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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Spain v Commission (Judgment) French Text [2020] EUECJ T-515/13RENV (23 September 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T51513RENV.html Cite as: [2020] EUECJ T-515/13RENV, ECLI:EU:T:2020:434, EU:T:2020:434 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
23 septembre 2020 (*)
« Aides d’État – Aide accordée par les autorités espagnoles en faveur de certains groupements d’intérêt économique (GIE) et de leurs investisseurs – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement pour l’acquisition de navires (régime espagnol de leasing fiscal) – Décision déclarant l’aide pour partie incompatible avec le marché intérieur et ordonnant partiellement sa récupération – Caractère sélectif – Obligation de motivation – Récupération de l’aide – Égalité de traitement – Confiance légitime – Sécurité juridique »
Dans les affaires jointes T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV,
Royaume d’Espagne, représenté par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agent,
partie requérante dans l’affaire T‑515/13 RENV,
Lico Leasing, SA, établie à Madrid (Espagne),
Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA, établie à Madrid,
représentées par Mes M. Merola et M. Sánchez, avocats,
parties requérantes dans l’affaire T‑719/13 RENV,
soutenues par
Bankia, SA, établie à Valence (Espagne), et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Mes J. Buendía Sierra, E. Abad Valdenebro, R. Calvo Salinero et A. Lamadrid de Pablo, avocats,
parties intervenantes dans l’affaire T‑719/13 RENV,
contre
Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, É. Gippini Fournier et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision 2014/200/UE de la Commission, du 17 juillet 2013, concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1),
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, C. Iliopoulos, R. Barents, J. Passer et G. De Baere, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 octobre 2019,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 La Commission européenne a reçu, à partir de mai 2006, plusieurs plaintes contre le « régime espagnol de leasing fiscal » (ci-après le « RELF »). En particulier, deux fédérations nationales de chantiers navals et un chantier naval individuel ont dénoncé le fait que ce régime permettait aux compagnies maritimes d’acquérir des navires construits par des chantiers navals espagnols en bénéficiant de prix réduits de 20 à 30 %.
2 À la suite de nombreuses demandes d’information envoyées par la Commission aux autorités espagnoles et de réunions entre ces parties, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE par la décision C(2011) 4494 final, du 29 juin 2011 (JO 2011, C 276, p. 5, ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen »).
3 Le 17 juillet 2013, la Commission a adopté la décision 2014/200/UE concernant l’aide d’État SA.21233 C/11 (ex NN/11, ex CP 137/06) mise à exécution par l’Espagne – Régime fiscal applicable à certains accords de location-financement, également appelé « régime espagnol de leasing fiscal » (JO 2014, L 114, p. 1, ci‑après la « décision attaquée »). Par cette décision, la Commission a estimé que certaines mesures fiscales composant le RELF « constitu[ai]ent une aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mise illégalement à exécution par le Royaume d’Espagne depuis le 1er janvier 2002 en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. Ces mesures ont été considérées comme étant partiellement incompatibles avec le marché intérieur. La récupération a été ordonnée, sous certaines conditions, uniquement auprès des investisseurs ayant bénéficié des avantages en cause, sans que ceux-ci puissent transférer la charge de la récupération à d’autres personnes.
Structure juridique et financière du RELF
4 Il ressort de la décision attaquée que le RELF implique plusieurs acteurs pour chaque commande de construction de navire, à savoir une compagnie maritime, un chantier naval, une société de location-vente (leasing), une banque, un groupement d’intérêt économique (GIE) créé par la banque et des investisseurs qui achètent des participations dans ce GIE.
5 Selon la Commission, le RELF est un montage fiscal (reproduit dans le graphique ci-après), généralement mis au point par une banque pour créer des avantages fiscaux en faveur d’investisseurs regroupés au sein d’un GIE fiscalement transparent et pour transférer une partie de ces avantages fiscaux à la compagnie maritime sous la forme d’un rabais sur le prix du navire, les investisseurs du GIE conservant les autres avantages au titre de retour sur leur investissement.
6 Dans le cadre du RELF, les acteurs mentionnés aux points 4 et 5 ci-dessus signent plusieurs contrats, dont les éléments essentiels, tels qu’ils ressortent de la décision attaquée et de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, sont expliqués ci-après.
Contrat de construction navale initial
7 La compagnie maritime qui souhaite acquérir un navire se met d’accord avec un chantier naval sur le navire à construire et un prix d’achat qui intègre le rabais (ci‑après le « prix net »). Le chantier naval demande à une banque d’organiser les arrangements du RELF.
Contrat de construction navale repris (novation)
8 La banque fait intervenir une société de location-vente qui se substitue, par le biais d’un contrat de novation, à la compagnie maritime et conclut avec le chantier naval un nouveau contrat d’achat du navire pour un prix qui n’intègre pas le rabais (ci-après le « prix brut »).
Constitution d’un GIE par la banque et appel à des investisseurs
9 La banque crée un GIE et vend des actions à des investisseurs, qui sont normalement d’importants contribuables espagnols qui investissent dans le GIE afin d’obtenir une réduction de leur base d’imposition et qui, en général, n’exercent aucune activité maritime.
Contrat de location-vente
10 La société de location-vente loue avec option d’achat le navire au GIE pour trois ou quatre ans sur la base du prix brut. Le GIE s’engage au préalable à exercer l’option d’achat du navire à la fin de ce délai. Le contrat prévoit le versement de loyers très élevés à la société de location-vente, ce qui génère des pertes importantes pour le GIE. En revanche, le prix de l’exercice de l’option d’achat est assez réduit.
Contrat d’affrètement coque nue avec option d’achat
11 Le GIE, à son tour, loue le navire pour une brève période à la compagnie maritime dans le cadre d’un contrat d’affrètement coque nue (à savoir un contrat pour la location d’un navire qui n’inclut ni l’équipage ni le ravitaillement, l’affréteur en étant responsable). La compagnie maritime s’engage au préalable à acheter le navire au GIE à la fin du délai prévu, sur la base du prix net. Contrairement au contrat de location-vente mentionné au point 10 ci-dessus, le prix des loyers prévus dans le cadre du contrat d’affrètement coque nue est réduit. En revanche, le prix pour l’exercice de l’option d’achat est élevé. La date prévue pour exercer l’option d’achat est fixée à quelques semaines après celle de l’achat du navire par le GIE à la société de location-vente.
12 Il ressort donc de la structure juridique du RELF que la banque interpose, dans le cadre de la vente d’un navire par un chantier naval à une compagnie maritime, deux intermédiaires, à savoir une société de location-vente et un GIE. Ce dernier s’engage, dans le cadre d’un contrat de location-vente, à acheter le navire au prix brut, qui est transféré au chantier naval par la société de location-vente. En revanche, lorsqu’il revend le navire à la compagnie maritime, dans le cadre du contrat d’affrètement coque nue avec option d’achat, il ne perçoit que le prix net, qui prend en compte le rabais consenti au départ à la compagnie maritime.
Structure fiscale du RELF
13 Selon la décision attaquée, l’objectif du RELF est de faire bénéficier de certaines mesures fiscales les GIE et les investisseurs qui y participent, lesquels transfèrent ensuite une partie de ces avantages aux compagnies maritimes qui achètent un navire neuf.
14 Aux termes de la décision attaquée, l’effet conjoint des mesures fiscales utilisées permet au GIE et à ses investisseurs d’obtenir un avantage fiscal d’environ 30 % du prix brut initial du navire. Cet avantage fiscal, initialement obtenu par le GIE et ses investisseurs, reste en partie (de l’ordre de 10 à 15 %) aux mains des investisseurs et la partie restante (85 à 90 %) est transférée à la compagnie maritime, qui devient finalement propriétaire du navire en bénéficiant d’un rabais de 20 à 30 % sur le prix brut initial de celui-ci.
15 Selon la Commission, les opérations au titre du RELF combinent plusieurs mesures fiscales distinctes qui ont, néanmoins, un lien entre elles, en vue d’engendrer un avantage fiscal. Ces mesures sont prévues dans plusieurs dispositions du Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret royal législatif 4/2004, par lequel est approuvé le texte refondu de la loi sur l’impôt des sociétés), du 5 mars 2004 (BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951, ci-après la « loi sur l’impôt des sociétés »), et du Real Decreto 1777/2004, por el que se aprueba el Reglamento del Impuesto sobre Sociedades (décret royal 1777/2004, par lequel est approuvé le règlement sur l’impôt des sociétés), du 30 juillet 2004 (BOE no 189, du 6 août 2004, p. 28377, ci-après le « règlement sur l’impôt des sociétés »). Il s’agit des cinq mesures suivantes, décrites aux considérants 21 à 42 de la décision attaquée : l’amortissement accéléré des actifs faisant l’objet d’une location-vente (mesure 1), l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé des actifs faisant l’objet d’une location-vente (mesure 2), les GIE (mesure 3), le régime de la taxation au tonnage (mesure 4) et l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés (mesure 5).
16 En particulier, s’agissant de la mesure 2, il convient de préciser que, conformément à l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, l’amortissement accéléré de l’actif acheté dans le cadre d’une location-vente commence à la date où l’actif est en état de fonctionner, c’est-à-dire pas avant que l’actif ne soit remis au preneur et que celui-ci commence à l’utiliser. Néanmoins, en vertu de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés, le ministère de l’Économie peut fixer la date pour le début de l’amortissement, eu égard aux particularités de la durée du contrat et aux spécificités de l’utilisation économique du bien. La procédure de demande d’autorisation est détaillée à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés. Eu égard au fait que, selon la réglementation applicable, la date pour le début de l’amortissement accéléré pouvait être fixée à une date antérieure à la mise en service du bien, la décision attaquée fait référence à un amortissement « anticipé ».
Appréciation de la Commission
17 La Commission a considéré que le fait que le RELF était composé de plusieurs mesures qui ne figuraient pas toutes dans la législation fiscale espagnole n’empêchait pas de le considérer comme un système, étant donné que les différentes mesures fiscales utilisées dans le cadre du RELF étaient liées entre elles en droit ou en fait.
18 En tout état de cause, la Commission n’a pas analysé les mesures seulement comme un système, mais elle a effectué également une appréciation individuelle. Selon elle, ces approches étaient complémentaires et menaient à des conclusions cohérentes.
19 En ce qui concerne l’existence d’entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, selon le considérant 126 de la décision attaquée, toutes les parties aux opérations relevant du RELF étaient des entreprises, étant donné que leurs activités consistaient à proposer des biens et des services sur un marché. Plus particulièrement, les chantiers navals construisaient des navires ; les sociétés de vente-location proposaient des facilités de financement ; les GIE affrétaient et vendaient des navires ; les investisseurs offraient des biens et des services sur un large éventail de marchés, si ce n’est lorsqu’ils étaient des personnes physiques n’exerçant aucune activité économique, auquel cas ils n’étaient pas repris dans la décision ; les compagnies maritimes proposaient des services de transport maritime et les banques proposaient des services d’intermédiation et de financement.
20 S’agissant de la sélectivité, la Commission a considéré que l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé (mesure 2), le régime de la taxation au tonnage (mesure 4) et l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés (mesure 5) conféraient des avantages sélectifs à certaines entreprises.
21 En particulier, s’agissant de l’application discrétionnaire de l’amortissement anticipé des actifs faisant l’objet d’une location-vente (mesure 2), la Commission a relevé que, selon la législation fiscale générale espagnole relative à l’amortissement, en principe, le coût d’un actif devait être distribué tout au long de sa vie économique, c’est-à-dire depuis le moment où il était utilisé pour une activité économique. Dans le cadre des opérations de location-vente, l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés permettait l’amortissement accéléré, en principe, à partir de la date à laquelle l’actif entrait en service. Cependant, l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés permettait que l’amortissement accéléré commence avant le début de l’exploitation de l’actif, donnant lieu à un amortissement anticipé. Selon la décision attaquée, cette possibilité constituait une exception à la règle générale établie à l’article 115, paragraphe 6, de ladite loi et était sujette à l’autorisation discrétionnaire des autorités espagnoles, ce qui la rendait donc sélective. Selon la Commission, les critères prévus pour l’octroi de l’autorisation étaient vagues et requéraient une interprétation de l’administration fiscale, laquelle n’avait pas publié de lignes directrices à cet égard. Par ailleurs, la Commission a considéré que le libellé de l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés confirmait le caractère sélectif de la mesure. En outre, la Commission a considéré que le Royaume d’Espagne n’avait pas démontré qu’un système d’autorisation préalable fût nécessaire, au lieu d’une simple vérification a posteriori de critères clairs et objectifs, comme celle qui existait par exemple pour l’amortissement ordinaire.
22 De plus, la Commission a estimé que, lorsque le RELF était considéré dans son ensemble, il était sélectif, car l’avantage était soumis au pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale en raison de l’obligation d’obtenir une autorisation et au vu de l’imprécision des conditions applicables. De surcroît, il existait une sélectivité sectorielle, car l’administration fiscale autorisait seulement des opérations au titre du RELF destinées à financer des navires de mer. Selon la Commission, le fait que toutes les compagnies maritimes, y compris celles établies dans d’autres États membres, pouvaient avoir accès aux opérations de financement au titre du RELF ne s’opposait pas à la conclusion que ce régime favorisait certaines activités, à savoir l’acquisition de navires maritimes par l’intermédiaire de contrats de location-vente, en particulier en vue de leur affrètement coque nue et de leur revente ultérieure.
23 Selon la décision attaquée, l’avantage bénéficiait au GIE et, par transparence, à ses investisseurs. En effet, le GIE était la personne morale qui appliquait toutes les mesures fiscales et, le cas échéant, introduisait les demandes d’autorisation auprès des autorités fiscales. Sur le plan fiscal, le GIE était une entité fiscalement transparente et ses revenus imposables ou ses frais déductibles étaient automatiquement transférés aux investisseurs.
24 En outre, la Commission a considéré que, dans le cadre d’une opération relevant du RELF, sur le plan économique, une partie substantielle de l’avantage fiscal obtenu par le GIE était transférée à la compagnie maritime par le biais d’un rabais sur le prix, sans préjudice des considérations sur l’imputabilité exposées ci-après. Même si la décision attaquée reconnaissait que d’autres participants aux opérations du RELF, notamment les chantiers navals, les sociétés de location-vente et d’autres intermédiaires, bénéficiaient indirectement de cet avantage, la Commission a considéré que l’avantage obtenu initialement par le GIE et ses investisseurs n’était pas transféré à ces autres participants.
25 Selon la décision attaquée, compte tenu de la perte de recettes fiscales découlant du RELF, il existait un transfert de ressources d’État vers le GIE qui, par le biais de la transparence fiscale, les transférait à ses investisseurs.
26 S’agissant de l’imputabilité des mesures, la Commission a estimé que l’avantage sélectif accordé aux GIE et à leurs investisseurs était clairement imputable au Royaume d’Espagne, puisqu’il découlait des règles fiscales et des autorisations accordées par l’administration fiscale notamment pour l’application de l’amortissement anticipé et du régime de la taxation au tonnage. En revanche, selon la décision attaquée, tel n’était pas le cas en ce qui concernait les compagnies maritimes et, a fortiori, les chantiers navals et les intermédiaires, car les règles applicables n’obligeaient pas les GIE à transférer une partie de l’avantage fiscal à ces opérateurs, et ce nonobstant le fait que la Commission a admis que les demandes d’autorisation envoyées à l’administration fiscale incluaient en général des détails sur la répartition de l’avantage fiscal entre les investisseurs du GIE et la compagnie maritime.
27 Selon la décision attaquée, l’avantage en cause menaçait de fausser la concurrence et d’affecter le commerce entre États membres. En particulier, la Commission a relevé que les investisseurs, à savoir les membres des GIE, opéraient dans tous les secteurs de l’économie, notamment dans des secteurs ouverts au commerce entre États membres. De plus, par le biais des opérations relevant du RELF, ils opéraient à travers le GIE sur les marchés de l’affrètement coque nue et de l’achat et de la vente de navires de mer, qui étaient ouverts au commerce entre États membres.
28 Dans le cadre de son analyse de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, la Commission a estimé que, même si les orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime, du 5 juillet 1997 (JO 1997, C 205, p. 5), modifiées le 17 janvier 2004 (JO 2004, C 13, p. 3, ci-après les « orientations maritimes »), n’étaient pas applicables strictement en l’espèce, elles pouvaient être appliquées par analogie afin de déterminer le montant de l’aide reçue par les GIE ou leurs investisseurs susceptible d’être compatible. Au-delà de ce montant, selon la Commission, l’aide était incompatible avec le marché intérieur.
29 Enfin, la Commission a rejeté les considérations selon lesquelles les principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime s’opposaient à la récupération de l’aide. En revanche, elle a estimé que le principe de sécurité juridique s’opposait à la récupération de l’aide depuis l’entrée en vigueur du RELF en 2002 jusqu’au 30 avril 2007, à savoir la date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de sa décision 2007/256/CE, du 20 décembre 2006, concernant le régime d’aide mis à exécution par la France au titre de l’article 39 CA du code général des impôts – Aide d’État C 46/04 (ex NN 65/04) (JO 2007, L 112, p. 41, ci-après la « décision sur les GIE fiscaux français »).
30 De surcroît, la décision attaquée a conclu que toute clause contractuelle en vertu de laquelle les chantiers navals seraient dans l’obligation d’indemniser les autres parties si les avantages fiscaux envisagés ne pouvaient finalement pas être obtenus serait contraire aux règles sur les aides d’État, qui exigeaient la récupération de l’aide auprès du bénéficiaire réel.
Procédures antérieures devant le Tribunal et la Cour
Procédure antérieure devant le Tribunal
31 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2013, le Royaume d’Espagne a introduit un recours en annulation contre la décision attaquée, enregistré sous le numéro T‑515/13.
32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2013, Lico Leasing, SA (ci-après « Lico ») et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA (ci-après « PYMAR ») ont introduit un recours en annulation contre la décision attaquée, enregistré sous le numéro T‑719/13. Lico et PYMAR sont des sociétés ayant pour objet, respectivement, la réalisation d’opérations de location-financement et le soutien aux activités des petits et moyens chantiers navals.
33 Plusieurs autres recours ont également été formés contre la décision attaquée.
34 La Commission a fait valoir que les recours devaient être rejetés comme non fondés, exprimant également des réserves quant à la qualité pour agir de Lico et PYMAR dans l’affaire T‑719/13.
35 Les parties dans les affaires T‑515/13 et T‑719/13 ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors des audiences qui ont eu lieu, respectivement, le 9 et le 10 juin 2015.
36 Par ordonnance adoptée le 17 décembre 2015, le président de la septième chambre du Tribunal a joint les affaires T‑515/13 et T‑719/13 aux fins de l’arrêt mettant fin à l’instance, en application de l’article 68 du règlement de procédure du Tribunal.
37 Par arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2015:1004), le Tribunal a jugé que le recours introduit par Lico et PYMAR était recevable. S’agissant du fond, le Tribunal a accueilli les recours introduits par les parties requérantes sur le fondement du moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 296 TFUE et annulé la décision attaquée. Par ailleurs, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les autres moyens et arguments avancés dans le cadre des deux recours.
Procédure antérieure devant la Cour
38 Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 février 2016, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt initial, enregistré sous le numéro C‑128/16 P. Elle a soulevé deux moyens, tirés des erreurs de droit que le Tribunal aurait commises dans l’interprétation et l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concernait les notions d’« entreprise » et d’« avantage sélectif » et de l’article 296 TFUE.
39 Les autres recours introduits contre la décision attaquée, qui demeuraient pendants devant le Tribunal, ont été suspendus jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑128/16 P.
40 Par ordonnances du 21 décembre 2016, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, non publiée, EU:C:2016:1006), et du 21 décembre 2016, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, non publiée, EU:C:2016:1007), Bankia, SA et 32 autres entités (ci-après « Bankia e.a. ») ainsi qu’Aluminios Cortizo, SAU ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de Lico et de PYMAR.
41 Par arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2018:591), la Cour a annulé l’arrêt initial.
42 En premier lieu, la Cour a jugé que le Tribunal avait procédé à une interprétation et à une application erronées de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, la Cour a relevé que, selon le Tribunal, les GIE ne pouvaient pas être les bénéficiaires d’une aide d’État au motif que, en raison de la transparence fiscale de ces groupements, c’étaient les investisseurs, et non les GIE, qui avaient bénéficié des avantages fiscaux et économiques découlant de ces mesures. Or, la Cour a considéré que les GIE exerçaient une activité économique, à savoir l’acquisition de navires maritimes par l’intermédiaire de contrats de location-vente, en particulier en vue de leur affrètement coque nue et de leur revente ultérieure, ce dont il résultait qu’ils constituaient des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, comme l’avait relevé la décision attaquée.
43 Même si les avantages fiscaux obtenus par les GIE étaient intégralement et automatiquement transférés à leurs membres, la Cour a relevé que c’était aux GIE que les mesures fiscales en cause étaient appliquées et qu’ils étaient les bénéficiaires directs des avantages découlant de celles-ci. Ces avantages favorisaient leur activité d’acquisition de navires maritimes par l’intermédiaire de contrats de location-vente, en particulier en vue de leur affrètement coque nue et de leur revente ultérieure. Dès lors, il y a eu un transfert de ressources publiques sous la forme d’une perte de recettes fiscales vers les GIE. Partant, selon la Cour, les mesures en cause étaient de nature à constituer des aides d’État en faveur des GIE. Le fait que la Commission ait ordonné la récupération des aides incompatibles auprès des seuls investisseurs des GIE, question dont la légalité n’a pas été examinée par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi, a été considéré comme n’ayant aucune incidence sur cette conclusion. Au vu de ce qui précède, la Cour a accueilli le premier grief de la Commission.
44 En deuxième lieu, en ce qui concerne le caractère sélectif de l’avantage résultant du pouvoir discrétionnaire de l’autorité fiscale pour autoriser le mécanisme du RELF, notamment l’amortissement anticipé, la Cour a jugé que c’était à tort que le Tribunal avait exclu la sélectivité du système en raison de la possibilité pour toute entreprise de participer à ces opérations et d’accéder aux avantages, qui impliquait, selon lui, que les investisseurs n’avaient pas bénéficié d’un avantage sélectif. Selon la Cour, les considérations du Tribunal étaient fondées sur la prémisse erronée selon laquelle seuls les investisseurs, et non les GIE, pouvaient être considérés comme les bénéficiaires des avantages découlant des mesures fiscales en cause, et c’était donc au regard des investisseurs, et non des GIE, que la condition relative à la sélectivité devait être examinée. Dès lors, en n’examinant pas si le système d’autorisation de l’amortissement anticipé conférait à l’administration fiscale un pouvoir discrétionnaire de nature à favoriser les activités exercées par les GIE participant au RELF, le Tribunal a commis une erreur de droit. Partant, la Cour a accueilli le deuxième grief avancé par la Commission.
45 En troisième lieu, en s’appuyant sur l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981), la Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit lorsqu’il avait considéré que les avantages perçus par les investisseurs ayant participé aux opérations du RELF ne pouvaient être sélectifs dès lors que celles-ci étaient ouvertes à toute entreprise sans distinction, sans rechercher si la Commission avait établi que les mesures fiscales introduisaient un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficiaient des avantages et ceux qui en étaient exclus se trouvaient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal, dans une situation factuelle et juridique comparable. Par conséquent, la Cour a accueilli le troisième grief avancé par la Commission.
46 En quatrième lieu, en ce qui concerne l’obligation de motivation, la Cour a relevé que l’ensemble des considérations du Tribunal reposaient sur une prémisse erronée selon laquelle seuls les investisseurs, et non les GIE, pouvaient être considérés comme les bénéficiaires des avantages découlant des mesures en cause et selon laquelle il convenait donc d’examiner si les avantages que les investisseurs, et non les GIE, avaient perçus étaient de nature sélective, s’ils risquaient de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre les États membres et si la décision attaquée était suffisamment motivée concernant l’analyse de ces critères. Selon la Cour, la Commission a fourni, dans la décision attaquée, les indications permettant de comprendre les raisons pour lesquelles elle a considéré que les avantages découlant des mesures en cause étaient sélectifs et susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser la concurrence et a motivé cette décision à suffisance et sans contradiction à cet égard en satisfaisant aux exigences de l’article 296 TFUE. Dès lors, la Cour a accueilli le dernier grief de la Commission.
47 Après avoir constaté que le litige n’était pas en état d’être jugé, car le Tribunal n’avait examiné qu’une partie des moyens avancés par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR, la Cour a décidé de renvoyer les affaires T‑515/13 et T‑719/13 devant le Tribunal pour qu’il statue sur celles-ci et a réservé les dépens, à l’exception de ceux liés aux interventions.
Procédure et conclusions des parties
48 À la suite de l’arrêt sur pourvoi, les affaires T‑515/13 RENV et T‑719/13 RENV ont été attribuées à la huitième chambre du Tribunal.
49 Le 5 octobre 2018, le Royaume d’Espagne et la Commission ont, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, déposé des observations écrites dans l’affaire T‑515/13 RENV.
50 Par ordonnances du 21 septembre et du 8 octobre 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a fait droit à la demande de traitement confidentiel présentée par Lico et PYMAR à l’égard, respectivement, de Bankia e.a. et d’Aluminios Cortizo dans l’affaire T‑719/13 RENV.
51 Le 28 septembre 2018, Aluminios Cortizo et, le 5 octobre 2018, Lico, PYMAR, la Commission et Bankia e.a. ont, sur le fondement de l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, déposé des observations écrites dans l’affaire T‑719/13 RENV.
52 Sur proposition de la huitième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.
53 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions écrites. Parmi d’autres questions, le Tribunal a invité les parties à soumettre leurs observations quant à l’éventuel ajout au dossier de deux annexes jointes à deux recours formés contre la décision attaquée qui contenaient une série d’articles de presse. Les parties ont répondu dans les délais impartis. Compte tenu des observations des parties, le Tribunal a décidé de ne pas ajouter lesdites annexes au dossier dans les présentes affaires.
54 Par décision du président de la huitième chambre du Tribunal du 12 septembre 2019, les parties ayant été entendues, les affaires T-515/13 RENV et T-719/13 RENV ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.
55 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 octobre 2019.
56 Dans l’affaire T‑515/13 RENV, le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
57 Dans l’affaire T‑515/13 RENV, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.
58 Dans l’affaire T‑719/13 RENV, Lico et PYMAR concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, annuler l’injonction de récupération ;
– à titre encore plus subsidiaire, annuler l’injonction de récupération en ce qui concerne le calcul du montant de l’aide incompatible à récupérer ;
– condamner la Commission aux dépens.
59 Dans l’affaire T‑719/13 RENV, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner Lico et PYMAR aux dépens.
60 Dans l’affaire T‑719/13 RENV, Bankia e.a. concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, annuler l’injonction de récupération ;
– à titre encore plus subsidiaire, annuler l’injonction de récupération en ce qui concerne le calcul du montant de l’aide incompatible à récupérer.
61 Dans l’affaire T‑719/13 RENV, Aluminios Cortizo conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
En droit
Sur l’intervention de Bankia e.a. et Aluminios Cortizo
62 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans ses observations sur la suite de la procédure dans l’affaire T‑719/13 RENV, la Commission conteste la possibilité pour Bankia e.a. et Aluminios Cortizo de déposer des observations écrites et d’avoir la qualité de parties intervenantes dans la procédure de renvoi devant le Tribunal pour plusieurs raisons. D’abord, cela serait contraire au libellé de l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure. Ensuite, cela reviendrait en pratique à permettre l’intervention, lors de la procédure de première instance, de parties qui ne sauraient être admises à intervenir, puisqu’elles ont introduit des recours toujours pendants. Par ailleurs, selon la Commission, la présente situation se distingue de celle à l’origine de l’arrêt du 23 mars 1993, Gill/Commission (T‑43/89, EU:T:1993:24), dans lequel le Tribunal aurait admis au stade du renvoi l’intervention d’une partie qui était intervenue seulement dans la procédure de pourvoi en raison du fait que la Cour n’avait pas statué sur ses dépens. Or, la Commission relève que, en l’espèce, la Cour a statué sur les dépens de Bankia e.a. et d’Aluminios Cortizo dans l’arrêt sur pourvoi. Enfin, la Commission fait valoir que le présent cas se distingue de la situation dans laquelle une partie introduit une demande en intervention, mais le Tribunal statue sur l’affaire sans se prononcer sur cette demande. Dans cette hypothèse, à la suite d’un éventuel renvoi, la Commission considère que les demandes en intervention demeurent en vigueur et qu’il appartient au Tribunal de se prononcer sur celles-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 2 septembre 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, T‑203/10 RENV, non publiée, EU:T:2014:792, point 47).
63 Bankia e.a. considèrent que la partie autorisée à intervenir dans le cadre du pourvoi devant la Cour conserve automatiquement sa qualité de partie intervenante lors de la procédure de renvoi de l’affaire devant le Tribunal.
64 À cet égard, indépendamment des circonstances ayant donné lieu aux arrêts mentionnés par la Commission, il convient de rappeler que, parmi les recours introduits contre la décision attaquée, les affaires T‑515/13 et T‑719/13 ont été sélectionnées comme affaires pilotes et ont mené à l’arrêt initial. Dans ce contexte, Bankia e.a. et Aluminios Cortizo n’ont pas été entendues en tant que parties intervenantes devant le Tribunal, mais ont été admises à intervenir devant la Cour dans le cadre des pourvois introduits contre l’arrêt initial.
65 La Cour ayant renvoyé les affaires devant le Tribunal pour qu’il statue sur certains moyens qui soulèvent des questions juridiques ayant un intérêt pour Bankia e.a. et Aluminios Cortizo, le Tribunal estime que, en l’espèce, il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’admettre les parties intervenantes devant la Cour comme parties intervenantes dans la procédure de renvoi afin d’assurer le bon traitement du contentieux qui est pendant devant le Tribunal et de promouvoir la continuité du débat contentieux, et ce d’autant plus que la procédure dans les autres recours formés contre la décision attaquée a été suspendue par décisions du président de la huitième chambre du Tribunal du 21 novembre 2018 sans opposition de la part de la Commission. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la Commission, le libellé de l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure ne s’y oppose pas nécessairement, puisqu’il ne définit pas « les parties à la procédure devant le Tribunal ». En particulier, cette disposition n’exclut pas que les parties intervenantes devant la Cour puissent acquérir de ce fait la qualité de « parties à la procédure devant le Tribunal » dans le cadre d’un renvoi. Dès lors, il convient de rejeter les objections de la Commission quant à l’admission de Bankia e.a. et d’Aluminios Cortizo en tant que parties intervenantes.
Sur le fond
66 À titre liminaire, il y a lieu de relever, eu égard à l’arrêt sur pourvoi, qu’il incombe au Tribunal de statuer, dans le cadre de la présente procédure de renvoi, sur l’ensemble des moyens d’annulation soulevés par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR, tout en étant lié par les points de droit sur lesquels la Cour s’est prononcée au sujet des bénéficiaires de l’avantage et de son caractère sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ainsi que de la motivation de la décision attaquée.
67 Au soutien du recours dans l’affaire T‑515/13 RENV, le Royaume d’Espagne soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dans la mesure où la décision attaquée constate l’existence d’une aide d’État. À titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne soulève trois moyens au soutien du chef de conclusions tendant à l’annulation de l’injonction de récupération, tirés de la violation du principe d’égalité de traitement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et de la violation du principe de sécurité juridique.
68 Dans le cadre de leur recours, Lico et PYMAR ont soulevé trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 296 TFUE dans la mesure où la décision attaquée constate l’existence d’une aide d’État, le deuxième, de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique en ce qui concerne l’injonction de récupération et, le troisième, de la violation des principes généraux applicables à la récupération des aides du fait de la méthode de calcul du montant de l’aide incompatible établie dans la décision attaquée.
Sur la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
69 Dans le cadre de son premier moyen, à la lumière de l’arrêt sur pourvoi, le Royaume d’Espagne fait valoir qu’une des conditions relatives à l’existence d’une aide d’État n’est pas respectée, car, indépendamment de la question de savoir si le RELF est considéré dans son ensemble ou si les mesures sont considérées individuellement, il n’y avait pas de sélectivité, quelle que soit la méthode d’analyse utilisée.
70 En ce qui concerne la méthode relative à la disponibilité générale, le Royaume d’Espagne avance que, selon la jurisprudence, le fait que seuls les contribuables remplissant les conditions pour l’application d’une mesure peuvent bénéficier de celle-ci ne saurait, en soi, conférer à cette mesure un caractère sélectif (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 59). À cet égard, le Royaume d’Espagne relève que la jurisprudence contient des exemples dans lesquels il a été jugé qu’un avantage fiscal applicable aux seuls actifs acquis sous un contrat de location-vente était une mesure générale (arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029).
71 S’agissant de la méthode relative au système de référence, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission aurait dû d’abord identifier le régime fiscal commun et ensuite démontrer que la mesure en cause constituait une exception à celui-ci applicable à des opérateurs économiques se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable. À cet égard, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission n’a même pas identifié le système de référence en l’espèce. En tout état de cause, selon le Royaume d’Espagne, il n’existe pas de sélectivité au regard d’un système de référence.
72 Quant à la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, eu égard à l’arrêt sur pourvoi, Lico et PYMAR rappellent qu’un examen en trois étapes est requis pour qualifier une mesure fiscale de sélective : premièrement, il y a lieu d’identifier et d’analyser le régime fiscal commun de l’État membre pour déterminer un système de référence ; deuxièmement, il convient d’apprécier si la mesure présente un caractère sélectif en vérifiant si elle déroge au régime commun en ce qu’elle introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable ; troisièmement, il y a lieu d’examiner si l’État membre a établi que la mesure était justifiée par la nature ou l’économie du système dans lequel elle s’inscrivait. Dès lors, il y aurait lieu d’examiner si la Commission a satisfait à ces exigences en ce qui concernait les GIE. Selon Lico et PYMAR, que ce soit sous l’angle d’un examen individuel des mesures ou d’une vision d’ensemble du RELF, il n’existe aucune analyse du système de référence, de la prétendue dérogation au système de référence, des opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, de la différenciation introduite entre ces opérateurs ni de l’absence de justification fondée sur l’objectif poursuivi par le régime fiscal.
73 D’abord, Lico et PYMAR font valoir qu’une simple stratégie d’optimisation fiscale décidée par les contribuables ne saurait en tant que telle être considérée comme une aide d’État. En effet, la réduction de l’imposition serait obtenue à la suite de la décision des opérateurs privés de combiner et d’appliquer les règles fiscales efficacement. Selon Lico et PYMAR, les stratégies d’optimisation fiscale des entreprises ne constituent pas des aides d’État à moins de résulter de dérogations prévues dans l’ordre juridique national ou découlant de la pratique des autorités fiscales, opérant une discrimination entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal de référence, dans la même situation factuelle et juridique.
74 S’agissant de l’analyse individuelle des mesures, Lico et PYMAR avancent, notamment, que l’amortissement anticipé des contrats de location-vente pouvait être appliqué par tous les assujettis à l’impôt sur les sociétés, et non seulement par les GIE. De plus, Lico et PYMAR font remarquer que la mesure était applicable à tous les actifs remplissant certaines conditions objectives. Par ailleurs, selon elles, même si la mesure était soumise à autorisation, celle-ci était accordée sur la base de critères objectifs et non discrétionnaires.
75 En ce qui concerne l’appréciation d’ensemble des mesures, Lico et PYMAR soutiennent que, même si la combinaison de mesures que la Commission appelle RELF s’appliquait uniquement aux navires, et non à d’autres actifs, il ne saurait en être déduit que le RELF était sélectif. À cet égard, Lico et PYMAR relèvent que, selon la jurisprudence, une mesure dont ne bénéficie qu’un secteur d’activité ou une partie des entreprises de ce secteur n’est pas nécessairement sélective (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 58). Dès lors, il ne suffirait pas, contrairement à ce que la Commission prétend, que les mesures en cause bénéficient à l’acquisition de navires par l’intermédiaire de contrats de location-vente, en vue de leur affrètement coque nue et de leur revente ultérieure.
76 En outre, Lico et PYMAR soutiennent que la décision attaquée n’a pas démontré à suffisance de droit que l’aide prétendument accordée faussait la concurrence et affectait les échanges entre États membres. En particulier, Lico et PYMAR soutiennent que, compte tenu du fait que les GIE étaient de simples intermédiaires financiers qui ne développaient aucune activité réelle dans le secteur du transport maritime, il ne saurait être admis qu’ils étaient actifs dans le marché de l’acquisition et de la vente de navires maritimes en vue de leur affrètement coque nue. Dès lors, l’aide ne saurait fausser la concurrence et affecter les échanges entre États membres s’agissant de ce marché.
77 Dans leurs observations sur la suite de la procédure dans l’affaire T‑719/13 RENV, premièrement, Bankia e.a. contestent la prétendue sélectivité des mesures en raison du pouvoir discrétionnaire de l’administration pour autoriser le RELF, car, selon elles, ce pouvoir était encadré par des critères objectifs. De plus, elles font valoir qu’il s’agit des mêmes critères que ceux que la Commission avait considérés comme étant « objectifs » lorsqu’elle a conclu que le « nouveau RELF », examiné dans sa décision C(2012) 8252 final, du 20 novembre 2012, concernant l’aide d’État SA.34736 (2012/N) – Espagne – Amortissement anticipé de certains biens acquis en location-financement (JO 2012, C 384, p. 2, ci-après la « décision sur le nouveau RELF »), n’était pas sélectif. Cette appréciation aurait été confirmée par l’arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission (T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029). Elles ajoutent que, compte tenu du fait que l’administration fiscale n’a jamais rejeté de demande d’autorisation, il n’y a pas de différence en pratique entre l’autorisation dans le RELF original et la communication prévue dans le cadre du nouveau RELF.
78 Deuxièmement, Bankia e.a. font valoir, à la lumière de l’arrêt sur pourvoi, qu’il conviendrait d’examiner la sélectivité à l’égard, d’une part, des GIE et, d’autre part, d’autres entreprises se trouvant dans une situation similaire, tant en fait qu’en droit, à la lumière de l’objectif poursuivi par le législateur. Compte tenu des principes énoncés dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. (C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981), Bankia e.a. soutiennent que la Commission n’a jamais démontré que les mesures introduisaient des différences entre opérateurs économiques se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable. En effet, la décision attaquée se bornerait à affirmer la sélectivité sectorielle des mesures au seul motif que ses bénéficiaires étaient actifs dans un certain domaine d’activité, à savoir l’acquisition de navires de mer par le biais de contrats de location-vente, l’affrètement coque nue et la revente de ces navires. Cependant, la décision attaquée ne définirait pas le système de référence et n’identifierait pas l’objectif poursuivi par le régime.
79 La Commission conclut au rejet des arguments concernant la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle considère que les mesures sont sélectives, aussi bien lorsque le RELF est considéré dans son ensemble que lorsque les mesures sont considérées individuellement.
80 Selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt sur pourvoi, point 35 et jurisprudence citée).
81 S’agissant de la condition relative à l’existence d’un avantage sélectif, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme des avantages économiques que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenus dans des conditions normales de marché. Ainsi, sont notamment considérées comme des aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent le budget de l’entreprise et qui, de ce fait, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques. L’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes et les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets, et donc indépendamment des techniques utilisées (voir arrêt sur pourvoi, point 36 et jurisprudence citée).
82 S’agissant, en particulier, de mesures nationales conférant un avantage fiscal, il y a lieu de rappeler qu’une mesure de cette nature qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation plus favorable que les autres contribuables est susceptible de procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires et constitue, partant, une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, ne constitue pas une telle aide, au sens de cette disposition, un avantage fiscal résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques. De même, la notion d’« aide d’État » ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir arrêt sur pourvoi, point 37 et jurisprudence citée).
83 Dans ce contexte, aux fins de qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné et démontrer, dans un deuxième temps, que la mesure fiscale en cause déroge audit régime commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime commun, dans une situation factuelle et juridique comparable. En troisième lieu, la notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, points 57 et 58).
84 Par ailleurs, il convient de rappeler que le fait que seuls les contribuables remplissant les conditions pour l’application d’une mesure peuvent bénéficier de celle-ci ne saurait, en soi, conférer à cette mesure un caractère sélectif (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 59).
85 C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner en l’espèce la sélectivité du RELF à l’égard des GIE.
86 En ce qui concerne la sélectivité du RELF dans son ensemble, il convient de relever que le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR soutiennent que la Commission n’a pas identifié le système de référence et n’a par ailleurs pas démontré que le RELF dérogeait au régime général en introduisant des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable.
87 Force est de constater que la décision attaquée ne procède pas, à tout le moins explicitement, à l’analyse en trois étapes évoquée au point 83 ci-dessus. Cependant, au considérant 156 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le RELF, considéré dans son ensemble, était sélectif, d’une part, en raison du pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale pour accorder l’autorisation obligatoire pour l’amortissement anticipé sur la base de conditions qui étaient imprécises et, d’autre part, du fait que l’administration fiscale n’autorisait que des opérations relevant du RELF visant à financer des navires maritimes. Lors de l’audience, la Commission a fait valoir que l’existence d’un pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale pour accorder son autorisation suffisait en elle-même pour rendre le RELF sélectif dans son ensemble.
88 S’agissant de la question du pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale, il convient de rappeler que l’existence d’un système d’autorisation n’implique pas en soi une mesure sélective. Tel est le cas lorsque le pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente est limité à la vérification des conditions qui sont établies pour servir un objectif fiscal identifiable et les critères à appliquer par cette autorité sont inhérents à la nature du régime fiscal (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, points 23 et 24). En revanche, un pouvoir discrétionnaire permettant à l’autorité compétente de moduler l’intervention financière en fonction de diverses considérations telles que le choix des bénéficiaires, le montant de l’intervention ou les conditions de la mesure accordée ne saurait être considéré comme présentant un caractère général (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 1996, France/Commission, C‑241/94, EU:C:1996:353, point 23, et du 29 juin 1999, DM Transport, C‑256/97, EU:C:1999:332, point 27). Dès lors, si les autorités compétentes disposent d’un pouvoir discrétionnaire étendu de déterminer les bénéficiaires et les conditions de la mesure accordée, l’exercice de ce pouvoir doit alors être considéré comme favorisant certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, EU:C:2013:525, point 27 ; arrêt sur pourvoi, point 55, et du 20 septembre 2019, Port autonome du Centre et de l’Ouest e.a./Commission, T‑673/17, non publié, EU:T:2019:643, point 188). De plus, même lorsque le régime d’aide a été exécuté au moyen de décisions individuelles impliquant un pouvoir discrétionnaire, la Commission n’est pas pour autant tenue de procéder à un examen au cas par cas des décisions d’octroi et d’apprécier dans chaque cas individuel si les conditions d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE sont réunies (arrêt du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission, T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, EU:T:2008:537, point 97).
89 En l’espèce, ainsi que la Commission le relève, il ressort de l’article 115 de la loi sur l’impôt des sociétés et de l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés que le système en cause était fondé sur l’obtention d’une autorisation préalable, plutôt que sur une simple notification, sur la base de critères vagues, requérant une interprétation de l’administration fiscale, qui n’avait pas publié de lignes directrices.
90 D’abord, selon l’article 115, paragraphe 6, de la loi sur l’impôt des sociétés, le montant déductible est déterminé « compte tenu du moment à partir duquel le bien est mis en état de service ».
91 Cependant, l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés dispose ce qui suit :
« Le ministère de l’économie peut déterminer, selon la procédure réglementaire établie, le moment auquel fait référence le paragraphe 6, eu égard aux particularités de la durée du contrat ou de la construction du bien, ainsi qu’aux spécificités de l’utilisation économique du bien […] »
92 L’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés établit la procédure réglementaire applicable. En particulier, cet article établit que la procédure commence par la présentation d’une demande par l’assujetti, qui doit contenir, à tout le moins, les informations suivantes : l’identification du bien, le moment antérieur à la mise en état de service à partir duquel les déductions sont demandées, les justifications relatives aux particularités de la durée du contrat ou de la construction du bien et les justifications relatives aux spécificités de l’utilisation économique du bien. La direction des finances responsable de ces procédures au sein du ministère de l’Économie peut demander toutes les informations et documents nécessaires. À l’issue de la procédure, la direction des finances peut accepter ou rejeter la demande ou fixer le début de l’amortissement anticipé à un moment différent de celui proposé par l’assujetti.
93 Il découle de ce qui précède que l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés introduisait des critères vagues qui ne pouvaient pas être considérés comme étant objectifs, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 133 de la décision attaquée. En particulier, il résulte de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés que l’administration fiscale pouvait fixer la date de début de l’amortissement eu égard aux « particularités de la durée du contrat » ou aux « spécificités de l’utilisation économique du bien », qui constituaient des critères vagues par nature et dont l’interprétation accordait une marge de discrétion importante à l’administration fiscale, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 133 de la décision attaquée.
94 Ainsi qu’il ressort du considérant 136 de la décision attaquée, l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés conférait également une marge de discrétion importante à l’administration fiscale. D’une part, la faculté de l’administration fiscale de demander toutes les informations et documents qu’elle estimait opportuns, combinée à la nature vague des critères, qui accordait ainsi à l’administration fiscale une marge d’appréciation importante quant à la nature des informations et documents pouvant être demandés, expliquait le fait que les dossiers de demande contenaient des documents détaillant les retombées positives pour l’économie et l’emploi en Espagne résultant des contrats de construction des navires. Ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 136 de la décision attaquée, ces considérations étaient sans lien évident avec le respect des critères prévus à l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés. D’autre part, ainsi que le souligne la Commission dans ses écritures, il découle de l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés que l’administration fiscale pouvait non seulement accorder ou rejeter l’autorisation, mais également fixer le début de l’amortissement à une date différente de celle proposée par l’assujetti, sans autre précision.
95 En outre, le système d’autorisation préalable, combiné à la nature vague des critères prévus, à la place d’une vérification a posteriori sur la base de critères objectifs, renforçait le caractère discrétionnaire du système, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 133 de la décision attaquée.
96 Même si le Royaume d’Espagne a soutenu, lors de l’audience, que l’administration fiscale ne disposait d’aucune marge de discrétion s’agissant de la vérification des conditions établies à l’article 115 de la loi sur l’impôt des sociétés et à l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés, force est de constater que l’examen de ces dispositions infirme cette thèse, ainsi qu’il ressort des points 89 à 95 ci-dessus.
97 Par ailleurs, Lico et PYMAR ont fait valoir, lors de l’audience, que la disposition prévue à l’article 49, paragraphe 6, du règlement sur l’impôt des sociétés visait seulement à prévenir la fraude, en évitant que l’amortissement ait lieu avant la construction du bien. À cet égard, il convient de relever que, selon le considérant 133 de la décision attaquée, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré pendant la procédure administrative que le libellé et les conditions imposées par l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés étaient nécessaires pour éviter les abus. Contrairement à ce que font valoir Lico et PYMAR, il suffit de relever que le libellé de l’article 49, paragraphe 6, du règlement sur l’impôt des sociétés, en ce qu’il permet à l’administration fiscale de fixer le début de l’amortissement à une date différente de celle proposée par l’assujetti sans autre précision, ne permet pas d’assurer que son utilisation soit circonscrite seulement à des situations de lutte contre la fraude.
98 Il convient également de rejeter l’argument avancé par Bankia e.a. selon lequel les critères en cause étaient identiques à ceux que la Commission a considéré comme étant objectifs dans la décision sur le nouveau RELF. Contrairement à ce que font valoir Bankia e.a., il ressort de la lecture de la décision sur le nouveau RELF que le Royaume d’Espagne a modifié significativement le régime en question. En particulier, les mesures notifiées prévoyaient des modifications significatives de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés ainsi que l’abrogation de l’article 49 du règlement sur l’impôt des sociétés. Par la nouvelle rédaction de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés, le Royaume d’Espagne envisageait d’instaurer un système de notification par l’assujetti, au lieu d’un système d’autorisation préalable, en vertu duquel l’assujetti pouvait déterminer que l’amortissement anticipé commençait à la date du début de la construction du bien, sous réserve que trois conditions cumulatives soient remplies : premièrement, les versements réguliers au titre de la location-vente doivent être effectués dans une large mesure avant la fin de la construction du bien, deuxièmement, la période de construction doit être au moins de douze mois et, troisièmement, il doit s’agir de biens qui ne sont pas construits en série. À la lumière de ces considérations, la Commission a conclu, aux considérants 34 à 36 de la décision sur le nouveau RELF, que ledit régime ne conférait plus un pouvoir discrétionnaire à l’administration fiscale. Force est de constater que les caractéristiques de ce nouveau régime décrites ci-dessus sont très différentes de celles du régime examiné par la décision attaquée.
99 Par ailleurs, contrairement à ce que suggèrent Bankia e.a., cette constatation est confirmée par l’arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission (T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029), relatif à la décision sur le nouveau RELF. En effet, cet arrêt confirme que la nouvelle version de l’article 115, paragraphe 11, de la loi sur l’impôt des sociétés diffère significativement de la version de cette disposition en vigueur dans le présent cas (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, points 81 à 83 et 93). Dès lors, l’argument avancé par Bankia e.a. ne saurait être accueilli.
100 Il en résulte que l’existence de ces aspects discrétionnaires était de nature à favoriser les bénéficiaires par rapport à d’autres assujettis se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable. En particulier, il résulte de ces aspects discrétionnaires que d’autres GIE auraient pu ne pas bénéficier de l’amortissement anticipé sous les mêmes conditions. De même, en raison desdits aspects discrétionnaires, d’autres entreprises actives dans d’autres secteurs ou ayant une autre forme, mais se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, auraient pu ne pas en bénéficier nécessairement sous les mêmes conditions. Eu égard au caractère discrétionnaire de jure des dispositions mentionnées au point 89 ci-dessus, il importe peu que leur application ait été discrétionnaire ou non de facto, ce que le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR contestent lorsqu’ils avancent que l’autorisation a été accordée en pratique à tous les GIE actifs dans le secteur en question qui l’avaient demandée.
101 Ainsi que l’a fait valoir la Commission, étant donné qu’une des mesures permettant de bénéficier du RELF dans son ensemble était sélective, à savoir l’autorisation de l’amortissement anticipé, c’est sans commettre d’erreur qu’elle a considéré, dans la décision attaquée, que le système était sélectif dans son ensemble.
102 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne la sélectivité des mesures, sans qu’il y ait besoin d’examiner les autres arguments avancés par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR sur cette question.
103 En ce qui concerne les arguments de Lico et de PYMAR s’agissant des conditions relatives au risque de distorsion de la concurrence et à l’affectation du commerce entre États membres, dans la mesure où ces arguments peuvent être interprétés comme visant à remettre en cause le bien-fondé des appréciations de la Commission, il y a lieu de relever que, au considérant 172 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les GIE étaient actifs sur le marché de l’acquisition et de la vente de navires maritimes, notamment en vue de leur affrètement coque nue, qui était ouvert au commerce entre États membres. De plus, selon ce même considérant, les investisseurs dans les GIE opèrent dans tous les secteurs de l’économie, y compris dans des secteurs ouverts au commerce entre États membres. Le même considérant de la décision attaquée ajoute par ailleurs que les avantages résultant du RELF renforcent « leur position dans leurs marchés respectifs », ce qui fausse ou menace de fausser la concurrence.
104 Aux fins de la qualification d’une mesure nationale en tant qu’aide d’État, il y a lieu d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence. En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre États membres, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, points 140 et 141).
105 À cet égard, il convient de rappeler que, selon le point 42 de l’arrêt sur pourvoi, c’est à bon droit que la décision attaquée a conclu que les GIE étaient actifs sur le marché de l’acquisition et de la vente de navires maritimes, notamment en vue de leur affrètement coque nue. Même si les considérations exposées dans la décision attaquée sur cette question sont succinctes, il y a lieu de relever que ce marché est incontestablement ouvert au commerce entre États membres, comme le confirme la présence de clients dans d’autres États membres, ainsi qu’il ressort par exemple de l’annexe 4 de la requête dans l’affaire T‑719/13, relative à un navire commandé par une compagnie maritime établie dans un autre État de l’Espace économique européen (EEE). Dès lors, la condition relative à l’affectation des échanges entre États membres doit être considérée comme étant remplie en l’espèce.
106 S’agissant du risque de fausser la concurrence, il ne saurait être nié qu’une réduction de 20 à 30 % du prix d’un navire, compte tenu du montant élevé que cela peut représenter, menace à tout le moins de fausser la concurrence sur le marché de l’acquisition et de la vente de navires maritimes, notamment en vue de leur affrètement coque nue, sur lequel sont actifs les GIE.
107 Dès lors, il convient de rejeter les arguments de Lico et de PYMAR relatifs au risque de fausser la concurrence et à l’affectation du commerce entre États membres.
108 Partant, au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
Sur la violation de l’obligation de motivation
109 Dans ses écritures en première instance dans l’affaire T‑515/13, mais également dans ses observations à la suite de l’arrêt sur pourvoi, le Royaume d’Espagne fait valoir que la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l’obligation de motivation, notamment en ce qui concerne la prétendue sélectivité des mesures et la distorsion de la concurrence.
110 De même, Lico et PYMAR avancent, aussi bien dans leurs écritures en première instance dans l’affaire T‑719/13 que dans leurs observations à la suite de l’arrêt sur pourvoi, que la décision attaquée doit être annulée en raison de plusieurs défauts de motivation.
111 Premièrement, Lico et PYMAR invoquent un grief tiré de l’absence de motivation en ce qui concerne la conclusion selon laquelle une aide était accordée aux GIE, mais non aux compagnies maritimes, alors que, dans les deux cas, il s’agissait de transactions entre opérateurs privés. Selon elles, la décision attaquée n’explique pas pourquoi l’avantage retenu par les GIE pour leur intermédiation dans le RELF constitue une aide d’État alors qu’ils participent simplement à l’avantage obtenu par les compagnies maritimes, qui n’est pas considéré comme étant une aide.
112 Deuxièmement, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation concernant les raisons pour lesquelles l’ordre de récupération vise les investisseurs dans les GIE alors que les bénéficiaires de l’aide étaient les GIE. À cet égard, Lico et PYMAR relèvent que la prétendue unité économique entre les investisseurs et les GIE, invoquée par la Commission dans le cadre du pourvoi, n’a pas été accueillie par la Cour.
113 De plus, Lico et PYMAR critiquent l’absence de motivation de l’ordre de récupération de l’intégralité de l’avantage fiscal accordé auprès des investisseurs alors que la décision attaquée reconnaît elle-même qu’une partie dudit avantage avait été transférée aux compagnies maritimes.
114 De surcroît, Lico et PYMAR soutiennent qu’il est artificieux d’élaborer un scénario fictif en calculant la proportion dans laquelle l’avantage obtenu par la compagnie maritime serait compatible s’il constituait une aide d’État, en vue de considérer comme compatible l’avantage obtenu par les GIE. Par ailleurs, il serait contradictoire pour la Commission d’appliquer les orientations maritimes aux GIE, même mutatis mutandis, alors qu’elle les considère comme de simples intermédiaires financiers, et non comme exerçant une activité de transport maritime.
115 Ainsi qu’il ressort de leurs observations à la suite de l’arrêt sur pourvoi, Bankia e.a. sont d’avis que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce qui concerne la sélectivité des mesures. En effet, selon elles, la décision attaquée n’a même pas tenté de démontrer que les mesures en cause introduisaient, par leurs effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal, dans une situation factuelle et juridique comparable, comme cela est requis par l’arrêt sur pourvoi.
116 Quant à Aluminios Cortizo, il ressort de ses observations à la suite de l’arrêt sur pourvoi qu’elle partage également le grief tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne notamment le fait que l’ordre de récupération de l’intégralité de l’aide vise exclusivement les investisseurs, alors que la décision attaquée reconnaît qu’entre 85 et 90 % de l’avantage était transféré vers les compagnies maritimes. Aluminios Cortizo ajoute que la décision attaquée est également insuffisamment motivée s’agissant de l’affirmation selon laquelle il n’était pas possible de quantifier l’avantage prétendument accordé aux chantiers navals.
117 La Commission conclut au rejet des allégations du Royaume d’Espagne, de Lico et de PYMAR ainsi que des intervenantes, Bankia e.a. et Aluminios Cortizo.
118 En vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, les actes juridiques sont motivés. En outre, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le droit à une bonne administration comprend l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.
119 Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée (voir arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 278 et jurisprudence citée).
120 Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 279).
121 En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 280).
122 En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un défaut ou une insuffisance de motivation, qui entravent le contrôle juridictionnel mentionné au point 119 ci-dessus, constituent des moyens d’ordre public qui peuvent, et même doivent, être soulevés d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, point 24 et jurisprudence citée).
123 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen soulevé par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR.
124 Il y a lieu de relever que, au point 101 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a jugé que la Commission avait fourni, dans la décision attaquée, les indications permettant de comprendre les raisons pour lesquelles elle avait considéré que les avantages découlant des mesures fiscales en cause présentaient un caractère sélectif et étaient susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser la concurrence et qu’elle avait, au regard des circonstances particulières de la présente affaire, motivé cette décision à suffisance et sans contradiction à cet égard en satisfaisant aux exigences de l’article 296 TFUE telles que précisées par la jurisprudence.
125 Nonobstant ce qui précède, le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR et les intervenantes font valoir que la décision attaquée est entachée d’une série de défauts de motivation qui n’ont pas encore été examinés par le juge de l’Union.
126 Premièrement, en ce qui concerne la sélectivité, il est reproché à la Commission de ne pas avoir identifié le système de référence aux fins de l’analyse de la sélectivité des mesures fiscales en cause, selon la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus. À cet égard, il suffit de constater que, au considérant 156, lu en combinaison avec les considérants 132 à 139 de la décision attaquée, la Commission explique à suffisance de droit les raisons pour lesquelles le RELF est sélectif au vu notamment des pouvoirs discrétionnaires de l’administration fiscale pour accorder l’autorisation pour l’amortissement anticipé sur la base de critères vagues, ainsi qu’il a été exposé aux points 88 à 102 ci-dessus.
127 Deuxièmement, quant à la prétendue absence de motivation relative à la conclusion selon laquelle une aide était accordée aux GIE, mais non aux compagnies maritimes, indépendamment du bien-fondé de cette appréciation, il suffit de constater que la Commission a expliqué, aux considérants 169 et 170 de la décision attaquée, que cette conclusion était fondée sur la considération selon laquelle l’aide aux GIE, accordée sous forme d’avantages fiscaux, était imputable directement à l’État alors que les normes applicables n’obligeaient pas à transférer une partie de l’avantage aux compagnies maritimes.
128 Troisièmement, s’agissant du prétendu défaut de motivation concernant les raisons pour lesquelles l’ordre de récupération visait les investisseurs dans les GIE alors que les bénéficiaires de l’aide étaient précisément les GIE, il ressort du considérant 161 de la décision attaquée que la Commission a conclu que l’avantage bénéficiait aux GIE et, en raison de leur transparence, à leurs investisseurs. Selon ce même considérant, les GIE sont transparents d’un point de vue fiscal et leurs dépenses déductibles sont dès lors transférées automatiquement à leurs investisseurs.
129 De plus, sans préjudice de l’appréciation du bien-fondé de l’ordre de récupération de l’intégralité de l’aide auprès des investisseurs malgré le constat qu’entre 85 et 90 % de l’avantage avait été transféré vers les compagnies maritimes, il y a lieu de relever que, selon les considérants 169 et 170 de la décision attaquée, cette décision résulte du constat selon lequel les règles applicables n’obligeaient pas les GIE et les investisseurs à transférer une partie de l’avantage vers d’autres opérateurs, tels que les compagnies maritimes.
130 En ce qui concerne le prétendu caractère artificieux ou contradictoire de l’application des orientations maritimes aux GIE, il suffit de relever que la décision attaquée a indiqué, au considérant 201, qu’il était approprié d’appliquer les orientations maritimes par analogie, ce qui satisfait aux exigences de l’obligation de motivation.
131 Quatrièmement, l’argument d’Aluminios Cortizo quant à l’insuffisance de la motivation en ce qui concerne l’affirmation figurant à la note en bas de page no 102 de la décision attaquée (correspondant à la note en bas de page no 101 de la version publiée au Journal officiel de l’Union européenne), selon laquelle il n’était pas possible de quantifier l’avantage prétendument accordé aux chantiers navals, repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il ressort des considérants 169 et 170 de la décision attaquée que, si la Commission a estimé qu’il n’y avait pas d’aide accordée aux chantiers navals, c’était parce que les règles applicables n’obligeaient pas à transférer une partie de l’avantage vers les chantiers navals, et non parce qu’il était impossible de quantifier l’avantage accordé à ceux-ci. Dans la note en bas de page en question, la Commission s’est limitée à rappeler que les chantiers navals n’étaient donc pas des bénéficiaires de l’aide, qu’il n’était pas possible de quantifier un flux économique en leur faveur et que, dès lors, il n’y avait pas lieu d’examiner la compatibilité de l’aide à la lumière des règles applicables au secteur de la construction navale.
132 Au vu de ce qui précède, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les objections soulevées par la Commission quant à l’intérêt de Lico et de PYMAR à contester une partie de la motivation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission, T‑533/10, EU:T:2014:629, point 170), le moyen tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté comme non fondé dans son intégralité.
Sur la violation du principe d’égalité de traitement
133 Dans le cadre du moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, avancé par le Royaume d’Espagne dans sa requête dans l’affaire T‑515/13, celui-ci fait valoir que la Commission n’a pas ordonné la récupération de l’aide dans deux affaires précédentes similaires, à savoir dans la décision du 8 mai 2001 concernant l’aide d’État mise à exécution par la France en faveur de la société « Bretagne Angleterre Irlande » (« BAI » ou « Brittany Ferries ») (JO 2002, L 12, p. 33, ci-après la « décision Brittany Ferries ») et dans la décision sur les GIE fiscaux français.
134 Le Royaume d’Espagne relève à cet égard que, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que le régime des GIE fiscaux français était comparable au RELF, car « ils partage[ai]nt une série de caractéristiques essentielles et [avaie]nt des effets similaires ». Les seules différences relevées seraient l’existence d’une exonération expresse dans le régime français alors que le régime espagnol résultait de l’application de diverses dispositions, le fait que la République française avait informé la Commission avant d’appliquer le régime même si elle ne l’avait pas notifié et la circonstance que la Commission ne s’était encore jamais prononcée sur ce type de régime. Ces prétendues différences seraient toutefois inopérantes.
135 Premièrement, le Royaume d’Espagne considère que l’existence d’une exonération expresse dans la décision sur les GIE fiscaux français ne peut pas être déterminante, car l’exonération espagnole se fonde essentiellement sur le régime de la taxation au tonnage prévu par la loi sur l’impôt des sociétés, à laquelle il ne saurait être dérogé ou qui ne saurait être modifiée par une norme de rang inférieur comme l’article 50, paragraphe 3, du règlement sur l’impôt des sociétés.
136 Deuxièmement, le fait que les autorités françaises aient porté ce régime à la connaissance de la Commission serait dénué de pertinence, puisque leur lettre faisant état de ce mécanisme ne constituait pas une notification. Le Royaume d’Espagne relève en outre qu’il a lui aussi envoyé des lettres afin de clarifier certaines questions à la suite d’une plainte introduite auprès de la Commission.
137 Troisièmement, le Royaume d’Espagne soutient que le fait que, au moment de l’ouverture de l’enquête formelle sur le RELF, la Commission s’était déjà prononcée sur les GIE fiscaux français est également dénué de pertinence en raison des différences entre ces deux régimes. Dès lors, les incertitudes causées par la Commission, notamment en raison de la décision Brittany Ferries, demeurant toujours, le Royaume d’Espagne fait valoir que la récupération des aides n’aurait pas dû être imposée, en vertu du principe d’égalité de traitement.
138 La Commission conclut au rejet des arguments avancés par le Royaume d’Espagne.
139 Selon la jurisprudence, le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 110). De plus, la charge de la preuve du caractère comparable des situations incombe à celui qui l’invoque (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 114).
140 Premièrement, en ce qui concerne l’argument relatif à la décision Brittany Ferries, il convient de relever que le Royaume d’Espagne se limite à invoquer cette décision, sans pour autant expliquer de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles les situations en cause seraient comparables. Par ailleurs, il ressort du considérant 251 de la décision attaquée et du considérant 193 de la décision Brittany Ferries que la Commission a relevé dans cette dernière que les avantages fiscaux en cause résultant de la constitution de GIE étaient des mesures générales, et n’étaient donc pas des aides d’État. Dès lors, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne suggère, la Commission n’a pas renoncé à ordonner la récupération de l’aide dans la décision Brittany Ferries alors qu’elle a ordonné la récupération en l’espèce. En réalité, la Commission est plutôt parvenue à des conclusions différentes, en considérant que les avantages fiscaux résultant des GIE ne constituaient pas des aides d’État dans la décision Brittany Ferries alors que le RELF constituait une aide d’État selon la décision attaquée.
141 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une partie requérante ne saurait s’appuyer, au soutien de son argument, sur une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, même à supposer que celle-ci soit établie, qui serait contraire à la correcte interprétation des dispositions du traité (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, points 52 et 53, et du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission, T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418, point 51). Dès lors, indépendamment des différences entre les régimes en cause dans la décision Brittany Ferries et dans la décision attaquée, en tout état de cause, il y a lieu de considérer que le Royaume d’Espagne ne saurait se prévaloir d’un éventuel changement de la pratique de la Commission à l’appui du présent moyen.
142 Deuxièmement, il convient de constater que, selon le considérant 214 de la décision attaquée, le régime des GIE fiscaux français peut être considéré comme comparable au RELF à plusieurs égards, notamment en raison de l’intermédiation d’un GIE fiscalement transparent et d’investisseurs entre le constructeur de l’actif et son acheteur, la conclusion d’un contrat de location-financement, l’amortissement accéléré et anticipé de l’actif par le GIE, l’exemption de l’impôt des sociétés des plus-values résultant de la vente de l’actif et le transfert d’une partie des avantages par le GIE et ses investisseurs à l’acheteur de l’actif. Toutefois, aux considérants 214 et 215 de la décision attaquée, la Commission a ajouté qu’il existait également certaines différences, à savoir le fait que, dans le régime des GIE fiscaux français, l’exemption des plus-values était explicite alors que, dans le RELF, cette exemption résultait de l’application conjointe de plusieurs dispositions, le fait que la République française avait informé la Commission du régime même si elle ne l’avait pas notifié et le fait que, au moment de la décision attaquée, la Commission s’était déjà prononcée sur un régime similaire, notamment le régime des GIE fiscaux français.
143 Il y a lieu de relever que l’argumentation du Royaume d’Espagne est dans une certaine mesure contradictoire en ce que, d’une part, il conteste l’existence ou le caractère significatif des prétendues différences entre le régime des GIE fiscaux français et le RELF et, d’autre part, il affirme que la Commission ne pouvait pas s’appuyer sur le fait que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, elle s’était déjà prononcée sur un régime similaire, à savoir celui des GIE fiscaux français, car ces régimes étaient trop différents.
144 À cet égard, il suffit de constater que, compte tenu de l’existence de similitudes significatives entre le régime des GIE fiscaux français et le RELF, identifiées au considérant 214 de la décision attaquée, la Commission a limité l’obligation de récupération dans la décision sur les GIE fiscaux français et aussi en l’espèce, et ce notamment en raison des incertitudes soulevées par sa décision Brittany Ferries, qui pouvait suggérer que ce type de mesures n’étaient pas des aides d’État en raison de leur caractère général. Dès lors, de ce point de vue, il convient de constater qu’il n’y a pas de différence de traitement entre la situation relative aux GIE fiscaux français et le RELF.
145 Il est vrai que, alors que, dans la décision sur les GIE fiscaux français, l’obligation de récupération commençait seulement à partir de la date de publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission a, en l’espèce, imposé cette obligation à partir de la date de publication de sa propre décision sur les GIE fiscaux français (antérieure à celle de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen qui a mené à l’adoption de la décision attaquée). Toutefois, cette différence de traitement est objectivement justifiée par le fait que l’incertitude résultant de la décision Brittany Ferries, qui expliquait la non-récupération partielle, n’existait plus depuis la publication de la décision sur les GIE fiscaux français, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, comme il sera plus amplement expliqué aux points 191 à 206 ci-après.
146 Il résulte de tout ce qui précède que l’argument tiré de la violation du principe d’égalité de traitement en raison de la décision sur les GIE fiscaux français doit donc être rejeté.
147 Dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen comme non fondé.
Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime
148 Dans le cadre de l’affaire T‑515/13, le Royaume d’Espagne avance un moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime visant à obtenir l’annulation de l’ordre de récupération de l’aide pour la période allant jusqu’à la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, à savoir le 21 septembre 2011, alors que la décision attaquée a ordonné la récupération à partir de la publication de la décision sur les GIE fiscaux français, à savoir le 30 avril 2007.
149 Le Royaume d’Espagne invoque une série d’éléments qui auraient fait naître cette confiance légitime, à savoir la décision Brittany Ferries, la décision sur les GIE fiscaux français, une demande de renseignements de la Commission aux autorités espagnoles du 21 décembre 2001, la décision 2005/122/CE de la Commission, du 30 juin 2004, concernant l’aide d’État que les Pays-Bas envisagent de mettre à exécution en faveur de quatre chantiers navals dans le cadre de six contrats de construction navale (JO 2005, L 39, p. 48, ci-après la « décision sur les chantiers navals néerlandais »), une lettre de la Commissaire responsable de la direction générale (DG) « Concurrence » du 9 mars 2009, la communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO 1998, C 384, p. 3) et la décision de la Commission C(2002) 582 final, du 27 février 2002, concernant l’aide d’État N736/2001 – Régime pour la taxation des sociétés de transport maritime en fonction du tonnage (taxe sur le tonnage) (JO 2004, C 38, p. 5). En outre, il soutient que c’est la première fois que la Commission a analysé conjointement une série de mesures distinctes qui n’avaient pas été conçues comme un régime par le législateur national. Enfin, le Royaume d’Espagne conteste la circonstance que l’adoption de la décision sur les GIE fiscaux français a mis fin à la confiance légitime qu’il aurait fondée sur le fait que les mesures espagnoles ne constituaient pas une aide d’État, car les deux régimes étaient très différents.
150 Dans leur requête dans l’affaire T‑719/13, Lico et PYMAR avancent également un moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime visant à obtenir l’annulation de l’ordre de récupération de l’aide.
151 Premièrement, en ce qui concerne les actes qui auraient fait naître une confiance légitime, Lico et PYMAR se fondent notamment sur la décision sur les chantiers navals néerlandais et la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009.
152 Deuxièmement, Lico et PYMAR ajoutent que les opérateurs ne pouvaient pas prévoir le changement dans la ligne de conduite de la Commission, car la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » indiquait que la Commission avait déjà analysé le RELF et n’envisageait pas de mesures additionnelles. De plus, dans la décision Brittany Ferries, la Commission aurait conclu qu’un régime analogue au RELF ne constituait pas une aide d’État.
153 Troisièmement, Lico et PYMAR font valoir que la décision attaquée n’identifie aucun intérêt supérieur de l’Union qui l’emporterait sur l’intérêt des opérateurs affectés.
154 La Commission conclut au rejet de l’existence d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.
155 Il y a lieu de rappeler d’abord qu’une confiance légitime dans la régularité d’une aide d’État ne saurait en principe, et sauf circonstances exceptionnelles, être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 134).
156 Ainsi, la jurisprudence n’exclut pas la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide illégale, car non notifiée, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder leur confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement (arrêt du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T‑88/02, EU:T:2009:314, point 282).
157 Il ressort de la jurisprudence que le principe de protection de la confiance légitime peut être invoqué lorsque trois conditions sont remplies.
158 Premièrement, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants (arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63). De plus, ces assurances doivent émaner de sources autorisées et fiables. Par ailleurs, seules les assurances conformes aux normes applicables peuvent fonder une confiance légitime (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 77).
159 Deuxièmement, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 147, et du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 71).
160 Troisièmement, lorsque les institutions de l’Union ont créé une situation susceptible de faire naître pour le justiciable une confiance légitime, celle-ci peut néanmoins être écartée lorsque l’institution en cause démontre qu’il existe un intérêt public supérieur prévalant sur les intérêts privés affectés (voir, en ce sens, arrêts du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, EU:C:1990:259, points 16 et 19 ; du 17 juillet 1997, Affish, C‑183/95, EU:C:1997:373, point 57, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 164).
161 C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le cas d’espèce.
162 S’agissant de la première condition, il est utile de rappeler que, aux considérants 219 à 245 de la décision attaquée, la Commission a examiné une série d’éléments identifiés par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR et a conclu qu’ils ne donnaient pas lieu à une quelconque confiance légitime. Dès lors, il convient de vérifier si ces éléments constituent des assurances précises, inconditionnelles et concordantes.
163 En premier lieu, il convient de relever que la décision Brittany Ferries et la décision sur les GIE fiscaux français ne peuvent pas être considérées comme fournissant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, puisqu’elles ne mentionnent pas directement ou indirectement le RELF.
164 En deuxième lieu, il y a lieu de rejeter l’argument fondé sur la demande de renseignements de la Commission aux autorités espagnoles du 21 décembre 2001, car cette demande et l’éventuelle inaction ultérieure de la Commission pendant une certaine période ne constituent pas des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à la légalité du RELF. En effet, ainsi que le relève le considérant 222 de la décision attaquée, dans cette demande de renseignements, la Commission s’est limitée à solliciter des informations additionnelles concernant l’existence éventuelle d’un régime de leasing fiscal applicable aux navires en Espagne afin de pouvoir l’examiner à la lumière des règles sur les aides d’État. Par ailleurs, l’inaction ultérieure de la Commission n’est pas susceptible de constituer des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, eu égard au contenu de la réponse des autorités espagnoles. En effet, cette réponse est à tout le moins équivoque en ce que les autorités espagnoles ont affirmé qu’il n’existait aucun régime de leasing fiscal autre que celui qui avait déjà été approuvé par la Commission dans une décision préalable.
165 En troisième lieu, l’argument fondé sur la communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (voir point 149 ci-dessus), qui indique que les règles de dépréciation et d’amortissement ne constituent pas des aides d’État lorsqu’elles s’appliquent indifféremment à toutes les entreprises et toutes les productions, ne saurait fonder une confiance légitime dès lors que, comme le relève le considérant 242 de la décision attaquée, le RELF ne s’applique pas à toutes les entreprises et à toutes les productions.
166 En quatrième lieu, la décision C(2002) 582 final de la Commission, du 27 février 2002, relative à la taxe sur le tonnage (voir point 149 ci-dessus), qui avait déclaré la compatibilité de ce régime, ne saurait donner lieu à une confiance légitime, car elle portait sur l’exploitation de navires propres ou loués, et non sur les activités financières relatives à l’affrètement de navires coque nue, comme en l’espèce, ainsi qu’il ressort à juste titre du considérant 245 de la décision attaquée.
167 En cinquième lieu, même à supposer que ce soit la première fois que la Commission a analysé conjointement une série de mesures distinctes qui n’avaient pas été conçues comme un régime par le législateur national, ce que la Commission conteste par ailleurs, ni le Royaume d’Espagne ni les opérateurs économiques ne sauraient fonder sur ce seul fait l’existence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes selon lesquelles le RELF ne constituait pas une aide d’État. En effet, comme l’a relevé à juste titre la Commission aux considérants 238 et 239 de la décision attaquée, ce seul fait ne saurait exclure en soi qu’elle pouvait procéder à une évaluation globale des mesures, et ce d’autant plus qu’elle a également examiné les mesures individuellement.
168 En sixième lieu, il convient de relever que la décision sur les chantiers navals néerlandais ne contient pas des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à la légalité du RELF. En effet, dans la décision sur les chantiers navals néerlandais, la Commission n’a pas affirmé de manière précise, inconditionnelle et concordante que, après avoir réalisé une analyse complète et approfondie, elle était parvenue à la conclusion que le RELF ne constituait pas une aide d’État. D’une part, ainsi que le relève le considérant 224 de la décision attaquée, l’objet de la décision sur les chantiers navals néerlandais n’était pas le RELF, mais un régime néerlandais. Dès lors, elle se référait uniquement de manière incidente aux mesures espagnoles. D’autre part, comme il ressort du considérant 225 de la décision attaquée, les mesures espagnoles que les Pays-Bas tentaient de compenser n’étaient pas le RELF, mais de prétendus subsides sur les taux d’intérêt bénéficiant à des chantiers navals espagnols.
169 En septième lieu, s’agissant de la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009, il convient de relever qu’elle a été envoyée en réponse à la ministre du Commerce et de l’Industrie du Royaume de Norvège, qui, après avoir suggéré que le RELF constituait un régime d’aides aux chantiers navals espagnols, avait demandé des renseignements sur les actions que la Commission envisageait. Dans sa réponse, la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » indiquait que la Commission avait examiné la question et que, puisque le régime était ouvert à l’acquisition de navires construits par des chantiers navals d’autres États membres sans discrimination, elle n’envisageait pas d’adopter de mesures additionnelles « à ce stade ».
170 À cet égard, ainsi que le font valoir à juste titre Lico et PYMAR, il y a lieu de constater que l’argument figurant au considérant 233 de la décision attaquée, selon lequel la lettre en question n’était pas un acte formel de la Commission, n’est pas décisif.
171 En effet, comme le relèvent Lico et PYMAR, il a été jugé que l’imputabilité des déclarations d’un fonctionnaire à l’autorité dépendait, notamment, de la perception que le public avait pu avoir de ces déclarations. L’élément déterminant pour que les déclarations d’un fonctionnaire soient imputées à l’autorité réside dans la question de savoir si les destinataires de ces déclarations peuvent raisonnablement supposer, dans le contexte donné, qu’il s’agit de positions que le fonctionnaire prend avec l’autorité de sa fonction. À cet égard, il y a lieu d’apprécier, en particulier, si le fonctionnaire est, de manière générale, compétent dans le secteur en question ; s’il diffuse ses déclarations écrites en utilisant le papier à en-tête officiel du service compétent ; s’il accorde des entretiens télévisés dans les locaux de son service ; s’il ne mentionne pas le caractère personnel de ses déclarations et n’indique pas qu’elles divergent de la position officielle du service compétent et si les services de l’autorité compétente n’entreprennent pas, dans les meilleurs délais, les démarches nécessaires pour dissiper, chez les destinataires des déclarations du fonctionnaire, l’impression qu’il s’agit de prises de position officielles de l’autorité (voir, par analogie, arrêt du 17 avril 2007, AGM-COS.MET, C‑470/03, EU:C:2007:213, points 56 à 58).
172 Dès lors, il ne saurait être exclu qu’une lettre adressée par la plus haute responsable des services de la concurrence de la Commission en cette qualité, ainsi qu’il ressort tant de l’en-tête de la lettre que de la signature, à la ministre du Commerce et de l’Industrie du Royaume de Norvège, à savoir l’autorité compétente en la matière dans ce pays, soit susceptible en principe de faire naître une confiance légitime pour les opérateurs économiques concernant l’appréciation du RELF à la lumière des règles sur les aides d’État.
173 De même, le fait que la lettre en question ne soit pas adressée aux opérateurs économiques qui l’invoquent n’est pas décisif, à condition que son contenu leur ait été communiqué. En l’espèce, il semblerait que le contenu de cette lettre était connu des opérateurs économiques participant au RELF depuis 2009, ainsi qu’il ressort d’une lettre envoyée par une compagnie maritime norvégienne à un chantier naval espagnol en avril 2009 et d’une lettre envoyée par le ministère de l’Industrie espagnol qui affirme avoir informé tous les opérateurs concernés de cette lettre lors de leurs réunions périodiques.
174 Cependant, afin que la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » puisse effectivement faire naître une confiance légitime, encore faut-il que, eu égard à son contenu, elle fournisse des assurances précises, inconditionnelles et concordantes. Or, ainsi qu’il ressort à juste titre des considérants 235 et 236 de la décision attaquée, tel n’est pas le cas en l’espèce. Force est de constater que cette lettre n’affirme pas de manière précise, inconditionnelle et concordante que, après avoir réalisé une analyse complète et approfondie, la Commission est parvenue à la conclusion que le RELF ne constituait pas une aide d’État. En effet, dans la mesure où la lettre des autorités norvégiennes faisait état de préoccupations des chantiers navals de ce pays, la lettre de la Commissaire se limitait à indiquer que le RELF ne semblait pas opérer une discrimination à l’encontre des chantiers navals d’autres États membres. En outre, ladite lettre ajoutait qu’il n’était pas envisagé de mesures additionnelles « à ce stade », ce qui indiquait que cette position était susceptible de modifications si de nouveaux éléments étaient apportés. Dès lors, le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR ne sauraient fonder une quelconque confiance légitime dans cette lettre.
175 Compte tenu des considérations qui précèdent concernant la première des trois conditions cumulatives relatives à la violation du principe de protection de la confiance légitime, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conditions.
176 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.
Sur la violation du principe de sécurité juridique
177 Dans sa requête dans l’affaire T‑515/13, le Royaume d’Espagne avance un moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique au soutien de son chef de conclusions tendant à obtenir l’annulation de l’ordre de récupération de l’aide pour la période allant jusqu’à la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, alors que la décision attaquée a ordonné la récupération à partir de la publication de la décision sur les GIE fiscaux français.
178 Premièrement, le Royaume d’Espagne soutient qu’une série d’éléments ont donné lieu à une situation d’incertitude juridique concernant la régularité du RELF. En particulier, la décision Brittany Ferries aurait permis aux opérateurs économiques de considérer de manière fondée que les avantages fiscaux en cause étaient des mesures à caractère général. De plus, la lettre du 9 mars 2009 envoyée par la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » aux autorités norvégiennes aurait renforcé la situation d’incertitude juridique. En effet, le Royaume d’Espagne fait valoir que cette lettre indiquait explicitement que la Commission était au courant de l’existence du régime et que, après l’avoir analysé, elle considérait qu’il ne soulevait aucun problème à la lumière des règles sur les aides d’État. Dès lors, ladite lettre aurait contribué à faire croire aux opérateurs participant au RELF que celui-ci était légal. Par ailleurs, le Royaume d’Espagne relève que la presse a largement diffusé le contenu de la lettre à l’époque.
179 Deuxièmement, le Royaume d’Espagne relève l’inaction prolongée de la Commission au-delà du délai raisonnable bien qu’elle fût au courant de l’existence du RELF. Compte tenu de cette connaissance, il serait inopérant que des plaintes aient été introduites par des chantiers navals d’autres États membres uniquement en 2006. Dès lors, il considère qu’il n’y a pas lieu de demander la récupération de l’aide avant la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne le 21 septembre 2011.
180 Dans leur requête dans l’affaire T‑719/13, Lico et PYMAR font valoir que l’ordre de récupération des aides accordées viole le principe de sécurité juridique.
181 Premièrement, s’agissant des éléments qui auraient donné lieu à la situation d’incertitude juridique, Lico et PYMAR invoquent en particulier la décision Brittany Ferries.
182 Lico et Pymar soutiennent, contrairement à la Commission, que la décision sur les GIE fiscaux français n’aurait pas mis fin à cette insécurité juridique, car il existerait des différences importantes entre le régime français et le RELF. D’abord, le régime français résultait d’une disposition du code général des impôts alors que le RELF était fondé sur l’application conjointe de plusieurs dispositions. Par ailleurs, dans le régime français, une partie de l’avantage devait être obligatoirement transférée vers la compagnie maritime alors que, dans le RELF, cela résultait d’accords privés entre les parties. De surcroît, la Commission a considéré que le régime français constituait une aide au transport alors que, en l’espèce, elle a conclu qu’il s’agissait d’une aide aux investisseurs. À la lumière de ces différences, Lico et PYMAR soutiennent que les opérateurs économiques ne pouvaient pas prévoir que les conclusions de la Commission sur le régime français devaient être extrapolées au RELF. En outre, la décision sur les GIE fiscaux français n’aurait pas indiqué explicitement que le contenu de la décision Brittany Ferries était incorrect ou que la Commission avait adopté une autre position.
183 Lico et PYMAR soutiennent que d’autres éléments ont contribué à la création d’une situation d’insécurité juridique, à savoir la décision sur les chantiers navals néerlandais et la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009.
184 En ce qui concerne la décision sur les chantiers navals néerlandais, Lico et PYMAR font valoir qu’il peut en être déduit que la Commission connaissait l’existence du RELF et que, sur la base des informations reçues, elle considérait que le régime ne constituait pas une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. Dès lors, s’il n’est pas admis que cette décision a renforcé une confiance légitime, Lico et PYMAR soutiennent que, à tout le moins, ladite décision a accru l’incertitude qui existait sur la légalité du RELF. En effet, compte tenu de l’obligation de la Commission de mener une enquête diligente et impartiale, des déclarations telles que celles figurant dans la décision sur les chantiers navals néerlandais, qui a été publiée, pourraient facilement amener à penser que le RELF était légal.
185 Lico et PYMAR soutiennent également que, s’il n’est pas admis que la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » ait pu faire naître une confiance légitime, il y a lieu de reconnaître à tout le moins qu’elle a renforcé l’ambiguïté quant à la légalité du RELF. À cet égard, Lico et PYMAR rappellent le contexte dans lequel cette lettre a été envoyée. En particulier, elles relèvent que les autorités espagnoles et les services de la Commission ont eu des échanges et ont tenu des réunions au sujet du RELF en 2008. Selon elles, lors de ces échanges, il aurait été convenu que le RELF ne serait pas considéré comme une aide d’État si les autorités espagnoles adoptaient un avis contraignant clarifiant le fait que le RELF était applicable aux navires construits dans tout chantier naval de l’EEE. De plus, les autorités espagnoles auraient envoyé un projet d’avis à la Commission, qui l’aurait révisé et aurait suggéré des modifications rédactionnelles, incorporées dans la version finale. Les services de la Commission auraient affirmé que le contenu de l’avis contraignant était « impeccable ». Pour Lico et PYMAR, c’est dans ce contexte que la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » a été envoyée en 2009.
186 Deuxièmement, Lico et PYMAR soutiennent que la Commission était au courant de l’existence du RELF depuis sa mise en œuvre, ainsi que cela est démontré par les demandes de renseignements envoyées aux autorités espagnoles dès 2001. De plus, l’approbation des mesures composant le RELF aurait été publiée au Boletín Oficial del Estado (bulletin officiel de l’État) et aurait été largement diffusée dans la presse. Nonobstant cela, la Commission serait demeurée inactive pendant près de dix ans sans ouvrir de procédure formelle d’examen, ce qui constituerait un délai excessif. Par ailleurs, Lico et PYMAR affirment qu’il est contradictoire de renoncer à la récupération des aides accordées entre 2002 et 2006 en raison de la violation du principe de sécurité juridique, tout en prétendant que cette période ne peut pas être prise en compte pour examiner si la Commission est demeurée inactive pendant une période excessive. En tout état de cause, même à supposer qu’il y ait lieu d’examiner si la Commission a agi dans un délai raisonnable seulement à partir de 2006, Lico et PYMAR considèrent que la réponse doit être négative, par analogie avec l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), dans lequel la Commission a mis 26 mois à adopter sa décision. De plus, elles relèvent que, si le RELF est aussi similaire au régime visé par la décision sur les GIE fiscaux français que le prétend la Commission, quod non, les cinq ans qui se sont écoulés jusqu’à la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen en l’espèce sont alors clairement excessifs. Au vu de ce qui précède, Lico et PYMAR considèrent que la situation d’insécurité juridique a subsisté jusqu’à la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen en 2011.
187 Dans leurs observations sur la suite de la procédure dans l’affaire T‑719/13 RENV, Bankia e.a. soutiennent que l’existence d’une violation du principe de protection de la confiance légitime est indépendante de la violation du principe de sécurité juridique, contrairement à ce que la Commission semble suggérer. Selon elles, la violation du principe de sécurité juridique a subsisté jusqu’à la publication de la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne.
188 De plus, Bankia e.a. relèvent que la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » est postérieure à la décision sur les GIE fiscaux français. Dès lors, cette décision n’aurait pas pu mettre fin à la situation d’insécurité juridique.
189 Enfin, Bankia e.a. considèrent que, si le cas des GIE fiscaux français était aussi similaire à celui de l’espèce que le prétend la Commission, la période de cinq ans qui s’est écoulée entre la décision sur les GIE fiscaux français et la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen serait excessive.
190 La Commission conclut au rejet des arguments avancés par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR.
191 Par le présent moyen, le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR font valoir la violation du principe de sécurité juridique afin de demander l’annulation de l’ordre de récupération pour toute la période allant jusqu’à la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, à savoir le 21 septembre 2011, alors que la décision attaquée a ordonné la récupération à partir de la publication de la décision sur les GIE fiscaux français, à savoir le 30 avril 2007.
192 À titre liminaire, il convient de rappeler que les conclusions de la partie intervenante ne peuvent tendre qu’au soutien ou au rejet des conclusions d’une des parties principales au litige et que la partie intervenante ne dispose donc pas de la possibilité de modifier d’une quelconque manière l’objet du recours (voir, en ce sens, ordonnance du 6 février 1995, Auditel/Commission, T‑66/94, EU:T:1995:20, point 27). En l’espèce, Bankia e.a. demandent l’annulation de l’ordre de récupération également pour la période allant du 21 septembre 2011, date de la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au 16 avril 2014, date de la publication de la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne, alors que Lico et PYMAR demandent l’annulation de l’ordre de récupération seulement jusqu’à la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen le 21 septembre 2011. Dès lors, la demande d’annulation de l’ordre de récupération pour cette période additionnelle, présentée par Bankia e.a., dépasse la portée du recours présenté par Lico et PYMAR et doit être rejetée comme étant irrecevable.
193 Il ressort de la jurisprudence que la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure. Ce n’est que si des circonstances exceptionnelles se présentent qu’il pourrait être inapproprié d’ordonner le remboursement de l’aide (arrêt du 8 décembre 2011, Residex Capital IV, C‑275/10, EU:C:2011:814, points 33 et 35). En particulier, la jurisprudence n’exclut pas la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide illégale, car non notifiée, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, telles que la violation du principe de sécurité juridique, pour s’opposer à son remboursement (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, points 106 et 107).
194 De plus, le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit certaine et que son application soit prévisible pour les justiciables (arrêt du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 77), afin qu’ils puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 22 février 1989, Commission/France et Royaume-Uni, 92/87 et 93/87, EU:C:1989:77, point 22). Cet impératif de sécurité juridique s’impose avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (voir arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 97 et jurisprudence citée).
195 Il convient de relever que, en matière d’aides d’État, les recours visant à s’opposer à l’obligation de récupération sur le fondement d’une violation du principe de sécurité juridique ne sont accueillis que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. L’un des rares exemples d’un recours de ce type ayant été accueilli est celui ayant donné lieu à l’arrêt du 1er juillet 2004, Salzgitter/Commission (T‑308/00, EU:T:2004:199). Or, cet arrêt a été annulé sur pourvoi par l’arrêt du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter (C‑408/04 P, EU:C:2008:236), et, à la suite du renvoi opéré par la Cour, le Tribunal a finalement considéré que les conditions pour établir une violation du principe de sécurité juridique n’étaient pas remplies dans l’arrêt du 22 janvier 2013, Salzgitter/Commission (T‑308/00 RENV, EU:T:2013:30).
196 Il ressort de la jurisprudence qu’il convient d’examiner une série d’éléments afin de rechercher l’existence d’une violation du principe de sécurité juridique, notamment l’absence de clarté du régime juridique applicable (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 77) et/ou l’inaction de la Commission pendant une période prolongée sans justification (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, EU:C:1987:502, points 14 et 15, et du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, points 106 et 107). S’agissant de ce dernier élément, il importe de rappeler que la Commission est tenue d’agir dans un délai raisonnable dans le cadre d’une procédure d’examen d’aides d’État et qu’elle n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen. Il convient d’ajouter que le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 81 et 82).
197 Dès lors, il convient de vérifier l’existence de telles circonstances exceptionnelles s’opposant à l’ordre de récupération en l’espèce.
198 À cet égard, il importe de rappeler que la Commission admet, aux considérants 251, 261 et 262 de la décision attaquée, que le principe de sécurité juridique s’opposait à la récupération des aides jusqu’à la publication de la décision sur les GIE fiscaux français. En effet, la Commission ne conteste pas que la décision Brittany Ferries, de 2001, aurait pu conduire les opérateurs économiques à considérer que les avantages fiscaux en cause étaient des mesures à caractère général et ne constituaient dès lors pas des aides d’État. Cependant, elle soutient que cette situation d’insécurité juridique a disparu au moment de la publication de la décision sur les GIE fiscaux français, le 30 avril 2007. Pour cette raison, sont sans pertinence afin d’examiner le bien-fondé du présent moyen les éléments antérieurs à cette date invoqués par les parties, tels que la prétendue inaction de la Commission après la demande de renseignements de 2001 ou la décision sur les chantiers navals néerlandais de 2004.
199 S’agissant des effets de la publication de la décision sur les GIE fiscaux français en avril 2007, il y a lieu de relever que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que cette décision avait fait cesser toute insécurité juridique en ce qu’elle aurait dû amener un opérateur économique prudent et avisé à considérer qu’un régime similaire au RELF pourrait constituer une aide d’État. À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la décision sur les GIE fiscaux français qu’un système pour la construction de navires maritimes et leur mise à disposition de compagnies maritimes, par l’intermédiaire de GIE et avec l’utilisation de contrats de location-financement, qui engendrait certains avantages fiscaux, était susceptible de constituer un régime d’aides d’État. S’il est vrai que le régime en cause dans la décision sur les GIE fiscaux français et le RELF n’étaient pas identiques, aucun élément ne permet d’établir que leurs différences étaient plus marquées que celles existant entre le RELF et le régime en cause dans la décision Brittany Ferries, invoquée par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR à l’appui du présent moyen.
200 En outre, les circonstances postérieures à la publication de la décision sur les GIE fiscaux français invoquées par le Royaume d’Espagne, Lico et PYMAR ne s’opposent pas à ce que cette publication ait mis fin à la situation d’insécurité juridique, comme le soutient la Commission à juste titre.
201 Premièrement, ainsi qu’il ressort du considérant 257 de la décision attaquée, la lettre de la Commissaire responsable de la DG « Concurrence » du 9 mars 2009 ne saurait avoir contribué à créer ou à maintenir une situation d’insécurité juridique, eu égard aux considérations exposées au point 174 ci-dessus. En effet, cette lettre se limite à indiquer que le RELF ne créait pas de discrimination à l’encontre de chantiers navals d’autres États membres, ajoutant que la Commission n’envisageait pas de mesures additionnelles « à ce stade ».
202 Deuxièmement, en ce qui concerne la prétendue période d’inaction prolongée de la Commission après la publication de la décision sur les GIE fiscaux français, indépendamment de la question de savoir s’il s’agit simplement d’un élément parmi d’autres permettant d’établir l’existence d’une violation du principe de sécurité juridique ou d’une condition indispensable et cumulative, comme le prétend la Commission, force est de constater que, en tout état de cause, la Commission n’est pas demeurée inactive pendant une période déraisonnable en l’espèce.
203 En effet, compte tenu du fait que l’examen doit se limiter à la période postérieure à la publication de la décision sur les GIE fiscaux français en avril 2007, puisque, avant cette date, la Commission a reconnu l’existence d’une situation d’insécurité juridique, il convient de relever que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen dans le cas présent a été publiée en septembre 2011, à savoir presque quatre ans et demi après.
204 À cet égard, il ressort des considérants 259 et 261 de la décision attaquée que, parmi les huit demandes de renseignement envoyées par la Commission aux autorités espagnoles, six ont été envoyées pendant la période mentionnée au point 203 ci-dessus et que les mesures en cause étaient complexes, ce qui ne saurait être contesté. Pour ces raisons, il ne saurait être reproché à la Commission d’être restée inactive sans justification pendant une période déraisonnable compte tenu des circonstances du cas d’espèce.
205 En ce qui concerne l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502, points 12 et 14), invoqué par Lico et PYMAR à l’appui de leur prétention, dans lequel un délai injustifié de 26 mois a été jugé comme excessif, il y a lieu de relever que les circonstances exceptionnelles de l’affaire ont joué un rôle décisif dans la solution retenue par la Cour, de sorte que celle-ci ne saurait être simplement transposée à d’autres cas d’espèce. En particulier, l’aide à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), avait fait l’objet, quoique tardivement après son versement, d’une notification formelle à la Commission. Par ailleurs, elle se rattachait à des coûts supplémentaires liés à des aides préalablement autorisées par la Commission. Enfin, l’examen de la compatibilité de l’aide n’exigeait pas une recherche approfondie (arrêt du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, sous pourvoi, EU:T:2018:940, point 158). Or, l’ensemble de ces circonstances exceptionnelles se distingue clairement des circonstances à l’origine de la présente affaire, dans laquelle les aides litigieuses n’ont jamais été notifiées, la Commission a envoyé plusieurs demandes de renseignements aux autorités espagnoles pendant la période en question et les mesures présentaient une complexité non négligeable. Par conséquent, Lico et PYMAR ne sauraient se prévaloir utilement de la solution retenue dans ledit arrêt.
206 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé le moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique.
Sur la violation des principes applicables à la récupération du fait de la méthode de calcul du montant de l’aide incompatible
207 Dans leur requête dans l’affaire T‑719/13, Lico et PYMAR avancent à titre subsidiaire un moyen tiré de la violation des principes applicables à la récupération des aides du fait de la méthode de calcul du montant de l’aide incompatible à récupérer. Selon elles, la décision attaquée pourrait conduire à exiger la récupération d’un montant supérieur à l’aide dont les investisseurs ont effectivement bénéficié.
208 Lico et PYMAR considèrent que la rédaction de la méthode de calcul du montant des aides est confuse et ambigüe. En particulier, elles critiquent la décision attaquée dans la mesure où elle semble ordonner la récupération de l’intégralité de l’aide auprès des investisseurs bien qu’une partie de l’avantage fiscal soit transférée aux compagnies maritimes. En effet, il y aurait lieu d’exclure de l’ordre de récupération la partie de l’aide effectivement transférée à d’autres opérateurs, même si la réglementation applicable n’imposait pas le transfert d’une partie de l’aide.
209 Lico et PYMAR soutiennent que le montant de l’avantage économique reçu par un bénéficiaire ne doit pas être nécessairement équivalent au montant des ressources d’État utilisées dans tous les cas même si, souvent, tel est le cas.
210 De plus, la récupération d’une somme supérieure à l’aide effectivement retenue par les investisseurs placerait ceux-ci dans une situation désavantageuse par rapport à leurs concurrents au lieu de rétablir la situation antérieure à l’octroi de l’aide.
211 Dans leurs observations sur la suite de la procédure dans l’affaire T‑719/13 RENV, Bankia e.a. soutiennent que l’ordre de récupération de l’intégralité de l’aide auprès des investisseurs, alors qu’ils ont retenu uniquement 10 à 15 % de l’avantage, est illégal. Elles relèvent que l’objet de la récupération n’est pas d’imposer une sanction, mais seulement d’éliminer la distorsion de la concurrence créée par l’octroi de l’aide. Or, la récupération d’une somme supérieure à l’avantage effectivement obtenu créerait une distorsion de la concurrence au profit des concurrents des bénéficiaires.
212 De plus, Bankia e.a. relèvent que, dans la décision attaquée, la Commission a reconnu que les GIE et les investisseurs faisaient office d’intermédiaires qui transféraient l’avantage aux compagnies maritimes. Par ailleurs, la Commission aurait aussi admis que les modalités de répartition de l’avantage étaient communiquées préalablement aux autorités espagnoles, au moment de la demande d’autorisation d’amortissement anticipé. De surcroît, la signature préalable du contrat fixant les modalités de répartition entre les parties était une condition nécessaire pour accéder au RELF.
213 Bankia e.a. ajoutent que la décision attaquée est contradictoire en ce que la Commission a considéré qu’il n’y avait pas d’aide d’État accordée aux compagnies maritimes parce que le transfert de l’avantage résultait de contrats privés et en ce qu’elle a déclaré en même temps la nullité des clauses figurant dans ces contrats privés qui permettaient aux investisseurs de récupérer l’avantage des percepteurs réels, notamment les chantiers navals.
214 Dans ses observations sur la suite de la procédure dans l’affaire T‑719/13 RENV, Aluminios Cortizo soutient que la décision attaquée est contradictoire dans la mesure où la Commission a ordonné la récupération de l’intégralité de l’aide auprès des investisseurs, alors qu’elle a reconnu que 85 à 90 % de l’avantage était transféré vers les compagnies maritimes.
215 Aluminios Cortizo relève également qu’il ressort d’un projet de la décision attaquée que la Commission envisageait d’ordonner la récupération de l’aide auprès des compagnies maritimes.
216 La Commission conteste ces arguments.
217 Selon la jurisprudence, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et vise au rétablissement de la situation antérieure. Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie. Il s’ensuit que le principal objectif visé par le remboursement d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, points 74 à 76 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, EU:C:1991:136, point 57).
218 Dans le cadre du présent moyen, Lico et PYMAR, soutenues par Bankia e.a. et Aluminios Cortizo, contestent en substance que la décision attaquée ordonne la récupération de l’intégralité de l’aide auprès des investisseurs, alors que 85 à 90 % de l’avantage était systématiquement transféré aux compagnies maritimes, comme le reconnaît la décision attaquée.
219 Compte tenu du fait que la Commission a décidé en l’espèce que les compagnies maritimes n’étaient pas les bénéficiaires de l’aide, conclusion qui ne fait pas l’objet du présent litige, c’est par voie de conséquence que l’ordre de récupération visait uniquement et intégralement les investisseurs, seuls bénéficiaires de la totalité de l’aide selon la décision attaquée en raison de la transparence des GIE. Suivant sa propre logique, c’est donc sans commettre d’erreur que la décision attaquée a ordonné la récupération de l’intégralité de l’aide auprès des investisseurs, bien qu’ils aient transféré une partie de l’avantage vers d’autres opérateurs dès lors que ceux-ci n’étaient pas considérés comme bénéficiaires de l’aide. En effet, aux termes de la décision attaquée, ce sont les investisseurs qui ont eu la jouissance effective de l’aide étant donné que la réglementation applicable ne leur imposait pas le transfert d’une partie de l’aide vers des tiers.
220 Dès lors, l’ordre de récupération ne saurait être regardé comme une sanction pour les investisseurs ou comme une mesure créant une distorsion de la concurrence au profit de leurs concurrents, comme le prétendent Bankia e.a.
221 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
222 Dans l’arrêt initial, la Commission avait été condamnée à supporter les dépens. Dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens relatifs aux parties principales. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 219 du règlement de procédure.
223 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
224 Le Royaume d’Espagne ayant succombé dans l’affaire T‑515/13 RENV, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux exposés dans la procédure initiale devant le Tribunal et dans la procédure devant la Cour, conformément aux conclusions de la Commission.
225 Lico et PYMAR ayant succombé dans l’affaire T‑719/13 RENV, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris ceux exposés dans la procédure initiale devant le Tribunal et dans la procédure devant la Cour, conformément aux conclusions de la Commission.
226 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que Bankia e.a. et Aluminios Cortizo supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure de renvoi.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés.
2) Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne devant la Cour dans le cadre de l’affaire C-128/16 P et devant le Tribunal dans le cadre des affaires T‑515/13 et T‑515/13 RENV.
3) Lico Leasing, SA et Pequeños y Medianos Astilleros Sociedad de Reconversión, SA supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission devant la Cour dans le cadre de l’affaire C‑128/16 P et devant le Tribunal dans le cadre des affaires T‑719/13 et T‑719/13 RENV.
4) Bankia, SA et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe ainsi qu’Aluminios Cortizo, SAU supporteront leurs propres dépens dans la procédure de renvoi devant le Tribunal.
Collins | Iliopoulos | Barents |
Passer | De Baere |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
1 La liste des autres parties intervenantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.
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