conditions - une violation de l’exigence imposée aux États membres de garantir des voies de recours effectives en vue d’un contrôle juridictionnel indépendant ? Et si une telle extension dans le temps des pouvoirs est permise, à quelles conditions ?
2) Convient-il d’interpréter l’article 2, paragraphe 2, sous a), du [RGPD] en ce sens que l’activité de levée du secret bancaire aux fins de la vérification du patrimoine des magistrats, patrimoine qui est ensuite rendu public, constitue une activité qui ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union ? La réponse se trouve-t-elle modifiée lorsque cette activité implique également la divulgation de données sur les membres de la famille des magistrats lesquels n’ont pas la qualité de magistrat ?
3) S’il est répondu à la deuxième question en ce sens que le droit de l’Union est applicable, convient-il d’interpréter l’article 4, point 7, du RGPD en ce sens qu’une autorité judiciaire, laquelle autorise une autre autorité étatique à accéder aux données relatives aux soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille, détermine les finalités ou les moyens du traitement des données à caractère personnel et constitue donc un “responsable du traitement” des données à caractère personnel ?
4) S’il est répondu à la deuxième question en ce sens que le droit de l’Union est applicable et par la négative à la troisième question, convient-il d’interpréter l’article 51 du RGPD en ce sens qu’une autorité judiciaire, laquelle autorise une autre autorité étatique à accéder aux données relatives aux soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille, est chargée de surveiller l’application du RGPD et a donc la qualité d’“autorité de contrôle” en ce qui concerne ces données ?
5) S’il est répondu à la deuxième question en ce sens que le droit de l’Union est applicable et par l’affirmative à l’une des troisième ou quatrième questions, convient-il d’interpréter l’article 32, paragraphe 1, sous b), du RGPD, respectivement son article 57, paragraphe 1, sous a), en ce sens qu’une autorité judiciaire, laquelle autorise une autre autorité étatique à accéder aux données relatives aux soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille, est tenue, lorsqu’il existe des informations sur une violation antérieure de la sécurité des données à caractère personnel par l’autorité à laquelle l’accès doit être accordé, de demander des informations sur les mesures qui ont été prises pour la protection des données et d’examiner l’adéquation de ces mesures lorsqu’elle décide d’accorder ou non l’accès ?
6) S’il est répondu à la deuxième question en ce sens que le droit de l’Union est applicable et indépendamment des réponses données à la troisième ou à la quatrième question, convient-il d’interpréter l’article 79, paragraphe 1, du RGPD, lu en combinaison avec l’article 47 de la [Charte], en ce sens que, lorsque le droit national de l’un des États de l’Union prévoit que certaines catégories de données ne peuvent être divulguées qu’après autorisation judiciaire, la juridiction qui accorde cette autorisation est tenue d’assurer d’office la protection des personnes dont elle divulgue les données en exigeant de l’autorité étatique qui demande l’accès aux données, et dont il est notoire qu’elle a rendu possible une violation de la sécurité de données à caractère personnel, qu’elle fournisse des informations sur les mesures prises en vertu de l’article 33, paragraphe 3, sous d), du RGPD et sur leur mise en œuvre effective ? »
IV. La procédure devant la Cour
23. Des observations écrites ont été déposées par l’Inspection, les gouvernements bulgare et polonais ainsi que par la Commission européenne.
V. Analyse
24. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions sont ciblées sur les première, troisième et sixième questions préjudicielles.
A. Sur la première question préjudicielle
25. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation ou à une pratique nationale autorisant la poursuite de l’activité des membres de l’Inspection, qui disposent de compétences en matière de procédures disciplinaires visant les juges et les procureurs, au-delà de la durée légale de leur mandat. Dans le cadre de leurs observations écrites, les gouvernements bulgare et polonais ainsi que l’Inspection ont conclu à l’incompétence de la Cour pour en connaître et à son irrecevabilité. Il importe, en outre, de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, il appartient à la Cour elle-même d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national, en vue de vérifier sa propre compétence ou la recevabilité de la demande qui lui est soumise (3).
1. Sur la compétence
26. Selon une jurisprudence bien établie, la Cour n’est pas compétente pour répondre à une question posée à titre préjudiciel lorsqu’il est manifeste que la disposition du droit de l’Union soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer (4). Lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (5).
27. En premier lieu, s’agissant de l’application de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, il convient de rappeler que, en vertu de cette disposition, les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer aux justiciables le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Ainsi, il appartient aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures assurant un contrôle juridictionnel effectif dans lesdits domaines. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en ce qui concerne le champ d’application de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, ladite disposition vise les « domaines couverts par le droit de l’Union », indépendamment de la situation dans laquelle les États membres mettent en œuvre ce droit, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (6).
28. L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE a, notamment, vocation à s’appliquer à l’égard de toute instance nationale susceptible de statuer, en tant que juridiction, sur des questions portant sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union et relevant ainsi de domaines couverts par ce droit. Or, tel semble être le cas de la juridiction de renvoi, laquelle peut, en effet, être appelée, en sa qualité de juridiction de droit commun bulgare, à statuer sur des questions liées à l’application ou à l’interprétation du droit de l’Union et relève, en tant que « juridiction », au sens défini par ce droit, du système bulgare de voies de recours dans les « domaines couverts par le droit de l’Union », au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de telle sorte que cette juridiction doit satisfaire aux exigences d’une protection juridictionnelle effective. Par ailleurs, il convient de rappeler que si, ainsi que le relève le gouvernement polonais, l’organisation de la justice dans les États membres relève de la compétence de ces derniers, il n’en demeure pas moins que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres sont tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union et, en particulier, de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (7).
29. Il résulte des demandes de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi a été saisie par des membres de l’Inspection, dont le mandat était expiré depuis plusieurs années, d’une demande visant à autoriser la levée du secret bancaire concernant les données relatives aux comptes bancaires de plusieurs magistrats et des membres de leur famille. Cette juridiction considère que, compte tenu des missions et des attributions de cet organe en matière disciplinaire, une telle situation, dont la régularité a été confirmée par le Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle), est de nature à soulever des interrogations au regard de l’exigence d’indépendance du système judiciaire des États membres posée par le droit de l’Union, ce qui justifie les interrogations adressées à la Cour. Or, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE a vocation à s’appliquer dans le contexte d’une procédure soulevant la question de la conformité au droit de l’Union d’une réglementation ou d’une pratique nationale susceptible d’affecter l’indépendance des juges. Il importe de souligner, à cet égard, qu’il incombe à tout État membre, en vertu de l’article susmentionné, d’assurer que le régime disciplinaire applicable aux juges des juridictions nationales relevant de leur système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union respecte le principe d’indépendance des juges en prévoyant, notamment, l’intervention d’instances satisfaisant elles-mêmes aux garanties inhérentes à une protection juridictionnelle effective (8).
30. Je relève que l’Inspection fait valoir que, contrairement à ce qu’indique la juridiction de renvoi, les données relatives aux comptes bancaires des magistrats concernés, objet de la procédure au principal, ne sont pas utilisées dans le cadre de ses pouvoirs de signalement aux fins d’engagement de la responsabilité disciplinaire de ceux-ci et qu’elle ne dispose pas du pouvoir d’infliger une sanction disciplinaire, pas plus que celui d’engager une procédure de même nature, cette dernière observation étant également formulée par le gouvernement bulgare et la Commission. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions de l’Union et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par les décisions de renvoi. Ainsi, l’examen d’un renvoi préjudiciel ne saurait être effectué au regard de l’interprétation du droit national invoquée par une partie au principal ou le gouvernement d’un État membre (9).
31. Reste qu’il est constant que les décisions de renvoi présentent une contradiction intrinsèque en ce qui concerne, et uniquement sur ce point, l’étendue des attributions de l’Inspection dans le domaine des poursuites disciplinaires dirigées contre des magistrats. Ainsi, si le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) évoque, dans la première question préjudicielle, le pouvoir de l’Inspection d’infliger des sanctions disciplinaires à l’encontre des juges, il cite également l’article 54, paragraphe 1, points 5 et 6, de la loi sur le pouvoir judiciaire, selon lequel l’Inspection « alerte » en cas d’infractions le collège compétent du Conseil supérieur de la magistrature (ci-après le « CSM ») et « propose » de telles sanctions, et mentionne son « pouvoir de signalement en matière disciplinaire » (10), compétence effectivement décrite par cet organe et le gouvernement bulgare dans leurs observations respectives. Il peut donc être retenu avec certitude que l’Inspection dispose d’une compétence en matière de poursuites disciplinaires des magistrats bulgares, à savoir, et à tout le moins, celle de proposer l’ouverture d’une procédure disciplinaire au regard de faits constatés à l’occasion des contrôles qu’elle a accomplis, la Cour devant, par ailleurs, s’en tenir au contenu des décisions de renvoi concernant les suites disciplinaires possibles (11) de la vérification des données bancaires obtenues après l’obtention de la levée du secret bancaire (12).
32. S’agissant, en second lieu, de l’article 47 de la Charte, il importe de souligner que la reconnaissance du droit à un recours effectif, dans un cas d’espèce donné, suppose que la personne qui l’invoque se prévale de droits ou de libertés garantis par le droit de l’Union ou que cette personne fasse l’objet de poursuites constituant une mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Or, il est constant que la procédure au principal, d’une part, n’est pas de nature contradictoire, en ce sens que les personnes dont les données font l’objet de la demande d’autorisation d’accès n’y participent pas et ne peuvent donc pas invoquer la méconnaissance d’un droit quelconque et, d’autre part, ne correspond pas à l’exercice de poursuites diligentées contre ces personnes constituant une mise en œuvre du droit de l’Union. Dans ces conditions, l’article 47 de la Charte n’est pas, en tant que tel, applicable à l’affaire au principal. Cela étant, dès lors que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose à tous les États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer, dans les domaines couverts par le droit de l’Union, une protection juridictionnelle effective, au sens notamment de l’article 47 de la Charte, cette dernière disposition doit être dûment prise en considération aux fins de l’interprétation de cet article (13).
2. Sur la recevabilité
33. Il convient de relever que, contrairement aux allégations de l’Inspection, les exigences de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, notamment celles prévues au point c) de cet article, sont respectées en l’espèce. En effet, les décisions de renvoi comportent les indications suffisantes pour permettre à la Cour de comprendre les raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi sollicite une interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte pour les besoins du litige au principal. Par sa première question, cette juridiction cherche, en substance, à savoir si ces dispositions s’opposent à une réglementation nationale de rang constitutionnel, telle qu’interprétée par le Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle), en vertu de laquelle les membres de l’Inspection sont maintenus en fonctions au-delà de la durée légale de leur mandat. La juridiction de renvoi vise, ce faisant, à être éclairée sur un problème de nature procédurale devant être tranché par elle in limine litis, dès lors qu’il porte sur la régularité de sa saisine par une instance agissant en dehors du cadre légal définissant son fonctionnement, et donc sur la compétence même de ladite juridiction pour connaître de la demande introduite par cette instance. Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour, des questions préjudicielles visant, de la sorte, à permettre à une juridiction de renvoi de trancher, in limine litis, des difficultés d’ordre procédural telles que celles afférentes à sa propre compétence pour connaître d’une affaire pendante devant elle ou, encore, aux effets juridiques qu’il convient ou non de reconnaître à une décision juridictionnelle faisant potentiellement obstacle à la poursuite de l’examen d’une telle affaire par ladite juridiction, sont recevables en vertu de l’article 267 TFUE (14).
34. Il n’en demeure pas moins que la nécessité, au sens de l’article 267 TFUE, de l’interprétation préjudicielle sollicitée de la Cour implique que la juridiction de renvoi puisse tirer les conséquences de cette interprétation en appréciant, à la lumière de celle-ci, la régularité de l’acte de saisine dont elle fait l’objet et, le cas échéant, en déclarant irrégulier ce dernier. En l’occurrence, s’il ne ressort pas des décisions de renvoi que, en vertu des règles de droit national, cette juridiction pourrait agir de la sorte, la teneur des observations du gouvernement bulgare laisse à penser que tel pourrait être le cas. En effet, il y est précisé que, dans le cadre du contrôle qu’il lui appartient d’effectuer en vertu de la loi sur les établissements de crédit, le tribunal compétent doit vérifier que la demande de levée du secret bancaire émane bien d’une autorité publique ou d’un organisme public habilité à cette fin et donc, dans l’affaire au principal, si la demande provient de l’inspecteur en chef ou des inspecteurs de l’Inspection. Une telle précision sur la nature des attributions de la juridiction compétente est de nature à confirmer que cette dernière pourrait prendre en considération l’éventuelle réponse de la Cour à sa première question préjudicielle et que l’interprétation des dispositions du droit de l’Union sollicitée dans celle-ci répond à un besoin objectif lié à une décision que la juridiction de renvoi pourrait prendre dans l’affaire au principal (15).
3. Sur le fond
a) Observations liminaires
35. Ainsi qu’il découle de la jurisprudence de la Cour, l’exigence d’indépendance des juridictions résultant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose que les règles gouvernant le régime disciplinaire des juges présentent les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires. À cet égard, l’édiction de règles qui définissent, notamment, tant les comportements constitutifs d’infractions disciplinaires que les sanctions concrètement applicables, qui prévoient l’intervention d’une instance indépendante conformément à une procédure garantissant pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, notamment les droits de la défense, et qui consacrent la possibilité de contester en justice les décisions des organes disciplinaires constitue un ensemble de garanties essentielles aux fins de la préservation de l’indépendance du pouvoir judiciaire. En outre, la perspective d’ouverture d’une enquête disciplinaire étant, en tant que telle, susceptible d’exercer une pression sur ceux qui ont la tâche de juger, il est essentiel qu’un organe compétent pour conduire les enquêtes et exercer l’action disciplinaire, y compris en proposant l’ouverture d’une procédure de cette nature, agisse lors de l’exercice de ses missions de manière objective et impartiale et qu’il soit, à cet effet, à l’abri de toute influence extérieure (16).
36. En l’occurrence, la juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la conformité au principe d’indépendance des juges consacré à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, des règles et d’une pratique nationales autorisant la poursuite de l’activité des membres de l’Inspection au-delà de la durée légale de leur mandat prévue par la Constitution bulgare, et ce au regard de l’étendue des missions et des compétences de cet organe. Ainsi qu’il ressort des demandes de décision préjudicielle, cette juridiction s’interroge sur le risque, dans une telle situation, d’une influence extérieure sur les activités de l’Inspection ou d’une pression indue par celle-ci sur le pouvoir judiciaire.
37. À l’instar de la prolongation de l’exercice des fonctions judiciaires au-delà de l’âge normal du départ à la retraite (17), il me semble qu’il appartient aux seuls États membres de décider s’ils autorisent ou non une prorogation des mandats échus des membres d’un organe constitutionnel chargé de contrôler l’activité du pouvoir judiciaire, d’apprécier l’intégrité des magistrats et leurs éventuels conflits d’intérêts et, le cas échéant, de proposer au CSM l’ouverture de procédures disciplinaires contre ces derniers. Néanmoins, dans le choix de leur modèle constitutionnel respectif, les États membres sont tenus de se conformer, notamment, à l’exigence d’indépendance des juridictions qui découle de l’article 2 et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE. Ils sont ainsi tenus de veiller à éviter toute régression, au regard de la valeur de l’État de droit, de leur législation en matière d’organisation de la justice, en s’abstenant d’adopter des règles qui viendraient porter atteinte à l’indépendance des juges (18).
38. Je considère, à cet égard, qu’une prolongation de la durée des mandats des membres d’un corps d’inspection de la magistrature dictée par un motif d’intérêt général tiré de la nécessaire continuité institutionnelle n’est pas, en tant que telle, suffisante pour conclure à l’existence d’une atteinte au principe d’indépendance susvisé (19), d’autant plus que les agents d’un tel organe sont appelés non pas à trancher des litiges en tant que juges, mais à mener des enquêtes et à proposer l’engagement des poursuites disciplinaires, de sorte qu’ils ne doivent pas nécessairement satisfaire à toutes les exigences d’indépendance et d’impartialité applicables aux juges (20).
39. Reste que la prolongation des mandats échus des membres de l’Inspection, consécutive à un blocage du processus électif de nomination de leurs successeurs, a eu lieu dans un cadre normatif particulier. Outre l’absence de toute base légale (tant sur le principe de la prolongation que sa durée (21)), il importe de souligner le fait que l’inspecteur en chef et les inspecteurs peuvent être réélus, « mais pas pour deux mandats consécutifs », et que, dans l’exercice de leurs fonctions, ils « ne sont soumis qu’à la loi ». Il apparaît ainsi qu’est intervenue une prorogation des mandats des membres d’un organe constitutionnel dont la légitimité, tirée d’une élection initiale pour des mandats à durée déterminée, ne repose plus que sur un cadre statutaire et le respect du principe de légalité, alors même que ne sont prévus ni une continuité jusqu’à la cessation de la situation d’empêchement ni même un renouvellement immédiat de ces mandats. En outre, la question de la légitimité de l’Inspection ainsi soulevée, laquelle renvoie à la confiance du corps social en l’activité de l’organe en cause et à l’acceptation de ses décisions, revêt une importance singulière eu égard à son mode de saisine, l’Inspection pouvant agir d’office mais aussi à « l’initiative des citoyens » ou d’autorités publiques, « y compris les juges » (22). Dans ces circonstances, la prorogation de facto et sine die des mandats des membres de l’Inspection est susceptible, selon moi, de générer des préoccupations légitimes quant à l’utilisation des prérogatives et des fonctions de cet organe comme instrument de pression sur l’activité judiciaire ou de contrôle politique de cette activité (23).
40. C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra, en dernière analyse, de se prononcer à ce sujet après avoir procédé aux appréciations requises à cette fin. Il importe, en effet, de rappeler que l’article 267 TFUE habilite la Cour non pas à appliquer les règles du droit de l’Union à une espèce déterminée, mais seulement à se prononcer sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions de l’Union. Toutefois, conformément à une jurisprudence constante, la Cour peut, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée à cet article 267 TFUE, à partir des éléments du dossier, fournir à la juridiction nationale les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de telle ou telle disposition de celui-ci. À cet égard, la juridiction de renvoi devra apprécier les risques liés à une prorogation des mandats des membres de l’Inspection au regard de l’exigence d’indépendance des juges et procureurs en tenant compte de la réglementation en cause au principal en tant que telle et dans son contexte juridico-factuel national (24).
41. S’agissant de la réglementation en cause au principal (25) et dans la mesure où la juridiction de renvoi interroge la Cour sur les incidences de la poursuite des activités de l’Inspection, au-delà du terme des mandats de ses membres, au regard de l’exigence d’indépendance des juges, il y a lieu de vérifier si les règles régissant l’organisation et le fonctionnement de cet organe sont conçues de manière à ce que qu’elles ne puissent permettre aucun doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’utilisation des prérogatives et des fonctions dudit organe comme instrument de pression sur l’activité judiciaire ou de contrôle politique de cette activité. En effet, ces règles sont, de manière générale, susceptibles d’affecter directement la pratique dudit organe et donc de prévenir ou, au contraire, de favoriser l’exercice d’actions disciplinaires ayant pour objet ou pour effet d’exercer une pression sur ceux qui ont la tâche de juger ou d’assurer un contrôle politique de leur activité (26).
b) Sur le mode de nomination et les attributions des membres de l’Inspection
42. Il est constant, en premier lieu, que les conditions de nomination des membres de l’Inspection traduisent un lien direct avec le pouvoir législatif, ces derniers étant élus par les parlementaires à la majorité des deux tiers. Cette exigence d’une majorité qualifiée a pour but d’atténuer le risque de politisation des nominations et donc de l’Inspection, en ce sens qu’une telle majorité requiert, en principe, un dépassement des intérêts partisans et donc un choix consensuel de personnalités reconnues professionnellement. Une approche plus pragmatique aboutit à la conclusion que l’efficacité de ce mécanisme, destiné à garantir la neutralité politique des titulaires de fonctions publiques, est relative, car dépendant du contexte politique de chaque pays.
43. À cet égard, il résulte des informations dont dispose la Cour que le processus de nomination des inspecteurs, en liaison avec leurs prérogatives à l’égard du pouvoir judiciaire, constitue une source de préoccupation tant pour la Commission européenne pour la démocratie par le droit (dite « Commission de Venise ») que pour la Commission (27). La première nommée indique ainsi que la majorité des deux tiers, dans le contexte bulgare, est souvent obtenue grâce à la répartition de « quotas » dans le cadre de négociations politiques secrètes, ce qui signifie que, en fin de compte, chaque inspecteur est susceptible d’avoir certaines obligations politiques vis-à-vis de l’un ou l’autre parti (28). Quant à la Commission, elle a mis en exergue les difficultés liées à la procédure de sélection des candidats, en soulignant, dans son rapport sur l’État de droit en Bulgarie au titre de l’année 2020, le fait que l’Inspection a elle-même présenté une proposition de modification de la loi sur le pouvoir judiciaire exigeant que l’inspecteur en chef et les inspecteurs soient proposés par d’autres organes, tels que les plénières du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) et du Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) ou les assemblées générales des magistrats et des organisations professionnelles, plutôt que par les membres du Parlement (29). Dans son rapport relatif à l’année 2023, la Commission a relevé l’absence de tout progrès concernant l’adoption de réformes législatives visant à améliorer le fonctionnement de l’Inspection et à éviter le risque d’influence politique, notamment en associant les organes judiciaires à la sélection de ses membres.
44. Il résulte, en second lieu, de l’article 132a, paragraphe 6, de la Constitution bulgare que la mission de l’Inspection, qui agit sur signalements mais aussi d’office, est objectivement très étendue (30). Dans un contexte marqué par l’existence de nombreux mécanismes de contrôle des juges bulgares, la Commission de Venise indique que les prérogatives de l’Inspection sont définies de manière générale et imprécise et se chevauchent souvent avec celles du CSM, avec un risque d’empiètement et de déplacement du pouvoir réel du second organe vers le premier. Elle souligne que, outre ses pouvoirs d’enquête, l’Inspection a la capacité de procéder à un filtrage des cas disciplinaires en classant sans suite les « alertes » qui lui sont adressées en lien avec un prétendu comportement fautif d’un magistrat (31).
c) Sur le risque d’influence extérieure
45. Il convient de s’interroger sur les garanties éventuellement prévues par la réglementation en cause au principal aux fins de garantir l’imperméabilité des membres de l’Inspection à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif susceptibles d’orienter leurs décisions. Ainsi qu’il a été exposé, dans l’exercice de leurs fonctions, l’inspecteur en chef et les inspecteurs sont « indépendants et ne sont soumis qu’à la loi » en vertu de l’article 132a de la Constitution bulgare. Il peut encore être observé que l’Inspection examine le projet de budget du pouvoir judiciaire, pour la partie la concernant, et le soumet au CSM (32). Le gouvernement bulgare et l’Inspection s’accordent pour souligner qu’il n’existe aucun mécanisme juridique permettant à un quelconque pouvoir étatique, et notamment le pouvoir législatif à l’origine des nominations, d’influer sur les activités de l’Inspection et, plus particulièrement, celles visant au contrôle des déclarations de patrimoine des juges. Conformément à l’article 57 de la loi sur le pouvoir judiciaire, les contrôles, prévus dans le cadre d’un programme annuel, sont effectués par des équipes déterminées par tirage au sort et, en ce qui concerne ceux réalisés sur alerte, l’inspecteur et les experts qui l’assistent sont déterminés de manière aléatoire également. Sous réserve de vérification de la juridiction de renvoi, il apparaît que l’Inspection jouit, au sein de l’organisation constitutionnelle bulgare, d’un certain degré d’autonomie organisationnelle, fonctionnelle et financière de nature à prévenir les influences politiques directes ou indirectes sur ses membres.
46. Il doit toutefois être relevé que, selon les indications des décisions de renvoi, les membres de l’Inspection peuvent faire l’objet d’une révocation (33). Dans l’avis de la Commission de Venise [CDL-AD (2017) 018, points 58 à 60], il est mentionné que la réglementation nationale prévoit que les inspecteurs, comme les juges, peuvent être révoqués avant la fin de leur mandat pour « un manquement grave ou un manquement systématique aux obligations officielles, ainsi que des actions portant atteinte au prestige du pouvoir judiciaire ». La proposition de révocation peut être introduite par un cinquième des députés de l’Assemblée nationale bulgare ou par l’assemblée plénière du CSM. Si cette réglementation peut être comprise comme conférant la décision finale à l’Assemblée nationale bulgare, la Commission de Venise considère qu’une telle décision devrait relever des prérogatives de ce Conseil (34).
d) Sur le risque d’abus de pouvoir
47. Il y a lieu de prendre en compte les garanties éventuellement prévues par la réglementation en cause au principal, afin de prévenir la survenance ou la persistance d’abus de pouvoir de la part des membres de l’Inspection (35). À cet égard, la constatation préalable d’une certaine autonomie institutionnelle de l’Inspection, pour positive qu’elle soit en matière de préservation des influences directes ou indirectes, rend nécessaire l’existence d’un encadrement des activités de cet organe compte tenu de sa nature, de l’étendue de sa mission et de ses prérogatives.
48. Il ressort du dossier soumis à la Cour que, en vertu de la réglementation en cause au principal, l’Inspection est soumise à une obligation de transparence (36) et que, s’agissant plus particulièrement de l’activité de contrôle du patrimoine des juges, il apparaît, sous réserve de vérification de la juridiction de renvoi, que plusieurs dispositions encadrent son exercice. La réglementation nationale impose à l’Inspection de publier, sur son site Internet, la déclaration de l’ensemble des magistrats ainsi qu’une liste des personnes n’ayant pas remis leur déclaration dans les délais impartis, cette liste devant être retirée du site à la fin de l’année civile à laquelle elle se rapporte (37). En ce qui concerne les contrôles portant sur l’intégrité et l’existence éventuelle de conflits d’intérêts, la procédure de vérification des déclarations de patrimoine des juges est enfermée dans un délai de six mois. Si l’Inspection a effectivement le pouvoir de demander, à la juridiction compétente, la levée du secret bancaire afin d’obtenir des informations sur les avoirs et les mouvements de comptes bancaires de magistrats, c’est dans l’hypothèse où ces derniers ont refusé l’accès à ces données et c’est encore la loi qui dispose explicitement que la vérification s’effectue par la comparaison des faits déclarés avec les informations obtenues (38).
49. Il n’en demeure pas moins que la Commission de Venise a, d’une part, regretté l’insuffisance de précision de la réglementation concernant le déroulement des contrôles et les prérogatives de l’Inspection conduisant, ainsi qu’il a été observé, à un chevauchement des compétences avec le CSM et, d’autre part, recommandé que les pouvoirs d’enquête des inspecteurs ne devraient pas être illimités mais soumis au contrôle d’une autorité indépendante, par exemple, le CSM (39). Elle a spécifiquement mis en exergue le rôle important de l’inspecteur en chef qui prend un arrêté établissant la procédure d’inspection et fournit des orientations organisationnelles et méthodologiques globales au fonctionnement de l’Inspection, soit un pouvoir d’adoption de règles à caractère général que la Commission de Venise recommande de confier à une autre entité. Il est souligné que l’inspecteur en chef a le droit d’ordonner des inspections extraordinaires, motivées par les plaintes introduites contre des juges par des particuliers et s’ajoutant à celles programmées annuellement, et de définir leur objet et leurs délais. En outre, l’inspecteur en chef peut « exercer un contrôle sur l’activité des inspecteurs » dans des cas spécifiques et il apparaît, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, qu’il représente une instance d’appel à l’égard des inspecteurs avec le pouvoir de réformer ou de modifier les « rapports d’inspection » à la suite des objections du juge contrôlé qui lui sont adressées (40).
50. Je rappelle, à cet égard, que la concentration de pouvoirs importants entre les mains du responsable d’un organe compétent pour conduire les enquêtes et participer à l’exercice de l’action disciplinaire est susceptible, en tant qu’elle offre en pratique à celui-ci une large discrétion dans la mise en œuvre ou non, par le classement sans suite des alertes, d’actions disciplinaires contre les juges, de faciliter l’utilisation, par ce responsable, du régime disciplinaire des juges pour influencer l’activité de ceux-ci. Dès lors, une réglementation octroyant au responsable de cet organe des pouvoirs tels que ceux qui sont conférés à l’inspecteur en chef par la réglementation en cause au principal pourrait faire naître un doute légitime, dans l’esprit des justiciables, s’agissant de l’utilisation des prérogatives et des fonctions dudit organe comme instrument de pression sur l’activité judiciaire ou de contrôle politique de cette activité (41).
51. La question de l’encadrement des activités de l’Inspection implique de vérifier l’existence d’éventuelles garanties d’une protection juridictionnelle effective en faveur des magistrats concernés. Force est de constater, en l’occurrence, que la procédure de levée du secret bancaire en cause au principal ne présente pas un caractère contradictoire, que le contrôle opéré par le tribunal compétent est, pour le moins, restreint et que sa décision est insusceptible de recours (42). Il peut néanmoins être observé que les décisions de renvoi font référence à l’article 175h de la loi sur le pouvoir judiciaire qui prévoit la possibilité pour les personnes concernées de fournir des explications écrites et des éléments de preuve lors de la vérification des faits déclarés opérée par l’Inspection à la suite de la communication des données sur les soldes et les mouvements de fonds sur les comptes bancaires de ces personnes. La Commission de Venise relève que les résultats d’une inspection sont formulés par écrit et soumis au juge concerné qui peut soumettre des objections à l’inspecteur en chef, lequel doit donner une réponse motivée (43).
e) Sur la pratique de l’Inspection
52. La juridiction de renvoi est également fondée à tenir compte de la manière dont cet organe s’acquitte de sa mission constitutionnelle et dont il exerce ses diverses compétences, en particulier s’il le fait, depuis l’expiration des mandats de ses membres, d’une manière susceptible de jeter le doute sur son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif (44).
53. Il ressort des demandes de décision préjudicielle que le seul incident dont fait état la juridiction de renvoi en lien avec les activités de l’Inspection concerne la publication irrégulière, en 2019, sur le site Internet de celle-ci, de données à caractère personnel de plusieurs magistrats, à la suite de laquelle une amende a été infligée à cet organe. Outre que ce fait est antérieur à la prorogation des mandats en cause, il ne saurait être analysé comme une illustration d’une influence extérieure, directe ou indirecte, des pouvoirs exécutif ou législatif ou comme la survenance ou la persistance d’abus de pouvoir de la part des membres de l’Inspection ayant pour objet ou pour effet d’exercer une pression sur ceux qui ont la tâche de juger ou d’assurer un contrôle politique de leur activité. En effet, selon les indications de la juridiction de renvoi, la publication incriminée a pour origine une défaillance individuelle d’un agent de l’Inspection, qui n’est ni l’inspecteur en chef ni un inspecteur, l’intéressé, qui avait omis de procéder à l’anonymisation préalable des données, ayant de ce fait été licencié.
f) Sur la durée de la prolongation des mandats
54. Parmi les éléments pertinents du contexte juridico-factuel national dont la juridiction de renvoi doit tenir compte figure la durée de la prolongation des mandats, en l’occurrence plus de trois années au moment de la saisine de cette dernière. À cet égard, en réponse à l’affirmation de la juridiction de renvoi selon laquelle l’Inspection continue d’exercer ses fonctions « sans date de fin clairement définie », le gouvernement bulgare et l’Inspection ont rappelé que le Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle) a, dans son arrêt de 2022, clairement indiqué que la durée de l’exercice de ses fonctions dépend de la survenance d’un événement futur certain, à savoir « jusqu’à l’élection par l’Assemblée nationale de l’inspecteur en chef ou des inspecteurs ».
55. Il est constant que les membres de l’Inspection continuent d’exercer leurs fonctions après l’expiration de leur mandat en raison de l’incapacité de l’Assemblée nationale à élire, en 2020, leurs successeurs. Or, le dossier soumis à la Cour ne comporte aucun élément permettant de considérer qu’il sera remédié à cette situation dans un avenir plus ou moins proche. Outre l’absence de tout mécanisme légal antiblocage, consistant en un abaissement de la majorité qualifiée requise ou d’un transfert de la compétence de nomination à une entité neutre, il est symptomatique de relever que ce ne sont pas moins de cinq autres autorités indépendantes de contrôle qui fonctionnent également sur la base d’un mandat échu (45). Il apparaît ainsi, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que la durée de l’exercice des fonctions des inspecteurs, postérieure à l’expiration de leur mandat, dépend de la survenance d’un événement futur dépourvu de date certaine, ce qui permet de qualifier d’indéterminée la durée de la prolongation de ces mandats. Or, si la suspension pour une durée de même nature des activités de l’Inspection à la suite du blocage du processus de nomination est incontestablement préoccupante, une prolongation indéfinie des mandats de ses membres l’est tout autant.
56. Il me semble, en effet, que les préoccupations légitimes relevées ci-dessus quant à la sélection des candidats aux postes d’inspecteurs, au mode de nomination des intéressés, à leur possible révocation par un cinquième des parlementaires, au chevauchement des compétences de l’Inspection et du CSM en raison d’une imprécision de la réglementation applicable et à l’étendue des prérogatives de l’inspecteur en chef, sont aggravées par le fait que les membres de l’Inspection poursuivent leurs activités sur la base de mandats expirés depuis janvier ou février 2020 (46). Indépendamment de l’absence, dans le dossier soumis à la Cour, d’exemple concret d’un contrôle ou d’une proposition de procédure disciplinaire de nature à laisser craindre une influence extérieure ou un abus de pouvoir de l’Inspection, la perpétuation du fonctionnement d’un tel organe, sans limite temporelle précise et certaine, ne fait qu’accroître le risque de survenance d’un tel événement (47).
57. Au-delà des incertitudes entourant l’évolution de la situation individuelle des membres de l’Inspection, une prolongation a priori indéfinie des mandats des intéressés, sans caractérisation de diligences propres à remédier à brève échéance au blocage du processus de renouvellement de cet organe, aboutit à priver de tout sens le dispositif constitutionnel régissant ce dernier et, eu égard à la composition et au fonctionnement de l’Inspection, à engendrer des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de celle-ci à l’égard d’éléments extérieurs et, en particulier, d’influences directes ou indirectes du pouvoir législatif, mais aussi quant à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent et, ainsi, est susceptible de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de cet organe qui soit propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer auxdits justiciables dans une société démocratique (48). Dans une telle situation, l’Inspection ne peut être considérée comme pouvant opérer, en toutes circonstances, au-dessus de tout soupçon de partialité (49).
58. La prorogation des mandats des membres d’un organe tel que l’Inspection ne devrait, selon moi, être admise qu’à titre exceptionnel et transitoire, ce qui suppose de parvenir le plus rapidement possible à un retour à la normale et n’est donc guère conciliable avec l’application stricte du principe de continuité, laquelle ne doit pas conduire, sous peine d’une méconnaissance du principe de proportionnalité, à la possibilité de prolonger à l’infini un mandat expiré et, en l’occurrence, non renouvelable immédiatement. Une prolongation avérée de plus de trois ans des mandats des membres de l’Inspection, sans aucune perspective raisonnable de déblocage à brève échéance du processus de nomination, ne revêt pas un caractère exceptionnel et transitoire. J’ajoute, enfin, que le statu quo fonctionnel n’est absolument pas de nature à responsabiliser l’autorité politique défaillante désireuse, le cas échéant, de maintenir en fonction des personnalités aux affinités politiques compatibles et d’éviter un renouvellement de l’Inspection à partir d’un mode de sélection des candidats plus ouvert.
59. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question préjudicielle que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, qui autorise les membres d’un organe, élus par le Parlement pour des mandats d’une durée prédéterminée non renouvelables consécutivement et habilités à contrôler les activités et l’intégrité des juges et des procureurs ainsi qu’à proposer l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre de ces derniers, à continuer d’exercer de facto leurs fonctions au-delà de l’expiration de leur mandat pour une durée indéterminée, sans caractérisation de diligences propres à remédier à brève échéance au blocage du processus de renouvellement des membres de cet organe, lorsque cette réglementation n’est pas conçue de manière à ce qu’elle ne puisse faire naître aucun doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’utilisation des prérogatives et des fonctions de cet organe comme instrument de pression sur l’activité de ces juges et de ces procureurs ou de contrôle politique de cette activité.
B. Sur la troisième question préjudicielle
60. La troisième question préjudicielle invite la Cour à déterminer si une juridiction, qui autorise une autorité étatique à accéder aux données à caractère personnel relatives aux soldes des comptes bancaires des magistrats et de leur famille, détermine les moyens ou les finalités de traitement et, partant, peut être qualifiée de « responsable du traitement », au sens de l’article 4, point 7, du RGPD.
61. Pour répondre à cette interrogation, il est nécessaire de cerner les contours et la place de l’opération de « traitement » des données à caractère personnel en cause dans le litige au principal (50).
62. À ce titre, il convient de souligner que la notion de « traitement » inclut toute opération effectuée ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquée à des données ou à des ensembles de données à caractère personnel, telles que, notamment, la « collecte », « la consultation », « l’utilisation », « la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition ». En outre, un traitement de données à caractère personnel peut être constitué d’une ou de plusieurs opérations, chacune d’entre elles visant l’un des différents stades que peut contenir un traitement de données à caractère personnel (51) .
63. Il ressort des demandes de décision préjudicielle que l’autorité judiciaire autorise la communication par une banque à l’Inspection d’informations relatives aux comptes et dépôts des magistrats et des membres de leur famille. Ces informations, qui étaient conservées par la banque, sont ensuite collectées, consultées et utilisées par l’Inspection aux fins de détection d’un éventuel conflit d’intérêts. Il en découle que la mise à disposition des informations couvertes par le secret bancaire accordée par l’autorité judiciaire s’analyse en une opération de traitement, laquelle s’insère dans un processus constitué de plusieurs étapes impliquant successivement la banque, l’autorité judiciaire et l’Inspection.
64. Ceci posé, il convient de déterminer si la juridiction, qui autorise cette divulgation, peut être qualifiée de « responsable du traitement » au sens de l’article 4, point 7, du RGPD.
65. Sur ce point, il y a lieu de rappeler que l’objectif poursuivi par le RGPD, tel qu’il ressort de son article 1er ainsi que de ses considérants 1 et 10, consiste, notamment, à garantir un niveau élevé de protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, en particulier de leurs droits à la vie privée à l’égard du traitement des données à caractère personnel, consacré à l’article 8, paragraphe 1, de la Charte et à l’article 16, paragraphe 1, TFUE. À cet effet, le législateur de l’Union a adopté une définition large (52) de la notion de « responsable du traitement » dont l’objectif est d’assurer une protection efficace et complète des personnes concernées (53).
66. La notion de « responsable du traitement » est intrinsèquement liée au contrôle qu’une personne ou une entité exerce sur le traitement de données à caractère personnel (54). Plus précisément, l’article 4, point 7, du RGPD définit le « responsable du traitement » comme étant la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement (55). Cet article énonce également que, lorsque les finalités et les moyens du traitement sont déterminés, notamment par le droit d’un État membre, le responsable du traitement peut être désigné ou les critères spécifiques applicables à cette désignation peuvent être prévus par ce droit.
67. Il résulte donc du libellé de cet article que l’identification du responsable du traitement repose sur deux méthodes. Il convient, en effet, de rechercher si une personne morale ou une entité détermine, seule ou conjointement, les finalités et les moyens du traitement en cause ou bien si ceux-ci sont déterminés par le droit national.
68. Lorsque la détermination des finalités et des moyens du traitement est ainsi effectuée par le droit national, il y a lieu, selon la jurisprudence la plus récente, de vérifier si ce droit désigne le responsable du traitement ou prévoit les critères spécifiques applicables à sa désignation. La désignation du responsable du traitement par le droit national peut être non seulement explicite, mais également implicite. Dans ce dernier cas, il est néanmoins requis que cette détermination découle de manière suffisamment certaine du rôle, de la mission ou des attributions dévolus à la personne ou à l’entité concernée (56).
69. En l’occurrence, il ressort desdemandes de décision préjudicielle que, en vertu de l’article 132a, paragraphe 6, de la Constitution bulgare, l’Inspection est notamment chargée d’effectuer des contrôles sur l’intégrité et les conflits d’intérêts des magistrats. À ce titre, elle vérifie, conformément à la loi sur le pouvoir judiciaire (57), les déclarations de patrimoine et d’intérêts que les magistrats doivent lui adresser. L’Inspection publie ces déclarations sur son site Internet et les conserve dans un registre public électronique (58). Par ailleurs, il ressort de l’article 20 de la loi sur la protection des données à caractère personnel que les membres de l’Inspection sont tenus de ne pas divulguer les informations couvertes par des secrets protégés par la loi dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur activité.
70. Afin d’accomplir sa mission, l’Inspection peut obtenir la communication par un établissement bancaire d’informations relatives aux comptes et dépôts des magistrats et des membres de leur famille. La procédure suivie devant la juridiction de renvoi s’inscrit dans ce cadre. En effet, si les personnes concernées n’ont pas consenti à cette communication, l’Inspection peut, en application de l’article 175e, paragraphe 6, de la loi sur le pouvoir judiciaire et de l’article 62, paragraphe 6, de la loi sur les établissements de crédit, demander au Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) d’ordonner la divulgation par la banque des données couvertes par le secret bancaire.
71. Selon l’article 62, paragraphe 7, de cette dernière loi, cette juridiction statue au plus tard dans les 24 heures suivant la réception de cette demande, en précisant la période à laquelle se rapportent les renseignements couverts par le secret bancaire. Il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi (59) ainsi que des observations déposées par le gouvernement bulgare (60) que le Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) se borne à contrôler, d’une part, si la demande émane d’une autorité publique ou d’un organisme public visé à l’article 62, paragraphe 6, de la loi sur les établissements de crédit et, d’autre part, si les personnes, dont les comptes font l’objet d’une demande de levée du secret bancaire, sont soumises à l’obligation de déclaration au sens de la loi sur le pouvoir judiciaire.
72. Il résulte de cet exposé que, dans le cadre de la procédure instituée par le droit bulgare, le Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) n’exerce, ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, qu’un contrôle formel sur les demandes de divulgation des informations couvertes par le secret bancaire qui lui sont présentées par l’Inspection.
73. À cet égard, je relève que ce tribunal, qui est saisi, à l’initiative de l’Inspection, doit se prononcer sur ces demandes dans un délai particulièrement bref sans pouvoir porter d’appréciation tant sur la pertinence de cette divulgation au regard de l’objectif tenant à la détection de conflits d’intérêts que sur les modalités de mise à disposition de ces données et l’usage qui pourra ensuite en être fait par l’Inspection. Par ailleurs, ces informations sont communiquées directement par la banque à l’Inspection, qui doit en assurer la confidentialité. Cette autorité examine les comptes des magistrats et des membres de leur famille afin de vérifier la consistance de leur patrimoine et de contrôler, conformément à la mission qui lui est confiée par la Constitution bulgare, l’intégrité des magistrats et de vérifier l’éventuelle existence de conflits d’intérêts.
74. Je déduis de ces éléments que la juridiction ne dispose pas du pouvoir de déterminer les finalités et les moyens du traitement des données à caractère personnel couvertes par le secret bancaire.
75. Il est, en revanche, manifeste que le droit bulgare a déterminé, à tout le moins implicitement, les finalités et les moyens du traitement de ces données et a désigné l’Inspection en tant que responsable de ce traitement, au sens de l’article 4, point 7, du RGPD.
76. Corrélativement, il découle de cette détermination des finalités et moyens du traitement que, compte tenu du rôle, de la mission et des attributions qui lui ont été dévolus par le droit national, la juridiction, qui autorise la communication de ces informations à l’Inspection, n’a pas été désignée par le législateur bulgare pour exercer une telle responsabilité. Il me semble, au demeurant, que la seule circonstance que la communication desdites informations soit subordonnée à l’autorisation accordée par une juridiction ne saurait suffire à conférer à cette juridiction la qualification de « responsable du traitement » de ces données. En effet, il s’infère des éléments qui précèdent que cette autorisation n’a d’autre objet que de permettre à l’Inspection de traiter les données à caractère personnel qui lui sont communiquées par la banque, conformément aux finalités et aux moyens déterminés par le droit bulgare.
77. À l’aune de l’ensemble de ces éléments, il m’apparaît que la juridiction, qui accorde à une autorité publique l’accès aux soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille sous les seules conditions de vérifier préalablement que cette demande a été présentée par une telle autorité et qu’elle concerne des personnes soumises à une obligation de déclaration de leur patrimoine, ne peut, au regard du rôle, des missions et des attributions qui lui sont dévolus par le droit national, être qualifiée de responsable du traitement de ces données à caractère personnel au sens de l’article 4, point 7, du RGPD.
C. Sur la sixième question préjudicielle
78. La sixième question préjudicielle est posée indépendamment de la réponse que la Cour doit donner aux troisième et quatrième questions. La juridiction de renvoi souhaite, en substance, savoir si l’article 79, paragraphe 1, du RGPD, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, impose à l’autorité judiciaire, qui se prononce sur la demande de divulgation de données à caractère personnel présentée par une autorité étatique, d’assurer d’office la protection des personnes dont les données sont concernées en exigeant de cette autorité qu’elle lui fournisse des informations sur les mesures de sécurité prises en vertu de l’article 33, paragraphe 3, sous d), du RGPD et sur leur mise en œuvre effective, lorsqu’il est notoire que ladite autorité a commis, par le passé, une violation de la sécurité de données à caractère personnel.
79. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la procédure suivie devant elle n’est pas contradictoire en ce que les personnes concernées par la demande de divulgation des soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille ne sont pas partie à cette instance (61). Elle estime que, si elle devait se borner, comme le veut la loi bulgare, à un examen purement formel de ces demandes, les personnes concernées seraient privées du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par les dispositions de l’article 79, paragraphe 1, du RGPD, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.
80. Il en découle que, afin de répondre à cette question préjudicielle, il est nécessaire de déterminer si ces dispositions mettent à la charge de la juridiction, qui se prononce dans le cadre d’une telle procédure, une obligation de contrôler d’office la suffisance des mesures destinées à prévenir toute violation ultérieure de la sécurité des données à caractère personnel dont la divulgation est sollicitée.
81. Selon mon opinion, il ressort de l’objet des dispositions de l’article 79, paragraphe 1, du RGPD, que la réponse à cette question ne peut être que négative.
82. À cet égard, la problématique tenant à la sécurité des informations couvertes par le secret bancaire soulevée par la juridiction de renvoi me semble devoir être appréhendée à l’aune des obligations incombant au responsable du traitement, dont il convient de rappeler les traits essentiels.
83. En premier lieu, le responsable du traitement est tenu de prévenir toute violation de la sécurité des données à caractère personnel. Plus précisément, celui-ci est, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, du RGPD, responsable du respect des principes relatifs au traitement de ces données énoncés au paragraphe 1 de cet article et doit être en mesure de démontrer que ceux-ci sont respectés. En particulier, ce responsable doit, conformément au principe d’intégrité et de confidentialité des données à caractère personnel qui est énoncé à l’article 5, paragraphe 1, sous f), de ce règlement, veiller à ce que de telles données soient traitées de façon à garantir une sécurité appropriée de celles-ci à l’aide de mesures techniques ou organisationnelles appropriées. Selon l’article 32, paragraphe 1, dudit règlement, ces mesures doivent garantir un niveau de sécurité adapté au risque représenté par le traitement.
84. En second lieu, le responsable du traitement est tenu de réagir à toute violation de la sécurité des données à caractère personnel. À ce titre, l’article 33, paragraphe 1, du RGPD impose à ce responsable de notifier la violation en question à l’autorité de contrôle compétente en décrivant, conformément au paragraphe 3, sous d), de cet article, les mesures qu’il propose de prendre pour y remédier, y compris, le cas échéant, les mesures pour en atténuer les éventuelles conséquences négatives.
85. C’est dans le contexte de ces dispositions qu’il convient d’examiner l’objet du recours en justice prévu à l’article 79, paragraphe 1, du RGPD. Sur ce point, il convient de rappeler que, au chapitre VIII de ce règlement, intitulé « Voies de recours, responsabilité et sanctions », le législateur de l’Union a institué, au profit des personnes concernées par un traitement des données à caractère personnel, différentes voies de recours devant les autorités administratives ou judiciaires, étant précisé que chacune d’entre elles doit pouvoir être exercée sans préjudice des autres (62).
86. D’abord, l’article 77, paragraphe 1, du RGPD prévoit que toute personne concernée a le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle si elle considère que le traitement de données à caractère personnel constitue une violation de ce règlement. Ensuite, selon l’article 78, paragraphe 1, dudit règlement, toute personne physique ou morale a le droit de former un recours juridictionnel effectif contre une décision juridiquement contraignante d’une autorité de contrôle qui la concerne.
87. Enfin, l’article 79, paragraphe 1, du RGPD, intitulé « Droit à un recours juridictionnel effectif contre un responsable du traitement ou un sous-traitant », garantit à chaque personne concernée le droit de former un recours si elle considère que les droits que lui confère ce règlement ont été violés du fait d’un traitement de données à caractère personnel effectué en violation dudit règlement. Selon la jurisprudence de la Cour, cet article ne dispense pas la personne concernée de l’obligation, qui lui incombe au titre de l’article 82, paragraphe 1, du même règlement, de prouver qu’elle a effectivement subi un dommage matériel ou moral (63).
88. À mon sens, il résulte, sans ambiguïté, du libellé de ces deux derniers articles que le recours dirigé contre un responsable du traitement ou un sous-traitant a pour objet de réparer le dommage causé par la violation antérieure des droits conférés par le RGPD. En revanche, il ne s’infère nullement de la lettre desdits articles qu’une juridiction aurait l’obligation de vérifier préventivement que des mesures propres à éviter toute violation ultérieure de ces droits ont été adoptées par le responsable du traitement des données à caractère personnel.
89. Cela posé, il est nécessaire de déterminer l’incidence des dispositions de l’article 47 de la Charte sur l’interprétation de l’article 79, paragraphe 1, du RGPD.
90. Ainsi qu’il ressort du considérant 141 de ce règlement (64), les dispositions de l’article 79, paragraphe 1, dudit règlement visent à mettre en œuvre le droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte. En d’autres termes, le législateur de l’Union a d’ores et déjà incorporé ce droit lors de l’élaboration des dispositions régissant le recours que la personne concernée peut engager à l’encontre du responsable du traitement.
91. Il s’ensuit que, selon la jurisprudence de la Cour, les caractéristiques des recours prévus à l’article 77, paragraphe 1, l’article 78, paragraphe 1, et l’article 79, paragraphe 1, du RGPD doivent être établies en conformité avec le droit à une protection juridictionnelle effective. De ce point de vue, il appartient aux États membres de s’assurer, dans le cadre de leur autonomie procédurale, que les modalités d’exercice de ces recours procurent aux personnes concernées la possibilité concrète d’assurer la protection des droits qui leur sont conférés par ce règlement (65).
92. C’est à la lumière de l’ensemble de ces éléments qu’il convient d’analyser le rôle dévolu à la juridiction de renvoi par le législateur bulgare.
93. Il est vrai que, selon le choix opéré par le législateur bulgare, la juridiction n’exerce, dans le cadre d’une procédure non contradictoire, qu’un contrôle purement formel sur les demandes de divulgation des soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille, qui lui sont présentées par l’Inspection. Cela étant, et en dépit de ses attributions limitées, il ne résulte nullement de l’article 79, paragraphe 1, du RGPD que cette juridiction devrait, avant de se prononcer sur ces demandes, disposer du pouvoir de contrôler d’office la suffisance des mesures prises pour prévenir toute violation ultérieure de la sécurité de ces données à caractère personnel.
94. En effet, je considère que, pour les raisons que j’ai précédemment exposées, le droit national a désigné l’Inspection en tant que responsable du traitement des informations couvertes par le secret bancaire dont la divulgation est ordonnée par l’autorité judiciaire. Il en découle que, en cette qualité, l’Inspection est tenue de prendre toutes les mesures prévues par le RGPD propres à assurer la sécurité des informations qu’elle a recueillies.
95. Sous cet angle, il suffit, pour se conformer au système mis en œuvre par le RGPD, que, en accord avec l’article 79, paragraphe 1, de ce règlement, les personnes concernées par cette divulgation puissent, dans l’hypothèse où les droits qui leur sont conférés par ledit règlement seraient violés, engager à l’encontre de l’Inspection un recours en justice selon des modalités procédurales garantissant le respect du droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte (66).
96. Au regard de l’ensemble de ces développements, je suggère à la Cour de répondre que, sous la réserve de ce qui précède, l’article 79, paragraphe 1, du RGPD, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, n’impose pas que la juridiction qui, conformément au droit national, est chargée, à l’issue d’une procédure non contradictoire, de statuer sur une demande de divulgation des soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille vérifie d’office que le responsable du traitement a adopté des mesures propres à prévenir toute violation ultérieure de la sécurité de ces données à caractère personnel.
VI. Conclusion
97. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux première, troisième et sixième questions posées par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) :
1) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, qui autorise les membres d’un organe, élus par le Parlement pour des mandats d’une durée prédéterminée non renouvelables consécutivement et habilités à contrôler les activités et l’intégrité des juges et des procureurs ainsi qu’à proposer l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre de ces derniers, à continuer d’exercer de facto leurs fonctions au-delà de l’expiration de leur mandat pour une durée indéterminée, sans caractérisation de diligences propres à remédier à brève échéance au blocage du processus de renouvellement des membres de cet organe, lorsque cette réglementation n’est pas conçue de manière à ce qu’elle ne puisse faire naître aucun doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’utilisation des prérogatives et des fonctions de cet organe comme instrument de pression sur l’activité de ces juges et de ces procureurs ou de contrôle politique de cette activité.
2) L’article 4, point 7, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données),
doit être interprété en ce sens que :
la juridiction, qui accorde à une autorité publique l’accès aux soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille sous les seules conditions de vérifier préalablement que cette demande a été présentée par une telle autorité et qu’elle concerne des personnes soumises à une obligation de déclaration de leur patrimoine, ne peut, au regard du rôle, des missions et des attributions qui lui sont dévolus par le droit national, être qualifiée de responsable du traitement de ces données à caractère personnel.
3) L’article 79, paragraphe 1, du règlement 2016/679, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux,
doit être interprété en ce sens que :
la juridiction, qui, conformément au droit national, est chargée, à l’issue d’une procédure non contradictoire, de statuer sur une demande de divulgation des soldes des comptes bancaires des magistrats et des membres de leur famille, n’est pas tenue de vérifier d’office que le responsable du traitement a adopté des mesures propres à prévenir toute violation ultérieure de la sécurité de ces données à caractère personnel. Le droit national doit, cependant, prévoir que les modalités procédurales du recours en justice, que peuvent engager, en vertu de cet article 79, paragraphe 1, les personnes concernées par cette divulgation à l’encontre du responsable du traitement, garantissent le droit à une protection juridictionnelle effective, visé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.
1 Langue originale : le français.
2 Règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1, ci-après le « RGPD »).
3 Arrêt du 22 mars 2022, Prokurator Generalny (Chambre disciplinaire de la Cour suprême - Nomination) (C-508/19, EU:C:2022:201, point 59).
4 Arrêt du 24 février 2022, Viva Telecom Bulgaria (C-257/20, EU:C:2022:125, point 123).
5 Ordonnance du 18 avril 2023, Vantage Logistics (C-200/22, EU:C:2023:337, point 27).
6 Arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C-558/18 et C-563/18, EU:C:2020:234, points 32 et 33).
7 Voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C-558/18 et C-563/18, EU:C:2020:234, points 34 à 36). Je relève que dans plusieurs arrêts récents posant la question de la compétence de la Cour pour répondre à une question portant sur l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE [arrêts du 9 janvier 2024, G. e.a. (Nomination des juges de droit commun en Pologne) (C-181/21 et C-269/21, EU:C:2024:1, point 57), du 11 avril 2024, Sapira e.a. (C-114/23, C-115/23, C-132/23 et C-160/23, EU:C:2024:290, point 26), et du 18 avril 2024, OT e.a. (Suppression d’un Tribunal) (C-634/22, EU:C:2024:340, point 24)], il est conclu à l’affirmative sur le seul fondement de cette dernière considération relative à l’organisation de la justice, sans qu’il ne soit fait référence au champ d’application de cette disposition et à la condition que l’instance nationale concernée par l’affaire soit susceptible de statuer, en tant que juridiction, sur des questions portant sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union et relevant ainsi de domaines couverts par ce droit [arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C-619/18, EU:C:2019:531, point 51)].
8 Voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2021, Repubblika (C-896/19, EU:C:2021:311, point 39), et du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges) (C-791/19, EU:C:2021:596, points 80 et 164).
9 Voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2020, Nelson Antunes da Cunha (C-627/18, EU:C:2020:321, point 38), et du 8 mai 2024, Asociaţia “Forumul Judecătorilor din România” (Associations de magistrats) (C-53/23, EU:C:2024:388, point 31).
10 Voir points 20 et 48 de la décision de renvoi dans l’affaire C-332/23.
11 Dans le rapport de la Commission sur l’État de droit en Bulgarie daté du 5 juillet 2023, il est mentionné que, sur les douze contrôles d’intégrité effectués par l’Inspection en 2022, trois ont donné lieu à une « procédure disciplinaire ».
12 En tout état de cause et selon les propres indications de l’Inspection, la vérification des déclarations de patrimoine des juges relève de la politique de lutte contre la corruption, l’objectif de la collecte des données bancaires étant de procéder à un contrôle de conformité entre les biens déclarés par les magistrats et les éléments inscrits, déclarés et certifiés dans des registres publics. Selon l’article 3 du Zakon za protivodeystvie na koruptsiata i za otnemane na nezakonno pridobitoto imushestvo (loi relative à la lutte contre la corruption et à la confiscation des biens acquis illégalement) (DV nº 7 du 19 janvier 2018, modifié en dernier lieu, DV nº 104 du 30 décembre 2022), cette lutte s’effectue, notamment, par la déclaration des biens et intérêts, le contrôle de cette dernière, la constatation d’un conflit d’intérêts et l’imposition de « sanctions » ainsi que la publication des noms des personnes qui n’ont pas déposé de déclaration ou dont les déclarations ont été jugées non conformes ainsi que les noms des personnes pour lesquelles un conflit d’intérêts a été identifié. À supposer même que les manquements éventuellement constatés relatifs à la déclaration d’intérêts ne soient pas susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires à l’encontre des magistrats concernés, comme le prétend l’Inspection, la mise en œuvre de telles règles est susceptible d’avoir des conséquences majeures tant sur le déroulement de la carrière des juges que sur leur condition de vie, ce qui justifie l’application, mutatis mutandis, de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE dont découle l’exigence d’indépendance des juges [voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C-204/21, EU:C:2023:442, points 95 à 97)].
13 Voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle) (C-430/21, EU:C:2022:99, points 34 à 37).
14 Arrêt du 13 juillet 2023, YP e.a. (Levée d’immunité et suspension d’un juge) (C-615/20 et C-671/20, EU:C:2023:562, point 47 ainsi que jurisprudence citée).
15 Voir, en ce sens, arrêt du 9 janvier 2024, G. e.a. (Nomination des juges de droit commun en Pologne) (C-181/21 et C-269/21, EU:C:2024:1, points 69 à 72).
16 Voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2023, Inspecţia Judiciară (C-817/21, EU:C:2023:391, points 48 et 49).
17 Arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C-619/18, EU:C:2019:531, point 110).
18 Arrêt du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges) (C-204/21, EU:C:2023:442, point 74).
19 Voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. (C-83/19, C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19, EU:C:2021:393, point 203). Il importe de souligner que les affaires au principal se différencient de celle ayant donné lieu à cet arrêt concernant une simple suppléance individuelle expressément prévue par la législation applicable, y compris dans sa limite temporelle, sans indication ni interrogation par la juridiction de renvoi sur l’incidence de la longueur de la prorogation du mandat en cause au regard de l’exigence d’indépendance et d’impartialité des juges et procureurs.
20 Voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2023, Inspecţia Judiciară (C-817/21, EU:C:2023:391, point 55).
21 À titre d’exemple, je rappelle que, selon l’article 5 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, « [s]auf les cas où l’article 6 reçoit application, tout juge continue à siéger jusqu’à l’entrée en fonctions de son successeur ».
22 Article 132a de la Constitution bulgare.
23 Voir, par analogie, arrêts du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C-619/18, EU:C:2019:531, point 78), ainsi que du 11 mai 2023, Inspecţia Judiciară (C-817/21, EU:C:2023:391, point 57).
24 Voir, par analogie, arrêt du 11 mai 2023, Inspecţia Judiciară (C-817/21, EU:C:2023:391, points 58 et 59).
25 Il importe de souligner que tant le gouvernement bulgare que l’Inspection ont clairement indiqué que la réglementation en cause au principal est demeurée inchangée depuis l’expiration des mandats des membres de cette dernière.
26 Voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2023, Inspecţia Judiciară (C-817/21, EU:C:2023:391, points 50 et 51).
27 Dans ses observations, la Commission renvoie à plusieurs reprises à ses rapports annuels sur l’État de droit en Bulgarie ainsi qu’à différents avis de la Commission de Venise.
28 Avis de la Commission de Venise [CDL-AD (2017) 018, point 58]. Cette dernière précise aussi que le mécanisme de la majorité qualifiée est dépourvu d’efficience lorsque le parti du gouvernement possède déjà le nombre nécessaire de voix pour atteindre, à lui seul, cette majorité.
29 Dans son avis [CDL-AD (2017) 018, point 59], la Commission de Venise recommande de donner aux chambres du CSM le pouvoir de proposer un certain nombre de candidats à la nomination du Parlement afin d’accroître la neutralité politique des inspecteurs.
30 Ainsi que le résume la Commission de Venise, dans son avis [CDL-AD (2017) 018, point 55], cet organe est compétent pour examiner pratiquement tous les aspects des activités des juridictions, des parquets, des juges et des procureurs, à savoir l’organisation interne et les modalités de travail, la cohérence de la jurisprudence, la situation financière des magistrats, leur patrimoine, leur comportement dans la sphère privée.
31 Avis de la Commission de Venise [CDL-AD (2017) 018, points 54, 61 à 66]. Il y est précisé que les évaluations par le CSM et les contrôles de l’Inspection portent pratiquement sur les mêmes éléments et ne font pas partie d’une procédure séquentielle unique. Il existe un chevauchement entre les inspections, les évaluations et les procédures disciplinaires, situation justifiant une révision législative afin que les pouvoirs de l’Inspection n’empiètent pas sur le mandat constitutionnel du CSM.
32 Article 54 de la loi sur le pouvoir judiciaire.
33 Article 132a, paragraphe 10, de la Constitution bulgare.
34 Dans l’arrêt du 16 juillet 2020, Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens) (C-658/18, EU:C:2020:572, points 48 et 49), la Cour a jugé que le principe d’inamovibilité, dont il convient de souligner l’importance cardinale, exige, notamment, que les juges puissent demeurer en fonction tant qu’ils n’ont pas atteint l’âge obligatoire du départ à la retraite ou jusqu’à l’expiration de leur mandat lorsque celui-ci revêt une durée déterminée. Sans revêtir un caractère totalement absolu, ledit principe ne peut souffrir d’exceptions qu’à condition que des motifs légitimes et impérieux le justifient, dans le respect du principe de proportionnalité. Elle a également considéré que la garantie d’inamovibilité exige ainsi que les cas de révocation des membres d’une juridiction soient déterminés par une réglementation particulière, au moyen de dispositions législatives expresses offrant des garanties dépassant celles prévues par les règles générales du droit administratif et du droit du travail s’appliquant en cas de révocation abusive. Sans qu’il puisse être fait référence au principe d’inamovibilité, ce raisonnement pourrait néanmoins s’imposer à l’égard des membres d’un organe constitutionnel dont l’activité est liée à l’exercice et à l’intégrité du pouvoir judiciaire.
35 Voir, par analogie, arrêt du 11 mai 2023, Inspecţia Judiciară (C-817/21, EU:C:2023:391, point 60).
36 Cet organe doit présenter chaque année un rapport d’activité qu’il soumet à l’assemblée plénière du CSM et fournir des informations publiques sur ses activités, en publiant notamment son rapport d’activité annuel sur son site Internet (article 132a, paragraphes 8 et 9, de la Constitution bulgare et article 54, paragraphes 12 et 14, de la loi sur le pouvoir judiciaire).
37 Article 175c de la loi sur le pouvoir judiciaire.
38 Article 175e, paragraphe 6, et article 175f, paragraphe 1, de la loi sur le pouvoir judiciaire. Les informations ainsi obtenues ne font pas l’objet d’une publication selon les indications fournies par l’Inspection dont les membres sont, au demeurant, soumis à une obligation de confidentialité en vertu de l’article 20 de la loi sur la protection des données à caractère personnel.
39 Avis de la Commission de Venise [CDL-AD (2017) 018, points 61 à 72].
40 Avis de la Commission de Venise [CDL-AD (2017) 018, points 69, 70 et 73].
41 Voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2023, Inspecţia Judiciară (C-817/21, EU:C:2023:391, points 56 et 57).
42 Article 62, paragraphe 7, de la loi sur les établissements de crédit.
43 Avis de la Commission de Venise [CDL-AD (2017) 018, point 73].
44 Voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C-585/18, C-624/18 et C-625/18, EU:C:2019:982, point 144).
45 Voir rapport de la Commission sur l’État de droit en Bulgarie au titre des années 2022 et 2023. Il est intéressant de souligner qu’une situation similaire s’était produite concernant l’ancien inspecteur en chef dont le mandat a connu une prolongation de fait de deux ans et de rappeler que les modifications législatives ou constitutionnelles relatives à la modification de la composition de l’Inspection sont demeurées à l’état de simple réflexion.
46 C’est ce que relève, en substance, la Commission dans le rapport sur l’État de droit en Bulgarie pour l’année 2022, tout en reliant son constat avec celui concernant l’augmentation des préoccupations quant au fonctionnement et à la composition du CSM, y compris dans le cadre des procédures disciplinaires.
47 Dans l’arrêt du 8 avril 2014, Commission/Hongrie (C-288/12, EU:C:2014:237, points 52 et 53), relatif à une réglementation nationale ayant mis fin avant terme au mandat du responsable d’une autorité de contrôle en matière de protection des données, la Cour a jugé que l’indépendance fonctionnelle ne suffit pas, à elle seule, à préserver les autorités de contrôle de toute influence extérieure et que le seul risque que les autorités de tutelle de l’État puissent exercer une influence politique sur les décisions des autorités de contrôle suffit pour entraver l’exercice indépendant des missions de celles-ci.
48 Voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C-585/18, C-624/18 et C-625/18, EU:C:2019:982, point 153).
49 Voir, par analogie, arrêt du 8 avril 2014, Commission/Hongrie (C-288/12, EU:C:2014:237, point 55).
50 Il convient de préciser que la notion de « responsable du traitement » présuppose l’existence d’un « traitement » de données à caractère personnel. Voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2024, État belge (Données traitées par un journal officiel) (C-231/22, EU:C:2024:7, point 26).
51 Arrêt du 29 juillet 2019, Fashion ID (C-40/17, EU:C:2019:629, point 72). Dans un souci d’exhaustivité, je souligne que cet arrêt porte sur l’interprétation de la notion de « traitement » telle qu’elle était définie à l’article 2, sous b), de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31). Bien que cette directive ne soit plus en vigueur et qu’elle ait été remplacée par le RGPD, l’interprétation donnée par la Cour demeure pertinente dans le cadre de l’application de ce dernier. En effet, la définition de cette notion demeure identique dans les deux instruments, à l’exception de modifications formelles mineures.
52 Arrêt du 24 février 2022, Valsts ieņēmumu dienests (Traitement des données personnelles à des fins fiscales) (C-175/20, EU:C:2022:124, point 35).
53 Arrêt du 7 mars 2024, IAB Europe (C-604/22, EU:C:2024:214, points 53 à 55 ainsi que jurisprudence citée).
54 Voir, sur ce point, lignes directrices 07/2020 concernant les notions de responsable du traitement et de sous-traitant dans le RGPD, adoptées le 7 juillet 2021, disponibles à l’adresse Internet suivante : https://edpb.europa.eu/system/files/2023-10/edpb_guidelines_202007_controllerprocessor_final_fr.pdf, point 20, selon lesquelles « la notion de responsable du traitement fait référence à l’influence du responsable du traitement sur le traitement par l’exercice d’un pouvoir décisionnel. Un responsable du traitement est un organisme qui décide de certains éléments essentiels du traitement ».
55 Le terme « finalités » renvoie au « pourquoi » du traitement des données à caractère personnel, c’est-à-dire aux motifs de ce traitement et aux objectifs qu’il poursuit. Le terme de « moyens » renvoie au « comment » de ce traitement, c’est-à-dire à la façon dont il est réalisé. Les moyens du traitement englobent donc les éléments techniques et organisationnels de celui-ci, tels que le stockage, l’accessibilité et la durée de conservation des données à caractère personnel. Voir, sur ce point, Bygrave, L. A., et Tosoni, L., « Article 4(7). Controller », dans Kuner, C., Bygrave, L. A., Docksey, C., et Drechsler, L. (dir.), The EU General Data Protection Regulation (GDPR): A Commentary, Oxford University Press, Oxford, 2020, p. 150.
56 Arrêt du 11 janvier 2024, État belge (Données traitées par un journal officiel) (C-231/22, EU:C:2024:7, points 29 et 30). Voir, également, lignes directrices 07/2020 concernant les notions de responsable du traitement et de sous-traitant dans le RGPD, adoptées le 7 juillet 2021, point 24, selon lesquelles, « plus fréquemment, plutôt que de désigner directement le responsable du traitement ou de définir les critères applicables à sa désignation, la législation confiera une mission ou imposera à quelqu’un l’obligation de collecter et de traiter certaines données. Dans ce cas, la finalité du traitement est souvent déterminée par la loi. Le responsable du traitement sera normalement celui désigné par la loi en vue de la réalisation de cette finalité, de cette mission de service public ».
57 Je me réfère à l’article 54, paragraphe 1, point 8, l’article 175a, paragraphe 1, et l’article 175b, paragraphe 4, de la loi sur le pouvoir judiciaire.
58 Ces prescriptions sont prévues à l’article 175c, paragraphe 6, et l’article 175d, paragraphe 1, de la loi sur le pouvoir judiciaire.
59 Voir point 63 de la de la décision de renvoi dans l’affaire C-332/23..
60 Voir point 26 de ces observations.
61 Il y a également lieu de préciser que, selon l’article 62, paragraphe 7, de la loi sur les établissements de crédit, la décision du Rayonen sad (tribunal d’arrondissement) n’est pas susceptible de recours.
62 Arrêt du 12 janvier 2023, Nemzeti Adatvédelmi és Információszabadság Hatóság (C-132/21, EU:C:2023:2, point 34).
63 Arrêt du 11 avril 2024, juris (C-741/21, EU:C:2024:288, point 39). En revanche, dans le cadre d’une action en réparation fondée sur l’article 82 du RGPD, le responsable du traitement en cause supporte la charge de prouver le caractère approprié des mesures de sécurité qu’il a mises en œuvre au titre de l’article 32 de ce règlement. Voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2023, Natsionalna agentsia za prihodite (C-340/21, EU:C:2023:986).
64 Ce considérant énonce que « [t]oute personne concernée devrait avoir le droit d’introduire une réclamation auprès d’une seule autorité de contrôle, en particulier dans l’État membre où elle a sa résidence habituelle, et disposer du droit à un recours juridictionnel effectif conformément à l’article 47 de la Charte si elle estime que les droits que lui confère le présent règlement sont violés ou si l’autorité de contrôle ne donne pas suite à sa réclamation, la refuse ou la rejette, en tout ou en partie, ou si elle n’agit pas alors qu’une action est nécessaire pour protéger les droits de la personne concernée » (italique ajouté p ar mes soins).
65 Voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, Nemzeti Adatvédelmi és Információszabadság Hatóság (C-132/21, EU:C:2023:2, points 51 et 52, ainsi que jurisprudence citée).
66 Sur ce point, j’observe que l’article 39 de la loi sur la protection des données à caractère personnel prévoit que, en cas de violation de ses droits au titre du RGPD et de ladite loi, la personne concernée peut contester les actes et actions du responsable du traitement et du sous-traitant devant une juridiction. Dans le cadre de cette procédure, la personne concernée peut demander réparation du préjudice qu’elle a subi du fait d’un traitement illicite de données à caractère personnel par le responsable du traitement ou le sous-traitant.
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