Frajese v Commission (Action for annulment - Medicinal products for human use - Marketing authorisation for Spikevax - Order) French Text [2023] EUECJ T-786/22_CO (27 July 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T78622_CO.html
Cite as: [2023] EUECJ T-786/22_CO

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

27 juillet 2023 (*)

« Recours en annulation – Médicaments à usage humain – Autorisation de mise sur le marché du médicament Spikevax – Autorisation de mise sur le marché du médicament Comirnaty – Vaccin contre la COVID-19 – Absence d’intérêt à agir – Défaut d’affectation directe – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑786/22,

Giovanni Frajese, demeurant à Rome (Italie), représenté par Mes O. Milanese et A. Montanari, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara et A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger (rapporteur) et Mme M. Stancu, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2022 et signifiée à la Commission le 20 décembre 2022,

–        l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2023,

–        les observations du requérant sur l’exception d’irrecevabilité déposées au greffe du Tribunal le 18 avril 2023,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Giovanni Frajese, demande l’annulation, d’une part, de la décision d’exécution C(2022) 7163 final de la Commission, du 3 octobre 2022, portant octroi de l’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain « Spikevax – élasoméran » au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision C(2021) 94 final et, d’autre part, de la décision d’exécution C(2022) 7342 final de la Commission, du 10 octobre 2022, portant octroi de l’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain « Comirnaty – tozinaméran, vaccin à ARNm (à nucléoside modifié) contre la COVID-19 », au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision C(2020) 9598 final (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 décembre 2020 et le 6 janvier 2021, la Commission européenne a adopté respectivement la décision d’exécution C(2020) 9598 final et la décision d’exécution C(2021) 94 final, par lesquelles elle a octroyé, sur demandes respectivement présentées par BioNTech Manufacturing GmbH (ci-après « BioNTech ») et par Moderna Biotech Spain SL (ci-après « Moderna ») et au titre de l’article 14 -bis du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018 (JO 2019, L 4, p. 24), des autorisations de mise sur le marché (ci-après des « AMM ») conditionnelles du médicament « Comirnaty – tozinaméran, vaccin à ARNm (à nucléoside modifié) contre la COVID-19 » et du médicament « Spikevax, élasoméran » (ci-après, pris ensemble, les « vaccins en cause »).

3        À la suite de l’avis du comité des médicaments à usage humain de l’Agence européenne des médicaments (EMA) et constatant à leur considérant 2 qu’il est satisfait aux obligations spécifiques auxquelles sont soumises les AMM conditionnelles octroyées aux vaccins en cause, les décisions attaquées ont abrogé et remplacé la décision d’exécution C(2020) 9598 final et la décision d’exécution C(2021) 94 final.

4        Aux termes de l’article 1er des décisions attaquées, une AMM au titre de l’article 3 du règlement no 726/2004 qui n’est pas soumise à des obligations spécifiques est octroyée aux vaccins en cause, dont le résumé des caractéristiques figure à l’annexe I des décisions attaquées.

5        Aux termes de l’article 2 des décisions attaquées, les AMM octroyées aux vaccins en cause restent soumises au respect des conditions, notamment de fabrication et d’importation, de contrôle et de délivrance, figurant à l’annexe II des décisions attaquées.

6        Aux termes de l’article 4 des décisions attaquées, les AMM octroyées aux vaccins en cause ont une durée de validité de cinq ans à compter de la notification desdites décisions.

7        Aux termes de l’article 6 des décisions attaquées, Moderna et BioNTech sont destinataires de ces décisions.

 Conclusions des parties

8        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

10      La Commission soutient, dans l’exception d’irrecevabilité, que le requérant méconnaît la nature des décisions d’exécution autorisant des médicaments à être mis sur le marché et adoptées à l’issue de la procédure centralisée prévue au règlement no 726/2004, à l’égard desquelles il n’aurait aucun intérêt à agir ; en outre, le requérant serait dépourvu de la qualité pour agir contre les décisions attaquées.

11      Dans la requête, le requérant fait valoir qu’il est concerné par les décisions attaquées dans la mesure où il serait, en sa qualité de médecin, tenu d’administrer les vaccins en cause à ses patients qui le demandent et, par ce fait, serait exposé à un risque de voir engager sa responsabilité civile, voire pénale, en raison d’éventuels effets secondaires. Par ailleurs, il estime être le destinataire direct des conditions d’utilisation des vaccins en cause telles qu’elles sont énoncées aux annexes des décisions attaquées. Or, n’ayant pas accès aux études scientifiques sur la base desquelles les AMM en cause ont été octroyées, il ne serait pas en mesure de vérifier, par ses propres soins, la sécurité et l’efficacité des vaccins en cause. À cet égard, il relève que l’Agenzia Italiana del Farmaco (AIFA) (Agence italienne du médicament) l’aurait informé, dans deux réponses à des demandes d’accès aux documents, qu’elle ne serait pas en possession de la documentation relative aux profils de sécurité et d’efficacité des vaccins en cause étant donné que cette vérification est faite, conformément au cadre législatif applicable, de manière centralisée par l’EMA. Par ailleurs, les décisions attaquées auraient une portée générale dans la mesure où elles autoriseraient la mise sur le marché des vaccins en cause dans tous les États membres sans qu’une mesure d’exécution soit nécessaire au niveau national et sans que les États membres soient en mesure de s’opposer à leur mise sur le marché. Il s’ensuit, selon le requérant, qu’il ne dispose d’aucune autre voie extrajudiciaire ou judiciaire lui permettant de demander le contrôle de la sécurité des vaccins qu’il serait tenu d’administrer. Dans ces conditions, le requérant estime qu’il dispose d’un intérêt réel et actuel à demander, dans le cadre du présent recours, l’annulation des décisions attaquées. En effet, en cas d’annulation des AMM octroyées aux vaccins en cause, il serait libéré de l’obligation de les administrer à ses patients sans être en mesure d’évaluer leur sécurité et leur efficacité. En revanche, un éventuel constat d’irrecevabilité du présent recours le priverait de toute protection juridictionnelle effective.

12      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant fait tout d’abord valoir que celle-ci a été déposée après l’expiration du délai prévu à l’article 81, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. En réponse aux arguments avancés par la Commission dans l’exception d’irrecevabilité, le requérant précise que, si les décisions attaquées n’établissent pas d’obligation vaccinale, elles entraîneraient néanmoins, du seul fait de la commercialisation des vaccins en cause sur le marché des États membres, à laquelle ceux-ci ne sauraient s’opposer en raison des décisions attaquées, une obligation pour les médecins d’évaluer les risques et les bénéfices de ces vaccins dans le cadre de l’exercice de leur fonctions. Il invoque à cet égard également des droits fondamentaux des patients. En effet, selon le requérant, l’octroi d’une AMM par la Commission constitue une condition nécessaire et suffisante pour créer, dans le chef des médecins, une obligation d’évaluation des médicaments autorisés. À cet égard, il réfute l’observation de la Commission selon laquelle les États membres seraient libres de recourir à l’utilisation de vaccins autres que ceux faisant l’objet des décisions attaquées au vu du fait que, selon le requérant, il n’existe sur le marché européen que les vaccins autorisés par la Commission. Dans ces conditions, l’intérêt du requérant à soumettre les décisions attaquées, dont il serait dès lors le destinataire direct, à un contrôle de leur légalité dans le cadre du présent recours se justifierait par le fait qu’il ne saurait obtenir des informations sur la sécurité et l’efficacité des vaccins en cause ni de l’AIFA ni de l’EMA et qu’il risquerait d’engager sa responsabilité civile et pénale à l’égard de ses patients. À cet égard, il relève que ce risque d’engager sa responsabilité en raison de l’administration des vaccins en cause serait différent de celui causé par l’administration d’autres médicaments qui susciteraient moins d’effets secondaires et qui n’auraient pas fait l’objet d’une autorisation centralisée par la Commission. Par ailleurs, il réfute l’argument de la Commission mettant en exergue la responsabilité du producteur comme étant dénué de pertinence, dans la mesure où une telle responsabilité ne saurait exonérer le requérant de sa responsabilité personnelle qui serait une conséquence directe des décisions attaquées. Ainsi, le requérant serait non seulement directement mais également individuellement affecté par les décisions attaquées. Enfin, le requérant fait valoir que les décisions attaquées constituent des actes réglementaires ayant une portée générale au sens de l’article 263, paragraphe 4, TFUE.

 Appréciation du Tribunal

13      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si le défendeur le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

14      Il importe de préciser à cet égard que, contrairement à ce que prétend le requérant, l’exception d’irrecevabilité a été présentée par la Commission dans le respect du délai imparti. En effet, il ressort des éléments du dossier que la requête a été signifiée à la Commission le 20 décembre 2022 et que la Commission a soulevé l’exception d’irrecevabilité par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2023. L’exception d’irrecevabilité a donc été déposée au greffe du Tribunal dans le délai de deux mois prescrit par l’article 81, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu conjointement avec l’article 130, paragraphe 1, dudit règlement, augmenté du délai de distance prévu par l’article 60 du même règlement, applicable, contrairement à ce qu’allègue le requérant, aux délais de procédure à respecter par la Commission.

 Sur l’intérêt à agir du requérant

15      Tout d’abord, il importe de rappeler que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence, en l’absence d’intérêt à agir, il n’y a pas lieu d’examiner si la partie requérante est directement et individuellement concernée au sens des dispositions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêt du 18 décembre 2003, Olivieri/Commission et EMEA, T‑326/99, EU:T:2003:351, point 66 ; ordonnance du 15 mai 2013, Post Invest Europe/Commission, T‑413/12, non publiée, EU:T:2013:246, point 17, et arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 23).

16      En effet, l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice. Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est ainsi recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. L’intérêt à agir d’une partie requérante suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte (arrêt du 19 juin 2009, Socratec/Commission, T‑269/03, non publié, EU:T:2009:211, point 36 ; ordonnance du 15 mai 2013, Post Invest Europe/Commission, T‑413/12, non publiée, EU:T:2013:246, point 22, et arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 24).

17      Selon la jurisprudence, il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de son intérêt à agir. Celle-ci doit, en particulier, démontrer l’existence d’un intérêt personnel à obtenir l’annulation de l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé (voir arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 25 et jurisprudence citée).

18      Toutefois, lorsqu’un recours en annulation est introduit par une partie requérante non privilégiée contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, l’exigence selon laquelle les effets juridiques obligatoires de la mesure attaquée doivent être de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci, se chevauche avec les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêts du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 38 ; du 16 octobre 2014, Alro/Commission, T‑517/12, EU:T:2014:890, point 25, et du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 26).

19      Dès lors, afin d’apprécier si la décision attaquée est susceptible de recours par les requérants, il convient d’examiner si elle constitue un acte qui produit des effets de droit obligatoires à leur égard (voir arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 27 et jurisprudence citée).

20      Pour déterminer si un acte produit des effets juridiques à l’égard d’une partie requérante et modifie de façon caractérisée sa situation juridique, il y a lieu de s’attacher notamment à son objet, à son contenu, à sa substance ainsi qu’au contexte factuel et juridique dans lequel il est intervenu (voir ordonnance du 10 juillet 2019, Pilatus Bank/BCE, T‑687/18, non publiée, EU:T:2019:542, point 16 et jurisprudence citée).

21      En l’occurrence, il convient tout d’abord de constater que les décisions attaquées s’adressent respectivement à Moderna et à BioNTech qui en sont les seules destinataires, de sorte que le requérant doit être considéré comme un tiers au regard desdites décisions.

22      Il y a lieu, par ailleurs, de relever que les décisions attaquées ont uniquement pour effet, d’une part, d’autoriser les entreprises productrices des vaccins en cause, à savoir Moderna et BioNTech, à les commercialiser sur le marché de l’Union européenne et, d’autre part, d’interdire aux États membres de s’opposer à leur mise sur ce marché. Ces décisions ne créent donc aucune charge ou obligation de quelque nature que ce soit ni pour les personnes physiques de se faire vacciner avec ces médicaments, ni pour les médecins d’administrer ces vaccins à leurs patients (voir, par analogie, ordonnances du 9 novembre 2021, Amort e.a./Commission, T‑96/21, non publiée, EU:T:2021:804, point 35 ; du 9 novembre 2021, Amort e.a./Commission, T‑136/21, non publiée, EU:T:2021:807, point 34 ; du 14 janvier 2022, Alauzun e.a./Commission et EMA, T‑418/21, non publiée, EU:T:2022:39, point 39 ; du 7 février 2022, Faller e.a./Commission, T‑464/21, non publiée, EU:T:2022:68, point 31, et du 1er mars 2022, Agreiter e.a./Commission, T‑632/21, non publiée, EU:T:2022:135, point 26).

23      Toute obligation pour les médecins d’administrer les vaccins en cause à leurs patients ne pourrait trouver son fondement juridique que dans le droit national de l’État membre concerné. À cet égard, il y également lieu de relever que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, l’octroi d’une AMM ne signifie pas que les États membres sont tenus de rendre l’utilisation des médicaments autorisés obligatoire, mais uniquement qu’ils ne sauraient s’opposer à leur commercialisation.

24      De surcroît, les décisions attaquées n’établissent aucune obligation pour les médecins qui décident librement d’administrer les vaccins en cause à leurs patients de réévaluer leur sécurité et leur efficacité. Contrairement à ce qu’allègue le requérant, une telle obligation ne ressort notamment pas des annexes des décisions attaquées. Si l’annexe I contient le résumé des caractéristiques des vaccins en cause, les annexes II et III définissent les obligations des détenteurs des AMM en ce qui concerne la fabrication, l’importation, le contrôle, la délivrance ainsi que l’étiquetage de ces vaccins. En revanche, aucune disposition des décisions attaquées et de leurs annexes ne confère aux médecins disposés à administrer les vaccins en cause la responsabilité, voire l’obligation, de procéder à une vérification de leur sécurité et de leur efficacité. En effet, dans le cadre de la procédure d’AMM des médicaments régie par le règlement no 726/2004, la vérification de la sécurité et de l’efficacité des médicaments est assurée par l’EMA, sur l’avis de laquelle les décisions attaquées sont fondées en l’espèce.

25      Par conséquent, les décisions attaquées qui s’adressent exclusivement aux producteurs des vaccins en cause sans établir d’obligations dans le chef des personnes physiques ne sont, de par leur nature, pas susceptibles d’être méconnues par le requérant. Dès lors, elles ne sauraient être à l’origine d’une éventuelle responsabilité civile, voire pénale, du requérant à l’égard de ses patients. En effet, l’engagement de la responsabilité du requérant, qu’elle soit de nature civile ou pénale, à l’égard de ses patients dépend de circonstances spécifiques qui trouvent leur origine dans le traitement individuel de ses patients et qui sont indépendantes des décisions attaquées. Pour autant que le requérant éprouve, dans le cadre d’un traitement d’un patient, des doutes quant à la sécurité ou à l’efficacité des vaccins en cause, il lui reste loisible de ne pas recommander ou de ne pas administrer ces vaccins. En aucun cas, sa responsabilité civile ou pénale ne saurait être engagée du fait de ne pas avoir contesté en justice les AMM octroyées à ces vaccins.

26      Au vu de ce qui précède, l’annulation des décisions attaquées ne saurait procurer un quelconque avantage au requérant au sens de la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus.

27      Au demeurant, force est de constater que, dans le cadre du présent recours visant l’annulation des décisions attaquées, le requérant ne saurait non plus obtenir l’accès désiré aux documents contenant des informations sur la sécurité et l’efficacité des vaccins en cause détenus par l’EMA ou par la Commission. Un tel accès présuppose une demande formulée au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), dont le rejet définitif est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE.

28      Il s’ensuit que le requérant n’a pas justifié d’un intérêt à agir à l’égard des décisions attaquées.

 Sur la qualité pour agir du requérant

29      Nonobstant l’absence d’intérêt à agir du requérant, le Tribunal estime néanmoins opportun, en l’occurrence, d’examiner la recevabilité du recours au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

–       Sur l’absence d’affectation directe

30      Il convient de rappeler que, s’agissant de l’affectation directe, cette condition requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, en premier lieu, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, en second lieu, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 66, et ordonnance du 8 février 2019, Front Polisario/Conseil, T‑376/18, non publiée, EU:T:2019:77, point 27).

31      S’agissant de la première condition relative à l’« affectation directe », elle signifie notamment que la mesure en cause doit produire directement des effets sur la situation juridique de la personne physique ou morale qui entend former un recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ainsi, une telle condition doit être appréciée uniquement au regard des effets juridiques de la mesure, les effets politiques éventuels de celle-ci n’ayant pas d’incidence sur cette appréciation (arrêt du 3 décembre 2020, Région de Bruxelles-Capitale/Commission, C‑352/19 P, EU:C:2020:978, point 64).

32      Or, il ressort d’ores et déjà des points 21 à 25 ci-dessus que les décisions attaquées ne produisent aucun effet juridique sur la situation juridique du requérant, mais uniquement sur celle de Moderna et BioNTech ainsi qu’à l’égard des États membres.

33      En effet, la décision attaquée ne comporte en elle-même aucune obligation pour le requérant d’administrer les vaccins en cause à ses patients ou de vérifier, par ses propres soins, leur sécurité leur et efficacité.

34      Même si une obligation pour les médecins d’administrer les vaccins en cause existait en vertu du droit italien ou même de celui de l’Union, il ne s’agirait nullement d’effets juridiques découlant des décisions attaquées, mais de la conséquence de l’adoption d’autres mesures au niveau soit national, soit de l’Union.

35      S’agissant de la seconde condition de l’« affectation directe », il convient de relever que les décisions attaquées se bornent à octroyer une AMM des vaccins en cause, sans que les autorités nationales des États membres soient destinataires de ces décisions. Il en découle que celles-ci disposent d’un pouvoir d’appréciation total quant à l’opportunité d’imposer aux médecins le recours à ces médicaments, si nécessaire au moyen de mesures coercitives.

36      Il résulte de ce qui précède que la condition relative à l’affectation directe du requérant n’est pas remplie.

–       Sur l’absence d’affectation individuelle

37      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 33, et ordonnance du 27 mars 2012, Connefroy e.a./Commission, T‑327/09, non publiée, EU:T:2012:155, point 21).

38      À cet égard, il suffit de constater que les décisions attaquées n’atteignent pas le requérant en raison de certaines qualités qui lui seraient particulières ou d’une situation de fait qui le caractériserait par rapport à d’autres personnes concernées par l’AMM des vaccins en cause.

39      La simple allégation selon laquelle le requérant ferait partie du corps restreint des médecins actifs dans la vaccination des citoyens ne suffit pas à l’individualiser ni à le caractériser par rapport à l’ensemble des professionnels actifs dans le secteur de santé et des soins.

40      Par ailleurs, l’allégation selon laquelle les décisions attaquées violeraient les droits fondamentaux du requérant ou de ses patients ne suffit pas à elle seule à déclarer recevable le recours d’un particulier, sous peine de vider les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE de leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C‑565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 48 et jurisprudence citée).

41      À supposer même que le requérant ait invoqué une violation de ses droits fondamentaux ou des droits fondamentaux de ses patients en en déduisant une affectation individuelle, au motif que l’intégrité physique et, partant, la violation des droits fondamentaux seraient uniques et différentes pour chaque individu, il convient de constater qu’il ne saurait être considéré que les décisions attaquées atteignent le requérant ou ses patients en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire.

–       Sur l’absence d’acte réglementaire

42      Pour le surplus, il convient de rappeler qu’il a été jugé que la notion d’« acte réglementaire » couvrait tous les actes non législatifs de portée générale (voir ordonnance du 8 juin 2021, Price/Conseil, T‑231/20, non publiée, EU:T:2021:349, point 61 et jurisprudence citée).

43      Or, force est de constater que les décisions attaquées ne produisent aucun effet juridique à l’égard de tiers, mais seulement à l’égard des entreprises productrices des vaccins en cause, à savoir Moderna et BioNTech, de sorte qu’elles n’ont aucune portée générale et abstraite.

44      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de rejeter le recours comme étant irrecevable.

45      Pour autant, il convient de relever que le rejet du présent recours comme étant irrecevable n’est pas de nature à restreindre le droit à un recours juridictionnel effectif du requérant. En effet, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union (arrêts du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, EU:C:1986:166, point 23 ; du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 40, et du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 92).

46      Ainsi, les personnes physiques ou morales, telles que le requérant, ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité du recours en annulation, attaquer directement des actes de l’Union sont en droit de contester devant les juridictions nationales les mesures adoptées par les États membres en lien avec ces actes, en invoquant l’invalidité de ces derniers et en amenant les juridictions nationales à interroger la Cour par voie de questions préjudicielles sur la validité desdits actes sur le fondement de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, points 67 et 68, et du 4 décembre 2019, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission, C‑342/18 P, non publié, EU:C:2019:1043, point 63 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      Le requérant ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Giovanni Frajese est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 27 juillet 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

J. Svenningsen


*      Langue de procédure : l’italien.

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