Portigon v SRB (Contributions ex ante 2017) (Economic and Monetary Union - Banking Union - Single Resolution Mechanism for Credit Institutions and Certain Investment Firms (SRM) - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-641/22 (06 November 2024)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T64122.html
Cite as: [2024] EUECJ T-641/22, EU:T:2024:790, ECLI:EU:T:2024:790

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

6 novembre 2024 (*)

« Union économique et monétaire - Union bancaire - Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) - Fonds de résolution unique (FRU) - Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 - Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑641/22,

Portigon AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes D. Bliesener, V. Jungkind et C. van Kampen, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. J. Kerlin, D. Ceran et T. Wittenberg, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring et T. Klupsch, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par Mme G. Bartram, MM. J. Etienne et M. Menegatti, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme J. Haunold, M. J. Bauerschmidt et Mme A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Portigon AG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/41 du Conseil de résolution unique (CRU), du 25 juillet 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique de Hypo Vorarlberg Bank AG et de Portigon AG (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

 Antécédents du litige

2        La requérante était un établissement de crédit établi en Allemagne. Elle était rattachée au système de protection institutionnel de la Sparkassen-Finanzgruppe (groupe financier des caisses d’épargne, Allemagne).

3        Par les ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), la Cour a annulé la décision SRB/ES/2017/05 du CRU, du 11 avril 2017, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique (FRU), en ce qu’elle concernait la requérante et Hypo Vorarlberg Bank.

4        Aux fins de remédier à des vices formels identifiés dans les ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), le CRU a adopté la décision attaquée. Par le biais de celle-ci et conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), le CRU a fixé la contribution ex ante au FRU (ci-après la « contribution ex ante ») pour l’année 2017 (ci-après la « période de contribution 2017 ») de la requérante.

5        Par lettre du 2 août 2022, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a informé la requérante de l’adoption de la décision attaquée par le CRU et du fait que sa contribution ex ante pour la période de contribution 2017 restait inchangée.

 Décision attaquée

6        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de quatre annexes.

7        Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2017, qui est applicable à tous les établissements.

8        Plus particulièrement, dans la section 6 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2017 (ci-après le « niveau cible annuel »).

9        Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,05 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2016 (ci-après le « montant moyen des dépôts couverts en 2016 »), tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

10      Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2017.

11      Dans cette même section 7 de la décision attaquée, le CRU a également expliqué qu’il existait, en substance, deux catégories d’établissements assujettis aux contributions ex ante. La première catégorie comprend les établissements qui doivent verser une contribution forfaitaire eu égard à leurs caractéristiques particulières, telles que leur taille ou la nature de leurs activités. Le calcul de la contribution ex ante de ces établissements est régi par les articles 10 et 11 du règlement délégué 2015/63.

12      Les établissements relevant de la seconde catégorie doivent verser une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque, que le CRU a fixée en suivant les phases principales suivantes.

13      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts (ci-après le « passif net »), rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU). Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif net de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

14      Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2017 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

15      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

16      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

18      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans le cas où le Tribunal considérerait que la décision attaquée n’aurait pas dû être adoptée avec effet rétroactif, annuler cette décision uniquement dans cette mesure ou annuler uniquement son article 3 et la maintenir pour le reste ;

–        à titre encore plus subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée dans son intégralité, maintenir les effets de ladite décision jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

19      Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en ce qu’il est fondé sur une exception d’illégalité du règlement no 806/2014 et de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190) ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      À l’appui de son recours, la requérante soulève neuf moyens, tirés :

–        le premier, d’une part, d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, au motif qu’ils violent les articles 114 et 290 TFUE ainsi que l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et, d’autre part, d’une violation, par la décision attaquée, des dispositions de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement d’exécution 2015/81 et de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 ;

–        le deuxième, d’une exception d’illégalité du règlement no 806/2014, de la directive 2014/59 et du règlement délégué 2015/63, au motif qu’ils violent l’article 41, paragraphe 2, sous c), et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ;

–        le troisième, d’une violation des articles 16 et 20 de la Charte ;

–        le quatrième, d’une violation du principe de sécurité juridique ;

–        le cinquième, d’une violation, d’une part, du droit d’être entendu et, d’autre part, de l’obligation de motivation, en ce que le CRU n’a pas divulgué les valeurs des indicateurs de risque des autres établissements ;

–        le sixième, du fait que la formation des classes pour l’indicateur de risque « appartenance de l’établissement à un système de protection institutionnel » est incompréhensible ;

–        le septième, d’une exception d’illégalité du règlement délégué 2015/63 et d’une violation, par la décision attaquée, de l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 et de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ;

–        le huitième, d’une violation de l’article 5, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 ;

–        le neuvième, d’une violation des dispositions combinées de l’article 70, paragraphe 6, du règlement no 806/2014 et de l’article 6, paragraphe 8, sous a), du règlement délégué 2015/63.

22      Il convient d’examiner d’abord la motivation de la décision attaquée, étant entendu qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée), de sorte que le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante.

 Sur la motivation du niveau cible annuel

23      Par une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, le Tribunal a interrogé les parties sur les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

24      Afin d’examiner si la décision attaquée est entachée d’un tel défaut, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »), les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU (ci-après le « niveau cible final »).

25      Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 24 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

26      L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.

27      En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU.

28      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 69 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2017, le montant du niveau cible annuel à 7 161 808 441 euros.

29      Aux considérants 53 et 54 de cette décision, le CRU a expliqué, en substance, que, en vue de déterminer le niveau cible annuel, il avait pris en compte le niveau cible final estimé pour 2023, la nécessité de répartir les contributions ex ante aussi uniformément que possible pendant la période initiale ainsi que la phase du cycle d’activité et les effets que ces contributions auraient sur la situation financière des établissements. Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur ces paramètres et sur les moyens financiers déjà disponibles au sein du FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2016, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.

30      Aux considérants 56 à 68 de la décision attaquée, le CRU a exposé la démarche suivie pour déterminer le niveau cible annuel.

31      Au considérant 56 de la décision attaquée, le CRU a expliqué qu’une attention particulière devait être portée à l’évolution attendue des dépôts couverts pendant la période initiale, puisque, si ces dépôts croissaient dans le temps, fixer le niveau cible annuel à 1 % du montant desdits dépôts ne suffirait pas pour atteindre le niveau cible final.

32      À cet égard, le CRU a constaté, au considérant 57 de la décision attaquée, que le montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2016 à 5,546 billions d’euros.

33      Aux considérants 58 et 59 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les six années restantes de la période initiale, à savoir de 2018 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance de ces dépôts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 1 % et 4 %.

34      Aux considérants 60 à 67 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs éléments, tels que, notamment, la prévision de croissance du produit intérieur brut pour 2017 de la Commission ou encore des indicateurs clés pour le secteur bancaire de la zone euro, comme la solvabilité, la qualité des actifs et la rentabilité des établissements. À cet égard et en vue de ne pas aggraver les effets procycliques des contributions ex ante sur la solvabilité du secteur bancaire, le CRU a considéré qu’il serait pertinent de déterminer le niveau cible annuel au regard d’un taux d’évolution des dépôts couverts qui serait inférieur à celui préconisé, car étant le plus crédible.

35      Au considérant 68 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, en raison des incertitudes entourant la relance économique, de leur impact négatif sur la croissance future des dépôts couverts et sur le cycle d’activité et du nombre limité de données susceptibles d’indiquer l’évolution future de ces dépôts, il était pertinent d’adopter une approche prudente en ce qui concernait les taux de croissance desdits dépôts pour les années à venir jusqu’à 2023.

36      Au regard de ces considérations, le CRU a calculé, au considérant 69 de la décision attaquée, le montant du niveau cible annuel en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2016 par le coefficient de 1,05 % et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 69 de ladite décision :

« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2016 * 0,0105 * ⅛ = EUR 7 161 808 441. »

37      Lors de l’audience, le CRU a cependant indiqué qu’il avait déterminé, en substance, le niveau cible annuel pour la période de contribution 2017 comme suit.

38      Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participant au MRU, pronostiqué pour la fin de la période initiale. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2016, le taux de croissance annuel de ces dépôts ainsi que le nombre de périodes de contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale.

39      Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % du montant pronostiqué des dépôts couverts à la fin de la période initiale pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint le 31 décembre 2023.

40      Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2017, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale.

41      Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par le nombre de périodes de contribution restantes, pour le répartir uniformément entre ces périodes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2017 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 28 ci-dessus, à savoir environ 7,161 milliards d’euros.

42      Afin d’examiner si le CRU a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, il convient tout d’abord de rappeler que la motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

43      Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

44      Par ailleurs, cette motivation doit être, notamment, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).

45      De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).

46      En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 42 et 43 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.

47      Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

48      Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort du point 15 ci-dessus, le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de chacun de ces établissements.

49      Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.

50      Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

51      En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 69, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 38 à 41 ci-dessus, le CRU a, en substance, obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale et en divisant ce dernier montant par le nombre de périodes de contribution restantes. Or, ces deux étapes de calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.

52      Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,05 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 36 ci-dessus. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 53 et 54 de la décision attaquée, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il se base sur l’estimation du niveau cible final pour 2023, sur la nécessité de répartir les contributions ex ante aussi uniformément que possible pendant la période initiale ainsi que sur une analyse portant sur la phase du cycle d’activité et sur les effets que ces contributions auraient sur la situation financière des établissements. Or, comme le CRU l’a reconnu lors de l’audience, ce coefficient a, en substance, été fixé de manière à pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 38 à 41 ci-dessus et, notamment, par la division par le nombre de périodes de contribution restantes du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.

53      Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.

54      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

55      Ce défaut de motivation est, à lui seul, de nature à fonder l’annulation de la décision attaquée.

56      Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens soulevés par la requérante.

 Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

57      Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est rendu.

58      La requérante s’oppose à cette demande, en soutenant qu’elle n’est en principe pas redevable de contributions ex ante, de sorte que les contributions qu’elle a versées doivent lui être remboursées.

59      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs.

60      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus, notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs de violation des formes substantielles (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 175 et jurisprudence citée).

61      En l’espèce, la décision attaquée a été prise en violation des formes substantielles. En revanche, le Tribunal n’a pas été amené à constater, dans la présente procédure, d’erreur affectant la légalité au fond de cette décision.

62      En outre, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177), il convient de constater que prononcer l’annulation de la décision attaquée sans prévoir le maintien de ses effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par un nouvel acte serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité de la zone euro.

63      Dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au FRU de la requérante pour la période de contribution 2017.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

65      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision SRB/ES/2022/41 du Conseil de résolution unique (CRU), du 25 juillet 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2017 au Fonds de résolution unique de Hypo Vorarlberg Bank AG et de Portigon AG, est annulée en ce qu’elle concerne Portigon AG.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2022/41, en ce qu’elle concerne Portigon, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fonds de résolution unique de cet établissement pour la période de contribution 2017.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Portigon.

4)      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 novembre 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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