CIMV v Commission (Research and technological development - Horizon 2020 - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-26/22 (29 March 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T2622.html
Cite as: ECLI:EU:T:2023:172, EU:T:2023:172, [2023] EUECJ T-26/22

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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

29 mars 2023 (*)

« Recherche et développement technologique – Convention de subvention conclue dans le cadre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” – Recouvrement d’une créance – Remboursement échelonné – Exactitude matérielle des faits – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation – Confiance légitime – Droit d’être entendu – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑26/22,

Compagnie industrielle de la matière végétale (CIMV), établie à Neuilly-sur-Seine (France), représentée par Mes B. Le Bret, R. Rard et P. Renié, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme M. Ilkova et M. S. Romoli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, D. Petrlík et K. Kecsmár (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, la Compagnie industrielle de la matière végétale (CIMV), demande l’annulation de la décision C(2021) 7932 final de la Commission, du 28 octobre 2021, relative au recouvrement d’un montant de 5 888 214,59 euros, majorés des intérêts de retard (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        À la suite d’un appel d’offres de l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA), la convention de subvention no 657867 a été signée le 22 avril 2015 par cette dernière et la requérante (ci-après la « convention ») pour la mise en œuvre d’un projet financé dans le cadre du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (ci-après le « projet »).

3        La contribution financière maximale de l’Union européenne au titre du projet s’élevait à 19 999 544 euros. Un montant de 9 999 772 euros a été versé à la requérante au titre du préfinancement.

4        Le 14 décembre 2015, l’INEA a accepté une première demande de suspension du projet par la requérante jusqu’au 30 septembre 2016. Cette demande était motivée par la non-réalisation de la condition de cofinancement du projet.

5        Le 21 octobre 2016, sur demande de la requérante, l’INEA a accordé une prolongation de la suspension jusqu’au 30 septembre 2017.

6        Le 23 janvier 2018, l’INEA a envoyé une lettre de pré-information informant la requérante de son intention de résilier la convention conformément à son article 50.3.1, sous d), applicable en cas d’impossibilité de reprendre le projet, au motif que la requérante n’était toujours pas en mesure d’assurer le cofinancement du projet.

7        Le 1er mars 2018, l’INEA a adressé une lettre à la requérante lui notifiant la résiliation de la convention prenant effet le lendemain de la réception de la lettre.

8        À la suite d’échanges avec la requérante concernant le rejet de certaines dépenses considérées comme non éligibles, l’INEA a accepté, par lettre du 24 avril 2019, des coûts éligibles supplémentaires, ce qui a ramené le montant à recouvrer à 7 063 373,51 euros. À la même date, l’INEA a également informé la requérante de son intention de recouvrer la contribution financière de l’Union indûment versée et lui a adressé, en sa qualité de coordonnateur du consortium, la note de débit no 3241905087 (ci-après la « note de débit »). Ladite note invitait la requérante à s’acquitter du montant dû avant le 3 juin 2019. L’attention de la requérante était attirée sur le fait que, à défaut de paiement à la date d’échéance, sa dette envers l’Union serait majorée d’intérêts et que la Commission européenne se réservait le droit de procéder au recouvrement forcé de la dette en vertu de l’article 299 TFUE.

9        Par lettre du 20 mai 2019, la requérante a invoqué des difficultés financières pour rembourser sa dette dans le délai fixé par la note de débit et a demandé, premièrement, un report de six mois de la date limite de paiement fixée par ladite note sans que lui soient appliqués des intérêts de retard et, deuxièmement, la négociation d’un échelonnement du remboursement de la dette à définir d’un commun accord avec la Commission.

10      La Commission a répondu par lettre du 4 juin 2019 informant la requérante des conditions fixées par le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et qui régissaient l’octroi d’un paiement échelonné, parmi lesquelles une garantie financière.

11      À la suite du remboursement direct par les autres membres du consortium d’un montant total de 1 111 601,12 euros, en juin 2019, la somme due au principal par la requérante a été ramenée à 5 951 772,39 euros.

12      Par courriel du 27 juin 2019, la Commission a accordé à la requérante un plan de paiement échelonné sur douze mois à condition qu’un premier paiement de 994 211,20 euros soit effectué le 15 janvier 2020 au plus tard et qu’une garantie financière soit constituée. À cette fin, la Commission invitait la requérante à produire cette garantie afin que le plan de paiement puisse entrer en vigueur.

13      Par courriel du 12 août 2019, la requérante a informé la Commission du refus de sa banque de constituer une garantie « compte tenu de [s]a structure financière ».

14      La requérante étant dans l’incapacité de produire la garantie financière exigée et n’ayant pas payé la somme due au titre de la note de débit dans le délai prescrit, la Commission lui a envoyé une lettre de rappel le 19 septembre 2019.

15      La requérante a répondu le 23 septembre 2019 confirmant qu’elle n’était pas en mesure de rembourser cette somme.

16      En raison du défaut de paiement par la requérante de ladite somme, la Commission a exigé, par une lettre de mise en demeure du 24 octobre 2019, le paiement immédiat du principal exigible majoré des intérêts de retard. Cette lettre indiquait que, en cas de non-remboursement de ce montant dans un délai de quinze jours, la Commission procéderait au recouvrement forcé de la créance principale et des intérêts.

17      Par courriel datant du 15 janvier 2020, la requérante a demandé un nouveau report du remboursement de la dette au titre de la note de débit avec une échéance en juin 2020, qui permettrait, selon elle, de finaliser « un accord industriel avec des investisseurs ».

18      La Commission a répondu par courriel le 17 janvier 2020 constatant que, premièrement, la requérante n’avait procédé à aucun paiement, contrairement à ce qu’elle lui avait demandé dans sa lettre du 27 juin 2019 et que, deuxièmement, aucune garantie financière n’avait été constituée. Dans ces circonstances, la Commission a expliqué qu’elle ne pouvait pas accepter un report du règlement de la dette de la requérante.

19      Par lettre du 7 mai 2020, la requérante a fait part à nouveau de son incapacité à mobiliser suffisamment de fonds pour rembourser sa dette et a mentionné qu’elle s’engageait tout de même à rembourser les montants dus. La requérante indiquait dans sa lettre qu’elle était « confiante dans sa capacité [à régler sa dette] d’ici la fin de l’année [2020] ».

20      Par lettre du 10 octobre 2020, la requérante faisait état de négociations en cours entre ses actionnaires et des investisseurs. Elle s’engageait également à effectuer « dans les jours qui [venaient] » un nouveau paiement de 100 000 euros et, dans les deux mois qui suivaient, un paiement supplémentaire de 100 000 euros.

21      La Commission a répondu par une lettre en date du 28 octobre 2020 dans laquelle elle constatait que, depuis juin 2019, elle avait donné toutes les possibilités à la requérante de rembourser sa dette, que, en septembre 2020, elle et la requérante avaient eu une réunion afin de trouver une solution viable et qu’aucun paiement partiel n’avait été effectué depuis juin 2020.

22      La Commission concluait dans cette lettre que, au vu des éléments du dossier, elle continuait la procédure de recouvrement forcé.

23      Entre juin et décembre 2020, la requérante a effectué trois paiements partiels de 100 000 euros.

24      Par courriel en date du 30 décembre 2020, la requérante a présenté une demande d’échelonnement du remboursement de sa dette au titre de la note de débit par tranches annuelles d’un million d’euros sur six ans (ci-après la « dernière demande d’échelonnement »). Dans ce même courriel, la requérante s’est engagée à effectuer un paiement de 500 000 euros en juin 2021, suivi d’un paiement du même montant tous les six mois.

25      Le 5 janvier 2021, la Commission a accusé réception du courriel du 30 décembre 2020 et a indiqué qu’elle allait recontacter la requérante.

26      Le 29 septembre 2021, la Commission a encaissé un paiement de 250 000 euros de la part de la requérante.

27      Le 28 octobre 2021, la Commission a adopté la décision relative au recouvrement de la somme de 5 888 214,59 euros, majorés des intérêts de retard dus par la requérante. À la date d’adoption de cette décision, la requérante avait effectué quatre paiements, pour un montant total de 550 000 euros.

28      L’article 3 de la décision attaquée indique que si la requérante, en tant que débitrice, n’exécute pas entièrement le paiement dans un délai de quinze jours à compter de la réception de ladite décision, il sera procédé à l’exécution forcée sur le fondement de l’article 299, troisième alinéa, TFUE.

29      Postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, par un courriel du 6 janvier 2022, la requérante a adressé une nouvelle demande pour un plan de paiement échelonné de la dette. Elle faisait état du fait que les négociations visant à parvenir à un accord avec des investisseurs de nature à lui permettre de procéder au remboursement de sa créance envers l’Union n’avaient pas pu aboutir. De plus, elle s’engageait, notamment, à effectuer un nouveau versement d’un montant de 200 000 euros au plus tard le 31 janvier 2022 et à effectuer, au plus tard le dernier jour ouvré de chaque trimestre, un nouveau versement d’un montant de 200 000 euros jusqu’au remboursement de l’intégralité de la dette.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours 

30      Un paiement de 200 000 euros a été encaissé par la Commission le 8 février 2022 à la suite d’un courriel de rappel de sa part en date du 3 février 2022.

 Conclusions des parties

31      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 3 de la décision attaquée dans la mesure où il prévoit le recours à l’exécution forcée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, premièrement, de l’erreur matérielle résultant de la non-prise en compte de la dernière demande d’échelonnement et de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, deuxièmement, de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, troisièmement, de la violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et du principe de bonne administration et, quatrièmement, de la violation du principe de proportionnalité et de l’objectif de protection effective des intérêts financiers de l’Union.

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur matérielle résultant de la non-prise en compte de la dernière demande d’échelonnement  et de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée

34      Par son premier moyen, la requérante soulève, à titre principal, une erreur matérielle tirée de la présentation inexacte et incomplète des faits. À titre subsidiaire, elle soutient que, en ne faisant pas état de ses propositions, la Commission a également commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’elle n’était pas en mesure de rembourser le montant dû. Enfin, également à titre subsidiaire, elle soulève une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

35      À titre liminaire, il convient de relever que des arguments de la requérante concernant le bien-fondé et la motivation de la décision attaquée sont dispersés dans le cadre du premier moyen. À la lumière de la jurisprudence, il convient de traiter séparément les arguments tendant à mettre en cause le bien-fondé de la motivation de ceux visant à apprécier si la Commission a respecté son obligation de motivation, qui constitue une formalité substantielle (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, EU:T:2014:275, point 154).

 Sur les arguments tirés de l’erreur matérielle et de l’erreur manifeste d’appréciation

36      La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une erreur matérielle, tirée d’une présentation inexacte et incomplète des faits par la Commission. La décision attaquée ne tiendrait pas compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. Au contraire, l’inexactitude constatée serait de nature à soulever un doute sérieux quant au bien-fondé de ses motifs.

37      En effet, au considérant 23 de la décision attaquée, il est précisé que « [la requérante] n’a toujours pas fourni de plan de paiement échelonné pour le règlement de la dette en suspens due en principal, pour un montant de 5 888 214,59 EUR majoré des intérêts ». Or, la requérante considère que cette affirmation est inexacte. Par courriel du 30 décembre 2020, elle aurait bien soumis à la Commission une proposition de remboursement dont cette dernière aurait accusé réception par courriel du 5 janvier 2021, indiquant à cette occasion qu’elle allait la recontacter.

38      La Commission aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la requérante n’était pas en mesure de rembourser le montant dû et qu’il était nécessaire de recourir à l’exécution forcée.

39      La Commission conteste ces arguments.

40      L’article 98, paragraphe 5, du règlement financier exige le recouvrement des montants indûment payés, tandis que son article 101, paragraphe 1, impose au comptable de la Commission l’obligation de faire preuve de diligence en vue d’assurer la rentrée des recettes dans le budget de l’Union. À cet égard, l’article 94, sous a), de ce règlement prévoit que le fait d’omettre d’encaisser des recettes dues constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité du comptable de la Commission.

41      En outre, l’article 103 du règlement financier, qui définit la procédure de recouvrement en l’absence de paiement volontaire, prévoit que, lorsqu’il n’est pas possible d’exécuter la garantie financière constituée préalablement par le débiteur et que le débiteur n’a pas exécuté le paiement à l’issue de la lettre de mise en demeure, le comptable recourt à l’exécution forcée du titre. Il en va d’autant plus ainsi lorsqu’une telle garantie fait défaut.

42      Par ailleurs, l’article 104 du règlement financier confère à la Commission la possibilité d’octroyer des délais de paiement pour le remboursement de la dette si le débiteur, d’une part, s’engage au paiement d’intérêts de retard et, d’autre part, constitue une garantie financière. En outre, ledit article prévoit que, « [d]ans des circonstances exceptionnelles, à la suite d’une demande du débiteur, le comptable peut lever l’exigence de la garantie visée au premier alinéa, [sous] b), lorsque, sur la base de son évaluation, le débiteur est désireux et capable d’effectuer le paiement dans les délais supplémentaires accordés, mais n’est pas en mesure de constituer cette garantie et se trouve dans une situation de difficulté financière ».

43      Il s’ensuit que la Commission dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’elle met en œuvre les dispositions susmentionnées et en particulier en ce qui concerne l’octroi de délais de paiement dans le cadre de l’article 104 du règlement financier. Par ailleurs, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’obtention d’un titre exécutoire. En effet, elle a le choix entre l’adoption d’une décision en application de l’article 299 TFUE ou l’obtention d’un titre exécutoire par la voie contentieuse au sens de l’article 98, paragraphe 4, sous f), et de l’article 103, paragraphe 2, du règlement financier. Partant, seule l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation lors de l’exercice de ces pouvoirs d’appréciation peut justifier qu’une violation dudit pouvoir soit constatée par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18, non publié, EU:T:2019:409, point 59 et jurisprudence citée).

44      Tout d’abord, sur la possibilité d’octroyer un échelonnement et de prendre en compte la dernière demande d’échelonnement, il convient de rappeler que l’une des deux conditions principales pour obtenir un échelonnement, à savoir la constitution d’une garantie financière, n’a jamais été réalisée par la requérante. Il ne saurait dès lors être reproché à cet égard à la Commission de ne pas avoir accordé des délais supplémentaires pour le remboursement de la dette.

45      Il est vrai que l’article 104 du règlement financier dispose que, exceptionnellement, le comptable peut lever l’exigence de constituer une garantie financière. Cependant, il est nécessaire que le débiteur, qui fait face à des difficultés financières et qui est dans l’impossibilité de constituer ladite garantie, d’une part, forme une demande en ce sens et, d’autre part, soit désireux et capable d’effectuer le paiement dans les délais supplémentaires accordés, ce que ledit comptable est chargé d’évaluer.

46      Or, premièrement, au cours de la procédure administrative, la requérante n’a pas clairement invoqué des « circonstances exceptionnelles » pour pouvoir bénéficier de la dérogation de l’article 104 du règlement financier. Elle a néanmoins évoqué des problèmes administratifs ou l’épidémie de COVID-19.

47      À cet égard, même en admettant que la requérante se soit trouvée dans une situation exceptionnelle due notamment à la pandémie de COVID-19, il convient de rappeler que la date butoir initiale pour le remboursement de la note de débit était fixée au 3 juin 2019 et que la lettre de mise en demeure réclamant le paiement immédiat du principal exigible majoré des intérêts de retard date du 24 octobre 2019. Or, il est constant que la pandémie de COVID-19 n’est survenue que postérieurement à ces dates.

48      Deuxièmement, à supposer que les différents échanges entre la Commission et la requérante puissent être interprétés comme une demande de lever l’exigence de garantie financière, force est de constater que la levée de la condition liée à la constitution d’une garantie financière était, en tout état de cause, soumise à l’évaluation, par la Commission, du souhait et de la capacité de la requérante d’effectuer le paiement dans les délais supplémentaires accordés, conformément à l’article 104 du règlement financier.

49      Or, il convient notamment de rappeler que, le 19 septembre 2019, la Commission a adressé une lettre de recouvrement de créance à payer dans le délai de quinze jours, à laquelle la requérante a répondu le 23 septembre 2019, en indiquant que le paiement serait impossible et que les travaux nécessaires afin de pouvoir finaliser le plan de recapitalisation pour mi-septembre 2019 avaient pris du retard. Le 24 octobre 2019, la Commission a alors adressé une lettre de mise en demeure réclamant le paiement immédiat du principal exigible majoré des intérêts de retard. Cette lettre indiquait que, en cas de non-remboursement du montant dû dans un délai de quinze jours, la Commission procéderait au recouvrement forcé de la créance principale et des intérêts.

50      À la suite de multiples échanges avec la requérante au cours de l’année 2020, la Commission a indiqué, le 28 octobre 2020, avoir tenté de trouver une solution viable depuis septembre 2019 et qu’un délai supplémentaire était demandé depuis le début sans paiement partiel depuis juin 2020. En conséquence, la Commission a poursuivi la procédure de recouvrement partiel afin de protéger les intérêts financiers de l’Union.

51      Ce n’est que le 30 décembre 2020 que la requérante a indiqué que les négociations avec un potentiel investisseur avaient été entravées par la pandémie de COVID-19 et qu’aucun accord n’avait pu avoir lieu. En outre, la requérante suggérait de recourir, sans joindre plus de détails ou d’éléments probants, à son actionnaire majoritaire afin de régler la somme d’un million d’euros par an en procédant au remboursement immédiatement dès la mise en œuvre de « l’accord de recherche » avec son potentiel investisseur ou, le cas échéant avec un autre investisseur.

52      Partant, il convient de relever que, de septembre 2019 à octobre 2021, la requérante s’est bornée à donner des promesses de financement futur, sans que ces promesses se concrétisent, nonobstant quelques paiements effectués irrégulièrement et qui, au demeurant, ne correspondaient pas auxdites promesses.

53      En outre, comme le relève la Commission, le plan de remboursement proposé par la requérante le 30 décembre 2020 s’étalait encore sur six ans et venait s’ajouter aux 18 mois déjà écoulés depuis l’émission de la note de débit.

54      Dès lors, la Commission, qui est par ailleurs tenue par l’article 101, paragraphe 1, du règlement financier à une obligation stricte d’assurer la rentrée des recettes, pouvait à juste titre considérer que la requérante n’était ni désireuse ni capable d’effectuer le paiement requis dans les délais supplémentaires accordés, au sens de l’article 104 du règlement financier.

55      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’une énième proposition de remboursement de la requérante, laquelle n’étant au demeurant assortie d’aucune garantie financière, soumise à un échéancier de six ans, avec la promesse non étayée de l’appui d’un actionnaire majoritaire ou avec l’apport de potentiels investisseurs encore incertains. En effet, ni le contenu de cette ultime promesse ni les circonstances dans lesquelles elle a été formulée n’auraient pu conduire la Commission à considérer que la requérante était désireuse et capable d’effectuer le paiement de sa dette dans des délais supplémentaires.

56      En conséquence, la Commission n’a commis aucune erreur matérielle en ne prenant pas en compte la dernière demande d’échelonnement.

57      Par ailleurs, eu égard à la marge d’appréciation dont elle dispose, notamment quant au moment où il y a lieu d’adopter une décision formant titre exécutoire, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la requérante n’était pas en mesure de rembourser la dette.

58      Partant, dans le cadre du premier moyen, les griefs de la requérante tirés d’une erreur matérielle et d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

59      La requérante soulève une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qu’elle ne ferait aucune mention de ses propositions datées du 30 décembre 2020 et des raisons pour lesquelles la Commission aurait refusé lesdites propositions et aurait décidé d’avoir recours à l’exécution forcée par le biais de l’adoption de la décision attaquée.

60      La Commission conclut au rejet de ces arguments.

61      L’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») s’adresse aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union (arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega, C‑166/13, EU:C:2014:2336, point 44). En vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, l’administration a l’obligation de motiver ses décisions.

62      Selon une jurisprudence bien établie, l’obligation de motivation implique que, conformément à l’article 296 TFUE, l’auteur d’un acte doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement sous-tendant ledit acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 juin 2019, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18, non publié, EU:T:2019:409, point 76 et jurisprudence citée).

63      Le respect de l’obligation de motivation s’apprécie en tenant compte des circonstances de l’espèce et, notamment, du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes directement et individuellement concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 juin 2019, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18, non publié, EU:T:2019:409, point 77 et jurisprudence citée).

64      Ainsi, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait ou de droit pertinents, les exigences de motivation devant être appréciées au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière. En outre, il convient de souligner que les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés. Il suffit que l’auteur de l’acte expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de l’acte en cause (voir arrêt du 13 juin 2019, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18, non publié, EU:T:2019:409, point 78 et jurisprudence citée).

65      En l’espèce, en premier lieu, la constitution d’une garantie financière en tant que condition préalable à l’octroi de facilités de paiement ressort clairement du considérant 17 de la décision attaquée.

66      En deuxième lieu, il convient d’observer que la décision attaquée a exposé clairement et sans équivoque le raisonnement justifiant de recourir à l’exécution forcée sur le fondement de l’article 299 TFUE. Après avoir détaillé les échanges incluant les notes de débit, les demandes de prolongations de délai de la requérante et l’absence de garantie financière pourtant requise par le règlement financier, la Commission a justifié sa prise de position au considérant 25 de la décision attaquée compte tenu de l’importance du montant et des difficultés rencontrées par la requérante pour payer le montant réclamé par la note de débit, les lettres de rappel et la lettre de mise en demeure.

67      En troisième lieu, il est vrai que la décision attaquée ne mentionne pas le dernier plan d’échelonnement proposé par la requérante le 30 décembre 2020.

68      Cependant, la Commission a pu considérer à juste titre qu’il était suffisant d’avoir rappelé à la requérante, à plusieurs reprises dans le cadre des échanges précédant l’adoption de la décision attaquée et dûment reflétés dans celle-ci tel que cela est rappelé au point 66 ci-dessus, les conditions prévues par l’article 104 du règlement financier pour l’octroi de facilités de paiement, notamment la constitution d’une garantie financière. Ainsi qu’il résulte des points 54 et 55 ci-dessus, la requérante ne pouvait légitimement penser que la dernière demande d’échelonnement pouvait conduire la Commission à considérer que lesdites conditions étaient susceptibles d’être remplies.

69      Par ailleurs, la Commission a explicitement rappelé à la requérante, dans sa lettre du 28 octobre 2020, que, depuis juin 2019, elle lui avait donné toutes les possibilités de rembourser la dette au titre de la note de débit et que, dès lors, afin de protéger les intérêts financiers de l’Union, elle n’avait d’autre choix que de poursuivre la procédure de recouvrement forcé.

70      En tout état de cause, le Tribunal a également eu l’occasion de juger que la motivation du rejet de nouvelles facilités de paiement ne constituait pas un élément de fait ou de droit essentiel dans l’économie d’une décision de recouvrement forcé qui avait été adoptée sur le fondement de l’article 299 TFUE et du règlement financier (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18, non publié, EU:T:2019:409, point 82).

71      En l’espèce, il apparaît que les éléments essentiels dans l’économie de la décision attaquée sont le non-remboursement de sa dette par la requérante, en dépit des demandes répétées de la Commission, et l’incapacité de la requérante de se conformer aux conditions régissant l’octroi de facilités de paiement, y compris la constitution d’une garantie financière, prévues par le règlement financier. Or, ces éléments sont mentionnés aux considérants 17 à 19 et 25 de la décision attaquée.

72      Dès lors, même en l’absence de mention dans la décision attaquée de la dernière demande d’échelonnement, il y a lieu de considérer que ladite décision expose à suffisance de droit les raisons revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision pour lesquelles la Commission a décidé de recouvrer le montant principal restant dû par la requérante, assorti des intérêts de retard, au besoin en procédant à l’exécution forcée.

73      Il convient ainsi de rejeter l’argument tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée et, par conséquent, de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

74      La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée porte atteinte au principe de protection de la confiance légitime en ce que la Commission n’a pas donné suite, préalablement à l’adoption de ladite décision, à la dernière demande d’échelonnement.

75      À titre complémentaire, il découlerait de ce qui précède que la décision attaquée violerait également le principe de sécurité juridique qui sous-tend et complète le principe de protection de la confiance légitime.

76      La Commission conclut au rejet de ces arguments.

77      Conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 144 et jurisprudence citée). De surcroît, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 109 et jurisprudence citée).

78      Ce droit s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée (voir arrêt du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 71 et jurisprudence citée).

79      De surcroît, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 165 et jurisprudence citée).

80      En l’espèce, par son courriel du 5 janvier 2021, la Commission a simplement accusé réception du courriel de la requérante du 30 décembre 2020 et s’est limitée à indiquer qu’elle la recontacterait « dès que possible ».

81      S’il est vrai que cette expression a pu créer une attente de réponse de la part de la Commission, ce courriel ne saurait cependant être interprété comme l’assurance que la Commission donnerait une suite favorable à la demande de la requérante. Au contraire, il ressort des nombreux échanges entre la Commission et la requérante, qui ont précédé l’envoi de la dernière demande d’échelonnement, que la Commission avait fourni des indications claires selon lesquelles, en l’absence de garantie financière et d’un plan de paiement avec des échéances et une durée d’échelonnement acceptables, toute demande de paiement échelonné serait refusée.

82      Il s’ensuit que la requérante était en mesure de prévoir, en tant qu’opérateur prudent et avisé, que sa nouvelle proposition devait subir le même sort que les précédentes, faute notamment d’apporter la garantie financière sollicitée par la Commission.

83      En outre, la requérante ne saurait se prévaloir du paiement de la somme de 250 000 euros, intervenu en septembre 2021, pour justifier de ses attentes légitimes alors que la dernière demande d’échelonnement, non approuvée par la Commission, mentionnait le paiement de la somme de 500 000 euros en juin 2021. Au contraire, cela est davantage de nature à accréditer l’incapacité de la requérante à tenir les promesses données au préalable.

84      Dès lors, la Commission n’a pas créé d’attentes précises, inconditionnelles et concordantes en ce qui concernait la possibilité d’accorder des facilités de paiement, conformément à l’article 104 du règlement financier.

85      Quant à la violation alléguée du principe de sécurité juridique, il suffit de relever que la requérante ne formule pas d’argument autonome et spécifique à cet égard. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité de la présente branche, il convient dès lors de la rejeter comme non fondée et donc d’écarter l’intégralité du deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et du principe de bonne administration

86      Par son troisième moyen, la requérante soutient que, en adoptant la décision attaquée et en l’absence de réponse à la dernière demande d’échelonnement pendant près de dix mois, la Commission a méconnu ses droits de la défense, son droit d’être entendue ainsi que le principe de bonne administration.

 Sur les droits de la défense et le droit d’être entendu

87      Dans la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a enfreint les articles 41, 47 et 48 de la Charte en ce qu’elle n’a pas eu l’occasion de faire connaître son point de vue, n’ayant reçu aucune communication formelle de la part de la Commission depuis le 5 janvier 2021. Or, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts devraient être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision.

88      La requérante considère qu’elle aurait notamment pu, si son droit d’être entendue avait été pleinement respecté, répondre aux éléments cités par la Commission dans la décision attaquée et rappeler les faits manquants, les circonstances nouvelles et les négociations en cours avec plusieurs investisseurs, dont la prise en compte aurait été susceptible d’avoir une incidence sur le contenu de ladite décision.

89      La Commission conteste ces arguments et soutient que la branche tirée de la violation des droits de la défense est manifestement irrecevable, au sens de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

90      Sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité de la présente branche, il convient de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, qui assure le droit à une bonne administration, prévoit que ce droit comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. Il convient de préciser, dans ce contexte, que le droit d’être entendu dans toute procédure est également consacré par les articles 47 et 48 de la Charte, qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle (arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega, C‑166/13, EU:C:2014:2336, point 43). Il convient de préciser que même si la Commission est tenue de respecter les droits fondamentaux de l’Union au cours de la procédure administrative, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, c’est ce dernier, et non l’article 47 de la Charte, qui régit la procédure administrative devant la Commission [arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 45] en ce qui concerne le recouvrement de la contribution financière de l’Union indûment versée.

91      En ce qui concerne l’article 48 de la Charte, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui a été consacré à l’article 48, paragraphe 2, de la Charte (arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 92), tandis que le principe de la présomption d’innocence, inscrit à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de la concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes compte tenu de la nature des infractions en cause ainsi que de la nature et du degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent (arrêts du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, EU:T:2011:560, point 129, et du 27 mars 2014, Saint-Gobain Glass France e.a./Commission, T‑56/09 et T‑73/09, EU:T:2014:160, point 97).

92      Dans la mesure où la Commission ne constitue pas un tribunal au sens de l’article 47 de la Charte et où la décision attaquée n’inflige pas de sanction, d’amende ou d’astreinte, la requérante ne saurait invoquer valablement les articles 47 et 48 de la Charte.

93      Cela étant précisé, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).

94      En l’espèce, comme le démontrent les documents fournis et l’examen des moyens précédents, la requérante a pu faire connaître son point de vue à de nombreuses reprises à la Commission préalablement à l’adoption de la décision attaquée, comme cela ressort des points 9 à 24 ci-dessus.

95      C’est donc à la suite de nombreux échanges, sous la forme de lettres, de courriels et de réunions, et plus de deux ans après le premier rappel adressé à la requérante que la Commission a adopté la décision attaquée.

96      En conséquence, il y a lieu de considérer que la requérante a eu la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue. La requérante reconnaît d’ailleurs elle-même, au point 32 de la réplique, que la Commission « s’est montrée disponible et ouverte au dialogue avec [elle] » et que cela « a été apprécié ».

97      En ce qui concerne spécifiquement la dernière demande d’échelonnement, pour les raisons rappelées notamment au point 55 ci-dessus et au regard des circonstances de l’espèce, la Commission n’était pas tenue d’entendre à nouveau la requérante avant d’adopter la décision attaquée.

98      En effet, l’article 41, paragraphe 2, de la Chartre n’impose pas à la Commission, après avoir entendu la requérante à maintes reprises au cours de la procédure administrative, de l’entendre à nouveau à la suite de chaque demande de report sans que cette demande repose sur de nouveaux éléments pertinents et décisifs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mukarubega, C‑166/13, EU:C:2014:2336, points 68 à 71). La conclusion contraire aurait pour conséquence de donner la possibilité au débiteur de faire reporter sans cesse la clôture de la procédure administrative, sous prétexte de nouvelles demandes d’échelonnement, sans accroître sa protection juridique.

99      La requérante allègue enfin que, « le cas échéant, [elle] aurait pu envisager une durée alternative, plus courte, pour procéder au remboursement ». Or, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, cette nouvelle proposition était peu crédible. En effet, dans sa lettre du 17 janvier 2021, adressée à la Commission, la requérante a proposé de rembourser la somme de 200 000 euros par trimestre, soit 800 000 euros par an, ce qui aurait nécessairement entraîné une durée de remboursement plus longue encore que celle envisagée dans la proposition formulée le 30 décembre 2020, qui était alors de rembourser la somme de 1 000 000 euros par an.

100    Dans ces conditions, il convient de rejeter cette branche comme non fondée.

 Sur la violation alléguée du principe de bonne administration

101    Dans une seconde branche, la requérante invoque la violation du principe de bonne administration dans le titre de son troisième moyen et en conclusion du troisième moyen.

102    La requérante y mentionne également succinctement que l’article 41 de la Charte assure le droit à une bonne administration et que l’institution compétente examine, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

103    En dehors de ces principes, la requérante soutient que « l’atteinte portée au principe de bonne administration est d’autant plus dommageable que comme évoqué ci-dessus, en l’absence de toute activité commerciale propre, l’exécution immédiate et forcée de la décision attaquée ne peut avoir comme seule issue que la mise en liquidation de la société ».

104    La Commission conteste ces arguments et notamment la recevabilité de cette branche.

105    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de cette branche, il suffit de constater que, au soutien de celle-ci, la requérante n’invoque aucun argument spécifique et autonome. En effet, elle considère que son droit à une bonne administration a été enfreint pour les mêmes motifs que ceux qui ont déjà été examinés dans les autres moyens auxquels elle renvoie explicitement et qui ont été rejetés. Par conséquent, il convient de rejeter la présente branche comme non fondée.

106    Dès lors, l’intégralité du troisième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l’objectif de protection effective des intérêts financiers de l’Union

107    La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dont il résulte une violation du principe de proportionnalité, en ce qu’elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir une protection effective des intérêts financiers de l’Union.

108    En premier lieu, la requérante souligne qu’un recouvrement forcé aurait pour effet de conduire à sa liquidation et à la fin de ses activités sans que l’ordonnateur compétent puisse recouvrer la créance conformément à l’article 101 du règlement financier. Dès lors, l’octroi d’un délai et la mise en place d’un échéancier et d’un plan de remboursement, dans les circonstances du cas d’espèce, seraient plus à même de garantir la protection effective des intérêts financiers de l’Union.

109    En second lieu, l’exécution forcée aurait des conséquences disproportionnées. Il s’ensuit que la décision attaquée excéderait ce qui est nécessaire pour parvenir au remboursement effectif de l’intégralité de la créance. D’un point de vue social, il en résulterait que les emplois des onze salariés de la requérante seraient supprimés tandis que, d’un point de vue financier, cela mettrait un terme à toute possibilité de partenariat avec elle. La valorisation de la connaissance et de la technologie développée ne serait possible qu’en cas de maintien des infrastructures et de l’implication continue des équipes de la requérante.

110    La Commission conclut au rejet de ces arguments.

111    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient de nature à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165, et du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 142).

112    Cependant, une telle mesure alternative moins contraignante doit être aussi efficace pour atteindre le but recherché que la mesure dont la proportionnalité est contestée (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 160).

113    En outre, la Commission est tenue, aux termes de l’article 317 TFUE, de respecter le principe de bonne gestion financière. Elle veille également à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 100 et jurisprudence citée).

114    Ainsi, lorsque la Commission adopte des actes dans le cadre de la procédure de recouvrement forcé, telle qu’elle est prévue par l’article 103 du règlement financier, ces actes doivent avoir pour objectif de garantir la protection effective des intérêts financiers de l’Union.

115    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments développés par la requérante dans le cadre de son quatrième moyen.

116    En premier lieu, en ce qui concerne le caractère approprié de la décision attaquée, la requérante ne conteste pas que la décision attaquée contribue à réaliser l’objectif décrit au point 114 ci-dessus, en permettant de recouvrer les montants indûment payés.

117    En tout état de cause, compte tenu des circonstances de l’espèce et notamment de l’absence de remboursement intégral près de trois ans après la résiliation de la convention, il convient de conclure que la décision attaquée constitue une mesure appropriée.

118    En deuxième lieu, s’agissant du caractère nécessaire de la décision attaquée, la requérante estime, en réalité, qu’un échelonnement du remboursement de sa dette constitue une mesure moins contraignante, tout en permettant d’atteindre l’objectif de protection effective des intérêts financiers de l’Union.

119    Cependant, la requérante n’explique pas comment un tel échelonnement serait une mesure non seulement moins contraignante mais également appropriée pour atteindre, d’une manière aussi efficace, cet objectif.

120    En outre, il convient de rappeler que la requérante n’a pas remboursé les sommes dues malgré les multiples demandes en ce sens de la Commission et qu’elle n’est pas parvenue à remplir les conditions nécessaires à la mise en œuvre d’un plan d’échelonnement des paiements.

121    À cet égard, au considérant 25 de la décision attaquée, la Commission a explicitement indiqué que, compte tenu de l’importance du montant total dû et des difficultés rencontrées par la requérante pour payer le montant réclamé dans la note de débit, les lettres de rappel et la lettre de mise en demeure, il convenait de recourir à la procédure prévue à l’article 299 TFUE.

122    Il convient également de constater que la décision attaquée est intervenue plus de trois ans après la résiliation de la convention et que la dernière demande d’échelonnement envisageait un remboursement sur une durée de six ans. Or, comme le Tribunal l’a déjà jugé, plus le plan de remboursement est échelonné dans le temps, plus la Commission risque de voir la requérante honorer les dettes qu’elle a envers d’autres créanciers avant les siennes (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18, non publié, EU:T:2019:409, point 48).

123    De plus, il existe un risque que la requérante doive honorer des dettes qu’elle a envers d’autres créanciers avant celles qu’elle a envers la Commission. À cet égard, elle s’est limitée à indiquer qu’une telle logique s’appliquait à un débiteur avec une activité propre, mais en difficulté financière et qui accumulait les débiteurs et qu’elle ne saurait être considérée se trouver dans une telle situation dans la mesure où elle ne dispose pas d’exploitation propre et n’engendre pas de chiffre d’affaires. Elle aurait donc vocation à rembourser sa dette à l’égard de la Commission dès qu’elle en aurait la capacité et à proportion de celle-ci. Or, comme le relève la Commission, la requérante n’explique pas les raisons pour lesquelles ce risque ne s’appliquerait pas à un débiteur qui ne dispose pas d’exploitation propre et qui n’engendre pas de chiffre d’affaires. De surcroît, il n’est nullement établi, ni même allégué, que la requérante n’accumule pas les débiteurs.

124    Dans ces conditions, un échelonnement du remboursement de la dette ne peut être considéré comme une mesure moins contraignante que la décision attaquée qui permet d’atteindre, de manière aussi efficace, l’objectif de protection effective des intérêts financiers de l’Union. Par conséquent, il convient de constater que cette décision ne dépasse pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de cet objectif.

125    En troisième lieu, en ce qui concerne le caractère non excessif du recouvrement faisant l’objet de la décision attaquée, il importe d’observer que la requérante ne conteste pas le bien-fondé ni même le montant des créances de la Commission. De plus, la requérante n’a toujours pas honoré intégralement, plus de trois ans après l’émission de la note de débit, ses engagements financiers envers la Commission et n’a pas non plus fourni de garantie financière à cette fin. Par conséquent, en l’absence d’adoption de ladite décision, la Commission courait le risque réel de ne pas obtenir le remboursement de ses créances auprès de la requérante nonobstant son obligation découlant de l’article 317 TFUE.

126    L’argument de la requérante selon lequel son éventuelle liquidation, susceptible d’entraîner la suppression d’emplois, est disproportionnée n’est pas de nature à démontrer que le recouvrement de sa dette est excessif. En effet, la requérante n’a pas prouvé que la liquidation serait le résultat inévitable et direct du recouvrement forcé et que, le cas échéant, elle découlerait de la décision attaquée. En tout état de cause, le règlement financier ne soumet pas le recouvrement forcé à la condition que celui-ci n’entraîne pas la liquidation du débiteur.

127    Dans ces conditions, la décision attaquée n’est pas excessive, mais appropriée et nécessaire afin de protéger les intérêts financiers de l’Union et est, en conséquence, conforme au principe de proportionnalité.

128    Partant, il convient d’écarter le quatrième moyen comme non fondé.

129    Pour l’ensemble de ces motifs, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Compagnie industrielle de la matière végétale (CIMV) est condamnée aux dépens.

Kornezov

Petrlík

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.

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