HG v Commission (Civil service - Officials - Compensation for damage suffered by the European Union - Judgment) [2024] EUECJ T-494/23 (16 October 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T49423.html
Cite as: [2024] EUECJ T-494/23, EU:T:2024:703, ECLI:EU:T:2024:703

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Affaire T-494/23

HG

contre

Commission européenne

 Arrêt du Tribunal (dixième chambre élargie) du 16 octobre 2024

« Fonction publique - Fonctionnaires - Réparation du préjudice subi par l’Union - Recouvrement d’une créance par compensation - Délai de prescription - Droit applicable - Article 98, second alinéa, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 - Notion de “circonstances normales” - Décision formelle préalable établissant la créance ayant fait l’objet de recours »

1.      Budget de l’Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l’Union sur les tiers - Délai de prescription - Point de départ - Entrée en vigueur de nouvelles règles entre l’établissement de la créance par décision préalable et la communication de la note de débit - Application immédiate à défaut de dispositions transitoires

(Règlements du Parlement européen et du Conseil no 966/2012, art. 81, § 1, et 2018/1046, art. 98, § 2, 279, 281 et 282)

(voir points 20-25)

2.      Budget de l’Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l’Union sur les tiers - Délai de prescription - Point de départ - Établissement de la créance au terme d’une procédure particulière avant sa constatation formelle - Contestation par le fonctionnaire débiteur de la décision préalable d’établissement - Envoi de la note de débit après le règlement définitif du contentieux

(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2018/1046, art. 98, § 2)

(voir points 27-32)

3.      Budget de l’Union européenne - Règlement financier - Recouvrement des créances de l’Union sur les tiers - Procédure de recouvrement par compensation - Application de la procédure après rejet de la demande du fonctionnaire débiteur de retirer la note de débit et du défaut de prise de contact par le débiteur avec les services compétents - Violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude - Absence

(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2018/1046, art. 102, § 1)

(voir point 40)

Résumé

Par son arrêt, le Tribunal, statuant en chambre élargie, rejette le recours introduit par HG, fonctionnaire de la Commission européenne, à l’encontre de plusieurs décisions de cette institution relatives à la compensation de créances le concernant. Ce faisant, le Tribunal se prononce sur la question inédite du point de départ du délai de prescription du recouvrement des créances de l’Union européenne, en vertu du règlement financier de 2018 (1).

En l’espèce, par une décision du 10 février 2015, la Commission a imposé une sanction disciplinaire à HG et l’a condamné à réparer un préjudice subi par l’Union à hauteur de 108 596,35 euros sur le fondement de l’article 22, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Cette décision, que le requérant a contestée, est entrée en vigueur le 1er mars 2015.

Par l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX) (2), le Tribunal a notamment réduit le montant de la réparation demandée à HG à 80 000 euros au jour du prononcé de l’arrêt, au motif que la Commission avait contribué à la réalisation du préjudice.

L’ordonnateur compétent de la Commission a adressé à HG une note de débit datée du 3 mars 2022, pour un montant de 80 000 euros, indiquant le 19 avril 2022 comme date limite de paiement. Invoquant l’existence d’une prescription quinquennale, HG a introduit une demande de retrait de cette note de débit, qui a été rejetée par l’ordonnateur.

À compter du 10 octobre 2022, HG s’est vu notifier des décisions successives du comptable tendant à la compensation entre la dette qu’il avait à l’égard de la Commission et son salaire ou d’autres créances qu’il avait sur celle-ci. HG a déposé plusieurs réclamations contre ces décisions, qui ont été rejetées par décision du 5 mai 2023. Dans cette décision, la Commission indique notamment que la prescription quinquennale invoquée par HG sur le fondement du règlement financier de 2018 n’est pas applicable à la situation, qui serait régie par le règlement financier de 2012 (3), lequel ne prévoit pas de délai pour la communication d’une note de débit.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal observe que les dispositions de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018, prévoyant la prescription quinquennale invoquée par le requérant, sont applicables à compter du jour de l’entrée en vigueur de ce règlement, soit le 2 août 2018, conformément à l’article 282, paragraphe 2, de ce même règlement. En effet, les dispositions transitoires prévues à l’article 279 du même règlement et les dates d’applicabilité rétroactives ou différées pour certaines dispositions, prévues à son article 282, paragraphe 3, ne les concernent pas. L’article 281 du règlement financier de 2018 dispose par ailleurs que, sauf exception non pertinente en l’espèce, le règlement financier de 2012 est abrogé avec effet au 2 août 2018.

Le Tribunal rappelle que, conformément aux principes de succession des règles dans le temps, une règle nouvelle s’applique en principe immédiatement aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Les effets futurs d’une situation née sous l’empire d’une règle ancienne doivent se comprendre comme visant les effets actuels de cette situation au moment où la règle nouvelle trouve à s’appliquer. L’application d’une règle nouvelle aux effets actuels d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne ne constitue pas une application rétroactive de la règle nouvelle.

Ainsi, une règle nouvelle s’applique à compter de sa date d’applicabilité fixée dans l’acte qui l’instaure et si, en principe, elle ne s’applique pas aux situations juridiques nées et définitivement acquises sous l’empire de la règle ancienne, elle s’applique aux effets futurs de celles-ci ainsi qu’aux situations juridiques nouvelles. Plus précisément, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond qui sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, de leur finalité ou de leur économie qu’un tel effet doit leur être attribué.

En l’espèce, la créance de l’Union à l’égard de HG n’était pas définitivement acquise le 2 août 2018, puisque ce dernier avait contesté cette créance et le recours contentieux à ce propos était encore pendant, et, partant, il ne saurait non plus être reconnu que, à la veille de cette date, compte tenu de ces circonstances, la Commission avait définitivement perdu le droit de recouvrer cette créance en raison d’un retard à mettre en œuvre ce droit. En effet, d’une part, le règlement financier de 2012 ne fixait pas de délai particulier pour l’envoi d’une note de débit et, d’autre part, le délai raisonnable qu’une institution de l’Union doit néanmoins respecter dans ce type de situation pour exercer ses pouvoirs n’était pas dépassé eu égard aux circonstances. Par conséquent, l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 s’applique à l’égard de la créance en cause.

Or, si l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 prévoit que le délai de prescription de cinq ans pour l’envoi de la note de débit au débiteur « court à compter du moment où l’institution de l’Union était, dans des circonstances normales, en mesure de faire valoir sa créance », la Commission a pu à bon droit considérer que les circonstances de l’espèce caractérisées notamment par une créance contestée qui pouvait être par la suite annulée ou réduite n’ont été normales, au sens de cette disposition, qu’une fois l’arrêt HG/Commission (T 693/16 P RENV RX) devenu définitif.

À cet égard, dans une situation procédurale où la créance a d’abord dû être établie, au terme d’une procédure particulière, par une décision formelle préalable à sa constatation, une telle interprétation de l’article 98, paragraphe 2, second alinéa, du règlement financier de 2018 est dans l’intérêt d’une bonne administration. En effet, elle s’avère favorable tant aux intérêts des institutions créancières qu’à ceux de leurs débiteurs ou d’éventuels tiers concernés, puisqu’elle n’oblige pas en toutes circonstances l’ordonnateur compétent à exiger le recouvrement de créances contestées dans leur principe ou dans leur montant par les débiteurs avant de connaître le sort définitif de ces créances et sans tenir compte des intérêts précités. En particulier, lorsque la créance existe à l’égard d’un fonctionnaire et que celui-ci la conteste tant dans son principe que dans son montant, en demandant l’annulation ou la réformation de la décision préalable qui l’établit, l’ordonnateur peut, pour déterminer le moment opportun pour constater la créance, ordonner son recouvrement et envoyer la note de débit. Ainsi, il peut notamment prendre en considération, au regard du devoir de sollicitude de l’administration envers ses agents, qui l’oblige à tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné, l’importance de la somme en jeu par rapport aux revenus du fonctionnaire et son appréciation de la possibilité que cette somme, en particulier si elle découle de la mise en jeu de la responsabilité du fonctionnaire, soit modifiée par le juge dans l’exercice d’un pouvoir de pleine juridiction.

En second lieu, le Tribunal relève que, en adoptant les décisions attaquées, le comptable de la Commission n’a violé ni le principe de bonne administration ni le devoir de sollicitude des institutions envers leurs fonctionnaires, car il a procédé par compensation avec le traitement du fonctionnaire débiteur ou avec des remboursements de frais, comme l’y oblige l’article 102, paragraphe 1, du règlement financier de 2018, et a retenu d’office un plan d’échelonnement laissant à la disposition de ce fonctionnaire un revenu convenable compte tenu de son niveau de rémunération.


1      Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2018 »).


2      Arrêt du 15 décembre 2021, HG/Commission (T-693/16 P RENV RX, EU:T:2021:895).


3      Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2012 »).

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