Lithuania v Commission (EAGF and EAFRD - Expenditure excluded from financing - Expenditure incurred by Lithuania - Aid for early retirement - Judgment) French Text [2022] EUECJ T-537/20 (07 December 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T53720.html
Cite as: EU:T:2022:777, [2022] EUECJ T-537/20, ECLI:EU:T:2022:777

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

7 décembre 2022 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par la Lituanie – Aide à la retraite anticipée – Article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 – Article 34, paragraphe 6, et article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 »

Dans l’affaire T‑537/20,

République de Lituanie, représentée par MM. R. Dzikovič et K. Dieninis, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes J. Aquilina, J. Jokubauskaitė et M. M. Kaduczak, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine et M. M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la République de Lituanie demande l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2020/859 de la Commission, du 16 juin 2020, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2020, L 195, p. 59), en tant qu’elle lui a imposé une correction financière forfaitaire de 5 %, excluant ainsi le montant de 2 186 447,97 euros du financement versé au titre de la mesure d’aide à la retraite anticipée pendant la période allant du 16 octobre 2013 au 30 juin 2018 (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

 Sur les première et deuxième décisions, fixant une correction financière forfaitaire dans le cadre des enquêtes RD 1/2009/804/LT et RD 1/2014/850/LT, concernant la mesure d’aide à la retraite anticipée

2        Ainsi que le précisait l’article 10 du règlement (CE) no 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (JO 1999, L 160, p. 80), un soutien avait été accordé à la préretraite dans le secteur de l’agriculture afin, notamment, d’offrir un revenu aux exploitants agricoles âgés qui décidaient de cesser leur activité agricole et d’améliorer la viabilité économique des exploitations agricoles en favorisant le remplacement de ces exploitants agricoles âgés.

3        Afin de pouvoir bénéficier de cette aide à la retraite anticipée, l’exploitant agricole devait remplir trois conditions, énumérées à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999, à savoir cesser définitivement toute activité agricole à des fins commerciales, être âgé d’au moins 55 ans, sans avoir atteint l’âge normal de la retraite au moment de la cessation de son activité agricole, et avoir exercé cette activité agricole pendant les dix ans qui avaient précédé ladite cessation.

4        À compter du 1er janvier 2007, ces dispositions du règlement no 1257/1999 ont été abrogées et remplacées par l’article 20, sous a), iii), et l’article 23 du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1).

5        Ainsi, l’article 23 du règlement no 1698/2005 prévoyait que l’aide à la retraite anticipée était accordée aux agriculteurs qui décidaient de cesser leur activité agricole dans le but de céder leur exploitation à d’autres agriculteurs et aux travailleurs agricoles qui décidaient de cesser définitivement toute activité agricole au moment de la cession, à condition, notamment, que le cédant cessât définitivement toute activité agricole commerciale.

6        Par la décision C(2004) 2949 final, du 3 août 2004, et la décision C(2007) 5076 final, du 19 octobre 2007, la Commission européenne a approuvé les plans de développement rural présentés par les autorités lituaniennes pour les périodes allant, respectivement, de 2004 à 2006 et de 2007 à 2013, et prévoyant la mise en œuvre de la mesure d’aide à la retraite anticipée après l’exercice d’une activité agricole commerciale.

7        Du 20 au 24 avril 2009, la Commission a effectué un audit en Lituanie sur l’apurement de conformité de cette mesure (ci-après l’« enquête RD 1/2009/804/LT »).

8        Aux termes de sa position définitive du 9 octobre 2012 et du rapport de synthèse du 15 octobre 2012, la Commission a considéré que les autorités lituaniennes n’avaient pas vérifié la condition tenant à l’exercice d’une activité agricole commerciale par les exploitants agricoles qui avaient sollicité l’aide à la retraite anticipée avant le 16 septembre 2009 et que cette défaillance dans un contrôle clé relatif à une condition d’éligibilité de l’aide justifiait l’application d’une correction financière forfaitaire.

9        Par la décision d’exécution 2013/123/UE, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2013, L 67, p. 20), la Commission a imposé à la République de Lituanie une correction financière de 5 %, d’un montant total de 3 033 008,85 euros, pour le financement de la mesure d’aide à la retraite anticipée pendant la période allant du 8 juillet 2007 au 15 octobre 2010.

10      La République de Lituanie n’a pas contesté la décision d’exécution 2013/123.

11      Par la décision d’exécution (UE) 2015/1119, du 22 juin 2015, écartant du financement de l'Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 182, p. 39), à la suite d’une deuxième enquête (ci-après l’« enquête RD 1/2014/850/LT »), la Commission a imposé à la République de Lituanie, pour les mêmes motifs que ceux ayant justifié la décision d’exécution 2013/123, une correction financière de 5 %, d’un montant total de 1 938 300,08 euros, pour le financement de la mesure d’aide à la retraite anticipée pendant la période allant du 16 octobre 2010 au 15 octobre 2013.

12      Le 2 septembre 2015, la République de Lituanie a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision d’exécution 2015/1119.

13      Par l’arrêt du 22 novembre 2018, Lituanie/Commission (T‑508/15, non publié, EU:T:2018:828), le Tribunal a rejeté ce recours.

14      Par un pourvoi devant la Cour introduit le 1er février 2019, la République de Lituanie a demandé l’annulation de l’arrêt du 22 novembre 2018, Lituanie/Commission (T‑508/15, non publié, EU:T:2018:828).

15      Par l’arrêt du 27 février 2020, Lituanie/Commission (C‑79/19 P, EU:C:2020:129), la Cour a rejeté ce pourvoi.

 Sur la décision attaquée,  fixant une correction financière forfaitaire dans le cadre de l’enquête RD 3/2017/009/LT concernant la mesure d’aide à la retraite anticipée

16      Du 2 au 6 octobre 2017, la Commission a, dans le cadre d’une troisième enquête (ci-après l’« enquête RD 3/2017/009/LT »), effectué un troisième audit en Lituanie sur l’apurement de conformité, notamment, de la mesure d’aide à la retraite anticipée.

17      Le 21 décembre 2017, la Commission a prévenu les autorités lituaniennes qu’une nouvelle correction financière de 5 %, concernant le financement de la mesure d’aide à la retraite anticipée pendant la période postérieure au 15 octobre 2013, devait être imposée pour des raisons identiques à celles mentionnées dans les rapports de synthèse des enquêtes RD 1/2009/804/LT et RD 1/2014/850/LT.

18      Le 22 février 2018, les autorités lituaniennes ont fait part de leur désaccord avec la correction proposée par la Commission, en se référant aux arguments qui avaient été exposés lors des enquêtes RD 1/2009/804/LT et RD 1/2014/850/LT ainsi que dans les documents adressés au Tribunal dans l’affaire T‑508/15.

19      Le 15 juin 2018, au cours de la réunion bilatérale prévue par l’article 34, paragraphes 2 et 3, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), la Commission a maintenu sa position telle que résumée au point 17 ci-dessus.

20      Par une communication officielle du 15 mars 2019 adoptée en application de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 908/2014 (ci-après la « communication officielle du 15 mars 2019 »), la Commission a indiqué aux autorités lituaniennes qu’elle maintenait sa position telle que résumée au point 17 ci-dessus et que, par conséquent, elle projetait d’écarter des financements de l’Union européenne la somme de 2 185 084,16 euros, pour la période allant du 16 octobre 2013 au 30 juin 2018.

21      Le 2 mai 2019, les autorités lituaniennes ont présenté une demande de conciliation dans laquelle, sur la base de nouvelles données issues de contrôles complémentaires, ces autorités aboutissaient à la conclusion que la part des dépenses susceptibles de représenter un risque financier pour l’Union était seulement de 0,08 %, soit 33 244 euros, et sollicitaient de la Commission qu’elle n’appliquât pas de correction financière sur le fondement de l’article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014.

22      Le 28 mai 2019, la Commission a adressé au secrétariat de l’organe de conciliation une note dans laquelle elle maintenait sa position tendant à l’application d’une correction forfaitaire de 2 185 084,16 euros.

23      Le 19 juillet 2019, l’organe de conciliation a rendu son rapport.

24      Le 27 septembre 2019, les autorités lituaniennes ont sollicité de la Commission qu’elle réexamine sa position au vu des nouvelles données mentionnées au point 21 ci-dessus.

25      Aux termes de ses conclusions du 18 décembre 2019, communiquées aux autorités lituaniennes le 6 janvier 2020, la Commission a maintenu sa position selon laquelle il convenait d’appliquer une correction financière forfaitaire de 5 %, correspondant au montant réévalué de 2 186 447,97 euros.

26      Le 24 janvier 2020, les autorités lituaniennes ont demandé à la Commission de réexaminer sa position et, le cas échéant, de prolonger les délais de l’enquête conformément à l’article 34, paragraphe 9, du règlement d’exécution no 908/2014.

27      Aux termes du rapport de synthèse du 19 mai 2020, la Commission a maintenu sa position tendant à l’application d’une correction financière forfaitaire de 5 %, d’un montant de 2 186 447,97 euros.

28      Le 16 juin 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.

 Conclusions des parties

29      La République de Lituanie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République de Lituanie aux dépens.

 En droit

31      Au soutien de son recours, la République de Lituanie invoque, en substance, d’une part, une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), et, d’autre part, une violation de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 ainsi qu’une erreur d’appréciation au regard de l’article 35, paragraphe 1, du même règlement, l’ensemble de ces dispositions devant être lues conjointement avec les principes de proportionnalité et de coopération loyale.

32      À cet égard, le Tribunal doit, selon la jurisprudence, interpréter les écritures des parties au regard de leur substance plutôt que de leur qualification (voir arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 54 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, force est de constater que l’argumentation de la République de Lituanie tirée de la violation de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 se rapporte à un vice de procédure et doit être distinguée de l’argument tiré d’une erreur d’appréciation au regard de l’article 35, paragraphe 1, du même règlement, qui est relatif, pour sa part, au bien-fondé de la décision attaquée.

34      Dès lors, il y a lieu pour le Tribunal d’examiner, d’abord, un premier moyen, tiré de la violation de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 ainsi que des principes de proportionnalité et de coopération loyale, ensuite, un deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 ainsi que desdits principes, et, enfin, un troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation au regard de l’article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014 ainsi que de la violation de ces mêmes principes.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 ainsi que des principes de proportionnalité et de coopération loyale

35      La République de Lituanie fait valoir que la Commission a méconnu l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, qui vise à éviter toute surestimation brute du préjudice financier causé au budget de l’Union et, à cette fin, oblige la Commission à prendre en compte les informations qui lui sont transmises par l’État membre concerné.

36      Ainsi, la Commission n’aurait pas réagi aux demandes répétées des autorités lituaniennes tendant à la prise en compte des nouvelles données issues des contrôles complémentaires, lesquelles ont été fournies dans la demande de conciliation du 2 mai 2019 et dans les lettres des 27 septembre 2019 et 24 janvier 2020, ce défaut de motivation démontrant la réticence de la Commission à coopérer.

37      La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

38      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 5 du règlement no 1306/2013 et selon une jurisprudence constante, le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du 12 février 2020, Hongrie/Commission, T‑505/18, non publié, EU:T:2020:56, points 34 et 75 et jurisprudence citée).

39      Ainsi, seuls les montants versés en conformité avec les règles établies dans le cadre de cette organisation commune sont mis à la charge du Feader. Reste donc à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette organisation commune (voir, par analogie, arrêt du 17 décembre 2020, France/Commission, C‑404/19 P, EU:C:2020:1041, point 51 et jurisprudence citée).

40      Par conséquent, conformément à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, lorsque la Commission considère que des dépenses, notamment au titre du Feader, n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union, elle adopte une décision déterminant les montants à exclure du financement de l’Union.

41      Dans le cadre de cette procédure d’apurement de conformité, il ressort de l’article 52, paragraphe 3, du règlement no 1306/2013 que, préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre (voir, par analogie, arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission, C‑341/17 P, EU:C:2019:409, point 99).

42      En effet, ainsi que l’indique l’article 52, paragraphe 3, premier alinéa, dernière phrase, du règlement no 1306/2013, à ce stade de la procédure, les États membres se voient accorder la possibilité de démontrer que l’ampleur réelle de la non-conformité constatée est moindre que ne l’évalue la Commission.

43      En outre, conformément à l’article 52, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1306/2013, si aucun accord ne peut être dégagé, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure destinée à concilier la position de chaque partie et la Commission doit tenir compte des recommandations du rapport présenté à l’issue de cette procédure de conciliation.

44      Enfin, l’article 34 du règlement d’exécution no 908/2014 prévoit, préalablement à la décision finale de la Commission sur l’évaluation des montants à écarter, un système complexe et détaillé devant être respecté par l’État membre et par la Commission. La notification par la Commission des résultats des vérifications et des mesures correctives à considérer sert de base pour la procédure administrative et en fixe le cadre. L’État membre a l’occasion de faire valoir ses commentaires dans la réponse écrite et lors de la réunion bilatérale prévue dans cette disposition avant que la Commission ne lui adresse une communication officielle. Ensuite, l’État membre peut encore présenter ses arguments devant l’organe de conciliation. Ce n’est qu’après l’examen du rapport de l’organe de conciliation que la Commission adopte ses conclusions, dans lesquelles elle se prononce sur un éventuel refus de financement. Pendant la procédure administrative, l’État membre doit disposer de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue. La procédure administrative est donc de nature complexe et est complète et, de ce fait, elle garantit que la Commission est en mesure de prendre la décision finale sur la base de toutes les informations disponibles (voir arrêt du 8 juillet 2020, Portugal/Commission, T‑38/19, non publié, EU:T:2020:325, point 93 et jurisprudence citée).

45      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen, tiré d’une violation, d’une part, de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 et, d’autre part, des principes de proportionnalité et de coopération loyale.

46      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, tel que rectifié (JO 2015, L 114, p. 25), et dans sa rédaction applicable à la date d’adoption de la décision attaquée, dispose que, lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement de l’Union, les informations communiquées par l’État membre après la communication officielle de la Commission visée à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du même règlement peuvent être prises en compte uniquement, d’une part, dans le cas où il est nécessaire d’éviter la surestimation brute du préjudice financier causé au budget de l’Union [article 34, paragraphe 6, sous a), du règlement d’exécution no 908/2014] et, d’autre part, dans le cas où la transmission tardive des informations est dûment justifiée par des facteurs externes et ne compromet pas l’adoption en temps voulu par la Commission de la décision en vertu de l’article 52 du règlement no 1306/2013 [article 34, paragraphe 6, sous b), du règlement d’exécution no 908/2014].

47      En l’espèce, ce n’est que le 2 mai 2019, à l’occasion de la demande de conciliation, que les autorités lituaniennes ont adressé pour la première fois à la Commission les nouvelles données issues des contrôles complémentaires effectués par ces autorités, et ce alors que la Commission leur avait déjà transmis la communication officielle du 15 mars 2019.

48      Or, sans qu’il soit besoin de vérifier si cette transmission tardive satisfaisait aux conditions fixées par l’article 34, paragraphe 6, sous a) et b), du règlement d’exécution no 908/2014 et nonobstant les mentions figurant dans le rapport de l’organe de conciliation du 19 juillet 2019, il ressort du dossier que la Commission a bien pris en compte ces informations complémentaires dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité ayant donné lieu à l’adoption de la décision attaquée, dans la mesure où elle a évalué la pertinence desdites informations.

49      En effet, il ressort de la note du 28 mai 2019 adressée à l’organe de conciliation par la Commission que cette dernière y indiquait avoir soigneusement examiné les arguments avancés par les autorités lituaniennes dans leur demande de conciliation. En particulier, la Commission a précisé que les éléments que les autorités lituaniennes indiquaient avoir vérifiés n’apportaient pas une preuve suffisante quant à l’exercice d’une activité agricole commerciale par les bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée, antérieurement à son octroi.

50      En outre, si, dans ses conclusions du 18 décembre 2019, la Commission a regretté que les contrôles rétroactifs effectués par les autorités lituaniennes soient intervenus uniquement au stade de la conciliation et que les nouvelles données lui aient été adressées de manière tardive, sans la justification prévue par l’article 34, paragraphe 6, sous b), du règlement d’exécution no 908/2014, elle a confirmé, néanmoins, avoir examiné ces données et précisé qu’elles n’apportaient pas une preuve suffisante de l’exercice d’une activité agricole commerciale par les bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée, en l’absence de factures ou de bons de commande relatifs aux ventes de lait, d’animaux ou de productions végétales des exploitants agricoles concernés.

51      Enfin, dans le rapport de synthèse du 19 mai 2020, la Commission a indiqué maintenir sa position au sujet des éléments complémentaires fournis par les autorités lituaniennes au stade de la conciliation pour les mêmes motifs que ceux indiqués dans les conclusions du 18 décembre 2019.

52      Ainsi, la République de Lituanie n’est pas fondée à soutenir que la Commission n’a pas pris en compte, au sens de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014, les nouvelles données issues des contrôles complémentaires que les autorités lituaniennes lui ont transmises à l’occasion de la demande de conciliation.

53      Par ailleurs, il résulte des indications figurant dans la note et dans les conclusions de la Commission, en date, respectivement, du 28 mai et du 18 décembre 2019, ainsi que dans le rapport de synthèse du 19 mai 2020 que la décision attaquée est suffisamment motivée concernant la prise en compte des éléments complémentaires fournis par la République de Lituanie après la communication officielle du 15 mars 2019.

54      À cet égard, il est vrai que l’autorité de l’Union qu’est en l’espèce la Commission se doit de répondre explicitement aux éléments d’information précis et détaillés que met en avant un État membre qui, au cours de la procédure administrative, cherche à s’acquitter de la charge de la preuve qui lui incombe pour démontrer les conséquences financières des carences constatées, en nouant à cette fin un dialogue avec elle afin de trouver la solution la plus conforme aux exigences de la réglementation applicable (voir arrêt du 26 mars 2019, Grèce/Commission, T‑480/17, non publié, EU:T:2019:191, point 79 et jurisprudence citée).

55      Toutefois, il résulte également de la jurisprudence que la motivation d’une décision écartant des dépenses au titre des fonds agricoles doit être considérée comme étant suffisante, dès lors qu’il ressort de la correspondance qui a eu lieu au cours de la procédure d’apurement et du rapport de synthèse que l’État destinataire a été étroitement associé à la procédure d’élaboration de ladite décision et qu’il en connaissait les motifs essentiels (voir arrêt du 18 novembre 2021, Grèce/Commission, C‑107/20 P, non publié, EU:C:2021:937, point 102 et jurisprudence citée).

56      Or, d’une part, ainsi qu’il résulte des points 16 à 28 et 49 à 51 ci-dessus, les autorités lituaniennes ont été étroitement associées à la procédure d’élaboration de la décision attaquée.

57      D’autre part, dans leur demande de conciliation du 2 mai 2019, les autorités lituaniennes ont expliqué que les contrôles supplémentaires qu’elles avaient effectués pour étayer la participation à une activité agricole commerciale des bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée étaient fondés sur des éléments de preuves objectifs et vérifiables.

58      Cependant, les autorités lituaniennes ont précisé que les critères choisis ne montraient pas nécessairement, pour diverses raisons, toute l’étendue de la production réalisée, au motif, notamment, qu’un certain nombre d’agriculteurs vendaient directement leur production à leurs voisins ou sur les marchés, sans obligation de conserver des documents financiers ou d’autres documents.

59      Dans sa note du 28 mai 2019, la Commission a rappelé que, lors d’une réunion bilatérale qui s’était tenue le 4 mars 2010, à la suite de l’enquête RD 1/2009/804/LT, les autorités lituaniennes avaient indiqué que, pour un groupe important d’agriculteurs, il n’y avait pas d’informations disponibles dans les bases de données du gouvernement et, notamment, dans la base de données relative aux ventes de lait, qui pourraient fournir l’assurance que ces agriculteurs exerçaient une activité agricole commerciale avant de demander à bénéficier de l’aide à la retraite anticipée.

60      Dans ce même document, la Commission a rappelé les explications fournies par les autorités lituaniennes dans leur demande de conciliation et mentionnées aux points 57 et 58 ci-dessus. À cet égard, la Commission a indiqué que les agriculteurs pour lesquels il n’y avait pas de preuves de leur activité agricole commerciale n’étaient pas éligibles au régime de retraite anticipée et n’auraient pas dû être autorisés à participer à ce régime. La Commission a ajouté que les nouvelles données fournies par les autorités lituaniennes ne justifiaient pas le calcul d’une correction financière ponctuelle, dans la mesure où, pour un nombre substantiel d’agriculteurs, à savoir les agriculteurs qui vendaient directement leur production sur les marchés, aucune preuve de leur activité agricole commerciale avant leur adhésion au régime de l’aide à la retraite anticipée n’était disponible.

61      C’est dans ce contexte que, dans ses conclusions du 18 décembre 2019 et dans le rapport de synthèse du 19 mai 2020, la Commission a considéré que les nouvelles données fournies par les autorités lituaniennes n’apportaient pas une preuve suffisante de l’exercice d’une activité agricole commerciale des bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée, en l’absence de factures ou de bons de commande justifiant de la vente de lait, d’animaux ou de productions végétales.

62      Ainsi, les autorités lituaniennes connaissaient les motifs essentiels de la décision attaquée, en particulier les motifs pour lesquels la Commission a considéré que les nouvelles données transmises par ces autorités dans la demande de conciliation n’étaient pas de nature à emporter un réexamen du montant de la correction financière.

63      Par conséquent, le grief tiré d’une violation de l’article 34, paragraphe 6, du règlement d’exécution no 908/2014 n’est pas fondé et doit être rejeté.

64      Enfin, la République de Lituanie n’avance pas d’autres arguments que ceux rappelés aux points 35 et 36 ci-dessus au soutien de ses griefs tirés d’une violation des principes de proportionnalité et de coopération loyale. Dans la mesure où lesdits arguments ont été rejetés aux points 38 à 63 ci-dessus, lesdits griefs doivent également être rejetés.

65      Le premier moyen est donc rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 ainsi que des principes de proportionnalité et de coopération loyale 

66      La République de Lituanie fait valoir que la Commission a, à tort, appliqué une correction financière forfaitaire, faute d’avoir calculé le préjudice financier réellement causé à l’Union en intégrant les nouvelles données transmises par les autorités lituaniennes à l’occasion de la demande de conciliation.

67      La République de Lituanie précise que les contrôles complémentaires à l’origine de ces nouvelles données ont consisté en une vérification de la condition afférente à l’exercice d’une activité agricole commerciale avant l’introduction des demandes d’aide à la retraite anticipée, à l’égard de toutes les demandes enregistrées entre la date d’entrée en vigueur, en Lituanie, de la mesure d’aide à la retraite anticipée et la date du 16 septembre 2009.

68      La République de Lituanie indique que, dans le cadre de ces contrôles complémentaires, les autorités lituaniennes ont considéré que la condition tenant à l’exercice d’une activité agricole commerciale avant l’octroi de l’aide à la retraite anticipée était confirmée par l’enregistrement, dans les bases de données nationales, de ventes de lait ou de ventes d’animaux d’élevage, ces dernières incluant, notamment, les ventes pour l’abattage, ou, à défaut, par des documents démontrant la perception de revenus issus de la mise sur le marché d’une production laitière, d’animaux d’élevage ou de productions végétales et, enfin, par la taille des exploitations agricoles, fixée au minimum à une unité de dimension européenne.

69      S’agissant, premièrement, des données relatives aux ventes de lait, que la République de Lituanie qualifie de « ventes réelles de lait », cette dernière indique avoir extrait ces données à partir de la base informatisée de données relative aux quotas laitiers (ci-après la « base de données des quotas laitiers »).

70      S’agissant, deuxièmement, des données relatives aux ventes d’animaux d’élevage, la République de Lituanie indique que les autorités lituaniennes ont écarté, en conséquence de l’arrêt du 22 novembre 2018, Lituanie/Commission (T‑508/15, non publié, EU:T:2018:828), les cas dans lesquels il existait un seul animal dans l’exploitation agricole ainsi que les cas dans lesquels un seul animal était vendu lors de la cessation d’une activité agricole, de manière à sélectionner uniquement les données des demandeurs ayant mis sur le marché au minimum deux animaux.

71      Troisièmement, la République de Lituanie précise que, en l’absence d’indications quant à l’exercice d’une activité agricole commerciale dans la base de données des quotas laitiers et dans la base informatisée de données relative aux ventes d’animaux d’élevage, les autorités lituaniennes ont vérifié si les agriculteurs concernés avaient fourni des documents attestant la perception de revenus issus de la commercialisation d’une production laitière, d’une production végétale ou d’animaux d’élevage, parmi les documents recueillis lors des contrôles ex post effectués lors de l’enquête RD 1/2009/804/LT.

72      Quatrièmement, la République de Lituanie indique que les autorités lituaniennes ont appliqué le critère tiré de la taille économique de l’exploitation, pourvu que celle-ci corresponde au minimum à une unité de dimension européenne, en l’absence de données attestant l’exercice d’une activité agricole commerciale selon les trois critères mentionnés aux points 69 à 71 ci-dessus ou en complément des données attestant l’exercice d’une telle activité par application de l’un de ces trois critères.

73      La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

74      Aux termes de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, la Commission évalue les montants à exclure, au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. À cet effet, elle tient compte de la nature de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. En outre, elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer, notamment, des corrections forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union (arrêt du 17 décembre 2020, France/Commission, C‑404/19 P, EU:C:2020:1041, point 49).

75      Ainsi, une distinction est opérée entre les corrections ponctuelles des montants indûment dépensés par les États membres et les corrections forfaitaires (arrêt du 17 décembre 2020, France/Commission, C‑404/19 P, EU:C:2020:1041, point 50). Les corrections ponctuelles ne sont appliquées que lorsque les montants indûment dépensés peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés et, si tel n’est pas le cas, les corrections extrapolées ou forfaitaires sont d’application (arrêt du 11 novembre 2021, Grèce/Commission, C‑106/20 P, non publié, EU:C:2021:914, point 78).

76      Dans ce cadre, l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18), dispose que, lorsque la Commission ne peut déterminer les montants indûment dépensés en déployant des efforts proportionnés, les États membres peuvent, dans le respect des délais prévus par la Commission durant la procédure d’apurement de conformité, soumettre des données relatives à la vérification de ces montants sur la base d’un examen des différents cas potentiellement concernés par la non-conformité.

77      Par ailleurs, l’article 12, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 fixe les exigences auxquelles doivent satisfaire les données transmises par les États membres, s’ils souhaitent bénéficier de l’application, notamment, d’une correction ponctuelle conformément au paragraphe 2 du même article, lorsque les montants indûment dépensés ne peuvent pas être déterminés par la Commission en déployant des efforts proportionnés (arrêt du 11 novembre 2021, Grèce/Commission, C‑106/20 P, non publié, EU:C:2021:914, point 83).

78      En particulier, l’article 12, paragraphe 4, sous c) et d), du règlement délégué no 907/2014 prévoit que, afin de prendre en considération les résultats soumis par les États membres, la Commission doit être en mesure de vérifier le contenu et les résultats, notamment, de la détermination qui lui est soumise et d’obtenir des éléments probants, pertinents et en quantité suffisante en ce qui concerne les données sous-jacentes.

79      Enfin, conformément à une jurisprudence constante en matière de procédure d’apurement des comptes des fonds agricoles, la Commission bénéficie d’un allègement de l’exigence de preuve. Il appartient à cette dernière non pas de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. L’État membre, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle. Il lui incombe de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles et de ses chiffres (voir arrêt du 17 juin 2021, Lituanie/Commission, C‑153/20 P, non publié, EU:C:2021:494, point 133 et jurisprudence citée).

80      Dans ce cadre, il incombe au Tribunal d’examiner la légalité des décisions de corrections financières prises par la Commission à l’issue de tels contrôles au regard des éléments soumis à son examen et de vérifier si elle n’a pas commis d’erreur quant aux conséquences financières à tirer des irrégularités constatées (voir arrêt du 17 juin 2021, Lituanie/Commission, C‑153/20 P, non publié, EU:C:2021:494, point 134 et jurisprudence citée).

81      C’est au regard de ces dispositions et de ces principes qu’il convient d’examiner le deuxième moyen, tiré d’une violation, d’une part, de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et, d’autre part, des principes de proportionnalité et de coopération loyale.

82      À cet égard, il convient de relever que la République de Lituanie ne conteste pas la défaillance des autorités compétentes dans le contrôle clé de la condition d’éligibilité relative à l’exercice, par les bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée, d’une activité agricole commerciale avant l’octroi de ladite aide, mais uniquement l’évaluation par la Commission des conséquences financières résultant de cette défaillance.

83      En l’espèce, il y a lieu pour le Tribunal d’apprécier si les nouvelles données issues des contrôles complémentaires effectués par les autorités lituaniennes revêtaient un caractère suffisamment probant aux fins de vérifier, de manière rétroactive, la condition afférente à l’exercice d’une activité agricole commerciale par les demandeurs lors de l’octroi de l’aide à la retraite anticipée et si, par voie de conséquence, ces données permettaient de déterminer précisément les montants indûment dépensés par les autorités lituaniennes dans le cadre de la mise en œuvre de cette mesure.

 Sur les nouvelles données relatives aux ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers

84      Il convient de rappeler que le seul fait de s’être vu accorder un quota laitier ne permet pas de conclure à l’exercice d’une activité agricole commerciale par un exploitant agricole (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2020, Lituanie/Commission, C‑79/19 P, EU:C:2020:129, point 46).

85      En effet, dans la mesure où l’objectif principal de l’aide à la retraite anticipée est d’inciter les agriculteurs à cesser leur activité agricole alors qu’ils ne le feraient normalement pas, c’est-à-dire lorsque cette activité leur procure des revenus, le fait d’exercer une activité agricole afin de satisfaire ses besoins et ceux de sa famille ne saurait être assimilé à l’exercice d’une activité génératrice de revenus (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2016, Pologne/Commission, C‑210/15 P, non publié, EU:C:2016:529, points 45 et 46).

86      Parmi les exploitations qui sont enregistrées dans la base de données des quotas laitiers, seules celles qui généraient des revenus réels et non négligeables répondent ainsi au critère d’exercice d’une activité agricole commerciale au sens de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1257/1999 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1698/2005 (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2020, Lituanie/Commission, C‑79/19 P, EU:C:2020:129, point 53).

87      En l’espèce, d’une part, la République de Lituanie fait valoir que, en cas de ventes directes de lait, les agriculteurs devaient tenir une comptabilité mensuelle et déclarer les données recoupées avec les chiffres généraux de la production laitière agricole et les capacités de l’exploitation. Elle ajoute que, dans tous les cas, les déclarations étaient fournies aux autorités compétentes et que les données transmises étaient vérifiées.

88      D’autre part, la République de Lituanie explique, en substance, que, en cas de ventes de lait à des fins de transformation, tant les agriculteurs que les acheteurs devaient déclarer l’opération, de sorte qu’un double système de notification ou de déclaration permettait de vérifier la réalité et l’exactitude des données à partir de leurs différentes sources de communication.

89      Cependant, d’abord, il ne ressort pas du dossier soumis au Tribunal que, lorsqu’elles ont soumis de nouvelles données à la Commission dans leur demande de conciliation du 2 mai 2019 et dans leur lettre du 27 septembre 2019, les autorités lituaniennes auraient procédé à une ventilation des ventes directes de lait et des ventes aux fins de transformation.

90      Ensuite, il ressort des explications avancées par la République de Lituanie dans la requête que les nouvelles données relatives aux ventes directes de lait sont issues de la base de données des quotas laitiers, selon les informations déclarées par les agriculteurs et donc par les demandeurs eux-mêmes.

91      En outre, au cours de la procédure administrative, les autorités lituaniennes ont déclaré qu’un nombre important d’agriculteurs vendaient directement leur production à des voisins ou sur les marchés sans conserver de preuves de ces transactions.

92      Enfin, les explications fournies et les preuves produites par la République de Lituanie ne démontrent pas que les déclarations effectuées par les agriculteurs ainsi que, dans le cas des ventes à des fins de transformation, les déclarations effectuées par les acheteurs ont, au moment de leur retranscription dans la base de données des quotas laitiers, été vérifiées à partir de documents comptables établis par ces derniers ou bien à partir de factures ou de bons de commande.

93      Ainsi, les nouvelles données relatives aux ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers ne revêtaient pas un caractère suffisamment probant, tel que cela était exigé par l’article 12, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014, et la Commission était fondée à douter de la fiabilité de ces nouvelles données, en l’absence de pièces justificatives telles que des factures ou des bons de commande.

94      Par conséquent, il ne ressort pas des pièces produites devant le Tribunal que, au cours de la procédure administrative, les autorités lituaniennes ont apporté des preuves qui démontraient que les ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers permettaient aux agriculteurs concernés de percevoir des revenus réels et non négligeables, ainsi que l’exigeait la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, avant qu’ils n’aient bénéficié de l’aide à la retraite anticipée.

95      À cet égard, la République de Lituanie ne peut utilement soutenir que la base de données des quotas laitiers était gérée conformément aux articles 5, 6, 11 et 14 du règlement (CE) no 1392/2001 de la Commission, du 9 juillet 2001, portant modalités d’application du règlement (CEE) no 3950/92 du Conseil établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO 2001, L 187, p. 19), au règlement (CE) no 1788/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant un prélèvement dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO 2003, L 270, p. 123), et au règlement (CE) no 595/2004 de la Commission, du 30 mars 2004, portant modalités d’application du règlement no 1788/2003 (JO 2004, L 94, p. 22).

96      En effet, il ne ressort pas des dispositions des règlements nos 1392/2001, 1788/2003 et 595/2004 que, à l’occasion des déclarations annuelles relatives, d’une part, aux ventes directes, c’est-à-dire aux quantités de lait vendues directement à la consommation, et, d’autre part, aux quantités de lait livrées, à savoir aux quantités vendues à des fins de transformation, les producteurs et les acheteurs de lait devaient accompagner lesdites déclarations de justificatifs comptables ou commerciaux attestant la réalité des ventes de lait ainsi déclarées.

97      Certes, le système des quotas laitiers institué par le règlement no 1392/2001, puis par le règlement no 595/2004, imposait aux autorités nationales de vérifier l’exactitude des données relatives aux livraisons et aux ventes directes de lait communiquées, respectivement, par les acheteurs et par les producteurs de lait.

98      À cet effet, l’article 14 du règlement no 1392/2001, dont le contenu a été repris à l’article 24 du règlement no 595/2004, imposait aux acheteurs et aux producteurs de tenir à la disposition des autorités compétentes de l’État membre concerné, pendant au moins trois ans à compter de la fin de l’année d’élaboration des documents, la comptabilité « matière » par période de douze mois permettant d’attester de la réalité des opérations commerciales de livraisons et de ventes directes de lait.

99      Toutefois, la Commission a indiqué, sans être contredite sur ce point par la République de Lituanie, ne disposer d’aucune information selon laquelle cette comptabilité « matière » des acheteurs et des producteurs de lait aurait été contrôlée par les autorités lituaniennes afin de confirmer l’exactitude des données relatives aux livraisons et aux ventes de lait que lesdits acheteurs et producteurs avaient déclarées.

100    En outre, il ne ressort pas des conclusions de l’audit LA/2005/11/LT effectué par la Commission du 4 au 8 avril 2005, dont la République de Lituanie se prévaut, que les déclarations des quantités de lait livrées ou vendues directement à la consommation auraient fait l’objet d’un contrôle de la part des autorités lituaniennes, sur la base de la comptabilité « matière » ou de justificatifs des transactions commerciales que ces autorités pouvaient réclamer aux acheteurs et aux producteurs de lait.

101    Au contraire, il résulte des conclusions de cet audit relatives au système des quotas laitiers que les informations fournies par les autorités lituaniennes à la Commission montraient que la qualité de la vérification des données déclarées, laquelle incombait au centre d’information agricole et des entreprises rurales, devait encore être améliorée et qu’il n’était pas possible à la Commission de procéder à une évaluation univoque de la situation.

102    Dans ces conditions, c’est à bon droit que la Commission a considéré que les données relatives aux ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers n’apportaient pas une preuve suffisante de l’exercice d’une activité agricole commerciale de la part des producteurs de lait qui avaient été admis au bénéfice de la mesure d’aide à la retraite anticipée.

103    Les autres arguments avancés par la République de Lituanie devant le Tribunal ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

104    Premièrement, la République de Lituanie soutient que les arrêtés nos 529 et 3D-495 du ministre de l’Agriculture, en date, respectivement, du 31 décembre 2002 et du 20 novembre 2003, ont mis en place un système clair et rigoureux garantissant la réalité, la fiabilité et la traçabilité des données figurant dans la base de données des quotas laitiers.

105    Or, il ne ressort pas des arrêtés susmentionnés que les déclarations aux autorités publiques des quantités de lait achetées ou vendues directement à la consommation, lesquelles incombaient aux acheteurs et aux producteurs, devaient être accompagnées des justificatifs des transactions commerciales ou de documents comptables. Il ne ressort pas non plus de ces arrêtés une obligation de contrôle systématique de la comptabilité « matière » des producteurs et des acheteurs de lait par les autorités de contrôle.

106    Deuxièmement, si la République de Lituanie fait valoir que la base de données des quotas laitiers a été contrôlée par la Cour des comptes européenne, elle ne précise pas les références du ou des rapports de cette institution dont elle entend se prévaloir.

107    Troisièmement, la République de Lituanie se prévaut de l’arrêt du 22 novembre 2018, Lituanie/Commission (T‑508/15, non publié, EU:T:2018:828), en ce sens que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les doutes de la Commission auraient été fondés sur la considération que les autorités lituaniennes n’avaient pas transmis, précédemment, les données relatives à la réalité des ventes de lait, alors que, dans la présente affaire, les nouvelles données fournies par lesdites autorités seraient suffisamment probantes quant au caractère commercial de l’activité agricole des bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée.

108    Or, il y a lieu de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 novembre 2018, Lituanie/Commission (T‑508/15, non publié, EU:T:2018:828), la République de Lituanie a fait valoir que l’enregistrement des demandeurs, à savoir des agriculteurs, dans des bases de données agricoles telles que celle relative aux quotas laitiers, permettait de démontrer à suffisance l’exercice d’une activité agricole commerciale.

109    C’est dans ce contexte, et à la lumière des éléments de preuve produits pour soutenir cette allégation spécifique, que le Tribunal a considéré que la République de Lituanie n’était pas parvenue à lever le doute sérieux et raisonnable de la Commission concernant l’octroi éventuel du bénéfice de l’aide à la retraite anticipée à des exploitants agricoles qui, bien qu’ils aient été enregistrés dans la base de données des quotas laitiers, ne possédaient qu’une seule vache et ne pouvaient donc pas être considérés comme percevant un revenu dans le cadre d’une activité agricole à des fins commerciales.

110    Il s’ensuit que, dans l’arrêt du 22 novembre 2018, Lituanie/Commission (T‑508/15, non publié, EU:T:2018:828), le Tribunal ne s’est pas prononcé sur le caractère suffisamment probant des ventes de lait figurant dans la base de données des quotas laitiers pour démontrer le caractère commercial de l’activité agricole des agriculteurs figurant dans cette base. Ainsi, cet arrêt ne peut être interprété en ce sens que l’inscription des ventes de lait dans la base de données des quotas laitiers serait suffisante pour démontrer la réalité desdites ventes de lait, et, plus généralement, le caractère commercial de l’activité agricole des agriculteurs ayant prétendument procédé à de telles ventes.

111    Quatrièmement, d’une part, la République de Lituanie fait en substance valoir que l’exigence de la Commission tendant à ce que les autorités compétentes lui communiquent la totalité des factures susceptibles de prouver l’exercice d’une activité agricole commerciale par les bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée est infondée. En effet, l’obligation qui incombe à un État membre de mettre en place un système de contrôle des aides financées par les fonds agricoles européens n’impliquerait pas nécessairement une obligation de collecte de l’ensemble des documents liés aux contrôles.

112    D’autre part, elle soutient qu’une telle exigence est disproportionnée en l’espèce, dans la mesure où les documents dont la Commission exige la production sont très anciens et où il est difficile, voire impossible, de les retrouver, en raison de l’expiration du délai légal de l’obligation de conservation de ces documents.

113    À cet égard, il y a lieu de rappeler que c’est à bon droit que la Commission a considéré que les données relatives aux ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers n’apportaient pas une preuve suffisante de l’exercice d’une activité agricole commerciale de la part des producteurs de lait qui avaient été admis au bénéfice de la mesure d’aide à la retraite anticipée (voir point 102 ci-dessus). Dans ces circonstances, la Commission était fondée à exiger des autorités lituaniennes la production de tout justificatif de nature comptable ou commerciale, tels que des factures, afin d’établir, a posteriori, le caractère commercial de l’activité agricole exercée par les demandeurs avant l’octroi de l’aide et ainsi d’éviter l’application d’une correction forfaitaire.

114    Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que la Commission aurait exigé des autorités lituaniennes la communication de la totalité des factures correspondant aux ventes de lait extraites de la base de données des quotas laitiers.

115    Au contraire, il ressort de la procédure administrative et des écritures de la Commission que cette dernière était disposée à prendre en compte, aux fins de déterminer précisément le préjudice financier causé à l’Union, d’autres documents attestant la réalité des ventes de lait, tels que des bons de commande obtenus auprès des acheteurs de lait.

116    Cinquièmement, la République de Lituanie fait valoir que l’exigence de la Commission tendant à la communication de documents comptables a été énoncée uniquement dans les conclusions de la Commission du 18 décembre 2019 et dans le rapport de synthèse du 19 mai 2020, de sorte qu’une telle exigence revêtirait un caractère nouveau et contradictoire avec la position adoptée antérieurement par la Commission, notamment dans le cadre de l’enquête RD 3/2017/009/LT.

117    Toutefois, cet argument manque en fait, puisque, dans la lettre adressée par la Commission à l’organe de conciliation le 28 mai 2019, cette dernière a relevé que les nouvelles données fournies par les autorités lituaniennes n’étaient pas assorties de justificatifs de ventes, ce qui incluait nécessairement la notion de factures et, le cas échéant, de bons de commande.

118    Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que les arguments concernant les nouvelles données relatives aux ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers qui ont été invoqués par la République de Lituanie au soutien du moyen tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 doivent être rejetés.

 Sur les autres données transmises par les autorités lituaniennes à l’occasion de la demande de conciliation

119    Il convient de rappeler que le juge de l’Union peut rejeter un moyen ou un grief comme étant inopérant lorsqu’il constate que celui-ci n’est pas de nature, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l’annulation poursuivie (voir arrêt du 1er septembre 2021, KN/CESE, T‑377/20, EU:T:2021:528, point 203 et jurisprudence citée).

120    En l’espèce, il ressort des nouvelles données issues des contrôles complémentaires effectués en 2019 par les autorités lituaniennes que l’interrogation rétroactive de la base de données des quotas laitiers visait à attester l’exercice d’une activité agricole commerciale concernant 14 647 bénéficiaires de la mesure d’aide à la retraite anticipée sur un total de 15 317, ce qui correspond à 95,6 % des demandeurs et, selon les indications de la République de Lituanie, à 93,4 % des paiements effectués sur la période allant du 1er octobre 2013 au 3 juin 2018.

121    Or, les autres données produites par les autorités lituaniennes à partir, premièrement, de la base de données recensant les ventes d’animaux d’élevage, deuxièmement, de la collecte de documents justificatifs et, troisièmement, de la dimension économique des exploitations agricoles concernent des sous-groupes de bénéficiaires de la mesure d’aide à la retraite anticipée qui sont distincts du sous-groupe des bénéficiaires comptabilisés au titre des ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers.

122    Ainsi, de telles données complémentaires ne concernent que 665 des 15 317 bénéficiaires, soit 4,3 % des demandes ayant donné lieu à 6,57 % des aides à la retraite anticipée versées pendant la période allant du 1er octobre 2013 au 3 juin 2018, de sorte que ces données, quel que soit leur caractère probant, sont insusceptibles de modifier le constat selon lequel la Commission n’est pas en mesure de mettre en évidence les montants indûment dépensés au titre de la mesure d’aide à la retraite anticipée pour 93,4 % des paiements effectués sur la période considérée.

123    Partant, les données complémentaires relatives aux trois sous-groupes de bénéficiaires de la mesure d’aide à la retraite anticipée qui sont distincts du sous-groupe des bénéficiaires comptabilisés par les autorités lituaniennes au titre des ventes de lait issues de la base de données des quotas laitiers demeurent sans incidence sur l’impossibilité de déterminer de manière exacte le préjudice financier causé à l’Union par l’absence de contrôle, par les autorités lituaniennes, entre le 1er mai 2004 et le 16 septembre 2009, de la condition d’éligibilité tenant à l’exercice d’une activité agricole commerciale à laquelle devaient satisfaire les exploitants agricoles lors de l’octroi de l’aide à la retraite anticipée.

124    Dès lors, il y a lieu de rejeter comme étant inopérant l’argumentaire de la République de Lituanie fondé, premièrement, sur la base de données relative à l’enregistrement des ventes des animaux d’élevage, deuxièmement, sur la collecte de documents justificatifs et, troisièmement, sur la dimension économique des exploitations agricoles.

125    Ainsi, il résulte de ce qui précède que, la Commission étant fondée, au vu du caractère insuffisamment probant des seules données issues de la base de données des quotas laitiers, à adopter une correction forfaitaire et non une correction ponctuelle, aux fins d’exclure du financement de l’Union les dépenses au titre de la mesure d’aide à la retraite anticipée pour la période allant du 16 octobre 2013 au 30 juin 2018 qui n’avaient pas été effectuées conformément au droit de l’Union, le grief tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 doit être rejeté.

126    S’agissant des griefs tirés de la violation des principes de proportionnalité et de coopération loyale, ils doivent être rejetés pour des motifs analogues à ceux mentionnés au point 64 ci-dessus.

127    Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation au regard de l’article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014 ainsi que de la violation des principes de proportionnalité et de coopération loyale

128    La République de Lituanie fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que le montant du préjudice causé aux fonds de l’Union calculé par les autorités lituaniennes était nettement plus faible que le montant maximal de 50 000 euros prévu à l’article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014, en dessous duquel la Commission peut ne pas appliquer de correction financière.

129    La Commission conclut au rejet de ce moyen comme non fondé.

130    À cet égard, l’article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014 institue un seuil dit « de minimis » qui laisse la possibilité à la Commission de ne pas poursuivre une enquête d’apurement de conformité lorsque l’éventuelle correction financière ne dépasse pas 50 000 euros et, cumulativement, 2 % des dépenses concernées ou des montants à recouvrer (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Bulgarie/Commission, T‑22/18, non publié, EU:T:2019:878, point 147).

131    En l’espèce, la République de Lituanie soutient, en substance, que la part des dépenses non justifiées s’élevait à 33 244 euros, ce qui correspondrait à un pourcentage de 0,08 %, de sorte que, eu égard au seuil de minimis fixé par l’article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en ne faisant pas application de cette disposition.

132    Or, premièrement, il résulte des points 102 et 120 ci-dessus que l’interrogation rétroactive de la base de données des quotas laitiers n’a pas permis aux autorités lituaniennes d’établir l’exercice d’une activité agricole commerciale concernant 14 647 bénéficiaires de la mesure d’aide à la retraite anticipée, ce qui correspond, selon les indications figurant dans la lettre du 27 septembre 2019 desdites autorités, à une part des paiements s’élevant à 41 780 675,68 euros, soit 93,40 % des dépenses concernées.

133    Il en résulte que la prémisse résumée au point 131 ci-dessus, sur laquelle repose le troisième moyen et selon laquelle la part des dépenses non justifiées s’élevait, dans la présente affaire, à moins de 50 000 euros, n’est pas établie.

134    Deuxièmement, la République de Lituanie n’apporte pas d’éléments de nature à démontrer que le taux de correction de 5 % retenu par la Commission serait disproportionné ou ne correspondrait pas au risque financier causé au Feader, alors que la part des dépenses susceptibles d’être affectées par la non-conformité résultant de l’absence de contrôle, par les autorités lituaniennes, de la condition d’éligibilité afférente à l’exercice d’une activité agricole commerciale par les bénéficiaires de l’aide à la retraite anticipée avant l’octroi de l’aide dépasse 93 % des dépenses concernées par la correction financière.

135    Dans ces conditions, la République de Lituanie n’a pas établi que l’article 35, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014 trouvait à s’appliquer à sa situation et que le principe de proportionnalité avait été méconnu à cet égard.

136    S’agissant du grief tiré de la violation du principe de coopération loyale, il doit être rejeté pour des motifs analogues à ceux mentionnés au point 64 ci-dessus.

137    Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur les dépens

138    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Lituanie ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Lituanie est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le lituanien.

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