Dragomir v Commission (not supplied - Order) French Text [2019] EUECJ T-297/19_CO (20 December 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T29719_CO.html
Cite as: [2019] EUECJ T-297/19_CO, ECLI:EU:T:2019:902, EU:T:2019:902

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

20 décembre 2019 (*)

« Responsabilité non contractuelle – État de droit – Indépendance de la justice – Droit à un procès équitable – Protection des données à caractère personnel – Défaut d’adoption par la Commission de mesures visant à s’assurer que la Roumanie respecte ses obligations – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑297/19,

Daniel Dragomir, demeurant à Bucarest (Roumanie), représenté par Me R. Chiriţă, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Giolito et H. Stancu, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi du fait, d’une part, de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable et, d’autre part, de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes à la protection des données à caractère personnel,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, V. Valančius et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Daniel Dragomir, est un citoyen roumain.

2        Le requérant explique que, à partir de 2001, il a été officier opérationnel dans le cadre du Serviciul Român de Informații (service roumain de renseignement, Roumanie, ci‑après le « SRI ») et qu’il a démissionné en 2013.

3        Selon le requérant, la Direcția Națională Anticorupție (direction nationale de la lutte contre la corruption, Roumanie, ci‑après la « DNA ») a, en 2015, engagé des poursuites pénales contre lui pour des faits de corruption. Il indique que, en 2018, il a été acquitté par le Tribunalul București (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie). Cette affaire serait à présent pendante devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie). Le requérant explique que, en substance, il lui est reproché d’être intervenu en faveur d’une entreprise.

4        Le requérant indique également que, en 2016, la Direcția de Investigare a Infracțiunilor de Criminalitate Organizată și Terorism (direction des enquêtes sur la criminalité organisée et le terrorisme, Roumanie) l’a poursuivi pénalement pour des faits de cybercriminalité. Il explique que, en substance, il est accusé d’avoir participé, avec d’autres personnes, à une tentative de compromettre la procureure en chef de la DNA. Malgré ses nombreuses demandes à cet égard, et bien que plus de trois ans se soient écoulés depuis le début des poursuites pénales, le dossier n’aurait pas encore été renvoyé devant un tribunal.

5        Le requérant ajoute que, dans les deux affaires pénales dans lesquelles il est impliqué, beaucoup de données personnelles qui le concernent ou qui concernent ses proches ont été utilisées. Celles-ci auraient été mises à la disposition des services d’enquête criminelle par le SRI, qui utiliserait une application informatique pour effectuer une surveillance massive des personnes en Roumanie. La participation du SRI à l’administration des preuves dans les procédures judiciaires serait fondée sur un protocole conclu en 2009 entre le SRI et le ministère public. Ce protocole aurait été déclassifié en 2018. Toutes ces preuves, auxquelles la défense ne pourrait pas accéder, seraient à la disposition du procureur et, parfois, du juge.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2019, le requérant a introduit le présent recours.

7        Le 13 juin 2019, le requérant a déposé une version régularisée de la requête.

8        Le 6 septembre 2019, la Commission européenne a déposé le mémoire en défense.

9        Le requérant conclut, formellement, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, de l’exigence établie dans la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31) ;

–        constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, de l’exigence établie dans la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil (JO 2016, L 119, p. 89) ;

–        constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, de l’exigence établie dans le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1) ;

–        constater le manquement de la Commission à son obligation d’assurer le respect, par la Roumanie, des règles de l’État de droit, de l’indépendance des juridictions et des droits fondamentaux des personnes relevant de sa compétence ;

–        condamner la Commission à la réparation du préjudice moral subi à hauteur de 2 euros ;

–        enjoindre à la Commission de remédier, à l’avenir, aux omissions existantes.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

11      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

12      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

13      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que pourraient suggérer la formulation des quatre premiers chefs de conclusions du requérant, ce dernier ne demande pas au Tribunal de constater des carences de la Commission sur le fondement de l’article 265 TFUE. En effet, il ressort de la requête, et en particulier de la structure de celle-ci, que les cinq premiers chefs de conclusions du requérant ont pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation pécuniaire du préjudice moral qu’il aurait subi, premièrement, en raison de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable et, deuxièmement, en raison de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes à la protection des données à caractère personnel. C’est d’ailleurs en ce sens que le recours a été compris par la Commission dans le mémoire en défense.

14      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106).

15      Le caractère cumulatif de ces conditions implique que, dès lors que l’une d’entre elles n’est pas remplie, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée (arrêt du 8 mai 2003, T Port/Commission, C‑122/01 P, EU:C:2003:259, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81, et du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 65).

16      S’agissant de la condition relative à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers [arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 47].

17      Par ailleurs, il convient de rappeler que les omissions des institutions de l’Union ne sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union que dans la mesure où les institutions ont violé une obligation légale d’agir résultant d’une disposition de droit de l’Union (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, EU:C:1994:329, point 58 ; du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, EU:T:2005:453, point 166, et du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:T:2006:121, point 137).

18      Enfin, il résulte de la jurisprudence que l’exigence de violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers s’applique également dans l’hypothèse d’une omission fautive (voir arrêt du 26 février 2016, Šumelj e.a./Commission, T‑546/13, T‑108/14 et T‑109/14, EU:T:2016:107, point 42 et jurisprudence citée).

19      À la lumière de ces considérations, il convient d’examiner si la Commission a illégalement omis de satisfaire à ses obligations afférentes, d’une part, au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable et, d’autre part, à la protection des données à caractère personnel.

 Sur la prétendue omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable

20      Le requérant soutient que la Commission a manqué à ses obligations en matière de protection de l’État de droit en Roumanie, de l’indépendance de la justice roumaine face aux assauts du SRI et du droit à un procès équitable.

21      Premièrement, le requérant fait valoir, en substance, que la décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56) impose des obligations à la Commission en ce qui concerne la protection de l’État de droit en Roumanie, de l’indépendance de la justice roumaine et du droit à un procès équitable.

22      Deuxièmement, le requérant souligne, d’abord, que le SRI influence l’activité judiciaire en Roumanie, notamment dans le cadre des procédures pénales. Ensuite, il explique que cette intervention du SRI dans les enquêtes pénales est contraire à la loi et à la constitution roumaines, ainsi que cela ressortirait de la jurisprudence de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, Roumanie). Enfin, il soutient que, dans les rapports rédigés par la Commission dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification, le problème de l’ingérence du SRI dans l’activité judiciaire a presque été entièrement négligé.

23      Le requérant en déduit, en substance, que la Commission a manqué de satisfaire à son obligation de protéger la justice roumaine contre l’ingérence illégale et inconstitutionnelle du SRI.

24      Troisièmement, dans la partie de la requête consacrée à la recevabilité du recours, le requérant soutient que l’omission mentionnée au point 23 ci-dessus viole les dispositions suivantes : les articles 2, 3 et 4 TUE ; l’article 19, paragraphe 1, TUE et l’article 19, paragraphe 2, deuxième alinéa, TUE ; l’article 253, premier alinéa, TFUE ; l’article 252, deuxième alinéa, TFUE et l’article 254, deuxième alinéa, TFUE.

25      À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que la décision 2006/928 est fondée notamment sur les articles 37 et 38 du protocole relatif aux conditions et aux modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 29).

26      Au considérant 1 de la décision 2006/928, la Commission rappelle que l’Union européenne est fondée sur l’État de droit, un principe commun à tous les États membres. Au considérant 2 de cette décision, elle explique que l’espace de liberté, de sécurité et de justice et le marché intérieur instaurés par le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne reposent sur la conviction réciproque que les décisions et pratiques administratives et judiciaires de tous les États membres respectent pleinement l’État de droit. Au considérant 3 de ladite décision, elle précise que cette condition implique l’existence, dans tous les États membres, d’un système judiciaire et administratif impartial, indépendant et efficace, doté de moyens suffisants, entre autres pour lutter contre la corruption. Il ressort des considérants 4 à 6 de la même décision que la mise en place d’un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisées par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption a été justifié par la circonstance que, à la date d’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, à savoir le 1er janvier 2007, des questions restaient en suspens en ce qui concernait la responsabilisation et l’efficacité du système judiciaire et des instances chargées de faire appliquer la loi.

27      L’article 1er de la décision 2006/928 prévoit :

« Chaque année, le 31 mars au plus tard, et pour la première fois le 31 mars 2007, la Roumanie fait rapport à la Commission sur les progrès qu’elle a réalisés en vue d’atteindre chacun des objectifs de référence exposés dans l’annexe.

La Commission peut, à tout moment, apporter une aide technique par différents moyens ou collecter et échanger des informations sur les objectifs de référence. En outre, elle peut, à tout moment, organiser des missions d’experts en Roumanie à cet effet. Les autorités roumaines lui apportent le soutien nécessaire dans ce contexte ».

28      L’article 2 de la décision 2006/928 prévoit :

« La Commission transmettra, pour la première fois en juin 2007, au Parlement européen et au Conseil ses propres commentaires et conclusions sur le rapport présenté par la Roumanie.

La Commission leur fera de nouveau rapport par la suite, en fonction de l’évolution de la situation et au moins tous les six mois. »

29      L’article 3 de la décision 2006/928 prévoit :

« La présente décision n’entre en vigueur que sous réserve et à la date de l’entrée en vigueur du traité d’adhésion. »

30      Selon l’annexe de la décision 2006/928, les objectifs de référence visés à l’article 1er que la Roumanie doit atteindre sont les suivants :

« 1) Garantir un processus judiciaire à la fois plus transparent et plus efficace, notamment en renforçant les capacités et la responsabilisation du Conseil supérieur de la magistrature. Rendre compte de l’incidence des nouveaux codes de procédure civile et administrative et l’évaluer.

2) Constituer, comme prévu, une agence pour l’intégrité dotée de responsabilités en matière de vérification de patrimoine, d’incompatibilités et de conflits d’intérêt potentiels, mais aussi de la capacité d’arrêter des décisions impératives pouvant donner lieu à la prise de sanctions dissuasives.

3) Continuer, en se basant sur les progrès déjà accomplis, à mener des enquêtes professionnelles et non partisanes sur les allégations de corruption de haut niveau.

4 ) Prendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, en particulier au sein de l’administration locale. »

31      Ainsi, il ressort de la décision 2006/928 que la seule obligation qui incombe à la Commission en application de cette décision est celle prévue à l’article 2 de ladite décision qui prévoit la transmission régulière de commentaires, conclusions et rapports au Parlement européen et au Conseil.

32      Or, l’article 2 de la décision 2006/928 est une disposition de nature institutionnelle qui concerne les relations entre la Commission, d’une part, et le Parlement européen et le Conseil, d’autre part.

33      Dès lors, l’obligation imposée à la Commission de transmettre régulièrement des rapports au Parlement européen et au Conseil, prévue à l’article 2 de la décision 2006/928, ne constitue pas une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

34      Cette appréciation n’est pas remise en cause par le contenu des considérants de la décision 2006/928. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que le préambule d’un acte de droit de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (voir arrêt du 13 septembre 2018, Česká pojišťovna, C‑287/17, EU:C:2018:707, point 33 et jurisprudence citée).

35      En tout état de cause, ainsi que le fait valoir la Commission, cette dernière avait, jusqu’à la date d’introduction du présent recours, collaboré constamment avec la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification et avait adopté 18 rapports (annuels ou semestriels) adressés au Parlement européen et au Conseil en ce qui concerne les progrès réalisés par la Roumanie. Par ailleurs, il ressort des différents extraits des rapports et des documents de travail reproduits dans la requête et datés des années 2015 à 2018 que la Commission n’a pas négligé la question de l’indépendance de la justice et, notamment, la problématique de la coopération entre le ministère public et le SRI. En particulier, il convient de relever que, dans son rapport au Parlement européen et au Conseil du 13 novembre 2018 sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification [COM(2018) 851 final], la Commission a tenu compte de la déclassification, le 29 mars 2018, du protocole de collaboration entre, d’une part, le parquet près l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) et, d’autre part, le SRI. À cet égard, la Commission a notamment indiqué qu’« [i]l import[ait] de toute évidence d’établir un cadre garantissant que les services de renseignement sont soumis à un contrôle suffisant, que les infractions font l’objet de véritables enquêtes et sont sanctionnées dans le plein respect des droits fondamentaux, et que le public peut avoir confiance dans l’indépendance de la justice ». Elle a ajouté que « [l]’expertise d’autres États membres pourrait être utile pour concevoir un système renforcé de mesures de surveillance utilisé par le ministère public et pour favoriser la collaboration entre les services de renseignement et le ministère public, condition sine qua non pour poursuivre des formes graves de criminalité telles que le terrorisme et la cybercriminalité ».

36      Il s’ensuit que le requérant ne démontre pas que la Commission a négligé le rôle du SRI dans le cadre de l’activité judiciaire. Par ailleurs, la circonstance que le requérant soit en désaccord avec les appréciations formulées par la Commission dans lesdits rapports ne permet pas davantage d’établir une « omission » de la Commission au sens de la jurisprudence mentionnée au point 17 ci-dessus.

37      En deuxième lieu, s’agissant des dispositions mentionnées au point 24 ci-dessus, il convient de souligner que le requérant n’indique pas quelles mesures la Commission s’est illégalement abstenue de prendre. À cet égard, il y a lieu de remarquer que, dans la partie de la requête consacrée à l’existence d’un lien de causalité, le requérant souligne que, si les indications contenues dans les rapports établis par la Commission dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification ne sont pas respectées, cette dernière peut saisir la Cour afin de faire constater la violation des traités.

38      Ainsi, il y a lieu d’interpréter la requête en ce sens que l’engagement d’un recours en constatation de manquement à l’encontre de la Roumanie, au titre de l’article 258 TFUE, constituait, pour la Commission, la seule possibilité de nature juridique prévue par les traités d’assurer la mise en œuvre des dispositions mentionnées aux points 24 ci-dessus.

39      Or, lors de l’examen de la question de savoir si l’État membre a manqué à ses obligations, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire, qui exclut le droit pour les particuliers d’exiger qu’elle prenne position dans un sens déterminé (ordonnance du 10 janvier 2019, CBA Spielapparate- und Restaurantbetriebs/Commission, C‑415/18 P, non publiée, EU:C:2019:6, point 22 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247/87, EU:C:1989:58, point 11, et ordonnance du 12 janvier 2011, Eriksen/Commission, C‑205/10 P, C‑217/10 P et C‑222/10 P, non publiée, EU:C:2011:10, point 42).

40      Dès lors, dans la mesure où la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure en constatation de manquement au titre de l’article 258 TFUE, sa décision de ne pas engager une telle procédure n’est, en tout état de cause, pas constitutive d’une illégalité, de telle sorte qu’elle n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (ordonnance du 10 janvier 2019, CBA Spielapparate- und Restaurantbetriebs/Commission, C‑415/18 P, non publiée, EU:C:2019:6, point 23 ; voir, également, ordonnance du 13 décembre 2013, Omnia/Italie e.a., T‑602/13, non publiée, EU:T:2013:719, point 10 et jurisprudence citée).

41      Dans ces circonstances, le seul comportement pouvant éventuellement être mis en cause comme source de préjudice est le comportement de l’État membre concerné (ordonnance du 15 juillet 2011, Smanor/Commission et Médiateur, T‑185/11, non publiée, EU:T:2011:396, point 16 ; voir également, en ce sens, ordonnances du 23 mai 1990, Asia Motor France/Commission, C‑72/90, EU:C:1990:230, points 13 à 15 ; du 3 juillet 1997, Smanor e.a./Commission, T‑201/96, EU:T:1997:98, points 30 et 31).

42      Or, le Tribunal est manifestement incompétent pour statuer sur la responsabilité découlant du caractère illégal d’un comportement d’un État membre. Une telle responsabilité relève de la compétence du juge national, le cas échéant, après renvoi au juge de l’Union sur le fondement de l’article 267 TFUE (ordonnance du 17 juin 2015, Ségaud/France et Commission, T‑22/15, non publiée, EU:T:2015:418, point 9 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 23 mai 1990, Asia Motor France/Commission, C‑72/90, EU:C:1990:230, points 13 et 14).

43      En troisième lieu, à supposer que le requérant invoque une violation du principe de confiance légitime et du droit à une bonne administration, il convient de procéder aux constatations qui suivent.

44      D’une part, il ressort de la jurisprudence que le principe de confiance légitime constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, EU:T:2010:167, point 156).

45      Par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 91 et jurisprudence citée).

46      Cependant, en l’espèce, le requérant ne démontre pas que la Commission lui aurait fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes de nature à faire naître une attente légitime dans son esprit.

47      D’autre part, il a été jugé que le droit à une bonne administration ne conférait pas, par lui-même, de droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑196/99, EU:T:2001:281, point 43), sauf lorsqu’il constituait l’expression de droits spécifiques comme le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, le droit d’être entendu, le droit d’accès au dossier, le droit à la motivation des décisions (arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 127).

48      Dans la requête, le requérant se limite à mentionner le droit à une bonne administration, visé à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux, sans autre précision. Par ailleurs, à supposer que le requérant invoque une méconnaissance du droit à une bonne administration par la Commission qui découlerait de la violation des dispositions mentionnées dans la requête, il ressort des points 25 à 42 ci-dessus qu’une omission illégale de la Commission n’est pas établie.

49      Dans ces conditions, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’est manifestement pas remplie en ce qui concerne la prétendue omission de cette dernière de satisfaire à ses obligations afférentes au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable.

 Sur la prétendue omission de la Commission de satisfaire à ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel

50      Le requérant explique que l’objectif légitime de la collecte et du traitement des données à caractère personnel par les autorités roumaines a été détourné en raison d’un accès illimité à ces données qui aurait été accordé au SRI. Ce dernier procéderait à un traitement en masse desdites données.

51      Le requérant soutient que la Commission avait l’obligation de vérifier le respect des directives et des règlements européens en la matière et a rempli cette obligation uniquement d’une manière formelle et avec retard. Selon lui, la Commission n’a pas procédé à une vérification complète, précise et concrète de la manière dont la Roumanie s’était conformée aux dispositions de la directive 95/46. Il en conclut que la Roumanie n’a donc pris aucune mesure pour limiter l’accès du SRI aux données à caractère personnel, y compris les siennes.

52      À cet égard, le requérant invoque une violation de l’article 33 de la directive 95/46 et de l’article 17, paragraphe 1, TUE.

53      Par ailleurs, dans ses deuxième et troisième chefs de conclusions, le requérant mentionne également le règlement 2016/679 ainsi que la directive 2016/680.

54      À cet égard, premièrement, il importe de constater que l’article 33 de la directive 95/46 prévoit :

« [p]ériodiquement, et pour la première fois au plus tard trois ans après la date prévue à l’article 32 paragraphe 1, la Commission fait un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la présente directive et l’assortit, le cas échéant, des propositions de modification appropriées. Ce rapport est publié.

[l]a Commission examine, en particulier, l’application de la présente directive aux traitements de données constituées par des sons et des images, relatives aux personnes physiques, et elle présente les propositions appropriées qui pourraient s’avérer nécessaires en tenant compte des développements de la technologie de l’information et à la lumière de l’état des travaux sur la société de l’information. »

55      Ainsi, il ressort du libellé de l’article 33, de la directive 95/46, que les rapports prévus par cette disposition ne s’adressent pas directement à la Roumanie, mais au Parlement européen et au Conseil. Par ailleurs, ces rapports visent à apprécier si d’autres modifications législatives afférentes à la protection des données à caractère personnel sont nécessaires.

56      Il s’ensuit que l’article 33 de la directive 95/46 ne constitue pas une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

57      Il convient également de relever que, dans le cadre du recours, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir vérifié que la Roumanie avait mis concrètement en application les dispositions de la directive 95/46 et souligne que, lorsqu’il s’avère que la méconnaissance du droit de l’Union est persistante, la Commission s’est engagée à lancer une procédure d’infraction sur le fondement de l’article 258 TFUE.

58      Or, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure en constatation de manquement au titre de l’article 258 TFUE, sa décision de ne pas engager une telle procédure n’est, en tout état de cause, pas constitutive d’une illégalité, de telle sorte qu’elle n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir point 40 ci-dessus).

59      Deuxièmement, en vertu de l’article 17 TUE, « [l]a Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin », « [e]lle veille à l’application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci » et « [e]lle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la [Cour] »

60      Or, en tant que tel, l’article 17 TUE revêt une nature institutionnelle et ne constitue pas une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir ordonnance du 27 octobre 2008, Pellegrini/Commission, T‑375/07, non publiée, EU:T:2008:466, point 19 et jurisprudence citée ; ordonnance du 16 janvier 2019, Szécsi et Somossy/Commission, T‑331/18, non publiée, EU:T:2019:11, point 28).

61      Troisièmement, dans la requête, le requérant n’articule aucun moyen afférent au règlement 2016/679 et à la directive 2016/680. En particulier, le requérant ne précise pas les dispositions de ces actes qui imposeraient une obligation d’agir à la Commission et qui auraient été méconnues par cette dernière en l’espèce.

62      Dans ces conditions, la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’est manifestement pas remplie en ce qui concerne la prétendue omission de cette dernière de satisfaire à ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel.

63      Il ressort des motifs adoptés aux points 20 à 62 ci-dessus que la condition afférente à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’est manifestement pas remplie en l’espèce.

64      Par conséquent, en application de la jurisprudence mentionnée aux points 14 et 15 ci-dessus, la demande de réparation du préjudice prétendument subi par le requérant du fait, d’une part, de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes au respect, par la Roumanie, de l’État de droit, de l’indépendance de la justice et du droit à un procès équitable et, d’autre part, de l’omission de la Commission de satisfaire à ses obligations afférentes à la protection des données à caractère personnel, est manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

65      Il y a donc lieu de rejeter les cinq premiers chefs de conclusions du requérant comme manifestement dépourvus de tout fondement en droit.

66      Par ailleurs, la demande du requérant formulée dans le sixième chef de conclusions et visant à enjoindre à la Commission de remédier, à l’avenir, aux omissions existantes doit également être rejetée comme manifestement dépourvue de tout fondement en droit. À cet égard, il ressort, certes, des articles 268 et 340, deuxième alinéa, TFUE, relatifs à la responsabilité non contractuelle de l’Union, qu’une réparation en nature peut le cas échéant être octroyée par le juge de l’Union, en conformité avec les principes généraux communs aux droits des États membres en matière de responsabilité non contractuelle, et que cette réparation peut prendre la forme d’une injonction de faire ou de ne pas faire, pouvant conduire la Commission à adopter un comportement donné (voir, en ce sens, ordonnance du 3 septembre 2013, Idromacchine e.a./Commission, C‑34/12 P, non publiée, EU:C:2013:552, point 29). Toutefois, une telle injonction ne saurait le cas échéant se concrétiser, sauf octroi de mesures provisoires sur le fondement des articles 278 et 279 TFUE, que si la responsabilité non contractuelle de l’Union est déjà établie, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (voir points 20 à 63 ci-dessus).

67      S’agissant de la demande formulée par le requérant et visant à ce que le Tribunal ordonne diverses mesures d’organisation de la procédure et diverses mesures d’instruction qui consistent en la production de documents et en l’audition de divers témoins, il convient de rappeler que c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier l’utilité de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 417 et jurisprudence citée).

68      Or, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime, en l’espèce, qu’il a utilement pu se prononcer sur les moyens et les griefs avancés par le requérant sur la base des arguments développés par les parties et au vu des documents produits. En outre, les faits que les mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction sollicitées par le requérant visaient à établir ne sont pas pertinents étant donné qu’ils ne sauraient remettre en cause les considérations énoncées aux points 20 à 65 ci-dessus.

69      Ainsi, il y a lieu de rejeter les demandes de mesures d’organisation de la procédure et les demandes de mesures d’instruction qui ont été formulées par le requérant.

70      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Daniel Dragomir est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 20 décembre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

R. da Silva Passos


*      Langue de procédure : le roumain.

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