VK v Commission (Civil service - Members of the temporary staff - Retirement pension - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-148/23 (09 October 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T14823.html
Cite as: [2024] EUECJ T-148/23

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WORKING PAPER

JUDGMENT OF THE GENERAL COURT (Tenth Chamber)

9 October 2024 (*)

(Civil service - Members of the temporary staff - Retirement pension - Pension rights acquired before entering the service of the European Union - Transfer to the EU scheme - Rejection of the request for transfer - Application submitted out of time - Exceptional circumstances - Article 77 of the Staff Regulations - Article 11(2) of Annex VIII to the Staff Regulations - Sixth subparagraph of Article 5(1) of the General Provisions for the Implementation of Articles 11 and 12 of Annex VIII to the Staff Regulations)

Dans l’affaire T‑148/23,

VK, représenté par Me M. Velardo, avocate,

Applicant

against

European Commission, representedby M. Brauhoff, G. Niddam and L. Hohenecker, acting as Agents,

Defendant

THE GENERAL COURT (Tenth Chamber),

composedof O. Porchia, President, M. Jaeger (Rapporteur) and S. Verschuur, Judges,

Registrar: P. Nuñez Ruiz, Administrator,

having regard to the written part of the procedure,

further to the hearing on 5 March 2024,

makes the present

Stop

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, VK, demande l’annulation, d’une part, de la décision de la Commission européenne du 12 mai 2022 rejetant sa demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union européenne (ci-après la « décision attaquée ») au titre de l’article 11, paragraphes 2 et 3, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et, d’autre part, de la décision du 9 décembre 2022 rejetant sa réclamation à l’encontre de la décision attaquée (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Facts giving rise to the dispute

2        Le requérant a été employé en tant qu’agent temporaire auprès de l’Agence ferroviaire européenne (ERA) du 1er septembre 2011 au 31 mars 2017.

3        Depuis le 11 avril 2017, le requérant est employé en tant qu’agent temporaire par l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA).

4        Avant d’entrer au service de l’Union, le requérant a travaillé pendant dix ans dans les secteurs public et privé en Espagne.

5        Le 22 avril 2022, le requérant a introduit une demande de transfert de ses cotisations accumulées dans le système de pension espagnol vers le régime des pensions des institutions de l’Union (ci-après le « RPIUE »), au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut.

6        Le 12 mai 2022, l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission a adopté la décision attaquée. Dans ladite décision, tout d’abord, conformément à l’article 5, paragraphe 1, des dispositions générales d’exécution des articles 11 et 12 de l’annexe VIII du statut (ci-après les « DGE »), relatives au transfert de droits à pension, le PMO a indiqué que l’agent devait introduire sa demande au plus tard dans un délai de six mois à compter de l’expiration de la période nécessaire à l’ouverture du droit visé à l’article 77 du statut. Ensuite, le PMO a précisé que, lorsque ce délai était expiré, une demande de transfert ne pouvait plus être accueillie, à moins que le retard dans sa présentation soit dû à des circonstances exceptionnelles non imputables à l’agent. Enfin, le PMO a considéré que le retard dans la présentation de la demande du requérant n’était pas justifié par de telles circonstances exceptionnelles et a donc rejeté cette demande.

7        Le 8 août 2022, le requérant a introduit, auprès de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), une réclamation à l’encontre de la décision attaquée, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

8        Le 9 décembre 2022, l’AHCC a adopté la décision de rejet de la réclamation.

 Conclusions des parties

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

11      Le requérant dirige son recours tant contre la décision attaquée que contre la décision de rejet de la réclamation.

12      À cet égard, il convient de rappeler que la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 8 juillet 2020, WH/EUIPO, T‑138/19, non publié, EU:T:2020:316, point 33 et jurisprudence citée).

13      En effet, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable, de sorte que les conclusions dirigées contre cette décision sans contenu autonome par rapport à la décision initiale doivent être regardées comme dirigées contre l’acte initial (voir arrêts du 12 septembre 2019, XI/Commission, T‑528/18, non publié, EU:T:2019:594, point 20 et jurisprudence citée, et du 8 juillet 2020, WH/EUIPO, T‑138/19, non publié, EU:T:2020:316, point 34 et jurisprudence citée). Toutefois, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêts du 10 octobre 2019, Colombani/SEAE, T‑372/18, non publié, EU:T:2019:734, point 19 et jurisprudence citée, et du 8 juillet 2020, WH/EUIPO, T‑138/19, non publié, EU:T:2020:316, point 35 et jurisprudence citée).

14      En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans la décision de rejet de la réclamation, en répondant aux arguments avancés par le requérant dans sa réclamation, l’AHCC a confirmé les constatations contenues dans la décision attaquée selon lesquelles, d’une part, la demande de transfert des droits à pension acquis dans le système espagnol avant l’entrée au service de l’Union avait été introduite hors délai par le requérant et, d’autre part, il n’existait pas de circonstances exceptionnelles justifiant le retard du dépôt de cette demande.

15      Ainsi, il convient de considérer que l’acte faisant grief au requérant est la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.

 Sur le fond

16      À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et, le second, d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « force majeure » et des dispositions de nature financière.

17      Le premier moyen comporte, en substance, deux branches. Par la première branche, le requérant excipe de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE. Par la seconde branche, le requérant reproche à la Commission d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « force majeure ».

18      Le second moyen se divise également en deux branches. Par la première branche, le requérant reproche à la Commission d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « force majeure ». Par la seconde branche, en substance, le requérant reproche à la Commission d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation des dispositions de nature financière et d’avoir violé le devoir de sollicitude et le principe de proportionnalité.

19      Compte tenu du fait que les deux moyens se chevauchent partiellement, il convient d’examiner, tout d’abord, la première branche du premier moyen, puis, ensemble, la seconde branche du premier moyen et la première branche du second moyen et, enfin, la seconde branche du second moyen.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE

20      Le requérant soulève une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE.

21      En premier lieu, le requérant fait valoir que le délai de six mois, qui n’est pas prévu par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, mais uniquement par les DGE, est un délai de forclusion excessivement court, d’autant plus qu’il concerne l’exercice d’un droit subjectif.

22      À cet égard, le requérant observe que, dans le système informatique de gestion du personnel Sysper, au sein de la section intitulée « Transferts de droits à pension – Transfert IN », il est indiqué que la demande de transfert de droits à pension doit être soumise avant d’avoir cotisé pendant dix ans et six mois au RPIUE. Selon le requérant, on ne peut pas additionner les dix ans de cotisation nécessaires à l’acquisition du droit à une pension d’ancienneté et les six mois du délai de forclusion pour l’introduction de la demande de transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union. Le requérant affirme qu’il n’est pas correct de présenter, comme le font les DGE, le délai de dépôt de la demande comme étant de dix ans et six mois, des situations de natures juridiques profondément différentes étant alors mises sur le même plan.

23      En deuxième lieu, le requérant soutient que le statut et le protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266) ne prévoient aucun délai de forclusion de six mois, celui-ci apparaissant donc comme étant arbitrairement introduit par les DGE qui, bien que de nature générale, conservent le statut d’actes purement administratifs et doivent être conformes aux dispositions de rang supérieur. À cet égard, le requérant soutient qu’aucune disposition spécifique du statut ne délègue à une institution le pouvoir de définir par des dispositions générales d’exécution le délai dans lequel le droit subjectif de transfert de droits à pension doit être exercé sous peine de forclusion.

24      Dans ce contexte, le requérant observe que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ne confère aux DGE que le soin de déterminer, « compte tenu du traitement de base, de l’âge et du taux de change à la date de la demande de transfert, le nombre d’annuités [prises] en compte, d’après le régime de pension de l’Union au titre de la période de service antérieur, sur la base du capital transféré, déduction faite du montant qui représente la revalorisation du capital entre la date de la demande de transfert et celle du transfert effectif ». Partant, le requérant considère que, en prévoyant un délai de forclusion pour l’exercice du droit au transfert de droits à pension, les DGE vont au-delà de la délégation prévue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, puisqu’elles déterminent non seulement le nombre d’annuités prises en compte, mais aussi le moment d’acquisition du droit au transfert lui-même. En outre, le requérant observe que les DGE ont été adoptées sans que le comité du statut ait été préalablement consulté.

25      En troisième lieu, premièrement, le requérant fait valoir, en substance, que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut a pour fonction d’établir le droit au transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union d’un fonctionnaire ou d’un agent, celui-ci pouvant décider de l’exercer ou non.

26      Deuxièmement, le requérant observe que le dies a quo pour calculer le point de départ de la période de dix ans ne serait pas le moment de l’entrée en fonctions, mais le moment de la titularisation, qui correspond pour lui à la conclusion de sa période de stage de six mois. Ainsi, le requérant fait valoir que le prétendu délai de forclusion pour introduire une demande de transfert de droits à pension a une nature variable, dans la mesure où il dépend de la durée de la période de stage. À cet égard, le requérant soutient qu’un délai qui n’est pas d’application homogène pour l’ensemble du personnel ne peut pas être considéré comme étant un délai de forclusion.

27      Troisièmement, selon le requérant, le délai de dix ans ne peut pas être considéré comme étant un délai de forclusion, étant donné que cela conduirait à faire coïncider l’expiration d’un droit avec le moment auquel ce droit prend naissance. Le requérant observe que cela est confirmé par l’information figurant sur l’application Intracomm de la Commission, selon laquelle les droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union transférés vers le RPIUE ne sont pas pris en considération pour calculer les dix ans de service au sens de l’article 77 du statut. Par ailleurs, le requérant affirme que l’introduction d’une demande de transfert de droits à pension avant l’expiration du délai de dix ans, c’est-à-dire avant l’acquisition du droit à une pension d’ancienneté, ne produirait aucun effet utile.

28      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Observations liminaires

29      Il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE prévoit que, « indépendamment de son statut, l’agent doit introduire sa demande au plus tard dans un délai de six mois à compter de l’expiration de la période nécessaire à l’ouverture du droit visé à l’article 77 du statut ».

30      En outre, en premier lieu, selon la jurisprudence et comme l’affirme à juste titre le requérant, la faculté de transférer les droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union, reconnue à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, revêt le caractère d’un droit subjectif, conféré par le statut et susceptible d’être invoqué tant à l’égard des États membres qu’à l’égard des institutions de l’Union (arrêt du 22 décembre 2022, INPS et Repubblica italiana, C‑404/21, EU:C:2022:1023, point 55).

31      En second lieu, selon une jurisprudence constante, le délai de six mois prévu par les DGE est un délai simple et non un délai de forclusion (voir arrêts du 24 septembre 1996, Sergio/Commission, T‑185/95, EU:T:1996:131, point 43 et jurisprudence citée, et du 17 octobre 2000, Drabbe/Commission, T‑27/99, EU:T:2000:236, point 28 et jurisprudence citée).

32      À cet égard, il y a lieu de relever que cette appréciation du juge de l’Union a été effectuée sous l’empire d’un ancien cadre réglementaire. L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut alors applicable prévoyait que la faculté de demander le transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union devait être exercée par l’intéressé « au moment de sa titularisation ».

33      Dans ce contexte, d’une part, le délai de six mois figurant dans les DGE a été considéré comme étant un délai « de complaisance », introduit par l’administration au bénéficie des fonctionnaires et agents temporaires afin de faciliter le transfert de leurs droits à pension vers le régime de l’Union. D’autre part, ce délai a été jugé comme étant raisonnable, du point de vue de l’application du principe de proportionnalité, dans la mesure où la présentation d’une demande de transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union n’implique pas un choix définitif de la part du fonctionnaire ou de l’agent temporaire. En effet, lorsqu’une demande de transfert est présentée, le service compétent adresse une proposition de transfert au fonctionnaire ou à l’agent temporaire concerné et ce n’est qu’à ce moment que celui-ci peut déterminer si le transfert présente un intérêt pour lui (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2000, Drabbe/Commission, T‑27/99, EU:T:2000:236, points 75, 84 et 85).

34      Or, l’actuel article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, applicable en l’espèce, prévoit qu’un fonctionnaire peut introduire une demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté, après avoir accompli au moins dix ans de service au sens de l’article 77 du statut.

35      Cela implique que le fonctionnaire intéressé peut demander le transfert de ses droits à pension, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, sans avoir la certitude qu’il aura droit à une pension d’ancienneté, cette certitude ne pouvant être acquise qu’au moment où il aura accompli dix ans de service.

36      Il découle de la nature particulière de ces dispositions, lues ensemble, qu’il y a lieu de considérer que le délai de six mois prévu à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE est un délai simple, au sens de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, qui permet aux fonctionnaires et aux agents de disposer d’un délai approprié, pour les raisons expliquées au point 33 ci-dessus, pour introduire leur demande de transfert de droits à pension une fois qu’ils ont définitivement obtenu le droit à une pension d’ancienneté, après avoir accompli au moins dix ans de service au sens de l’article 77 du statut.

–       Sur le bien-fondé de la première branche du premier moyen

37      En premier lieu, contrairement à ce que le requérant fait valoir, l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE n’introduit pas un délai « excessivement court ».

38      En effet, s’il est vrai qu’il ressort du point 35 ci‑dessus que le fonctionnaire ou l’agent n’a la certitude d’acquérir une pension d’ancienneté qu’au moment où il a accompli dix ans de service au sens de l’article 77 du statut, il n’en reste pas moins que la demande de transfert des droits à pension acquis dans le régime national d’un État membre avant l’entrée de l’intéressé au service de l’Union peut être introduite, conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, à partir de la titularisation ou de la fin de la période de stage de l’intéressé. Ainsi, tout fonctionnaire ou tout agent dispose d’une longue période pour réfléchir à la possibilité de déclencher la procédure de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union. Partant, comme cela est indiqué au point 33 ci-dessus, le délai de six mois figurant dans les DGE est un délai « de complaisance » et raisonnable, introduit par l’administration au bénéfice des fonctionnaires et des agents temporaires afin de faciliter le transfert de leurs droits à pension vers le régime de l’Union.

39      En deuxième lieu, il convient de relever que la procédure administrative de transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union peut s’étendre sur plusieurs années, de sorte que l’existence d’un délai pour qu’un fonctionnaire ou un agent puisse introduire une demande de transfert est, selon la jurisprudence, nécessaire en vue d’une organisation efficace de l’activité de transfert de droits à pension (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2000, Drabbe/Commission, T‑27/99, EU:T:2000:236, point 84).

40      En troisième lieu, compte tenu des observations exposées aux points 29 à 36 ci-dessus, le requérant ne peut pas soutenir que, par le biais de l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE, la Commission a introduit un délai de forclusion non prévu par le statut, cet article fixant un délai simple octroyé dans l’intérêt de tout fonctionnaire ou de tout agent pour lui permettre de prendre sa décision de demander ou non le transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union. Il s’ensuit que les arguments du requérant fondés sur la prémisse selon laquelle le délai prévu par l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE est un délai de forclusion doivent être rejetés.

41      En quatrième lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que le requérant fait valoir, il ressort du dossier et, en particulier, du troisième visa de la décision arrêtant les DGE, reproduite à l’annexe B.1 du mémoire en défense, que celles-ci ont été adoptées après que le comité du statut a rendu son avis. En outre, comme le requérant lui-même l’a reconnu lors de l’audience, le dossier ne contient aucun élément de preuve susceptible de remettre en cause le fait que la formalité relative à la consultation du comité du statut préalablement à l’adoption des DGE a été respectée.

42      En cinquième lieu, contrairement à ce que le requérant fait valoir, la demande de transfert des droits à pensions acquis avant l’entrée au service de l’Union, même si elle est effectuée avant l’acquisition du droit à une pension d’ancienneté, ouvre une procédure qui peut se clore par l’acceptation, par le fonctionnaire ou l’agent, de la proposition de bonification d’annuités effectuée par l’administration. Cette acceptation a pour effet de transférer les droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union vers le RPIUE. Par ailleurs, dans ce contexte, il convient d’ajouter que, si un fonctionnaire ou un agent quitte ses fonctions avant d’avoir acquis le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, il peut transférer l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis au sein du RPIUE vers son nouveau régime, y compris ceux déjà transférés vers le RPIUE conformément à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2023, OR et OS/Commission, T‑171/22, EU:T:2023:520, point 50). Ainsi, l’introduction d’une demande de transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union, même si elle est effectuée avant l’acquisition du droit à une pension d’ancienneté, ne peut pas être considérée comme n’ayant aucun effet utile.

43      Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du premier moyen et sur la première branche du second moyen, tirées d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « force majeure »

44      Le requérant soutient que le dépassement du délai de forclusion pour l’introduction de sa demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union est dû à la situation de force majeure provoquée par l’impact de la pandémie de COVID‑19.

45      En premier lieu, le requérant affirme que tant l’élément objectif que l’élément subjectif constitutifs d’une situation de force majeure sont réunis en l’espèce.

46      S’agissant de l’élément objectif, le requérant fait valoir que le caractère extraordinaire de la pandémie de COVID‑19 a été reconnu par de nombreuses dispositions tant au niveau des États membres qu’au niveau de l’Union.

47      Dans ce contexte, le requérant soutient que la pandémie de COVID‑19 a eu un impact sur l’activité des institutions de l’Union. Premièrement, il observe que la Cour de justice de l’Union européenne a prorogé ou a suspendu les délais de procédure, alors même que les pièces des dossiers pouvaient être transmises électroniquement par le biais de la plateforme e‑Curia. Deuxièmement, le requérant relève que, dans le cadre du financement de la recherche, l’activité et les délais contractuels ont été suspendus et que l’agence pour laquelle il travaille a suspendu certains délais contractuels pour ne les rétablir qu’au début de l’année 2023. Troisièmement, le requérant fait valoir que l’AHCC elle-même a invoqué la force majeure liée à la pandémie de COVID‑19 pour justifier certains défauts dans l’organisation de concours.

48      S’agissant de l’élément subjectif, le requérant fait valoir que, dans son cas, l’exercice du travail à domicile ainsi que le partage de l’espace et du temps avec des tâches familiales exigeantes caractérisées par la présence d’une fille en bas âge ont eu un impact évident et indéniable sur sa capacité à gérer et à organiser simultanément les multiples engagements et échéances liés à sa vie professionnelle.

49      En deuxième lieu, le requérant invoque la violation du devoir de sollicitude. À cet égard, le requérant conteste l’affirmation de l’AHCC, figurant dans la décision de rejet de la réclamation, selon laquelle l’introduction d’une demande de transfert de droits à pension pouvait se faire sans quitter son domicile, de manière électronique par le biais de Sysper. En effet, le requérant soutient que cette affirmation ne tient pas compte de l’impact profond et dramatique que la pandémie de COVID‑19 a eu sur la vie des personnes et sur leur capacité à faire face à des contextes professionnels, familiaux et sociaux profondément modifiés. Ainsi, le requérant considère que l’AHCC n’a pas respecté le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de son personnel, qui aurait exigé, dans le contexte dramatique provoqué par la pandémie de COVID‑19, d’organiser des campagnes de formation ou d’information pour attirer l’attention du personnel sur les droits qu’il pouvait faire valoir en matière de pension.

50      En troisième lieu, le requérant conteste l’argument de la Commission selon lequel, au mois de février 2022, au moment où il était censé présenter sa demande de transfert, la pandémie de COVID‑19 sévissait depuis un an et demi, de sorte que ses conséquences sur la vie quotidienne étaient réduites et qu’il aurait pu introduire sa demande tant depuis son bureau que depuis son domicile. À cet égard, le requérant cite les conclusions de l’avocat général Emiliou dans l’affaire Austrian Airlines (Vol de rapatriement) (C‑49/22, EU:C:2023:154), qui, selon lui, font application d’une théorie élaborée par le Conseil d’État français permettant de considérer comme étant des circonstances exceptionnelles non seulement les situations qui relèvent de la force majeure, mais aussi toute situation inévitable et exceptionnelle qui rend la réalisation d’une activité particulièrement compliquée.

51      En quatrième lieu, le requérant conteste l’argument de la Commission fondé sur la jurisprudence selon laquelle un agent ou un fonctionnaire ne peut pas ignorer le statut. Le requérant fait valoir que, d’une part, la pandémie de COVID‑19 et, d’autre part, l’absence de clarté du délai pour déposer une demande de transfert de droits à pension peuvent justifier une dérogation à cette jurisprudence, qui n’a donc pas un caractère absolu.

52      Concernant cette absence de clarté, premièrement, le requérant soutient que la Commission elle-même, dans le mémoire en défense, reconnaît que le délai pour introduire une demande de transfert de droits à pension est variable. Deuxièmement, il observe que les informations figurant dans Sysper indiquent qu’un fonctionnaire dispose de dix ans et six mois pour déposer sa demande de transfert de ses droits à pension, alors que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut établit que le dies a quo pour introduire une telle demande correspond à la date de la titularisation d’un fonctionnaire. Selon le requérant, cela implique que, en l’espèce, le délai de dix ans et six mois a commencé à courir à partir de ce dies a quo, qui correspond à la fin de sa période de stage et non à son entrée en service, et que, donc, sa demande de transfert a été introduite à temps.

53      La Commission conteste les arguments du requérant.

–       Observations liminaires

54      Premièrement, il convient de relever qu’il est constant entre les parties qu’une demande de transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union peut être introduite par le biais de Sysper et à distance, sans exiger la présence physique du demandeur dans son bureau. Cela implique qu’un fonctionnaire ou un agent n’est pas censé être présent dans les locaux d’une institution ou d’une agence de l’Union au moment de l’introduction d’une telle demande, celle-ci pouvant être introduite depuis son domicile.

55      Deuxièmement, il convient de relever que, selon la jurisprudence, dans l’hypothèse où une disposition prévoit un délai simple, le fonctionnaire ou l’agent qui invoque une justification pour ne pas avoir respecté ce délai doit démontrer avoir été confronté à une situation exceptionnelle résultant de causes qui ne lui sont pas imputables, alors que, en présence d’un délai de forclusion, le fonctionnaire ou l’agent ne peut être relevé de ce délai qu’en cas de force majeure (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2000, Drabbe/Commission, T‑27/99, EU:T:2000:236, points 28 à 33).

56      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la phase précontentieuse, il convient de relever que la décision attaquée indique que, si le délai prévu à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE est expiré, une demande de transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union ne peut pas être prise en considération, sauf si le retard dans son dépôt est dû à une situation exceptionnelle résultant de causes qui ne sont pas imputables à l’intéressé. En outre, la décision attaquée précise que, en l’espèce, le requérant n’a apporté aucune preuve démontrant que le retard dans le dépôt de sa demande de transfert ne lui était pas imputable.

57      Dans sa réclamation, le requérant a fait référence à la pandémie de COVID‑19 comme étant un cas de force majeure et a soutenu que, s’il n’avait pas respecté le délai, cela était dû à l’absence d’information et de séances de formation à cause de ladite pandémie.

58      Dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a considéré, en substance, que le retard était imputable au requérant.

59      En second lieu, s’agissant de la procédure devant le Tribunal, le requérant se limite, dans la requête, à reprocher à la Commission une erreur dans l’interprétation de la notion de « force majeure ». Pourtant, dans la réplique, le requérant envisage la possibilité d’appliquer, en l’espèce, la notion de « circonstances exceptionnelles » évoquée dans les conclusions de l’avocat général Emiliou dans l’affaire Austrian Airlines (Vol de rapatriement) (C‑49/22, EU:C:2023:154).

60      Si, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a soutenu que les notions de « force majeure » et de « circonstances exceptionnelles » étaient, en l’espèce, interchangeables, le requérant, quant à lui, a rappelé avoir fait référence aux conclusions de l’avocat général Emiliou dans l’affaire Austrian Airlines (Vol de rapatriement) (C‑49/22, EU:C:2023:154) évoquant la notion de « circonstances exceptionnelles » et avoir utilisé de manière distincte les notions de « force majeure » et de « circonstances exceptionnelles ».

61      Or, malgré cette absence de clarté quant à la justification du non-respect du délai par le requérant, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus établit que, en présence d’un délai simple, afin de justifier le non-respect de ce délai, un fonctionnaire ou un agent doit démontrer avoir été confronté à une situation exceptionnelle résultant de causes qui ne lui sont pas imputables et pas à un cas de force majeure. En outre et en tout état de cause, les conditions requises pour justifier de l’existence de circonstances exceptionnelles sont moins exigeantes que celles requises pour justifier d’un cas de force majeure. En effet, pour justifier de l’existence de circonstances exceptionnelles, une personne doit uniquement prouver l’existence ou la survenance d’évènements externes l’empêchant de respecter une obligation, tandis que, pour justifier de l’existence d’un cas de force majeure, celle-ci doit démontrer non seulement la survenance d’évènements anormaux et étrangers à sa volonté, mais aussi qu’elle a adopté un comportement diligent pour se prémunir contre les conséquences de ces évènements. Ainsi, il est constant que le fait de ne pas pouvoir démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles tenant aux faits concrets de l’espèce entraîne, a fortiori, l’inexistence d’un cas de force majeure fondé sur les mêmes faits.

62      Dès lors, à la lumière des circonstances de l’espèce, il convient d’interpréter les arguments du requérant comme visant à démontrer que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que le dépôt tardif de sa demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union lui était imputable et ne pouvait pas être justifié par des circonstances exceptionnelles.

63      Troisièmement, selon la jurisprudence, d’une part, il ressort clairement de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut que c’est au fonctionnaire titularisé qu’appartient l’initiative de l’introduction d’une demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union, de sorte qu’il ne peut pas être soutenu qu’une institution a manqué à son devoir de sollicitude en n’informant pas ledit fonctionnaire, de sa propre initiative, de la procédure à suivre en ce qui concerne ce transfert (arrêt du 17 octobre 2000, Drabbe/Commission, T‑27/99, EU:T:2000:236, point 66) et, d’autre part, tout fonctionnaire est censé connaître le statut et, plus particulièrement, les règles régissant sa rémunération ou sa pension d’ancienneté (arrêt du 18 septembre 2018, Barroso Truta e.a./Cour de justice de l’Union européenne, T‑702/16 P, EU:T:2018:557, point 40).

–       Sur le bien-fondé de la seconde branche du premier moyen et de la première branche du second moyen

64      En premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant tiré d’une violation du devoir de sollicitude dans le contexte de la pandémie de COVID‑19, il convient de constater, d’une part, que, selon la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus, une institution ne doit pas informer de sa propre initiative un fonctionnaire ou un agent de l’existence des droits liés à sa pension d’ancienneté et, d’autre part, qu’il est constant qu’une demande de transfert de droits à pension peut être introduite par un fonctionnaire ou un agent par la voie électronique, par le biais de Sysper, sans que celui-ci ait à quitter son domicile.

65      Ces conclusions ne peuvent pas être remises en cause par les circonstances de l’espèce. En effet, même en admettant que l’explosion de la pandémie de COVID‑19, qui a eu lieu au mois de février 2020, puisse être considérée comme étant une circonstance exceptionnelle au sens de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, en l’espèce, dans la période comprise entre le 1er septembre 2021 et le 28 février 2022 pendant laquelle courait le délai de six mois pour le dépôt de la demande du requérant, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE, ladite pandémie sévissait depuis environ un an et demi et ses effets avaient déjà commencé à s’estomper. Le requérant ne peut donc pas valablement soutenir que la pandémie de COVID‑19 a affecté, entre septembre 2021 et février 2022, son droit de déposer, en temps utile, une demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union, d’autant plus que cette demande pouvait être introduite par voie électronique, par le biais de Sysper, sans qu’il ait à quitter son domicile.

66      Ainsi, même en admettant que le requérant ait été confronté à des tâches familiales accrues en raison de la présence d’une fille en bas âge, il y a lieu de conclure que ces tâches n’ont pas pu rendre impossible ou excessivement compliquée l’introduction de sa demande de transfert de droits à pension depuis son domicile par le biais de Sysper.

67      En deuxième lieu, l’argument du requérant selon lequel, d’une part, la pandémie de COVID‑19 et, d’autre part, l’absence de clarté du délai pour déposer une demande de transfert de droits à pension justifient une dérogation à la jurisprudence selon laquelle un fonctionnaire ne peut pas ignorer les règles du statut ne peut pas non plus prospérer.

68      En effet, d’une part, s’agissant de la pandémie de COVID‑19, il ressort du point 65 ci-dessus que, durant le délai de six mois prévu à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE, elle n’a pas affecté le droit du requérant d’introduire sa demande de transfert de ses droits à pension électroniquement par le biais de Sysper.

69      D’autre part, s’agissant de la prétendue absence de clarté du délai pour introduire une telle demande, il convient de relever que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, dans le mémoire en défense, la Commission n’a pas reconnu que ce délai pouvait varier, mais a indiqué qu’il expirait six mois après le moment où le fonctionnaire ou l’agent obtenait le droit à une pension d’ancienneté, conformément à l’article 5, paragraphe 1, sixième alinéa, des DGE et à l’article 77 du statut.

70      En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les instructions figurant dans Sysper peuvent faire naître un doute quant au fait que le délai de dix ans et six mois commence à courir à partir de la date de la titularisation ou de la fin de stage, il convient de constater que ces instructions indiquent que la demande doit être introduite avant d’avoir cotisé dix ans et six mois au RPIUE. Or, les fonctionnaires et les agents cotisent à partir de leur entrée en fonctions et non à partir de la date de leur titularisation ou de la fin de leur stage, de sorte que cet argument ne peut pas prospérer.

71      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel, en l’espèce, il convient d’appliquer la théorie des circonstances exceptionnelles élaborée par le Conseil d’État français et reprise, selon lui, dans les conclusions de l’avocat général Emiliou dans l’affaire Austrian Airlines (Vol de rapatriement) (C‑49/22, EU:C:2023:154), il suffit de constater que le requérant lui-même fait valoir que la prémisse de l’application de cette théorie est l’existence de circonstances exceptionnelles, qui rendent la réalisation d’une activité particulièrement compliquée.

72      À cet égard, compte tenu des éléments relevés au point 65 ci-dessus, le requérant ne peut pas valablement soutenir que la pandémie de COVID‑19, au cours de la période comprise entre le 1er septembre 2021 et le 28 février 2022, a constitué une situation exceptionnelle au sens de ladite théorie, susceptible de rendre particulièrement compliquée et difficile l’introduction de sa demande de transfert de ses droits à pension électroniquement, par le biais de Sysper.

73      En cinquième lieu, s’agissant des arguments du requérant relatifs au fait que les institutions européennes ont adapté, prolongé ou suspendu certains délais en cours à cause de la pandémie de COVID‑19, il convient de constater ce qui suit.

74      Premièrement, d’une part, s’agissant de l’argument relatif à la prorogation et à la suspension des délais devant la Cour de justice de l’Union européenne, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la pertinence de la comparaison faite par le requérant avec sa propre situation, il suffit de constater que, s’il est vrai que cette institution avait adapté certains délais au moment de l’explosion de la crise sanitaire au cours de l’année 2020, elle a ensuite abandonné ces mesures exceptionnelles, ce qui était déjà le cas durant la période comprise entre le 1er septembre 2021 et le 28 février 2022. D’autre part, quant à l’argument relatif à la suspension de l’activité et des délais dans le cadre du financement de la recherche, il suffit de relever que le requérant s’appuie sur un document de la Commission, produit à l’annexe 3 de la réplique, qui porte la date du 30 mars 2020. Ainsi, ces arguments du requérant ne peuvent pas prospérer, dans la mesure où ils sont fondés sur la comparaison de deux périodes différentes de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID‑19.

75      Deuxièmement, l’argument relatif au fait que l’agence au sein de laquelle le requérant est employé avait suspendu certaines obligations contractuelles jusqu’au début de l’année 2023 ne peut pas non plus prospérer. D’une part, il suffit de constater que, en l’espèce, la comparaison faite par le requérant n’est pas pertinente. En effet, même en admettant que, en raison de la pandémie de COVID-19, certaines obligations contractuelles aient été suspendues au sein de l’agence où le requérant est employé, cette suspension ne prouverait pas, en elle-même, que le délai pour l’exercice du droit au transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union, droit qui peut par ailleurs s’exercer à domicile par le biais de Sysper, aurait également dû être suspendu. D’autre part et en tout état de cause, le requérant n’a apporté aucun élément de preuve pour étayer son affirmation (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2021, FD/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑641/19, non publié, EU:T:2021:388, point 96).

76      Troisièmement, au soutien de son argument selon lequel l’AHCC a elle-même invoqué la pandémie de COVID‑19 pour justifier certains défauts dans l’organisation de concours, le requérant fournit un document en annexe A.5 de la requête. Il semble s’agir de l’extrait d’une décision adoptée par l’AHCC dans le cadre d’une réclamation dans le domaine des concours, dans laquelle celle-ci indiquait que la réalisation des épreuves à distance, et non en présentiel, avait été décidée par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) en raison d’un cas de force majeure lié à l’explosion de la pandémie de COVID‑19, empêchant le déroulement normal de ces épreuves.

77      Il y a lieu de constater que cet argument ne peut pas prospérer. En effet, l’extrait reproduit en annexe A.5 de la requête est celui d’une décision qui a été adoptée par l’AHCC dans le cadre d’une réclamation et qui fait état du fait que l’explosion de la pandémie de COVID‑19 avait conduit l’administration à adopter des mesures organisationnelles afin de concilier l’intérêt des candidats à ce que le concours ait lieu et la protection de la santé publique, qui empêchait le déroulement dudit concours en présentiel. Ainsi, cet extrait n’est pas pertinent, dans la mesure où il ne concerne pas une décision de proroger le délai fixé pour l’exercice d’un droit subjectif reconnu à tout fonctionnaire ou tout agent, droit qui, en l’espèce, peut d’ailleurs s’exercer à domicile par le biais de Sysper.

78      En conclusion, le requérant n’a pas apporté de justifications suffisantes pour pouvoir conclure que la Commission a commis une erreur en considérant que le retard dans le dépôt de sa demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union lui était imputable et n’était pas justifié par des circonstances exceptionnelles liées aux effets de la pandémie de COVID‑19 et à sa situation personnelle.

79      Partant, la seconde branche du premier moyen et la première branche du second moyen doivent être rejetées.

 Sur la seconde branche du second moyen, tirée, en substance, d’une erreur de droit dans l’interprétation des dispositions financières et d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de proportionnalité

80      En premier lieu, le requérant relève que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a fondé sa position sur la jurisprudence selon laquelle les dispositions ouvrant droit à des prestations financières, telles que les dispositions relatives aux pensions, doivent être interprétées strictement.

81      À cet égard, premièrement, le requérant émet des réserves quant au fait que les règles régissant le transfert des droits à pension relèvent bien de la catégorie des dispositions ouvrant droit à des prestations financières.

82      Deuxièmement, en faisant référence à l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, le requérant observe que le montant correspondant aux années de service reconnues par la Commission à la suite de la procédure de transfert est entièrement financé par des montants qui appartiennent déjà au fonctionnaire et qui sont versés à cette fin dans les caisses de l’Union. Selon le requérant, l’opération de transfert des droits à pension acquis avant l’entrée au service de l’Union apparaît donc tout à fait neutre d’un point de vue financier. Dans ce contexte, le requérant observe que la jurisprudence citée par l’AHCC concerne des hypothèses différentes qui représentent des charges accrues pour l’administration.

83      En second lieu, le requérant conteste la partie de la décision de rejet de la réclamation dans laquelle l’AHCC lui indique de s’informer sur les règles régissant la coordination des systèmes de sécurité sociale, en particulier le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1), qui établit le principe de totalisation des périodes de cotisation. Le requérant soutient que, en substance, il lui est suggéré d’étudier la possibilité d’un « transfert‑out » des droits à pension accumulés pendant la période de service auprès des institutions de l’Union, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut.

84      En outre, le requérant fait valoir que la loi espagnole exclut le cumul des pensions d’ancienneté et ajoute que, si cette loi est contraire au droit de l’Union, l’institution devrait garantir à son agent la possibilité de transférer ses droits à pension sur la base du devoir de sollicitude.

85      Enfin, le requérant affirme qu’il va subir un préjudice grave et irréparable parce que les sommes qu’il a cotisées dans le régime national seront définitivement perdues. Ainsi, le requérant soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité, eu égard à la gravité du préjudice qui lui est causé par rapport au bénéfice qu’en retire l’administration elle-même.

86      La Commission conteste les arguments du requérant.

87      En premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’AHCC a erronément fondé sa position sur la jurisprudence selon laquelle les dispositions ouvrant droit à des prestations financières, telles que les dispositions relatives aux pensions, doivent être interprétées strictement, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, si une décision est valablement fondée sur un ou plusieurs motifs, les moyens visant d’autres motifs de ladite décision sont inopérants, dès lors que, à les supposer fondés, ces moyens ne seraient pas susceptibles d’entraîner l’annulation de celle-ci [arrêts du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 22 (non publié), et du 19 juillet 2017, Parlement/Meyrl, T‑699/16 P, non publié, EU:T:2017:524, point 64 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 18 octobre 2001, Kish Glass/Commission, C‑241/00 P, EU:C:2001:556, point 42].

88      Or, s’il est vrai que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a effectué un renvoi général à la jurisprudence selon laquelle les dispositions ouvrant droit à des prestations financières, telles que les dispositions relatives aux pensions, doivent être interprétées strictement et même en admettant que cette référence ne soit pas pertinente en l’espèce, il n’en reste pas moins que, dans la décision attaquée, c’est à juste titre que l’AHCC, d’une part, a relevé que l’article 5, paragraphe 1, des DGE était très clair et ne laissait aucune place à l’interprétation et, d’autre part, a indiqué que le retard dans le dépôt de la demande de transfert de ses droits à pension était imputable au requérant, dans la mesure où ce dépôt pouvait être effectué par voie électronique sans qu’il soit nécessaire de quitter son domicile et que, donc, la pandémie de COVID‑19 et ses effets sur la situation personnelle du requérant n’avaient pas affecté la possibilité dudit dépôt.

89      À cet égard, il ressort de l’examen des première et seconde branches du premier moyen ainsi que de la première branche du second moyen que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le délai requis était expiré au moment du dépôt de la demande du requérant et que celui-ci n’avait pas établi que le retard dans ce dépôt ne lui était pas imputable, mais était justifié par des circonstances exceptionnelles. Partant, les motifs invoqués par la Commission n’étant pas entachés d’erreur, l’argument du requérant tiré de la référence erronée à la jurisprudence relative à l’interprétation stricte des dispositions ouvrant droit à des prestations financières doit être rejeté comme étant inopérant.

90      En second lieu, s’agissant de l’argument du requérant tiré du fait qu’il va perdre les droits à pension pour lesquels il a cotisé dans le système espagnol, il convient de relever que, selon la jurisprudence, les autorités des États membres doivent tenir compte des années de travail qu’un ressortissant de l’Union a accompli au service d’une institution de l’Union, aux fins de l’ouverture d’un droit à une pension de retraite au titre du régime national (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2004, My, C‑293/03, EU:C:2004:821, point 49, et ordonnance du 9 juillet 2010, Ricci et Pisaneschi, C‑286/09, non publiée, EU:C:2010:420, point 34). Il en découle que les périodes d’activité accomplies sous le régime de pension de l’Union par un fonctionnaire ou un agent doivent être prises en compte, aux fins de l’octroi, au prorata, de la pension d’ancienneté prévue par le régime de sécurité sociale d’un État membre, de sorte que l’argument du requérant ne peut pas prospérer.

91      En outre, il y a lieu de préciser que, contrairement à ce que le requérant soutient, l’AHCC, dans la décision de rejet de la réclamation, n’a pas envisagé un « transfert-out », conformément à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, du RPIUE vers le système de pension espagnol. En effet, en faisant référence à la jurisprudence citée au point précédent, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a attiré l’attention du requérant sur le fait que le principe de totalisation des périodes de cotisation, prévu par le règlement no 883/2004 et applicable aux fonctionnaires et aux agents de l’Union, s’opposait à ce qu’un État membre ne tienne pas compte des périodes d’activité accomplies sous le RPIUE aux fins de l’ouverture du droit à une pension de retraite, pro rata, au titre d’un régime national.

92      À la lumière de ces considérations, l’argument du requérant tiré de la violation du principe de proportionnalité ne peut pas prospérer, dans la mesure où la prémisse factuelle sur laquelle il fonde son raisonnement, à savoir la perte des sommes cotisées dans le système de pension espagnol, manque en fait.

93      Il en va de même pour l’argument du requérant selon lequel, dans l’hypothèse où la loi espagnole n’est pas conforme à la jurisprudence citée au point 90 ci-dessus, la Commission a l’obligation, en raison du devoir de sollicitude, de lui permettre de transférer ses droits à pension vers le RPIUE. À cet égard, il suffit de rappeler que, d’une part, il a été conclu que le retard dans l’introduction de la demande de transfert de ses droits à pension acquis avant son entrée au service de l’Union était imputable au requérant et que, d’autre part, le respect du devoir de sollicitude ne peut pas impliquer qu’une institution soit tenue de remédier à une prétendue violation du droit de l’Union commise par un État membre.

94      Ainsi, il convient de rejeter la seconde branche du second moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

95      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      VK est condamné aux dépens.

Porchia

Jaeger

Verschuur

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 octobre 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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