Bimbo v EUIPO - Guangzhou Danxi Trade (Bimbys) (Intellectual, industrial and commercial property - Trade marks - Judgment) [2024] EUECJ T-25/23 (23 October 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T2523.html
Cite as: ECLI:EU:T:2024:725, EU:T:2024:725, [2024] EUECJ T-25/23

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 octobre 2024 

(*) Marque de l’Union européenne - Procédure d’opposition - Demande de marque de l’Union européenne verbale Bimbys - Marque nationale verbale antérieure BIMBO - Motif relatif de refus - Atteinte à la renommée - Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T-1185/23,

Bimbo, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. Carbonell Callicó, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Guangzhou Danxi Trade Co. Ltd, établie à Guangzhou (Chine),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. R. Mastroianni, faisant fonction de président, T. Tóth (rapporteur) et S. L. Kalėda, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Bimbo, SA, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 octobre 2023 (affaire R 635/2023-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 juin 2021, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, Guangzhou Danxi Trade Co. Ltd, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne verbale Bimbys.

3        La marque demandée désignait, après limitation, les produits relevant des classes 16 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

-        classe 16 : « Appliques en papier ; sacs et articles d’emballage, d’empaquetage et de stockage en papier, carton ou plastique ; cartes d’anniversaire ; cartes de Noël ; papier d’emballages-cadeaux de Noël ; chromolithographies [chromos] ; sacs-cadeaux en papier ; cartes-cadeaux ; boîtes-cadeaux pour instruments d’écriture ; cartes de vœux musicales ; papier imperméable à l’huile ; sacs en papier ; boîtes-cadeaux en papier ; cartes postales ; papier de soie ; papier cristal ; cartes de vœux ; gabarits trace-lettres ; mini albums photos ; matériel pour travaux manuels en papier ; papier-parchemin ; pâte destinée aux travaux manuels, à la papeterie ou au ménage [banjaku-nori] ; aquarelles ; adhésifs pour la papeterie ou le ménage ; matériaux de décoration et d’art et supports ; matériel de filtrage en papier ; papier et carton ; objets d’art, figurines en papier et en carton, maquettes d’architecture ; aucun des produits précités ne se rapportant au domaine de la cuisson, y compris des recettes, des machines de cuisine électriques, des appareils de cuisson et de leurs accessoires » ;

-        classe 21 : « Terrariums d’appartement [culture des plantes] ; loofahs ; ustensiles cosmétiques ; tampons à nettoyer ; articles de nettoyage ; brosses pour animaux de compagnie ; articles pour l’entretien de vêtements et de chaussures ; ustensiles cosmétiques, d’hygiène et pour les soins de beauté ; ustensiles de nettoyage, brosses et matériaux pour la brosserie ; statues, figurines, plaques et œuvres d’art, faites de matériaux comme la porcelaine, la terre cuite ou le verre, compris dans la classe ; aucun des produits précités ne se rapportant au domaine de la cuisson, y compris des recettes, des machines de cuisine électriques, des appareils de cuisson et de leurs accessoires ».

4        Le 30 septembre 2021, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée, d’une part, sur la marque espagnole verbale antérieure BIMBO, déposée le 8 mars 1955 et enregistrée le 4 octobre 1955 sous le numéro M291655, pour des produits suivants compris dans la classes 30 : « Céréales, meunerie, panification, pâtes et fécules » et, d’autre part, sur la marque espagnole verbale antérieure BIMBO, déposée le 5 janvier 2006 et enregistrée le 16 juin 2006 sous le numéro M2689432, pour les produits suivants compris dans la classe 30 : « Boissons à base de café ; boissons au café contenant du lait, lait en poudre, cacao, chocolat, céréales, fruits, sucre, herbes ou épices ou une combinaison de ces produits ; boissons à base de thé, infusions, cacao, boissons à base de cacao, chocolat et extraits de chocolat sous forme de poudre, de grains ou liquide, sucre, riz, tapioca, sagou, farines et préparations à base de céréales, pain, biscuits, gâteaux, pâtisseries et confiseries, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure ; poudre pour faire lever ; sel, moutarde, poivre, vinaigre, condiments ; compotes, épices ; herbes pour la préparation de boissons ; mélanges constitués essentiellement d’herbes avec des fruits séchés pour la préparation de boissons ; décoctions d’herbes à usage non médical ; glace à rafraîchir ». La renommée des deux marques nationales antérieures a été revendiquée pour les produits précités compris dans la classe 30 en Espagne.

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 24 janvier 2023, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

8        Le 24 mars 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et condamné la requérante aux dépens exposés aux fins de la procédure de recours.

10      En substance, la chambre de recours a considéré, à l’instar de la division d’opposition, que les marques antérieures jouissaient en Espagne d’une renommée forte, voire très élevée, pour le pain et qu’elles possédaient un caractère distinctif moyen. S’agissant de la similitude des signes en conflit, la chambre de recours a considéré, d’une part, qu’ils présentaient tout au plus un degré de similitude moyen sur les plans visuel et phonétique et, d’autre part, qu’ils n’étaient pas similaires du point de vue conceptuel.

11      La chambre de recours a ensuite procédé, en substance, à une appréciation globale des facteurs pertinents aux fins de caractériser l’existence d’un lien entre les marques en conflit. Elle a conclu que, compte tenu du caractère distinctif intrinsèque moyen des marques antérieures, du fait que leur renommée même très forte n’est prouvée que pour le pain en Espagne et de la similitude tout au plus moyenne des signes en conflit, le public pertinent n’établira pas de lien entre la marque demandée et les marques antérieures s’il est confronté à la première en ce qui concerne les produits contestés, étant donné, en particulier, que ces derniers sont trop éloignés de ceux pour lesquels les marques antérieures étaient renommées. En outre, la chambre de recours a souligné qu’il n’avait pas été démontré que les producteurs de pain se diversifieraient dans le domaine des produits contestés.

12      Dans ces circonstances, la chambre de recours a considéré, en substance, que compte tenu de la divergence entre les produits en cause, le public pertinent, qui ne les associerait pas, ne serait pas influencé par la renommée des marques antérieures lorsqu’il est confronté aux produits visés par la marque demandée. Elle a donc exclu que l’utilisation de celle-ci puisse tirer indûment profit du caractère distinctif des deux marques antérieures ou de la renommée que ces deux marques ont acquise pour le pain.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

-        annuler la décision attaquée et rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

-        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la chambre de recours.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

-        rejeter le recours ;

-        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

15      La requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

16      L’EUIPO conteste le bien-fondé de ce moyen.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou les services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

18      S’agissant du risque visé par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il convient de relever que, si, certes, la fonction première d’une marque consiste en sa fonction d’origine, il n’en demeure pas moins qu’une marque agit également comme moyen de transmission d’autres messages concernant, notamment, les qualités ou les caractéristiques particulières des produits ou des services qu’elle désigne, ou les images et les sensations qu’elle projette. En ce sens, toute marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. Les messages véhiculés notamment par une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire. Ainsi, l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 assure la protection d’une marque renommée à l’égard de toute demande de marque identique ou similaire qui pourrait porter atteinte à son image, même si les produits visés par la marque demandée ne sont pas analogues à ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée [arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI - Elleni Holding (VIPS), T-215/03, EU:T:2007:93, point 35].

19      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 que l’application de cette disposition est soumise aux conditions cumulatives tenant, premièrement, à l’identité ou à la similitude des signes en conflit, deuxièmement, à l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, à l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C-564/16 P, EU:C:2018:509, point 54 et jurisprudence citée).

20      C’est à la lumière de ces considérations liminaires qu’il convient d’examiner les arguments invoqués par la requérante au soutien du présent moyen. En premier lieu, elle se prévaut de la très grande similitude des signes en conflit et du risque d’association qui y est lié. En deuxième lieu, elle met en avant la renommée exceptionnelle des marques antérieures ainsi que le risque qu’il y soit porté préjudice. En troisième lieu, elle soutient qu’il existe plusieurs contradictions dans l’appréciation du lien entre les marques en conflit effectuée par l’EUIPO.

21      D’emblée, il convient d’indiquer que l’appréciation de la chambre de recours au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 a été effectuée du point de vue du public espagnol pertinent, concerné par les marques antérieures pour laquelle la renommée était invoquée.

 Sur la similitude des signes en conflit

22      Il y a lieu de relever que les parties n’évoquent pas, ni a fortiori ne contestent, le constat opéré par la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, selon lequel la comparaison conceptuelle ne saurait être effectuée, étant donné que les signes en conflit n’ont pas de signification pour le consommateur pertinent.

23      S’agissant de la comparaison visuelle et phonétique, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit présentaient un degré de similitude tout au plus moyen.

24      La requérante conteste l’appréciation effectuée par la chambre de recours et fait valoir que, à l’instar de la division d’opposition, il y a lieu de retenir un degré élevé de similitude visuelle et phonétique. En substance, elle fait grief à la chambre de recours d’avoir attaché trop d’importance à la lettre « y » qui non seulement est une lettre courante en espagnol, ainsi qu’en atteste une annexe de la requête, mais qui en plus figure à la fin du signe demandé. Cela irait donc à l’encontre du principe selon lequel les consommateurs prêteraient davantage attention au début d’un signe qu’à sa fin.

25      L’EUIPO conteste cette argumentation.

26      Il y a lieu de relever que les marques en conflit ont en commun les quatre premières lettres « b » « i », « m » et « b » et qu’elles diffèrent par la dernière lettre « o » pour les marques antérieures, et par les deux dernières lettres « y » et « s » pour la marque demandée.

27      Certes, comme cela a été soutenu par la requérante, il est vrai que le Tribunal a déjà pu considérer que le début d’un signe revêt une importance particulière dans l’impression globale que ce signe produit. Il n’en demeure pas moins que, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et ne pourrait, en tout état de cause, infirmer le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces marques, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails [voir arrêt du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI - Nanso Group (TEEN VOGUE), T-509/12, EU:T:2014:89, point 40 et jurisprudence citée].

28      Or, en l’espèce, il y a lieu de considérer que, bien que la différence entre les deux signes en conflit se situe à leur fin, cette différence est suffisamment notable pour estimer qu’ils ne présentent qu’un degré moyen de similitude visuelle et phonétique. En effet, d’une part, lesdits signes diffèrent par leur longueur, par le rythme de leur prononciation et par leur intonation. Compte tenu de la prononciation de la lettre « y » en langue espagnole, le signe demandé sera prononcé « bim » « bis » et « bim » « bo » s’agissant des marques antérieures. D’autre part, force est de constater que les deux dernières lettres « y » et « s » du signe demandé ne passeront pas inaperçues aux yeux du public pertinent espagnol. Il n’est nullement contesté que la lettre « y » est courante et que de nombreux mots de la langue espagnole débutent, finissent ou contiennent la lettre « y » ainsi qu’en atteste l’annexe de la requête. Toutefois, ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO, il ressort de cette même annexe qu’aucun mot de la langue espagnole ne contient la suite de lettres « y » et « s », qui plus est à la fin d’un mot.

29      Compte tenu de cette particularité du signe demandé et de l’impression d’ensemble produite par ces deux marques, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit présentaient un degré de similitude moyen sur les plans visuel et phonétique.

 Sur la renommée des marques antérieures

30      Au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les marques antérieures jouissaient en Espagne d’une renommée forte, voire très élevée, pour le pain.

31      En substance, la requérante fait valoir que, compte tenu des éléments de preuves produits devant l’EUIPO et des constatations faites par le Tribunal dans l’arrêt du 14 décembre 2012, Bimbo/OHMI - Grupo Bimbo (GRUPO BIMBO) (T-357/11, non publié, EU:T:2012:696), la chambre de recours a commis une erreur en ne reconnaissant pas la renommée exceptionnelle des marques antérieures en Espagne.

32      L’EUIPO conteste cette argumentation.

33      En premier lieu, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours et de l’EUIPO, que la requérante ne s’est nullement prévalu devant les instances de l’EUIPO de la renommée exceptionnelle des marques antérieures. Tout au plus a-t-elle fait valoir devant la division d’opposition que lesdites marques jouissaient d’une réputation bien établie de longue date et possédaient la plus grande renommée. Il y a lieu d’ajouter, au demeurant, qu’il ressort du point 9 de la décision attaquée, que, dans le mémoire par lequel elle a contesté la décision de la division d’opposition, la requérante a indiqué partager le constat selon lequel les marques antérieures jouissaient d’une forte renommée en Espagne pour le pain.

34      Or, dès lors que conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties, la requérante ne saurait valablement reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir reconnu la renommée exceptionnelle des marques antérieures.

35      En second lieu, il importe de souligner que l’argumentation de la requérante est principalement fondée sur la prémisse selon laquelle le Tribunal aurait d’ores et déjà reconnu la renommée exceptionnelle des marques antérieures dans l’arrêt du 14 décembre 2012, GRUPO BIMBO (T-357/11, non publié, EU:T:2012:696). Toutefois, une telle prémisse est erronée. Dans ledit arrêt, qui mettait en cause l’une des deux marques antérieures de la requérante, le Tribunal s’est en effet borné à constater que la chambre de recours s’est abstenue, à tort, de vérifier d’abord le degré exact de la renommée de la marque antérieure BIMBO pour ensuite, le cas échéant, examiner si une telle renommée, au cas où elle était avérée, est suffisante, par rapport à chacun des produits et des services qui ne sont pas semblables à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, pour fonder un risque non hypothétique de préjudice ou de profit indu. En revanche, contrairement à ce que prétend la requérante, le Tribunal n’a aucunement pris position quant au degré exact de renommée de la marque antérieure, dès lors que cette appréciation relève de la compétence de la chambre de recours à la suite de l’annulation de la décision de cette chambre.

36      Il y a lieu d’ajouter que ce constat est corroboré par l’arrêt du 24 mai 2023, Bimbo/EUIPO - Bottari Europe (BimboBIKE) (T-509/22, non publié, EU:T:2023:281), qui mettait également en cause l’une des deux marques antérieures de la requérante. En effet, au point 32 de cet arrêt, le Tribunal a conclu que les « éléments de preuve[s] produits par la requérante au cours de la procédure d’opposition et repris dans la décision [de la chambre de recours] ne permettent pas d’établir que la très grande renommée de la marque antérieure en Espagne pour le pain était comparable à celle d’une marque bénéficiant d’une renommée exceptionnellement élevée au sens de la jurisprudence ».

37      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les marques antérieures jouissaient en Espagne d’une renommée forte, voire très élevée, pour le pain.

 Sur le lien entre les marques en conflit et les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

38      La chambre de recours a estimé qu’aucun lien n’existait au motif, en substance, que compte tenu de tous les facteurs pertinents, en particulier de la divergence entre les produits en cause, le public pertinent ne serait pas influencé par la renommée des marques antérieures lorsqu’il serait confronté aux produits visés par la marque demandée.

39      La requérante fait valoir que cette appréciation est erronée. En substance, elle prétend qu’un tel lien existe clairement eu égard à la renommée exceptionnelle des marques antérieures, au degré élevé de similitude visuelle et phonétique à un certain degré de similitude entre les produits comparés - lesquels partageraient les mêmes canaux de distribution et le même public pertinent -, ainsi qu’au caractère distinctif des marques antérieures.

40      L’EUIPO conteste cette argumentation.

41      À titre liminaire, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, les atteintes visées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque demandée et la marque antérieure, en raison de laquelle le public concerné effectue un rapprochement entre les deux, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas [voir, en ce sens, arrêt du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI - Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T-67/04, EU:T:2005:179, point 41 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C-252/07, EU:C:2008:655, point 30 et jurisprudence citée]. L’existence d’un tel lien dans l’esprit du public pertinent entre la marque demandée et la marque antérieure est, par conséquent, une condition essentielle pour l’application de ladite disposition [voir arrêts du 10 mai 2007, Antartica/OHMI - Nasdaq Stock Market (nasdaq), T-47/06, non publié, EU:T:2007:131, point 53 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2014, Coca-Cola/OHMI - Mitico (Master), T-480/12, EU:T:2014:1062, point 26 et jurisprudence citée].

42      Il ressort aussi de la jurisprudence que l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C-136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 26, et arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI - Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T-60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 21 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C-252/07, EU:C:2008:655, points 41 et 42].

43      Selon la jurisprudence, il ne saurait être exclu que le public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée soit tout à fait distinct de celui concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été enregistrée et que la marque antérieure, quoique renommée, soit inconnue du public visé par la marque postérieure. En pareil cas, le public visé par chacune des deux marques peut ne jamais être confronté à l’autre marque, de sorte qu’il n’établira aucun lien entre ces marques. En outre, même si les publics concernés par les produits ou les services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées sont les mêmes ou se recoupent dans une certaine mesure, lesdits produits ou services peuvent être si dissemblables que la marque postérieure sera insusceptible d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent. Dès lors, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit ont été respectivement enregistrées doit être prise en considération aux fins d’apprécier l’existence d’un lien entre ces marques (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C-252/07, EU:C:2008:655, points 48 à 50).

44      À défaut de l’existence d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de lui porter préjudice (voir ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C-136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 27 et jurisprudence citée).

45      En l’espèce, force est de relever, comme le fait valoir l’EUIPO, que l’argumentation de la requérante n’est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du raisonnement exposé par la chambre de recours dans la décision attaquée, au terme d’une appréciation d’ensemble des facteurs pertinents, pour établir l’absence de lien entre les marques en conflit.

46      En effet, c’est à juste titre que, pour écarter les risques de préjudice allégués par la requérante, la chambre de recours a tenu compte, du point de vue du public pertinent espagnol concerné, non seulement du degré de similitude des signes en conflit, de l’intensité de la renommée des marques antérieures, mais aussi du degré de proximité entre les produits en cause au regard du public espagnol concerné et du degré de caractère distinctif des marques antérieures.

47      Ainsi, dans le cadre de cette appréciation, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il existait un degré moyen de similitude entre les deux signes en conflit sur les plans visuel et phonétique (voir point 29 ci-dessus) et que les marques antérieures jouissaient en Espagne d’une renommée forte, voire très élevée, pour le pain. Il ne saurait donc être allégué qu’il n’a pas été tenu compte de ces facteurs au titre de l’analyse effectuée par la chambre de recours.

48      C’est également à juste titre que la chambre de recours a considéré que les marques antérieures présentaient un caractère distinctif normal et qu’il n’avait pas été démontré que le public espagnol concerné pouvait établir un lien entre les produits en cause, dans la mesure, notamment, où les produits visés dans la demande d’enregistrement étaient trop éloignés des produits pour lesquels les marques antérieures jouissaient d’une renommée.

49      À cet égard, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les produits auraient la même nature, au motif qu’ils sont des produits de consommation courante et qu’ils sont bon marché. En effet, ainsi que l’a relevé, en substance, la chambre de recours au point 36 de la décision attaquée, le pain pour lequel les marques antérieures sont renommées n’a aucun rapport avec les produits contestés des classes 16 et 21, et ce d’autant plus que la liste des produits, telle que limitée, précise clairement qu’« aucun des produits susmentionnés n’est en rapport avec le domaine de la cuisson, y compris les recettes, les machines de cuisine électriques, les appareils de cuisson et leurs accessoires », ce qui différencie davantage les secteurs auxquels appartiennent les produits en cause.

50      Il y a lieu d’ajouter que la requérante ne saurait valablement soutenir que lesdits produits partagent les mêmes canaux de distribution. En effet, s’il est vrai que ces produits peuvent être vendus en supermarché, il suffit de relever que cet argument n’est pas déterminant étant donné que, dans ces supermarchés, les produits en cause seront nécessairement proposés dans des rayons très différents.

51      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, partant, le recours.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53      L’EUIPO n’ayant conclu à condamner la requérante aux dépens que dans le cas où une audience de plaidoiries serait organisée, il convient de décider que les parties supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Mastroianni

Tóth

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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