W. GmbH (Common foreign and security policy — Restrictive measures imposed on Burma/Myanmar - Judgment) French Text [2024] EUECJ C-67/23 (05 September 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C6723.html
Cite as: [2024] EUECJ C-67/23, ECLI:EU:C:2024:680, EU:C:2024:680

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

5 septembre 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives instituées à l’égard de la Birmanie/du Myanmar – Interdiction d’importer des biens originaires ou exportés de la Birmanie/du Myanmar – Règlement (CE) no 194/2008 – Article 2, paragraphe 2, sous a) – Grumes de teck originaires de la Birmanie/du Myanmar exportées et ouvrées à Taïwan avant leur transport vers l’Union européenne – Règlement (CEE) no 2913/92 – Code des douanes communautaire – Article 24 – Notion de “transformation ou ouvraison substantielle” – Grumes de teck ébranchées, écorcées, équarries ou découpées en bois de teck scié à Taïwan – Certificat d’origine émis par les autorités taïwanaises – Valeur de ce certificat pour la détermination, par les autorités douanières des États membres, de l’origine de ces grumes de teck »

Dans l’affaire C‑67/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 17 novembre 2022, parvenue à la Cour le 8 février 2023, dans la procédure pénale contre

S.Z.,

en présence de :

W. GmbH,

Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. T. von Danwitz, P. G. Xuereb (rapporteur), A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour S.Z., par Me G. Schwendinger, Rechtsanwalt,

–        pour W. GmbH, par Me K. Göcke, Rechtsanwältin,

–        pour le Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof, par M. P. Frank, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Carpus Carcea, M. C. Hödlmayr et Mme F. Moro, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 194/2008 du Conseil, du 25 février 2008, renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar et abrogeant le règlement (CE) no 817/2006 (JO 2008, L 66, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre S.Z. pour violation de l’interdiction d’importer des biens originaires ou exportés de la Birmanie/du Myanmar.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La NC

3        Le classement douanier des marchandises importées dans l’Union européenne est régi par la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1214/2007 de la Commission, du 20 septembre 2007 (JO 2007, L 286, p. 1) (ci-après la « NC »), laquelle est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH »), institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983, dans le cadre de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1).

4        Selon l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 2658/87, la NC reprend les positions et les sous-positions à six chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

5        Les positions 4403 et 4407 de la NC, qui correspondent aux mêmes positions du SH, sont libellées respectivement « Bois bruts, même écorcés, désaubiérés ou équarris » et « Bois sciés ou dédossés longitudinalement, tranchés ou déroulés, même rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout, d’une épaisseur excédant 6 mm ».

 Le code des douanes communautaire

6        Le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes communautaire »), a été abrogé et remplacé, à compter du 1er mai 2016, par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, et rectificatif JO 2013, L 287, p. 90). Toutefois, compte tenu de la date des faits du litige au principal, le code des douanes communautaire demeure applicable à ce dernier.

7        Le titre 2 du code des douanes communautaire, intitulé « Éléments sur la base desquels les droits à l’importation ou à l’exportation ainsi que les autres mesures prévues dans le cadre des échanges des marchandises sont appliqués », contenait un chapitre 1, intitulé « Tarif douanier des communautés européennes et classement tarifaire des marchandises », dont faisait partie l’article 20 de ce code, lequel était rédigé comme suit :

« 1.      Les droits légalement dus en cas de naissance d’une dette douanière sont fondés sur le tarif douanier des Communautés européennes.

[...]

3.      Le tarif douanier des Communautés européennes comprend :

[...]

d)      les mesures tarifaires préférentielles contenues dans des accords que la Communauté a conclus avec certains pays ou groupes de pays et qui prévoient l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel ;

e)      les mesures tarifaires préférentielles arrêtées unilatéralement par la Communauté en faveur de certains pays, groupes de pays ou territoires ;

[...] »

8        Le chapitre 2 de ce titre 2, intitulé « Origine des marchandises », comportait une section 1, intitulée « Origine non préférentielle des marchandises », et une section 2, intitulée « Origine préférentielle des marchandises ».

9        Cette section 1 contenait l’article 22 du code des douanes communautaire, qui prévoyait :

« Les articles 23 à 26 définissent l’origine non préférentielle des marchandises aux fins de :

a)      l’application du tarif douanier des Communautés européennes, à l’exception des mesures visées à l’article 20 paragraphe 3 points d) et e) ;

b)      l’application des mesures autres que tarifaires établies par des dispositions communautaires spécifiques dans le cadre des échanges des marchandises ;

c)      l’établissement et la délivrance des certificats d’origine. »

10      L’article 23 de ce code énonçait :

« 1.      Sont originaires d’un pays, les marchandises entièrement obtenues dans ce pays.

2.      On entend par marchandises entièrement obtenues dans un pays :

[...]

b)      les produits du règne végétal qui y sont récoltés ;

[...] »

11      Aux termes de l’article 24 dudit code :

« Une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays, est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important. »

12      L’article 26 du même code disposait :

« 1.      La réglementation douanière ou d’autres réglementations communautaires spécifiques peuvent prévoir que l’origine des marchandises doit être justifiée par la production d’un document.

2.      Nonobstant la production de ce document, les autorités douanières peuvent, en cas de doute sérieux, exiger toutes justifications complémentaires en vue de s’assurer que l’indication d’origine [est] bien [conforme] aux règles établies par la réglementation communautaire en la matière. »

 Le règlement (CEE) no 2454/93

13      Le règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1), a été abrogé par le règlement d’exécution (UE) 2016/481 de la Commission, du 1er avril 2016, abrogeant le règlement (CEE) no 2454/93 fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 2016, L 87, p. 24). Toutefois, compte tenu de la date des faits du litige au principal, le règlement no 2454/93 demeure applicable à ce dernier.

14      Ce dernier règlement comportait une annexe 13 bis, insérée dans celui-ci par le règlement (UE) no 1063/2010 de la Commission, du 18 novembre 2010(JO 2010, L 307, p. 1), laquelle comportait une partie II, intitulée « Liste des produits et des ouvraisons ou transformations permettant d’obtenir le caractère originaire », qui prévoyait notamment ce qui suit :

Positions du système harmonisé

Désignation des marchandises

Opérations qualifiantes (ouvraisons ou transformations ayant pour effet de conférer le caractère originaire à des matières non originaires)

[...]

[...]

[...]

ex Chapitre 44

Bois, charbon de bois et ouvrages en bois ; charbon de bois, à l’exclusion de :

Fabrication à partir de matières de toute position à l’exclusion de celle dont relève le produit,

ou

fabrication dans laquelle la valeur de toutes les matières mises en œuvre n’excède pas 70 % du prix départ usine du produit.

ex 4407

Bois sciés ou dédossés longitudinalement, tranchés ou déroulés, d’une épaisseur excédant 6 mm, rabotés, poncés ou collés par assemblage en bout

Rabotage, ponçage ou collage par assemblage en bout.

[...]

[...]

[...]

 Le règlement no 194/2008

15      Le règlement no 194/2008 a été abrogé, à compter du 3 mai 2013, par le règlement (UE) no 401/2013 du Conseil, du 2 mai 2013, concernant des mesures restrictives instituées à l’encontre du Myanmar/de la Birmanie et abrogeant le règlement (CE) no 194/2008 (JO 2013, L 121, p. 1). Toutefois, compte tenu de la date des faits du litige au principal, le règlement no 194/2008 demeure applicable à ce dernier.

16      Aux termes des considérants 6 et 7 du règlement no 194/2008 :

« (6)      Pendant plus d’une décennie, le Conseil [de l’Union européenne] et les membres de la communauté internationale n’ont cessé de condamner les pratiques du régime de la Birmanie/du Myanmar, notamment la torture, les exécutions sommaires et arbitraires, le travail forcé, les violences à l’encontre des femmes, les arrestations politiques, les déplacements forcés de la population et les restrictions aux droits fondamentaux que sont les libertés de parole, de circulation et de réunion. Compte tenu des violations graves et répétées des droits de l’homme perpétrées de longue date par le régime, notamment la récente répression brutale des manifestations pacifiques, les mesures restrictives contenues dans le présent règlement contribuent à promouvoir le respect des droits fondamentaux et visent ainsi à protéger les principes éthiques de la société.

(7)      Les nouvelles mesures restrictives ciblent des secteurs qui constituent des sources de revenus pour le régime militaire de la Birmanie/du Myanmar, en l’occurrence le bois et les produits du bois, le charbon, l’or, l’argent, certains métaux communs et les pierres précieuses et semi-précieuses. Certaines mesures restrictives prises dans ces secteurs concernent les importations, les exportations et les investissements. La liste des entités auxquelles s’appliquent les nouvelles restrictions en matière d’investissements et d’aide financière à l’exportation devrait correspondre à la liste figurant à l’annexe I de la position commune 2007/750/PESC [du Conseil, du 19 novembre 2007, modifiant la position commune 2006/318/PESC renouvelant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar (JO 2007, L 308, p. 1)], qui énumère les entités concernées en Birmanie/au Myanmar dans les secteurs visés. »

17      Figurant au chapitre 1 de ce règlement, intitulé « Définitions », l’article 1er dudit règlement disposait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)      “importation”, toute introduction de marchandises dans le territoire douanier de la Communauté, ou dans les autres territoires auxquels le traité [CE] s’applique, dans les conditions fixées à l’article 299 [CE]. [...] 

[...] »

18      Figurant au chapitre 2 du règlement no 194/2008, intitulé « Restrictions à l’importation et à l’achat », l’article 2 de ce règlement prévoyait, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.      L’annexe I inclut les biens relevant des catégories suivantes :

a)      bois ronds, bois d’œuvre et produits dérivés du bois ;

b)      charbon et certains métaux et

c)      pierres précieuses et semi-précieuses.

2.      Il est interdit :

a)      d’importer les biens énumérés à l’annexe I si ceux-ci :

i)      sont originaires de la Birmanie/du Myanmar ou

ii)      ont été exportés de la Birmanie/du Myanmar ;

b)      d’acheter les biens situés en Birmanie/au Myanmar énumérés à l’annexe I ;

c)      de transporter les biens énumérés à l’annexe I si ceux-ci sont originaires de la Birmanie/du Myanmar ou sont exportés de la Birmanie/du Myanmar vers tout autre pays et ont la Communauté pour destination finale ou

d)      de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner les interdictions visées aux points a), b) ou c).

3.      L’origine des marchandises est déterminée conformément aux dispositions applicables du [code des douanes communautaire]. »

19      L’annexe I dudit règlement était intitulée « [l]iste des biens soumis à des restrictions à l’importation et à la vente visés à l’article 2 ». Au point A de cette annexe, intitulé « Bois ronds, bois d’œuvre et produits dérivés du bois », figuraient les biens relevant des positions 4403 et 4407 de la NC.

 Le droit allemand

20      L’article 34, paragraphe 4, point 2, de l’Außenwirtschaftsgesetz (loi sur le commerce extérieur), dans sa version du 27 mai 2009 (ci-après la « loi sur le commerce extérieur »), disposait :

« Est punie d’une peine privative de liberté de six mois à cinq ans, toute personne qui

[...]

2)      enfreint une interdiction, publiée au Bundesanzeiger et directement applicable, d’exportation, d’importation, de transit, de transport, de vente, de livraison, de mise à disposition, de transmission, de fourniture de services, d’investissement, de soutien, ou de contournement de cette interdiction, prévue par un acte juridique des Communautés européennes qui sert à la mise en œuvre d’une sanction économique arrêtée par le Conseil de l’Union européenne dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune [...] »

21      Le règlement no 194/2008, directement applicable sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, avait été, en ce qui concerne son article 2, paragraphe 2, sous a), en cause dans le litige au principal, publié au Bundesanzeiger le 22 octobre 2009.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

22      S.Z. était l’unique gérant d’une société ayant son siège à Hambourg (Allemagne), qui avait pour activité le commerce de bois de teck originaire de la Birmanie/du Myanmar (ci-après la « société concernée »). Ce bois était principalement utilisé pour la construction navale. Cette société était le prédécesseur en droit de W. GmbH, qui est la société propriétaire des biens confisqués et la partie intéressée dans la procédure de confiscation en cause au principal.

23      Par un jugement du Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne) du 27 avril 2021, S.Z. a été condamné pour violation de l’article 34, paragraphe 4, point 2, de la loi sur le commerce extérieur à une peine privative de liberté d’un an et neuf mois. Le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) a également ordonné la confiscation, à W., de grumes d’arbres de teck (ci-après les « produits en cause ») et d’une somme de 3 310 902,98 euros, correspondant à la valeur des gains provenant de l’infraction.

24      À cet égard, cette juridiction a constaté que, à l’initiative de S.Z., la société concernée a continué d’importer et de commercialiser du bois de teck de la Birmanie/du Myanmar entre le mois d’octobre 2009 et le mois de mai 2011, c’est-à-dire après l’entrée en vigueur du règlement no 194/2008, interdisant l’importation des biens originaires ou exportés de la Birmanie/du Myanmar. Le fournisseur de cette société, établi à Taïwan, avait coupé des arbres de teck en Birmanie/au Myanmar, puis avait transporté les grumes de ces arbres à Taïwan et les y avait ouvrées dans des scieries.

25      Ladite juridiction a constaté, en outre, que ces grumes avaient fait l’objet de trois types d’ouvraison à Taïwan. Certaines y avaient été simplement ébranchées et écorcées. D’autres avaient été ébranchées et écorcées, puis équarries, c’est-à-dire découpées en forme de parallélépipèdes rectangles. Enfin, certaines grumes avaient été découpées en traverses ou en planches, c’est-à-dire en bois de teck scié. Après ces ouvraisons, le bois, pourvu de certificats d’origine établis par les autorités taïwanaises, a été transporté par bateau jusqu’à Hambourg, où il a été réceptionné par la société concernée.

26      La même juridiction a estimé que le bois de teck en cause était, en conséquence des opérations d’ouvraison dont il avait fait l’objet à Taïwan, originaire de ce pays, de telle sorte que l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008, lequel interdisait d’importer des biens originaires de la Birmanie/du Myanmar, n’avait pas été enfreint. Cela étant, elle a considéré que, malgré son transport à Taïwan et les travaux de sciage dont il y avait fait l’objet, ce bois de teck n’avait pas perdu la qualité de produit exporté de la Birmanie/du Myanmar, au sens de cet article 2, paragraphe 2, sous a), ii), et que, dès lors, il convenait de retenir une infraction à cette dernière disposition.

27      S.Z. et W. ont introduit un recours en Revision contre le jugement du Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) du 27 avril 2021, devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi. Selon eux, d’une part, les grumes en cause n’ont pas été simplement transportées de la Birmanie/du Myanmar vers l’Allemagne en passant par Taïwan, mais elles ont fait l’objet, dans ce dernier pays tiers, d’une ouvraison ou d’une transformation qui leur a conféré une nouvelle origine, raison pour laquelle les autorités taïwanaises avaient établi des certificats d’origine dans lesquels Taïwan était indiquée en tant que pays d’origine. Les produits en cause seraient donc non pas du bois originaire de la Birmanie/du Myanmar, mais des produits dérivés du bois taïwanais, qui ont été importés en Allemagne. Partant, l’importation des produits en cause ne violerait pas l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008. D’autre part, le bois de teck en cause, introduit sur le territoire de l’Union, aurait été exporté non pas de la Birmanie/du Myanmar, au sens de cet article 2, paragraphe 2, sous a), ii), mais de Taïwan.

28      Le Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof (procureur général près la Cour fédérale de justice, Allemagne) (ci-après le « procureur général ») s’est rallié à l’appréciation du Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg). Il a considéré, en substance, que, en l’occurrence, l’ouvraison du bois de teck exporté de la Birmanie/du Myanmar avait uniquement entraîné un changement d’origine de ce bien, sans cependant en faire un bien différent.

29      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi indique, en premier lieu, que l’importation des produits en cause constitue un fait punissable, en application de l’article 34, paragraphe 4, point 2, de la loi sur le commerce extérieur, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement no 194/2008, si l’ouvraison ou la transformation qui a eu lieu à Taïwan n’a pas suffi pour conférer au bois de teck en cause une nouvelle origine et que celui-ci est donc toujours originaire de la Birmanie/du Myanmar, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), de ce règlement.

30      La juridiction de renvoi doute, au regard des arrêts du 26 janvier 1977, Gesellschaft für Überseehandel (49/76, EU:C:1977:9), relatif à de la caséine, et du 23 février 1984, Zentrag (93/83, EU:C:1984:78), relatif à de la viande bovine, que l’ouvraison, dont le bois de teck coupé en Birmanie/au Myanmar a fait l’objet à Taïwan, fût si substantielle que ce bois soit devenu, en vertu de l’article 24 du code des douanes communautaire, un bien originaire de Taïwan. Elle relève, cependant, que le fait de couper du bois de teck brut pour en faire du bois scié entraîne un changement de position dans le SH, le bois brut relevant de la position 4403 du SH et le bois scié d’une épaisseur excédant 6 mm de la position 4407 de celui-ci. Or, aucun changement de position n’aurait résulté des opérations modifiant la présentation de la viande bovine ou de la caséine qui étaient en cause dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts. Un changement de position tarifaire à quatre chiffres pourrait être un indice d’une ouvraison substantielle d’un produit, le SH reposant sur une progression des produits naturels et des matières premières vers des produits de plus en plus transformés.

31      En deuxième lieu, la juridiction de renvoi relève que, dans l’hypothèse où les travaux de sciage, qui ont eu lieu à Taïwan, auraient entraîné un changement d’origine, l’importation en cause constituerait un fait punissable si les grumes de teck en cause ont été exportées de la Birmanie/du Myanmar, en violation de l’article 2, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 194/2008.

32      À cet égard, contrairement au Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) et au procureur général, la juridiction de renvoi tend à considérer qu’il convient d’interpréter l’expression « exportés de la Birmanie/du Myanmar », figurant à cet article 2, paragraphe 2, sous a), ii), en ce sens que relèvent de cette expression uniquement les biens importés dans l’Union directement de la Birmanie/du Myanmar et non les biens qui ont été transportés vers un pays tiers, en l’occurrence Taïwan, puis vers l’Union, et cela indépendamment du point de savoir s’ils ont fait l’objet, dans ce pays tiers, d’une ouvraison ou d’une transformation leur conférant une nouvelle origine. Si cette interprétation était retenue, S.Z. n’aurait pas enfreint ledit article 2, paragraphe 2, sous a), ii).

33      Selon la juridiction de renvoi, l’interprétation de ladite expression retenue par le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) et le procureur général priverait l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008 de tout champ d’application autonome et aurait pour effet de soumettre des biens de pays tiers, qui ont été produits à partir de matières premières ou de produits provenant de la Birmanie/du Myanmar, à l’interdiction d’importation prévue à cet article 2, paragraphe 2, sous a), ce qui n’aurait pas été l’intention du législateur de l’Union.

34      En troisième et dernier lieu, la juridiction de renvoi souhaite savoir si des certificats d’origine, tels que ceux établis par les autorités taïwanaises, lient les autorités douanières des États membres lorsqu’elles examinent si l’interdiction d’importation prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement no 194/2008 a été violée.

35      Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter les termes “originaire de la Birmanie/du Myanmar”, figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement [no 194/2008], en ce sens qu’aucune des opérations d’ouvraison ci-après, dans un État tiers (en l’occurrence Taïwan), de grumes de teck ayant poussé [en Birmanie/]au Myanmar n’entraîne un changement d’origine et que, par conséquent, le bois de teck ainsi ouvré est toujours un “bien originaire de la Birmanie/du Myanmar” :

–        ébranchage et écorçage des grumes ;

–        découpe des grumes en “teak squares” (grumes ébranchées et écorcées, puis équarries) ;

–        découpe des grumes en traverses ou en planches (bois scié) ?

2)      Convient-il d’interpréter les termes “exporté de la Birmanie/du Myanmar”, figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 194/2008, en ce sens que seuls en relèvent des biens qui ont été importés dans l’[Union] directement [de la Birmanie/]du Myanmar et que ne relèvent par conséquent pas de la règle y énoncée des biens qui ont d’abord été transportés vers un État tiers (en l’occurrence Taïwan), puis transportés vers l’Union, et ce indépendamment du point de savoir s’ils ont fait l’objet, dans cet État tiers, d’une ouvraison ou d’une transformation leur conférant une nouvelle origine ?

3)      Convient-il d’interpréter l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008 en ce sens qu’un certificat d’origine établi par un État tiers (en l’occurrence Taïwan), selon lequel des grumes de teck provenant [de la Birmanie/]du Myanmar et découpées sont, en conséquence de cette ouvraison dans cet État tiers, désormais originaires dudit État, ne lie pas les autorités s’agissant de constater une violation de l’interdiction d’importation énoncée à l’article 2, paragraphe 2, [sous a),] du règlement no 194/2008 ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

36      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En outre, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de ses questions (arrêt du 7 septembre 2023, Groenland Poultry, C‑169/22, EU:C:2023:638, point 47 et jurisprudence citée).

37      Dans l’énoncé de sa première question, la juridiction de renvoi a fait uniquement référence à l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008.

38      Cette disposition interdit l’importation des biens énumérés à l’annexe I de ce règlement si ceux-ci sont originaires de la Birmanie/du Myanmar. Le point A de cette annexe concerne la catégorie des « [b]ois ronds, bois d’œuvre et produits dérivés du bois ».

39      En vertu de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, l’origine des marchandises est déterminée conformément aux dispositions applicables du code des douanes communautaire. En l’occurrence, la disposition pertinente de ce code est son article 24.

40      Aux termes de cet article 24, « [u]ne marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays, est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important ».

41      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008, lu en combinaison avec l’article 24 du code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens que l’ébranchage, l’écorçage, l’équarrissage ou la transformation en bois scié de grumes de teck constituent des transformations ou ouvraisons déterminant l’origine des marchandises obtenues à la suite de telles opérations.

 Sur la recevabilité

42      W. remet en cause partiellement la recevabilité de la première question en soutenant que le point de savoir si le fait d’ébrancher et d’écorcer des grumes de teck peut entraîner un changement d’origine de telles marchandises n’est pas pertinent dès lors que, selon les constatations du Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) qui lieraient la juridiction de renvoi, ces marchandises n’ont pas été importées en Allemagne dans l’affaire au principal, seuls des grumes de teck équarries et du bois de teck scié ayant été importés.

43      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions préjudicielles posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 9 mars 2023, Sogefinancement, C‑50/22, EU:C:2023:177, point 16 et jurisprudence citée).

44      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 9 mars 2023, Sogefinancement, C‑50/22, EU:C:2023:177, point 17 et jurisprudence citée).

45      Tel n’est cependant pas le cas en l’occurrence.

46      En effet, il ne ressort pas de manière manifeste de la décision de renvoi que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. En outre, force est de constater, d’une part, que la première question n’est pas de nature hypothétique et, d’autre part, que la Cour dispose des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ladite question.

47      Il y a donc lieu de se prononcer sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008, lu en combinaison avec l’article 24 du code des douanes communautaire, au regard des trois types d’ouvraison énumérés à la première question.

 Sur le fond

48      Il ressort de l’article 24 du code des douanes communautaire que, lorsque deux ou plusieurs pays interviennent dans la production d’une marchandise, le critère déterminant pour déterminer l’origine de cette dernière est celui de la dernière transformation ou ouvraison substantielle de cette marchandise (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2021, Renesola UK, C‑209/20, EU:C:2021:400, point 38 et jurisprudence citée).

49      En outre, la détermination de l’origine des marchandises doit se fonder sur une distinction objective et réelle entre produit de base et produit transformé, tenant essentiellement aux qualités matérielles spécifiques de chacun de ces produits (arrêt du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, EU:C:2010:68, point 45 et jurisprudence citée).

50      La Cour a déjà jugé que l’expression « dernière transformation ou ouvraison substantielle », au sens de l’article 24 du code des douanes communautaire, doit être comprise comme renvoyant à l’étape du processus de production au cours de laquelle les marchandises concernées acquièrent leur destination ainsi que des propriétés et une composition spécifiques, qu’elles ne possédaient pas auparavant et qui ne sont pas appelées à subir ultérieurement des modifications qualitatives importantes (arrêt du 20 mai 2021, Renesola UK, C‑209/20, EU:C:2021:400, point 38 et jurisprudence citée).

51      Ainsi, des opérations affectant la présentation d’un produit aux fins de son utilisation, mais n’entraînant pas une modification qualitative importante de ses propriétés, ne sont pas susceptibles de déterminer l’origine de ce produit (arrêt du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, EU:C:2010:68, point 46 et jurisprudence citée).

52      Par conséquent, les opérations de transformation d’un produit qui n’entraînent pas une modification substantielle des propriétés et de la composition de celui-ci, parce qu’elles consistent seulement en une répartition et en une modification de sa présentation, ne constituent pas une modification qualitative suffisamment caractérisée pouvant être regardée soit comme ayant entraîné la fabrication d’un produit nouveau, soit comme constituant un stade de fabrication important dudit produit (arrêt du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, EU:C:2010:68, point 47 et jurisprudence citée).

53      Dans ces conditions, s’agissant du premier type d’ouvraison, à savoir l’ébranchage et l’écorçage des grumes de teck en cause, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que cette ouvraison ait conféré à ces grumes leur destination ainsi que des propriétés et une composition spécifiques, qu’elles ne possédaient pas auparavant et qui ne sont pas appelées à subir ultérieurement des modifications qualitatives importantes. Au contraire, ce type d’ouvraison semble être, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, une opération d’ouvraison simple, qui n’affecte que la présentation du bois. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 52 du présent arrêt, une telle opération ne saurait être considérée comme ayant entraîné la fabrication d’un produit nouveau ou comme constituant un stade de fabrication important des marchandises en cause et, partant, comme déterminant l’origine de celles-ci.

54      S’agissant du deuxième type d’ouvraison, à savoir l’équarrissage des grumes de teck en cause, précédemment ébranchées et écorcées, c’est-à-dire leur découpage en forme de parallélépipèdes rectangles, il ne paraît pas non plus que, en l’occurrence, cette opération d’ouvraison a conféré à ces grumes leur destination ainsi que des propriétés et une composition spécifiques, qu’elles ne possédaient pas auparavant et qui ne seraient pas appelées à subir ultérieurement des modifications qualitatives importantes, au sens de la jurisprudence citée au point 50 du présent arrêt. Au contraire, ainsi que S.Z. et W. l’ont elles-mêmes relevé, ce deuxième type d’ouvraison constitue une étape intermédiaire indispensable pour la production de bois scié. Ce deuxième type d’ouvraison ne saurait donc être considéré comme déterminant l’origine desdites grumes.

55      Toutefois, S.Z. et W. soutiennent qu’il ressort de l’arrêt du 10 décembre 2009, HEKO Industrieerzeugnisse (C‑260/08, EU:C:2009:768), ainsi que de l’annexe 22–03 du règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 1), qu’un changement d’origine doit en principe être constaté lorsque l’ouvraison ou la transformation du bois brut entraîne une augmentation substantielle de la valeur du bois, laquelle doit généralement être admise lorsqu’elle dépasse 30 %. Or, en l’occurrence, selon S.Z. et W., la valeur des grumes de teck en cause aurait augmenté de plus de 30 % après leur équarrissage. En tout état de cause, même si la valeur de ces grumes n’avait pas augmenté de 30 %, dès lors que leur équarrissage nécessite des équipements de sciage spéciaux et ne peut être réalisée que par des professionnels spécialement formés à cet effet, ce type d’ouvraison devrait être considéré comme déterminant l’origine desdites grumes.

56      À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, en ce qui concerne la valeur que l’équarrissage des grumes de teck en cause aurait conféré à celles-ci, que la Cour a, certes, jugé, s’agissant de la question de savoir si une opération d’assemblage de divers éléments constitue une transformation ou une ouvraison substantielle, qu’il existe des situations dans lesquelles l’examen sur la base de critères d’ordre technique peut ne pas être concluant pour la détermination de l’origine d’une marchandise et qu’il y a lieu, dans ces cas, de prendre en considération, à titre subsidiaire, d’autres critères clairs et objectifs, tels que celui de la valeur ajoutée, qui permet d’exprimer, pour des marchandises à composition complexe, en quoi consiste la transformation substantielle déterminant l’origine de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2009, HEKO Industrieerzeugnisse, C‑260/08, EU:C:2009:768, points 30 et 31).

57      Cependant, l’opération en cause au principal est non pas une opération d’assemblage de divers éléments, laquelle consiste à assembler un grand nombre de pièces pour former un nouvel ensemble cohérent (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1989, Brother International, C‑26/88, EU:C:1989:637, point 13), mais un découpage d’un produit de base.

58      Il y a donc lieu de considérer que, en l’occurrence, le critère subsidiaire de la valeur ajoutée, issu de la jurisprudence citée au point 56 du présent arrêt, n’est pas applicable.

59      En second lieu, s’agissant des indications concernant les produits relevant de la position 44 du SH mentionnée dans le tableau figurant à la partie II de l’annexe 22–03 du règlement délégué 2015/2446, sur lesquelles S.Z. et W. se fondent, il y a lieu de relever que ce règlement délégué n’est pas applicable ratione temporis. En effet, celui-ci est applicable depuis le 1er mai 2016, alors que les importations en cause au principal ont eu lieu entre l’année 2009 et l’année 2011. Cependant, ces indications sont identiques à celles qui figuraient à l’annexe 13 bis du règlement no 2454/93, insérée dans ce dernier par le règlement no 1063/2010, lequel est applicable depuis le 1er janvier 2011 et, donc, aux importations qui ont eu lieu à partir de cette date.

60      Cela étant, il suffit de relever que cette dernière annexe fixe uniquement des règles concernant l’origine préférentielle des marchandises et non des règles relatives à l’origine non préférentielle des marchandises, qui est en cause en l’occurrence.

61      Enfin, s’agissant de la circonstance invoquée par S.Z. et W., selon laquelle la réalisation de grumes de teck équarries nécessite des équipements de sciage spéciaux et ne peut être effectuée que par des professionnels spécialement formés, il convient de relever qu’il ressort du libellé même de l’article 24 du code des douanes communautaire que la réalisation d’une ouvraison dans une entreprise équipée à cet effet ne suffit pas à lui conférer un caractère substantiel, au sens de cet article.

62      Dans ces conditions, il convient de considérer que l’équarrissage des grumes de teck en cause ne constitue pas une transformation ou une ouvraison déterminant l’origine de ces marchandises.

63      S’agissant du troisième type d’ouvraison, à savoir la découpe de grumes de teck en bois scié, il semble que, contrairement à ce que le procureur général soutient, cette découpe ne constitue pas une opération simple de découpage, dès lors qu’elle comporte plusieurs étapes, les grumes concernées devant avoir été ébranchées, écorcées et équarries avant d’être découpées en planches.

64      En outre, les biens issus de ce type d’ouvraison se trouvent à un stade avancé du processus de fabrication de biens destinés, comme en l’occurrence, à la construction navale. La transformation en bois scié peut en effet être considérée comme constituant l’étape du processus de production au cours de laquelle les marchandises concernées acquièrent leur destination ainsi que des propriétés et une composition spécifiques, qu’elles ne possédaient pas auparavant et qui ne sont pas appelées à subir ultérieurement des modifications qualitatives importantes, au sens de la jurisprudence citée au point 50 du présent arrêt.

65      Ce constat est confirmé par le fait que les grumes de teck et les grumes de teck équarries sont classées sous la position 4403 de la NC, en tant que bois bruts, tandis que le bois de teck scié est classé à un stade d’ouvraison plus avancé, sous la position 4407 de la NC.

66      En effet, il ressort de la jurisprudence que le changement de position tarifaire d’une marchandise, causé par l’opération de transformation de celle-ci, constitue une indication du caractère substantiel de sa transformation ou de son ouvraison (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland, C‑210/22, EU:C:2023:693, point 58 et jurisprudence citée).

67      Par conséquent, le troisième type d’ouvraison, qui a consisté à transformer les grumes de teck en cause en bois scié, peut être considéré comme constituant une ouvraison conférant à ces grumes l’origine de Taïwan, en application de l’article 24 du code des douanes communautaire.

68      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008, lu en combinaison avec l’article 24 du code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens que :

–        l’ébranchage, l’écorçage ou l’équarrissage de grumes de teck ne constituent pas des transformations ou ouvraisons déterminant l’origine des marchandises obtenues à la suite de telles opérations ;

–        la transformation en bois scié de grumes de teck constitue une transformation ou ouvraison déterminant l’origine de la marchandise obtenue à la suite d’une telle opération.

 Sur la deuxième question

69      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’expression « exportés de la Birmanie/du Myanmar », figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 194/2008, doit être interprétée en ce sens que seuls relèvent de cette disposition des biens qui ont été importés dans l’Union directement de la Birmanie/du Myanmar.

70      À cet égard, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 14 mai 2024, Stachev, C‑15/24 PPU, EU:C:2024:399, point 72 et jurisprudence citée).

71      Premièrement, s’agissant du libellé de l’article 2, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 194/2008, l’expression « exportés de la Birmanie/du Myanmar » est, faute de précision supplémentaire, susceptible d’inclure des produits importés tant directement qu’indirectement de ce pays.

72      Cela étant, en ce qui concerne, deuxièmement, le contexte dans lequel l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement no 194/2008 s’inscrit, il convient de rappeler que cette disposition contient deux interdictions d’importation de la Birmanie/du Myanmar, à savoir, d’une part, celle d’importer des biens originaires de ce pays, figurant à cet article 2, paragraphe 2, sous a), i), et, d’autre part, celle d’importer des biens qui ont été exportés dudit pays, figurant audit article 2, paragraphe 2, sous a), ii).

73      L’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008 visait, précisément, à garantir que les biens « originaires de la Birmanie/du Myanmar » relevaient du champ d’application de ce règlement même s’ils étaient importés dans l’Union non pas directement depuis la Birmanie/le Myanmar, mais en passant par des pays tiers. Or, cette disposition serait superflue si l’on interprétait l’article 2, paragraphe 2, sous a), ii), de ce règlement en ce sens que tous les biens qui se trouvaient à un moment donné en Birmanie/au Myanmar – c’est-à-dire même les biens qui étaient originaires de la Birmanie/du Myanmar et qui ne le sont plus en raison d’une transformation ou d’une ouvraison substantielle dans un pays tiers – relèvent du champ d’application de cette dernière disposition.

74      Troisièmement, il ressort du considérant 6 du règlement no 194/2008 que son objectif était, compte tenu des violations graves et répétées des droits de l’homme perpétrées de longue date par le régime militaire de la Birmanie/du Myanmar, de contribuer, au moyen du renouvellement et du renforcement des mesures restrictives prises à l’égard de ce pays, à promouvoir le respect des droits fondamentaux et de viser ainsi à protéger les principes éthiques de la société. Il ressort, en outre, du considérant 7 de ce règlement que les nouvelles mesures restrictives prévues par ledit règlement visaient à cibler des secteurs qui constituent des sources de revenus pour ce régime militaire comme le bois et les produits du bois. Or, il ne ressort pas de ces objectifs du règlement no 194/2008 que l’intention du législateur de l’Union, lorsqu’il a adopté ce règlement qui ciblait la Birmanie/le Myanmar, était de soumettre à l’interdiction d’importation prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous a), dudit règlement tous les biens provenant de pays tiers, qui ont été produits à partir de biens provenant de la Birmanie/du Myanmar.

75      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que l’expression « exportés de la Birmanie/du Myanmar », figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 194/2008, doit être interprétée en ce sens que seuls relèvent de cette disposition des biens qui ont été importés dans l’Union directement de la Birmanie/du Myanmar.

 Sur la troisième question

76      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008 doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités douanières des États membres examinent si cette disposition a été enfreinte, elles sont liées par des certificats d’origine émis par un pays tiers indiquant que les biens concernés sont originaires de ce pays.

77      À cet égard, il convient de relever que le règlement no 194/2008 ne prévoit pas d’obligation de production d’un document pour justifier l’origine des biens visés par ce règlement. L’article 2, paragraphe 3, de celui-ci dispose seulement que l’origine des marchandises doit être déterminée conformément aux dispositions applicables du code des douanes communautaire.

78      Ainsi qu’il ressort de l’article 26 du code des douanes communautaire, si la réglementation de l’Union prévoit que l’origine des marchandises doit être justifiée par la production d’un document, la production de ce document ne fait pas obstacle à ce que, en cas de doute sérieux, les autorités douanières exigent toutes justifications complémentaires en vue de s’assurer que l’indication d’origine soit bien conforme aux règles établies par la réglementation de l’Union en la matière. À cet égard, la Cour a déjà jugé que la finalité du contrôle a posteriori est de vérifier l’exactitude de l’origine indiquée dans le certificat d’origine (arrêt du 30 juin 2016, Selena România, C‑416/15, EU:C:2016:501, point 36 et jurisprudence citée).

79      Il en résulte que le fait que des marchandises sont accompagnées de certificats d’origine n’est pas une circonstance susceptible de s’opposer au recouvrement des droits dus pour l’importation de ces marchandises si, postérieurement à cette importation, ces certificats se sont révélés être inexacts (arrêt du 30 juin 2016, Selena România, C‑416/15, EU:C:2016:501, point 37 et jurisprudence citée).

80      Il découle de cette jurisprudence relative à l’article 26 du code des douanes communautaire que, même lorsqu’il existe une obligation de production d’un document, tel qu’un certificat d’origine, pour justifier l’origine des biens concernés, les autorités douanières ne sont pas liées par ce document. Il en va d’autant plus ainsi lorsqu’une telle obligation n’existe pas.

81      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008 doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités douanières des États membres examinent si cette disposition a été enfreinte, elles ne sont pas liées par des certificats d’origine émis par un pays tiers indiquant que les biens concernés sont originaires de ce pays.

 Sur les dépens

82      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement (CE) no 194/2008 du Conseil, du 25 février 2008, renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar et abrogeant le règlement (CE) no 817/2006, lu en combinaison avec l’article 24 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire,

doit être interprété en ce sens que :

–        l’ébranchage, l’écorçage ou l’équarrissage de grumes de teck ne constituent pas des transformations ou ouvraisons déterminant l’origine des marchandises obtenues à la suite de telles opérations ;

–        la transformation en bois scié de grumes de teck constitue une transformation ou ouvraison déterminant l’origine de la marchandise obtenue à la suite d’une telle opération.

2)      L’expression « exportés de la Birmanie/du Myanmar », figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 194/2008,

doit être interprétée en ce sens que :

seuls relèvent de cette disposition des biens qui ont été importés dans l’Union européenne directement de la Birmanie/du Myanmar.

3)      L’article 2, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 194/2008

doit être interprété en ce sens que :

lorsque les autorités douanières des États membres examinent si cette disposition a été enfreinte, elles ne sont pas liées par des certificats d’origine émis par un pays tiers indiquant que les biens concernés sont originaires de ce pays.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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