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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Lietuvos Respublikos vidaus reikalu ministerija (Immatriculation des vehicules signales) (Judicial cooperation in criminal matters - Second generation Schengen Information System - Seizure or evidence in criminal proceedings - Judgment) French Text [2022] EUECJ C-88/21 (15 December 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C8821.html Cite as: [2022] EUECJ C-88/21, ECLI:EU:C:2022:982, EU:C:2022:982 |
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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
15 décembre 2022 (*)
« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) – Décision 2007/533/JAI – Signalement concernant un objet recherché – Article 38 – Objectifs du signalement – Saisie ou preuve dans une procédure pénale – Article 39 – Exécution de la conduite à tenir demandée dans un signalement – Mesures prises conformément au droit national des États membres – Réglementation nationale prévoyant une obligation d’interdire l’immatriculation de véhicules faisant l’objet de signalements dans le SIS II »
Dans l’affaire C‑88/21,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 8 février 2021, parvenue à la Cour le 12 février 2021, dans la procédure
Regionų apygardos administracinio teismo Kauno rūmai,
en présence de :
Lietuvos Respublikos vidaus reikalų ministerija,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, M. L. Bay Larsen (rapporteur), vice‑président de la Cour, MM. P. G. Xuereb, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,
avocat général : M. N. Emiliou,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement lituanien, par M. K. Dieninis et Mme V. Kazlauskaitė-Švenčionienė, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement letton, par Mmes J. Davidoviča et K. Pommere, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. A. M. de Ree, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement portugais, par Mme P. Barros da Costa, M. L. Inez Fernandes, Mmes M. J. Ramos et C. Vieira Guerra, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes L. Grønfeldt et A. Steiblytė, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 juillet 2022,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 38, paragraphe 1, et de l’article 39, paragraphe 3, de la décision 2007/533/JAI du Conseil, du 12 juin 2007, sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (JO 2007, L 205, p. 63, ci-après la « décision SIS II »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par le Regionų apygardos administracinio teismo Kauno rūmai (tribunal administratif régional, division de Kaunas, Lituanie), au sujet de la légalité de la réglementation lituanienne qui interdit d’inscrire les véhicules qui font l’objet d’un signalement en cours dans le système d’information Schengen de deuxième génération (ci-après le « SIS II ») au registre national d’immatriculation.
Le cadre juridique
Le règlement (CE) no 1986/2006
3 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1986/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, sur l’accès des services des États membres chargés de l’immatriculation des véhicules au système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (JO 2006, L 381, p. 1, et rectificatif JO 2015, L 26, p. 34), est ainsi rédigé :
« Nonobstant les articles 38 et 40 et l’article 46, paragraphe 1, de la décision [SIS II], les services chargés, dans les États membres, de délivrer les certificats d’immatriculation des véhicules visés par la directive 1999/37/CE [du Conseil, du 29 avril 1999, relative aux documents d’immatriculation des véhicules (JO 1999, L 138, p. 57)], ont accès aux données ci-après, introduites dans le SIS II conformément à l’article 38, paragraphe 2, points a), b) et f), de la décision précitée, exclusivement en vue de vérifier si les véhicules qui leur sont présentés afin d’être immatriculés ont été volés, détournés ou égarés, ou sont recherchés aux fins de preuve dans une procédure pénale :
a) les données relatives aux véhicules à moteur d’une cylindrée supérieure à 50 cm3 ;
[...] »
La décision SIS II
4 Les considérants 5, 8 et 13 de la décision SIS II énoncent :
« (5) Le SIS II devrait constituer une mesure compensatoire qui contribue au maintien d’un niveau élevé de sécurité dans un espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne par le soutien qu’il apporte à la coopération opérationnelle en matière pénale entre les services de police et les autorités judiciaires.
[...]
(8) Il est nécessaire de rédiger un manuel qui contiendrait des règles détaillées sur l’échange de certaines informations supplémentaires concernant la conduite à observer à la suite de signalements. Les autorités nationales de chaque État membre devraient assurer cet échange d’informations.
[...]
(13) Les signalements ne devraient pas être conservés dans le SIS II pour une durée plus longue que le temps nécessaire à la réalisation des objectifs pour lesquels ils ont été fournis. [...] Les signalements relatifs aux objets, introduits aux fins d’une saisie ou de la preuve dans une procédure pénale, devraient être automatiquement effacés du SIS II après dix ans. [...] »
5 Sous l’intitulé « Établissement et objectif général du SIS II », l’article 1er de cette décision dispose, à son paragraphe 2 :
« L’objet du SIS II, conformément aux dispositions de la présente décision, est d’assurer un niveau élevé de sécurité dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne, y compris la préservation de la sécurité publique et de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité sur les territoires des États membres [...] à l’aide des informations transmises par ce système. »
6 L’article 3 de ladite décision, intitulé « Définitions », énonce, à son paragraphe 1 :
« Aux fins de la présente décision, on entend par :
a) “signalement”, un ensemble de données introduites dans le SIS II pour permettre aux autorités compétentes d’identifier une personne ou un objet en vue de tenir une conduite particulière à son égard ;
b) “informations supplémentaires”, les informations non stockées dans le SIS II, mais en rapport avec des signalements introduits dans le SIS II, qui doivent être échangées :
[...]
ii) à la suite d’une réponse positive afin que la conduite à tenir appropriée puisse être exécutée ;
[...] »
7 L’article 8, paragraphes 1 et 3, de la même décision prévoit :
« 1. Les informations supplémentaires sont échangées conformément aux dispositions d’un manuel appelé “le manuel Sirene” et au moyen de l’infrastructure de communication. [...]
[...]
3. Les États membres répondent dans les meilleurs délais aux demandes d’informations supplémentaires adressées par les autres États membres. »
8 L’article 38 de la décision SIS II, intitulé « Objectifs des signalements et conditions auxquelles ils sont soumis », dispose :
« 1. Les données relatives aux objets recherchés aux fins d’une saisie ou de la preuve dans une procédure pénale sont intégrées dans le SIS II.
2. Les catégories ci-après d’objets facilement identifiables sont introduites :
a) les véhicules à moteur d’une cylindrée supérieure à 50 cm3, les embarcations et les aéronefs ;
[...] »
9 L’article 39 de cette décision, intitulé « Exécution de la conduite à tenir demandée dans un signalement », prévoit :
« 1. Si une interrogation fait apparaître l’existence d’un signalement pour un objet trouvé, l’autorité qui l’a constaté se met en rapport avec l’autorité signalante afin de convenir des mesures nécessaires. À cette fin, des données à caractère personnel peuvent également être transmises conformément à la présente décision.
2. Les informations visées au paragraphe 1 sont communiquées grâce à l’échange d’informations supplémentaires.
3. L’État membre qui a trouvé l’objet prend les mesures conformément à son droit national. »
10 Sous l’intitulé « Durée de conservation des signalements concernant des objets », l’article 45 de ladite décision précise :
« 1. Les signalements concernant des objets introduits dans le SIS II aux fins du présent règlement ne sont conservés que pendant le temps nécessaire à la réalisation des objectifs pour lesquels ils ont été introduits.
[...]
3. Les signalements concernant des objets, introduits conformément à l’article 38, sont conservés pendant une durée maximale de dix ans.
4. Les délais de conservation visés [au paragraphe 3] peuvent être prolongés si les fins auxquelles le signalement a été effectué l’exigent. Dans ce cas, [le paragraphe 3 s’applique] également à la prolongation. »
11 L’article 49, paragraphes 1 et 2, de la même décision prévoit :
« 1. Un État membre signalant est responsable [...] de l’actualité [...] de l’introduction des données dans le SIS II.
2. Seul l’État membre signalant est autorisé à modifier, compléter, rectifier, mettre à jour ou effacer les données qu’il a introduites. »
Le manuel Sirene
12 L’annexe de la décision d’exécution 2013/115/UE de la Commission, du 26 février 2013, relative au manuel Sirene et à d’autres mesures d’application pour le système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (JO 2013, L 71, p. 1), telle que modifiée par la décision d’exécution (UE) 2017/1528 de la Commission du 31 août 2017 (JO 2017, L 231, p. 6) (ci-après le « manuel Sirene »), dispose, à son point 2.1 :
« Définitions
– “État membre signalant”: l’État membre qui introduit le signalement dans le SIS II.
– “État membre d’exécution” : l’État membre qui exécute la conduite à tenir en cas de réponse positive.
[...] »
13 Le manuel Sirene dispose, à son point 2.10, intitulé « Suppression lorsque les conditions ne sont plus réunies pour maintenir le signalement » :
« Les signalements introduits dans le SIS II ne sont conservés que pendant le temps nécessaire à la réalisation des objectifs pour lesquels ils ont été saisis.
Dès que les conditions du maintien du signalement ne sont plus réunies, l’État membre signalant efface celui-ci sans tarder. [...]
[...] »
Le droit lituanien
14 Il ressort du point 25 des dispositions du SIS II national de la Lituanie, approuvées par le Lietuvos Respublikos vidaus reikalų ministro įsakymas Nr. 1V-324 « Dėl Lietuvos nacionalinės antrosios kartos Šengeno informacijos sistemos nuostatų patvirtinimo » (arrêté no 1V‑324 du ministre de l’Intérieur lituanien, relatif à l’approbation des dispositions du système national d’information Schengen de deuxième génération de la Lituanie), du 17 septembre 2007 (Žin., 2007, no 100-4084), que le département de l’informatique et des communications du ministère de l’Intérieur lituanien garantit l’accès de l’entreprise publique Regitra à la liste de données N. SIS II figurant aux points 1 et 3.1 à 3.3 (données sur les véhicules à moteur et leurs remorques recherchés, registre national d’immatriculation des véhicules, documents d’immatriculation des véhicules à moteur recherchés).
15 L’article 27, paragraphe 1, de la Lietuvos Respublikos saugaus eismo automobilių keliais įstatymas (loi de la République de Lituanie, relative à la sécurité de la circulation routière des véhicules à moteur), du 12 octobre 2000 (Žin., 2000, no 92-2883), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit que « [s]ont autorisés à circuler sur la voie publique en Lituanie les véhicules motorisés et leurs remorques dûment immatriculés ».
16 Le point 13 des règles d’immatriculation des véhicules à moteur et de leurs remorques, approuvées par le Lietuvos Respublikos vidaus reikalų ministro įsakymas Nr. 260 « Dėl kelių transporto priemonių registravimo taisyklių patvirtinimo » (arrêté no 260 du ministre de l’Intérieur lituanien, portant sur les règles relatives à l’immatriculation des véhicules routiers), du 25 mai 2001 (Žin., 2001, no 48-1683), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :
« 13. L’entreprise publique Regitra informe la police lorsque :
13.1 le demandeur souhaite immatriculer un véhicule :
13.1.1 dont le moteur ou la plaque minéralogique, ou le véhicule lui-même, sont enregistrés dans le registre des véhicules recherchés, dans le système d’information Schengen de la Lituanie ou dans la base de données du secrétariat général d’Interpol ;
[...] »
17 Le point 14 de ces règles d’immatriculation prévoit :
« Après avoir informé la police [...], l’entreprise publique Regitra n’examine les demandes d’immatriculation de véhicules des demandeurs qu’à l’issue des contrôles ou enquêtes des services répressifs [...] Les véhicules visés au point 13.1.1 desdites règles d’immatriculation [...] ne peuvent être immatriculés qu’après avoir été radiés du registre des véhicules recherchés, du système d’information Schengen de la Lituanie ou de la base de données du secrétariat général d’Interpol. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
18 Le 13 novembre 2015, D. R. a acheté un véhicule à moteur en Allemagne, sur la base d’un contrat conclu avec AM Transportas, véhicule qui, auparavant, avait été volé en Bulgarie.
19 Le 20 novembre suivant, ce véhicule à moteur a été radié du registre d’immatriculation en Allemagne, puis transporté en Lituanie et revendu à une autre personne, dont l’identité n’est pas précisée dans la demande de décision préjudicielle.
20 Le 22 février 2016, cette autre personne a souhaité immatriculer ledit véhicule à moteur en Lituanie auprès de Regitra, l’entreprise publique chargée de l’immatriculation des véhicules à moteur dans cet État membre. C’est alors que ladite autre personne a découvert qu’un signalement avait été introduit dans le SIS II, en Bulgarie, le 23 décembre 2015, pour le même véhicule à moteur. Elle a en conséquence rompu le contrat de vente qu’elle avait conclu en ce qui concerne ce véhicule.
21 Par la décision du parquet lituanien du 21 septembre 2016, l’enquête pénale ouverte en Lituanie concernant le véhicule à moteur concerné a été close, au motif qu’aucune infraction pénale qui aurait été commise dans cet État membre n’avait pu être constatée. Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, par cette décision, ce véhicule à moteur a été dès lors restitué à D. R., son acquéreur.
22 Bien que le propriétaire dudit véhicule à moteur au moment du vol présumé de celui-ci, la filiale bulgare de Nabko Holding Company LLC, en ait été informé par l’envoi d’une copie de ladite décision et la communication de l’identité de D. R., et qu’il ait été ainsi en mesure de faire valoir ses droits, ce propriétaire n’a pas entrepris de démarches en ce sens. Par ailleurs, malgré la transmission des informations nécessaires à l’État membre signalant, cet État membre n’a pris, plus de trois ans après cette communication, aucune mesure visant à effacer le signalement du même véhicule à moteur du SIS II.
23 Par la décision du 20 février 2019, le bureau local de Regitra a rejeté la demande d’immatriculation du véhicule concerné présentée par D. R. en Lituanie, décision prise par ce bureau local, sur le fondement d’une disposition de la réglementation lituanienne en vertu de laquelle les véhicules dont le signalement est en cours dans le SIS II ne peuvent être immatriculés dans cet État membre qu’après l’effacement de ce signalement de ce système.
24 AM Transportas a contesté cette décision auprès de cette entreprise publique, laquelle, par la décision du 28 mars 2019, a maintenu la décision dudit bureau local de rejeter la demande d’immatriculation de ce véhicule en Lituanie.
25 AM Transportas a alors formé un recours contre les décisions de ladite entreprise publique devant le Regionų apygardos administracinio teismo Kauno rūmai (tribunal administratif régional, division de Kaunas, Lituanie).
26 Cette juridiction a saisi la juridiction de renvoi d’une demande visant à contrôler la légalité de cette réglementation nationale.
27 La juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité à la décision SIS II d’une réglementation nationale qui subordonne l’immatriculation de véhicules à moteur au registre national des véhicules routiers à la condition que le véhicule concerné ne fasse pas l’objet d’un signalement en cours dans le SIS II, en particulier dans le cas de figure où ce signalement n’a pas été effacé du SIS II par l’État membre signalant, alors même que les autorités de l’État membre d’exécution ont transmis les informations nécessaires au sujet de l’objet trouvé tant aux autorités de l’État signalant qu’au propriétaire initial de celui-ci.
28 Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 39 de la [décision SIS II], en particulier son paragraphe 3, doit-il être interprété comme imposant une obligation d’interdire l’immatriculation d’objets pour lesquels un signalement est introduit dans le [SIS II], en dépit du fait que ce signalement n’est plus d’actualité (le véhicule étant trouvé, la procédure pénale dans l’État membre où ce véhicule a été trouvé étant close en l’absence d’infraction pénale commise dans cet État membre, et l’État signalant, bien qu’informé, n’adoptant pas de mesures pour effacer le signalement de ce système) ?
2) L’article 39 de la [décision SIS II], en particulier son paragraphe 3, doit-il être interprété comme obligeant l’État membre ayant trouvé l’objet pour lequel le signalement est introduit sur le fondement de l’article 38, paragraphe 1, de cette décision de prévoir des règles de droit national qui interdiraient toute action avec l’objet trouvé, sauf les mesures qui permettraient d’atteindre l’objectif de l’article 38 (aux fins d’une saisie ou de la preuve dans une procédure pénale) ?
3) L’article 39 de la [décision SIS II], notamment son paragraphe 3, doit-il être interprété en ce sens qu’il permet aux États membres de prévoir une réglementation comportant des dérogations à l’interdiction d’immatriculer les véhicules pour lesquels un signalement dans le [SIS II] est introduit sur le fondement de l’article 38 de la décision, après que les autorités compétentes de l’État membre ont pris des mesures pour informer l’État signalant au sujet de l’objet trouvé ? »
Sur les questions préjudicielles
29 Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 39 de la décision SIS II, lu en combinaison avec l’article 38, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’il prévoit, tout d’abord, une obligation générale d’interdire l’immatriculation d’un véhicule à moteur qui fait l’objet d’un signalement en cours dans le SIS II, qu’il impose, ensuite, aux États membres de prévoir des règles générales interdisant des actions relatives à l’objet trouvé, autres que celles permettant d’atteindre les objectifs de cet article 38, paragraphe 1, et qu’il permet, enfin, à ces États membres de prévoir des dérogations à une éventuelle interdiction générale d’immatriculer un tel véhicule.
30 À titre liminaire, il ressort de la demande de décision préjudicielle que le signalement concerné a pour objet un véhicule à moteur d’une cylindrée supérieure à 50 cm3.
31 À cet égard, l’article 38, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de la décision SIS II prévoit que les données relatives à un véhicule tel que celui en cause au principal, recherché aux fins d’une saisie ou de la preuve dans une procédure pénale, sont intégrées dans le SIS II.
32 S’agissant des questions posées, il convient de rappeler d’emblée que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle‑ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [arrêt du 28 octobre 2022, Generalstaatsanwaltschaft München (Extradition et ne bis in idem), C-435/22 PPU, EU:C:2022:852, point 67].
33 L’article 39 de la décision SIS II régit les modalités d’exécution de la conduite à tenir demandée dans un signalement concernant des objets aux fins d’une saisie ou de la preuve dans une procédure pénale.
34 En ce qui concerne, en premier lieu, le libellé de l’article 39, paragraphe 1, de cette décision, il y a lieu de relever que cette disposition prévoit que, lorsqu’une interrogation fait apparaître l’existence d’un signalement pour un objet trouvé, l’autorité qui l’a constaté se met en rapport avec l’autorité signalante afin de convenir des mesures nécessaires à adopter.
35 Les informations visées à l’article 39, paragraphe 1, de la décision SIS II sont communiquées, ainsi que cela est précisé au paragraphe 2 de cet article 39, grâce à l’échange d’informations supplémentaires.
36 L’article 39, paragraphe 3, de cette décision dispose que l’État membre qui a trouvé l’objet prend les mesures « conformément à son droit national ».
37 Il en résulte que l’article 39 de la décision SIS II se limite à décrire, en des termes généraux, la manière dont les autorités compétentes de l’État membre d’exécution doivent donner suite à une réponse positive relative à un signalement dans le SIS II, émis sur le fondement de l’article 38 de cette décision.
38 Partant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 49 de ses conclusions, en faisant le choix de ne pas détailler à l’article 39 de la décision SIS II les mesures exactes que les États membres doivent adopter aux fins de l’exécution d’un signalement introduit dans le SIS II en vertu de l’article 38 de cette décision, le législateur de l’Union a entendu leur laisser une large marge d’appréciation à cet égard.
39 S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel s’inscrit l’article 39 de la décision SIS II, il convient d’observer que, si la coopération opérationnelle en matière pénale entre les services de police et les autorités judiciaires, mise en œuvre au titre de cette décision, présuppose que les autorités de l’État membre d’exécution prennent des mesures conservatoires nécessaires (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2022, Nachalnik na Rayonno upravlenie Silistra, C‑520/20, EU:C:2022:466, point 40), aucune disposition de ladite décision ne précise, de manière concrète, le type de mesures que l’État membre ayant trouvé l’objet signalé doit prendre, conformément à son droit national.
40 Par ailleurs, il convient de relever que, bien que l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1986/2006 prévoie que le service chargé dans un État membre de délivrer les certificats d’immatriculation des véhicules à moteur a accès au SIS II en vue de vérifier si les véhicules qui lui sont présentés afin d’être immatriculés ont été volés, détournés ou égarés, ou sont recherchés aux fins de preuve dans une procédure pénale, cette disposition n’envisage aucune obligation d’interdire l’immatriculation de véhicules faisant l’objet d’un signalement en cours dans le SIS II.
41 En troisième lieu, il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, de la décision SIS II, lu en combinaison avec le considérant 5 de celle-ci, que cette décision vise notamment à soutenir la coopération opérationnelle en matière pénale entre les services de police et les autorité judiciaires et à contribuer, ainsi, à assurer un niveau élevé de sécurité dans un espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union, à l’aide des informations transmises par le SIS II.
42 Or, l’interprétation de l’article 39 de ladite décision selon laquelle cet article n’impose pas aux États membres l’adoption de mesures prédéterminées, mais leur laisse une large marge d’appréciation pour identifier les mesures nécessaires à adopter n’est pas contraire à cet objectif et préserve la contribution au renforcement du niveau de sécurité dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union qu’implique la transmission d’informations concernant des objets aux fins d’une saisie ou de la preuve dans une procédure pénale et la conduite d’échanges entre les États membres concernés aux fins de convenir des mesures nécessaires.
43 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que ne ressort de l’article 39 de la décision SIS II aucune obligation générale telle que celle de l’interdiction de l’immatriculation des véhicules à moteur qui font l’objet d’un signalement en cours dans le SIS II ou de l’interdiction des actions relatives à ce véhicule, autres que celles relatives à l’article 38, paragraphe 1, de cette décision.
44 Il s’ensuit que, dans le cas où un État membre décide d’exercer la large marge d’appréciation dont il dispose, en vertu de l’article 39, paragraphe 3, de ladite décision, quant aux mesures pouvant être adoptées conformément à son droit national, en prévoyant une interdiction générale d’immatriculation des véhicules à moteur qui font l’objet d’un signalement en cours dans le SIS II, la même décision ne fait pas obstacle à l’introduction, par cet État membre, de dérogations à cette interdiction.
45 Par ailleurs, compte tenu des doutes exprimés par la juridiction de renvoi s’agissant de l’absence d’une action des autorités compétentes de l’État membre signalant en rapport avec le signalement introduit, il convient, à toutes fins utiles, de rappeler ce qui suit.
46 D’une part, il ressort de l’article 8, paragraphe 3, de la décision SIS II que les États membres répondent dans les meilleurs délais aux demandes d’informations supplémentaires adressées par les autres États membres. En outre, il est prévu à l’article 45, paragraphe 1, de cette décision, lu en combinaison avec le considérant 13 de celle-ci, que les signalements concernant des objets introduits dans le SIS II, dans le cadre de l’application de la décision SIS II, ne sont conservés que pendant le temps nécessaire à la réalisation des objectifs pour lesquels ils ont été introduits.
47 D’autre part, l’article 49, paragraphes 1 et 2, de ladite décision énonce certes que seul l’État membre signalant, lequel est responsable notamment de l’actualisation des données introduites dans le SIS II, est autorisé à effacer ces données. Cela étant, l’article 8, paragraphe 1, de la décision SIS II, lu en combinaison avec le considérant 8 de celle-ci, fait référence au manuel Sirene qui contient des règles plus détaillées et qui exige, à son point 2.10, second alinéa, que, dès lors que les conditions du maintien du signalement concerné ne sont plus réunies, l’État membre signalant efface celui-ci sans tarder. Cette disposition du manuel Sirene fait ainsi peser une obligation sur ce dernier État membre de supprimer ce signalement, dès lors que l’objectif pour lequel il a été introduit a été atteint.
48 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 39 de la décision SIS II, lu en combinaison avec l’article 38, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que :
– il ne prévoit pas d’obligation générale d’interdire l’immatriculation d’un véhicule à moteur qui fait l’objet d’un signalement en cours dans le SIS II ;
– il n’impose pas à l’État membre d’exécution de prévoir des règles générales interdisant des actions relatives à l’objet trouvé autres que celles permettant d’atteindre les objectifs de cet article 38, paragraphe 1 ;
– il ne s’oppose pas à ce que cet État membre prévoie des dérogations à une interdiction générale d’immatriculer un tel véhicule.
Sur les dépens
49 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 39 de la décision 2007/533/JAI du Conseil, du 12 juin 2007, sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II), lu en combinaison avec l’article 38, paragraphe 1, de celle-ci,
doit être interprété en ce sens que :
– il ne prévoit pas d’obligation générale d’interdire l’immatriculation d’un véhicule à moteur qui fait l’objet d’un signalement en cours dans le système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) ;
– il n’impose pas à l’État membre d’exécution de prévoir des règles générales interdisant des actions relatives à l’objet trouvé autres que celles permettant d’atteindre les objectifs de cet article 38, paragraphe 1 ;
– il ne s’oppose pas à ce que cet État membre prévoie des dérogations à une interdiction générale d’immatriculer un tel véhicule.
Signatures
* Langue de procédure : le lituanien.
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